Pline, V, Description de l'Afrique, v. 70 n-è

I. L’Afrique a été appelée Libye par les Grecs, et la mer qui la baigne, mer Libyque; elle a l’Égypte pour limite. Aucune région ne présente moins de golfes ; les côtes s’étendent obliquement sur une ligne prolongée à partir de l’occident. Les noms de ses peuples et de ses villes sont, plus peut-être que ceux d’aucun autre pays, impossibles à prononcer pour les étrangers ; et d’ailleurs les indigènes n’habitent guère que des châteaux.

[2] On rencontre d’abord les Mauritanies. Ce furent des royaumes jusqu’à C. César (Caligula), fils de Germanicus; sa cruauté en fit deux provinces. A l’extrémité du détroit et sur l’Océan est un promontoire appelé Ampelusia par les Grecs. Il y eut jadis les villes de Lissa et de Cotta au delà des colonnes d’Hercule ; maintenant on trouve Tingi, fondée jadis par Antée, puis appelée Traducta-Iulia par l’empereur Claude, quand il en fit une colonie.

[3] Tingi est à 30.000 pas de Belone, ville de la Bétique ; c’est de ce point que le trajet est le plus court pour passer en Espagne. A 25.000 pas de Tingi, sur la côte de l’Océan, est la colonie d’Auguste, Julia Constantia Zilis, qui fut soustraite à la domination des rois de la Mauritanie et attribuée à la juridiction de la Bétique ; à 32.000 pas de cette dernière ville est Lixos, dont l’empereur Claude a fait une colonie, et qui a été pour les anciens l’objet des récits peut-être les plus fabuleux: là fut le palais d’Antée et son combat avec Hercule ; là furent les jardins des Hespérides (XI, 12). La mer se répand en un estuaire à trajets sinueux; aujourd’hui on explique le dragon et sa garde par cette disposition des lieux.
Hercule et Antée

[4] Dans cet estuaire est une île, qui, bien qu’un peu plus basse que le reste du terrain avoisinant, n’est pas cependant inondée à la marée montante; on y voit un autel d’Hercule, et du célèbre bois qui produisait des pommes d’or il ne reste que des oliviers sauvages.

On s’étonnera moins des mensonges extravagants de la Grèce sur ces jardins et sur le fleuve Lixus, si l’on songe que tout récemment des auteurs latins ont fait sur le même sujet des récits qui ne sont guère moins prodigieux : à savoir, que cette ville de Lixos est très puissante, et surpasse en étendue Carthage la Grande; qu’en outre elle est située l’opposite de Carthage et à une distance presque immense de Tingi, et tous ces contes auxquels Cornélius Népos a ajouté foi avec tant d’avidité.

[5] A 40.000 pas du Lixus, dans l’intérieur des terres, est une autre colonie d’Auguste, Babba, appelée Julia Campestris, et à 75.000 pas une troisième colonie, Banasa, surnommée Valentia; à 35.000 pas de cette dernière, la ville de Volubile, également éloignée de l’une et de l’autre mer; sur la côte, à 50.000 pas du Lixus, le Subur, coulant le long de Banasa, fleuve magnifique et navigable: à 50.000 pas du Subur, la ville de Sala, placée sur un fleuve de même nom, déjà voisine des déserts, et infestée par des troupeaux d’éléphants, et bien plus encore par la nation des Autololes, que l’on traverse pour aller au mont Atlas, le plus fabuleux même de l’Afrique.

[6] C’est du milieu des sables, dit-on, qu’il s’élève vers les cieux, âpre et nu du côté de l’Océan auquel il a donné son nom, mais plein d’ombrages, couvert de bois et arrosé de sources jaillissantes, du côté qui regarde l’Afrique, fertile en fruits de toute espèce, qui y naissent spontanément, et peuvent rassasier tout désir. Pendant le jour on ne soit aucun habitant; tout y garde un silence profond, semblable au silence redoutable des déserts. Une crainte religieuse saisit les coeurs quand on s’en approche, surtout à l’aspect de ce sommet élevé au-dessus des nuages, et qui semble voisin du cercle lunaire. Mais la nuit il reluit de feux innombrables; les Aegipans et les Satyres (V, 8) le remplissent de leur allégresse; il retentit des accords des flûtes et des musettes, du bruit des tambours et des cymbales. C’est ce que des auteurs renommés ont raconté, sans parler des travaux qu’Hercule et Persée y ont accomplis. Pour arriver à ce mont l’espace est immense et inconnu.

