Al-Bakri, Ghomara, Tanger, Tetouan, Ceuta et Azila, v. 1075 n-è

Coutumes Ghomara

Le mowareâa, usage généralement répandu chez les Ghomara, flatte singulièrement l’amour-propre de leurs femmes. Au moment où l’homme qui vient d’épouser une fille vierge se dispose à consommer son mariage, les jeunes gens de la localité enlèvent la mariée à la dérobée et la retiennent loin de son époux, pendant un mois ou même davantage ensuite ils la lui ramènent. Il n’est pas rare que la même femme soit enlevée plusieurs fois de suite ce qui lui arrive surtout quand elle se distingue par sa beauté. Plus on la recherche de cette façon, plus elle en est heureuse.

Lorsqu’un voyageur s’arrête chez ce peuple, son hôte ne croit pas avoir parfaitement rempli envers lui les devoirs de l’hospitalité, à moins de lui avoir donné pour compagne une de ses parentes restée veuve il permet à sa sœur déjà veuve, ou à sa fille, ou à toute autre femme de ta famille qui est célibataire, de passer la nuit avec l’étranger^ Ils ne souffrent pas dans leur pays les gens atteints de défauts corporels, dans la crainte, disent-ils, de laisser détériorer leur race mais ils accueillent avec empressement les hommes qui se distinguent par les agréments de leur figure et par leur bravoure. Tout ce peuple est d’une beauté remarquable les hommes laissent croître leurs cheveux, à l’instar des femmes ils en font des tresses dont ils s’entortillent la tête après les avoir parfumées.

Tanger

Le Territoire de Tanger est occupé par des Sanhâja. La route qui mène de Sibta à Tanger, et qui suit le rivage de la mer,  traverse d’abord une plaine où l’on remarque des terres cultivées qui s’étendent jusqu’à la distance d’un mille. Elle passe ensuite sur le territoire des Bni Smghâra, habitants de la montagne de Mrsâ Mûsâ, et atteint la rivière de la cité d’Al-Yamm, et d’Al-Qçar l-Awl. Les Masmûdâ s’y partagent en 4 tribus : les Dughâgh, les Assâdâ, les B. Semghara et les Kutâma. Les tribus Sanhâjâ se rattachent à 2 branches, celle de Car ibn Sanhadj et celle de Hezmar ibn Sanhadj.

 

Al-Qasr al-Awal, habité par des Bni Tarif, est entouré de vastes plantations d’arbres.

 

Les navires peuvent entrer dans la rivière et remonter jusqu’à la muraille d’Al-Qasr. Entre la source et l’embouchure de cette rivière il y a une distance d’environ deux relais de poste. Une journée de marche suffit pour se rendre de Ceuta à Al-Qasr et de ce dernier endroit à Tanger on met encore une journée.

 

Voici ce que dit Muuhammad b. Yûsuf

 

« Le voyageur qui part de Tanger, avec l’intention de se rendre à Ceuta par mer, se dirige vers l’Orient et rencontre d’abord Jbal al-Menara puis Marsa Bab al-Yamm, rade sans abri, auprès de laquelle on remarque quelques habitations, un ribat, et un ruisseau qui se décharge dans la mer. De cet endroit à Tanger il y a 30 milles par la voie de terre et, par mer, une demi-journée de navigation. Vis-à-vis, sur la côte de l’Espagne et à la distance d’un tiers de journée, est situé le port de l’île de TARÎF (Tarifa). Après avoir passé Al-Yamm, le voyageur aperçoit le Zilûl, rivière dont les bords sont couverts de vergers et de champs cultivés. Ensuite il trouve la rivière de Babb al-Yamm qui se décharge dans la mer, après avoir traversé de nombreux jardins, des villages et des champs cultivés appartenant à des Masmuda. Plus loin il passe auprès d’un rocher qui se dresse dans la mer et qui porte le nom d’AL-MEBKHA ; Localité située auprès de la pointe Carnero, cap qui forme l’extrémité occidentale de la baie de Gibraltar puis il atteint Marsa Mûsâ, qui offre un bon mouillage, même en hiver, et qui abrite les navires contre tous les vents, excepté celui du S-E. On y remarque une rivière qui se jette dans la mer et sur le bord de laquelle il y avait autrefois un château. Cet édifice fut ruiné par les Bni Muhammad et les Masmûda en 302 -915, il fut encore renversé par ce peuple en l’an 340 (951). […]

auprès d’eux. Lorsqu’ils voient des matelots faire marcher un bateau à l’aide de rames, ils prennent des morceaux de bois et se mettent à les contrefaire. Plus loin on rencontre le port de l’île de Toura sur la terre ferme se voit te village qui a donné son nom à l’ile et au port.

