Ibn ‘Idhari, Histoire de l’Afrique et de l’Espagne (Bayanu al-Maghrib), 1312 : Oeuvre Complète non traitée

PARTIE I : Afrique

On dit que sur le littoral de rifrik’iyya se trouve

un lieu nommé Monastir, qui est Tune des portes du
paradis (*). Dans ce même pays se trouve aussi la monta-
gne nommée El-Mamt’oûr, qui est une des portes de
l’enfer ( 3 >. Une tradition dit que l’Ifrik’iyya produira
70,000 martyrs à la face aussi brillante que la lune dans
son plein.

Le Prophète, à ce que rapporte Ibn Wahb, a dit : « Pour
les habitants de l’Ifrik’iyya, il y aura grand froid, mais
aussi grande récompense (*). » D’après Sofyân ben c Oyey na,
on dit qu’il y a au Maghreb une porte qui est ouverte
au repentir, qui est large de quarante années (de marche)
et que Dieu ne fermera que quand le soleil se lèvera de

(1) Le ms unique d’après lequel ce texte a été publié est acéphale,
et la lacune, d’après la supposition vraisemblable de Dozy, est d’un
feuillet. Il y a en outre des défectuosités partielles dans les quelques
feuillets qui suivent : j’ai tâché de traduire ces fragments tels quels,
sans d’ailleurs me flatter que j’aie pu toujours saisir le sens exact de
quelques mots dépourvus de leur contexte.

(2) Cette ville est assez longuement décrite par Bekri {Descr. de
VAfr. sept., trad. de Slane, p. 88).

(3) Voir Bekri, 325 ; Hist. des Berh., trad. de Slane, i, 325. C’est le
Djebel Ouselat actuel (Tidjâni, J. As., 1852, n, 114).

(4) On retrouve cette tradition avec d’autres analogues dans
Bekri, p. 55.

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– 2 –

ce côté. Parmi les Compagnons de l’Apôtre de Dieu, il y
eut beaucoup de Mohâdjiriens primitifs qui se rendirent
en Ifrik’iyya, et de même beaucoup des successeurs (lâbi c )
pénétrèrent eh Espagne. Les souvenirs laissés par les
Maghrébins sont d’ailleurs innombrables.

Celui qui porta le premier la guerre en Ifrîk’iyya du
temps de f Omar ben e4-Khat’t’àb fut c Amr ben el- c Açi,
qui avait conquis l’Egypte en Tan 20 de l’hégire (20 déc.
640). Ce général envoya c Ok’ba ben Nâfi c Fihri dans la
Libye et la Marmarique, pays qui ^furent conquis; puis
c Amr lui-même s’avança jusqu’à Bark’a, dont les habi-
tants se rendirent par composition [moyennant ] sur

chaque individu pubère W. De là il poussa sur Tripoli,
qu’il conquit malgré les secours que demandèrent les
habitants de cette ville à la tribu [P. 3] berbère de
Nefoûsa à raison de leur commune conversion au Chris-
tianisme.

En l’année 21 (9 déc. 641), c Amr ben el- c Açi [conquit]
Alexandrie < 2 ). En cette même année il conquit la pro- vince de Tripoli et écrivit au Prince des croyants c Ômar ben el-Khat’t’âb pour lui annoncer de quelles conquêtes Dieu l’avait favorisé, en ajoutant qu’il avait maintenant devant lui l’Ifrik’iyya, région obéissant à de nombreux princes et dont les habitants et, pour la plupart, avaient des chevaux comme montures. Mais le khalife ayant répondu par l’ordre de revenir en arrière, c Amr fit rétrograder ses troupes du côté de l’Egypte. c Omar ayant ensuite trouvé la mort du martyre, son (1) Barka fut reçu à composition moyennant 13,000 dinars et à la fin de Tannée 2\ [Nocljoûm, i, 14 ; Belàdhori, p. 224). (2) Voir Belàdhori, pp. 218 et 220. Digitized by Google – 3 — successeur c Othmàn enleva le gouvernement de l’Egypte à c Amr et en investit, en l’an 25 (27 oct. 645), *Abd Allah ben Sa c d. En 27 (6 oct. 647), r Othmân donna à e Abd AUàh ben Sa c d ben Aboû Sarh. . . . l’Ifrîk’iyya. Conquête de l’Ifrîk’iyya par Ibn Aboû Sarh’. — l’armée Merwân ben el-Hakam ; il rassembla de nombreux Omeyyades c Abd Allah ben ez-Zobeyr ben el- c Awwâm avec nombre des siens, ainsi qu’ c Abd er-Rahmân [ben Zeyd ben el-KhatTâb] et c Abd Allah [ben *Omar ben el-Khat’t’àb] W, en moharrem de cette année. Conformément à son ordre on dressa le camp, et alors il leur fit la khotba (sermon), leur adressa de sages conseils et excita leur zèle à la guerre sainte ; après quoi il ajouta: « J’ai recommandé à c Abd Allah ben Sa c d [P. 4] d’agir au mieux à votre égard et de vous traiter avec bienveillance ; je vous confie à la direction d’El-H’ârith ben el-H’akam pour vous mener à c Abd Allah ben Sa c d, qui alors prendra le commandement. » Quelques détails sur ‘Abd Allah ben Sa’d ‘Amiri ; son commandement et la conquête qu’il fit de l’Ifrîk’iyya. Ce personnage avait d’abord servi de secrétaire à l’Envoyé de Dieu, puis avait apostasie et rejoint les polythéistes à la Mekke. Mo c âwiya ben Aboû Sofyân, qui était alors à la Mekke et qui avait sincèrement embrassé l’Islamisme, le remplaça en qualité de secré- taire auprès du Prophète. Lorsque ce dernier s’empara (1) Ibid. p. 226. Digitized by Google T 4 ~ de cette ville, c Abd Allah se réfugia dans la maison d ,e Othmân pour solliciter sa protection, et c Othmân obtint du Prophète le pardon d’Ibn Aboû Sarh’, qui était son frère de lait et dont, à partir de là, la foi resta sin- cère (*>. c Othmân, lorsqu’il fut devenu khalife, le nomma
gouverneur et chef militaire de l’Egypte. Après avoir à
maintes reprises envoyé des détachements de cavalerie
légère pour enlever du butin du côté de flfrîk’iyya, c Abd
Allah écrivit à c Othmân pour lui dire quels résultais il
avait obtenus, et ces informations déterminèrent l’envoi
qui lui fut fait d’un corps d’armée dont il devait prendre
le commandement pour entreprendre une campagne
contre lTfrîk’iyya.

c Abd Allah se mit donc en marche à la tête de vingt
mille hommes contre cette contrée, qui obéissait à un
patrice nommé Djerdjir, dont l’autorité s’étendait de
Tripoli à Tanger. Le général musulman envoya dans
diverses directions des. colonnes légères qui ramenèrent
toutes du butin. Lui-même rencontra un matin le patrice
que suis r ait une armée de cent vingt mille hommes, dans
un lieu connu sous le nom de Sobeytala (Suffetula). Le
grand nombre de leurs ennemis jeta les musulmans
dans l’angoisse, et ils ne partageaient pas l’avis de leur
chef, [P. 5] qui alors §e retira dans sa tente pour réflé-
chir. Mais Djerdjir, de son côté, fut pris de peur en-
voyant les musulmans ; il fit sortir la tour mobile
( Jj*xo) et y monta pour de là dominer les troupes, et il

fit distribuer les armes Sa fille monta sur la tour et

se dévoila, entourée de ses quarante servantes qui

(1) Sur ce personnage, voir entre autres les textes auxquels renvoie
FoboiTl Mehàsin, Nodjoûm, i, p. 120; Ibn el-
Athîr, m, 299, etc.

(3) J’ai restitué quelques mots manquants d’après Ibn el-Athir,
m, 379.

(4) Cette expédition maritime est aussi rappelée par le Nodjoûm^
i, p. 154. — La lacune qui suit est d’environ sept lignes.

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– 14 –

Nâfi* ben c Abd Kays ben. . . Ibn Aboû’l. . . . dit qu’ c Okba
naquit un an avant le Prophète. D’après Ibrahim ben
el-Kâsim, c Okba à la tête de dix mille musulmans arriva
dans l’Ifrik’iyya, qu’il conquit et où il s’avança, poursui-
vant le sabre à la main tous les chrétiens qui s’y trou-
vaient. Ce chef tint alors aux musulmans le discours
que voici : « Dans cette région, les habitants se conver-
tissent à l’Islam quand arrive un prédicateur de la foi,
mais quand il se retire, les nouveaux convertis retour-
nent à leurs erreurs. Je suis donc d’avis que vous pre-

• niez pour y fixer à toujours la foi musulmane. » Cet

avis fut unanimement accepté, et l’on décida que les

gens stationnés dans les ribât (couvents fortifiés)

pour la guerre sainte et la défense des frontières W. « Je
crains également, continua c Okba, que le prince de
Constantinople ne vienne la conquérir; établissez donc

aussi entre cette (ville) et la mer dont ne puisse se

rendre maître celui qui tiendrait la mer sans. . . . qu’il y
ait de là à la mer une distance qui nécessite l’abréviation

de la prière; on y tiendra garnison Rapprochez-la,

dit-il, de la sebkha (lac salé), car vous avez pour bêtes
de somme des chameaux qui vous servent à transporter

vos bagages des incursions et de la guerre jusqu’à

ce que Dieu nous en fasse faire la conquête de proche

en proche. Alors nos chameaux dont les pâturages

seront à l’abri des attaques des Berbères et des chré-
tiens. » Ichbili dit, dans son livre des Mesâlik

entrèrent dans le Maghreb, ils trouvèrent que les Francs

(1) Ces détails et ceux qui suivent se retrouvent, mais abrégés,
dans Ylstibçar, éd. Kremer, p. 4, et trad. fr., p. 8; voir aussi le récit
de Mouley Ahmed, ap. Voyages dans le sud de l’Algérie, de Ber-
brugger,*p. 219.

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– 15 –

les y avaient devancés : ils les poursuivirent, puis la paix
fut conclue à condition et que les Francs réside-
raient dans les plaines. Ce fut dans cette partie du pays
qu’ils édifièrent des villes.

Reprenons le fil de notre récit. En 50 (28 janv. 670),
c Okba commença à construire la ville de K’ayrawàn. Les
Arabes répondirent à l’appel qu’il leur adressa à ce
propos, mais ensuite ils lui dirent : « Tu nous fais bâtir
dans une région peu enviable, constituée par des fourrés
et des marais couverts de roseaux où il y a à redouter
les bêtes féroces, les serpents et autres animaux nuisi-
bles. » Or, comme son armée comptait dix-huit Compa-
gnons du Prophète et que le reste était formé de succès-
seurs, il adressa une invocation que tous ceux qui le
suivaient firent suivre d’un amen; puis s’avançant[P. 13]

vers la sebkha il s’écria : « Serpents et bètes féroces I

nous sommes les Compagnons du Prophète; éloignez-
vous, car nous allons nous fixer en ces lieux, et doréna-
vant nous tuerons tous ceux d’entre vous que nous ren-
contrerons ici ! » On assista alors à ce spectacle merveil-
leux du défilé des lions, des loups et des serpents qui
s’éloignaient en emportant leurs petits, et conformément
à son ordre on respecta ces animaux pendant qu’ils pro-
cédaient à leur exode. Quand il fut terminé, c Okba des-
cendit dans le creux et le fit déboiser, et pendant les
quarante années qui suivirent, on n’y vit plus ni scor-
pions ni fauves (*).

Il dressa alors le plan de la maison de gouvernement

(1) Cette légende se retrouve ailleurs (Ibn el-Athir, Annales, p. 19).
Sur la fondation de K’ayrawan, voir aussi Noweyri {H. des Berb., i,
327).

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– 16 –

et de la grande mosquée, mais sans faire élever les murs
de celle-ci, bien qu’il y fit la prière. Mais il s’éleva dans
la masse des discussions au sujet de la direction de la
Mekke (kibla): « Les indigènes, lui dit-on, régleront
leur kibla d’après celle de cette mosquée ; il faut que tu
fasses tous tes efforts pour la fixer exactement. » Pendant
quelque temps on observa les levers et les couchers des
étoiles, tant l’hiver que l’été, ainsi que les levers du
soleil. Gomme les observations n’étaient pas conformes,
il se coucha un jour tout soucieux et pria Dieu de lui
venir en aide. Alors il vit en songe quelqu’un qui lui
disait : « A ton réveil, prends l’étendard que tu as à la
main, mets-le toi au cou et alors tu entendras prononcer
un cri de « Dieu est grand » que nul autre musulman
que toi ne percevra ; regarde où s’arrêtera ce son, c’est
là la kibla. Dieu, par considération pour toi, accorde sa
faveur à ce camp, à cette ville et à cette mosquée, il s’en
servira pour humilier les infidèles. » c Okba, en proie au
plu» grand trouble, se réveilla et, après avoir procédé
aux ablutions légales, se mit à dire la prière dans la
mosquée et en compagnie de notables. Après que l’au-
rore eut paru et qu’il eut fait une prière de deux rek*a,
il entendit qu’on disait devant lui : « Dieu est grand. »
Il interrogea ceux qui l’entouraient, lesquels lui dirent
n’avoir rien entendu, ce qui lui fit conclure que ce signe
émanait bien de Dieu. Il prit donc l’étendard, se le mit
sur le cou et suivit la voix, qui le mena ainsi jusqu’à
l’emplacement du mihrâb de la grande mosquée, où elle
cessa de se faire entendre. [P. 14] Ce fut là qu’il ficha son
étendard, en ajoutant que là était le mihrâb qui devait
servir aux fidèles, et ce point servit de repère pour toutes
les mosquées de la ville.

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-17 –

Il se mit alors à élever les murs, les temples et les
habitations ; on y amena de toutes parts des charges de
marchandises, et l’importance de ce lieu s’accrut beau-
coup. Les maisons s’étendaient sur une longueur de
treize mille six cents coudées, si bien que… c Okba, dont
les prières étaient écoutées du ciel, était d’ailleurs un
excellent administrateur et général.

En 55 (5 déc. 674), Mo c àwiya ben Aboû Soiyàn préposa
à l’Egypte et à l’If rik’iyya Maslama ben Mokhalled Ançâri,
enlevant ainsi l’administration du premier de ces pays à
Mo’àwiya ben Hodeydj, et celle dij second, à c Okba ben
Nâfi c . Son administration dura quatre…. Maslama avait
déjà gouverné l’Egypte. Après sa nomination en Ifri-
k’iyya il révoqua c Okba et le remplaça par [Aboû’ 1-Mo-
hàdjir]. Mo c âwiya réunit sur la tête de ce chef tout le
pays depuis Tripoli jusqu’à Tanger, ce qui ne s’était pas
fait avant lui et ce qui dura jusqu’à la mort de Mo c âwiya
ben Aboû Sofyân.

Aboû 1 1-Mohâdjir devient gouverneur de l’Ifrlk’iyya ; dépossession
d’st en Tannée 73 que cette mort est racontée par Ibn cl-Athir
(texte, t. iv, p. 295).

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– 23 –

naies (proprement) musulmanes : ce fut le Prince des
croyants e Abd el-Melik qui fit frapper des dinars et des
dirhems au type musulman M.

En 77 (9 avril 696), eut lieu la révolte d’El-Mot’arrif
ben El-Moghîra ben Cho c ba contre c Abd el-Melik, qui
employa la ruse contre lui pour arriver à le tuer ( 2 ).

En la même année de nombreux chefs hérétiques
furent décapités ( 3 ).

Gouvernement de Hassan ben en-No’màn en Ifrlk’iyya.

En 78 (29 mars 697), Hassan ben en-No c mân, choisi à
cet effet par c Abd el-Melik ben Merwân, entra en Ifrîk’iyya
à la tête de 40,000 hommes qui lui furent confiés (*). Le
khalife l’avait d’abord envoyé avec cette armée en Egypte
pour parer aux événements, puis il lui adressa l’ordre de
se rendre en Ifrîk’iyya, en ajoutant : « Je te donne pleins
pouvoirs de disposer des richesses de l’Egypte; donnes-
en à ceux qui sont près de toi, donnes en à ceux qui te
viennent trouver, donnes-en au peuple et rends-toi en
Ifrik’iyya avec la bénédiction et la protection divines ! »

Hassan ben en-No c mân ben c Adi ben Bekr ben Moghith
[P. 19] ben c Amr Mozaykiyâ ben c Amir ben el-Azd péné-
tra en Ifrlk’iyya avec l’armée la plus considérable que
les musulmans y eussent jamais envoyée. A son arrivée

(1) Sur cette queslion, cf. notamment H. Lavoix, Cat. des monnaies
musulmanes de la B. N., Khalifes orientaux, introd., p. xiv et s.

(2) Cf. Weil, G. derKhalifen, i, 442; Ibn el-Athir, texte, iv, p. 350.

(3) J’ai interprété le texte d’après Ibn el-Athir, iv, 353 ; Weil, i,
428, elc.

(4) On trouve ailleurs les dates de’ 69 et de 74 (H. des Berbères, i,
339 ; Ibn el-Athir, Annales, p. 28).

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– 24 —

àK’ayrawân, il demanda aux habitants du pays quel était
le prince le plus puissant de la région, à quoi on lui
répondit que c’était le prince de Carthage, capitale de
rifriklyya. Hassan alla donc mettre le siège devant cette
ville, qui renfermait une population grecque (Roûm)
innombrable. Les habitants dirigés par leur prince firent
une sortie, mais Hassan les mit en fuite et en massacra
la plus grande partie ; après quoi il continua le siège et
finit par prendre cette capitale. Carlhage, actuellement
dénommée El-Mo c allak’a par les Tunisiens, était une ville
considérable dont les remparts étaient baignés par la
mer. Elle était* séparée de Tunis par une étendue de
douze milles où se trouvaient des bourgades florissantes.
La mer n’arrivait pas alors jusqu’à Tunis, qui n’y a été
reliée que plus tard W. Carthage renfermait des monu-
ments considérables, de grandes constructions et des
colonnes élevées qui prouvent la haute puissance des
peuples disparus ; de nos jours encore les Tunisiens
rencontrent toujours dans ces ruines des choses merveil-
leuses et des citernes que la suite des temps n’a pas
ravies aux regards.

