Naciri, Révolte et déportation des Oudayas (1831-1833), v. 1895 n-è

Révolte des Udaya contre le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân et ses causes’.

La révolte du Guiche Al-Oùdèya contre le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde !) éclata au mois

de moharrem 1247. Voici ce qui la provoqua

Les principaux qâ’îd et les personnages les plus en vue de ce Guiche étaient Tahar b. Mas‘ûd Al-Mgafri Al-Hassâni, Al-Hâjj Muhammad ben Tahar Al-Mgafri Al-‘Aqili et Al-Hâjj Muhammad b. Ferhoûn Al-Jerrâri.

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) leur confiait les missions importantes et les envoyait dans les contrées les plus lointaines de l’Empire. Eux, de leur côté, sous les apparences de l’obéissance, n’avaient que des sentiments hostiles pour le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân, parce qu’il avait fait cesser la familiarité avec laquelle ils traitaient le sultan Moûlay Slîmân. A chaque instant, ils manifestaient leur désobéissance, mais le Sultan les laissait faire et négligeait de relever leurs fautes.

Quand vint l’expédition de Tlemsén, il les fit partir avec les chefs et les notables du Guiche qu’il envoya. Ils continuèrent leurs attaques contre le gouvernement, et leurs menées devinrent plus étendues et plus audacieuses. Ils prirent une large part au pillage des Zmàla et des Doùaïr, assistés du qàïd Driss ben Al-Mahjub Al-Bukhàri qui leur servit de complice, et laissèrent voir qu’ils ne tenaient aucun compte ni du Sultan, ni de son Khalifa, ni de son gouverneur.

Comme une haine secrète régnait entre eux et le qàïd Dris Eljerrâri, Celui-ci, craignant que s’il s’opposait au pillage organisé par eux, sa tête ne leur servit à « fermer cette déchirure », céda et pilla avec eux. Aussi, lorsque le Sultan, comme nous l’avons rapporté, rappela cette armée, un émissaire envoyé par lui alla arrêter le qàïd Dris à Wujda, d’où il l’ut amené à Tàza où il fut mis en prison. Quand l’armée de Tlimsân fut arrivée à ‘Ouq Eljemel, près de Fâs, le qàïd At-Tayib Eloudîni Elbokhâri, gouverneur de cette ville, se rendit auprès d’elle. Suivant les uns, il devait arrêter ces qàïds sur l’ordre du Sullan suivant les autres, il voulait leur enlever les charges de leurs animaux qui étaient pleines du produit du pillage. Mais les Oùdéya et les ‘Abîds, au moment de commettre leur crime, s’étaient promis et juré de faire cause commune contre quiconque leur voudrait du mal.

Aussi, quand ils virent arriver le qâ’îd At-Tayib Eloudîni, ils lui firent un accueil tics plus rudes, si bien qu’il retourna sur ses pas et alla rendre compte de sa mission au Sultan qui en fut très irrité.

Quelques jours après, le Sultan décida l’arrestation de Elbàdj Muhammad hen Etlàhar ETaqîli. Pressentant ce qui l’attendait, Celui-ci se rendit auprès d’Ellàhar hen Més’oûd et se jetant à ses pieds

« Je vais être emprisonné sans aucun doute, lui dit-il. Si le Sultan te donne le moindre pouvoir sur moi, montre toi généreux et ne te venge pas de ce que je t’ai fait. »

Etlâhar hen Més’oùd avait été auparavant gouverneur de Taroûdant et le Sultan l’avait destitué pour mettre à sa place lien Etlàbar qui lui avait fait subir de mauvais traitements. C’est pourquoi il lui tint pareil langage.

«Vas tu vraiment être arrêté » lui répondit Eltâhar bn Mês’oùcl, qui, sur sa réponse affirmative, lui dit

« Moi vivant, il ne t’arrivera rien de ce que tu redoutes. »

Le Sultan convoqua ensuite Elbàdj Muhammad bn Ellàhar et Ahmad beu Elmahjoùb, et les fit arrêter après leur avoir reproché leur conduite. Les sbires des Oûdèva s’emparèrent de leur conlribule, et ceux des ‘Abîds du leur, puis les conduisirent le soir à la prison.

