William Lemprières IV, 1790, Administration de l’empire de Maroc

Quoique l’ empereur ait accordé la chose
qu’on lui demande, il ne faut pas croire pour
cela qu’on ait fini. L’expédition’est encore
plus ditncile à obtenir qu’une audience.
Sidi Mahomet faisoit mettre de la lenteur
à la conclusion des aHaires que les négocians
venoient solliciter, et cela par un rafnnë-
ment de politique. En retenant les étrangers
à Maroc, il savoit que c’étoit un moyen d’en-
richir ses ministres; et comme il se ûattoit
que leur argent fiiiiroit par arriver dans ses
coffres il n’étoit pas fâche de donner aux
sang.sues de l’état tout le tems de ràn~on-~
jier ces étrangers.

,~r~–

( *) L’once est nne pMce d’argent de la Taleur a-peù-jpf~ de
vingt tous de France.

On donne à celui qui a soin d’une de< cours du palais où l'empereur se tient pour ses aud!ences. y zo onces (*). A son écuyer. 20 Au garde de sa lance. ~o Au 'valet-de-chambre qui fait son thé. t0 A celui qui est charge de ses fusils. zo Au porteur de son parasol. A son sellier. ~o A son premier cocher. 5 Au valèt-de-pied qui lui met ses éperons.. 5 t ·~ *–.––" t0~ onces, Vue 210 sur 394 ( '99 i cox~re, to5 ~t~-c” ‘t
Pour saluer l’empereur et les princes, du
sang, on ôte son bonnet ou son turban, et
l’on se prosterne le visage contre terre’. Si
deux parens ou deux amis se retrouvent après
une longue absence, ils se jettent dans les
bras l’un de l’autre, et se baisent lé visage et
la barbe, en se demandant de leurs nouvelles
et de celles de leurs famines. Ces complime:ts
d’usage se font si rapidement, qu’on n’a pas
le tems d’y répondre.

Les conversations les plus ordinaires rou-
lent sur les événemens du jour, .sur quelque
points de religion, ou bien. sur les temmes
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(2.6l)

ils s occupent
3

et les chevaux. La. curiosité naturelle à tous.
les hommes est encore plus vive chez les peu-
ples tâches et paresseux c’est une chose ini-
maginable que l’avidité avec laquelle les Mau-
‘res recueillent toutes les petites aventures dé
leur quartier. Ils ont un plaisir infini à les.
raconter, et à embellir une historiette pour
la rendre plus agréable, ou lui donner une
plus grande apparence de vérité.

La religion est le sujet favori des entretiens
des &z/ ou gens de lettres. Ces savans,
fiers de savoir lire et écrire, sont flattés de
pouvoir manifester leur supériorité sur ceux
qui n’ont pas le bonheur d’être aussi instruits.
Si les bonnes mœurs et le développement
des idées sont les marques les plus certaines
de la civilisation, le peu de lumières et les
vices qu’on, remarque chez les peuples bar-
bares, font voir combien ils sont encore loin
des’connoissancès répandues en Europe. Rien
de plus dégoûtant que les propos que les
Maures tiennent sur le compte des femmes.
Les grossièretés dont ils assaisonnent leurs
discours, en parlant d’un sexe qu’ils tyran-
nisent, répugnent autant à la décence qu’au
sen~ commun.

Ce qui paroît avoir un ~rand attrait pour.
eux, ce sont les chevaux~ dont ils s’occupent
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(a6a)

mi~ f)f rtlataîr ftT

avec au moins autant de plaisir que les jeunes
seigneurs anglais. La manière dont ils’ les
traitent est différente de celle pra~quée éa
Angleterre, Aucun cheval n’entre dans une
écurie, qu’il ne soit malade sa nourriture
est très-peu de chose on ne lui donne à boire
et à manger qu’urie seule fois par jour. C’est
à midi que ces animaux ont à boire leurs
râteliers ne sont garnis qu’au coucher du so-
leil. Pour les tenir propres, on les passe a
l’eau trois fois par semaine ils se sèchent
au soleil.

