Ibn Jubayr, Entente parfaite entre Francs et Syriens (v. 1175), v. 1225

Notre route se poursuit à travers une série ininterrompue de fermes et de cultures, dont tous les habitants sont musulmans et vivent dans le bien-être, avec les Francs, – nous nous réfugions en Dieu à l’écart du désordre! – , mais à la condition qu’ils versent à ceux-ci la moitié de la récolte à l’époque où on la rentre, ainsi que la capitation […] . Leurs habitations leur appartiennent et tous leurs biens leur sont laissés. Toutes les villes du littoral de Syrie qui sont aux mains des Francs sont soumises à ce régime, et les domaines fonciers y restent tous en la possession des musulmans : villages et fermes. Or, l’esprit de “ désordre ” s’infiltre au cœur de beaucoup d’entre eux, quand ils voient la situation de leurs frères dans les domaines fonciers musulmans et celle des hommes qui les dirigent; car, pour le bien-être et l’aménité des relations, elle est l’inverse de la leur. C’est là l’un des opprobres qui pèsent sur les musulmans que les milieux musulmans aient à déplorer l’injustice de ceux de leurs membres qui les administrent et qu’ils aient à louer la conduite de leurs adversaires et ennemis, c’est-à-dire de ceux des Francs qui les administrent, et à se familiariser avec leur équité.

[…]

Les Chrétiens font payer sur leur territoire aux Musulmans une taxe, qui est appliquée en toute bonne foi. Mais les marchands Chrétiens à leur tour, paient en territoire Musulman une taxe sur leurs marchandises. L’entente est entre eux parfaite et l’équité est observée en toute circonstance. Les gens de guerre sont occupés à leur guerre, le peuple demeure en paix et les biens de ce monde vont à celui qui est vainqueur. Telle est la conduite des gens de ce pays dans leur guerre.
 Il en va de même dans la lutte intestine survenue entre les émirs des Musulmans et leurs rois. Elle n’atteint ni les peuples, ni les marchands et la sécurité ne leur fait défaut dans aucune circonstance, paix ou guerre. La situation de ce pays sous ce rapport, est si extraordinaire que le discours n’en saurait épuiser la matière. Que Dieu exalte la parole de l’islam par sa faveur.