Quand Hassan y arriva et qu’il en eut massacré les
cavaliers et les fantassins qui la défendaient, les habi-
tants survivants songèrent unanimement à fuir dans les
nombreux vaisse et au cours desquelles on fit 5,000 prisonniers.
Leur chef, nommé Kâmoûn, fut envoyé par Moûsa à
f Abd el- c Azîz ben Merwân, qui le fit exécuter près de
l’étang appelé encore de nos jours Birket Kâmoûn( 2 >,

(1) On écrit aussi Segouma et Sekiouma; voir H. des Berb, y
i, 206, et la table géog. ; Bekri, 267.

(2) Ce nom de lieu n’est que cité d’après notre texte dans les notes
du Merâcid (îv, 314).

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– 34 –

proche du bourg d , s’étaient rendus auprès de Moûsa, qui leur donna pour
chef l’un d’entre eux et se fit livrer des otages de
marque.

En djomàda I 85 (mai-juin 704), mourut c Abd el- e Aziz
ben Merwân, qui gouvernait l’Egypte au nom de son frère
c Abd el-Melik ben Merwân. Le khalife, qui le remplaça par
c Abd Allah ben e Abd el-Melik ben Merwân, avait déjà,
dans cette même année, voulu révoquer son frère tant à
cause de la disgrâce dont il avait frappé Hassan ben en-
No c mân qu’à cause de ses rapines. Il en avait été empê-
ché par K’abîça ben Dho’ayb, qui lui avait représenté
qu’une mort prochaine pourrait le débarrasser, mais
cependant il y songeait toujours. C’est dans ces disposi-
tions qu’il était un jour à causer avec Rawlv ben Zinbâ*
Djodhâmi, qui lui disait que cette révocation n’aurait pas
été de nature à provoquer de combat entre deux chèvres,
quand K’abiça survenant s’écria: « Prince des croyants,
[P. 27] veuille Dieu te récompenser à raison de ton
frère! — Il est donc mort? repartit le khalife. — Il
est bien mort. — Aboû Zor c a, Dieu nous a suffi pour
décider la question sur laquelle nous étions d’accord ! »(*)

A la suite de la mort du Prince des croyants *Abd
el-Melik ben Merwân, survenue en 86 (1 er janvier 705),
El-Welîd écrivit à son oncle [lisez frère] c Abd Allah
[ben c Abd el-Melik] ben Merwân, de nommer Moûsa ben
Noçayr au gouvernement de l’Ifrîk’iyya et du Maghreb,
pays qu’il enleva ainsi à son oncle [lisez frère] < 2 ). La (1) Cette anecdote se retrouve dans Ibn el-Âthîr (iv, 409) et le Nodjoûm (i, 192). (2) La nomination de Moûsa est ailleurs placée, soit en 89 soit Digitized by Google – 35 – plupart des villes d’Ifrîk’iyya étaient alors désertes par suite des conquêtes successives dont elles étaient l’objet de la part des Berbères. Moûsa ben Noçayr conquiert le Maghreb el-Ak’ça. Moûsa poursuivit sa marche guerrière d’Ifrik’iyya vers Tanger, car les Berbères, par peur des Arabes, se reti- raient vers l’ouest. La poursuite à laquelle il se livra lui permit d’en tuer une grande quantité et de faire de nombreux prisonniers. Il arriva ainsi jusqu’au Soûs el-Adna, c’est-à-dire au pays de Der’a. Les Berbères accablés lui ayant alors demandé quartier et s’étarit soumis, il teur donna un chef. Comme gouverneur de Tanger et des environs il nomma son client T’ârik’, à qui il confia un corps de 17,000 Arabes et de 12,000 Ber- bères, ceux-là ayant Tordre d’enseigner à ceux-ci le Koran et de les mettre bien au courant de la religion. Après quoi il se remit en route pour l’Ifrik’iyya. D’après Ibn el-K’at’t’ân, on raconte que Moûsa ben No- çayr, sitôt après avoir, en la dite année, été investi par El-Welid, envoya à des tribus berbères Zor c a ben Aboû Modrik, qui n’eut pas à subir d’hostilités dé leur part ; ces peuples se rendirent à composition, et il envoya leurs chefs à Moûsa, qui exigea d’eux dés otages. Le gouverneur donna ensuite le commandement de la flotte d’Ifrik’iyya à f Ayyâch ben Akhyal, qui se rendit en Sicile, où il attaqua et pilla complètement une ville nommée Syracuse, puis revint sain et sauf, chargé de butin. en 77; voir Ibn Khatlikân, m, 475, où ‘Abd Allah est aussi appelé oncle d’El-Welid. Digitized by Google – 36 – Quand AboùModrik Zor c a ben Aboû Modrik amena les otages dBs Maçmoûda, Moûsa les réunit aux otages [P. 28] berbères qu’il s’était fait livrer en Ifrik’iyya et au Maghreb et qui se trouvaient à Tanger : il les mit sous les ordres de son client T’ârik’, qui [plus tard] envahit l’Espagne avec eux. Dix-sept Arabes furent laissés par Moûsa à l’effet d’instruire ces Berbères dans le Koran et les préceptes de l’Islam. [Autrefois] c Ok’ba ben Nâfi e avait déjà laissé dans le même but quelques-uns de ses compagnons, parmi lesquels Châkir et d’autres. Dans le Maghreb el-Ak’ça n’avait pénétré aucun gouverneur Omeyyade autre qu’ c Ok’ba ben Nàfi c Fihri ; c’était le seul que les Maçmoûda eussent connu, et l’on dit que la plu- part de ces derniers opérèrent volontairement leur con- version entre ses mains. Ce fut Moûsa ben Noçayr qui pénétra après lui dans ce pays. En 92 (28 octobre 710), T’àrik envahit l’Espagne et la conquit avec une armée formée d’Arabes, de Berbères et des otages livrés par ces derniers, tant ceux que lui avait laissés Moûsa que ceux qui avaient auparavant été remis- à H’assân dans le Maghreb central. C’est en 85 (13 janvier 704) que T’ârik’ devint gouverneur de Tanger et du Maghreb el-Ak’ça, et c’est à cette date que la con- version des habitants de cette dernière région à l’Islam fut complète : on orienta dans la direction de la Mekke les temples élevés par les polythéistes et l’on installa des chaires dans les mosquées des communautés. Alors fut élevée la mosquée d’Aghmât HeylânaW. Quant à ce chef, son nom est T’ârik’ ben Ziyâd ben (1) On écrit aussi Aylàn ou Ilàn, voir Bekri et Edrisi; cf. H. des Berb., i, 174. Digitized by Google – 37 – e Abd Allah ben Oulghoû ben Ourfeddjoûm ben Neber- ghâsen ben Oulhàç ben It’oûmet ben Nefzâou ; il était Nefzi d’origineM. On dit qu’il figurait parmi les Berbères faits prisonniers. Il était affranchi de Moûsa ben Noçayr. En 93 (18 octobre 711), ce dernier, irrité contre T’ârik\ franchit la mer et se rendit en Espagne; il y suivit une autre route que son général et y remporta de nombreux succès que nous raconterons en faisant l’histoire de la conquête de l’Espagne, dans la seconde partie du pré- sent ouvrage. En la même année, f Abd Allah ben Moûsa remplaça son père comme gouverneur d’Ifrîk’iyya, à raison du départ de Moûsa, jusqu’au jour où celui-ci revint d’Es- pagne pour se rendre en Orient. Moûsa arriva à K’ayrawân à la fin de Tannée 95. En 95 (25 septembre 713), Moûsa quitta [P. 29] l’Espa- gne pour se rendre en Ifrik’iyya avec le butin dont Dieu l’avait gratifié : la flotte transporta à Tanger toutes les riches dépouilles que formaient l’or, l’argent et tes pier- reries, puis elles furent chargées sur des chariots. D’après [ïbn] er-Rak’ik’, cent quatorze véhicules furent employés à cet usage. La table [de Salomon], qui était faite d’or avec un peu d’argent et qui comptait trois cercles, l’un de rubis, l’autre d’émeraudes et le troisième de perles, fut un jour chargée sur un grand mulet, le plus agile el le plus vigoureux qu’on pût trouver, don»t les jambes cédèrent sous le poids même avant d’arriver à l’étape t-). Au dire d’EULeyth ben Sa c d, on n’avait (1) Sur les dires relatifs à l’origine de ce général, v. Fournel, i, 236. (2) Sur la table de Salomon, voir notamment Dozy, Recherches^ 3» éd., i, 52 ; Merràkechi, trad. fr. ; p. 10, Digitized by Google – 38 – jamais^ depuis la fondation de l’Islam, entendu parler d’un nombre de prisonniers aussi considérable: quand son fils Merwân revenu du Soûs se porta au-devant de son père, avec les principaux chefs, il ordonna à beux-ci dé donner à chacun des compagnons de son père un esclave nègre ou une négresse, et Moûsa ayant donné le même ordre à ceux qu’il commandait, chacun se trouva pourvu et d’un nègre et d’une négresse. On raconte encore que Moûsa en quittant l’Espagne y laissa comme gouverneur son fils c Abd el- c Azîz et que, rentré en Ifrîk’iyya, il parvint à K’ayrawân à la fin de 95 (comm. 25 sept. 713). Il ne pénétra cependant pas dans la ville et descendit au K’açr Elmâ, où il tint une audience à laquelle assistèrent les guerriers arabes de la ville, dont les uns l’avaient accompagné dans son expédition, tandis que les autres étaient restés en Ifrîk’iyya avec son fils c Abd Allah : « Aujourd’hui, leur dit-il, trois faits heureux se sont produits pour moi : j’ai d’abord reçu une lettre par laquelle le Prince des croyants me témoi- gne sa reconnaissance et m’accorde des louanges » (il énuméra ici les succès que Dieu avait réalisés par ses mains) ; « ensuite une lettre où mon fils c Abd el- c Azîz me décrit les victoires que Dieu lui a. fait remporter en Espa- gne » (ici il prononça les formules de louanges à Dieu, et les assistants se levèrent pour le féliciter)» ; quant à la troisième chose, continua-t-il, je vais vous la faire voir »; et, se levant, il fit tirer une tenture derrière laquelle se trouvaient diverses jeunes filles semblables à autant de pleines lunes montant à l’horizon et couvertes de bijoux et de parures. Comme on lui réitérait les félicitations, c Ali ben Rebâh’ Solami prit la parole : « Général, dit-il, c’est moi qui te donnerai le meilleur avis : rien n’arrive Digitized by Google – 39 — au sommet qui ne soit près de redescendre; modère-toi donc [P. 30] avant d’y être forcé! » Cette observation décontenança Moûsa, qui renvoya aussitôt ces jeunes filles. Il partit ensuite pour l’Orient, après avoir confié Plfrlk’iyya, l’Espagne et Tanger aux soins respectifs de ses fils c Abd Allah, c Abd el- c Aziz et c Abd el-Melik. D’après Ibn el-K’atTân, la plupart s’accordent à dire que T’ârik’, avant d’aller explorer l’Espagne, s’était établi à Tanger. Cependant, selon certains, il était ins- tallé sur l’emplacement de SidjilmâssaW, vu que Selà et le pays en-deçà, Fez, Tanger et Ceuta appartenaient aux chrétiens. Il ajoute qu’on n’est pas d’accord si Moûsa entra ou non à K’ayrawân dans ce voyage. Moûsa se mit donc en marche avec ses autres enfants, c’est-à-dire Merwân, c Abd el-A’la, etc. ; il était en outre accompagné des nobles K’oreychites, Ançâr et autres Arabes, de cent che # fs berbères, parmi lesquels les fils de Koseyla ben Lemzem, les Benoû Isder, MezdânaW, roi de Soûç, le prince de Mayorque et de Minorque, des fils de la Kâhina, de cent des princes espagnols chrétiens, et de vingt princes des villes conquises en Ifrik’iyya ; il emporta en outre des spécimens des produits de toutes les villes de ce pays. Il arriva ainsi à Miçr, où il n’y eut pas de savants ni de nobles à qui il ne fit des présents et des dons. D’Egypte, il se dirigea sur la Palestine, où il fut reçu par la famille de Rawh’ ben Zinbâ c , qui égorgea cinquante chameaux pour lui faire fête. Il en repartit en laissant une partie de ses femmes et ses plus jeunes (1) La fondation de cette ville date de 140, d’après Bekri, p. 328. Cf. Fournel, i, 233, n. 5, et 352. 12) Ailleurs on lit Merzàya. Digitized by Google – 40 – enfants auprès de ses hôtes, à qui il fit de riches présents. Mais alors il reçut une lettre du khalife El-Welid ben e Abd el-Melik, qui était malade et lui enjoignait d’arriver au plus vite pour le trouver encore en vie, tandis que d’autre part Soleymàn ben c Abd el-Melik, frère et héritier présomptif d’El-Welîd, lui écrivait de temporiser et d’attendre. Sans tenir compte de cette dernière lettre, Moûsa fit diligence, [P. 31] si bien qu’il arriva à la cour trois jours avant la mort du khalife El-Welîd. Aussi Soleymàn disait-il qu’il le ferait crucifier s’il l’avait en son pouvoir. Moûsa put donc remettre à El-Welîd les richesses qu’il apportait, laTable[deSalomon], les perles, les rubis, les diadèmes, ainsi que l’or et l’argent. Mas c oûdi, dans son livre intitulé ^Adjâ’ibel-bilâd wez- zemân (*), s’exprime ainsi : « A la suite de la conquête de Tolède, Târik’ pénétra dans le palais royal de cette ville, où il trouva les Psaumes de Davic^ transcrits sur des feuilles d’or à l’aide d’une solution de rubis et d’un travail si merveilleux que l’on n’avait en quelque sorte jamais rien vu de pareil. Là encore se trouvaient la Table de Salomon, précédemment décrite, vingt-quatre dia- dèmes rangés en ordre et correspondant au nombre des rois Goths d’Espagne, car il était d’usage que le diadème d’un roi mort fût déposé en cet endroit et que son successeur s’en fit faire un autre; enfin, une grande pièce remplie d’élixir alchimique (Ld~!==aJt j~~£=>\ pierre phi-
losophai). Tous ces objets furent remis à El-Welîd ben
c Abd el-Melik. »

(1) H. Kh., iv, 186, ne cite pas d’ouvrage de ce titre, mais seulement
un Lô jJ\ ^JjIsl* de Mohammed ben H’oseyn Mas’oûdi. L’auteur
des u^obJJl – jy s’appelle AboiYl-Hasan ‘Ali ben H’oseyn ben ‘Ali.

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– 41 –

En djomâda II 96 (février 715), le khalife El-Welid
mourut et eut pour successeur Soleymân. Celui-ci, qu’ani-
mait une vive colère contre Moûsa, le fit exposer au
soleil pendant une journée très chaude, jusqu’à ce que le
patient, homme corpulent et asthmatique, perdit con-
naissance. Soleymân alors lui dit : « Tu n’as voulu tenir
aucun compte de la lettre que je t’avais écrite ! Paie
maintenant cent mille dinars! — Prince des croyants,
répondit Moûsa, vous m’avez pris tout ce que je possé-
dais; d’où donc tirerais-je cent mille dinars? — Il t’en
faudra payer deux cent mille », reprit Soleymân ; et
comme Moûsa se défendait: « C’est trois cent mille,
continua le khalife, que tu auras à verser » ; et en même
temps il le fit mettre à la question, avec l’intention de le
faire mourir. Moûsa eut alors recours à l’intervention de
Yezid ben el-Mohalleb, qui avait du crédit auprès de
Soleymân et qui obtint du prince la grâce du prisonnier,
moyennant l’abandon par celui-ci de tout ce qu’il possé-
dait. On dit aussi, c’est la version d’Ibn H’abîb et d’au-
tres, que Moûsa racheta sa vie moyennant le paiement à
Soleymân d’un million de dinars. Plus tard, Yezîd ben
el-Mohalleb étant à causer un soir avec Moûsa lui dit :
« Aboû c Abd er-Rah’mân, quel groupe formez-vous, [P. 32]
toi et les tiens, clients et serviteurs ? Arrivez-vous à mille ?
— Oui certes, répondit Moûsa, et de plus mille et mille
autres encore. — Et pourquoi donc t’es- tu exposé à la
mort au lieu de rester au siège de ta puissance, à l’en-
droit où s’exerce ton pouvoir ? — Je le jure ! repartit
Moûsa, si je l’avais voulu on n’eût rien pu contre moi;
mais j’ai préféré le respect de mes devoirs envers Dieu,
et je n’ai pas cru que je dusse oublier que j’ai à obéir. »

On raconte qu’après s’être fait payer cette énorme

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_ 42 –

rançon, Soleymân ben c Abd el-Melik demanda un jour
une coupe d’or, et Moûsa, surprenant le regard qu’il lui
jetait, lui parla en ces termes : « Prince des croyants, il n’y
a pas là de quoi s’enorgueillir ! Cette coupe, je ne l’estime
certes pas dix mille dinars: or Dieu m’est témoin que
j’ai envoyé à ton frère El-Welid un vase à lampe en
émeraude verte dans lequel le lait qu’on y versait pre-
nait une teinte verte ; on a estimé qu’il valait cent mille
dinars. J’ai en outre trouvé telles et telles choses », dont
il se mit à faire une longue énumération, si bien que
Soleymân en resta stupéfait.

