Michel le Syrien, II, 455-65/IV, 438-44 , v. 683, Schisme de l’église jacobite, correspondance épistolaire, v. 1170 n-è

Correspondance entre les évêques de Mésopotamie, Jean, métropolitain de l’Orient et Severus, pariarche d’Antioche ; Trois Signatures de Nonnos des Tribus et première mention datable (deux fois) des “Tanûkayê, ‘Aqûlayê et Tû’ayê”

Severus, surnommé Bar Masqa, ayant été ordonné pour nous, Orthodoxes, patriarche d’Antioche, après Theodorus, il y eut entre lui et les évoques une querelle, pour la raison que voici :

Ce Severus avait été évêque de la ville d’Amid. Devenu patriarche, par suite des circonstances, il se conduisait très durement dans les affaires ecclésiastique car c’était un homme sévère, et il avait l’appui du roi des Taiyayê. Il eut une difficulté de la part des évêques Sergius Zakounaya, Hanania du couvent de Qartamîn, et d’autres, qui voulaient eux-mêmes ordonner les évêques pour le Djézireh, quand le besoin en serait, et non pas par le patriarche, selon la coutume en vigueur.
Severus ne consentait pas à ce qu’il en fût ainsi : car, comme nous l’avons dit, il était très dur et inflexible. Ces évêques étaient célèbres dans l’Eglise, et âgés ; et ils étaient persuadés que leur opinion était appuyée par la loi ancienne qui avait été en vigueur autrefois, d’après laquelle les métropolitains de la province ordonnaient eux-mêmes [437] les évêques pour les sièges de leur juridiction.

Le patriarche répondait : que cet usage antique était aboli depuis le temps du concile de Chalcédoine ; [que, de même que le patriarche d’Alexandrie] ^ ordonnait les évêques de toute la Libye, celui d’Antioche (devait ordonner) tous ceux des pays soumis à la juridiction de ce siège ; que depuis cette époque jusqu’aujourd’hui tous les patriarches des sièges d’Alexandrie et d’Antioche ont ordonné les évêques, et qu’il devait eu être encore ainsi maintenant. Mais, les évêques voulant faire triompher leur manière de voir, il y eut lutte entre eux et le patriarche. Le patriarche était disposé à chasser les évêques de leurs sièges s’il l’avait pu.
Il se réunit avec les évêques de son parti à Beit Tellat ; Sergius et les autres évêques ses partisans, ayant appris que le patriarche et ceux qui l’accompagnaient étaient disposés à les anathématiser dès qu’ils arriveraient, eurent l’audace de l’anathématiser lui même ainsi que ceux
qui étaient avec lui.
Alors, le patriarche, de son côté, avec les évêques qui l’accompagnaient, les anathématisa, et écrivit une lettre dans leurs pays pour qu’on ne communiquât pas avec eux. D’autre part, ceux-ci empêchaient ceux qui étaient d’accord avec eux de nommer le patriarche. Cette perturbation dura jusqu’à la mort du patriarche.
Fin.

Lettre de Severus à Jean [métropolite d’Orient]

« A nos vénérables et saints frères spirituels et collègues, honorés devant Dieu, Jean, métropolitain du diocèse oriental du Beit Parsayê, et tous les Pères spirituels qui sont avec lui, et qui sont en union avec Dieu et avec Notre Bassesse. Severus. et, par les miséricordes de Dieu, patriarche du trône apostolique d’Antioche : Joie en Notre-Seigneur.

« Je vous rappelle aujourd’hui, ce dont Votre Sainteté est convaincue; je vous conjure devant Dieu, ses anges élus et saints, en ce moment où je suis sur le point de rendre le dernier soupir et de remettre mon âme entre les mains de Dieu, d’être mes témoins après ma mort, et de prendre ma défense vis-à-vis de tous, (affirmant) que je n’ai jamais aucunement péché envers l’Eglise de Dieu, que je n’ai été injuste envers personne, mais que j’ai peiné et lutté de toutes mes forces pour sa paix et sa stabilité. Je veux surtout que vous fassiez cela vis-à-vis de l’assemblée des moines, des séculiers et des évêques lorsqu’ils seront réunis en un synode. Si vous retranchez ou ajoutez quelque chose à la connaissance de ce que vous avez vu en moi de vos propres yeux et entendu de vos oreilles, à propos de cette affaire, vous en rendrez compte devant Dieu au dernier jour ; et vous surtout vénérables évéques : Mar Jean Bar Kêphâ, Mar Joseph, et Mar Sergius ; de vous je demande une grande justice ; si vous n’annoncez pas ce que vous avez vu en moi de vos yeux et entendu de vos oreilles, sur ce chapitre, vous en rendrez compte devant Dieu, au dernier jour : tout ce que vous avez vu en moi lorsque vous êtes venus près de moi en Arabie, combien de fois j’ai envoyé chercher ce Stephanus^ qui était proche de moi et ne voulut pas venir près de moi.

