Procope, XIII, Attaque du prince Iabdas du Mont Aurès par Salomon et les princes Maures alliés (Massonas d’Altava et Orthaïas du Chellif), v. 570 n-è

2. Salomon, après avoir séjourné quelque temps à Carthage, conduisit ses troupes vers le mont Aurès, accusant Iabdas, et non sans raison, d’avoir profité des embarras de l’armée romaine dans la Byzacène pour ravager une partie de la Numidie. Il était encore excité à cette guerre par 2 princes maures, Massonas et Orthaïas, qui avaient contre Iabdas de graves motifs d’inimitié. Massonas l’accusait de la mort de son père Méphanias, qu’Iabdas avait fait périr par trahison, quoiqu’il eût épousé l’une de ses filles. Orthaïas avait pour grief la ligue formée entre Iabdas et Massonas, roi des barbares de la Mauritanie, pour l’expulser, lui et ses Maures, de la contrée qu’il avait de tout temps possédée.

L’armée romaine, commandée par Salomon et guidée par les Maures alliés, alla camper sur les bords de l’Amigas, qui coule en avant du mont Auras et arrose toute la contrée. Iabdas, persuadé qu’il ne serait pas en état de résister aux Romains dans la plaine, s’occupa à fortifier de toutes parts le mont Aurès, et à le rendre de plus en plus impraticable à l’ennemi.

Cette montagne, la plus grande que nous connaissions, est située à 13 journées de Carthage. Son circuit est de trois fortes journées de marche. On ne peut la gravir que par des sentiers escarpés et des solitudes sauvages; mais, parvenu au sommet, on trouve un plateau immense, arrosé par des sources jaillissantes qui donnent naissance à des rivières, et, couvert d’une prodigieuse quantité de vergers. Les grains et les fruits y ont une grosseur double de celle qu’ils atteignent dans le reste de l’Afrique. Les habitants ne se sont point occupés d’y bâtir des forteresses, le lieu se défendant assez de lui-même ; et, depuis que les Maures avaient chassé les Vandales du mont Aurès, ils croyaient n’avoir plus rien à craindre. Ils avaient même détruit Tamugadis, ville grande et peuplée adossée au flanc oriental de la montagne, et dominant de l’autre côté toute la plaine; ils en avaient transporté ailleurs les habitants, et en avaient rasé les murs jusqu’au sol, pour que les ennemis ne pussent s’y retrancher, ni s’en servir comme de place d’armes dans leurs attaques contre l’Auras.

Les mêmes Maures s’étaient aussi rendus maîtres de la grande et fertile contrée qui s’étend à l’occident de l’Auras et touche à la région habitée par les Maures sujets d’Orthaïas, prince qui, ainsi que je l’ai dit, avait fait alliance avec les Romains. Il m’a raconté lui-même qu’à la frontière de ses États commence un vaste désert, au delà duquel habite une race d’hommes qui ne sont pas basanés comme les Maures, mais qui ont la peau blanche et la chevelure blonde.