L’ile de Toura a l’aspect d’une montagne entièrement séparée du continent la côte de la terre ferme qui l’avoisine se compose de hautes falaises le port est situé entre elles et l’île. De là on se rend à Merç.v Belyiou?5och, port dont le viHage du même nom est bien peuplé et abonde en fruits. A l’occident du village est une rivière qui verse ses eaux dans la mer, après avoir fait tourner plusieurs moulins. De cet endroit au port de l’ile de Toura il y a cinq milles par terre. On arrive ensuite au lieu nommé El-Casr. Ce château est situé sur un ravin qui verse une grande quantité d’eau pendant l’hiver et très-peu en été. Auprès du château se trouvent quelques voûtes ruinées et d’autres monuments antiques.

Plus loin on rencontre la localité nommée MA ELHîat « l’eau de la vie i>, où l’on trouve, sur la plage, cntre les pierres qui sont au pied d’une colline de sable, plusieurs sources qui fournissent une excellente eau. Les vagues arrivent jusqu’à cette colline. Pour peu que l’on creuse dans ces sables, on fait jaillir de (242] l’eau douce. On raconte que ce fut ici l’endroit où le garçon de Moïse oublia le poisson (i). On trouve dans ce parage, et nulle part ailleurs, un poisson qui porte le nom de poisson de Moïse large de deux tiers d’un empan, il a plus d’un empan en longueur il n’a de la chair que d’un seul côté, l’autre côté en est dépourvu, de sorte que la peau est collée aux arêtes. Sa chair est d’un goût agréable et s’emploie avec avantage pour guérir la gravclle et fortifier la sécrétion séminale. De là on se rend un petit port nommé Merça DennÎl en face, sur la terre ferme, est un bourg bien peuplé, qui porte le nom de Huwara et qui possède quelques sources d’eau douce. On passe ensuite auprès d’un rocher qui s’élève hors de la mer et que l’on appelle Hwer as-sûdân. De là on arrive à la ville de Ceuta.

[Route de Ceuta à Tétouan]

Parti de Ceuta, en suivant le chemin de terre, on arrive, après une marche de’six milles, à l’endroit où le Ouadi-‘l-Menaouel se décharge dans la mer, au midi de cette ville. De là on se rend au OUADI NEGRO (1), rivière qui sort de la montagne d’ABou DJEMÎL et qui coule auprès de plusieurs villages habités par les Beni Affan ibn Khalef. Auprès de cette rivière est un lieu nommé EL-CASR, où ion voit [243] effectivement un château de construction antique, dans lequel est un bain. On remarque beaucoup d’autres ruines anciennes sur le bord du Ouadi Negro. Plus loin se trouve la rivière d’AsMÎR, qui prend sa source dans le DJEBEL ed-Derega « la montagne du bouclier », et qui coule de l’ouest à. i’est. Sur ses bords se voient plusieurs villages appartenant aux Beni Ketrat, peuplade masmoudienne. De là on se dirige vers l’endroit nommé CAP Mont (2), promontoire qui avance dans la mer, qui est au midi de Ceuta. Cette localité est habitée par des Beni Ketrat et des Beni Sikkîn. Ensuite on arrive au NEHR ElÎli, rivière qui sort aussi de la montagne d’ED-DEREGA. Plus loin on trouve le bourg de Taoubès, qui appartient à Abd er Rahman ibn Fahel, membre de la tribu des Beni-Sikkîn, peuplade masmoudienne.

