Al-Nuwayri : 740 : Révolte Islamo-berbère de Tingitane, v. 1325 n-è

 ‘Ubayd Allah b al-Habhâb, mawla de la tribu de Salul, occupait une place éminente dans l’administration civile, s’exprimait avec élégance et savait par cœur la poésie des Arabes du désert, l’histoire de leurs journées célébrés et les récits de leurs combats. Ce fut lui qui bâtit la grande mosquée de Tunis, ainsi que l’arsenal de la marine.

Sa nomination au gouvernement de la province d’Afrique eut lieu au mois de rabi‘ I  116/avril 734.

Il confia le commandement de Tanger et ses dépendances à ‘Omar Ibn Abd Allah al-Muradi ; mais celui-ci se conduisit avec injustice et commit des illégalités dans la perception de la dîme aumônière et la répartition du butin. Il voulait prélever le quint sur les biens des Berbers, sous prétexte que les propriétés de ce peuple étaient un butin acquis aux musulmans, chose qu’aucun ‘Amil avant lui n’avait osé faire ; ce fut seulement sur ceux d’entre eux qui refusèrent d’adopter l’islam que les gouverneurs imposaient ce tribut.

Cette conduite porta les Berbers de Tanger à la révolte, et ils se mirent tous en insurrection contre lui, en l’année 122/740. Ce fut la première fois que, dans la province d’Afrique, des troubles éclatèrent au sein de l’Islam.

Maysira al-Mudari se soustrait, et tue ‘Umar al-Muradi.

Alors parurent en Maghrib des gens qui professaient les doctrines des kharidjites, et dont le nombre ainsi que la puissance prit de grands accroissements.

L’historien dit plus loin :

Alors ‘Ubayd Allah fit partir des troupes, choisies parmi les Arabes nobles, pour combattre Maysira. Il en commit le commandement à Rhah’d ibn abi Habib el-Fihri, auquel il donna pour lieutenant Habib ibn Abi ‘Ubayda. Khalid vint livrer bataille à Maysira sous Tanger ; le combat fut soutenu avec un acharnement inouï ; mais, à la fin, Maysira rentra vainqueur dans la ville. Les Berbers firent ensuite des peintes amères contre la conduite de leur chef, et ceux qu’il’ avaient proclamé khalife et lui avaient prêté serment de fidélité, secouant le joug de son autorité, le mirent à mort ; puis ils décernèrent le pouvoir suprême à Khalid Ibn Humayd Uwî, de la tribu Zenata.

Ibn abi Habib vint une seconde fois livrer bataille aux Berbers ; mais, au plus fort de l’action, il fut attaqué par Ibn Humayd, à la tête d’une armée formidable. Les Arabes furent mis en déroute, et Ibn abi Habib et quelques-uns de ses compagnons, trop fiers pour prendre la fuite, se précipitèrent dans les rangs ennemis, où ils trouvèrent tous une mort glorieuse.

Les Arabes les plus braves et leurs cavaliers les plus intrépides succombèrent dans ce combat, qui fut nommé le combat des nobles. Par suite de ce revers, la révolte se propagea dans le pays, et la position des affaires devint si mauvaise que le peuple se réunit et déposa son gouverneur ‘Ubayd Allah.

En apprenant ce malheur, Hisham ibn ‘Abd al-Melik s’écria :

« Qu’on me fasse venir des hommes ! amenez-moi ces Arabes qui se sont présentés

– Oui ! répondirent ses serviteurs

-Par Dieu ! reprit-il, je me fâcherai contre eux de la colère d’un Arabe ! Je leur enverrai une armée telle qu’ils n’en virent jamais dans leur pays : la tête de la colonne sera chez eux pendant que la queue en sera encore chez moi. Je ne laisserai point de château berber sans établir à côte un camp de guerriers de la tribu Qays ou de Tamîm. »

Il envoya alors à ‘Ubayd Allah b al-Habhâb une lettre de rappel. Celui-ci quitta la province d’Afrique au mois de Jumada I 128/avril 741.

En arrivant dans la province d’Afrique, dit plus loin l’historien, ‘Ubayd Allah avait destitué Anbasa, gouverneur de l’Espagne, et nommé ‘Uqba b al-Hajjaj à sa place ; mais sur la nouvelle de la révolte des Berbers, le peuple de ce pays déposa ‘Uqba et confia le commandement à ‘Abd al-Malik b Qatan al-Fihri.

L’historien ajoute qu’Hisham b ‘Abd al-Malik nomma alors Kulthûm b ‘Aiyad, de la tribu de Qushayr, gouverneur de l’Afrique.

[…]

En arrivant dans la province, il tourna Qayrwan et marcha directement sur Sebta, après avoir donné à Abd ar-Rahman b ‘Uqba al-Ghaffâri le commandement de la première ville.

‘Abd ar-Rahman était alors Qadi de la province d’Afrique.

Kulthûm ayant appris que Habib ibn Abi ‘Ubayda résistait toujours aux Berbers, alla à leur rencontre et les trouva, au nombre de 30 000 sur le bord du Wadi Tanja, où ils furent aussitôt rejoints par Khalid b Humayd az-Zanati. Cette multitude immense s’ébranla et marcha contre les musulmans. Le combat fut terrible ; Kolthoum y périt, ainsi qu’Ibn Abi ‘Ubayda, Sulayman b Abi Muhajir et les principaux d’entre les Arabes : le reste prit la fuite.

Les Syriens passèrent en Espagne, et les Egyptiens ainsi que les habitants de la province d’Afrique se réfugièrent en Ifriqiya.