Mungo Park, Il découvre le Niger (Djoliba), 1799

Un peu avant la fin du jour, nous nous arrêtâmes pour passer la nuit dans un petit village où je me procurai quelques aliments pour moi et un peu de grain pour mon cheval, au prix modéré d’un bouton. On me dit que le lendemain matin je verrais de bonne heure le Niger (que les Nègres appellent le Joliba ou la Grande Eau). Les lions sont ici très communs. On ferme les portes peu après le soleil couché, et personne ne peut plus sortir de la ville.

L’idée de voir le lendemain le Niger, jointe au bourdonnement importun des moustiques, m’empêchèrent de fermer l’œil durant la nuit. Avant le jour, j’avais sellé mon cheval et j’étais prêt à partir ; mais, à cause des bêtes féroces, nous fûmes obligés d’attendre pour ne pas ouvrir les portes avant que les habitants fussent éveillés. C’était jour de marché à Sego, et les chemins étaient partout couverts de gens qui portaient à vendre divers articles. Nous traversâmes quatre grands villages, et à huit heures nous vîmes la fumée s’élever au-dessus de Sego.

En approchant de la ville, j’eus le bonheur de rejoindre les Kaartans fugitifs, dont la complaisance m’avait été si utile depuis que je traversais le Bambara. Ils convinrent volontiers de me présenter au roi, et nous marchâmes ensemble par un terrain marécageux, où tandis que je tâchais de découvrir le fleuve l’un d’eux s’écria : geo offilli (voyez l’eau). Regardant devant moi, je vis avec un extrême plaisir le grand objet de ma mission, le majestueux Niger que je cherchais depuis si longtemps. Large comme la Tamise l’est à Westminger, il étincelait des feux du soleil et coulait lentement vers l’orient. Je courus au rivage, et après avoir bu de ses eaux j’élevai mes mains au ciel, en remerciant avec ferveur l’ordonnateur de toutes choses de ce qu’il avait couronné mes efforts d’un succès si complet.

Cependant, la pente du Niger vers l’est et les points collatéraux de cette direction ne me causèrent aucune surprise, car, quoiqu’à mon départ d’Europe j’eusse de grands doutes à ce sujet, j’avais fait, dans le cours de mon voyage, tant de questions sur ce fleuve et des Nègres de diverses nations m’avaient assuré si souvent et si positivement que son cours principal allait vers le soleil levant, qu’il ne me restait sur ce point presque plus d’incertitude, d’autant que je savais que le major Houghton avait recueilli de la même manière des informations pareilles.