Strabon, Pays Masaesyle, instabilité des richesses et des fortunes, v. 15 n-è

Comme point remarquable sur cette côte, je signalerai l’ancienne ville de Iôl, rebâtie par Juba, le père de Ptolémée, qui changea son nom en celui de Césarée. J’ajouterai que cette ville possède un port et qu’il y a une petite île juste en avant de ce port. Entre Césarée, maintenant, et le promontoire Trêtum s’ouvre un autre port très spacieux, connu sous le nom de Saldas. C’est là que vient tomber [actuellement] la limite entre le royaume de Juba et la province romaine : je dis actuellement, car la division intérieure du pays a subi de fréquents remaniements, tant à cause du grand nombre de tribus qui y habitent côte à côte, que parce que les Romains, suivant qu’ils étaient amis ou ennemis de ces tribus, ôtaient souvent aux unes pour donner aux autres, et cela sans s’astreindre à aucune règle fixe. Il fut un temps où la partie du pays contiguë à la Maurusie fournissait plus d’argent et de soldats, mais aujourd’hui les cantons qui confinent à la frontière carthaginoise et au territoire des Masyliaei sont comparativement plus florissants et mieux pourvus de toute chose, bien qu’ils aient eu beaucoup à souffrir, des guerres puniques d’abord, puis de la guerre contre Jugurtha, lorsque ce prince, en assiégeant Adarbal dans Ityque et en mettant à mort cet ami des Romains, déchaîna sur le pays de sanglantes représailles, prélude d’une série d’autres guerres qui ont duré sans interruption, pour ainsi dire, jusqu’à cette dernière guerre du divin César contre Scipion, dans laquelle périt Juba. La ruine des chefs avait entraîné naturellement celle de leurs principales places d’armes, Tisiaüs, Uata, Thala, Capsa le trésor de Jugurtha, Zama et Zincha, et celle des différentes localités qui figurèrent dans la campagne de César contre Scipion. On sait que, vainqueur une première fois de Scipion près de Ruspinum, César le battit encore à Uzita, à Thapsus, tant sur les bords du lac qui avoisine cette ville que sur les bords de l’étang des Salines (plus près par conséquent des deux villes libres de Zella et d’Acholla) ; qu’il enleva en outre de vive force l’île de [Cercinna] et la petite place de Théna, située sur le bord même de la mer. Or, de ces différentes localités les unes ont complètement disparu, les autres sont restées debout, mais à moitié détruites. Quant à [Taphrura], elle a été brûlée par les cavaliers de Scipion.