Ibn Jubayr, Musulmans et Chrétiens en Sicile, 1184 n-è

Messine est à l’extrémité de la Sicile, île d’ancienne renommée, couverte de villes, de bourgs et de hameaux (4). Sa longueur est de 7 jours de chemin, et sa largeur, de 5 jours. C’est en Sicile qu’existe le volcan dont nous avons fait mention, qu’on voit enveloppé de nuages, à cause de sa hauteur immense : en hiver comme en été, il est couvert de neiges éternelles.

L’abondance qui règne dans cette île dépasse toute description. Il suffit de dire qu’elle est fille de l’Espagne, sous les rapports de la population, de la fertilité et de l’abondance des biens. Douée largement de toute sorte de productions et enrichie de fruits de tous les genres et de toutes les espèces, la Sicile est habitée cependant par les adorateurs des croix, qui se promènent sur ses montagnes et font bonne chère dans ses champs.

Les musulmans, avec leurs propriétés et leurs industries, demeurent en Sicile en compagnie des chrétiens, qui d’abord les traitèrent bien, mirent à profit leur intelligence et leur travail, et leur imposèrent une redevance qu’ils payent deux fois par an.

Ainsi, les chrétiens sont venus se placer entre les musulmans et la richesse, sur le sol dont ces derniers tiraient auparavant une subsistance aisée. Puisse Dieu (qu’il soit exalté!) améliorer leur sort ! Puisse-t-il, dans sa bonté, accorder un heureux succès à leurs entreprises! Ici, toutes les montagnes sont des vergers chargés de poires, de marrons, de noisettes, de prunes et d’autres fruits. A Messine, il n’y a de musulmans qu’une poignée de gens de service. Il tient à eux seuls que le voyageur musulman n’y soit pas traité tout à fait comme une bête fauve.