Moûsa ben Noçayr était né en 19 (1 er janvier 610) et
mourut en 98 (24 août 716), à l’âge de 79 ans. Il fut
nommé en 88 (11 décembre 708) gouverneur d’Ifrîk’iyya
et administra ce pays, de même que l’Espagne et le
Maghreb tout entier, jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pen*-
dant environ dix- huit ans M. On raconte entre autres
choses au sujet de sa mort, qu’il fit avec Soleymân
le pèlerinage et que, lors de leur arrivée à Médine,
Moûsa annonça que le surlendemain mourrait un homme
dont le nom avait rempli l’Orient et l’Occident.

Gouvernement de Moh’ammed ben Yezld en Ifrîk’iyya
et au Maghreb.

Voici ce que dit Wâk’idi: « Soleymân ben c Abd el-
Melik dit alors à Redjà’ ben H’aywa< 2 ) qu’il voulait un
homme d’un mérite intrinsèque pour en faire le gouver-

(1) Le texte porte i8 en chiffres; le texte du manuscrit porte sans
doute, mais en toutes lettres, huit,

(2) On peut voir sur ce personnage Ibn Koteyba, p. 239; Ibn el-
Athir, v, 27 et 129 ; Nodjoûm, p. 302.

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– 43 –

neur d’Ifrik’iyya. Redjâ’ approuva ce projet, et au bout
de quelques jours lui dit qu’il avait trouvé l’homme
demandé en la personne de Moh’ammed ben Yezîd,
client de K’oreych. Soleymân se le fît présenter et lui
tint ce langage: « Moh’ammed ben Yezîd, crains Dieu
[P. 33] seul, qui n’a pas d’associé ; cultive la vérité et la
justice dans le pays que je te confie, car je te nomme
gouverneur d’Ifrik’iyya et du Maghreb tout entier. »
Alors, continue le chroniqueur, Moh’ammed ben Yezîd
fit ses adieux au prince et se mit en route, en disant
qu’il serait sans excuse aux yeux de Dieu s’il ne prati-
quait pas la justice.

En 97 (4 sept. 715), Moh’ammed ben Yezîd se fixa en
Ifrîk’iyya et l’administra de la façon la plus régulière et
la plus juste. Il reçut ensuite l’ordre de s’emparer d’ c Abd
Allah ben Moûsa ben Noçayr pour le mettre à la question,
et de confisquer la fortune des fils de Moûsa. En consé-
quence il emprisonna e Abd Allah, le tortura et finit par le
mettre à mort. Or, l’ordre du khalife était de saisir toute la
famille, les enfants et les partisans de Moûsa, de ruiner
leur situation et de leur arracher par la torture trois cent
mille dinars. c Abd Allah ben Moûsa subit donc son supplice
sous la surveillance de Khâlid ben H’abib K’oreychiM;
pour c Abd el- c Aziz ben Moûsa, quand il apprit le traite-
ment infligé à son père, à son frère et à sa famille, il refusa
de reconnaître plus longtemps les Omeyyades et se pro-
clama indépendant. Mais alors le khalife Soleymân
adressa à H’abib ben Aboû f Obda( 2 ) et aux chefs arabes des

(1) Ce personnage est nommé ‘Obeyd Allah ben Khàlid ben Çàbi
dans le Nodjoûm, p. 261.

(2) Sur ce nom voir la note de ma traduction de Merrâkechi, p. 9.

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-.44 –

lettres leur prescrivant de le mettre à mort, ce qu’ils
firent : sa tête et celle de son frère e Abd Allah furent
déposées sous les yeux de leur père Moûsa pendant qu’il
était lui-même à la torture* 1 ). La conduite de Soleymân à
l’égard de Moûsa et de ses fils, après les conquêtes
qu’avait faites ce général, est une chose honteuse qu’on
n’a jamais cessé de reprocher à ce khalife.

Moh’ammed ben Yezîd confia l’administration de l’Es-
pagne à El-H’orr ben c Abd er-Rah’màn K’aysi, car ce
pays relevait alors du gouverneur de l’Ifrik’iyya, de même
que celui-ci relevait du gouverneur de l’Egypte.

Au cours de son administration, qui dura deux ans et
quelques mois, Moh’ammed ben Yezid envoya [plusieurs
fois] des partis de cavaliers vers les frontières d’Ifrîk’iyya,
et le produit de leurs courses était partagé entre eux.

Soleymân ben c Abd el-Melik étant mort en 99, fut rem-
placé le jour même par c Omar ben c Abd el- c Azîz, qui
nomma gouverneur de l’If rîk’iyya Ismà c il ben c Abd Allah
ben Aboû’l-Mohâdjir, client des Benoû Makhzoûm. Ce
fut en l’année 100 [P. 34] que s’installa en Ifrik’iyya cet
excellent général et administrateur. Grâce aux appels
zélés et sans cesse renouvelés qu’il adressa aux Berbères
pour amener la conversion de ces peuples, celle-ci
s’acheva entre ses mains sous le règne d’ c Omar ben c Abd
el- c Aziz. Ce fut lui qui apprit aux habitants de ce pays ce
qui est permis ou défendu, tâche dans laquelle il fut aidé
par dix hommes de mérite et de talent choisis parmi les
successeurs (tâbi’oûn), entre autres c Abd er-Rah’màn ben
Nâfi c et Sa c id ben Mas c oûd Todjibi, par qui f Omar le fit’
assister. Ce sont eux qui firent connaître en Ifrik’iyya la

(1) Cf. Fournel, i, 274.

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– 45 –

prohibition dont est frappé le vin, qui avait jusqu’alors
passé pour permis.

En 100 (2 août 718), Ismâ c il ben ( c Abd Allah ben) Aboû’l-
Mohàdjir nomma pour son lieutenant en Espagne Es-
Samh’ ben Mâlik Khawlâni, qui s’y rendit en ramad’ân.

Le 6 cha c bàn 101 (20 février 720), le khalife «Omar
mourut à Deyr Sam c ân^), après un règne de deux ans et
cinq mois. Il eut pour successeur Yezîd ben c Abd el-Melik,
qui nomma au gouvernement d’Ifrik’iyya Yezid ben Aboû
Moslim, client et commandant de la garde d’El-H’addjàdj
ben Yoûsof. Ce nouvel administrateur, qui arriva en
Ifrîk’iyya en 102 (11 juillet 720), était un homme injuste
et imprévoyant, dont la garde était formée de Berbères.
Montant un jour en chaire, il annonça ce qui suit : « J’ai
décidé que, à l’imitation de ce que font les rois chrétiens
pour leur garde, chacun des hommes composant la mienne
portera inscrit dans sa main droite son nom, et dans sa
gauche, le mot garde; ils seront ainsi distingués du rpste
de la population, et quand ils seront envoyés à quelqu’un,
l’exécution de mes ordres se fera plus promptement. »( 2 )
En entendant cette annonce, ses gardes se dirent qu’il vou-
lait les traiter comme des chrétiens et complotèrent sa
mort, de sorte que quand il sortit de sa demeure pour
aller dire a la mosquée la prière du coucher du soleil, ils
le massacrèrent à l’endroit où il priait.

Après délibération sur le choix d’un gouverneur en
attendant la décision du khalife, le peuple s’accorda pour
nommer El-Moghîra ben Aboû Borda, qui était un

(1) Cette localité est proche de Damas. Sur le lieu et la date de la
mort de ce khalife, comparez Ibn el-Athîr, v, 42 ; Merâcid, i, 432 ;
Nocljoûm, 274, etc.

(2) Comparez le récit du Nodjoûm, p. 272.

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– 46 –

homme vaillant et de bonne famille. Mais’Abd Allah, fils
de ce chef, lui fit observer que Yezîd ayant été tué en sa
présence, son acceptation le ferait soupçonner d’être
l’auteur du meurtre et qu’il était préférable de choisir
Moh’ammed ben Aws Ançâri, qui était alors engagé dans
une expédition contre la Sicile. Ce guerrier, en effet, ne
tarda pas à revenir, chargé des dépouilles qu’il avait
faites, et ce fut lui que l’on investit du pouvoir. Il écrivit
au khalife Yezid ce qui s’était passé, et le prince nomma
gouverneur Bichr ben Çafwân.

Gouvernement de Bichr ben Çafwân.

Bichr ben Çafwân ben Tawil ben Bichr ben H’anz’ala
ben c Alk*ama ben Cherâh’il ben c Azîz ben Khâlid devint
en 103 (30 juin 721) gouverneur d’Ifrik’iyya et acheva de
détruire ce qui restait de la famille de Moûsa ben Noçayr ;
après quoi il se rendit auprès du khalife Yezid, mais il ne
le trouva plus en vie. A ce prince, mort en rebî c I 105
(août-sept. 723), succéda Hichânvben c Abd el-Melik, qui
renvoya Bichr en Ifrik’iyya. Après son retour Bichr nom-
ma comme gouverneur d’Espagne c Anbasa benSoh’aym
Kelbi; puis il dirigea en personne contre la Sicile une
expédition où il fit de nombreux captifs et retourna à
K’ayrawân. Comme il était près de mourir, la jeune
esclave qui le soignait s’écria : « joie maligne des enne-
mis! — Mais, dit Bichr, ce que j’ai dit aux ennemis ne
mourra pas avec moi ! » Il désigna pour le remplacer El-
c Abbâs ben Bâd’i c a Kelbi.

En 107 (18 mai 725), Bichr ben Çafwân avait nommé
en Espagne Yah’ya ben Solama Kelbi, qui arriva dans
ce pays en chawwâl (février 726).

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– 47 – –

En cette année-là, il y eut une grande confusion parmi
les gouverneurs d’Egypte* 1 ).

Bichr ben Çafwàn nlourut à K’ayrawân en 109 (27 avril
727), après avoir administré l’Ifrîk’iyya sept ans. Le
successeur désigné par lui resta dans cette ville jusqu’à
l’arrivée du gouverneur nommé par le khalife.

[P. 36] Gouvernement cT’Obeyda ben ‘Abd er-Rah’mân Solami.

Fils du frère d’Aboû’l-A c war Solami, qui commandait
la cavalerie de Mo c âwiya à Çiffin, il arriva en Ifrîk’iyya
en rebî c 1 110 (juin-juillet 728). C’était un vendredi, et le
lieutenant de Bichr ben Çafwàn venait de s’habiller
pour se rendre à la prière, quand on lui annonça que
l’émir c Obeyda était entré inopinément à K’ayrawân :
« Il n’y a, répliqua-t-il, de force et de puissance qu’en
Dieu ! La dernière heure arrivera aussi inopinément I »
Et ses jambes incapables de le supporter le laissèrent
s’affaisser. Après son arrivée, c Obeyda s’empara des fonc-
tionnaires et des partisans de Bichr et les emprisonna;
il leur fit payer des amendes et en mit plusieurs à la
torture.

En 110 (15 avril 728), c Obeyda nomma gouverneur
d’Espagne c Othmàn ben Aboû Nis c a, qui se trouva à son
poste au mois de cha c bân (novembre).

Le 1 er moh’arrem 111 (4 avril 729) arriva en Espagne,
en qualité de gouverneur et envoyé par c Obeyda, H’od-
heyfa ben el-Ah’waç K’aysi, ou, selon d’autres, Aehdja’K 2 ).

(1) Ce que dit ici notre auteur se rapporte, d’après le Nodjoûm, à
l’année 109.

(2) Cf. Ibn el-Athîr, Annales, p. 93.

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– 48 –

En 112. (25 mars 730), c Obeyda nomma à ce poste
El-Haythem ben c Obeyd KenâniW, qui arriva dans le pays
en moh’arrem, et qui mourut en 114 après avoir gou-
verné l’Espagne pendant deux ans et quelques jours.

Parmi les fonctionnaires et compagnons de Bichr
qu , KhatTâr el-H’osâm ben D’irâr Kelbi, qui non seulement
était un des nobles de sa tribu, mais avait de l’éloquence
et du talent. Bichr ben Çafwân lui avait confié en
Ifrîk’iyya un gouvernement important, d’où c Obeyda le
déplaça, en outre d’un châtiment qu’il lui infligea. Il
composa alors ces vers :

[P. 37 ; T’awîl] Vous avez, fils de Merwân, livré notre sang
aux K’aysites ; mais si vous ne vous montrez pas justes, Dieu
rendra un jugement équitable ! On dirait que vous n’avez
pas assisté à la bataille.de Merdj Râh’it’ et que vous ignorez
à qui cette victoire est due. Vous affectez clairement de ne
pas nous voir, et nous savons bien qu’il y a longtemps que
vous agissez ainsi à notre égard (2).

Il fit réciter ces vers devant le khalife Hichâm ben
c Abd el-Melik, et le résultat en fut que ce prince enleva
le gouvernement de l’Ifrik’iyya et du Maghreb à c Obeyda,
qui, en se retirant en chawwâl 114 (nov.-déc. 732), y
laissa en qualité de lieutenant c Ok’ba ben K’odâma. Son
administration avait duré quatre ans et six mois, et il
emporta en Syrie des dons considérables (pour le kha-
life). Quant à son lieutenant, il resta à K’ayrawân pen-
dant six mois.

(1) On lit ailleurs Kilâbi, voir ibid, .

(2) Sur ces vers, leur auteur et les variantes qu’ils présentent, cf.
Ibn el-Athlr, Annales, pp. 72 et 73.

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– 49 –

Pendant Tannée 113 (14 mars 731), les divers fonction-
naires d’Ifrîk’iyya et d’Espagne restèrent les mêmes que
Tannée précédente. Le gouvernement de TEspagne fut
ensuite confié à c Abd er-Rah’mân ben c Abd Allah
Ghâfik’i, qui fit campagne contre les chrétiens et qui
trouva, ainsi que nombre des siens, le martyre au lieu
dit BalâT ech-chohadâ, en 115 (20 février 733) (D.

En cette année il régna une grande disette.

[P. 38] Gouvernement d”Obeyd Allah ben el-H’abh’âb en Ifrtk’iyya
et en Maghreb.

Ce client des Benoû Seloûl était un chef remarquable,
un officier distingué, éloquent et bon prédicateur, con-
naissant bien les journées, les combats et les poèmes
des anciens Arabes. Il arriva en Ifrîk’iyya en rebî c II 116
(mai-juin 734). C’est à lui qu’on doit la construction de
la grande mosquée et de l’arsenal de Tunis. Il avait
débuté comme scribe, et la fortune le mena au poste de •
gouverneur d’Egypte, d’Ifrîk’iyya, d’Espagne et du Ma-
ghreb entier. Il se fit remplacer en Egypte par son fils
El-K’àsim, confia TEspagne à c Ok’ba ben el-H’addjâdj
Seloûli et nomma à Tanger et dans la région voisine du
Maghreb moyen d’abord son fils Ismâ c il, puis c Omar ben
c Abd Allah Morâdi. Il envoya H’abib ben Aboû f Obda( 2 )
ben c Ok’ba ben Nâfi c Fihri en expédition contre le Soûs
extrême : ce chef parvint jusqu’au Soudan en vainquant

(1) Cette sèche mention se rapporte à la bataille de Poitiers qui fut
livrée en octobre 732; cf. Fournel, i, 280. Le Balàt ech-chohâdâ de
notre texte ne peut donc être le château-fort d’Espagne ainsi dénom-
mé (Merâcid, i, 168 ; iv, 365 ; Mochtarik, 63).

(2) On lit ailleurs ‘Obeyda.

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^50-

tous ceux qui tentèrent de lui réàîster et en pénétrant chez
toutes les tribus sans exception ; il fit un nombre consi-
dérable de captifs, entre autres deux jeunes filles qui
n’avaient chacune qu’un sein (*), puis il rentra sain et sauf
avec tous les honneurs de la guerre. Il fit ensuite une
expédition en Sicile, où il remporta des succès sans
pareils.

c Omar ben c Abd Allah Morâdi, gouverneur de Tanger
et des environs, éleva des prétentions injustes et exagé-
rées au sujet des aumônes légales et de la dime. Il pré-
tendit traiter les [biens des] Berbères en butin et les
soumettre au quint, ce qu’aucun gouverneur n’avait
encore fait, car le quint n’était exigé que des Berbères
non convertis^). Cette conduite blâmable provoqua le
soulèvement du pays et amena de nombreux combats où
périrent beaucoup de serviteurs de Dieu.

Les Berbères de Tanger et de la région, quand ils
surent que H’abib ben Aboû c Obda était engagé dans une
expédition contre les chrétiens, refusèrent d’obéir plus
longtemps [P. 39] à c Obeyd Allah ben el-H’abh’âb, et à la
suite des appels qu’ils adressèrent aux autres Berbères,
l’insurrection s’étendit à tout le Maghreb, y compris le
Maghreb el-Ak’ça. Ce fut la première révolte qui éclata
dans ce pays et en Ifrîk’iyya depuis la conquête musul-
mane ; on était alors en 122 (6 décembre 739). Meysera
Madghari se mit à la tête de l’insurrection contre c Omar
ben c Abd Allah Morâdi, qui gouvernait à Tanger, et le
mit à mort. Tous les Berbères embrassèrent le parti de

(1) Et qui provenaient d’un peuple nommé Taràdjàn (Bclàdhori,
232).

(2) Comparez Ibn el-Athir, Annales, p. 63.

