Ps-Sébéos, NERSÈS (641-61), KATHOLIKOS D’ARMÉNIE, v. 675 n-è

Maintenant je vais parler un peu de Nersès, catholicos d’Arménie. Il était natif du Taykh, du village qui s’appelle Ichxan, et nourri dès l’enfance dans le pays des Romains ; il avait étudié la langue et les lettres des Romains. Et il avait voyagé dans ces pays en se livrant aux occupations de la guerre ; il avait adopté avec conviction les doctrines du concile de Chalcédoine et du tumar de Léon ; il ne révéla à personne ses desseins impies avant d’être parvenu à l’épiscopat du pays ; et ensuite au siège du catholicosat. C’était un homme à la conduite vertueuse, jeûnant et priant ; mais il tenait cachés en son cœur les poisons de l’amertume et il songeait à faire adhérer au concile de Chalcédoine les Arméniens ; il n’osa pas dévoiler la chose, jusqu’à ce que vint l’empereur Constantin et qu’il descendit dans la maison du catholicos ; le jour de dimanche, dans l’église de saint Grégoire, le concile de Chalcédoine fut prêché ; la messe fut célébrée à la romaine par un prêtre romain ; l’empereur, le catholicos et tous les évêques, les uns de gré, les autres malgré eux, communièrent ; et ainsi le catholicos ébranla la foi de saint Grégoire, qui avait été tenue par tous les catholicos, solidement fondée dans la sainte église, depuis saint Grégoire jusqu’ici. Il troubla les eaux de la source pure, claire et limpide, ce que le catholicos avait depuis longtemps dans son esprit et qu’il n’avait osé révéler à personne jusque-là ; et plus tard, trouvant le temps, il accomplit sa volonté ; il trahissait un à un les évêques, et les terrorisait ; à tel point que par peur de la mort, tous exécutaient les ordres qu’il donnait, d’autant plus que les bienheureux qui étaient les plus fermes étaient morts; mais un évêque lui ferma la bouche devant l’empereur, car le catholicos avec les autres évêques avait pris part à l’anathème prononcé contre le concile de Chalcédoine et le tumar de Léon ; il avait repoussé la communion du Romain ; on l’avait scellé avec l’anneau du catholicos et avec la bague de tous les évêques et de tous les grands seigneurs, et ou le lui avait donné pour qu’il le gardât dans l’église. Quand la messe fut célébrée et que tous les évêques communièrent, l’évêque que j’ai mentionné plus haut ne communia pas, mais descendit de l’autel et se cacha dans la foule.

Lorsqu’ils eurent achevé l’œuvre de la communion et que le roi rentra dans son appartement, le catholicos s’approcha avec tous les évêques grecs et ils dénoncèrent cet évêque-là, en disant: « Il ne s’est pas assis sur le siège, il n’a pas communié avec nous ; il nous a considérés comme indignes, nous et vous ; il est descendu de l’autel et il s’est caché dans la foule. L’empereur se troubla et donna l’ordre à des hommes de l’arrêter et de le conduire devant lui dans son appartement. L’empereur répondit et dit : « Es-tu prêtre! » L’évêque dit : « Avec le consentement de Dieu et de votre gloire ». L’empereur dit : « Et qu’es-tu, que moi étant ton roi, et celui-là ton catholicos et notre père, tu ne me considères pas comme digne, ainsi que celui-là, de communier avec toi. » L’évêque dit: « Je suis un homme pécheur et indigne, je ne mérite pas de communier avec vous ; mais si Dieu me rendait digne de vous, j’aurais supposé que j’ai goûté avec le Christ de sa table et de ses propres mains. L’empereur dit : « Laisse là, et dis-moi ceci : celui-là est-il ou non catholicos des Arméniens ?. L’évêque dit: « Autant que saint Grégoire ». L’empereur dit: « Le considères-tu toi-même comme catholicos? — Oui, dit-il ». L’empereur dit : « Communies-tu avec lui ? » Il dit: « Ainsi qu’avec saint Grégoire. » L’empereur dit : « Et aujourd’hui, pourquoi n’as-tu pas communié ! » Il dit : « Roi bienfaiteur, lorsque nous te voyions peint sur le mur, le tremblement nous saisissait et maintenant nous te voyons face à face, nous parlons bouche à bouche ; nous sommes des gens ignorants et stupides ; nous ne savons ni langue ni lettres ; il y a 4 ans, il a convoqué une assemblée, il a réuni ici tous les évêques, il a fait écrire un écrit pour la foi, il a scellé d’abord de son anneau, puis du nôtre, puis de l’anneau de tous les chefs. Et l’écrit est à présent auprès de lui. Donne l’ordre qu’on le cherche, et vois-le. Et lui restait interloqué. L’empereur sachant sa perfidie, lui fit des reproches nombreux dans sa langue. L’empereur ordonna d’aller communier avec le catholicos. Et lorsque l’évêque eut accompli l’ordre de l’empereur, il dit : « Que Dieu bénisse pour toujours ton règne bienfaisant et pieux, régnant sur toute la mer et la terre avec de nombreuses victoires ». L’empereur bénit aussi l’évêque et dit : « Que Dieu te bénisse ; tu as agi comme il sied à ta sagesse, et je t’en remercie ».

On fit partir en grande hâte l’empereur à Constantinople, pour qu’il y arrivât de suite. Et il partit immédiatement. Il nomma chef des Arméniens un nommé Morianos, avec les troupes arméniennes se trouvant dans ces régions.

Lorsque l’empereur Constantin se rendit à Dwin, le catholicos alla avec lui ; il demeura à Taykh et ne revint plus chez lui, car le chef des Rshtuni (Van) et les autres chefs qui étaient avec lui étaient pleins d’une colère extrême contre lui. Théodoros, le seigneur des Rshtuni (Van) se mit à l’affût dans l’île d’Althamar avec son gendre Hamazasp, seigneur des  Mamikoniens (Arméniens Occidentaux), et demanda des soldats aux Ismaélites; 7 000 hommes vinrent à son secours, et il les fit établir à Aliovit et chez les Bznunis et lui demeurait parmi eux.

Lorsque les jours de l’hiver passèrent et que la grande pâque approcha, Horom s’enfuit et tomba à Taykh, et on l’en fit sortir; nulle part il ne put s’établir; mais ils s’enfuirent jusque près du bord de la mer; et ils ravagèrent tous le pays; ils prirent la ville de Trébizonde et ils emmenèrent beaucoup de butin et de captifs.

Après cela, Théodoros, seigneur des Rshtuni (Van), se rendit auprès de Moavia, chef d’Ismaël à Damas et le vit avec de grands présents. Le chef d’Ismaël lui donna des vêtements d’or et en fils d’or, et une bannière de la même façon; il lui donna le pouvoir sur l’Arménie, la Géorgie, l’Albanie et la Siounie, jusqu’à Kapkoh et au Parhak de Tchor ; puis il le congédia avec de grands honneurs. Il lui avait posé comme condition d’amener le pays à son service. En l’an 11e de Constantin (451), la paix se rompt, qui était entre Constantin et Moavia le chef d’Ismaël. Le roi d’Ismael donna l’ordre de réunir tous ses soldats du côté de l’Occident et de faire la guerre contre l’empire des Romains, pour s’emparer de Constantinople et supprimer ce royaume-là aussi.