Marmol, Meknès, v. 1550

Miknàs :

A 17 lieues de Sala et non loin du Mt Atlas est une grande ville de plus de 8000 habitants, que Ptolémée met […] sous le nom de Silda devenu depuis Miknàs, d’une branche des Znata qui chassa du royaume de Fàs les successeurs d’Idrîs, et soutinrent les Khulafa’ shiites de Qayrwân. Ibn al-Raqîq dit que ces Miknâsâ vivaient autrefois sous des tentes comme les arabes, mais, qu’étant devenus riches, la discorde s’insinua et que les plus faibles durent s’adapter au lieu, et devinrent si nombreux qu’elle est aujourd’hui une des principales villes de Tingitane.
Aussi est-elle bien bâtie, dans une belle plaine, sur le bord d’une agréable rivière qui n’est qu’à ½ lieue de la source. Les campagnes autours sont riches en bled, lin et huile et on y engraisse gros et menu bétail. Elle est environnée de jardins qui portent plusieurs fruits excellents, et bien ceinte d’un bon mur garni de tours à l’antique. Tous les bains, les palais et les mosquées sont à la mode du pays, et l’on tient lundi un marché hors la ville où arabes et berbers de la région viennent vendre laines, peaux, beurre, cire et autres marchandises, et acheter ce qui ets nécessaire pour leur petit équipage, et celui de leurs chevaux.
C’est une ville qui a de bonnes murailles et de grandes rues larges et fort gaies, avec une belle fontaine au milieu de la place qui vient par des aqueducs d’une montagne voisine. Il y a aussi un château fort, où se trouve le palais du prince et à mi-lieue de là, plusieurs moulins le long du cours. Les Miknasâ sont braves et orgueilleux, mais anciens ennemis des Fâssi. Ils se vantent de venir de Makka et s’adonne la plupart au trafic. Les femmes filent la laine et font de belles étoffes de soie et coton, ou coton et laine qui portent le nom du pays et sont très apréciées en Afrique… Les hommes sont fort jaloux, ne souffrent pas qu’elles fassent des visites, ni qu’elles sortent du logis si ce n’est pour aller au bain ; encore sont elles si bien cachées avec des voiles d elaine blanche d’une grande finesse qu’on ne voit pas leur visage.
Les rois de Fàs ont coutume de donner cette ville en apanage à leur successeur, fils, frère, proche parent, comme la première après la capitale, ce qui ne leur a pas toujours réussi.
Ainis Mhammd Wattas l’ayant donné à son vousin, qui se rendit depuis seigneur d’Azmûr, ce prince faillit s’emparer de la ville de Fàs tandis que le Roi faisait la guerre à Tlamsan.
Mais Mhammd accourut aussitôt et assiégea Miknâs et désola le pays en 2 mois, si bien que les habitants lui ouvrir une porte à l’insu du prince, qui fut arrêté, enfermé longtemps dans une tour à Fàs, avant que le roi ne lui rende liberté, tout en donnant la ville à son frère Mawlay Nâsir, qui défit l’armée de Portugal sur la rivière Ma‘mûr.