Euthéria-Egeria-Sylvia, v. 380

VISITE DE LA VALLÉE DU JOURDAIN

Après avoir passé quelques temps à cet endroit, mon désir, à l’appel de Dieu, était de me rendre aussi loin qu’en Arabie, au Mt Nebo que Dieu avait ordonné à Moise de gravir, lui disant : Monte au sommet du Mt des Arabot, au Mt Nebo, qui est au pays de Monb, au dessus, face à Jericho, et surplombe le pays de Canaan,que j’ai donné comme prossession aux enfants d’Israel, et tu mourreras sur ce mont, en y montant. 

Alors, Jesus, Notre Seigneur, qui n’abandonne pas ceux qui espèrent en lui, daigna donner effet à mon voeu.

Ainsi, partant de Jérusalem et cheminant avec les hommes saints, avec un prêtre et les diacres de Jérusalem et avec certains frères, des moines, nous arrivâmes à ce lieu du Jourdain, où les enfants d’Israël avaient traversé lorsque St Josué, fils de Nun, les avait conduit au delà du Jourdain, comme il est écrit dans le livre de Josué, fils de Nun. ON nous a montré, un peu plus haut, l’endroit où les fils de Ruben et de Gad et la demi-tribu de Manassé avaient érigé un autel, sur la rive opposée à Jericho. Traversant le fleuve, nous entrâmes dans une cité appelée Livias (Bet Harran), qui est dans la plaine où les enfants d’Israël campèrent en ce temps là, et les fondations du camp des enfants d’Israël et les habitations où ils demeurèrent y subsistent à ce jourLa plaine est très vaste, au pied des montagnes de l’Arabie au dessus du Jourdain, c’est le lieu dont il est écrit : 

“Et les enfants d’Israël pleurèrent Moïse dans les Arabot de Moab sur le Jourdain en face de Jéricho, 40 jours durant !”

C’est l’endroit où, après la mort de Moïse, Josué, fils de Nun, fut aussitôt empli de l’esprit de sagesse, car Moïse avait apposé ses mains sur lui, comme il est écrit.

C’est l’endroit où Moïse écrivit le livre du Deutéronome, […] et alors Moïse, saint homme de Dieu, bénit les enfants d’Israël, un par un, dans l’ordre, avant sa mort. 

Ainsi, lorsque nous arrivâmes à cette plaine, nous nous rendîmes à ce lieu même, et la prière fut faite, ici, et une certaine partie du Deutéronome fut récitée, ainsi que son discours, avec la bénédiction qu’il prononça sur les enfants d’Israël.

Après la lecture, la prière fut faite une seconde fois, et en rendant grâce à Dieu, nous y passâmes. Car il a toujours été d’usage chez nous que chaque fois que nous avons réussi à atteindre les lieux que nous désirions visiter, la prière était lue à l’endroit même avant de lire le Livre, puis un psaume approprié était récité, puis une prière à nouveau. Au commandement de Dieu nous tînmes toujours à cette coutume, chaque fois que nous pûmes nous trouver sur les lieux que nous désirions.

Après cela, l’oeuvre commencée devant être achevée, nous accélérâmes pour atteindre le mont Nebo. En s’y rendant, le prêtre de Livias, à qui nous avions demandé de nous accompagner, parce qu’il connaissait bien l’endroit, nous informe, en disant :

“Si vous voulez voir l’eau qui coule de la roche, que Moïse donna aux enfants d’Israël, quand ils avaient soif, vous pouvez le voir si vous êtes prêt à entreprendre la tâche d’aller à environ six m. de la route.”

Quand il eut dit cela, nous souhaitâmes très vivement y aller, et en nous détournant de notre chemin, nous suivîmes le prêtre qui nous y conduisit. Ence lieu il y a une petite église sous une montagne, pas le Nebo, mais une autre hauteur derrière, non loin de Nebo. Un très grand nombre de saints-moines y résident, qu’on appelle ici ascètes.

Ces saints moines daignèrent nous recevoir très gentiment, et nous permirent d’aller les saluer. Lorsque nous entrâmes en prière avec eux, ils daignèrent nous donner l’eulogiae, dont ils ont coutume de donner à ceux qu’ils reçoivent avec bonté. Là, au milieu, entre l’église et les cellules, il coule de la roche une grande gerbe d’eau, très belle et limpide, et excellente au goût.