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– 51 –

leur chef Meyserael-H’ak’ir, qui, laissant à Tanger e Abd
el-A c lâ ben H’odeydj, s’avança du côté du Soûs contre
Ismà’il ben c Obeyd Allah ben el-H’abh’âb et le tua égale-
ment. Il y eut alors entre les habitants du Maghreb el-
Ak’ça et ceux de l’Ifrîk’iyya de nombreuses rencontres,
trop longues à raconter. En effet, il y avait alors dans le
Maghreb une tribu nombreuse et puissante: celle des
Berghawâta, qui professait la doctrine khârédjiteW. Cette
révolte des Berbères et de Meysera eut pour cause les
abus dont se rendit c’oupable le gouverneur nommé par
Ibn el-H’abh’àb. En effet, les khalifes d’Orient recher-
chaient les nouveautés d’origine occidentale et se les
faisaient envoyer par les fonctionnaires gpuverneurs
d’IMk’iyya, qui leur adressaient par exemple les captives
berbères ( 2 ). Or Ibn el-H’abh’âb leur fit de nombreux pré-
sents et il y mit tous ses efforts, ou peut-être exigea-ton
davantage de lui, si bien qu’il se trouva amené à com-
mettre des excès dont le résultat fut te soulèvement géné-
ral de la population et le meurtre du gouverneur.

c Obeyd Allah ben el-H’abh’âb avait des enfants qui se
montraient orgueilleux. Or comme c Ok’ba ben el-H’ad-
djâdj alla le trouver et que le père d’ c Abou c Ok’ba avait
affranchi El-H’abh’âb, père d’ c Obeyd Allah, quand c Ok’ba
arriva auprès d c Obeyd Allah, celui-ci se leva devant lui,
lui rendit des marques d’honneur et le fit asseoir sur son
trône. Après qu’ c Ok’ba se fut retire, les enfants d’ c Obeyd
Allah blâmèrent la conduite de leur père, qui leur
demanda leur avis : « Tu avais, lui dirent-ils, à lui faire

(1) Sur les Kharedjites, voir la note 5 de 17/. des Berb., i, 203 ; et
Biunnow, Die Charidschiten.

(2) Comparez //. des Berb., i, 203.

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– 52 –

quelque cadeau et à l’éloigner, de manière à ne pas
ravaler notre rang. — Oui, dit-il, vous avez raison ». Le
lendemain il fit entrer la population dans sa demeure :
dans la foule figurait c Ok’ba, [P. 40] devant qui il se leva
et qu’il fit asseoir sur son trône, tandis que lui-même
restait debout: « Mes fils que voilà, fit-il, obéissant aux
suggestions de Satan et à l’orgueil du pouvoir, ont voulu
me faire faire une chose contraire au droit et ont blâmé
le respect que j’ai témoigné à cet homme. Sachez qu’il
est mon patron, car son père a rendu le mien à la liberté.
J’en prends Dieu à témoin, toute hypocrisie m’est
odieuse 1 » Puis il donna à c Ok’ba le droit de choisir le
gouvernement dont lui, c 0beyd Allah, pouvait disposer,
et c Ok’ba porta son choix sur l’Espagne (*). Cela se passait
en 116 (9 février 734), et ce gouverneur resta en Espagne
jusqu’en 121 (17 décembre 738), où il en fut chassé par la
révolte d’ c Abd el-Melik ben K’at’an Fihri. D’après une
autre version, ce fut lui qui choisit ce dernier pour le
remplacer.

Revenons à Meysera Madghari, chef des Çofrites et du
Maghreb. A la nouvelle de la mort de Morâdi et de celle
de son propre fils, c Obeyd Allah rappela de Sicile H’abîb
ben Aboû c Obda, pour l’envoyer avec les soldats d’Ifri-
k’iyya contre Meysera. Le commandement de l’armée des
chefs et des nobles de l’Ifrîk’iyya fut donné par ‘Obeyd
Allah à Khâlid ben Aboû H’abîb ( 2 ) Fihri, qui marcha
contre Meysera et qui était suivi de près par H’abîb ben
Aboû c Obda. Khâlid franchit le Chélif, rivière voisine de

(1) Cette anecdote est racontée avec plus de détails, d’après YAkh-
bar madjmoû’a, par Dozy, H. des mus. d’Esp., i, 230.

(2) Ailleurs, on lit Khâlid ben H’abib (Annales, p. 64).

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– 53 –

Tâhert, et Habib, qui arriva ensuite, campa près du gué
de cette rivière, mais sans s’en éloigner. Khâlid poussa
en avant jusque près de Tanger, où il rencontra Meysera
et lui livra une bataille où se déploya un acharnement
inouï. A la suite de cet engagement, Meysera se retira à
Tanger, mais les Berbères commencèrent à blâmer sa
mauvaise administration et sa déviation du but pour
lequel ils l’avaient choisi.

Meysera, dit [Ibn] er-Rak’ik\ avait pris le titre de
khalife et s’était fait reconnaître comme tel,* de sorte
qu’on le mit à mort et qu’on le remplaça par Khâlid ben
H’amid Zenâti. Khâlid ben Aboû H’abib livra bataille
aux Berbères, mais il fut attaqué par derrière par une
armée considérable que menait Khâlid ben H’amid, et
les Arabes durent fuir devant cette avalanche. Mais Ibn
Aboû H’abib ne voulut pas reculer : il se jeta avec les
siens au devant de la mort, [P. 41] si bien qu’ils périrent
jusqu’au dernier. Tous les héros, les preux et les cheva-
liers arabes périrent dans cette affaire, qu’on a appelée
la Bataille des nobles et qui eut pour conséquence une
insurrection générale.

Cette nouvelle détermina également la révolte de
l’Espagne contre son gouverneur, qui fut déposé et rem-
placé par c Abd el-Melik ben K’at’an. Les affaires d’Ibn
el-H’abh ab s’étant ainsi gâtées, la population le déposa
à son tour. Quand le khalife Hichàm ben c Abd el-Melik
fut informé de ces événements, il s’écria : « Je le jure, je
vais leur témoigner une colère d’Arabe ! je vais envoyer
contre eux une armée dont la tête sera chez eux quand
la queue en sera encore ici ». Ibn el-H’abh’âb, sur Tordre
qu’il reçut du khalife d’aller le rejoindre, partît en djo-
màda I 123 (avril 741).

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54

Gouvernement de Kolthoûm ben ‘Iyâd’ en Ifrîk’iyya ; sa rencontre
avec Khâlid ben H’amld Zenâti, émir de l’Ouest.

A la nouvelle de Tinsurection du Gharb et de l’Espa-
gne, Hichâm ben c Abd el-Melik envoya en Ifrîk’iyya
Kolthoûm ben c Iyâd’ à la tête de douze mille Syriens (*),
et ce général entra dans ce pays en ramad’ân 123 (juil.-
août 741), de concert avec les gouverneurs d’Egypte, de
Tripoli et de Bark’a, qui en avaient reçu Tordre du kha-
life. Sang” passer par K’ayrawân, il s’avança précédé
d’éclaireurs commandés par son cousin paternel < 2 ) Baldj
ben Bichr K’ochayri. Celui-ci donna Tordre aux indigè-
nes de tenir leurs portes ouvertes pour que les Syriens .
pussent voir leurs demeures, et leur tint beaucoup
d’autres propos qui les irritèrent et au courant desquels
ils mirent H’abîb ben Aboû c Obda. Celui-ci écrivit à Kol-
thoûm : « Ton insensé de cousin a tenu tels et tels pro-
pos ; tiens ton armée à Técart des (indigènes), sinon
nous dirigerons nos forces contre loi. » Kolthoûm lui
adressa des excuses et Tordre [P. 42] d’attendre sur le
Chelif qu’il Teût rejoint; puis laissant à K’ayrawân c Abd
er-Rah’mân ben c Okba Ghaffâri, il s’avança avec son
armée jusqu’au camp de H’abîb. Il traita dédaigneuse-
ment celui-ci, tandis que de son côté Baldj ben Bichr lui
disait injurieusement : « C’est donc celui-là qui veut
tourner ses forces contre nous ! » Cela lui attira cette
réplique d’ c Abd er-Rah’mân ben H’abîb, qui s’avança en
lui criant : « Sache, Baldj, que celui-là c’est H’abîb ;

(1) Ailleurs, et même ci-dessous, on lit trente mille (Ibn el-Koû-
tiyya, p. 231 ; Bayân, n, 30 ; H. des Mus. d’Esp., i, 244, etc.).

(2) D’autres disent son neveu.

— 55 –

et si tu le veux, tiens-lui donc tête !» On se mit à crier
aux armes, et tous les Africains et les Egyptiens se ran-
gèrent du même côté, mais on s’entremit pour ramener
le calme. Cette mésintelligence, jointe aux mauvaises
dispositions prises par Kolthoûm et Baldj, occasionna le
désastre qui suivit.

Kolthoûm continua sa marche jusqu’au Wàdi Seboû
avec une armée de 30.000 hommes, dont un tiers, dit’Ibn
el-K’at’t’ân, étaient Omeyyades et les deux autres tiers,
Arabes. Khâlid ben H’amid Zenâti, qui avait remplacé
Meysera dans son commandement, se mit de son côté en
marche. Kolthoûm fit faire à Baldj une marche de nuit
pour attaquer les Berbères, et ce chef tomba sur eux de
grand matin ; mais ils se battirent sans vêtements, bien
que porteurs de boucliers en cuir, le mirent en fuite et
arrivèrent jusqu’à Kolthoûm. Celui-ci, installé sur une
tour mouvante qu’il avait fait dresser, dominait la bataille
qui s’engagea. Les deux cavaleries donnèrent d’abord,
et la cavalerie arabe, au début victorieuse, fut ensuite
battue ; puis les fantassins en vinrent aux mains et enga-
gèrent une lutte acharnée ; cavaliers et fantassins berbè-
res pénétrèrent dans les rangs de l’armée de Kolthoûm,
et ce chef fut tué, de même que H’abîb ben Aboû c Obda,
Soleymàn ben Aboû’l-Mohâdjir et les autres chefs arabes.
Les Syriens s’enfuirent en Espagne, les Egyptiens et les
Africains en Ifrik’iyya M.

D’après Ibn el-K’atTân, Hichâm ben c Abd el-Melik,
lorsqu’il envoya Kolthoûm en qualité de gouverneur de

(1) Cette bataille, livrée à Nakdoûra (ce nom présente diverses
variantes) est décrite par Dozy, H- des Mus., i, 246; cf. Ibn el-Athir,
Annales, 66-

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– 56 –

l’Ifrîk’iyya et du Maghreb, lui recommanda de remplir
ses fonctions avec tout le zèle et l’ardeur désirables, car
les Omeyyades, avaient trouvé dans les livres de prédic-
tions^) que le pouvoir des révoltés ne dépasserait pas le
Zâb, c’est-à-dire, croyaient-ils, le Zàb d’Egypte ( 2 ), tandis
qu’il s’agissait du Zâb d’Ifrik’iyya, et c’est pourquoi ce
prince insistait pour que la défense en fût bien assurée. Il
établit de plus [P. 43] que s’il arrivait malheur à Kolthoûm,
ce chef serait remplacé par son neveu Baldj. Or dans l’un
des combats qui furent livrés aux Berbères, Kolthoûm
périt, et Baldj en conséquence prit sa place en Ifrik’iyya.
Les fuyards se réfugièrent à Ceuta, où ils furent étroi-
tement bloqués, de sorle que Baldj s’adressa à c Abd el-
Melik ben K’at’an, gouverneur d’Espagne, pour lui
demander de les faire passer, lui et les siens, en Espa –
gne. Mais c Abd el-Melik, peu confiant, ne se pressa pas
tout d’abord d’envoyer des vivres ni des vaisseaux ; il se
trouva ensuite, forcé de les introduire dans ce pays par
suite de circonstances que j’exposerai dans la seconde
partie, où elles seront à leur place en parlant de l’Espa-
gne; il imposa à ces Arabes syriens, qui étaient environ
dix mille, la condition, à laquelle ils souscrivirent, de
n’y- faire qu’un séjour d’un an. Mais quand ils y furent
installés, ils trouvèrent qu’il y faisait bon vivre et ils
refusèrent d’en sortir lorsqu’ c Abd el-Melik leur rappela
les termes de leur engagement ; ils tuèrent ce chef, et
Baldj resta onze mois gouverneur d’Espagne, ainsi que

(1) Le texte porte dirâyàt ; ou trouve riwâyàt dans Ibn el-Koû-
tiyya.

(2) Peut-être y a-t-il là une erreur, car ce nom, autant que je
siche, n’existe pas ; cf. Fournel, î, 313,

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– 57 —

nous le disons dans la seconde partie, où il est traité de
ce pays.

D après [Ibn] er-Rak’ik’, c Abd er-Rah’mân ben H’abib,
seul Africain qui échappa, passa en Espagne et dit à c Abd
el-Melik ben K’at’an : « Ces Syriens te demandent des
vaisseaux pour les amener ici ; mais s’ils viennent, nous
n’avons nulle confiance dans leurs sentiments à ton
égard. » Et, en effet, quand c Abd el-Melik leur eut fait
franchir la mer, ils l’attaquèrent, sous la conduite de
Baldj, au bout d un an de séjour, et le résultat de douze
rencontres, toutes défavorables à c Abd el-Melik, fut que
Baldj resta maître de l’Espagne.

En 124 (14 novembre 741), Baldj fut tué dans ce pays,
et ses compagnons le remplacèrent, selon les instruc-
tions du khalife Hichâm, par Tha c leba ben Selâma f Amili.
Celui-ci eut à combattre le restant des Berbères, qui se
soulevèrent à Mérida et dont il fit un grand massacre,
[P. 44] en outre de ceux, au nombre d’un millier, qu’il fit
prisonniers. A la suite de cette affaire, il regagna Cor-
doue. C’est sous son gouvernement, qui dura dix mois,
que les Berghawât’a commencèrent à lever la tête.

Des Berghawât’a et de leur apostasie (*).

Au dire d’Ibn el-K’at’t’àn et d’autres encore, Tarif est
un descendant de Chim’oûn, [petit] fils du prophète
Ish’âk’. Or les Çofrites, après s’être partagé rifrik’iyya,
aussi bien que les femmes et les richesses qu’elle renfer-

(1) Voyez Bekri, p. 301 ; Hist. des Berb,, h, 125 ; Istibçar, tr. fr.,
p. 157 ; ci-dessous, p. 234 du texte arabe ; Ibn Haukal, éd. de Goeje,
p. 56.

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– 58 –

mait, se tournèrent contre K’ayrawàn, sous la direction
d’un chef berbère que suivaient trois cent mille des
siens; mais les habitants de cette ville, au nombre de
douze mille guerriers, soutenus par la protection divine,
les mirent en déroute. La crainte d’être trop long m’em-
pêche de raconter ici ces faits en détail. Or Tarif, de qui
Tarifa (Djezîrat Tarif) tire son nom, était l’un des chefs
de cette nombreuse armée. A la suite de cette défaite,
de la dispersion qui en fut la suite et des pertes que ces
guerriers subirent, Tarif se rendit à Tâmesna, où habi-
taient des tribus berbères, dont la profonde ignorance
lui permit de se mettre en avant et de les rallier à sa
personne, de sorte qu’elles le reconnurent pour leur
prince. Il avait depuis quelque temps commencé à leur
donner des lois religieuses quand il mourut, laissant
quatre enfants. Çâlih’, l’un d’eux, fut reconnu par les
Berbères comme son successeur, et continua de leur
inculquer les croyances que son père Tarif avait com-
mencé à propager. Il avait avec son père participé à la
guerre de Meysera el-H’ak’ir et de Maghroûr ben Tà-
ioût, les deux chefs çof rites, et se mit à prétendre que le
Koran propre à ces peuples et dont ils faisaient leur
lecture, lui avait été révélé, ajoutant qu’il était le Çâlih
el-mou’minîn dont Dieu a parlé dans son Saint Livre
(Koran, s. lxvi, 4). Çâlih transmit à son fils Elyâs [P. 45]
ses pratiques religieuses, lui enseigna ses doctrines et sa
foi, en lui recommandant de n’en rien manifester jusqu’à
ce que son pouvoir se montrât au grand jour et que, la
notoriété de son nom étant établie, il pût mettre à mort
ses adversaires; il y ajouta la recommandation de se
ménager l’amitié du Prince des croyants régnant en Espa-
gne; puis il gagna l’Orient en promettant de reparaître

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– 59 –

sous le règne du septième prince de leur race. Il préten-
dait être le Mahdi qui doit apparaître à la fin des temps
pour combattre Y Antéchrist et disait que c Isa (Jésus)
serait alors parmi les siens et prierait à sa suite, en
rapportant à ce propos des discours qui provenaient,
disait-il, de Moïse.

Après qu’il fut parti pour l’Orient, son fils Elyâs,*dont
le règne dura cinquante ans, cacha ses doctrines jusqu’à
l’année 173 (30 mai 789). De tout ce que nous venons de
dire de Çâlih’ et de son fils, il résulte que les débuts de
cette affaire remontent à 124 ou environ (741 ou 742),
puisque Ton compte cinquante ans de là jusqu’à Tan 173
(30 mai 789).

Gouvernement de H’anz’ala ben Çafwân en Ifrlk’iyya et dans tout
le Maghreb.

Le massacre de Kolthoûm ben c Iyâd’ et de ses compa-
gnons” fut cause que le khalife Hichâm ben c Abd el-Melik
envoya en Ifrik’iyya H’anz’ala ben Çafwân Kelbi, qui était
alors gouverneur d’Egypte, où il avait été nommé en 119 ;
il arriva en rebi c II (février-mars 742), dans son nouveau
gouvernement. Sur la demande que lui adressèrent les
Espagnols, H’anz’ala leur envoya en qualité de gouver-
neur Aboû’l-KhatTâr H’osâm ben D’irâr Kelbi, qui s’em-
barqua à Tunis pour rejoindre son poste et y arriva en
redjeb (mai 742). Je parlerai de lui en traitant de l’Es-
pagne.