[7] Il a existé des mémoires de Hannon, chef carthaginois, qui, à l’époque ou Carthage était la plus florissante, reçut l’ordre d’explorer les côtes d’Afrique. La plupart des auteurs grecs et latins l’ont suivi, rapportant, entre autres fables, qu’il y fonda beaucoup de villes, dont il ne reste ni souvenir ni vestiges.

[8] Scipion Émilien commandant en Afrique, l’historien Polybe reçut de lui une flotte avec laquelle il fit un voyage d’exploration dans cet autre monde. Il a raconté qu’allant de l’Atlas au couchant on trouve des forêts pleines des animaux propres à l’Afrique jusqu’au fleuve Anatis, dans un espace de 485.000 pas; que du fleuve Anatis au Lixus il y a 205.000 pas, et du fleuve Lixus au détroit de Cadix 112.000 pas; que le golfe qu’on rencontre en venant de ce détroit s’appelle Saguti ; qu’on trouve la ville et le cap de Mulelacha, les fleuves Subur et Sala, le port Rutubis à 213.000 pas du Lixus; le promontoire du Soleil, le port Risardir, les Gétules Autololes, le fleuve Cosenus, les Scelatites et les Masates, le fleuve Masatat, le fleuve Darat, où vivent des crocodiles ; puis un golfe de 616.000 pas, formé par un cap du mont Barce, cap qui se prolonge à l’occident et qu’il appelle Surrentium; [10] puis le fleuve Palsus, au delà les Ethiopiens Pérorses, et derrière eux les Pharusiens, les Gétules Dariens, limitrophes des Pharusiens dans l’intérieur; sur la côte, les Éthiopiens Daratites, le fleuve Bambotus, rempli de crocodiles et d’hippopotames ; plus loin, des chaînes continues de montagnes, jusqu’à celle que nous appellerons Théon Ochema (VI, 35). De là jusqu’au promontoire Hespérien, Polybe évalue la distance à dix jours et à dix nuits de navigation; au milieu de cet intervalle il a placé (VI, 30, 2) le mont Atlas, que tous les autres ont mis à l’extrémité de la Mauritanie.

[11] C’est sous l’empereur Claude que pour la première fois les armes romaines ont pénétré dans la Mauritanie. Le roi Ptolémée ayant été mis à mort par C. César (Caligula ), son affranchi Aedémon entreprit de le venger; et il est certain qu’à la poursuite des barbares qui s’enfuyaient on arriva jusqu’à l’Atlas. Non seulement des personnages consulaires et des généraux pris dans le sénat, qui furent alors chargés des commandements, mais encore des chevaliers romains qui ensuite gouvernèrent dans ce pays, ont eu la réputation d’être arrivés jusqu’à cette montagne.

[12] Il y a, comme nous l’avons dit, 5 colonies romaines dans cette province, et, à en croire les ouï-dire, l’Atlas peut paraître accessible; mais l’expérience prouve que ces rapports sont trompeurs le plus souvent; car tel homme en place, qui a reculé devant le soin de rechercher la vérité, ne recule pas devant un mensonge pour cacher son ignorance; et jamais l’erreur n’est admise plus facilement que quand une fausseté est garantie par une autorité grave. Au reste, je ne m’étonne pas qu’il y ait des choses ignorées des fonctionnaires de l’ordre équestre, fussent-ils faits sénateurs: mais ce qui m’étonne, c’est qu’il y en ait d’ignorées du luxe, dont l’impulsion est si puissante, et au profit duquel on fouille les forêts pour trouver de l’ivoire et du citre (XIII, 29), et tous les rochers de la Gétulie pour chercher des murex et des pourpres (XI, 60).

[13] Quant aux indigènes, ils rapportent que sur la côte, à 150.000 pas de Sala, est le fleuve Asana, dont l’eau est saumâtre, mais qui est remarquable par son port; puis un fleuve qu’ils appellent Fut. De là on compte 200.000 pas jusqu’au Dyris : c’est le nom que dans leur langue ils donnent à l’Atlas; on trouve dans l’intervalle un fleuve nommé Vior, et l’on dit qu’autour de l’Atlas on voit des indices qui montrent que le sol a été jadis habité : ce sont des restes de vignobles et de plants de palmiers.