« Je sais qu’après ma mort ils répandront contre moi des rumeurs mauvaises et mensongères, disant que je leur ai pardonné et les ai absous, m’appelant bienheureux et saint, prouvant qu’ils ne me détestaient pas, faisant pour moi des veilles et des oblations pour entraîner le monde à leur suite. Ils se diront ; il est mort et il ne peut ni être utile, ni [439] nuire. Mais, pour que la chose soit connue sur la terre comme au ciel, voici que je dis et j’écris que, puisqu’ils ne sont pas venus vers moi pendant ma vie et n’ont pas demandé pardon, je n’ai pardonné ni absous aucun des anathèmes qui sont sur eux; mais ces anathèmes resteront sur eux jusqu’à ce qu’ils se repentent et fassent ce que j’écris ; s’ils étaient venus près de moi de mon vivant, il m’aurait été facile de montrer de la bienveillance et de ne pas agir avec eux en tou te rigueur ; mais, maintenant que je m’en vais, Dieu vous demandera compte du péril, si vous les recevez autrement qu’il convient et que je l’écris maintenant ; et je vous confie à tous, moines, clercs et laïcs, cette sentence : « Qu’on réunisse quelques hommes vaillants et capables, de tous les ordres, et qu’il y ait un concile œcuménique de tous les pays ; que les hommes mentionnés y viennent. Si quelqu’un n’est pas l’objet d’une accusation et n’a pas transgressé les canons, mais s’est seulement laissé entraîner dans ce schisme et a suivi ses compagnons en souscrivant à cette déposition illégale, et (s’il) reconnaît comme mensongères toutes les paroles méchantes qu’ils ont dites contre moi, que vous savez aussi bien que moi n’être pas vraies ni fondées : alors toi, Mar Jean, tu l’absoudras, et il sera reçu. Et je demande que ces choses soient mises par écrit; non pas que je redoute cette déposition, que je n’ai jamais considérée comme une déposition, à Dieu ne plaise ! mais à cause du scandale des fidèles et du mépris des hérétiques. Car, s’il n’en était pas ainsi, tout le monde serait scandalisé à cause de moi et d’eux.

« Pour les autres, qui seront accusés de fautes qui méritent la déposition, qu’ils viennent en présence de leurs accusateurs, et qu’ils s’expliquent contradictoirement : celui d’entre eux contre lequel les accusations auront été prouvées, perdra son rang, selon les canons apostoliques; celui qui sera régulièrement justifié devra être absous et accepté. Que l’examen soit public, de sorte que quiconque sortira vainqueur soit connu de tout le monde, et que celui qui mérite la honte soit confondu devant tout le monde. Et le monde sera édifié de ce que vous êtes des hommes justes et zélés pour la religion, qui haïssez Je mal et aimez le bien, et qui ne faites pas acception de personnes dans le jugement.

Quant à ceux qui résisteront et ne feront pas ces choses, qui ne souscriront pas [440] à l’annulation de cette déposition, qui n’accepteront pas un examen au sujet des choses qu’on leur impute, éloignez-vous d’eux, ne communiquez pas avec eux, ne les absolvez pas, mais laissez-les mourir dans leurs anathèmes, et ils deviendront la proie du feu dévorant préparé au Calomniateur et à ses anges. J’ai confiance en Dieu qu’ils ne traîneront pas longtemps après moi, mais qu’ils viendront près de moi, et là, devant le juge de l’univers, se fera la réclamation de ce que je leur ai donné, puisqu’il n’y aura pas eu de jugement entre moi et eux, parmi les hommes.

« Si l’affaire tourne ainsi, je confie aux mains de Dieu et aux vôtres ces malheureux qui sont en union avec Dieu et avec [Ma] Bassesse, pour que, dans tout endroit où on aura choisi et présenté quelqu’un, vous fassiez celui-ci évêque, du consentement du vénérable Mar Gabriel et de ‘Abbas Mar Elias.

