Al-Idrissi, Fez, v. 1150 n-è

Fâs consiste proprement de deux villes séparées par une rivière considérable, dont les sources sont connues sous le nom de sources de Çanhâdja (‘Uyûn Çanhâdja), et dont les eaux font tourner un grand nombre de moulins, où la réduction du blé en farine s’obtient à un très bas prix.
La ville septentrionale se nomme al‑Qarawîin, la ville méridionale al‑Andalus.
L’eau est rare dans cette dernière ; il n’y a qu’un seul canal qui ne fournit qu’aux besoins de la partie supérieure de la ville. Quant à celle d’al‑Qarawîin, l’eau circule abondamment dans les rues, et les habitants s’en servent pour nettoyer leur ville durant la nuit, de sorte que, tous les matins, les rues et les places publiques sont parfaitement propres ; on trouve, d’ailleurs, des fontaines, dont l’eau est plus ou moins pure, dans toutes les maisons.
Chacune des deux villes a sa Jâmi’ et son Imâm particuliers ; les habitants des deux quartiers sont en rixes continuelles les uns avec les autres et se livrent souvent des combats sanglants.
La ville de Fâs renferme beaucoup de maisons, de palais, de métiers ; ses habitants sont industrieux, et leur architecture, ainsi que leur industrie, a un air de noblesse ; il y règne une grande abondance de toute sorte de vivres ; le blé surtout y est à meilleur marché qu’en aucun des pays voisins. La production de fruits est considérable.
On y voit de toutes parts des fontaines surmontées de coupoles et des réservoirs d’eau voûtés et ornés de sculptures ou d’autres belles choses ; les alentours sont bien arrosés, l’eau y jaillit abondamment de plusieurs sources, tout y a un air vert et frais ; les jardins et les vergers sont bien cultivés, les habitants fiers et indépendants.