1 : Qu’est-ce que l’antisémitisme ?

Rappelons ce qui est une évidence, cependant rarement totalement  définie :

L’anti-sémitisme est une doctrine raciste. Elle s’est développée durant le dernier tiers du XIXème siècle et découle de l’avènement du racialisme dans les grilles d’interprétations anthropologiques et historiques des savants occidentaux. Elle considère que l’élément racial sémite est fondamentalement indissoluble dans l’élément racial indo-européen, lequel domine l’occident. Plus encore, elle désigne le sémite comme racialement « inférieur » à l’européen. Il est inférieur, certes, mais on le place, dans la hiérarchie civilisationnelle, juste après le caucasien.

Ce faisant, les “sémites” seraient les ennemis des “aryens”, leurs rivaux, et ne cesseraient de chercher à les corrompre, à les détruire, à les coloniser, à les transformer, pour finalement les vaincre. La grille interprétative racialiste implique en effet la « conscience de race », la « subjectivité » des peuples et donc la solidarité et les « buts de guerre » communs (et conscients) chez tous les membres d’un même groupe ethnique.

Cette idée racialiste d’une solidarité génétique s’imposant à la volonté, à la culture, à la religion, au patriotisme, et à la solidarité humaine, qui guiderait les peuples à s’unir contre l’adversité pour la combattre et la conquérir est la base de l’idéologie nationale socialiste. Selon Hitler, les allemands seraient la cime de la race-civilisation aryenne, mais ils seraient dégénérés, car ils auraient cessés d’être à l’écoute de leur subjectivité ethnique.

Rappelons que le « sémitisme » est définie selon une logique linguistique, laquelle sous-tend la construction anthropologique de la race. Un européen est fondamentalement un indo-européen, un « descendant de Japhet » tandis qu’un sémite est, selon la même arborescence d’inspiration biblique, un « descendant de Sem ». Les “sémites” regroupent tous les locuteurs de la langue sémitique : araméens, éthiopiens, hébreux et arabes… L’antisémitisme s’oppose donc avec la même virulence au « juif » considéré dans son essentialité hébraïque et donc sémitique (dont le problème est qu’il vit au contact du « caucasien ») qu’à « l’arabe ». Ce dernier est le peuple sémite le plus important, l’ennemi de « l’européen », depuis 12 siècles, tapis de l’autre côté de la Méditerranée, prêt à bondir…

L’anti-sémitisme n’est pourtant que la transposition raciale de l’altérité religieuse précédente. En effet, jusqu’au XVIIIème siècle, ce qui oppose l’Occident au reste du monde, c’est sa religion. Ainsi, l’occident est catholique romain (et puis protestant bien sûr) ; le reste du monde est musulman, juif, orthodoxe, polythéiste…

Au XIXème siècle, l’irréligion domine, concomitamment avec l’avènement du darwinisme, et de son volet social et anthropologique. Il ne s’agit donc plus, pour les occidentaux, de trouver dans la religion leur « raison d’être opposé », la création de leur adversité, l’invention de leur altérité. Désormais, la racialisation permet d’expliquer autrement l’essentialisme européen, défini par, et pour l’européen. Jusque là, son identité était son christianisme latin.

Ainsi, les racialistes, tous athées qu’ils sont, n’en sont pas moins issus de cet univers identitaire catholique romain. Lorsqu’ils définissent le sémite, il n’y a rien d’autre à leurs yeux que ce que le chrétien du siècle précédent voyait dans le judéo-musulman.

L’autre de la “république chrétienne” reste l’autre dans la société raciale… A une différence près : dans la république chrétienne, l’autre peut devenir chrétien, et on oubliera, après une ou deux générations, son abominable ascendance. Dans l’Europe raciste, l’autre reste un autre, même devenu citoyen français, allemand, russe…

Il y a donc une spécificité proto-anti-sémite à la civilisation catholique romaine pré-darwinienne