[14] Suetonius Paulinus, que nous avons vu consul (an 66 après J. C.), est le premier des généraux romains qui ait dépassé l’Atlas de quelques milliers de pas: il a parlé comme les autres de la hauteur de cette montagne; il a ajouté que le pied en est rempli de forêts épaisses et profondes que forme une espèce d’arbres inconnus : la hauteur de ces arbres est remarquable; le tronc sans noeuds est brillant ; le feuillage est semblable à celui du cyprès; il exhale une odeur forte, et est revêtu d’un léger duvet avec lequel, par le travail de l’art, on pourrait faire des étoffes comme avec la soie (VI, 20; XII, 23). Le sommet de la montagne est couvert, même en été, de neige épaisses.

[15] Suetonius Paulinus rapporte qu’il arriva à l’Atlas en dix journées de marche, et qu’au delà, jusqu’à un fleuve qui porterait le nom de Ger, on traverse des déserts couverts d’un sable noir, au milieu duquel s’élèvent, d’intervalle en intervalle, des rochers comme brûlés; que ces lieux sont inhabitables à cause de la chaleur, même en hiver, et qu’il l’a éprouvé; que ceux qui habitent les forêts voisines, remplies d’éléphants, de bêtes féroces et de serpents de toute espèce, s’appellent Canariens, attendu qu’ils vivent comme des chiens, et qu’ils partagent avec ces animaux les entrailles des bêtes fauves.

[16] Il est assez bien établi que la nation des Éthiopiens, appelés Pérorses, est limitrophe de ces contrées. Le père de Ptolémée, Juba, qui le premier régna sur l’une et l’autre Mauritanie, et qui est encore plus célèbre par ses travaux littéraires que pour sa royauté, a donne les mêmes détails sur l’Atlas. Il ajoute qu’il y naît une herbe appelée euphorbe (XXV, 38), du nom de son médecin, qui en fit la découverte; il donne des louanges merveilleuses au suc laiteux de cette plante comme propre à éclaircir la vue, et à combattre la morsure des serpents et toute espèce de venin. Il a consacré un volume particulier à ce sujet. En voilà assez et trop sur l’Atlas.

[17] ( II.) La province de Tingitane a 170.000 pas de long. Des nations tingitanes la principale était jadis celle des Maures, qui a donné son nom à la Mauritanie, et que la plupart ont appelés Maurasiens: des guerres désastreuses l’ont réduite à quelques familles. Jadis aussi se trouvait dans leur voisinage celle des Massaesyliens; mais elle est éteinte pareillement. Maintenant le pays est occupé (XXI, 45) par les nations gétuliennes, les Baniures, les Autololes, les plus puissants de tous, les Vésuniens, qui faisaient jadis partie de ces derniers, et qui, s’en étant séparés, ont constitué une nation particulière; ils sont à côté des Éthiopiens.

[18] La province, montagneuse à l’orient, produit des éléphants; il y en a aussi dans le mont Abila et dans ceux qu’on appelle les Sept-Frères, à cause de leur hauteur égale. Ces montagnes, jointes à l’Abila, dominent le détroit. A partir de ces montagnes commence la côte de la mer Méditerranée; on trouve le fleuve Tamuda navigable, et l’emplacement d’une ancienne ville ; le fleuve Laud, qui peut aussi porter des bâtiments, la ville et le port de Rusadir, le Malvana, fleuve navigable.