Eltâhar hen Més’oùd faisait le guet à la porte du palais du Sultan pour délivrer Al-Hâjj Muhammad bn Ellàhar et son compagnon. Quand il les vit sortir, il demanda aux gardes de les relâcher, niais ceux-ci refusèrent en disant qu’ils étaient emprisonnes sur Tordre du Sultan. Eltàhar bn Més’oùd ne voulut rien écouter et, tirant son poignard, frappa le portier Dris Eloùdèyi qu’il entama a l’épaule, et lui enleva son prisonnier. Il s’avança ensuite pour délivrer Ahmad hen Elmahjoùb, mais Celui-ci s’y refusa et le repoussa sévèrement, en lui disant qu’il ne voulait pas enfreindre les ordres du Sultan. Les Oùdèva pensaient, en eu’et, en raison de leur serment antérieur, que les ‘Abids étaient avec eux, mais Dieu avait semé la division entre eux.

Ettâhar et Bn Ettâhar se précipitèrent alors vers leurs chevaux et s’enfuirent à cheval dans la direction de Dur Eddebibag. Les Mgàfra assaillirent alors la porte du palais du Sultan, ceints de leurs armes, et si1 mirent à charger leurs fusils et à tirer à balles. Le parti du Sultan voulut leur résister, mais les Oùdèva, plus nombreux qu’eux, les battirent et fermèrent sur eux la porte du Mechouar. Le Sultan s’informa de ce qui se passait et fut mis au courant de la nouvelle. Elhasan bn llanimo Ou’Aziz, qui se trouvait avec lui, lui dit « O notre Maître si ces gens ont eu l’audace de commettre de pareils actes à votre porte, c’est qu’ils sont résolus à faire plus. »

Le Sullan (it aussitôt venir un cheval, et sortit, au coucher du soleil, par 15àb Elbejà, accompagné de I$en Ou W/îz et do q nelcj ues serviteurs à pied et à cheval.

Dès qu’ils apprirent le départ du Sultan, tous les Oùdèya quittèrent Fâs Eljedîd et la qasba des Chràga pour rejoindi’o le Sultan, qu’ils rattrapèrent au pont de Wyyâd. Là, ils mirent pied à terre et, baisant les sabots de son cheval, implorèrent sa clémence et se déclarèrent innocents du crime de ces impudents. Il tombait alors une pluie lég’ère et le soleil venait de se coucher, ou peu s’en fallait. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !j céda à leurs supplications et revint. Elhàclilj Muhammad bn Fcrhoùn lui conseilla d’aller avec lui à la qasba des Shrâga, qui était alors habitée par les Ahl Sus. Le Sultan se rendit à la maison de ce dernier, non sans méfiance, mais il le fallait en ce momentla.

A peine fut-il installé dans la maison de lien Ferhoùn,que les Mgàl’ra, les Oùdèya et les Ahl Sus s’ameutèrent autour de lui. Les Mgâfra lui manquèrent de respect et résolurent même de le tuer. Mais Dieu le protégea contre leur malice, car la division se répandit parmi eux, et les Ahl Sus, très surexcités, déclarèrent que le Sultan ne passerait pas la nuit ailleurs que dans son palais.

En effet, ils lui demandèrent de s’en aller. Le Sultan monta à cheval et, reconduit par eux, retourna pendant la nuit à son palais, où il se reposa.

Quelques jours après, le Sultan profita d’un moment d’inadvertance des Oùdèya pour se transporter au jardin de Boùljloûd, en dehors de Fâs Eljedîd. Tout son parti de Wbids et d’autres gens se joignirent à lui et presque tous s’installèrent à Fâs le vieux, de sorte que les Oùdèya restèrent seuls a Fâs Eljedîd. Le Sultan fit venir ensuite les Wbids de Miknâs qui répondirent à son appel. Les Udaya s’émurent en voyant que le Sultan avait résolu de les quitter, car ils savaient que, s’il se séparait d’eux, il ne les abandonnerait que pour les réduire ensuite.

