Benjamin de Tudela, Juifs de Syrie, v. 1160 n-è

De là il y a deux journées à Damas, grande ville où commence le pays de Nouraldin, roi des Togarmites ou Turcs. La ville est fort grande et fort belle, ceinte de murailles ; le terroir abonde en jardins et en vergers, à quinze milles à la ronde ; on ne voit point dans toute la terre de pays si fertile que celui-ci. La ville est située au pied du mont Hermon, d’où sortent les deux rivières d’Amana et de Pharphar, dont la première passe par le milieu de la ville, et dont les eaux sont conduites par des aqueducs dans les maisons des grands, aussi bien que dans les places et dans les marchés. Ce pays commerce avec tout le reste du monde. Le Pharphar arrose de ses eaux les jardins et les vergers qui sont: hors de la ville. Les ismaélites ont à Damas une mosquée appelée Goman-Dammesec, c’est-à-dire synagogue de Damas. Il n’y a point de bâtiment semblable dans toute laterre. On dit que c’a été autrefois un palais de Benhadad. On y voit une muraille de verre construite par art magique. Il y a dans cette muraille autant de trous qu’il y a de jours dans l’année solaire; le soleil, descendant par douze degrés, selon le nombre des heures du jour, entre chaque jour dans l’un de ces trous, et, par là, chacun peut connaître à ces trous quelle heure il est. Au dedans du palais il y a des maisons bâties d’or et d’argent, grandes comme une cuve, qui peuvent contenir trois personnes si elles veulent s’y laver ou se baigner. Au milieu du palais on voit suspendue la côte d’un Anakéen, c’est-à-dire d’un géant, longue de neuf pans et large de deux, C’était un ancien roi de la race des Anakéens, nommé Abcamaz, car c’est ainsi qu’on l’a trouvé écrit sur une pierre de son sépulcre, où il était aussi écrit qu’il avait régné sur tout le monde. Il y a à Damas environ 3000 Israélites entre lesquels il y a plusieurs disciples des sages et plusieurs riches, c’est là que sont les chefs de l’Académie du pays d’Israël. Là est aussi R. Esdras et ses frères, le prince Schalom, père de la maison du jugement, R. Joseph, le cinquième dans l’Académie, R. Matzltach, chef de l’ordre et prédicateur, R. Meir, la gloire des sages, R. Joseph Aben-Phallat, le plus habile et le plus intelligent de l’Académie, R. Heman, et R. Tzaddik le médecin. On compte encore à Damas environ 200 caraïtes et 400 Cuthéens. Ils cultivent la paix entre eux, mais ils ne s’allient point par mariage.

De Damas à Galaad il y a une journée ; on y compte environ 60 Israélites, dont le chef est R. Tsadok. La ville est ample, et la terre abonde en torrents, jardins et vergers. De là il y a une demi-journée à Salcaat, qui est la ville de Salcat de l’Écriture.

Tadmor (Palmyre) est aussi dans le désert Salomon l’a pareillement bâtie toute de grandes pierres. Cette ville est ceinte d’une muraille. Elle est dans un désert, éloignée de toute habitation, et à quatre journées de cette Baalath dont nous venons de parler. Il y a à Tadmor environ 2000 Juifs vaillants à la guerre. Ils sont en guerre avec les Iduméens et avec les Arabes sujets de Nouraldin, et fournissant du secours à leurs voisins les Ismaélites. Ces Juifs ont à leur tête R. Isaac le Grec, R. Nathan, et R. Uyrel, d’heureuse mémoire.

De là il y a une demi-journée à Kiriathin (Cariatin) ou Kiriathaïm, où il n’y a qu’un seul Juif, teinturier.

De Qiriatin il y a une demi-journée à Hama ou Khamath, située sur la rivière de Jabok (l’Oronte), sous le mont Liban. Il n’y a pas longtemps qu’un grand tremblement de terre a fait périr dans cette ville quinze mille personnes en un seul jour; il n’en est resté que 70, à la tête desquels sont R. Oulah le sacrificateur, le Scheich ou vieillard Abualgala, et Muctar.

A une demi-journée de là est Scehia, autrefois Hatzor.

De là à Lamdin, il y a 3 parasanges.

A deux journées de là est Halab, autrefois Aram-Tsoba, lieu de la résidence du roi Nouraldin, au milieu de laquelle il y a un palais environné d’une haute muraille. Il n’y a ni puits ni rivière dans cette ville ; les habitants n’y boivent que de l’eau de pluie, que chacun a soin de ramasser chez soi, dans une citerne, qu’on appelle algob. On compte à Halab 1500 Israélites, à la tête desquels sont R. Moïse, Al-Constantini, R. Israël et R. Seth.

De Halab il y a deux journées à Balit ou Pethora, sur l’Euphrate, où l’on voit encore aujourd’hui la tour de Balaam b. Beor, dont le nom soit en exécration ; il l’a bâtie de telle sorte qu’elle répond aux heures du jour. Il y a là quelques Juifs.

A une demi-journée de là est Kalahgaber ou Selah-Midbara qui est restée aux Arabes lorsque les Turcs s’emparèrent de leur pays et les chassèrent dans le désert. Il y a là environ 2000 Juifs, à la tête desquels sont R. Sedekias, R. Chija et R. Salomon.

De là il y a une journée à Raqia, autrefois Calné, à l’entrée de la terre de Sinjar (Mésopotamie). On y compte environ 700 Juifs, qui ont à leur tête R. Zachée, R. Nadid le Clairvoyant, et R. Joseph. Il y a là une synagogue bâtie par Esdras, lorsqu’il alla de Babel à Jérusalem. Rakia, au reste, sépare le pays de Sinhar d’avec le royaume des Turcs.

A deux journées de là est Harran l’ancienne, où il y a environ 20 Juifs, et pareillement une synagogue bâtie par Esdras. A l’endroit où a été autrefois la maison d’Abraham, notre père, il n’y a point d’autre maison bâtie. Les Ismaélites honorent cet endroit et y viennent faire leurs prières.

De Harran il y a deux journées à l’endroit où est la source d’Al-Khabor ou Habor, qui, après avoir traversé le pays des Mèdes, tombe dans la montagne de Gazan Il y a là environ 200 Juifs.

De là il y a deux journées à Nisibe, qui est une grande ville, où il y a des rivières ou sources d’eau, et environ 1000 Juifs.

De Nisibe il y a deux journées à Gezir-ben-Omar (Zabdicena). Cette ville est dans une île au milieu du Tigre, au pied des montagnes d’Ararat,à quatre milles au lieu où est l’arche de Noé. Mais Omar, fils d’Alkhattab, a pris l’arche qui est sur le sommet de ces deux montagnes, et en a bâti une mosquée. Près de l’arche, il y a une synagogue d’Esdras le scribe qui subsiste jusqu’à ce jour, les Juifs de la ville y viennent faire leurs prières les jours de fête. Dans la ville de Gezir d’Omar, fils d’Al-Khattab, on compte environ 4000 Juifs, à la tête desquels sont R. Macbar, R. Joseph, R. Chaüm.

De là il y a deux journées à Al-Motzal, qui est Assur la grande, où il y a environ 7000 Juifs, à la tête desquels sont R. Zaccaï ou Zachée, le prince de la postérité de David, et R. Joseph, surnommé Brahon-Alphelec, astronome du roi Zinaldin, frère de Nouraldin, roi de Damas.