[19] La ville de Siga, résidence de Syphax, est située en face de Malacha, qui est en Espagne, et appartient déjà à l’autre Mauritanie. Longtemps ces contrées ont porté le nom de leurs rois : celle qui est en dehors s’appelait pays de Bogudes, et celle qui porte aujourd’hui le nom de Césarienne s’appelait pays de Bocchus. Puis viennent le grand Port, appelé ainsi à cause de son étendue, et jouissant du droit romain; le fleuve Mulucha, limite entre le pays de Bocchus et les Massaesyliens ; Quiza Xenitana, ville des étrangers; Arsennaria (Arzew), jouissant du droit latin, à 3.000 pas de la mer; Cartenna, colonie de la seconde légion, fondée par Auguste; Gunugi, colonie fondée par le même, où il établit une cohorte prétorienne; le promontoire d’Apollon,[20] la ville très célèbre de Césarée, appelée auparavant Jol, capitale de Juba, et ayant reçu du dieu Claude le droit de colonie ; Oppidum Novum, où le même prince établit des vétérans ; Tipasa, jouissant du droit latin; Icosion, qui a reçu la même faveur de l’empereur Vespasien ; Rusconnia, colonie d’Auguste ; Rusucurium, ayant reçu de Claude le droit romain ; Rusazus, colonie d’Auguste ; Salde, colonie du même, ainsi que Igilgili (Gigeri ) ; la ville de Tucca, placée sur la mer et sur le fleuve Ampsaga. Dans l’intérieur, la colonie Auguste, appelée aussi Succabar ; Tubusuptus, aussi colonie d’Auguste : les cités de Timici, de Tigaves; [21] les fleuves de Sardabal, d’Avès, de Nabar ; la nation des Macurèbes, le fleuve Usar, la nation des Nabades. Le fleuve Ampsaga est éloigné de Césarée de 222.000 pas. La longueur de l’une et l’autre Mauritanie est de 1.039.000 pas; la largeur, de 467.000.

IV. [1] Un troisième golfe se partage en deux golfes, les Syrtes, périlleuses par la marée et les hauts-fonds. La plus voisine, qui est la plus petite, et, d’après Polybe, à 300.000 pas de Carthage, et a une entrée de 100.000 pas et un circuit de 300.000. Par terre, pour s’y rendre, il faut se guider sur les astres et traverser des déserts emplis de sables et de serpents. Vient ensuite une région boisée, que peuple une multitude de bêtes féroces; dans l’intérieur, des solitudes livrées aux éléphants, puis de vastes déserts; au delà les Garamantes, séparés des Augyles par douze journées de marche. Au-dessus des Garamantes fut jadis la nation des Psylles ; au-dessus des Psylles le lac de Lycomède, entouré de déserts.

[2] Quant aux Augyles mêmes, on les place entre l’Éthiopie qui regarde l’occident, et la région qui est intermédiaire aux deux Syrtes, et à une distance à peu près égale de l’une et de l’autre. Par la côte, la distance qui sépare les deux Syrtes est de 250.000 pas ; là sont la cité d’Oea, le fleuve Cinyps, la contrée de même nom, les villes de Néapolis, de Taphra, d’Abrotonum; la seconde Leptis, surnommée la Grande; puis la grande Syrte (golfe de Sidra), de 625.000 pas de tour, dont l’entrée a 312.000 pas: là habite la nation des Cisipades.

[3] Au fond du golfe, sur la côte, furent jadis les Lotophages (XIII, 32), appelés par quelques-uns Alachroens, jusqu’aux autels des Philènes; ces autels sont en sable. De ce côté, et peu avant dans les terres, est un vaste marais qui reçoit le fleuve Triton et qui en porte le nom; il a été appelé Pallantias par Callimaque; on dit qu’il est placé en deçà de la petite Syrte, mais beaucoup le mettent entre les deux Syrtes. Le promontoire qui borne la grande Syrte s’appelle Borion; au delà est la province Cyrénaïque.

[4] L’Afrique, depuis le fleuve Ampagsa jusqu’à cette limite, renferme 26 peuples qui obéissent à l’empire romain. On y trouve 6 colonies, 4 déjà nommées, et Uthina et Tuburbis ; 15 villes jouissant du droit romain, parmi lesquelles il faut nommer, dans l’intérieur des terres, Azuritum, Abutucum, Aborium, Canopicum, Chilma, Simittuum, Thanusidium, Taburnicum, Tynidrumum, Tibiga, deux Uticca, la grande et la petite; Vaga ; une ville jouissant du droit latin, Usalita ; une ville tributaire placée près des Castra Cornelia ;[5] 30 villes libres, desquelles il faut nommer, dans l’intérieur, Acola, Acharita, Avina, Abzirita, Canopita, Melzita, Matera, Salaphita, Tysdrita, Tiphica, Tunica, Theuda, Tagesta, Tiga, Ulusubrita, une autre Vaga, Visa, Zama.