Ils le sollicitèrent de demeurer il iïès, s’excusèrent et manifestèrent leur repentir, tandis que les mauvais sujets allaient livrer aux ‘Abîds un combat, où nombre d’hommes périrent des deux côtés.

Le Sultan parvint à les calmer, par une attitude bionveillante et douce, puis résolut d’aller à Miknâs. Emportant avec lui ses lourds bagages, ses efl’ets et ses richesses, il prit la route de (Juebgueb et la ‘Aqbat Elmsàjin, pour faire croire qu’il partait pour le Garb. Ungrand nombre de notables des Oùdèya sortirent pour lui l’aire escorte, puis, changeant d’idée, revinrent sur leurs pas.

Les Abîds tinrent-ils à leur adresser certains propos déplaisants? Les Oùdèya se groupèrent et tombèrent sur les ‘Abîds qu’ils séparèrent du Sultan, puis pillèrent ses trésors et ses bagages. Quelques hommes sensés purent s’approcher des femmes et les ramenèrent, sous leur protection, au palais ils ne pouvaient faire un plus bel acte.

L’argent et les effets furent pillés ils étaient en grande quantité. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) poursuivit sa route. Un des audacieux Oùdèya le suivit dans le but de le tuer, mais, avec la protection de Dieu, il arriva à Miknâs, ou il se trouva en sécurité.

La nouvelle de cette émeute était parvenue au qaïd Drîs bn IlUmmân Eljerràri, emprisonné à Tàza, qui, usant de ruse pour obtenir sa liberté, forgea une lettre au nom du Sultan et l’envoya au gouverneur de Tàza qui le mit en liberté. C’est que le Sultan, au moment où ce qâ’îd était à Tlimsân, lui avait envoyé quatre feuilles de papier portant le grand sceau impérial, et lui avait ordonné de conserver précieusement ces feuilles et de ne les employer que pour des affaires de la plus haute importance intéressant particulièrement le Sultan et le gouvernement, et pour lesquelles il n’aurait pas le temps de demander des instructions, en raison de la distance qui sépare Tlimsân de Fâs. Ce qâ’îd employa alors une de ces feuilles, et y écrivit l’ordre de sa mise en liberté; c’est ainsi qu’il sorlit de prison. Il alla à l’es a marches forcées, et, à peine arrivé, il écrivit au Sultan, pour lui annoncer ce qu’il avait luit et l’assurer « <|ii’il était toujours prêt à donner à notre Maître ses bons conseils et a travailler au bien du Sultan et de l’armée ». Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui répondit par la lettre suivante:

« Ensuite

« Nous avons reçu votre lettre et en avons pris connaissance. Dieu soit loué de ce que vous êtes sain et sauf! Car j’avais envoyé quelqu’un auprès de vous pour vous délivrer. C’est que nous avons acquis la certitude que vous avez été contraint d’agir ainsi et que vous n’avez rien à vous repprocher. Vu contraire, vous avez, donné une preuve d’habileté en cédant aux pillards, car si vous les aviez retenus, la situation eut été gravement compromise là bas. Aussi vous avez l’Amân, pour le présent et l’avenir.

Ne craignez jamais rien, car vous êtes de ceux dont nous connaissons la piété, l’intelligence et la sincérité. Nous avons vu, nous avons entendu tout le mal diabolique au quel se sont livrés nos oncles. Il ne convient pas que nous les traitions comme nous ont. traité ceux d’entre eux qui n’ont pas de raison, car si nous agissions ainsi, nous ne pourrions plus nous rencontrer. Kaitcsdone tous vos e Morts pour le bien et la conciliation. Donnezleur de notre part l’assurance qu’ils n’ont rien à craindre de nous.

Déployez donc les ell’orts les plus sérieux, car « si Dieu se sert de vous pour ramener dans le droit chemin un seul individu, cela vaut mieux pour vous que ce sur quoi le soleil se lève.

« Salut. t.