« Nous avons écrit et fait connaître ces choses en abrégé à Votre Sainteté, rapidement et brièvement, au moment où déjà les affres de la mort me tiennent. C’est pourquoi, nous vous en prions, comme les serviteurs, les intendants du Christ, souvenez-vous constamment de moi dans votre prière, car le lieu où je m’en vais maintenant est redoutable et plein de terreur, même pour les justes! Que la grâce de Notre-Seigneur soit avec vous et avec nous. Amen! »

Lettre des Occidentaux aux orientaux

Après la mort du patriarche, quelques-uns des évêques de l’Occident, qui s’étaient séparés de lui, se mirent à prêcher la paix et la concorde, disant qu’ils reconnaissaient Severus comme leur patriarche. Et ils écrivirent à Rés’ayna en ces termes :

« Or, frères bien-aimés et fils spirituels ! puisque vous êtes dociles à l’Esprit législateur qui prescrit partout de courir vers la paix — il dit en effet : « Courez après la paix; cherche la paix, et cours après elle, » — quand vous entendrez la voix de Notre Bassesse, dans cet écrit, obéissez à Dieu et à notre conseil, et empressez-vous de venir tous ensemble vers la paix, grands et petits. Et si chacun, dans un zèle qui lui semblait louable, a combattu jusqu’à présent contre ses collègues, et a fait naufrage dans la tempête des disputes, par l’œuvre de Satan,le perturbateur et l’ennemi delà paix, maintenant que le printemps joyeux nous est revenu, et que la tempête a été changée en calme, par une transformation de la main du Très-Haut, empressons-nous tous de nous mettre sous [44i] la protection de sa paix pour échapper aux dangers delà perturbation.

« Si, jusqu’à présent, nous avons excité des troubles, des querelles, courons maintenant l’un vers l’autre, dans un même accord spirituel, et un même sentiment; surtout quand vous aurez appris par cette lettre et par son porteur, ce que Dieu a fait par notre intermédiaire. Partout où nous sommes passés, jusqu’à présent, les collines se sont aplanies et les lieux ardus sont devenus la plaine, et tout le monde s’est fié à nous et à Dieu quand nous nous sommes faits les prédicateurs de la paix ; dans tout le pays d’Occident, chez les peuples des Tanoukayê, des Tou’ayê et des ‘Aqoulayê, dans la Mésopotamie, à Edesse, Dieu a fait la paix par notre arrivée, et il a réuni dans l’unanimité spirituelle les membres qui étaient séparés; et ce fut une joie pour Dieu, pour ses anges et pour toute l’Eglise, et une affliction pour les ennemis qui se réjouissaient de notre brisement. Nous avons joui de ce bienfait de la paix, qui était attendu de tout le monde, dès le temps de la vie du bienheureux patriarche Mar Severus qui est parti vers Notre-Seigneur ; par quelque artifice de l’opération de Satan, il était irrité contre nous et nous contre lui; et quoique le Seigneur l’ait emmené avant que cela se fît, selon sa manière de diriger ses desseins insondables et les nôtres par les siens, après sa sainte mort, nous avons fait ce que nous étions disposés à faire, et nous avons pensé que nous vous réjouirions aussi par cette nouvelle en vous annonçant la paix et la concorde, en vous pressant d’y accourir, et en vous faisant connaître quelle conduite nous avons tenue.

« Nous avons pacifié les deux partis qui se posaient en adversaires, nous avons convaincu et rapproché ceux qui nous étaient attachés, et ceux qui prenaient la défense des vénérables évêques et du dit bienheureux, qui se maltraitaient mutuellement comme des ennemis, et nous avons fait la paix enlre eux. Nous avons écrit le nom du bienheureux (patriarche) dans les diptyques sacrés; nous avons fait pour lui des veilles et des oblations, et nous avons fait la prière d’absolution devant Dieu. Nous avons admis, chacun à son rang, ceux qui avaient été faits prêtres par le saint patriarche, ou par nos frères les évêques persans, ou par Abbas Mar Gabriel, votre évêque, et nous les avons considérés comme nos enfants.