Le goût que les Maures ont pour les cher
vaux ne les empêche pas dé les maltraiter.
Ils les mènent à toutes jambes, en leur en-
fonçant dans les flancs d’énormes éperons
et ils les arrêtent tout court au’milieu de leur
course. J’avouerai que les Maures ont ‘poar
ce tour de force une adresse extraordinaire.
Leurs mors de bride sont faits de manière
que, par leur pression sur la langue du cheval
et sur-.ses barres, ils remplissent sa b

(a.63)

)t ~et c~nl~f

4

gnols, le pomeau en est seulement plus élevé
et moins arrondi. Les étriers, qu’Us portent
très-courts, couvrent entièrement le pied. Us
sont dorés ou plaqués d’argent, suivant la
qualité ou l’opulence du cavalier. Les selles
sont couvertes de drap écarlate, quelquefois
de satin ou de velours, quand elles appar-
tiennent à des gens riches. Les sangies res-
semblent à celles dont on se sert en Europe.
Le poitrail est une longe de cuir fort large
qui entoure les épaules du cheval.

On voit souvent des jeunes gens maures
prendre plaisir à pousser un cheyal aussi v~te
qu’il peut aller, en le dirigeant contre un mur.
L’étranger qui les regardé fairç imagine
qu’il leur est impossible d’éviter d’être mis en.
pièces cependant, au moment où la tête du
cheval va toucher le mur, ils l’arrêtent sans
qu’il arrive aucun accidents On ne sauroit
donner une plus grande marque de bienveil-
lance aux personnes qu’on rencontre dans le
chemin, soit à pied, soit à cheval, que de
-“anir sur elles au grand galop, comme s~
on a-voit le projet de les écraser, arrêter tout
court, et leur tirer un coup de mousquet
dans le nez. Les Maures m’ont quelquefois
fait cette politesse dont je me serois bien
passé.
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(~4)

i m’a paru les am

La. course qui m’a paru les amuser davan-
tage~ et où ils semblent transportés de joie,
c’est celle qu’ils font en se réunissant un grand
nombre, et partant tous ensemble pour arri-
ver au même but. Lorsqu’ils en sont, prêts,
ils mettent les rênes dans les dents, se lèvent
sur leurs étriers, et tirent un coup de mous-
quet. Après la ~décharge, ils reportent leurs
armes, et tous les chevaux s’arrêtent aussi
promptement que pourroit le faire, au com-
mandement de son chef, un escadron de ca-
Talerie bien exercé.

Quoique je ne veuille point contester aux
Maures le mérite d’être de bons écuyers,
cependant je ne peux m’empêcher de dire,
malgré toutes les choses surprenantes que je
leur ai vu faire, qu’ils donnent une mauvaise
éducation à leurs chevaux, parce qu’ils né-
gligent de les former aux différentes allures
dont, avec raison, nous faisons tant de cas
en Europe. Les chevaux arabes n’étant ja.
mais coupés, et leurs maîtres ne connoissant
poin~: l’excellent usage de les faire trotter en
cercle, ils sont obliges, pour leur déployer
les épaules, t~Ieur faire faire de longs et
pénibles yoyagè~dans les montagnes et les
rochers du pays, ‘où ils perdent bientôt leur
feu.~ Quand ils les’ ont domptés, ils leur ~p-
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(2.6~)

_1

prennent à se tenir quelques instans sur lés
pieds de derrière, à n’être point effrayes du
bruit des armes, et à galopper de la façon
dont il a été ci-devant explique. Les meil-
leurs écuyers maures ne leur’ en demandent
pas davantage; voilà pourquoi le cheval de
Barbarie n’est guères propre qu’à faire une
promenade au galop. Il est ruiné avant d’a-
voir pris toute sa force, et dans peu d’années
il devient incapable de service. Il est fort rare
que les Maures mettent leurs jumens au tra-
vail elles ne servent que pour faire des pou-
lains. On a ici une opinion contraire à celle
qui est généralement reçue en Europe à l’é-
gard des jumens; elles y sont beaucoup plus
prisées que les chevaux mâles il n’est jamais
permis de les exporter.
Les Maures aiment passionnément la mu-
sique quelques-uns d’entr’eux ont aussi du
goût pour la poésie. Leurs airs sont trainans
et monotones, parce qu’ils manquent de cette
variété de tons qui fait le charme de notre
musique perfectionnée. Il faut avouer pour-
tant qu’ils ont quelques airs qu’on écoute
avec plaisir ceux-ci m’ont rappelé la mélo”
die caractéristique des Écossois.