Ensuite, nous demandâmes à ces saints moines qui habitaient là quelle était cette eau d’un si bon goût, et ils dirent :

“C’est l’eau que donna St Moïse aux enfants d’Israël dans ce désert”

Ainsi, la prière fut faite, et, selon la coutume, on lut les livres de Moïse, puis les psaumes, puis – avec le saint clergé et les moines qui étaient venus avec nous – nous nous rendîmes à la montagne. Beaucoup de saints moines qui habitaient aussi sous cette eau, et qui pouvait s’occuper de la tâche, daignèrent monter sur le mont Nebo avec nous. Donc, de là, nous arrivâmes au pied du mont Nebo, qui était très haut mais dont la plus grande partie pouvait être gravie à dos d’âne, mais un petit raidillon dût être péniblement gravi à pied, ce qui fut fait.

MOUNT NEBO

Parvenus au sommet de cette montagne, il y a maintenant une église. À l’endroit où se trouve l’ambon je vis un emplacement un tout petit peu plus élevé dont les dimensions étaient celles qu’ont d’ordinaire les tombeaux. Alors je demandai aux saints moines ce que c’était et ils me répondirent :

« C’est ici que Moïse a été déposé par les anges, puisque comme il est écrit, « aucun homme ne connaît sa sépulture ». Ce sont les anciens qui ont résidé ici qui nous ont montrés où il a été déposé et de même nous aussi nous vous le montrons et ces anciens eux-mêmes disaient qu’ils tenaient cette tradition de plus anciens qu’eux » On fit ensuite une prière, puis nous sommes sortis de l’église.

Alors ceux qui connaissaient les lieux, prêtres et saints moines nous dirent :

« Si vous voulez voir les lieux dont il est parlé dans les livres de Moïse, venez dehors devant la porte de l’église et de ce sommet aussi loin du moins qu’on peut le voir d’ici, regardez attentivement. Nous vous nommerons les lieux que vous verrez. »

Ceci nous ravit et nous sortîmes aussitôt. De la porte de l’église, nous vîmes l’endroit où le Jourdain entre dans la mer Morte, et c’était exactement au pied de l’endroit où nous nous tenions. Puis, en face de nous, nous vîmes Livias, de ce côté-ci du Jourdain et Jéricho au-delà, car la hauteur sur laquelle nous nous tenions, devant la porte de l’église, faisait saillie sur la vallée. En fait, de là, on peut voir l’essentiel de la Palestine, la Terre Promise et toute la région du Jourdain aussi loin que porte la vue. […]

Sur le côté gauche, nous vîmes toutes les terres des Sodomites et Segor qui est la seule des 5 villes qui existe aujourd’hui. Il y a un mémorial, mais rien ne subsiste des autres villes, sauf un monceau de ruines, commes si elles avaient été transformées en cendres. L’endroit où était l’inscription de femme de Lot nous fut désigné, laquelle place figure dans les Écritures. Mais croyez-moi, Mes Révérente Dames, le pilier lui-même ne peut être visité, seul le lieu est indiqué, le pilier aurait été recouvert par la mer Morte.

Ainsi, lorsque découvrîmes le lieu, nous ne vîmes nul pilier, je ne peux donc vous tromper dans ce domaine. L’évêque du lieu, qui est de Segor, nous dit qu’il y a encore quelques années le pilier était visible. L’endroit où se tenait le pilier est à environ 6 miles de Segor, et l’eau couvre aujourd’hui l’ensemble de cet espace. Puis nous sommes allés sur le côté droit de l’église, à la porte et en face de nous deux cités furent signalées, l’une Esebon, maintenant appelé Exebon, qui appartenait à Seon, roi des Amoréens, et l’autre, maintenant appelé Sasdra, la cité de Og, roi de Basan. Fogor, qui était une ville du royaume d’Edom, a également été soulignée, en face de nous. Toutes ces cités étaient situées sur les montagnes. Puis on nous a dit que, dans les jours où saint Moïse et les enfants d’Israël avaient combattus ces cités, ils avaient campé là, et les signes d’un campement étaient visibles. Du côté de la montagne que j’ai appelé la gauche, qui était sur la mer Morte, une montagne très haute nous a été montré, elle était autrefois appelé Speculum Agri. C’est la montagne sur laquelle Balak, fils de Beor maudit les enfants d’Israël, et Dieu ne l’admit pas, comme il est écrit.

Lorsque nous eûmes vu tout ce que nous désirions, nous nous en retournâmes, au nom de Dieu, à Jérusalem, en passant par Jéricho et la même route que celle que nous avions empruntée pour venir.