« Dieu ayant donc opéré ces choses par notre intermédiaire pour la paix de l’Eglise, et Satan ayant été chassé du milieu (d’elle), Votre Charité, aimant le Christ, fera une bonne action si non seulement vous courez vers la paix que Dieu [442] a procurée à son Eglise, mais en pressant aussi le vénérable Abbas Mar Gabriel de courir lui-même vers la paix et de n’être pas une cause de schisme dans l’Eglise. Et si’ jusqu’à présent il s’est conduit comme il lui a plu, s’est introduit dans une province qui n’est pas la sienne, a méprisé ses frères les évéques, transgressé les canons de

L’Eglise fait une ordination illégitimement, qu’il ne le fasse plus maintenant et que cela ne l’empêche pas* de courir vers la paix, car Dieu veut l’amener promptement à la fin qui doit lui procurer le repos, et il serait lui-même incapable de l’empêcher, car, tous nous sommes disposés à la paix ; nous embrassons avec des bras paternels ceux qui étaient séparés, et nous le considérons lui-même comme un frère et un collègue. Ainsi donc, s’il désire la paix de l’Eglise de Dieu : qu’il se lève promptement et qu’il vienne. Nous attendons maintenant sa venue. C’est pourquoi, nous vous conjurons, vous et lui, devant le Dieu qui voit tout, de ne pas empêcher la paix du peuple de Dieu, qui est attendue par tous les fidèles, et qui est sur le point de s’accomplir par la vertu de celui qui fait et transforme tout en bien ; mais, hâtez-vous de nous réjouir par l’arrivée de quelques-uns d’entre vous, amenant avec eux notre frère Abbas Mar Gabriel, ou écrivez-nous une réponse qui nous cause de la joie en attendant que nous nous réunissions près de Votre honorable Charité. »

Lettre des occidentaux au monastère d’Edesse.

« Nous vous annonçons en tête des paroles que nous vous adressons, frères chéris dans le Christ, la paix et l’union que nous a données lui-même le Christ notre pacificateur; nom et chose doux pour tout le monde, dont la jalousie de Satan nous avait privés. Il avait fait de nous Juda et Israël ; et nous avions été livrés à la captivité de Babylone, qui jette dans la confusion la langue parlant de paix et déchire la langue qui la contredit (?); de sorte que sur ses fleuves troubles nous nous asseyons en pleurant notre éloignement de Jérusalem, notre cité pleine de paix, et, à ses saules privés de fruits, nous suspendions nos cithares qui chantent la paix, et qui d’ailleurs étaient devenues inertes. Et comment aurions-nous pu chanter la gloire du Seigneur dans une terre étrangère : celle de la dispute, de la haine, de l’inimitié! en présence des ennemis, nos maîtres, qui nous le demandaient, c’est-à-dire des démons, des païens, des juifs, des hérétiques ? car il ne convient pas à ceux qui sont éloignés [443] de la paix de chanter des cantiques de paix.

Nous vous crions courageusement : Voici le moment de nous en retourner de la captivité de Babylone vers Jérusalem, notre cité pleine de paix, et de ne plus former qu’un seul peuple du Seigneur et un seul royaume, lui offrant tous ensemble notre glorification dans son saint temple. Et quand le Seigneur aura ramené les captifs de notre Sion, de la Babylone ennemie, nous nous réjouirons, notre bouche sera reriiplie de rire et notre langue de glorification ; nos ennemis diront : Le Seigneur a beaucoup fait pour ceux ci*, car il leur a donné sa paix et sa concorde !

« Voici que nous vous faisons savoir que, par la grâce de Dieu, tous les pays à l’Occident de l’Euphrate : les villes, les couvents et les villages, les peuples aimant le Christ des Tanoukayê, des Tou’ayê et des ‘Aqoulayê, et le reste des Orthodoxes qui sont en Occident et dans le Djérizeh, partout où nous sommes allés annoncer la paix, sont venus vers la paix, se sont réunis ensemble, et ont chassé Satan. Nous avons calmé les deux partis. A ceux qui nous étaient attachés, nous avons persuadé de proclamer dans les diptyques sacrés le nom de saint Mar Severus et de faire mémoire de lui; car, par l’opération de Satan, il y avait eu des difficultés entre lui et nous et nous et lui. Nous avons embrassé comme des fils et des frères ceux qui étaient séparés de nous, et qui parlaient en sa faveur. Nous avons fait cela à Edesse la (ville) bénie, et nous avons admis chacun dans son rang; soit que les prêtres eussent été ordonnés par Sa Béatitude, soit qu’ils l’eussent été par nos frères les évoques persans ou par Mar Gabriel de Rés’ayna, nous les avons acceptés chacun à son rang. Nous regarderons le vénérable Mar Gabriel lui-même comme notre frère, s’il vient vers nous, quoiqu’il n’ait pas bien agi en parcourant un diocèse qui n’était pas le sien et en y faisant des ordinations. Mais nous, désirant la paix, nous ne nous écarterons pas du but que nous nous sommes proposé. S’il a ordonné des prêtres chez vous, jusqu’à ce jour, nous les tiendrons aussi pour nos enfants.