La poésie de leurs chansons, où il n’est
jamais parlé que,d’amour, quoiqu’il n’existe
1 1
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(26~)

1

pas dans le monde une nation qui en soit
moins susceptible, est encore plus mauvaise
que leur musique.

Le hautbois est un de leurs instrumens fa~.
voris celui dont ils se servent manque des
clefs qui sont aux. nôtres. Ils ont aussi la
mandoline, qu’ils tiennent des Espagnols
leurs voisins leurs autres instrumens sont
~e violon à deux cordes, le tambour turc,
la flûte et le tambourin.

Les jours dé grande réjouissance, cette mu-
sique, accompagnée de décharges de mous-
queterie, que font les troupes à pied et à
cheval, et des festins où le cuscasoo abonde,
est le signe de Falégresse publique.
Les charlatans et les jongleurs de toute es-
pèce sont très-bien accueillis par les Maures,
qui sont fort crédules.

Dans la plupart des villes, on trouve des
écoles où les encans peuvent apprendre à lire
et à écrire; mais il y en va fort peu, par deux
raisons la première, ~est l’insouciance des
parens riches pour l’éducation de leurs en-
fans; la seconde tient à la misère du peuple.
Les qui sont la tête de ces écoles, 9
enseignent .aussi quelquefois les premières
règles de l’arithmétique. Les gens du com-
mun se pontentent de savoir lire quelques
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S”t;”f”ct’ -E’o ~sren
tolenf avec t:n air de satisfaction – 4
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(3~7)

que l’oeil le plus pénétrant ne pourroit aper-
cevoir les beautés qui y sont cachées. Elles
sont escortées par des eunuques noirs, qui
sont des gardiens de fort mauvaise humeur.
Lorsqu’elles obtiennent la permission de se
promener dans l’enceinte du palais, en-dehors
des murs du harem elles sont également
surveillées par des eunuques. Ces promenades
ne se répètent que rarement, quoique ce
soient les seules un peu agréables dont les
femmes de l’empereur puissent jouir.
Le harem de Sidi Mahomet étoit composé
de cent soixante femmes, sans compter toutes
les esclaves qui servoient les sultanes.
Il ne faut pas croire que l’empereur n’ait
épousé que les quatre sultanes dont j’ai parlé;
il en a voit répudie plusieurs qui ne lui avoient
point donné d’enfans (*); d’autres étoient
mortes de maladies; ainsi on auroit de la
peine à savoir au juste combien de fois il
a été marié pendant le cours d’un règne aussi
long.

En général, les concubines sont des né-
gresses ou des esclaves européennes. J’en ai
(*) I~a loi de Mahomet permet de répudier sa femme t
torsqu’eUe ne fait point d’encans. Si le mari use de ce
droite it est obligé de remettre la dot qu’il a re~ue.
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(3i8)

~rr~otit f~ tirtïm

pourtant vu qui étoient de bonnes familles
maures, et que des parens barbares et ambi-
tieux avoient eu la bassesse de donner à l’em-
pereur pour son harem.