Les autres ne sont pas tant, pour la plupart, des cités seulement que des nations, telles que les Natabudes, les Capsitans, les Misulans, les Sabarbares, les Massylliens, les Nisives, les Vacamures, les Ethiniens, les Mussiniens, les Marchubiens, et toute la Gétulie jusqu’au fleuve Nigris, qui sépare l’Afrique de l’Éthiopie.

V. (V.) [1] La Cyrénaïque ou Pentapole est célèbre par l’oracle d’Hammon, qui est éloigné de la ville de Cyrène de 400.000 pas, par la source du Soleil (II, 10, 6), et surtout par cinq villes: Bérénice, Arsinoé, Ptolémais, Apollonle, et Cyrène elle-même. Bérénice est située sur la corne la plus intérieure de la Syrte; elle a porté jadis le nom des Hespérides, dont nous avons déjà parlé (V, 1); car le théâtre des fables grecques est souvent déplacé. Non loin et en avant de la ville est le fleuve Léthon, et un bois sacré où la tradition a placé les jardins des Hespérides. Elle est éloignée de Leptis de 375.000 pas;

[2] puis vient Arsinoé appelée Theuchira, à 43.000 pas ; puis Ptolémaïs, portant jadis le nom de Barcé, à 22.000 pas plus loin. A 40.000 pas, le promontoire Phyconte s’avance dans la mer de Crète; il est à 350.000 pas du cap Ténare en Laconie, et à 225.000 de la Crète elle-même; ensuite Cyrène, à 11.000 pas de la mer; du cap Phyconte à Apollonie, 24.000, et au cap Chersonèse 88.000 pas; de Chersonèse jusqu’à Catabathmos, 216.000 pas :

[3] là habitent les Marmarides, qui s’étendent à peu près depuis le pays des Paraetoniens jusqu’à la grande Syrte; puis les Araraucèles; sur la côte de la Syrte les Nasamons, appelés auparavant par les Grecs Mesammons, à cause de leur situation au milieu des sables. Le territoire de la Cyrénaïque, dans une largeur de 15.000 pas à partir du rivage, passe pour être riche en arbres; la zone, suivante intérieure, dans une même largeur, ne produit que des grains; enfin une dernière zone, de 30.000 pas de large sur 250.000 de longueur, ne produit que de l’assa foetida (XIX, 15).

[4] Après les Nasamons habitent les Asbystes et les Maces; au delà les Hammanientes, à douze journées de marche de la grande Syrte vers l’occident, et entourés eux-mêmes de sables dans tous les sens: toutefois, ils trouvent sans peine des sources à la profondeur d’environ deux coudées; car c’est là que refluent et séjournent les eaux de la Mauritanie; ils emploient en guise de pierre, pour construire leurs maisons, des blocs de sel qu’ils taillent dans leurs montagnes. De ces peuples il y a quatre journées de marche du côté du couchant d’hiver jusqu’aux Troglodytes, avec lesquels on ne fait d’autre commerce que celui de la pierre précieuse que nous appelons escarboucle (XXXVII, 25), et qui est apportée d’Éthiopie.

[5] Sur ce chemin est le pays de Phazanie (Fezzan ), tourné du côté des déserts d’Afrique, dont nous avons parlé au-dessus de la petite Syrte. Là nous avons soumis la nation des Phazaniens et les villes d’Alèle et de Cillaba, de même que Cidamus en face de Sabrata (V, 3). De la s’élève une chaîne qui s’étend dans un long espace du levant au couchant. Les Romains l’ont appelée Noire (ater), soit que naturellement elle semble brûlée, soit qu’elle doive cette apparence à l’action des rayons du soleil.

