William Lemprière, Médecin au Maroc, 1790 : passages Rabat, Asfi…

En Approchant de Ma‘mûra, j’aperçus sur les bords d’un lac prs tombeaux de saints arabes ; ces tombeaux étaient bâtis en pierre de taille d’environ 10 verges carrées, ils avaient une coupole assez bien ordonnée, et renfermaient le corps de qq saint personnage.

Chez toutes les nations, on a de la vénération pour les hommes d’une piété exemplaire ; mais la loi mahométane commande encore plus particulièrement cette espèce de respect religieux qu’on porte à des dévots fanatiques.
Notre croyance, à nous, lui fait donner le nom de superstition ; l’unité de Dieu, à laquelle nous sommes fortement attachés, ne nous permet pas de faire participer de chétives créatures aux hommages qui ne sont dus qu’à la divinité : mais les peuples peu éclairés conservent toujours un peu d’idolâtrie.
Lorsqu’un mahométan, réputé saint, vient à mourir, on l’enterre avec la plus grande solennité, on lui bâtit une chapelle qui lui sert de sépulture, ce lieu devient plus sacré que les mosquées elles-mêmes.
Si un criminel, quelque coupable qu’il soit, se réfugie dans une de ces chapelles, il y est fort en sûreté ; l’empereur, qui ne se fait pas scrupule de violer toutes les lois lorsqu’elles gènent son autorité, respecte le privilège de ces sanctuaires.
Un mahométan qui a qq peine de corps ou d’esprit, vole au sanctuaire le plus voisin de sa demeure, pour demander à Dieu les grâces dont il a besoin. Cette pieuse démarche rétablit le calme dans son âme, et il s’en retourne l’esprit beaucoup plus tranquille, ne doutant pas que ses vœux ne soient bientôt exaucés.
La confiance de ce peuple est si grande pour les chapelles où reposent les cendres des saints musulmans qu’il les regarde comme sa dernière ressource dans les cas désespérés.
Il y a deux sortes de saints en barbarie :

-Les plus révérés sont ceux qui, par de fréquentes ablution, de ferventes prières et autres actes de dévotion, ont acquis une réputation extraordinaire de piété. Ce masque religieux cache beaucoup d’hypocrites ; on en voit cependant qui prient de bonne foi. Ceux-là prennent soin des malades, assistent les pauvres et consolent les affligés. Une conduite aussi respectable imposera toujours le silence à l’esprit philosophique qui voudrait anéantir les préjugés qui dirigent les hommes.

-Des idiots et des fous forment la seconde classe de saints ; tous les peuples ont crus que les malheureux qui avaient l’esprit aliéné étaient protégés par les Dieux ; sans cette opinion, les oracles et prophètes païens n’auraient pas été aussi célèbres. Ces idées se conservent même en Europe, chez les gens peu instruits : elles sont si naturelles à l’homme ignorant, qu’il ne faut pas s’étonner que les Maures voient dans ces pauvres insensés des êtres privilégiés et même inspirés par la Divinité. La superstition qui règne à Maroc est peut être, à bien des égards, utile à l’humanité ; sans les préjugés qu’elle enfante, les malheureux, privés de raison seraient sans protecteurs ni amis. L’intérêt qu’ils inspirent les fait nourrir et habiller gratuitement. On pourvoit à tous leurs besoins, et souvent on leur fait des cadeaux.

Il y aurait moins de danger pour une Maure de faire insulte à l’empereur que de mettre en courroux un de ces faux-prophètes ; concluons de tout ceci que les opinions religieuses, qoique bizarres, ne font pas toujours le malheur des nations.

Indépendamment de l’espèce de licence que les préjugés populaires autorisent, et dont abusent d’hypocrites insensés, il sprofitent de la vénération qu’on a pour eux pour commettre impunément toutes sortes de crimes. Il n’y a pas longtemps qu’on voyait à Maroc un saint, dont l’amusement ordinaire était de blesser, et même de tuer les personnes qui avaient le malheur de se trouver sur son chemin : cependant, malgré les conséquences funestes de sa frénésie, on le laissait en liberté. Sa méchanceté était telle que pendant qu’on faisait les prières, il épiait le moment de pouvoir passer une corde autour du cou de la première personne qu’il pouvait atteindre, afin de l’étrangler.
Pendant mon séjour à Maroc, j’ai été porté à me convaincre du danger de s’approcher de ces saints en démence ; j’ai vu que leur plus grand plaisir était d’insulter les chrétiens.