« Et vous aussi, fils bien-aimés du Seigneur, hâtez-vous vers la paix, attachez-vous au Christ, ami de la paix. Quand vous recevrez cette lettre de Notre Bassesse, venez près de nous, à la ville d’Édesse aimant le Christ, deux ou trois hommes de chaque couvent avec vos archimandrites, afin que nous nous réjouissions ensemble [444] de la paix de l’Église de Dieu.

« Et si, après que nous avons tant fait pour la paix, vous êtes cause de la discorde, du schisme, de la perturbation de l’Église de Dieu, vous en porterez la responsabilité devant le tribunal du Christ. A Dieu ne plaise que cela vous arrive ! nous vous attendons, au contraire, en priant Notre-Seigneur de confirmer sa paix en nous tous. Nous vous saluons dans le Seigneur. Que la grâce de Dieu soit avec tous. Amen.»

[Lettre des évêques à Mar Jean, métropolite de Mar Mattai].

« Nous, faibles, qui avons été placés au rang des pontifes alors que nous n’en étions pas dignes, dont les noms sont connus par nos signatures ; depuis le commencement jusqu’à présent, nous avons couru et courons vers la paix, et (pour cela) nous avons supporté et supportons toute chose : c’est pourquoi nous t’adressons cet écrit, comme tu nous l’as demandé, ô vénérable Mar Jean, métropolitain du couvent de Mar Mattai, et par ton intermédiaire à tous les vénérables de cet endroit, c’est-à-dire à tout le monde.

« Nous y confessons que nous acceptons avec bonne volonté tout ce qui est agréable à Dieu, et contribue à la stabilité de son Eglise et à l’édification de nos frères fidèles; c’est-à-dire que nous avons annulé et annulons la déposition prononcée par nous contre le patriarche saint Mar Severus, qui s’en est allé vers Notre-Seigneur. Nous avons consenti et consentons à ce que son nom soit proclamé dans les églises et les monastères, avec ceux des Pères qui l’ont précédé et l’ont égalé par la foi orthodoxe et les bonnes œuvres, et que sa commémoraison soit faite, d’année en année, par tous les Orthodoxes.

 

« Il est évident que nous avons accepté et acceptons les ordinations faites par lui et par nos frères les vénérables Pères qui étaient d’accord avec lui et marchaient à sa suite, soit de prêtres, soit de diacres, soit de quelque autre ordre inférieur.

« Cela a été fait par nous avec bonne volonté, comme nous l’avons déjà dit, et non pour un motif autre que de faire cesser les schismes et les discordes et de faire régner la paix dans les Eglises en tous lieux.

« Nous écrivons et nous confirmons mutuellement tout ce qui regarde la paix de l’Eglise et qui est conforme à la régularité des canons ecclésiastiques.

« Nous avons écrit ceci en abrégé pour la gloire de Dieu et la grâce de tout le peuple, en tous lieux. Et pour la certitude de tout le monde et de ces choses, nous avons signé cetécrit et l’avons scellé de notre sceau, dans le palais de l’évêque Eunomius.

« Sergius de Germanicia ; Jean de Paneas ; Stephanus de Bosra ; Julianus de Telia ; Domit[ius] de Harran ; Sergius de la région d’Emèse; Abraham du pays d’Arzôn ; Jean de Circesium ; Gabriel de Rés’ayna ; Hananias de Damas; Elias de Ba’albek ; Nonnos des Tribus ; Severus de Hârarah ».