[6] Au delà de cette montagne sont des déserts, Matelgae, ville des Garamantes; Debris, où est une fontaine dont les eaux sont bouillantes de midi à minuit et glaciales de minuit à midi, et la ville célèbre Garama, capitale des Garamantes. Toutes ces contrées ont été subjuguées par les armes romaines; Cornelius Balbus en a triomphé (44 de J, C.). Il est le seul étranger qui ait obtenu le char triomphal et le droit de cité: né à Cadix, il obtint ce droit avec Balbus l’ancien, son oncle; et, chose singulière, tandis que les auteurs romains lui ont attribué la conquête des villes susdites, lui-même a mené en triomphe, outre Cidamus et Garama, les noms et les images de toutes les nations et villes, dans l’ordre suivant:

[7] la ville de Tabidium, la nation Niteris, la ville de Negligemela, la nation où la ville de Bubéium, la nation Enipi, la ville Thuben, la montagne appelée Noire (niger), Nitibrum et Rapsa, villes, la nation Discera, la ville Debris, le fleuve Nathabur, la ville Thapsagum, la nation Nannagi, la ville Boin, la ville Pège, le fleuve Dasibari, puis les villes contiguës de Baracum, de Buluba, d’Alasi, de Balsa, de Galla, de Maxala, de Zizama; le mont Gyri, qui, d’après le titre de l’image, produit des pierres précieuses. Jusqu’à présent on n’avait aucun chemin tracé menant aux Garamantes, attendu que les brigands de cette nation recouvrent de sable des puits qu’on trouve sans creuser beaucoup, si l’on a la connaissance des lieux.

[8] Dans la dernière guerre que les Romains eurent avec les Oeens, sous les auspices de l’empereur Vespasien, on a trouvé une route abrégée de quatre journées; ce chemin s’appelle Au delà de la tête du rocher. La limite de la Cyrénaïque est Catabathmos, nom d’une ville et d’un vallon qui s’enfonce tout à coup. Depuis la petite Syrte jusqu’à cette limite, l’Afrique Cyrénaïque a 1.060.000 pas de long: en largeur, autant qu’on la connaît, elle a 800.000 pas.

VIII. (VIII) [1] Dans l’intérieur de l’Afrique, du côté du midi, au-dessus des Gétules, et après avoir traversé des déserts, on trouve d’abord les Libyégyptiens, puis les Leucéthiopiens; plus loin, des nations éthiopiennes : les Nigrites, ainsi nommés du fleuve dont nous avons parlé (V, 4) ; les Gymnètes, les Pharusiens qui atteignent l’Océan, et les Pérorses que nous avons nommés (V, 1, 10), sur les confins de la Mauritanie. Tous ces peuples sont bornés du côté de l’orient par de vastes solitudes, jusqu’aux Garamantes, aux Augyles et aux Troglodytes. Rien n’est plus vrai que l’opinion de ceux qui placent au delà des déserts d’Afrique deux Éthiopies, et, avant tous, d’Homère (Od.,I, 23), qui divise en deux les Éthiopiens, ceux de l’orient et ceux du couchant.

[2] Le Nigris a la même nature que le Nil ; il produit le roseau, le papyrus et les mêmes animaux ; la crue s’en fait aux mêmes époques; il a sa source entre les Éthiopiens Taréléens et les Oecaliques. La ville de ceux-ci, Mavis, a été placée par quelques-uns dans les déserts; et à côté les Atlantes, les Aegipans, demi-bêtes, les Blemmyes, les Gamphasantes, les Satyres, les Himantopodes. Les Atlantes, si nous ajoutons foi aux récits, ont perdu les caractères de l’humanité; ils n’ont point entre eux de noms qui les distinguent; ils regardent le soleil levant et couchant en prononçant des imprécations terribles, comme contre un astre funeste à eux et à leurs champs; ils n’ont pas de songes, comme en ont les autres hommes.

[3] Les Troglodytes creusent des cavernes, ce sont leurs maisons; la chair des serpents leur sert de nourriture; ils ont un grincement, point de voix, et ils sont privés du commerce de la parole. Les Garamantes ne contractent point de mariages, et les femmes sont communes. Les Augyles n’honorent que les dieux infernaux. Les Gamphasantes, nus, ignorants des combats, ne se mêlent jamais aux étrangers. On rapporte que les Blemmyes sont sans tête, et qu’ils ont la bouche et les yeux fixés à la poitrine. Les Satyres, excepté la figure, n’ont rien de l’homme. La conformation des Aegipans est telle qu’on la représente d’ordinaire. Les Himantopodes ont pour pieds des espèces de courroies, avec lesquelles ils avancent en serpentant. Les Pharusiens sont d’anciens Perses qui, dit-on, accompagnèrent Hercule dans son expédition aux Hespérides. Je n’ai pas trouvé d’autres renseignements sur l’Afrique.