Je ne dois pas oublier les marabouts, qui sont les premiers saints de Maroc ; cette classe d’imposteurs prétend être très habiule en magie, elle jouit d’une grande considération parmiu les autochtones ; les marabouts mènent une vie fainéante, vendent des sortilèges et s’enrichissent aux dépens du peuple.

Il y a encore des montagnards ambulants qui se disent les favoris de Muhammad. Aucune bête venimeuse n’oserait les attaquer. Les plus singuliers de ces gens-ci sont les Sidi-An-Nâsir, ou mangeurs de serpents, qui représentent en public les jours de marché. Le peuple se porte en foule pour leur voir avaler des serpents vivants. J’ai pris ma part de cet horrible spectacle, je vis un homme qui, en moins de 2 heures, avala un serpent en vie de plus de 4 pds de long ; il dansa tout le temps de ce repas dégoûtant, au son d’une musique vocale et instrumentale, dans un cercle formé de spectateurs.
Avant d’attaquer son serpent, il fit une courte prière, qui fut répétée par tous les assistants. Il commença à manger l’animal par la queue, et les curieux ne s’en furent que quand il l’eut entièrement dévoré.

A 4 miles de Sala, je vis un ancien aqueduc que le sgens du pays disent avoir été fait par les Maures, mais je le croirais plutôt des romains, j’y ai reconnu le goût de leur architecture. Le mur de cet aqueduc, qui est très élevé, et d’une épaisseur prodigieuse, a environ 0,5 miles de long ; on y voit trois grandes arches ; je passai sous une de ces arches avant d’arriver à Sala. Quoique le temps ait fait sentir sa main destructive à quelques parties de cet aqueduc, cela de les empêche pas de servir encore à apporter de l’eau excellente à Sala.
La ville de Sala, […] ce qui l’a rendu célèbre ; ce sont ces terribles pirates qui partaient de son port pour balayer la mer […] furent longtemps la terreur du commerce européen, aussi redoutables par leur audace que leur barbarue, ils s’étaient rendus maître de l’Océan, et avaient qq fois la téméroté d’étendr eleurs brigrandages jusque sur les côtes.
[…]
S’ils ne tuaient pas toujours ceux qui avaient le malheur de tomber entre leurs mains, ce n’était pas par sentiment d’humanité […] mais seulement pour en faire des esclaves […] .

[…] Grande […..] Elle est défendue pas une batterie de 20 canons qui fait face à la mer. Il y a aussi une assez bonne redoute à l’embouchure de la rivière.
La ville de Rabat est située sur la rive opposée. Ces 2 cités étaient réunis anciennement pour commettre toutes sortes de brigandage, on les confondait ensemble […] elles étaient indépendantes ; elles payaient seulement un mince tribut à l’empereur, qu’elles voulaient bien reconnaître pour Sultan. […] Peu d’hommes se soucient de courir d’aussi grands dangers pour acquérir une pareille liberté, qui ne procure aucun bien réel, et qu’il n’est pas possible de conserver.

Sidi Muhammad, dernier empereur, subjugua ces deux villes et les runit à son empire, ce fut un coup mortel pour ces pirates, quand ils perdirent l’espoir de jouir tranquillement des captures qu’ils faisaient, l’empereur mit fin à ces horreurs, en les réprimant avec sévérité, et en les dénonçant à toute l’Europe.

[…] La ville de Rabat est entourée d’une grande muraille te défendue par trois forts qu’un renégat anglais a fait construire : ces forts sont garnis de canons qui y ont été apportés de Gibraltar. Les maisons de cette ville sont en général bien bâties. On y trouve qqs riches habitants.

[…] Le château de Rabat est très considérable, dans l’enceinte de ses murs est une grand bâtiment qui servait à l’empereur Si-Mhammd pour sa principale trésorerie. On y voit aussi une belle terrasse d’où l’on découvre la ville de Sala, l’Océan, et une grande étendue de pays.