« Le 17 moharrem 12/|7. »

Le qâ’îd Dris s’occupa avec la plus grande sollicitude du harem du Sultan qui était reste à Fâs Eljedîd, et où se trouvait la favorite de Mawlay ‘Alxlerrahmàn, Lâlla  l’Yiliua, fille de Mawlay Slimùn. Il alla trouver ïamîn précédemment chargé des dépenses, et le pria de lui drosser une liste des (juanlilés journalières de farine, île viande, de graisse, etc., qu’il remettait auparavant au palais du Sultan. Quand cet ainiii lui eut écrit cette liste et la lui eut envoyée, ilfournit chaque jour au palais du Sultan les quantités qui y étaient porlées. L’n jour l’eau du palais du Sultan lut coupée le qâ’îd IJris lit porler lotis les jours des outres d’eau au palais, répara les conduites, et travailla jusqu’à ce que l’eau eut repris sou cours.

l’eu de temps après, le Sultan convoqua toutes les triJhis du Maghrib, celles du IJoùz, comme celles du Garb, et des ports. Elles arrivèrent toutes à Miknâs.

Apprenant cela, les Oùdèya firent venir d’une province où il se trouvait le ehériï Sîdi Muhammad bn At-Tayib, se massèrent autour de lui et le proclamèrent. Les tribus qui les avoisi liaient, et qui leur avaient promis de faire cause commune avec eux, les abandonnèrent, l’ouïes les tribus du Maghrib étaient prévenues, eu ell’et, contre ce Sidi Mohammed bn IvHayyéb, depuis que, gouverneur de Taniesua et de Doùkkâla, il avait maltraité les habitants de ces contrées aussi était-il universellement détesté.

Le Sultan marcha sur Fâs Eljedîd pour y assiéger les Udaya. Il fit braquer contre eux les canons et les mortiers. On tira sur eux sans discontinuer de la Mhalla du Sultan, de ‘Aïn Qâdoùs, du bastion de Boùljeloùd, du bastion de Bâb Elguisa et du bastion de Bab Elftoùh. Le siège dura sans répit pendant quarante jours. Les Oùdèya répondaient aussi par des boulets et des bombes. Au cours de ces journées là, les Bni Hsen se distinguèrent par leurs exploits. Puis le Sultan résolut de les emmurer et fit venir des charpentiers qui se mirent à travailler.

Mais, fatigués de la guerre, les Oùdèya réclamèrent la paix. L’amîn Al-Hâjj Elfàléb bn Jelloùn leur servit d’intermédiaire auprès du Sultan, qui leur accorda L’Amân à la condition qu’ils quitteraient Fâs Eljcdid. Ils se soumirent et envoyèrent auprès de Mawlay AbdeiTahinàn, pour implorer sa clémence, les vieillards et les enfants portant des planchettes sur leurs tètes. Parmi eux se trouvait leur sultan Bn Eftayyéb. 11 pardonna à tous (Dieu lui fasse miséricorde !), et parmi les paroles qu’il leur adressa leur dit:

« Dieu soit loué de n’avoir donné la victoire ni à vous, ni à moi, car si je vous avais vaincus, cette armée aurait égorgé vos enfants sans que je pusse vous préserver, et si vous m’aviez vaincu, vous auriez fait tout ce que vous auriez pu. Dieu a donné une preuve de sa clémence envers vous et envers moi. »

Ces paroles sont une marque de la grande intelligence du Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !), de sa générosité et de sa bonté.

Le Sultan résolut ensuite de partir pour Miknâs, mais auparavant il investit le qâ’îd Dris hen IlUmmân Eljerrâri i du commandement du guèïch Eloùdèya tout entier (21 cljou mâda 11 1247) (27/11/1831). A Miknâs, lors de la fête de la rupture du jeune, toutes les députations vinrent saluer le Sultan. Le calme était rétabli, le Sultan écrivit au qâ’îd Dris de venir aussi assister i la fête avec un grand nombre de ses contribules, environ 500. Ils répondirent à sa convocation, et se présentèrent au Sultan un soir dans le Meehouar. Là, il leur adressa des réprimandes, si bien que l’on crut qu’il allait les emprisonner. Mais il leur donna congé, et ils retournèrent à Fâs Eljedîd.