H’anz’ala n’était que depuis peu installé à K’ayrawân
quand l’hérétique Çofrite c Okkâcha marcha contre lui à la
tête de [P. 46] forces berbères considérables, et c Abd el-
Wâh’id ben Yezid Hawwâri en fit autant avec des troupes

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– 60 –

non moins nombreuses. Ces deux chefs s’étaient séparés
au sortir du Zâb/Okkâcha ayant prisla route de Meddjâna
vers K’ayrawân, et c Abd el-Wàh’id, dont l’avant-garde
avait pour chef Aboû K’orrâ Meghili, celle des montagnes.
H’anz’ala jugea prudent d’attaquer le premier avant qu’il
eût fait sa jonction avec les deux autres chefs; il marcha
contre lui avec une troupe formée par les habitants de
K’ayrawân et lui livra à El-K’arn un combat acharné d’où
il sortit vainqueur après avoir tué d’innombrables Ber-
bères. On dit que le chef arabe, lorsqu’il vit qu’il avait
affaire à une si forte armée, annonça aux siens l’intention
de demander du secours au khalife, mais qu’un jeune
homme lui dit qu’il fallait attaquer l’ennemi et prendre
Dieu pour juge ; qu’alors H’anz’ala se décida à une cam-
pagne qui aboutit, après bien des incidents, à la défaite
d v Okkâcha.

Voici le récit que fait c Abd Allah ben Abou H’assân :
H’anz’ala tira des dépôts toutes les armes qui sy # trou-
vaient et réunit de l’argent, puis fit annoncer que le
registre d’enrôlement était ouvert. Le premier individu
qui se présenta fut un homme de Yah’çob, qui, répondant
à la demande qui lui était adressée, déclara se nommer
Naçr ben Yan c am. H’anz’ala souriant et comme prêt à le
taxer de mensonge, lui dit : «Au nom de Dieu, dis donc
la vérité ! — Je le jure, répondit l’homme, tel est bien
mon nom. » Le général en tira un augure favorable; il y
vit aide divine (naçr) et victoire. Après avoir payé la
solde à ses troupes, il marcha à la rencontre desÇofrites,
autrement dit des Kharédjites. Il serait long de raconter
les combats acharnés qui furent livrés, les provocations
que s’adressèrent les braves des deux partis, le nombre
des guerriers qui mordirent la poussière dans toutes ces

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^61 –

circonstances où l’on n’entendait que le choc du fer contre
le fer, le heurt des mains s’enlaçant. Une charge fut
d’abord dirigée contre l’aile gauche des Arabes, puis
l’aile gauche et le centre des Berbères furent enfoncés,
et alors l’aile gauche des Arabes se précipitant sur l’aile
droite des ennemis, ceux-ci furent mis en déroute. La
tête d’ c Abd el-Wâh’id fut apportée à H’anz’ala, de même
qu’on lui amena c Okkàcha, qui avait été fait prisonnier et
qu’il fit mettre à mort. Puis il se prosterna et offrit ses
hommages au Créateur. On dit que jamais on ne vit au
monde un pareil massacre. [P. 47] H’anz’ala voulut faire
compter les morls, mais on n’y put parvenir ; il fit alors
jeter un jonc sur chaque cadavre, puis on ramassa ces
joncs, dont le total s’élevait à 180.000. CesÇofrites regar-
daient comme licites (l’usage de toutes) les femmes et
l’effusion du sang.

L’avis de cette victoire fut transmis par H’anz’ala au
khalife Hichâm ben c Abd el-Melik, qui en manifesta une
joie très vive. El-Leythben Sa c d disait : «Après la bataille
de Bedr, c’est à celles d’El-K’arn et d’El-Açnâm M que
j’aimerais le mieux d’avoir assisté. »

En 125 (3 novembre 742), le khalife Hichâm mourut
d’une angine. Les gouverneurs des provinces étaient les
mêmes que l’année précédente, entre autres H’afçben el-
Welid en Egypte, H’anz’ala ben Çafwàn en Ifrik’iyya et
Aboû’l-Khat’t’âr en Espagne. Le jour même de la mort
de Hichâm, mercredi 6 rebi c II, El-Welid ben Yezid monta
sur le trône. Celui-ci fut tué le jeudi 27 djomàda II 126
(16 avril 744) par Yezid ben el-Welid, surnommé le

(1) Ibn el-Athir ne donne à cette bataille que le nom d’El-Açnâm
{Annales, 68 et 69 -, cl, H. des Berb., i, 364).

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– 62 –

révolté (hâk’icï), qui prit sa place. Il fut reconnu à Damas
et il ne se passa cette année-là rien en Ifrik’iyya ; il mourut
en dhoû’l-h’iddja de cette année, après avoir désigné
comme son successeur son fils Ibrahim ben Yezid. Celui-
ci, au bout d’un mois et demi environ, abdiqua en faveur
de Merwàn Dja c di,qui fit, dit-on, exhumer et crucifier le
cadavre de Yezîd ben el-Welid.

Tentative d”Abd er-Rah’màn ben H’ablb Fihri en Ifrik’iyya.

Ce personnage s’était réfugié en Espagne [P. 48] lors-
qu’il prit la fuite à la suite de la bataille où tombèrent son
père H’abib ben Aboû c Obda ben c Ok’ba ben Nâfi c et
Kolthoûm ben c Iyàd’, et il ne cessa de tenter de s’en
emparer. Mais il notait pas arrivé à atteindre son but
quand l’envoi d’AboiVl-Khat’t ar par H’anz’ala lui inspira
des craintes pour sa vie, de sorte qu’il s’embarqua furti-
vement et vint débarquer à Tunis en djomâda I 127
(février 745) (*). Là il adressa à la population un appel
qui fut entendu, et H’anz’ala eut tout d’abord l’intention
de marcher contre lui pour le combattre; mais son esprit
timoré et religieux répugnant à l’idée de faire la guerre
à des musulmans, il lui envoya quelques personnages
africains pour l’inviter à rentrer dans l’obéissance. Or le
rebelle les enchaîna et les emmena avec lui versK’ayra-

(1) En djomàda I 126, d’après Ibn el-Athir, Annales, p. 74. Noweyrr
place aussi le débarquement d’ ‘A bel er-Rahmàn en djomâda I 127 et
le départ de H’anz’ala, en djomâda 11 127 (H. des Berb., i, 364), ce
qui est le plus vraisemblable. La date de 129 qu’on trouve quatorze
lignes plus bas, est probablement une erreur ou de l’auteur ou de
l’éditeur (voir suprà, p. 42, n. 1 ; Fournel, i, 323, n. 7 et 325, u. 1).
On sait d’ailleurs combien les chroniqueurs sont peu d’accord pour
les dates do cette période,

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– 63 –

wân, en annonçant que si quelqu’un des partisans de ces
chefs et notables lui lançait seulement une pierre, il exé-
cuterait ceux qu’il détenait comme otages. Ce que voyant,
H’anz’ala, après avoir convoqué le kàdi et ses témoins
instrumentaires, fît ouvrir le trésor, où il ne prit que mille
dinars, en disant qu’il n’en voulait tirer que la somme
suffisante pour son voyage; puis il quitta l’ifrîk’iyya en
djomàda 1 129 (fév.-mars 747). c Abd er-Rah’màn pénétra
alors à K’ayrawàn et fit proclamer par son héraut la
défense de sortir avec H’anz’ala et de raccompagner, de
sorte que la population, rendue craintive par cette
menace, abandonna H’anz’ala. Celui-ci, dont les prières
étaient exaucées du ciel, lança sa» malédiction contre
l’ifrîk’iyya, qui fut ravagée par la peste et l’épidémie
pendant sept ans consécutifs, sauf deux interruptions,
l’une pendant l’hiver et l’autre pendant l’été.

Au dire d’un chroniqueur, Merwàn ben Moh’ammed
Dja c di conféra le gouvernement de l’Ifrik’iyya à c Abd er-
Rah’màn ben H’abib lorsque ce chef fut devenu maitre
de cette province.

Quand e Abd er-Rah’mân détint le pouvoir, un groupe
d’Arabes et de Berbères se révolta contre lui ; puis ce fut
c Orwa ben el-Welid ÇadafK 1 ) qui s’empara de Tunis ; les
Arabes du littoral ; Ibn e At’t’âf Azdi < 2 ) ; [P. 49] les Berbères des montagnes; enfin Thàbit ÇanhâdjU 3 ) s’empara de Bâdja. Contre ce dernier s’avança Elyâs ben H’abîb, frère d’ e Abd er-Rah’mân, à la tète de 600 cavaliers, mais en feignant, par suite d’une ruse arrêtée entre les deux (1) ‘Orwaben ez-Zobcyr, d’après Noweyri. (2) Aboû ‘Attàf ‘lmràn ben ‘Attâf (Ibn el-Athîr). (3) Thàbit ben Ouzidoûn, d’après Ibn Khaldoun {Berb., i, 218). Digitized by Google – 64 – frères, de ne pas se diriger contre lui, et il ne se mit en marche que quand les rapports des espions lui eurent appris qu’il était sans méfiance et ne se tenait pas sur ses gardes. Ibn c At’t’âf et les siens furent à leur tour massacrés. c Abd er-Rah’màn déploya un véritable zèle à envoyer les Berbères à la mort» et il mit les populations à l’épreuve en les transformant en exécuteurs : les Ber- bères qu’on lui amenait prisonniers étaient remis par lui à ceux qu’il soupçonnait de croire que verser leur sang était interdit, et c’étaient eux qui devaient les mettre à mort. L’Ifrik’iyya fut alors le théâtre de combats et d’événements trop long à raconter. A la suite d’une lettre accompagnée de présents et adressée par e Abd er-Rah’màn à Merwân ben Moh’am- med, celui-ci envoya à ce guerrier l’ordre de se rendre à la Cour. Mais l’affaiblissement du pouvoir omeyyade en Orient et la guerre contre les Abbassides qui occu- pait Merwân, permirent à c Abd er-Rah’mân de rester à K’ayrawân jusqu’en 135. Laissant alors dans cette ville son fils H’abib, il fit une expédition contre Tlemcen et ne rentra qu’après avoir vaincu plusieurs peuplades ber- bères. Il attaqua alors la Sicile, puis envoya contre la Sardaigne des troupes qui y firent un terrible massacre et concédèrent la paix moyennant paiement du tribut. Une expédition envoyée contre la France en ramena également des prisonniers. Le Maghreb tout entier fut dompté, et les tribus durent humblement courber la tête, sans que jamais ses troupes subissent d’échec ni que son étendard fût refoulé, de sorte que la terreur de son nom pénétra les âmes de tous les Maghrébins. A la suite de la mort violente de Merwân ben Moh’am- med en Orient et de la chute de la dynastie omeyyade, Digitized by Google – 65 – c Abd er-Rah’màn continua de rester gouverneur de l’Ifrîk’iyya et du Maghreb. Plusieurs Omeyyades, par crainte des Abbassides, s’enfuirent dans ce pays en emmenant des femmes de leur famille, et il se conclut des mariages entre elles et c Abd er-Rah’màn et ses frères. Parmi eux figuraient deux fils d’El-Welîd ben Yezid W, et leur cousine devint la femme d’Elyâs ben H’abib. Ces deux princes avaient été installés dans une demeure par e Abd er-Rah’màn, qui, une certaine nuit, vint les obser- ver d’un endroit où il n’était pas vu. Ils étaient à boire du vin de dattes que leur versait leur affranchi, quand l’un d’eux se mit à dire : « c Abd er-Rah’màn pense-t-il donc [P. 50] rester émir de ce pays, alors que nous, fils du khalife, nous sommes ici ? » Le gouverneur alors se retira, puis il les fit venir auprès de lui et leur fit bon visage; mais quand on leur apprit que leur conversation avait été surprise, ils s’enfuirent montés sur deux cha- meaux. Des cavaliers lancés à leur poursuite les attei- gnirent, et l’émir leur fît trancher le cou. Leur cousine dit alors à son mari Elyâs : .« Il a exécuté mes parents, ,tes alliés (2), à toi qui commandes ses armées et qui lui sers d’épée ; c’est son fils H’abib qu’il a désigné pour lui succéder ; voilà comment il te témoigne son mépris ! » Ces excitations toujours renouvelées firent qu’Elyâs et son frère c Abd el-Wàrith s’entendirent pour tuer c Abd er-Rah’màn, de concert avec plusieurs habitants de K’ayrawân, ainsi qu’il sera raconté. Nous avons dit que c’est en 127 (12 oct. 744), qu’ f Abd (1) On retrouve leurs noms dans Ibn el-Athir, Annales, p. 77. (2) C’est par une erreur de traduction qu’on lit tes frères dans Fouruel, Les Berbers, i, 329. 5 Digitized by Google ~ M – er-Rah’mân ben H’abib entra en Ifrik’iyya et y reven- diqua l’autorité. C’est aussi en cette année qu’eut lieu la tentative et la reconnaissance de Thawâba ben Selàma en Espagne : en 125 il avait chassé Aboû’l-Khat’t’âr. Son autorité fut pleinement reconnue en cette année (127 ?), mais elle n’était que le produit d’une usurpation violente et ne lui avait été déléguée ni par les Omeyyades ni par les Abbassides. Eç-Çomayl, qui était auprès de lui, exer- çait le véritable pouvoir, mais Thawâba avait le titre d’émir. Ce dernier mourut en cha c bân 128 (mai 745), après un règne d’un an environ, comme je le dirai dans l’histoire d’Espagne, et ce pays resta quatre mois sans émir. La population choisit alors Eç-Çomayl ben H’âtim, qui, d’accord avec elle, reconnut l’autorité de Yoûsoi ben c Abd er-Rah’mân Fihri. Ce fut en 129 (21 septembre 746) que celui-ci fut appelé à gouverner l’Espagne, ce qu’il fit pendant une période de dix ans. Il est possible que pas une de ces années ne se soit passée sans qu’il ait fait campagne, puisqu’on dit qu’il fit la guerre sainte sans interruption. Il sera parlé de lui dans l’histoire de l’Espagne. En cette même année, il se livra en Espagne des com- bats; divers événements y eurent lieu et la disette y sévit. On dit que c’est en çafar 129 (octobre-novembre 746) que commença le gouvernement de Yoûsof, et qu’ c Abd er-Rah’mân ben H’abîb, gouverneur de K’ayrawân, à qui on l’écrivit, [P. 51] lui envoya l’investiture. En 130 (10 septembre 747) eut lieu la prise de Merv par Aboû Moslim, qui sema la division parmi les Ara- bes, choisit les Yéménites pour aider à sa victoire et ni abandonna les Mod’arites, tout cela non sans combats -i – 67 – luttes (*>. De son côté c Abd er-Rah’mân ben H’abib avait,
en Ifrik’iyya,à livrer de nombreux combats aux Berbères.

En 131 (30 août 748) Aboû Moslim se rendit maître du
Khoràsân. Il n’y eut pas de changement dans les gouver-
neurs d’Egypte, d’Ifrik’iyya et d’Espagne. Cette année là
c Abd er-Rah’mân ben H’abîb entoura la ville de Tripoli
de murailles, et la population s’y rendit de toutes parts.

En 132 (19 août 749) se place la bataille où les Omey-
yades et Ibn Hobeyra furent battus ( 2 ), et à la suite de la-
quelle Koûfa tomba entre les mains des Abbassides ; puis
le pouvoir de cette dynastie s’étendit graduellement par
des conquêtes en Orient, suite de sa révolte contre les
Omeyyades. La mort violente de Mervvân ben Moh’am-
med Dja c di, qui arriva en cette année, marqua la fin du
pouvoir de cette famille, après quatre-vingt-onze ans
neuf mois et cinq jours partagés entre quatorze princes,
et dans lesquels Ibn Zobeyr figure pour neuf ans et vingt-
deux jours. Les membres de cette famille s’enfuirent
alors de côté et d’autre pour échapper à la mort. c Abd
er-Rah’mân ben Mo’àwiya se réfugia en Espagne où il
arriva au trône, et sa descendance y recommença à
régner jusqu’à 424 (6 déc. 1032) après une interruption
[à partir de 132J d’environ six ans, puisqu’ c Abd er-Rah’-
mân fut reconnu en 137 (26 juin 754). S’il est exact que
c Abd er-Rah’mân ben H’abîb, gouverneur omeyyade
de K’ayrawân et d’Ifrik’iyya, ait donné l’investiture à
Yoûsof ben c Abd er-Rah’mân, qui s’était rendu maître

(1) Sur ces événements on peut se reporter à Weil, Gesch. cl. Cha-
lifen, i, 696.

(2) Cette défaite de Yezîd ben ‘Omar ben Hobeyra eut lieu le 10
monarrem près de Kerbela (ibid., p. 699 ; Ibn el-Athir, texte, v, 309).

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– 68 –

de l’Espagne et y gouvernait lors de l’arrivée d’ e Abd er-
Rah’mân l’Omeyyade, le pouvoir de cette dynastie n’au-
rait pas subi d’interruption en Espagne. C’est là un lait
à observer et qui, s’il est exact, constitue une chose
extraordinaire et digne de remarque.

Ibn H’azni s’exprime ainsi : « Alors finirent les Omey-
yad.es, qui, malgré [P. 52] les hommes distingués qui
figurèrent parmi eux, formèrent une dynastie qui ne
fonda ni grande ville ni forteresse ; chacun d’eux conti-
nua, après être devenu khalife, d’habiter l’hôtel ou la
propriété où il résidait auparavant ; ils n’exigèrent pas
des fidèles l’emploi d’épithètes serviles et destinées à
faire ressortir leur propre autorité, ni le baisement de
la terre ou de leurs pieds. Ils s’occupaient seulement de
nommer ou de déplacer les gouverneurs des pays les
plus éloignés relevant d eux : Espagne, Chine, Sind,
Khorâsàn, Arménie, Yémen, Syrie, c Irâk, Egypte, Ma-
ghreb et autres régions W.