Ces choses eurent lieu en l’an 995/684

Lettre encyclique de Jean, métropolitain de l’Orient annonçant la concorde

« Aux très pieux et très religieux prêtres et diacres, au saint clergé, aux honorables archimandrites et visiteurs, à tout l’ordre chaste des moines, glorieux, illustres et magnifiques princes et sages gouverneurs, et à tout le peuple des fidèles qui habitent la région d’Antioche et la Cyrrhestique ou qui y mènent la vie ascétique dans les couvents. Jean, vil, par la grâce de Dieu, métropolitain du couvent de Mar Mattai et du Beit Parsayè : Que la paix et la concorde s’accroissent pour vous

« Nous omettons de parler maintenant des discordes, du trouble, des schismes que la jalousie du Calomniateur a fait naître parmi nous, et que pour la plupart, vous connaissez tous, premièrement pour épargner les oreilles de nos frères, ensuite parce qu’il ne convient pas au temps de la joie de parler de choses affligeantes. C’est pourquoi, nous voulons seulement que Votre Piété sache une chose :

« Alors que j’étais au loin, dans notre région du Beit Parsayê, et que je n’étais pas encore monté près de nos vénérables frères qui étaient réunis à Rés’ayna, et que je ne savais pas qu’ils étaient animés d’une si grande bonne volonté à l’égard de la paix, je tardais de venir pour deux motifs : premièrement, je ne connaissais pas leur bonne volonté tendant à ce but et secondement, j’avais honte, moi misérable, car il faut dire la vérité, de donner des avis ou des ordres à des vieillards honorables et capables, par la grâce de Dieu, d’avertir, de blâmer et de corriger selon la discipline apostolique non seulement eux-mêmes, mais nous-mêmes et ceux qui sont les plus élevés dans la science.

«Mais quand j’appris que le saint patriarche Mar Severus avait institué Ma

Bassesse comme intermédiaire de la paix, je ne sais ni comment ni pourquoi, et comme, de plus, tous les vénérables Pères de l’Occident m’avaient convoqué en vue de la paix générale, par leurs lettres pressantes et leurs pieuxenvoyés, je suis venu vers eux, promptement et d’un pas rapide, à Rés ayna.

Lorsque j’eu conversé avec eux et que beaucoup de choses [440] eurent été traitées entre nous, en vue de la paix chère à Dieu, je les trouvai remplis de l’amour de Dieu, tout à fait irréprochables, et bien des fois plus désireux que moi de ce bienfait. Nous dîmes adieu à toutes les vieilles choses, et nous conclûmes la paix, que nous avons confirmée de nos signatures, nous et les Pères dont voici les noms : Sergius Zakounaya, archevêque ; Jean de Gaulan ; Joseph de Mabboug ; Stephanus d’Arabie ; Julianus de Telia ; Domit[ius] de Harran ; Sergius d’Émèse ; Abraham d’Arzôn ; Jean de Habôra ; Gabriel de Rés’ayna même ; Hananias de Damas ; Elias de Ba’albek ; Nonnus des Tribus ; Severus de Hârarah.

«Ceux-ci ont confirmé par écrit que non seulement la déposition du dit bienheureux serait annulée, mais qu’aussi son nom serait proclamé avec celui de tous les Pères, ses collègues, dans les diptyques, et qu’on lui ferait des commémoraisons dans l’Eglise en rappelant son nom avec celui des Pères ses collègues Ils ont aussi accepté avec bonne volonté les ordinations de prêtres et de diacres faites par lui ou par les vénérables Pères de son parti.

« Quand ces choses eurent été ainsi faites, accomplies et mises par écrit, selon la volonté de Dieu et la nôtre, nous fîmes ensuite la prière d’absolution pour toutes les transgressions commises par les deux partis, en fait d’anathèmes, de canons, de malédictions ou de toute autre

chose qui a coutume de se faire dans des discordes de ce genre, soit de la part du bienheureux à l’égard des Pères, soit de la part de ceux-ci à son égard.

« J’ai d’abord fait la prière d’absolution : car eux-mêmes me l’ont demandé, en tant que je tenais la place du bienheureux. Ensuite ils ont fait eux-mêmes la prière d’absolution, chacun d’eux à sa place, sur tout ce qui s’était passé entre lui et eux. Il est évident que je leur ai pareillement demandé de faire cela; et, pour le dire en abrégé, tout a eu lieu et s’est accompli, de notre part et de la leur, selon la volonté de Dieu.