Cet endroit est entouré de bonnés tertes et de champs cultivés. De là on arrive à Titaouan ;Tétouan), ville située sur le flanc du DIEBEL ICHEGGAR. Cette montagne touche à celle d’Ed-Derega et s’étend jusqu’au mont RAS eth-Thalr la tète du taureau », d’où elle se prolonge encore jusqu’à Merça Mouça, port de mer, à l’occident [de Ceuta].

La ville de Tétouan domine la partie inférieure du Ouadi Râs (i), rivière que Mohammed [b. Yûsuf] appelle le Mejekeça et qui, dans cette localité, est assez large pour permettre aux petits navires de remonter depuis la mer jusqu’à TÉTOUAN

La mer est à 10 milles (sic) de cette ville, qui forme le chef-lieu du territoire appartenant aux Beni Sikkîn. Tétouan possède une citadelle de construction ontique, un phare et plusieurs moulins situés sur les nombreux ruisseaux qui coulent [dans les environs].

Au nord de la ville est une montagne nommée BELAT ESCnox ·c le pavé d’épines ». Les Beni Sikkin peuvent mettre en campagne cent cavaliers. Le DEMGA, montagne entre laquelle et Tétouan il y a la distance d’un relais de poste, est la demeure des Beni Merzouc ibn Aoun, tribu masmoudienne. La partie de cette montagne où ils ont établi leurs habitations s’appelle Sadîna c’est une bourgade où l’on trouve des eaux courantes et des champs cultivés qui sont les plus beaux de toute cette contrée. Le Derega est une montagne abrupte et presque inabordable mais le sommet est couvert de vastes pâturages et de grasses prairies qui servent à la nourriture des troupeaux. La bourgade est bâtie sur la partie méridionale de la montagne. Au sud-ouest du Derega s’élève la montagne qui porte le nom de Ha-mîm EL-MOFTEnI, imposteur dont nous avons déjà parlé. Le Derega touche au territoire des Ghomara, et son extrémité, de ce cote-la, est habitée par les Beni Hocein ibn Nasr. On se dirige ensuite vers {245J le RACE., fleuve dont la source est à Tittesocak, localité de la montagne des Beni lIamim. On se rend ensuite au Souc [ou marché] des Beni Maghraoua, situé sur la limite du territoire appartenant aux Medjekeça et à l’occident du Racen (Ras). Ce marché se tient tous les mardis et attire beaucoup de monde. Plus loin on arrive à FEDDJ el-Ferès « le défilé de la jument », où l’on voit quelques villages appartenant à des familles masmoudiennes, qui peuvent mettre en campagne deux cents cavaliers. De là on se rend à CWcam autrefois chef-lieu du pays qui appartenait à Hammoud ibn Ibrahim. Cet endroit est situé sur le flanc d’une montagne, et possède des eaux courantes et des vergers en quantité. La rivière Seshour, qui coule auprès de cette ville en traversant un beau pays, prend sa source dans le Tamourat, montagne habitée par les Metna, tribu sanhadjienne. C’est sur le Derega, à deux milles sudouest de Ouinacam, que les Sanhadja vont se retrancher chaque fois qu’ils se révoltent contre l’autorité du souverain. Immédiatement à côté du Derega s’élève la montâgne qui porte le nom de HABÎB IBN YOUÇOF ELIl Cef^ de deux relais de poste entre

Route de Kûrt à la ville de Tiguiças

L’on se rend d’abord au OUADI-RAS par le chemin [246] déjà indiqué, puis on traverse le territoire des GHOMARA, puis celui des BENI GAFOC, puis celui des Béni NEFGAOUA, famille appartenant à la tribu des Béni Homeid. Cette fraction des Ghomara habite les bords du LAOU, grande rivière qui porte bateau. Les Nefgaoua élèvent une race de bétail dont l’excellence est reconnue, et des chevaux que l’on désigne par le nom de h.omeidi. De là on passe chez les Bem-Meçara, peuplade qui habite les environs de Tîguiças et qui appartient aussi à la tribu des Homeid.