Ce fut en cette année que le pouvoir passa aux Abbas-
sides. Ibn H’azrn donne de leur gouvernement cette note
d’ensemble : « Sous cette dynastie étrangère, les bureaux
cessèrent d’être arabes : ce furent les étrangers du Kho-
râsàn qui devinrent le» maîtres, et Ton vit renaître l’in-
juste administration des Kosroès, avec cette seule
différence que Tordre ne fut pas donné d’injurier les
Compagnons. La discorde s’éleva chez les musulmans,
et dans l’intérieur de l’empire on vit les Kharédjites, les
Chi c ites et les Mo c tazelites remporter des succès ; Idris
et Soleymân, tous les deux fils d’ c Abd Allah ben el-H’asan
ben el-Hasan ben c Ali ben Aboû T’âleb, s’insurgèrent

(1) Comparez Bayân, n, p. 40 du texte.

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dans le Maghreb el-Ak’ça et s’en rendirent maîtres; des
Omeyyades s’emparèrent de l’Espagne, et ainsi de suite
pour beaucoup d’autres, tandis qu’à la faveur de ces
troubles les infidèles s’emparaient de ta majeure partie
de l’Espagne et du Sind » (*).

En 132(19 août 749), quatre chefs différents faisaient des
nominations de gouverneurs et de fonctionnaires : Mer-
wàn ben Moh’ammed, Aboû Selama el-KhallâM 2 ), Aboû
Mostim et. Aboû’l- c Abbâs es-Seffâh’. Merwân enleva à
El-Welîd ben c Orwa le gouvernement de Médine pour
en investir son frère c Isa ( 3 ). Aboû Selama nomma gou-
verneur de Koûfa Moh’ammed ben Khâlid, qui resta en
fonctions jusqu’au moment où le pouvoir d’Aboû’l- c Abbâs
es-Seffâh’ fut définitivement établi. Aboû Moslim, qui
était le plus puissant et dont les ordres ne rencontraient
pas d’opposition, mit Moh’ammed ben el-Ach c ath à la
tête du Fars et lui donna l’ordre de prendre et de déca-
piter les chefs nommés par Aboû Selama, ce qui fut fait.
[P. 53] Après cela, Aboû’I- e Abbâs nomma Ismâ c il ben e Ali
gouverneur du Fars, et son frère Aboû Dja c far gouver-
neur d’El-Djezira, d’Arménie et d’Adherbeydjân ; il en-
voya son frère Yah’ya ben Moh’ammed ben c Ali*à Mossoul
pour administrer les autres provinces orientales, et en
Egypte Aboû e Awn e Abd el-Melik (*) ben Yezid, et l’Ifri-
k’iyya fut confiée à c Abd er-Rah’mân ben H’abib à cause

(1) Comparez Bayân, n, p. 41.

(2) lbn Khallikan (i, 467) consacre un article à ce personnage, dont
le nom est orthographié Aboù Salama H’afç. ben Soleymàn el-Khallàl.
L’éditeur d’Ibn el-Athir (t. v, pass.) orthographie Salima. LeKanioûs
ne cite pas ce nom et partant ne nous apprend rien sur la manière
de l’orthographier. Ibn Koteyba ne le cite pas davantage. 11 porta le
premier le nom de vizir.

(3) Appelé Yoùsof ben ‘Orwa par Ibn el-Athir (v. 311).

(4) Ou ‘Abd Allah (îXodjoiïm, i, 361).

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– 70 –

de l’adhésion adressée par lui à AboûVAbbàs sitôt qu’il,
avait appris l’intronisation de ce dernier.

En 133 (8 août 750), Aboû’l – r Abbâs nomma son oncle
Soleymân ben r Ali gouverneur de Baçra, du territoire de
cette ville, du Bah’reyn, etc. ; son oncle Ismâ c il, gouver-
neur de l’Ahwàz ; son oncle Dâwoûd, gouverneur de
Médine; il laissa dans les autres provinces d’Orient, en
Ifrik’iyya et en Espagne les mômes gouverneurs que
précédemment.

En 134 (29 juillet 751), Aboû’l- c Abbâs fit marcher
Moûsa ben Ka e b à la tête de 12,000 hommes contre Man-
çoûr ben Djemhoûr, qui s’était soulevé contre les Abbas-
sides, Moûsa l’atteignit dans le Hind et dispersa les
révoltés. Mançoûr dut s’enfuir et périt de soif dans les
sables W.

Cette même année vit encore des déplacements et des
nominations de gouverneurs en Orient ; mais Aboû c Awn
continua de rester en Egypte, c Abd er-Rah’mân ben
H’abib en Ifrîk’iyya et Yoûsof Fihri en Espagne.

En 135 (17 juillet 752), eut lieu l’expédition d’ c Abd er-
Rah’mân ben H’abib contre la Sicile, d’où ce chef ramena
des captifs et du butin ; il attaqua également la Sardai-
gne, aux habitants de laquelle il concéda la paix moyen-
nant paiement du tribut ( 2 ). Il marcha aussi contre les
Berbères du côté de Tlemcen, capitale du Maghreb
central et siège du pouvoir des Zenâta. Au dire d’El-
Bekri, les Benoû Yaghmoràsen sont une tribu Hawwâ-
ride qui compte soixante mille âmes ; Tlemcen, depuis

(1) Cf. Weil, Gesch. ci. Chai., n, 14 ; Ibn el-Athir, v, 347, etc.

(2) Il semble bien qu’il n’y ait là qu’une répétition des faits signalés
p. 64, ainsi que Ta fait remarquer A mari, Biblioteca, n, 4. Cf. Ibn el-
Athir, Annales, 77.

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– 71 –

longtemps siège de l’empire zénatien, point central des
tribus de cette race et d’autres encore, est aussi un lieu
de rendez-vous pour les marchands. Moh’ammed ben
Soleymân, descendant d ,f Ali ben Aboû Tâleb, s’y fixa,
et son petit-fils Aboû’l- c Aych Isa ben Idris [P. 54] fonda
la ville de Djerâwa W.

Quant aux Zenâta, Aboû’l-Medjd Meghili, c Ali ben
ïTazm et d’autres encore les disent issus de Djâna ben
Yah’ya ben Çoûlàt ben Ourtâdj ben D’ari ben Sefkoû ben
K’aydewâd ben Ka c belà ben Mâdghis ben Hadak ben
Hersait’ ben Kedâd ben Mâzigh* 2 ). On dit aussi que D’ari
est le fils de Zedjîdj ben Klàdghisben irmoûled ben Ber-
noûs. Bernoûs fut le père de Kotâma, de Maçmoûda^
d’Ouriba, d’Ouzdâdja et d’Oûrik’a. Ce dernier devint père
de Hawwâra, et parmi les tribus qui portent le nom de
celui-ci, figurent les Benoû Keslân et les Meliia. Yah’ya
devint père de Djedâna, de Semdjân et d’Ourset’if. Dje-
dàna devint père d’Oursîdj, qui eut pour fils Merin, lequel
engendra Nedja et Nemâla. Ourset’if eut pour fils Er-
koûna et Miknàsa. D’ari engendra Ternzit, dont les
enfants furent Mat’mât’a, Madghara, Çadina, Meghîla,
Melzoûza et Medyoùna. Zedjidj engendra Lâvvi, l’ancien,
qui devint père de Làwi, le jeune, de Maghrâwa, d’Ifren,
de Nefza et d’It’awwoufet. Lâwi le jeune engendra
Ket’oûf et Ounit’at’; celui-ci devint père de Seddârata
(sic), et les Seddârata étaient frères utérins des Benoû
Maghrâwa. Ces derniers, ainsi que les Benoû Ifren,

(1) Voir Bekri, p. 178-180; snr Djerâwa ou Djoràwa, cf. plus loin;
Edrisi, Descr. de l’Afrique et de l’Espagne, pp. 91 et 205, ainsi que
le Merâcid et le Moschtarik.

(2) Ces noms sont reproduits d’après l’orthographe de notre texte ;
cf. Berbères, m, 180, et Edrisi, p. 101.

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– 72 –

comptaient parmi les branches les plus importantes des
Zenâta.

Rodjâr dit dans son livre* 1 ) que les Benoû Merin habi-
taient par delà Tlemcen, qu’ils sont Zenâtiens et descen-
dent de Djânâ ben Yah’ya ben D’aris ben Lawà ben
Nefzàou ben Lawâ ben Iter (Itber?) ben K’ays Ghaylân
ben Elyâs ben Mod’ar < 2 ). Les Benoû Merîn sont, dit-il,
des Arabes de race pure.

Ce fut en 136 (6 juillet 753) qu’Aboû*l- c Abbâs Seffâh’
commença ses manœuvres perfides contre Aboû Môslim,
qui les déjoua et mit à mort ceux qui servaient d’instru-
ments au prince, mais cela serait long à raconter W.
D’autres prétendent que cela commença en 135, année où
Aboû Moslim se rendit [P. 55] auprès d’Aboû’MAbbâs pour
lui demander la permission d’accomplir le pèlerinage.
Le khalife songeait déjà à le tuer, mais il renonça à son
projet, et Aboû Moslim fit le pèlerinage avec Aboû Dja’far
(el-Mançoûr). En dhoû’l-h’iddja 136 (juin 754), Aboû’l-
c Abbàs mourut après avoir désigné pour lui succéder son
frère Aboû Dja c far el-Mançoûr, dont l’autorité se conso-
lida et fut universellement reconnue. En 137(26 juin 754),
El-Mançoûr revint et la reconnaissance de son pouvoir
fut parachevée ; il entra à Koûfa et y prononça la prière
du vendredi. A H’ira, il reçut une lettre d’Aboû Moslim,
qui vint ensuite à Anbâr ( 4 ).

(1) Il s’agit du traité (TEdrisi, p. 101.

(2) Sur cette généalogie et ces noms, cf. Berb. i, 178 ; m, 180 ;
Edrisi, p. 102.

(3) Voir Weil, Gesch. cl. Chalif., ir, 16.

(4) Ces mots font une brève allusion à la correspondance échangée
entre le khalife et son puissant subordonné (Weil, ib., p. 26 ; lbn el-
Athir, v, 359).

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– 73 –

En la même année eut lieu la révolte cP e Abd Allah ben
c Ali contre son neveu, qu’il refusait de reconnaître comme
khalife ; ce fut Aboû Moslim qui fut chargé de le combat-
tre. C’est à là même date que se place l’exécution d’Aboû
Moslim par El-Mançoûr, fait dont l’exposé appartient à
l’histoire de l’Orient.

Suite de l’histoire d”Abd er-Rah’mân ben H’abib en Ifrik’iyya

El-Mançoûr, à son avènement, écrivit à e Abd er-
Rah’mân d’avoir à le reconnaître, chose à laquelle con-
sentit ce gouverneur, qui adressa au khalife des cadeaux
comprenant entre autres choses des faucons et des
chiens. [Il y ajouta un message] portant que l’Ifrik’iyya
étant entièrement devenue musulmane, on avait cessé
d’y faire des esclaves. Le khalife irrité répondit par une
lettre de menaces, dont la lecture excita chez c Abd er-
Rah’mân la plus vive colère ; il fit faire l’appel à la
prière, et quand tout le peuple fut réuni, il monta en
chaire vêtu d’une robe de soie et, après avoir célébré la
gloire de Dieu et l’avoir remercié de ses bienfaits, il
éclata en injures contre le khalife : « Je croyais, dit-il,
que ce perfide voulait propager et maintenir la vérité,
mais je vois clairement qu’il ne veut que ruiner la justice
au lieu de la maintenir, ainsi que je me l’étais figuré en
lui prêtant serment. Maintenant donc je me sépare de
lui comme je me sépare de cette sandale ! » Il joignit le
fait à la parole, puis se faisant apporter des robes d’hon-
neur noires (provenant des Abbassides), il les fit mettre
en pièces (*). D’après Er-Rak’ik’, [P. 56] il avait antérieure-

(1) Cf. Ibn el-Athir, Annales, p. 78; Noweyri, ap. H. des Eterb., i, 367.

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– 74 –

ment porté ces robes pour invoquer le ciel en faveur du
khalife, mais il les fit alors mettre en pièces, puis jeter
au feu. Mais, d’après Ibn el-K’at’t’ân, c Abd er-Rah’màn,
bien qu’ayant reconnu El-Mançoûr et appelé sur lui du
haut de la chaire les bénédictions célestes, n’avait pas
revêtu la livrée noire, parce que, disait-il, c’étaient là des
vêtements de damnés; puis plus tard il se sépara de
cette dynastie et cessa de lui obéir. Ce refus d’obéis-
sance eut lieu, dit c Arib, en cette année.

Meurtre d’ ‘Abd er-Rah’mân.

e Abd er-Rah’mân, qui envoyait son frère en expédition,
écrivait dans ses lettres circulaires, quand des victoires
étaient remportées, que c’était son propre fils qui en était
l’auteur ; c’était d’ailleurs ce dernier qu’il avait désigné
pour lui succéder. Elyàs complota alors de tuer son frère
c Abd er-Rah’mân et s’ouvrit de ce projet à leur frère
c Abd el-Wârith, qui y donna son consentement (*).

Ils s’entendirent donc avec des Arabes de K’ayrawân
pour réaliser leur plan, élever au gouvernement Elyàs
ben H’abib et reconnaître la suzeraineté d’El-Mançoûr.
c Abd er-Rah’mân venait de nommer Elyâs gouverneur
de Tunis et avait reçu ses adieux.. Il était alors malade
et était chez lui, vêtu seulement d’une tunique et d’un
manteau, et ayant sur ses genoux un de ses jeunes fils.
Elyâs alla le trouver et resta longtemps auprès de lui,
tandis qu’ e Abd el-Wârith lui faisait divers signes. Il se
leva enfin et en se penchant pour lui dire adieu, il lui
planta un poignard entre les épaules avec une telle force

(1) Cf. Ibn el-Athir, Annales, p. 78; Noweyri, ap. //. des Ber6.,i„ 367.

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– 75 –

qu’il le traversa de part en part, puis il saisit son épée et
l’en frappa encore, après quoi il s’enfuit tout effaré. Ses
complices lui demandèrent ce qu’il avait fait et, quand il
leur répondit qu’il l’avait tué : « Retourne donc, lui
dirent-ils, et coupe-lui la tête ! » C’est ce qu’il fit, puis un
grand tumulte s’étant produit, Elyâs s’empara des portes
de l’hôtel du gouvernement. Quant à H’abîb, son attention
fut d’abord éveillée par le tumulte, puis en apprenant le
meurtre de son père, il commença par se cacher et par-
vint ensuite à gagner l’une des portes de K’ayrawàn,
celle de Tunis, d’où il rejoignit son oncle e Imràn ben
H’abîb, qui gouvernait Tunis au nom du prince défunt.
c Abd er-Rah’m£n, qui avait régné en Ifrik’iyya dix ans
et sept mois, fut le premier qui s’empara de ce gouver-
nement par la force. .

[P. 57] Gouvernement d’Elyâs ben H’abîb.

A ta suite du meurtre de son frère, Elyâs devint gou-
verneur de l’Ifrik’iyya et de K’ayrawàn. H’abib s’était
retiré à Tunis auprès de son oncle c Imrân, qu’il informa
de ce qui s’était passé, et les clients et esclaves de ces
deux princes vinrent de partout se joindre à eux. Ces
deux princes s’avancèrent contre Elyâs, qui s’était mis
en marche pour les attaquer (0; mais on s’entendit avant
d’en venir aux mains, c Imrân restant dans son gouver-
nement de Tunis, de Çat’foûra et de la presqu’île [de
Bâchoû], H’abib gardant Gafça et K’ast’iliya, pendant
qu’Elyàs resterait maître du reste de l’Ifrik’iyya et du
Maghreb. Elyâs se rendit à Tunis avec c Imrân, et alors il

(1) A Semindja, d’après Nowevri, ap. //. des Berb, i, 369 ; Fournel,
i, 344.

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– 76 –

s’empara de sa personne et l’envoya en Espagne ; puis
nommant Moh’airçmed ben el-Moghira gouverneur de
Tunis, il rentra à K’ayrawân. On lui donna sur H’abîb des
renseignements qui lui déplurent, et celui-ci, apprenant
que son oncle était informé, obéit aux suggestions des
agents d’Elyâs qui rengageaient à passer en Espagne.
Elyâs fit aussi embarquer avec lui e Abd el-Wârith et ceux
de ses clients qui voulurent bien le suivre; mais le vent
contraire les força à relâcher à T’abark’a, et H’abîb en
informa Elyâs, qui écrivit à son représentant en cette
ville d’exercer une surveillance attentive. Mais alors les
clients d’ e Abd er-Rah’mân et ceux qui autrefois lui obéis-
saient, eurent connaissance de la présence de H’abîb et
arrivèrent de toutes parts ; ils surprirent de nuit Soley-
mân ben Ziyàd, le commandant de la place, qui était dans
son camp à surveiller H’abîb, l’enchaînèrent, puis tirè-
rent H’abîb de son vaisseau et le firent débarquer.

Révolte de H’abîb ben ‘Abd er-Rahmân ben H’abîb, qui s’empare
de l’Ifrîk’iyya.