On distinguoit parmi les concubines une
jeune Espagnole d’une beauté parfaite; mais
sa physionomie manqupit de cette expression
qui rendoitAlla-Douyaw si séduisante. Quant
aux femmes maures, ellet sont sans grâce, et
d’une gaucherie dans leurs manières qui fait
grand tort à ieurs charmes. Il est rare qu’elles
soient grandes; mais en revanche, elles sont
remarquablement grasses. Leur peau est d’un
brun clair; elles ont le visage rond, les yeux
noirs, le nez et la boùche petits. Leurs dents
sont très-blanches elles sont mal partagées
du côté des mains et des pieds, dont la gran-
deur considérable n’est pas élégante.
Un jour que j’étois dans le harem’, je fus
consulté par une des plus belles concubines
pour un mal d’estomac qu’elle ressentoit de-
puis plusieurs mois. J’eus le malheur de ~i
jFaire prendre une poudre que j’aurois donnée
à un enfant de six mois. Quoique ce remède
ne fut nullement dangereux, la première prise
~ui causa tant d’inquiétude, en lui occasion-
nant un peu d’agitation, qu’elle imagina de
faire avaler à une jeune sœur qu’elle avoi.t
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( 319 )

Ielapoudr< une granae aose ae la pouare que )e lui avois remise, afin de s'assurer si elle n'étoit point nuisible à la santé. La petite fille, qui prit à contre-cœur un remède dont elle n'avoit pas besoin, éprouva des douleurs d'estomac qui alarmèrent sa sœur aînée. Cet accident m'at- tira beaucoup d'injures de la part de celle qui, dans le fait, étoit la seule coupable, Elle me reprocha d'avoir voulu la faire mou- rir, en lui donnant une poudre qui avoi~ pensé faire périr sa sœur.* Ce fut en vain que je cherchai à me j~stiner quelque chose que je pusse dire pour ma dalense, ma colé- rique malade n'en resta pas moins persuadée que je n'entendois rien à la médecine. Je pourrois citer plusieurs autres traits sem" blables~ mais celui que je viens de'rapporter donne suiïisamment la mesure de l'esprit de ces malheureuses créatures. L'histoire sui- vantè achèvera de faire connoître combien leur raison est bornée. Je sortois un soir de l'appartement d'AHa- Zara, lorsque je vis paroitre une grande pro- cession de femmes, qui marchoient deux à deux en chantant des hymnes en l'honneur de Dteu et de son saint prophète. Je deman*- dai quel étoit le but de cette procession. Mon interprète m'apprit qu'on la faisoit pour avoir Vue 331 sur 394 (320) t~nO T\ùt!~00 ~n de la pluie. Les plus petites filles marchoient les premières celles d'un âge plus avance yenoient après, et ainsi de suite en remon- tant jusqu'aux femmes de vingt-cinq a. trente ans. La totalité alloit à plus de cent. Elles portoient toutes sur la tête une petite planche sur laquelle étoit écrit que les états de l'em- pereur avoient besoin de pluie, et qu'elles prioient Dieu et Mahomet d'en envoyer. J'ai ~u qu'elles avoient continué de faire la même procession tout le tems qu'avoit duré la, sé- cheresse, enfin, jusqu'à ce qu'il tombât de l'eau, pour leur faire voir que leurs prières étoient exaucées. t Il est fort rare que l'empereur vienne voir ses femmes dans le harem; il envoie chercher par un eunuque l'heureux objet qu'il destine ce jour-la à ses plaisirs. Celle qui est favo- risée d'une préférence qui flatte son amour- propre, ne néglige rien pour relever l'éclat de ses charmes, mais, hélas leur efïet se fait peu sentir sur le cœur d'un homme qui ne voit jamais dans sa maîtresse que la basse sou- mission de son esclave. La beauté des femmes, aux yeux des Afri- cains, consiste sur-tout dans un prodigieux embonpoint; c'est ce qui fait qu'elles sont presque toutes très-grasses elles ont pour CO' Vue 332 sur 