Lieux remarquables qui se trouvent sur la route de Ceuta à Tanger

Entre Ceuta et Tanger se trouvent quelques lieux remarquables et plusieurs centres de population. Tels sont le Nahr Ilîan et le Qasr Ilîan, château dans lequel on remarque beaucoup de ruines anciennes. A l’occident de cette rivière est un endroit qui porte le nom de Krushat et qui marqué l’extrémité du territoire occupé par les Ghomara et les Masmuda. Dans cette localité, et immédiatement à côté de ces tribus, demeure une peuplade sanhaja nommée Metna.

Le Nahr al-Khalîj coule à l’est de Tanger, et se décharge dans la mer par une embouchure asssez profonde pour admettre des navires. La montagne de Ras ath-Thaur est habitée par un grand nombre de peuplades masmouda. La rivière nommée Majaz al-farûq est très grande celle de Fermyûl prend sa source dans les montagnes de ‘Ayn ash-Shams et de METRARA.

Celle-ci est très escarpée elle abonde en arbres et en eaux courantes. C’est de là que la rivière appelée Wadi ar-Rmal se précipite vers la mer du Détroit après avoir traversé beaucoup de vergers et de champs qui fournissent de belles moissons. La source appelée Aïn- ash-Shams est très abondante elle jaillit dans le village de Naçr ibn Jaru, endroit florissant et bien peuplé qui possède un Jâmi‘ et beaucoup de jardins. On y tient un marché tous les vendredis.

De là à Ceuta il y a une journée de marche. A côté d’Aïn es-Chems s’élève la montagne de TAREMLÎL, chef-lieu des Beni Racen on y trouve de beaux villages, des jardins et une mosquée dj-amê. Le Taremlîl occupe le centre du territoire habité par les Masmouda, territoire situé en face de Tétouan. La montagne s’étend jusqu’à la ville de Bab al-Yemm, et de là jusqu’à la mer qui est à l’occident. MEDJAZ FEKKAN est la résidence des MILWETHA, tribu qui peut mettre en campagne 500 cavaliers. Tout auprès de là se trouvent la localité nommée Ar-Ruçafa, et l’ Ikudya (tertre) de Tafugalt. Les nombreux villages de cet endroit sont habités par des Metna et peuvent mettre en campagne environ 80 cavaliers. La rivière des Awraba prend sa source dans un village nommé Al-Agulas, autour duquel on remarque de belles prairies et des terres cultivées d’une grande fertilité. Ce lieu forme la Casbanita « campagne » de Tanger.

[…]

Tanja, appelée en langue berbère Walîlî fut prise d’assaut par ‘Uqba b. Nâfi‘, qui tua  toute la partie mâle de la population et emmena le reste en captivité. Une ceinture de murailles solidement construites entoure cette cité qui est située sur le bras de mer appelé Az-Zukâk. Ce lieu est fréquenté par des navires de petite dimension qui viennent y décharger leurs cargaisons ; les grands navires n’y vont pas, car la rade est très dangereuse lorsque le vent souffle de l’est. Ceci est la localité que les livres d’histoire désignent du nom de Tanjat-al-BayDâ. On y trouve bcp de monuments antiques, tel des châteaux, des voûtes, des cryptes, un bain, un aqueduc, des marbres en grande quantité et des pierres de taille. Lorsqu’on creuse dans ces ruines on trouve diverses espèces de bijoux, surtout dans les anciens tombeaux.

Tanja forme la limite extrême de l’Afrique du côté occidental. On rapporte que la juridiction de cette cité s’étendait sur un territoire dont la longueur et la largeur étaient également d’un mois de marche. On ajoute que dans les temps anciens, les Rois de l’Occident y avaient établis le siège de leur empire et qu’un de ces princes avait dans son armée 30 éléphants. De Qayrwân à Tanja, on compte 1000 m..

