Nasir-i-Khusrau, Voyage : Jourdain et Mer Morte, v. 1040

De là, nous passâmes à un autre village, appelé A’bilin, où se trouve le tombeau de Hud – la paix soit sur lui! – que je visitai. Dans son enceinte se trouve un mûrier et c’est également le tombeau du prophète Uzair -la paix soit sur lui !- que je visitai. Et de là, vers le Sud, nous arrivâmes à un village appelé Hadhira, et la sortie West de ce village est une vallée. Dans cette vallée se trouve une source d’eau claire jaillissant d’un rocher, et à flanc de rocher, on a bâti une mosquée. Dans cette mosquée sont deux cella construites en pierre, avec le plafond même de pierre, la porte de celle-ci est si petite que l’homme ne peut entrer qu’avec difficulté. A l’intérieur, il y a 2 tombeaux, placés côte à côte à proximité, dont l’un est celui de Shu’aib (Jethro) – la paix soit sur lui! – Et l’autre celle de sa fille, femme de Musa – sur lui, aussi, la paix!- Les gens du village sont assidus dans le respect de la mosquée et balayent les tombes.

De là, nous allâmes à un village appelé Arbil (Irbid) sur le côté sud duquel se dresse une montagne, et sur la montagne est une enceinte, qui contient 4 tombes identiques – ceux des fils de Ya’qub – -que la paix soit sur lui -! qui étaient les frères de Yusuf – sur lui, aussi, la paix!- Et de là je suis arrivé à une colline, au dessous de laquelle se trouvait une caverne, dans laquelle se trouvait la tombe de la mère de Moïse – la paix sur elle!- Que j’ai aussi visité. 

En quittant cet endroit, nous atteignîmes une vallée, au fond de laquelle on voyait le lac et la cité de Tabariyya (Tiberiade), sur son rivage. La longueur du lac est de 6 farsakh, et sa largeur peut être de 3. L’eau du lac est douce et a bon goût. La ville est située sur la rive West. Les eaux des sources thermales à proximité, et l’eau de drainage des maisons se jettent dans ce lac, et pourtant la population de la ville, et des localités le long des berges n’en consomme pas moins ses eaux. J’ai entendu dire qu’un jour, un gouverneur de la ville ordonna d’empêcher qu’on y jette les ordures de la ville et les égouts de drainage. Mais, un fois ses ordres exécutés, les eaux du lac seraient devenues fétides, et impropres à la consommation, et sur son ordre les égouts furent à nouveau autorisés à s’y jetter, et l’eau du lac devint encore plus douce qu’elle ne l’avait jamais été.

La cité a une forte muraille, qui commence au bord du lac et longe toute la cité, mais du côté du lac, il n’y a pas de mur. Il y a des bâtiments innombrables érigées dans l’eau même, dans le lit du lac. Dans ce quartier se trouve une roche, et les habitants ont construit des maisons de plaisance soutenues par des colonnes de marbre, qui émergent de l’eau. Le lac est très poissonneux. Le Jâmi‘ est au milieu de la cité. A la porte de la mosquée se trouve une fontaine, sur laquelle on a bâtit un bassin pour l’eau chaude, et l’eau de cette source est si chaude qu’avant de la mêler à l’eau froide, vous ne pourriez pas supporter qu’on la verse sur vous. Ils disent que ce Hammam a été construit par Salomon b. David – paix soit sur eux deux -! Et je n’ai pu le visiter. Il y a, aussi, sur le côté ouest de la ville de Tibériade une mosquée connue sous le nom de Masjid-i-Yasmin. C’est un bel édifice, et dans la partie médiane s’élève une grande plate-forme (Dukkan), où ils ont leur mihrab et elle est plantée de Jasmins, d’où son nom. Dans la colonnade, sur la rive orientale, se trouve la tombe de Yusha b. Nun (Josué fils de Nun), et sous la grande plate-forme précitée se trouvent les tombeaux des 70 prophètes – que la paix soit sur eux! –

 

Au S de Tibériade se trouve le Lac de Loth. Les eaux de ce lac sont salées, bien que les eaux du lac de Tibériade s’y jettent. Les villes de Loth le voisinaient mais il n’en reste nulle trace. Une certaine personne m’a raconté que dans les eaux salées de ce lac, il y a une substance qui se rassemble à partir de la mousse sur le lac, qui est noire et d’où suinte des images comme pour les carcasses. Cette chose ressemble à la pierre, mais n’est pas si lourde. Les gens du pays la rassemblent et la brisent en morceaux, l’envoient à toutes les cités et localités des pays. Lorsque la partie inférieure d’un arbre est recouvert de cette chose, aucun ver ne lui fera jamais préjudice. En tous lieux, ils protègent les racines des arbres par ce moyen, et ainsi prémunissent les jardins contre les dommages que des vers et des choses qui rampent sous le sol. La vérité de tout cela, cependant, repose sur la crédibilité de la parole de celui qui m’a raconté. Ils disent aussi que les pharmaciens en achètent également, car ils ont un parasite, qu’ils appellent le Nuqta, qui est attaqué par ce médicament, et que cette substance en préserve. Dans la ville de Tibériade, ils font la prière sur des tapis de roseaux, qui se vendent dans le lieu lui-même pour 5 dinars Maghribi la pièce. A l’ouest de la ville s’élève une montagne, sur laquelle a été bâti un château en pierre de taille , et il y a là une inscription en caractères hébraïques, indiquant que, au moment où il a été fondé, les Pléiades étaient à la tête du signe zodiacal du Bélier. Le tombeau d’Abu Hurayra (compagnon du Prophète) est hors de la ville, vers le sud, mais personne ne peut aller le visiter, car les gens qui vivent ici sont chiites, et dès que quelqu’un vient en faire la visite, les enfants commencent un tumulte, et élevent une perturbation autour de lui qui se termine par des jets de pierres, dont résultent des blessures. Ce fut la raison pour laquelle que je ne put jamais visiter cet endroit, mais en m’en retournant je me rendis à un village qui s’appelle Kafar Qanna . Au sud de ce village se trouve une colline, au sommet de laquelle ils ont construit un monastère. Il a une porte solide, et le tombeau du prophète Yunas – paix soit sur lui ! – est représenté au sein. Près de la porte du monastère est un puits, l’eau et celui-ci est doux et bon. Après avoir visité ce lieu, je partis de là vers Acre, qui est à 4 lieues, et restai une journée en cette cité.