Puis, quand il résolut de partir pour Murrâkush, il se rendit d’abord à Fâs. Il campa en dehors de la ville, et après avoir examiné la situation du pays, du guèïch et de tous les habitants, il reprit la route de Murrâkush. Un jour ou deux après son départ de Fâs, il écrivit au qâ’îd Drîs de lui envoyer Ettâhar bn Més’oùd et Al-Hâjj Mohammed bn Ettâhar, qui l’accompagneraient à Murrâkush, où ils serviraient Sûs les ordres de son fils et khalîfa, Sîdi Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân. Ces deux personnages partirent à cheval, et libres, mais ils redoutaient le Sultan depuis les actes abominables qu’ils avaient commis et qui avaient amené cette grande révolte. Arrivés à Murrâkush, ils entrèrent au service du khalîfa.

L’année 12/|7 prit (in. Durant son cours, le Sultan destitua son vizir, le fqîh Abû ‘Abdallah Muhammad hen Dris, et le mit à la torture, puis lui rendit ses fonctions.

Dans l’intervalle, le Sultan nomma à sa place le fqih très docte et distingué Si Elmoukhtàr bn ‘AbdelmélikEljàm’i, qui s’accluitta avec distinction de cette charge (Dieu lui fasse miséricorde !).

Durant cette même année, le Sultan fit construire le grand muristân, qui se trouve sur le mausolée de l’ami de Dieu Abû l’abbas Ahmad hen ‘Âchér à Salé. Il n’y avait alors sur le tombeau que la qouhba et la mosquée le Sultan fit élever autour de ces constructions un grand mûristûn et construire une autre mosquée, et plus de vingt chambres pour les malades. Il y amena l’eau et établit auprès de la mosquée une chambre d’ablutions pour les hommes et une autre à l’est pour les femmes. Ce fut une belle action dont Dieu inscrivit la récompense sur la page du Sultan.

« [En juillet 1832], le Qâ’id Driss reçut du Sultan, qui se trouvait alors à Ribàt El-Fath (Rabat), une lettre l’invitant à lui envoyer Mohammed Ben Ferhoùn El-Jerrari. Celui-ci arriva libre, mais il fut aussitôt arrêté et envoyé à Essaouira. Peu de temps après, le Sultan recevait une lettre de son fils Sîdi Muhammad, le prévenant qu’il avait emprisonné Tahar […] et Ben Tahar […], parce que, persistant dans leur égarement et leurs menées diaboliques, ceux-ci avaient comploté de le faire périr au Msalla, le jour de la fête des sacrifices de l’année précédente […] Arrivé à Murrâkush, le Sultan envoya successivement au qaïd Drîs l’ordre d’arrêter les fauteurs de la révolte les uns après les autres, de sorte que presque tous furent emprisonnés. »

Mais le qàïd Dris, sentant que le Sultan avait encore (lu ressentiment contre les Oùdèya, s’attacha à rechercher et à découvrir quels étaient les sentiments intimes qu’il nourrissait à leur égard, ce qu’il voulait d’eux, et ce qu’ils pourraient faire pour le satisfaire et apaiser son esprit. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui écrivit à ce sujet une lettre exposant ses désirs oit il disait, après les invocations et le sceau ehérifien placé entre elles et le texte de la lettre

 

 

 

 « A notre oncle intègre le qàïd Drîs Eljerrâri. Le salut soit sur vous et la miséricorde du Très Haut.

 « Ensuite

 « Vous nous avez demandé, plusieurs fois, de vive voix et par écrit de vous expliquer notre désir et de vous exposer nos vues sur le guéïck, et ce qu’il pourrait faire pour nous contenter. Nous vous avons fait une réponse pleine de réserves, parce qu’alors nous n’avions pas une entière confiance dans la sincérité de votre langage, et il nous semblait que vous nous questionniez pour connaitre le fonds de notre cœur. Mais aujourd’hui nous avons tellement pénétré vos sentiments de sincérité, votre affection et la pureté de vos intentions que nous vous considérons comme un de nos enfants.

