Théodoret de Cyr, A Alep (Béroé), v. 375 n-è

III, 22

Julien étant parti tout rempli de ces grands desseins, et après avoir fait de si terribles menaces, il fut vaincu à Beroe par un seul homme[…] illustre, et qui tenait un des premiers rangs parmi ses citoyens, et encore plus illustre par la pureté de sa foi, et par l’ardeur de son zèle. Ayant vu que son fils avait apostasié, et fait profession de la Religion dominante, il le chassa de sa maison, et le déclara privé de son bien. Le fils étant allé trouver l’Empereur à quelques lieues de la ville, lui exposa son changement de Religion, et le châtiment dont son père l’en avait puni. Julien lui commanda de se tenir en repos, et lui promit d’apaiser la colère de son père. […] A Beroé il fit un festin aux principaux habitants, parmi lesquels était le père du jeune homme. Il les fit asseoir sur son clinium, et au milieu du repas, il dit au père :

« II me semble qu’il n’est pas juste de contraindre l’inclination de personne. Laissez à votre fils la liberté de suivre une autre Religion que la vôtre, comme je vous laisse la liberté d’en suivre une autre que la mienne, bien qu’il ne me fût que trop aisé de vous l’ôter. »

Alors le père animé du zèle de la foi, dit à l’Empereur :

-Vous me parlez en faveur de ce scélérat, qui a préféré le mensonge à la vérité…

– Je vous prie, dit l’Empereur, en interrompant le père avec un faux air de douceur ; ne disons point de mauvaises paroles.

Puis s’étant tourné vers le fils, il ajouta:

J’aurai soin de vous, puisque votre père ne veut pas l’avoir, quelque prière que je lui en fasse.

Je rapporte ici cette histoire, non seulement pour montrer la généreuse liberté de ce père, mais aussi pour marquer comme en passant, qu’il y a eu plusieurs personnes qui n’ont eu que du mépris pour la puissance tyrannique, et pour les cruautés inouïes de Julien.