394 (321) rmf t'envie de nIa "t 1 x cela des secrets que l'envie de plaire leur a fait découvrir. Un des moyens dont elles usent avec le plus de succès, c'est celui de mêler dans leur cuscasoo de la graine d'ell- houba réduite en' poudre. L'usage en est, dit'on, merveilleux pour se faire engraisser. Les femmes prennent aussi, dans la même vue, des pilules dont j'ignore la composition. Enfin, soit les drogues qu'elles employent, soit Finnuence du climat, toujours est-il cer- tain qu'on. ne voit presque point de femmes maigres à .Maroc peut-être doit-on en attri- buer tout uniment la cause à la vie sédentaire qu'eUes sont forcées de mener par les lois du pays. Quoique l'habillement des femmes maures diffère peu de celui des femmes juives dont j'ai fait la description, je ne' dois pas moins rendre compte dé l'exact costume des pre- mières afin de faire connoitre la légère dif- férence qu'il y a dans la manière de se mettre entre ces deux sectes à Maroc. Les femmes' maures portent, comme les juives, des che- mises dont les manches ont une ampleur dé- mesurée. Ces chemises laissent le sein à dé- couvert un corset de soie couvre la taille s le caitan, qui ressemble, pour la forme, à une robe-de-çhambre sans manches, èst mis par- o Vue 333 sur 394 (3~) i i dessus le corset, et descend jusqu'à terre ce caftan est d'étoffé de soie ou de coton, quel- quefois tissu en or. Une ceinture de toile très- ~ine ou de belle mousseline entoure le corps. On fait avec les bouts de la ceinture un nppud sur le côté, ce qui en te.s~e pend la hau- teur du genou. Deux larges~ rubans sont cou- sus à. la ceinture par derrière, passent sous les bras, se croisent sur la poitrine, et s'at- tachent sur les épaules.. Un. grand pant~on de soie ou de belle toile remplace, i~ jupe que portent les iemmes européennes. Leurs cheveu~ sont tresses sous un mouchoir élé- gamment arrangé, qui leur sert de bonnet. ` Leurs oreilles sont percées à deux endroits, comme celles des femmes juives.. Le petit anneau d'or qui est au. haut de l'oreille est parrn de quelques pierreries; le second, beau- coup plus grand que le premier, es~ rempli d'une prodigieuse quantité de pierres pré- cieuses. Les femmes ont aussi à, leurs doigts des bagues de diamans, et. à, leurs bras des bracelet~ d'un grand prix. Leur gorge est cou- verte de colliers de perles, ou d'une graine très-curieuse, elles ont au cou des chaînes d'or pour porter.des médaillons sur le ~in, Les femmes maures ne mettent jamais d~ bas elles marchent avec. de petite mules Vue 334 sur 394 ( 323 ) _11_- rouges brodées en or, qu'elles quittent dans leur appartement. On leur voit des anneaux d'or au bas de la jambe. Elles se servent d'un rouge très-vif pour colorer leurs joues, et elles peignent leurs sourcils en noir avec une poudre qui m'a semblé être de l'antimoine. Elles se font avec cette poudre une marque noire au milieu du front, une autre au bout du nez, et plusieurs sur les joues. Elles ont tant de goût pour se farder la figure, qu'elles se font encore une grande tache rouge au milieu du menton, d'où part une raie noire qui se prolonge jusques sur le sein. Elles teignent leurs ongles et le dedans de la main' d'un rouge si foncé, qu'à une petite distance, la couleur en paroit noire. Le dessus de leurs mains et de leurs pieds présentent ditïérentes figures de fantaisie incrustées dans la peau et une fois faites, ces marques ne s'effacent plus. Je n'ai jamais vu les femmes du harem occupées des petits ouvrages de leur sexe l elles passent leur tems à converser entr'elles, et à se promener dans les grandes cours dé leur prison. Ces belles prisonnières, ainsi