« Tl ne peut y avoir de certitude sur rien, si le soleil a besoin de preuves. »

En conséquence, personne n’est plus digne que vous de recevoir la coniîdence de nos pensées intimes. Nous ne vous cacherons rien de nos projets secrets.

 « Sachez donc (Dieu vous dirige !) que ceux que nous avons tenu à maltraiter, dans nos paroles et dans nos actes, ce sont tous les Mgâfra, sans faire de distinction parmi eux entre le grand et l’humble, entre le fort et le faible, et cependant il n’est pas un seul homme droit d’entre eux qui ait été atteint. Si les Udaya et les Ahl As-Sûs les avaient suivis, avaient soutenu leurs ambitions, ils auraient il réussi à nous enlever la vie. Mais Dieu nous a sauvé. Personne n’ignore le châtiment qu’ils ont mérite pour leur conduite aux termes de la Loi et de la coutume, mais en raison de leurs anciens services et contenant notre juste colère, nous ne leur avons appliqué que les peines les plus légères parmi celles que Dieu édicte eontre leurs pareils.

Dieu a dit (sa majesté soit exaltée! «Le châtiment de ceux qui luttent contre Dieu et son Prophète, et qui travail lent à répandre la corruption sur la terre. etc. »

Nous avons juré, par Dieu et par ses anges, que Fâs Eljedîd ne nous posséderait pas tant que les Mgàfra s’y trouveraient. Voilà la vérité sincèrement exprimée. 

« Et maintenant indiqueznous de quelle façon il convient d’agir, ce que nous devrons faire en premier lieu et ce que nous devrons différer. Nous tenons à arriver à nos lins sans soulever de difficultés et sans causer de scandale préjudiciable au guéïch. Croyez-vous qu’il faille divulguer la chose ou la tenir secrète’ Au cas où il n’y aurait pas de résistance de leur part, faitesnous savoir dans lequel des ports de notre empire ils consentiraient à se transporter, à Errefftt, par exemple, ou à la qasba de Murrâkush. De toute façon, nous ne pouvons pas leur pardonner nous voulons, au contraire, les chàtier et leur appliquer au moins en partie la justice de Dieu c’est la seule manière pour nous d’obtenir la tranquillité et le calme, et de nous dégager de notre serment, car le croyant ne se laisse pas blesser deux fois par la même pierre.

 « Vous nous rappelez l’engagement que nous avons pris envers vous, et notre promesse d’être bienveillant pour vous et de vous comhler d’honneurs. Cette promesse est sincère et ne doit vous laisser aucun doute, s’il plaît à Dieu Ne méritez-vous pas toutes nos faveurs ? Votre intelligence et votre fidélité vous ont rendu digne des plus hautes missions. Si nous avions trouvé un homme comme vous dans le guëïch, nous aurions eu la plus grande confiance en lui, et nous aurions fait pour lui le nécessaire.

Vous nous avez demandé, en résumé, d’occuper auprès de nous la place que tenait auprès de notre seigneur et aïeul le qâ’îd Qacldoûr bn Elkhadir (Dieu leur fasse miséricorde !). Mais votre rang auprès de nous est plus considérable que ne l’était le sien l’influence que vous avez auprès de nous est plus grande et plus appréciable que celle dont il jouissait auprès de mon seigneur et aïeul, (Dieu le sanctifie !), car Celui-ci ne le récompensa que pour sa fidélité. Nous, au contraire, qui l’égalez à ce point de vue, vous le surpassez par quelque chose de plus c’est le service que vous avez rendu à nos femmes et i nos enfants, qui, sans vous, seraient morts de faim. Seul, un homme vil nierait un tel bienfait. Dieu nous préserve d’un pareil sentiment Réjouissez-vous et n’ayez aucune inquiétude. Le rang et la situation dont vous jouissez auprès de nous sont tels que si vous pouviez vous en rendre un compte exact, vous seriez rempli de joie et d’allé gresse d’ailleurs, vous le verrez dès que la « poussière se dissipera M. Notre famille qui est auprès de nous, ne cesse de rappeler votre bienfaisance à son égard et fait auprès de nous les prières les plus pures en votre faveur. Dans le hadîts, on raconte qu’une femme des Bni Isrâ’il voyant un chien qui avait si soif qu’il léchait de la boue, lui donna à boire, et que Dieu lui pardonna ses fautes.

