Dans la matinée du 17, il arriva une circonstance qui fit en ma faveur un changement considérable. Les trois marchands maures qui, depuis leur arrivée à Kamalia, avaient toujours logé sous la protection de Karfa et avaient gagné l’estime de tous les buschréens, par les apparences d’une grande sainteté, firent subitement leurs paquets et, sans même faire à Karfa un remerciement pour toutes ses bontés, passèrent les montagnes pour aller à Bala. Chacun fut surpris de ce départ inattendu ; mais l’affaire s’éclaircit le soir par l’arrivée du marchand du Fezzan qui venait de Kancaba et dont j’ai parlé plus haut. Il assura à Karfa que ces marchands maures lui avaient emprunté tout leur sel et toutes leurs marchandises et qu’ils l’avaient envoyé chercher pour venir à Kamalia recevoir leur paiement. Lorsqu’on lui eut dit qu’ils étaient partis du côté de l’ouest, il essuya avec la manche de son habit une larme de chacun de ses yeux et s’écria : « Ces skirrukas (voleurs) sont mahométans ; mais ce ne sont pas des hommes ; ils m’ont volé deux cents minkallis. »
J’appris par ce marchand la prise qu’avaient faite les Français de notre convoi de la Méditerranée, en octobre 1795.