La cité est désormais bâtie sur une hauteur plus élevée que l’ancien emplacement de Tanja, lequel a été envahit par les sables. Elle renferme un beau Jâmi‘ et un marché très fréquenté. Dans l’océan, vis-à-vis de Tanja et de la montagne nommée Adlnt, se trouvent les îles Fortunées, c’est-à-dire heureuses. Elles sont ainsi nommée parce que leurs forêts et bocages se composent de diverses espèces d’arbres fruitiers qui y poussèrent naturellement et produisent des fruits d’une qualité admirable, au lieu de mauvaises herbes, le sol y produit des céréales et à la places des épineux, on trouve toutes sortes d’aromates. […]

La Cala-t-ibn KHARROUB « château d’Ibn Kharroub » est à une journée de Tanger. C’est une grande ville, bâtie sur le pic d’une montagne elle possède des bois, des vergers, beaucoup de bétail et de champs cultivés. Elle appartient aux Kotama, qui composent une des tribus masmoudiennes. Dans le voisinage de cette place forte est un grand village, occupé par des Arabes de la iribu de Khaulan, et renfermant une nombreuse populution qui vit dans l’abondance. Il est situé sur le bord du ZELOUL, rivière que le voyageur rencontre avant d’arriver à la Calâ-t-ibn [250] Kharroub. Dans le voisinage du même endroit se trouve Dimna-t-Achiba, riche canton appartenant à des Sanhadja. Ensuite on rencontre plusieurs villages très rapprochés les uns des autres, et habités par les Kotamiens puis on arrive à Souc KOTAMA, lieu de marché qui était la capitale des États gouvernés par Idrîs, fils d’El-Cacem ibn Ibrahîm. Cette grande et magnifique ville est située sur la rivière Lokkos (i) elle possède un djam2 et un marché bien achalandé. De là on se rend à CAsn Denhadja, château qui s’élève sur une colline et qui domine une grande rivière. On y voit les restes de quelques monuments antiques. C’est là que les rois du Maghreb s’étaient établis dans les temps anciens. Le SARSAR, montagne située au sud de ce château, est occupé par plusieurs peuplades appartenant aux tribus de Kotama et d’Assada.

[…]

Asila

Asîla, première ville du littoral africain, à partir de l’occident, est située dans une plaine entourée de petites collines. Elle a la mer à l’ouest et au nord. Autrefois elle était environnée d’une muraille percée de cinq portes. Quand la mer est agitée, les vagues vont atteindre le mur du Jâmi‘, édifice composé de 5 nefs. Tous les vendredis il se tient dans cette ville un marché qui est très fréquenté. Les puits qui se trouvent dans l’intérieur de la place ne fournissent qu’une eau saumâtre mais le Bîr Adel, le Bîr es-Sanïa ce puits de la machine hydraulique, et plusieurs autres puits de l’extérieur, donnent une eau de bonne qualité. Le cimetière est à l’est de la ville. Le port, dont l’entrée est du côté de l’orient (?), offre un bon abri aux navires une jetée, formée de pierres de taille, se déploie en segment de cercle au nord de ce bassin, et protège le mouillage contre la violence de la mer.

Asîla, ville de construction moderne, doit son origine à un événement que nous allons raconter. Les Majûs avaient débarqué au port deux fois. Lors de leur première descente ils se présentèrent comme de simples visiteurs, et prétendirent avoir caché dans cette localité beaucoup de trésors. Voyant que les Berbers s’étaient réunis pour les combattre, ils leur adressèrent ces paroles

« Nous ne sommes pas venus ici avec des intentions hostiles mais ce lieu renferme des trésors qui nous appartiennent allez-vous placer plus loin, et, lorsque nous les aurons déterrés, nous en ferons le partage avec vous. »

Les Berbers acceptèrent cette condition, et, pendant qu’ils se tenaient à l’écart, ils virent les Majûs creuser la terre et en retirer une grande quantité de dokhn (millet pourri). Voyant la couleur jaune de ce grain, et croyant que c’était de l’or, ils accoururent pour s’en emparer, et mirent les étrangers dans la nécessité de s’enfuir vers leurs vaisseaux. Ayant alors reconnu que leur butin était du millet, ils eurent du regret de ce qu’ils venaient de faire et invitèrent les Majûs à débarquer de nouveau pour déterrer leurs trésors.

« Non, répondirent ceux-ci, nous ne le ferons pas vous avez violé votre engagement, et vos excuses ne nous inspirent aucune confiance. »

Ils partirent alors pour l’Andalousie et firent une descente sur le territoire de Séville. Cela eut lieu en l’an 229 (844), sous le règne de l’imam Abd er-Rahman ibn el-Hakem.