« C’est pourquoi, afin que ces choses soient connues de vous et pour que vous vous empressiez vous-mêmes de venir à la paix et à la concorde, nous avons écrit cette lettre encyclique à Votre Piété ; que maintenant et désormais [441] personne n’élève de contestation ou de doute, ou ne trouble son prochain en disant ; « Moi je suis du patriarche, ou je suis de l’évêque, ou je suis ainsi ou ainsi » ; de peur que pour ces motifs ne s’élèvent des divisions et des discordes, et qu’on ne foule aux pieds la parole de Dieu, qui est plus forte et plus aiguë qu’un glaive à deux tranchants, car elle sépare l’âme et le corps, et précipite dans la géhenne du feu éternel ; et que nousne revenions à l’état ancien et à des choses encore pires. A Dieu ne plaise qu’il en soit ainsi! « Qu’est-ce que Paul ou qu’est-ce qu’Apollon ? » dit l’Apôtre, écrivant à ceux qui se querellaient pour les mêmes motifs. Nous ne sommes qu’un dans le Christ, et nous demandons que, de même que nous ne sommes qu’un dans la foi orthodoxe, nous ne soyons aussi qu’un dans l’espérance et la charité qui reposent sur elle. Et comment en sera-t-il ainsi? Si vous écoutez Dieu et Notre Bassesse, si vous obéissez à vos directeurs en tout ce qu’ils vous diront pour la gloire de Dieu et le salut de vos âmes ; car ils veillent pour vous, comme des hommes qui doivent rendre compte de vous, et vous devez les écouter en toute chose afin qu’ils s’occupent de vous avec joie et non avec angoisses.

Nous avons en vous cette confiance que vous obéirez de tout votre cœur, que vous travaillerez au profit de vos âmes, que vous réjouirez Notre Bassesse, et que vous plairez à Dieu qui se complaît dans la paix.

Nous avons mis ces choses par écrit affectueusement pour Votre Charité.

« Si quelqu’un ose enfreindre ce qui vient d’être dit, qu’il soit moine, clerc, ou laïc, et s’il ne se soumet pas à son chef, s’il transgresse la parole de Dieu, pour quelque motif que ce soit, quel qu’il soit, il deviendra étranger pour nous et pour toute la sainte Eglise de Dieu; par notre décision, de nous Jean, métropolitain, et celle de tout le saint synode des évêques de toute la Syrie.

Lettre du Synode à ceux de Perse, sur le même sujet, et sur l’ordination d’Athanasius.

« A nos vénérables et saints frères et collègues les évêques qui sont dans le pays des Perses; aux supérieurs des couvents et des monastères, et à tous ceux qui y mènent la vie très chaste du monachisme; aux glorieux et magnifiques chefs dignes d’éloges pour leur sagesse, au reste du clergé et à tout le peuple fidèle [442] qui habite dans ces régions, Sergius Zakunaya, Jean, Joseph, Stephanus, Julianus, Domit[ius], Abraham, Sergi[us], Jean, Gabriel, Elias, Hananias, Nonnus, Halphai, Abhai, vils, et, par la grâce de Dieu, évêques du Beit Roumayê : Que la grâce soit avec vous, et la paix de Dieu, notre Père, et de Notre-Seigneur Jésus-Christ !

« Les épreuves, les angoisses, les vexations qui ont fondu sur nous depuis quatre ans et plus, sont déjà connues de vous et de tout le monde ; et il y en a quelques uns parmi vous devant lesquels se sont passées les choses — que nous les appelions biens ou maux — que nous avons supportées non pas, croyons-nous, parce que nous avons été injustes, ni parce que nous avons foulé la loi aux pieds ; mais nous avons été laissés dans un tel abandon à cause de nos péchés ou simplement pour l’examen et l’épreuve qui distingue et fait paraître celui des fidèles qui est zélé, afin que ceux qui ont été éprouvés soient connus selon l’avertissement apostolique ; car nous trouvons que cela est arrivé même aux saints ; ce que le souverain Seigneur annonce en disant : « Peut-être penses-tu que je t’apparus autrement que pour donner la récompense ? » c’est-à-dire de tes labeurs et de tes peines. Pour nous, vils et misérables, nous ajoutons que ce n’est pas seulement pour cela, mais aussi à cause de nos péchés, et, comme les saints enfants à Babylone, nous crions : « Nous avons péché et nous avons fait le mal : il n’y a parmi nous personne qui fasse le jugement et la justice, ou qui ferme les barrières et se tienne sur la brèche pour détourner ta colère. » Et en nous corrigeant, en nous réprimant, en nous excitant par de semblables paroles, nous en retirons une grande consolation et nous en recueillons des choses plus agréables et plus joyeuses.