Que réservet-il alors à celui qui a fait le bien envers plusieurs personnes qui n’avaient plus d’espoir qu’en Dieu ? Que Dieu ne vous fasse jamais tomber dans le malheur

« Salut.

 « Le 18 du mois glorifié de ramadan 12/|8. »

Après cela, Dieu prépara au Sultan sa décision à l’égard des Udaya et lui inspira les véritables mesures qu’il y avait lieu de prendre visàvis d’eux. Il commença par ordonner le transfert du Relia des Mgâfra à Qasbat Ech cherrâdi, dans les cnviions de Murrâkush. La population pensa qu’il se bornerait à cela, car (Dieu lui fasse miséricorde !) il (it croire <|ii’il avait seulement décidé le transfert des Mgfdra. Ensuite, il envoya le Relia des Oùdèya à El’arêïch et dans les environs, puis au Jebel Selfât. Peu de temps après, le Relia de Ilel Sûs fut transporté à Ribât Al-Fath les hommes devaient camper à Elmansouriya, au bord (le l’Wad Ennefîfîkh, et leurs qàïds résider à la de Ribât Elfelh. Six ans après, il fit transporter leurs campements à Qasbat Temâra, près de Ribât Al-Fath. Comme cette (la.yba était en ruines, il la fit réparer entièrement deux ou trois ans après. Le Sultan raya le corps des Udaya des contrôles de l’armée et cessa de s’en occuper pendant quelques années. Puis il les y réintégra vers 4 260, comme nous le verrons plus tard.

Le Sultan avait ainsi totalement débarrassé Fâs Eljedîd du guéïch ElUdaya. De Murrâkush, il envoya Ettâhar bn Més’oùd et Elhadj Muhammad bn Ettàhar, qui y furent emprisonnés. Puis la ‘Arifa du palais, Al-Hâjja Zouîcla, apporta, de la part du Sultan, à son fils Sidi Muhammad, à Fâs, une lettre contenant l’ordre de mettre ces deux hommes à mort il l’endroit même où le premier avait dé livré le second. On les conduisit à cet endroit, et le nègre, le qûïd Faraji, fut chargé de l’exécution. Il commença d’abord par Ettâhar, qui tomba frappé d’une balle qui lui fracassa la tète. Puis, ce fut le tour d’Al-Hâjj Muhammad bn Ettâhar bn Més’oùd qui fut tué de la même façon on prétend que la vie s’était déjà retirée de lui avant qu’on le tuât, car on ne vit pas son sang couler.

Au contraire, le sang de Ettàhar bn Més’oùd coula en abondance et Sidi Muhammad, fils du Sultan, ordonna de l’enterrer. Quant à Bn Ettâhar, son cadavre fut jeté sur un fumier, et dévoré par les chiens, Sûs la surveillance de gardiens il ne reste plus que ses pieds avec leur chaîne. Cette exécution eut lieu vers 1250.

Quant à lion Ferhoùn et ses compagnons, ils demeureront dans la prison do l’ilo de As-Swîra jusqu’à leur moil.

Cette terrible allai re mon Ire quelle était l’intelligence du Sultan, et jusqu’à quel point allaient sa clémence et sa générosité, puisqu’il n’inliigea à ces gens, qui lui avaient fait le mal le plus grand, que le plus mince des châtiments qu’ils avaient mérités, ainsi qu’il l’a dit lui-même et comme on a pu le voir et le savoir.

Je demande à Dieu de nous envelopper de sa miséricorde, ainsi que tous les Musulmans, de nous préserver tous du mal, de nous faire obtenir la paix dans ce monde et le paradis dans l’autre. 11 peut nous accorder cette grâce et répondre à nos prières.