La seconde fois qu’ils débarquèrent au port d’Asîla, leur flotte venait d’être chassée des parages de l’Andalousie par un fort coup de vent. Plusieurs de leurs navires sombrèrent à l’entrée occidentale du port, au lieu qui s’appelle encore Bab al-Majûs « la porte des païens ».

Les habitants du pays s’empressèrent alors de bâtir un ribat sur l’emplacement d’Asîla, et d’y installer une garnison qui devait se renouveler régulièrement, au moyen de volontaires fournis par toutes les villes du voisinage. On y tenait une grande foire aux trois époques de l’année que l’on avait fixées pour le renouvellement de la garnison, c’est-à-dire au mois de ramadan, au 10 de dou-‘l-hiddja et au 10 de moharrem.

Sur ce terrain, qui appartenait à une tribu louatienne, quelques Kotamiens bâtirent un édifice pour leur servir de Jâmo‘.

Des habitants de l’Andalousie et d’autres contrées, ayant entendu parler de cet établissement, y apportèrent, aux époques déjà indiquées, diverses espèces de marchandises et y dressèrent leurs tentes. Alors on commença construire des maisons, et on finit par y former une ville.

Al-Cacem ibn Idrîs ibn Idrîs, qui vint alors prendre possession de cette place, bâtit la muraille et la citadelle qui la protègent encore. On y voit son tombeau. Ibrahim, son fils et son successeur dans le gouvernement d’Asîla, fut remplacé par Hocein ibn Ibrahim. El-Cacem, fils de Hocein, prit ensuite le commandement.

Après lui, un membre de la même famille, nommé Hacen et surnommé El-Haddjam, y installa des Shaykh qui gouvernaient en son nom. Asîla fut enlevée aux Idrîcides par Ibn Abi-‘l-Afiya, et reçut un gouverneur nommé par ce chef. Le mot Asîla, dit-on, signifie « bonne ».

Asîla est située à l’ouest de Tanger. En partant de la première de ces deux villes on rencontre d’abord la rivière du même nom on la passe à gué, puis on remarque une mosquée située à droite de la route. Plus loin on passe à gué la rivière de NEBROCH. Le bourg qui porte ce nom est situé à un demi-mille de la mer, et appartient à des Louata il est florissant, bien peuplé, riche en fruits et en sources. On parcourt ensuite une plage sablonneuse jusqu’à une grande rivière que l’on traverse dans un bac. Sur le bord de cette rivière on voit un village grand et prospère qui est habité par les gens de TAHEDÁRT, et qui possède une saline. Ensuite on passe une plage de sable puis on trouve un étang d’eau douce, large d’environ deux cents coudées et situé au nord d’un rocher très élevé et à un demi-mille de la mer. Un vent très violent se précipite de ce lac avec :ant de force, qu’il cause des avaries aux navires et les renversé même, si les matelots n’y font pas attention. Ensuite on traverse une plage située en face de la ville de SETTA puis on gravit une falaise pour atteindre KAGmabiya, village qui appartient à des Sanhadjiens et qui possède des carrières où l’on taille des meules de moulin.

De là on arrive à Ishbirtal (Spartel), montagne qui avance dans la mer, mais qui fait partie de la terre ferme. On y trouve des sources d’eau douce et une mosquée qui sert aussi de ribat. Ce promontoire est à trente milles d’Asîla. Les navires qui se laissent pousser au large de Spartel par un vent d’est ne peuvent éviter d’être entraînés dans la mer Environnante (l’Atlantique), à moins que le vent ne tourne à l’ouest. Sur la côte andalouse, tout à fait vis-à-vis de Spartel, s’élève la montagne d’Al-Aghab. Si l’on part d’Espagne avec un vent du sud, ou si l’on part d’Espagne avec un vent du nord, on met deux tiers de journée à traverser le bras de mer qui sépare ces deux caps. De Spartel on passe ensuite à un endroit nommé Al-Qala‘a, puis on arrive à Tanger.

De cette ville à Spartel il y a 4 milles.