On dit qu’un ancien château en ruines qui se trouve à Rabat, a été bâti par Y. al-Mansûr, un des premiers empereurs de Maroc, il n’en reste que 4 murailles, dont on a tiré parti pour faire une magasin à poudre et retirer qqs autres munitions de guerre. En dehors du châteur est une tour carrée bâtie en belles pierres de taille. Les Maures la nomme la tour Hasan, à cause de son extrême grandeur. Leur admiration pour ce nouvel édifice, qui n’a rien que de très ordinaire, prouve combien ils ont dégénéré de leur ancienne splendeur, et perdu le goût de la belle architecture… (sic !!!)

Les melons délicieux et les grenades qu’on trouve en abondance sur le chemin de Rbat à Mugadur consolent un peu de l’ennui de cette route. J’en mangeaus sans cesse pour étancher ma soif ; ces excellents fruits viennent en plein champs, je payais 2 blankil un melon assez gros pour 6 personnes.

Dans un pays où les droits au trône sont nuls s’ils ne sont appuyés de l’armée, le prince qui gouverne regarde les chateaux de ses sujets plus come des places de sûrté pour ses ennemis qu’il ne les croit utiles à la conservation de son autorité et c pourquoiu il les laisse tomber en ruines.

Les ouvrages commencés à Fdala en différents temps et jamais finis sont un monument éternel de l’esprit insouciant du dernier empereur. La ville de Fadala est entourée d’une vieille fortification, on y voit une mosquée, seul bâtiment qui ait été achevé : les habitants pauvres […] vivent dans de misérables cabanes, à droite de Fadala, je remarquai une espèce de palais que Si Mhammd fit bâtir et y couchait lorsqu’il voyageait sur cette route.

A 6 heure, j’entrai dans la triste ville de Dar-Bayda, ke pont que je passai sur la rivière de ce nom a 2 arches, c’est le seul que j’ai vu en Barbarie d’une construction moderne ; il a été construit sous le règne de Si Mhammd.
Dar-Bayda est un petit port de mer de peu d’importance, cependant il a une baie où de svaisseaux considérables et chargés peuevnt mouiller sans danger, excepté pendant lesz gros vents du nord ouest, ils courent alors le risque d’être jetés à al côte.

Pendant mon cours séjour à Asfî, ke logeais dans une maison juive où je vis 2 arabes qui avaient été à Londres, et qui avaient retenu qqs mots d’anglais, le plus grand plaisir qu’ils crurent me faire fut de me présenter une chaise et une petite table, depuis ma sortie de Tanger, je n’avais trouvé nulle part de ces meubles, dont l’usage nous ets devenu d’une nécessité absolue, les maures ne s’en servent jamais.

MOGADOR : à faire

Cet empire (le maroc) est composé de prs provinces, qui, comme beaucoup d’autres parties du globe, qu’on a réunies pour faire un seul état, étaient anciennement de petits royaumes séparés.

TAFILALT : je pourrais assurer d’après les meilleures autorités, qu’à Tafilalt, et dans la plupart des parties méridionales de l’empire, la fertilité du sol dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

VIN : les juifs font du vin dans presque toutes le sparties de l’empire, mais soit que leur raisin soit de mauaise qualité, ou qu’ils s’y prennent mal pour le faire, toujours est-il qu’il est très médiocre, ils distillent une espèce d’eau de vie de figues et raisins secs, bien connue dans le pays sous le nom d’Aquadenti, cette liqueur est désagréable à boire, mais a bcp de force, les jufis en font grant cas, et s’en régalent dans toutes leurs fêtes, les maures sont très disposés à en prendre leur part.
Il croit dans les environs de Miknàs une sorte de tabac, dont la bonté n’est guère inférieur au macoubac.

Dans le sud du maroc j’ai trouvé des […] « dattiers » ( ?) portant des amandes dont les Maures extraient une grande quantité d’huile qu’ils exportent à l’étranger

Chameau, 500 miles ou 167 lieues/heures en 4 jours !

CIGOGNES :
La famille des cigognes est très nombreuse, et n’est jamais molestée par les Maures, ils croiraient commettre une crime de les détruires ; la protection qu’on leur accorde les a tout à fait apprivoisées, elles cherchent leur nourriture dans les vieilles murailles des chateaux abandonnés, elles y trouvent insectes et serpents.