Après son débarquement, H’abîb se mit à la tète des
anciens serviteurs de son père; il acquit du pouvoir, sa
renommée se répandit et il marcha sur Laribus, dont il
s’empara. A cette nouvelle, [P. 58] Elyâs, laissant à K’ay-
rawân Moh’ammed ben Khâlid K’orachi, se mit en cam-
pagne, et bientôt fut livré un combat sans importance.
Le soir, H’abîb fit allumer les feux pour faire croire qu’il
bivouaquait, puis se mettant en marche, il arriva au
matin à Djeloulâ, d’où il poussa jusqu’à K’ayrawân et se
rendit maître de cette ville. Elyâs alors, rebroussant che-
min, se mit à sa poursuite, mais ses partisans étaient dans

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de mauvaises dispositions à son égard, tandis que le pou-
voir de H’abîb s’affermissait. Ce dernier s’avança & la tête
d’une troupe considérable et, quand il se trouva en face
de sou adversaire, il lui fit crier cette proclamation:
« Pourquoi envoyer à la mort nos serviteurs et nos
clients, c’est-à-dire ceux qui nous servent de remparts?
Viens le mesurer avec moi, celui qui restera vainqueur
n’aura plus rien à redouter de l’autre I » Les soldats
d’Elyâs acclamant une proposition qu’ils trouvaient juste,
ce chef s’avança pour combattre son adversaire sous les
yeux des deux armées. Ils s’attaquèrent d’abord à coups
de lance et, quand les hampes furent brisées, ils mirent
le sabre à la main et déployèrent un courage admiré par
les spectateurs. Elyâs porta un coup qui, perçant les
vêtements et la cuirasse de H’abîb, arriva jusqu’à la
chair, mais le neveu riposta par un coup qui désarçonna
son oncle, puis il se pencha sur lui et lui trancha la tête.
Celle-ci fut placée sur une pique et portée devant le vain-
queur, quand il fit son entrée à K’ayrawân, avec d’autres
têtes de chefs arabes, notamment celles de son grand –
oncle paternel Moh’ammed ben Aboû e Obda ben c Ok’ba
et de Moh’ammed ben El-Moghîra K’orachi. Cet événe-
ment eut lieu en 138, de sorte que le pouvoir d’Elyâs
avait eu une durée d’environ un an et demi (*).

En 138 (15 juin 755), les Berbères d’Ifrik’iyya se révol-
tèrent contre H’abîb ben c Abd er-Rah’mân. A la suite de
la mort d’Elyâs, e Abd el-Wârith ben H’abîb s’enfuit avec
ses partisans de l’armée d’Elyâs, son frère, et alla se
réfugier dans la sous-tribu berbère des Ourfeddjoûma de

(1) Les chroniqueurs ne sont pas. d’accord sur le temps que dura
l’autorité d’Elyâs ; voir Ibn el-Athir, p. 81.

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– 78 ■-

Nefza, qui avait alors pour chef c Açim ben Djemîl. H’abîb,
à la suite du refus opposé à la demande qu’il leur fit de
lui livrer les réfugiés, marcha contre eux ; mais c Açim,
soutenu par les Arabes qu’il protégeait, le mit en fuite.
H’abib avait laissé, en qualité de lieutenant à K’ayrawân,
le kâdi Aboû Koreyb [Djemîl ben Koreyb]. Or des
[P. 59] habitants de celte ville écrivirent à *Açim et aux
cheykhs des Ourfeddjoûma, qu’ils croyaient devoir res-
pecter leurs engagements (*), pour leur dire qu’ils son-
geaient uniquement à reconnaître la suzeraineté d’El-
Mançoûr. Alors c Açim, accompagné de son frère Moker-
rim, de ses Berbères et des réfugiés Arabes, se porta vers
Gabès et de là se dirigea sur K’ayrawân. Un corps de
troupes de l’armée d ,e Açim tenta contre cette ville une
attaque où il subit quelques pertes; puis les gens de
K’ayrawân abandonnèrent le kâdi Aboû Koreyb et ren-
trèrent dans la ville même, ignorants des excès dont les
Berbères les rendraient victimes. Mais le kâdi tint ferme
avec environ un millier d’hommes pieux, résolus de
lutter jusqu’à la mort ; il périt avec la plupart de ces
braves, et alors les Ourfeddjoûma se précipitèrent dans
la ville où, violant les lois les plus sacrées, ils commirent
tous les crimes. c Açim établit son camp dans le Moçaila
de Roûh’, puis se faisant remplacer à K’ayrawân par
e Abd el-Melik ben Aboû’l-Dja c di If reni ( 2 ), il marcha contre
H’abib, qui était à Gabès. H’abîb fut de nouveau battu
et se réfugia dans le mont Aurès, où son ennemi, qui le
poursuivit, fut cette fois tué avec bon nombre de ses

(1) Cf. Fournel, i, 348.

(2) On écrit aussi ce nom Aboû Dja { da et Aboû’l-Dja’cl (Ibn el-
Athir, p. 80).

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– 79 –

guerriers. H’abib s’avança alors sur K’ayrawân, d’où
c Abd el-Melikben Aboû’l Dja c di sortit pour le combattre
et le tua en moh’arrem 140(mai-juin 757). c Abd er-Rah’mân
ben H’abîb avait régné un peu plus de dix ans environ,
son frère Elyâs dix-huit mois, et H’abîb ne fut qu’un
insurgé heureux.

Après la mort de H’abîb et d’ e Açim, les tribus çofrites
entrèrent à K’ayrawân, y attachèrent leurs montures
dans la grande mosquée, y tuèrent tous les K’oreychites ;
les Ourfeddjoûma firent subir aux habitants de K’ayra-
wân les plus terribles épreuves, [P. 60] et ceux qui les
avaient appelés et aidés eurent cruellement à s’en
repentir.

Alors Aboû’l-Khat’t’âb fîri (*), dont la révolte fut couronnée de succès, quitta
Tripoli, qu’il avait conquise, et marcha vers K’ayrawân
pour combattre les Ourfeddjoûma. Ceux-ci s’avancèrent
contre lui, mais ils durent fuir et furent l’objet d’une
poursuite meurtrière, puis le vainqueur se rendit à
K’ayrawân, y installa en qualité de gouverneur c Abd
er-Rah’mân ben Rostem, prince de TâherU 2 ), et regagna
ensuite Tripoli. Les troubles et les événements que nous
venons de résumer se passèrent dans une période de
trois années environ.

En 139 (4 juin 756) fut conclue entre El-Mançoûr et les
Roûm une trêve qui permit au premier de rendre à la

(1) Ce nom est écrit de la même manière par Noweyri {Berbères, i,
373). Ibn Khaldoûn nomme ce chef AboCfl-Khat’t’àb ‘Abd el-A’la Ibn
ech-Cheykh Ma’àfiri {Berbères, i, 220 et 242) et Ibn es-Samh’ Moghâ-
liri (Aglabides, trad. N. Desvergers, p. 54).

(2) Sur la généalogie de ce chef, voir la note de Fournel, i, 355 ;
pour ces événements, cf. Annales, 81 ; Berb., i, 373.

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liberté les captifs musulmans, et ce prince n’entreprit plus
d’expédition d’été contre les chrétiens jusqu’en 146
(20 mars 763).
i^ En 140 (24 mai 757) furent jetés les fondements de
Sidjilmâssa (*).

Ce fut en 141 (13 mai 758) qu’AboCfl-KhatVâb marcha
contre lesOurfeddjoûmaqui occupaient K’ayrawân; leur
chef e Abd el -Melik, abandonné par les habitants de cette
ville, succomba avec ses soldats en çafar de cette année
(juin 758), quatorze mois après avoir pris possession de
cette capitale.

En 142 (3 mai 749), Abovf l-Ah’waç Idjli (*) marcha avec
une armée abbaside contre Aboû’l-KhatTàb, qui s’avança
contre lui et le battit à Mighdâch ( 3 ), endroit situé au
bord de la mer, où il cerna ses ennemis. Aboû’l-Ah’waç
dut rentrer -en Egypte, et son vainqueur, qui regagna
Tripoli, resta maître de rifrîk’iyya entière jusqu’à l’envoi
d’Ibn el-Ach e ath par Ei-Mançoûr.

En 143 (21 avril 760), AboCfl-Khat’t’âb, informé qu’Ibn
el-Ach c ath -marchait contre K’ayrawân, se porta à sa
rencontre avec plus de 200,000 hommes, et campa dans le
territoire de Sort ; cette nouvelle, parvenue aux oreilles
de Moh’ammed ben el-Ach’ath Khozà’i [le fit reculer] M.

En 144 (10 avril 761), ce dernier général fut investi du
gouvernement de l’If rik’iyya. En effet, quand les Çofrites,

(1) Comparez Istibçâr, trad., p. 162, et la note.

(2) Aboù’l-AtTwaç ‘Amr (ou ‘Omar) ben el-Ah’waç (Noweyri, ap.
Berbères, i, 374 ; Annales, p. 81-82).

(3) Sur ce nom voir Fournel, r, 147; Bekri, p. 20 et 21, où on lit
Maghmedas ; Jakubi, Descriptio, p. rv, n. g. ; Edrisi, 143, 159 et 160;
Istibçâr, trad., p. 4, n. 3. Cf. Ibn el-Athir, Annales du Maghreb, p. 82.

(4) Cf. Annales, p. 82 et n. 2.

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– 81 –

à la suite des massacres commis par les Ourfeddjoûma
sur les K’oreychites et autres, se furent rendus maîtres
de Flfrlk’iyya, [P. 61] des Arabes de ce pays se rendirent
auprès d’El-Mançoûr, à qui ils dépeignirent leurs souf-
frances, en lui demandant de les protéger contre les
Berbères. Le khalife alors confia le gouvernement de
l’Egypte à Ibn el Ach c ath, qui envoya une armée com-
mandée par Aboû’l-Ah’waç ; mais celui-ci, comme on Ta
vu, ayant été battu, Ibn el-Ach c ath reçut du khalife Tordre
de se mettre lui-même à la tête des troupes, et il s’avança
en Ifrîk’iyya avec quarante mille hommes commandés
par vingt-huit généraux. Mais quand il se trouva en pré-
sence d’Aboû’l-Khat’fâb, qui avait recruté partout des
troupes dont le nombre était considérable, il reconnut
son impuissance à lui tenir tète. D’autre part, cependant,
des discordes éclatèrent entre les Zenâta et les Hawwâra,
car les premiers tenaient en suspicion les préférences
d’Aboû’l-Khat’t’àb pour les seconds. A la suite de la
défection d’un certain nombre de Zenâta, Ibn el-Ach c alh,
qui apprit cette bonne nouvelle, se porta en avant et livra
une bataille qui, après une lutte acharnée, se termina
par la défaile et le massacre d’Aboû’l-Khat’t’âb et de ses
guerriers. Ibn el-Ach c ath, qui croyait ainsi en avoir fini,
vit encore se lever contre lui Aboû Horeyra Zenàti avec
une armée de 16,000 hommes ; mais il le battit également
et anéantit une partie de ses troupes, en rebi c I de la dite
année (juin-juillet 761). Il envoya ensuite à Baghdâd la
tête d’Aboû’l-KhatTâb.

c Abd er-Rah’mân ben Rostem, en apprenant la mort
de ce dernier, s’enfuit versTâhertWety fonda une [nou-

(1) 11 est parlé de l’ancienne et de la nouvelle Tàhert dans Fournel,
i, 167 et 360 ; cf. ci-dessous, p. 205 du texte arabe.

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82 –

velle] ville pour y résider, tandis que les habitants de
K’ayrawàn, jetant dans les fers le gouverneur qu’il leur
avait donné, mirent à leur tête c Amr ben c Othmân K’ora-
chi, en attendant le retour dans cette ville, qui eut lieu
le l or djomâda I (6 août 761), d’Ibn el-Ach c ath.

En dhoû’1-kVda de la dite année, ce chef donna l’ordre
d’élever les fortifications de K’ayrawàn, travail qui fut
terminé en redjeb 140 (septembre-octobre 763). Il maintint
(ainsi) les diverses régions d’ifrîk’iyya ; les exécutions
auxquelles il se livra sur les Berbères qui se révoltaient
inculquèrent à ces populations un profond respect fondé
sur la crainte et les amenèrent à se soumettre. La révolte
de quelques-uns de ses ofiiciers, ayant à leur tète c Isa ben
Moûsa ben c Idjlân, qui faisait partie du djond, le força
d’abandonner K’ayrawàn [P. 62] sans combattre, en
rebf* 1 148 (avril-mai 765); il y avait commandé pendant
trois ans et dix mois, sous le khalifat d’El-Mançoûr.

En 145 (nous l’avons dit), Ibn el-Ach c ath s’occupa de
fortifier K’ayrawàn, et le développement de Tlfrik’iyya
[en fut la conséquence]. Il avait auparavant envoyé
(des troupes) à Zawila et à Waddân ; ces villes furent
conquises et les Ibâd’ites qui s’y trouvaient furent mis à
mort, entre autres c Abd Allah ben H’ayyàn ribâd’iteW,
chef de Zawila. Au cours de cette année, Ibn el-Ach c ath
rétablit Tordre en Ifrik’iyya, où le calme régna sans inter-
ruption. En 146 (20 mars 763), il acheva les fortifications
de K’ayrawàn, tandis que de son côté El-Mançoûr, ayant
poursuivi sans discontinuer, en cette même annéeis il regagna K’ay-
rawân.

Yezid ben H atim eut encore à combattre Aboû Yah’ya
ben K’aryâs( 2 )Hawwàri,qui se révolta du côté de Tripoli
et sous les drapeaux de qui se rangèrent de nombreux
Berbères. c Abd Allah ben es-Simt’ Kindi, qui était dans

(1) Ailleurs on litMezyed ; de même on trouve les variantes Semkoù
Semghoùn et Semdjoù, ainsi que Mezlàn ou Maslàn, au lieu des noms
Semk’oû et Médian qui suivent (ci-dessous, p. 154 du texte arabe ;
Berb. y i, 261 ; Bekri, 330; Annales, p. 120; Fourni, i, 353).

(2) Ce nom présente diverses variantes; cf. Annales, pp. 117 et 123.

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– 92 –

cette province en qualité de général de Yezid, lui livra
au bord de la mer une bataille acharnée, qui se termina
par la déroute d’Aboû Yah’ya et le massacre général de
ses partisans. L’Ifrik’iyya se trouva ainsi pacifiée et
l’administration de Yezîd ben H’àtim put s’exercer sans
obstacle.

En 157 (20 novembre 773), Yezid, dont la générosité
était extrême, fit rebâtir la grande mosquée de K’ayra-
wàn. En dhoû’l-h’iddja de la dite année survint la mort
du khalife El-Mançoûr.

[P. 70J En 158 (10 novembre 774), le trône du khaiifat
fut occupé par El-Mehdi, qui fut intronisé le jour même
de la mort de son père à la Mekke et conformément à la
désignation faite par celui-ci, le samedi 6 dhoû’l-hiddja
[157J, de sorte qu’il se trouva libre maître du pouvoir en
l’année 158. C’était un prince lettré et libéral, ami des
littérateurs et des poètes; nous avons cité des vers de
lui et rapporté divers traits le concernant dans l’histoire
de l’Orient [et qui ne seraient pas à leur place ici] où
il est traité de l’histoire du Maghreb extrême et du Ma-
ghreb central.

En 162 (27 septembre 778) mourut Aboû Khàlid c Abd
er-Rah’mân ben Ziyâd ben An c am, kadi de K’ayrawàn;
les dernières prières furent dites par l’émir Yezid ben
H’àtim, à qui la grande alïluence du monde lit réciter ce
vers :

[Basif] O Ka’b, jamais, ni soir ni matin, une troupe ne
s’avance sans avoir derrière elle un guide qui la pousse à la
mort.

Ce juge, qui avait plus de quatre-vingt-dix ans, se
trouva indisposé pour avoir, étant à la table de Yezîd,

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– 93 –

bu du lait après avoir mangé du poisson, et il mourut la
nuit même (*).

En 163 (16 septembre 779), El-Mehdi ordonna à Yah’ya
ben Khâlid ben Barmek de prendre le poste de secrétaire
auprès de son fils Hàroûn, en lui disant qu’il l’avait spé-
cialement choisi pour ces fonctions; il lui attribua, en
outre, cent mille dirhems pour voyager avec Hàroûn.

En 165 (25 août 781), El-Mehdi envoya Hàroûn en
expédition dans le pays chrétien à la tète de 95,000 hom-
mes, et muni de cent millions en or et vingt millions en
argent. Le fils du khalife arriva jusqu’au détroit, vis-à-vis
de Constantinopie ; il se relira avec 5,000 prisonniers et
du butin après avoir forcé les chrétiens au versement
annuel d’un tribut de quatre-vingt-dix. mille dinars ( 2 ).
En 166 (14 août 782), Hàroûn revint de cette expédition, et
les chrétiens firent parvenir des cadeaux et le montant
du tribut. En la môme année, El-Mehdi accabla de sa
colère son vizir Ya c koûb ben Dàwoûd, à qui il avait confié
la direction du gouvernement.

En 169 (13 juillet 785), mourut El-Mehdi, empoisonné
par erreur, dit-on, mais il y a aussi d’autres versions.
Son fils Moûsa el-Hâdi lui succéda.

En rebî c 1 170 (septembre 786), mourut Moûsa el-Hâdi,
à l’âge de vingt-six ans et demi, après un règne d’un an
[P. 71] et deux mois ; il eut pour successeur Hàroûn
er-Rechîd ben Moh’ammed.

En 171 (21 juin 787), mourut Yezid ben H’âtim, émir
dlfrik’iyya. Il avait été spécialement distingué par Aboû
Dja c far el-Mançoûr et, avant d’arriver en Ifrik’iyya, il

(1) Voir sur ce personnage Ibn el-Athir, Annales, p. 123.

(2) Cf. Ibn el-Athir, texte, vi, 44; Weil, n, 100.