qu& toutes les femmes des particuliers., n'entrent: point- dans les moquées, elles pilènt chez elles. Les Maures croient, comme tous les leurs temples ils disent aussi, pour ne pas y recevoir leurs femmes, que ~es deux sexes ne doivent point se trouver ensemble dans un lieu public, parce qu'une pareille réunion seroit contraire aux. bonnes mœurs, et que si elle se faisoit à la mosquée, elle distrairoit les fidèles croyans de la véritable dévotion. Si les hommes ont ici des ~z/~ pour les guider dans la voie du salut, leurs épouses choisissent., pour le même objet, des qui sont des femmes mariées, ou des concu- bines qui ont retenu quelques prières qu'elles ont apprises dans le koran; ce qui suppose qu'elles savent lire et écrire. En elt'et, il y a de ces espèces de prêtresses dans le harem, qui enseignent aux enfans à prier Dieu et à connoître les préceptes de leur religion; elles les instruisent aussi des lois du pays. Toutes les filles'de l'empereur régnant en 1~89, ont été envoyées à Tatiiet aussi-tôt que leur âge a~ permis de les faire voyager. Elles ont été mariées aux descendans des ancêtres de ce monarque, qui peuplent cette ville ex- traordinaire. Elle est véritablement étonnante, si comme on l'assure, tous ses habitans Vue 336 sur 394 (3~) 3 chaleur tm descendent en ligne directe de Mahomet, et appartiennent à la famille royale. Muley Ish- maët, grand-père de Sidi Mahomet, envoya à Talitët trois cents de sés enfans pendant le cours de son règne. Leur postérité se monte aujourd'hui à neuf mille individus établis dans cette vlile. l' Les enfans mâles dont les sultanes accou- chent, portent le nom de princes, et jouissent des prérogatives attachées à ce titre. Ils on6 tous un droit égal à là couronne. L'empereur leur donne des gouverneméns et dés places de bâcha, lcrequ'11 n'a point à craindre qu'ils ri'abusent du pouvoir qu'il leur confie pour le' chasser de son trône. En vérité, il doit appréhender fort peu l'ambition de ses fils, lorsqu'il les fait gouverneurs dé province; car ils sont bien plus occupés de piller et d'amas- ser de l'argent, que de conspirer contre l'au- torité légitime.. )' Il y a deux espèces de femmes à Maroc c'est-à-dire des blanches et des négresses. Ces dernières sont esclaves'jusqu'à ce que les maîtres à qui elles appartiennent leur don- nent la liberté, soit par générosité, soit pour récompenser leurs services. On a remarqué que les négresses conservent en Barbarie le caractère, les inclinations et la chaleur du Vue 337 sur 394 (326) tempérament qu'elles apportent du pays ou elles sont nées. Lorsqu'elles arrivent à Maroc, celles qui plaisent sont achetées pour en faire des concubines, les autres ne peuvent pré- tendre qu'à l'esclavage le plus servile. Les pnfans qu'elles font naissent soldats. A la classe des noirs, on peut joindre les mulâtres, qui sortent d'un Maure et d'une négresse. Ceux-ci sont très-nombreux dans l'empire de Maroc; ils ne paroissent pas avoir plus de conception et d'idées que les nègres, quoiqu'ils soient libres dès leur naissance. Les femmes originaires du pays ont la peau Manche et peu de couleur. La vie retirée à ~aqueIle on les a condamnées, et leur parfaite nullité, s'opposent au développement de leur esprit. Ces raisons sont cause qu'elles man- quent des agrétnens des femmes européennes. Peut-être est-ce un bonheur pour elles que la lumière ne pénètre point dans leur triste prison, puisqu'elle ne servirpit qu'à les éclai- rer sur. le sentiment de leur propre misère î C'est sans doute un bienfait de la providence de n'accorder aux dïfïerens peuplés que le degré ~d'intelligence qui convient à leur si- tuation.