SAUTERELLES :
En 1778, ces insectes parurent en si grand nombre que l’air en était obscurci, cette calamité fut si générale en 1780, qu’elle occasionna une disette affreuse : on voyait des malheureux mourir dans les rues, d’autres creusaient la terre en recherche de racines, enfin, il y en avait qui fouillaient dans la fiente de ces insectes dévastateurs pour en retirer les grains de blé qu’ils avaient dévorés trop avidement pour qu’ils puissent être digérés.
Dans cette détresse publique, l’empereur ouvrir ses greniers, et fit distribuer du blé et de l’argent à ses sujets, tous ceux qui avaient qqs provisions furent obligés de suivre son exemple.

Les tapis du Maroc ne sont pas inférieurs à ceux de Turquie, on y fabrique de belles nattes faites de petit palmier…[…]

Etat sauvage :

Il est probable que les maures n’ont pas changé depuis leur expulsion de l’Espagne, qui leur fit perdre les arts et les sciences : quand ils en furent chassés, ils jouissaient de tous les avantages d’une nation éclairées, tandis qu’une grande partie de l’Europe était encore dans l’ignorance et la barbarie. La faiblesse et la tyrannie de leurs souverains les ont fait tomber insensiblement dans l’extrémité opposée, tous les sentiments qui élèvent l’âme et qui éveillent le génie ont disparu, et ce peuple jadis si considéré, ressemble aujourd’hui à une horde de sauvages.
[…]
On aura peine à croire qu’en revenant de Murâksh à Sala, je n’ai pas rencontré une seule Maison, quoiqu’il y ait 7 jhours de chemin : je ne vis que qq tentes d’arabes répandues çà et là. […] les villes sont en petit nombre proportionnellement à l’étendue de l’empire, et son désertes ; M. qui en est la capitale, est pleine de maisons en ruines et abandonnées, tout se ressent des dévastations et cruautés horribles de ses rois[…].

Régime des ‘Abîd :
Le caractère de M. Smâ‘îl, grand père de Si-Mhammd, offre de singulières contradictions, tandis que d’un côté il exerçait une affreuse tyrannie envers ses sujets, de l’autre, il tâchait de réparer le mal en donnant des encouragements au commerce et à la populations. Il établit dans ses Etats de nombreuses colonies de nègres de Guinée, leur bâtit des villes, et leur assigna des terrains à défricher, enfin, il ne négligea rien pour les faire prospérer dans son empire.
Si depuis sa mort, le plan qu’il avait adopté eut été suivi, le pays serait à rpésent très peuplé et florissant, les nègres étant plus vigoureux, plus actifs et entreprenants que les Maures, ils auraient perfectionné leur agriculture et l’intelligence dont ils sont doués leur eût bientôt appris à tirer parti de leur industrie.
On découvrit bientôt dans la conduite de M I que […] son seul but était de former une armée d’étrangers pour l’opposer à ses propres sujets, qui travaillaient sourdement à le faire tomber de son trône […] ce n’est pas qu’ils espérassent un meilleur gouvernement ; car les sujets des despotes savent bien que quand ils défont un tyran, c’est pour en avoir un autre […] M I fut un assez bon politicien pour sentir que des esclaves qui dépendraient entièrement de lui rendraient son trône inébranlable. Ses soldats nègres lui procurèrent le moyend e remplir ses coffres en lui assurant le pillage de la fortune de ses sujets.
Il est constant qu’il ne pensait qu’à accomplir ses desseins tyranniques, en introduisant des étrangers dans l’empire, mais il n’est pas moins vrai qu’ils y ont fait bcp de bien en se mariant entr’eux, et en se mêlant avec les Maures qui prennent des négresses pour concubines, il est très rare qu’ils veuillent les épouser : enfin, une nouvelle race d’hommes s’est élevée, et est devenue aussi utile à ce pays que ses anciens habitants, elle a mis l’empire dans un état plus brillant qu’il n’avait été depuis la révolution qu’il a éprouvé.

Règne de Si-Mhammd : à faire