Et si nous sommes entrés dans le feu et dans l’eau, comme dit le chantre des choses sacrées, noussommes sortis dans la fraîcheur, avec l’aide du Seigneur.

« En parcourant les églises et les couvents, ô nos frères, nous pleurions de ce que le schisme s’était abattu sur eux par l’envieux calomniateur; non pas à cause de la transgression de la foi, à Dieu ne plaise ! mais pour des questions de personnes, comme vous le savez.

« Dieu, qui connaît toute chose avant qu’elle n’existe et prévoit (tout) dans ses desseins incompréhensibles, a voulu prendre près de lui le vénérable et saint [443] patriarche Mar Severus, au sujet duquel deux partis étaient alors en lutte ; nous voulons dire ceux qui étaient d’accord avec lui, et les autres qui nous suivaient. Au moment de sortir de ce monde, il a écrit un testament canonique, comme il lui a plu, et il a commis Mar Jean, votre métropolitain, pour être notre médiateur et mettre fin parmi nous, comme il lui semblerait bon, aux deux partis ; ce qui, disons-nous, soit dans la cause, soit dans l’effet, a été accompli chez nous par Dieu.

« Or, nous n’avons point contredit à cela, mais nous nous sommes réunis ensemble, nous dont les noms sont consignés plus haut, et nous avons envoyé une mission, c’est-à-dire des messagers, au vénérable (Jean) pour qu’il vînt et fît la paix comme bon lui semblerait. Lorsqu’il eut appris que le bienheureux avait ainsi ordonné qu’il fût le médiateur, il se mit promptement en route, comme s’il avait été appelé par Dieu, et il vint près de nous à Rés’ayna, ville où nous étions assemblés et oîi nous attendions sa venue, ayant avec nous la plupart des archimandrites de notre région et des notables. Dès son arrivée, nous l’avons considéré comme un ange de Dieu et nous nous sommes réjouis dans un saint baiser.

«Il ne voulut pas même entendre parler de la cause qui avait engendré les discordes; car son dessein n’envisageait que la paix. Il laissa de côté les paroles et les actions qui avaient été dites et faites parmi nous, et il nous ordonna de nous rendre tous h l’église ; et il prescrivit d’y faire une absolution générale de toutes les transgressions commises par les deux partis. Et nous avons récité la prière d’absolution : lui le premier, et nous après lui. Et la paix fut rétablie et régna par son intervention. Et cela est l’œuvre de Dieu, comme nous l’avons dit auparavant.

« Dès lors, chacun de nos pays, chacune de nos contrées ou de nos régions qui ne jouissait pas de la paix, chère à Dieu ; chaque ville ou couvçnt où elle ne brillait pas, tout temple ou maison qui n’était pas sa demeure, tout prince, gouverneur ou peuple qui, en quelque endroit, ne la célébrait ou ne l’honorait pas, nous a été ramené et réconcilié par votre vénérable métropolitain susnommé. Il a versé et répandu ce bienfait sur nos pays. C’est pourquoi, nous ne suffirions pas, quand bien même nous réunirions des myriades d’expressions [444] qu’on peut appliquer à la vertu, à dépeindre les qualités de cet homme. Mais, sans oublier le reste, nous l’appellerons « la paix, la charité, le pacificateur ».

« Donc, ô pères et frères ! tous et toujours, demeurez fermement attachés à lui; suivez-le. S’il y a des schismes et des discordes parmi vous, vous avez, par la grâce de Notre-Seigneur, un pasteur rempli de paix; qu’il soit pour vous comme le Christ ; attachez-vous à lui et écoutez-le en toute chose, « Que le Dieu de paix et de concorde, qui a mis fin à l’inimitié par son incarnation, et qui nous a fait revivre par sa résurrection, alors que nous étions morts, donne la paix et la concorde à son peuple et à son Église, et parmi les empires de la terre, jusqu’à la fin du monde. Amen ! »

Jacques d’Édesse copia ces deux lettres à la demande des évêques, alors qu’il résidait à Edesse, avant d’être ordonné évêque de cette ville.

Après cela, les évêques partirent pour Rés’ayna ; là, il y eut un synode, sous la présidence de Jean, métropolitain de Tagrit; et ils conclurent la paix.