~ .).. Les femmes maures, destinées, en recevant le jour, aux plaisirs d'un maître, ne sont Vue 338 sur 394 (3~) t t'<~ ~! ~t.< 4 instruites que dans l'art de plà!re et: d~é~ciler lés passions amôui-eusés. La nierè répété Sàh~ cesse à Rllë Qu'elle ne pëuri-a alléger lé pôif~ dé ~a is~~it'ttdé ët&At 'ntà~ë, qu'~n se ~o~et'tàa!: à tô'dté~ leis M~~eS ~tà~~s dëMpb~ ~tt~Ïé adi-a. tjAe ëlevee dans s' ces prmcîpës, é!Ié ëdAno~t plus <~au'tr~ lo~ que ëèl!e qû~ M hitpo~à 60~ ty~aA. ]&àns ce6 ïliaUietH-ëD~éS cOntfees, tou~ trem- ble d&~s Id ~â~oli dé cé~ &âï'~ despotes: .Les fenf~es et lés c~Cùb&eë lui ïii6!nt~ïii autant de aspect qu~ ~ës ~tôlAd~es ~sclaYè~ ê1È quoi- qu'elles né soient point t-énteMeës âus$î etro~- tetnëht que dâùs le hà~ëni de ~emperëu~ elles uë'jouissent que d'une otobr~ de îî.Ï)ertersî par Hasard elles ô~btîe'nhênt î~ permîssidn dé sortir un nib~At/H fkut qu'elles lâchent Ïeur 'vïsag6 a~ec grand s'ô~n/ët qU~él!ës~ soient bien drc~ns'pec~e's dans! Ïeuré detuarches/ cependant, ntaigre îa sé~~ri~ qui abCCbtn- pagne leurs pas dans tous les instans, elles ne rencontrent jamais un européen sans jeter un peu de co~e Ïë ~oile qui les couvre. Si elles peuvent se natter de n'être point aper- çues par leur argus elles lui sourient e~ tâchent même dé lui dire quelques mots; sans trop s'embarrasser ce qu'en pensera celuB qui reçoit ces 'petites agaceries. Vue 339 sur 394 (328) ln i D'un autre côté, la jalousie ne s'endort pas; elle veille sur la conduite de notre jeune échappée. Le mari qui sait que, depuis une heure, il ne tient plus sa femme sous ses -verroux, va battre la campagne, et met tout en usage pour garantir son front d'un outrage qu'il, redoute plus que la mort (*). Il est fort difficile aux agréables 'de Maroc de conduire une affaire de galanterie. Tout homme à bonne fortune a besoin ici d'une grande adresse et d'une prudence consommée quelque bien secondé qu'il soit par la femme dont il est aimé. Cependant ces Maures si jaloux, si surveillans, donnent quelquefois des armes contr'eux. Ne sont-ils pas les pre- miers à instruire des moyens de les tromper, lorsqu'ils s'habillent en femme pour cacher leurs allures? L'amant impatient de pénétrer chez sa maîtresse t, profite de leur exemple,' i. et, sous ce déguisement, il passe dans ]es (*) SI un juif ott un'européen étoit surpris en Oa- erant délit avec une femme maure, il n'auroit à choisir qu'entre la mort ou sa conversion'à la toi de Mahomet; èt on m'& assuré que la temme, qui pourtant est mouis' coupaMe que l'homme, seroit brûlée ou noyée. N'ayant point été témoin de cette cruelle punition, )ë ne peux en parler que sur le rapport qu'on m'en a fa!t. Vue 340 sur 394 ( 329 ) *i e rues sans être remarqué; il épie le moment d'entrer chez sa belle aussi-tôt que le mari s'absente et s'il revient avant qu'il l'ait quit- tée, il ne doit point s'en alarmer. Le mari qui ne voit à sa porte que de'petites mules de iemmjs, croit qu'une voisine est venue ~aire visite à son épousé, et se gardé bien de trou- bler ce tête-à-tête. Avant de finir ce chapitre, je dois dire encore que la parure des femmes des Maures opulens 'est aussi élégante que celle des sul- tanes. Toute la dijfïerence se trouve unique- ment dans le prix des étoffes, et la quantité de pierreries dont celles-ci sont couvertes. Les femmes du peuple sont vêtues pauvre- ment elles n'ont qu'un pantalon de toile e~: une espèce de froc grossier lié autour .du, corps avec un mauvais cordon~. Leurs, che-, yeux sont tressés et.retenus avec un mou.. chou'noué sur la tête, Vue 341 sur 394 (33o) CHAPITRE XIII. .j Ruse c~~y~~r /~H~Mr~o~r obtenir la p~yM~Mn retourner en JE~r