Procope de Césarée, Eglise Ste Irène (Topkapi), v. 550

L’Eglise de sainte Irène martyre, s’élève à l’embouchure du Golfe. La magnificence avec laquelle elle a été bâtie est si extraordinaire, qu’il ne m’est pas possible de l’exprimer. L’Empereur disputant comme à l’envi avec la mer à qui contribuerait le plus à l’embellissement du Golfe y a placé tous ces superbes Edifices dont je viens de parler, comme l’on arrange de riches perles dans un collier.

2. Puisque je me suis engagé à parler de l’Eglise de sainte Irène, il ne sera pas hors de propos de raconter une chose qui y est autrefois arrivée. Elle renfermait les reliques de quarante Saints qui avaient été soldats de la douzième légion & qui avaient été posés en garnison à Mélitène, ville d’Arménie. Comme les ouvriers creusaient ils trouvèrent une chasse sur laquelle il y avait une inscription, qui faisait connaître que les reliques de ces saints y étaient contenues. Je me persuade que Dieu eut agréable de découvrir ce sacré dépôt, pour donner un témoignage public de la satisfaction avec laquelle il recevait les présents de Justinien, & pour récompenser par une riche profusion de ses grâces, les libéralités de ce Prince.

3. Il était tourmenté d’une fluxion sur le genou, qui lui donnait de grandes douleurs & qu’il s’était attirée lui-même. Pendant tous les jours du jeûne, qui précède les fêtes de Pâques, il vivait avec une austérité, qui bien loin de convenir à un Empereur, ne convenait à aucun homme du monde. Il passait deux jours entiers sans manger, bien qu’il se levât de grand matin & qu’il fut continuellement appliqué aux affaires de l’Etat. Il se couchait fort tard, & se levait bientôt après, comme si le lit l’eût incommodé. Il ne mangeait que des herbes sauvages trempées dans du vinaigre, & au sel, & ne buvait que de l’eau. Ce qu’il mangeait était en si petite quantité, que jamais il ne satisfaisait à la nécessité de la nature. La rigueur de cette manière de vivre aigrit de telle sorte sa maladie qu’elle devint incurable. Comme il était tourmenté par de violentes douleurs, il entendit parler des reliques qui avaient été découvertes, & renonçant à l’heure même au secours des hommes, il mit sa confiance en celui des saintes & certes ce ne fut pas en vain. Car les Prêtres n’eurent pas plutôt approché la chasse de son genou, que la douleur se dissipa, & céda à la vertu de ces serviteurs de Dieu. Un miracle si évident fut attesté par un signe très sensible : car une grande abondance d’huile découla de ces précieuses reliques, pénétra la chasse, & se répandit sur les pieds & sur la robe de Justinien. On garde cette robe dans le Palais, pour conserver la mémoire de cette miraculeuse guérison, & pour servir de soulagement, & de remède à ceux, qui seront attaqués de maladies incurables.