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– 94 -.

avait exercé le gouvernement dans diverses pf-ovinces,
en Arménie, dans le Sind, en Egypte, de 144 à 152 M, en
Adherbeydjân et ailleurs. Sa bonne administration en
Ifrik’iyya a été l’objet des louanges de poètes du premier
ordre, à qui il témoigna largement sa libéralité. Voici ce
que rapporte Ez-Zobeyr ben Bekkâr ( 2 ), d’après un poète
qui lui avait parlé en ces termes : « Je faisais l’éloge de
Yezîd ben H’âtim sans le connaître ni l’avoir rencontré.
A sa nomination en Egypte par El-Mançoùr, il prit la
route de Médine, et l’ayant rencontré, je me mis à lui
réciter des vers, depuis sa sortie de la mosquée de
l’Envoyé de Dieu jusqu’à la mosquée de l’Arbre, et il me
fit donner deux paquets de vêtements et dix mille dinars. »
Tel est le récit d’Er-Rak’ik’. On a, entre autres choses, dit
de lui :

[Basif] Personnage unique parmi les Arabes, toi devant
qui s’incline tout K’aht’ân et qui commandes à Nizâr ! j’es-
père, si j’arrive sain et sauf jusqu’à toi, n’avoir plus ensuite
à affronter les périls des voyages.

C’est de lui encore qu’on a dit :

[T’awll] Quelle différence de générosité entre les deux
Yezîd, quand on tient compte des nobles actions et de la
gloire des hommes (3).

L’expression « quelle différence, etc. » est devenue
proverbiale et est répétée en tous pays et par tout le

(1) De dhoù’l-ka’da 145 à 151, d’après le Nocljoûm.

(2) Historien et traditionniste maintes fois cité par Ibn el-Athîr,
Mas’oûdi, etc. Il mourut en 256. Ibn Khallikan lui a consacré un
article (i, 531).

(3) Le vers sous* cette forme figure dans VAghâni, xv, 42; cf.
suprà p. 90.

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! : : i

– 95 –

monde. — Le poète Rebi c a devait une diya (indemnité pour
meurtre) dont Yezid lui donna dix fois le montant, en
outre de cadeaux et de bienfaits qui attestaient sa géné-
rosité.
On cite ces vers de Yezid :

[Basit’J La pièce de monnaie s’habitue à peine à ma bourse,
puis reprend sa liberté ; elle ne fait qu’y passer, et la bourse
même la rejette. Je suis un homme de qui la bourse et l’ar-
gent ne peuvent s’accordera).

[P. 72] Entre autres anecdotes relatives à son séjour
en Ifrîk’iyya, on dit qu’il interpella rudement un de ses
intendants qui avait semé un vaste champ de fèves dans
un de ses jardins de plaisance: « Fils de prostituée!
Veux- tu donc me déshonorer à Baçra et m’y faire appeler
marchand de fèves ? » Et, par son ordre, le peuple eut
toute liberté de disposer de la récolte. — Une autre fois,
il vit, en se promenant dans les environs de K’ayrawân, un
nombreux troupeau appartenant à son fils [qui en tirait
profit] ; après avoir vivement réprimandé celui-ci, il fit
égorger et livrer tous ces animaux au peuple, qui s’em-
pressa de profiter de l’aubaine. On en jeta les peaux sur
un tertre qui a conservé depuis lors le nom de t Colline
des peaux » (Kodyat el-djoloûd).

Il m ourut en ramad’ân 171 (février-mars 788), après
avoir gouverné pendant quinze ans et trois mois, compre-
nant une partie du règne d’El-Mançoûr, tout le règne
d’El-Mehdi et une partie du règne de Hâroûn er-Rechîd.

(1) Ces vers, de même que les deux anecdotes qui suivent, figurent
aussi dans Noweyri (ap. Berb., i, 385).

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– 96 –

Gouvernement de Dâwoûd ben Yezld ben B’âtim.

Désigné par son père, au cours de sa dernière maladie,
pour lui succéder, il gouverna ensuite Hfrîk’iyya pendant
neuf mois et demi, où il eut maintes fois à combattre les
chefs berbères; de nombreuses rencontres eurent lieu,
entre autres dans la région montagneuse de Bàdja. Contre
Noçayr ben Çàlih’ l’ibâdite, qui s’était révolté, s’avança
El-Mohalleb ben Yezid, qui fut battu et perdit nombre
de ses soldats. Dâwoûd fit alors marcher contre eux une
armée de 10,000 hommes, commandée par Soleymân ben
Yezid, devant qui les Berbères s’enfuirent, mais ils
furent poursuivis et plus de 10,000 des leurs furent mas-
sacrés. Dâwoûd exerça le pouvoir jusqu’à l’arrivée de
son oncle paternel, Rawh’ ben H’àtim, qui avait été
nommé émir du Maghreb.

Commencement de la dynastie Hâchemite ou Idrisite dans
les pays du Maghreb (i).

Tous les chroniqueurs s’accordent à reconnaître que
ce fut en 170 (2 juillet 786), que pénétra dans le Maghreb
Idrîs ben c Abd Allah ben H’asan [P. 73] ben el-H’asan ben
r AU ben Aboû T’âleb, sous le gouvernement de Yezîd
ben H’àtim en Ifrik’iyya, sous celui de Hichâm ben c Abd
er-Rah’mân ed-Dâkhel â Gordoue, et au début de l’auto-
rité exercée à Sidjilmàssa par les Benoû Midrâr. Il était
accompagné de son affranchi Râchid et s’installa dans le
Wâdi ‘z-Zeytoûn, au lieu dit Medînat el-Beled. D’après

(1) Voyez Annales, p. 133, et les auteurs cités; Istibçâr, trad., p. 149.

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– 97 –

El-Bekri, dans le El-Medjmoû* el-moftarik’M y il s’ins-
talla à Oulilit*); nom berbère de Tanger. Cette localité,
au dire de Moh’ammed ben Yoûsof, est à une journée de
marche de remplacement actuel de Fez, et constituait
une ville très ancienne. C’est là que mourut Idris [en 175].
Voici comment ce prince passa au Maghreb d’après les
récits d’Er-Rak’ik’, d’En-Nawfeli dans le El-Medjmoû*
el-moftarifc et d’autres chroniqueurs.

H’oseyn ben c Ali ben H’asan ben H’asan ben H’asan
ben Ali ben Aboû T’âleb prit les armes à Médine sous
Moûsa el-Hâdi et passa à la Mekke en dhoû’l-h’iddja 169
(juin 786) en compagnie d’un certain nombre de ses frères
et de ses cousins, entre autres d’Idris et de Yah’ya, tous
les deux fils d’ c Abd Allah ben H’asan. A cette nouvelle, le
khalife El-Hàdi fit marcher contre lui Moh’ammed ben
Soleymân ben c Ali, qui, à la bataille de Fakhkh, défit et
tua H’oseyn ben c Ali ainsi que la plupart de ses partisans.
Mais Idrîs, celui qui plus tard gagna le Maghreb, put
s’échapper et arriver en Egypte. La poste de ce derhier
pays avait à sa tête Wâd’ih’, client de Çàlih ben el-Mançoûr,
qui transporta le réfugié en poste jusqu’au Maghreb. Idris
arriva jusqu’à la ville d’Oulila (sic), sur le territoire de
Tanger, dont les tribus berbères répondirent à l’appel
qu’il leur adressa. Quand Er-Rechid, devenu khalife, con-
nut ce qui s’était passé, il erjvoya un messager décapiter
W’àd’ih’, et à Idris il députa un émissaiie secret, client
d’El-Hâdi et nommé Ech-Chemmâkh. Celui-ci, arrivé à

(1) Il n’existe pas, à ma connaissance, d’ouvrage de Bekri portant
ce titre. Dozy conjecture, avec quelque apparence de raison, qu’il
s’agit d’un livre de Nawfeli, dont le nom aurait été omis; cf. quel-
ques lignes plus bas.

(2) Bekri écrit Oulili et Oulileni (pp. 248 et 268).

7

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Oulila, se donna comme un médecin professant les opi-
nions de la secte Allde, et se présenta à Idris, qui le
reçut dans son intimité [P. 74] et lui accorda sa confiance.
Le prince s’étant un jour plaint d’un mal de dents, le
favori lui remit un dentifrice renfermant un poison
mortel et qui, d’après ses instructions, ne devait être
employé que le lendemain à l’aurore. Chemmâkh s’enfuit
la nuit même, et quand au lever du jour Idris se servit
du dentifrice, dont il se remplit la bouche, ses dents
tombèrent et il mourut aussitôt. On poursuivit, mais
inutilement, Chemmâkh, qui gagna l’Egypte et rejoignit
son patron Er-Rechid. Tel est le récit extrait de l’ouvrage
d’Er-Rak’ik.

En 172 (10 juin 788), les tribus berbères vinrent de
toutes parts se rallier autour d’Idrîs ben c Abd Allah,
qu’elles reconnurent et proclamèrent pour leur chef.
Aussi longtemps qu’il vécut, elles restèrent de son parti,
heureuses de lui obéir et honorées de le servir. Ce
prince d’ailleurs était maître de ses passions, avait une
nature distinguée, pratiquait la justice et les œuvres de
piété.

En 173 (30 mai 789), il s’avança à la tête des tribus
maghrébines jusque dans le Soûs el-Ak’ça et pénétra
dans la ville de Mâsina, d’où il repartit sain et sauf en
ramenant du butin et des prisonniers.

En 174 (19 mai 790), après être revenu du Soûs, il se
rendit avec son armée à Ribât’ TâzâW et découvrit la mine
d’or qui se trouve dans les montagnes qui portent ce

(1) Sur ce lieu, cf. Istihçâr, trad., p. 134. La mine d’or se trouve de
ce côté, d’après Bekri, et ne fut pas découverte par Idris, voir
Jakubi, p. 137, et les Corrections de Dozy, p. 13.

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– 99 –

nom. C’est en cette même année que toutes les tribus
[berbères] du Maghreb reconnurent son autorité et le
proclamèrent, de sorte que son pouvoir sur elles fut
complet.

Gouvernement de Rawh* ben H’âtim ben K’abîça ben el-Mohalleb.

Nommé par le khalife Hàroùn er-Rechid ben Moh’am-
med, ce gouverneur arriva en Ifrik’iyya en 171 (21 juin
787). Il avait plusieurs fois exercé ces fonctions, car,
après avoir été chambellan d’El-Mançoûr, il fut ensuite
nommé par ce prince gouverneur de Baçra; sous El-
Mehdi, il gouverna Koûfa, puis le Sind, le Tabaristan,
la Palestine, etc. Un jour qu’il était au soleil à attendre
près de la porte d’El-Mançoûr, un homme qui le vit lui
dit : « Voilà longtemps que tu restes en plein soleil 1 —
Qui, répondit Rawh’, mais c’est pour pouvoir rester long-
temps à- l’ombre ! » < l > — Il venait de perdre un fils quand
ses amis, venant le trouver et le voyant rire, s’abstinrent
de lui présenter leurs condoléances. Comprenant leurs
sentiments, il leur récita ce vers :

[P. 75 ; t’awll] Nous sommes d’une famille dont les larmes ne
coulent pas pour la mort, même violente, d’un des siens.

On dit qu’il envoya à son secrétaire 30,000 dirhems
accompagnés du billet que voici : « Je t’envoie telle
somme, que je ne puis dédaigneusement regarder comme
trop faible pour toi, dont l’importance n’est pas telle que
je puisse te la reprocher, et qui ne t’empêche pas d’espé-
rer de moi des dons ultérieurs. Je te salue ! »

(1) Ce commencement du paragraphe est traduit dans les Berbères y
i, 388, n.

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^p -^

Aboû Khâlid Rawh’ était l’aîné de son frère Yezîd et avait
plus fréquemment que lui rempli les fonctions de gouver-
neur; plus d’une fois, pendant son séjour à K’ayrawàn,
il lui arriva de tomber sous le poids du sommeil provo-
qué par la débilité sénile. Il mourut la nuit du samedi au
dimanche 23 ramad’ân 174 (2 février 791), après avoir
occupé ces dernières fonctions pendant trois ans et trois
mois.

Gouvernement de Naçr ben H’abîb Mohallebi.

Le directeur de la poste et le général AboiVl-*Anber
avaient, ainsi que d’autres officiers, écrit à Er-Rechid
pour lui signaler l’état de faiblesse auquel l’Age avait
réduit Rawh’ ben H’âtim et l’imminence de sa mort, en
faisant ressortir que l’importance d’une province fron-
tière telle que l’Ifrîk’iyya exigeait un chef énergique,
[Naçr par exemple]. Ce Naçr avait commandé la garde
(chorVa) de Yezid ben H’âtifn en Egypte et en Ifrîk’iyya,
et sa conduite était l’objet d’éloges. Er-Rechîd fit donc
dresser à son nom un diplôme d’investiture qu’il fit
secrètement parvenir à destination. A la mort de Rawh’,
son fils K’abîça fut reconnu dans la grande mosquée et
la population lui prêta serment de fidélité ; El-Fad’l ben
Rawh’ était à cette époque gouverneur du Zâb. Mais alors
Aboû’l- c Anber et le directeur de la poste sautèrent achevai
pour porter à Naçr ben H’abîb l’investiture précédem-
ment envoyée par le khalife Haroûn, le saluèrent du
titre d’émir et se rendirent avec lui et un certain nombre
de partisans {P. 76] à la mosquée. Ils y trouvèrent
K’abîça assis sur le tapis ; ils le firent lever et y assirent
Naçr ben H’abîb, en informant les assistants de la situa-

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– 101 –

tion : lecture fut donnée du rescrit adressé par le khalife
Hàroûn à Naçr, et l’assistance se soumit. Cela arriva
dans la dernière décade de ramad’àn 174 (1 10 février 791),
et pendant deux ans et trois mois Naçr rendit des juge-
ments marqués au coin de la justice et administra de
façon à mériter des louanges.

En 175 (9 mai 791) Er-Rechîd fît reconnaître à Baghdàd
son fils Moh’ammed, alors âgé de cinq ans et à qui il
donna le surnom d’Emin, en qualité d’héritier présomp-
tif, et lui fit prêter serment par les officiers et le djondM.

En 176 (27 avril 792) eut lieu dans le Deylem la révolte
de Yah’ya ben c Abd Allah ben H’asan ben H’asan ben
c Ali ben Aboû Tâleb ; le développement de son autorité
et la solidité qu’elle acquit rendirent soucieux le khalife,
qui s’abstint, pendant cette période, de boire du vin de
dattes. El-Fàd’l ben Yah’ya fut expédié avec 50,000 hom-
mes contre le révolté, qui fut mis en déroute W.

En 177 (17 avril 793) El-Fadï ben Rawh’ ben H’âtlm
fut nommé au gouvernement de l’Ifrik’iyya par le khalife
Er-Rechid, qui, en annonçant sa révocation à Naçr ben
Habib, lui ordonna de remettre le pouvoir à El Mohalleb
ben Yezid en attendant l’arrivée d’El-Fact’l. Celui-ci, dès
qu’il fut, en moh’arrem 177 (avril-mai 793), parvenu à
destination, nomma au gouvernement de Tunis son
neveu El-Moghîra, qui, inexpérimenté et ignorant de la
manière de traiter le peuple, agit inconsidérément à
l’égard du djond. Mécontents de ses procédés blâmables,
ses soldais se réunirent et adressèrent à El-Fad’l une lettra
où ils lui exposaient la singulière conduite de son neveu

(1 ) On trouve un peu plus de détails là-dessus dans Ibn el-Athir,vi, 83.
(2) Voir le même, ibid., p. 83 et 85; Chr. de Sacy, i, 3, etc.

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– 102 –

à leur égard. N’ayant pas obtenu de réponse, ils se dirent
qu’une troupe sans tête ne pouvait réussir dans ses efforts
pour atteindre un but, et, sur le conseil de l’un d’entre
eux, ils allèrent trouver c Abd Allah ben c Abd Rabbihi^
ben el-Djàroûd et lui tinrent ce langage: «Tu as été
témoin de la conduite d’El-Moghîra à notre égard, et,
d’autre part, la lettre que nous avons adressée à son
oncle est restée sans réponse. C’est toi qui es en vue,
[P. 77] c’est en toi que nous mettons notre confiance ;
nous te remettons le soin de nous diriger, assurés que
nous sommes de bien placer notre espoir. — Ma réponse,
leur dit-il, ne peut être qu’un sage avis pour vous comme
pour moi : je redoute d’exposer ma vie et je me contente
de vivre en paix. Mais en cas d’événement, je serai
comme le premier-venu d’entre vous. » Enfin, sur leurs
instances, il consentit, moyennant qu’ils lui prêtassent
des serments de nature à le rassurer ; ils le firent et
jurèrent de lui obéir.

En 178 (6 avril 794), le djond se révolta à Tunis contre
Témir El-Fad’l ben Ravvh’, après avoir pris Ibn el-Djà-
roûd comme chef. La troupe marcha contre l’hôtel du
gouvernement, occupé par El-Moghîra, que l’on invita,
lui et ses partisans, à aller rejoindre leur maître. En
même temps, Ibn el -Djâroûd écrivit en ces termes à El-
Fad’l : «Ce n’est point par esprit de révolte que nous
avons chassé El-Mogbira, mais à cause de certains de
§es actes à notre égard, qui sont de nature à mettre l’état
en péril. Envoie-nous donc promptement quelqu’un de

(1) On l’appelle aussi ‘Abdaweyh Anbàri (Annales, p. 145; corrigez,
aux 1. 5 et 14 de cette page, Habib ben Naçr en « Naçrben Habib », et
par suite, biffez la n. 2).

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— 103 —

ton choix pour nous administrer, faute de quoi nous
aurons à le faire nous-mêmes. » A quoi El-Fad’l répon-
dit : a L’arrêt divin s’accomplit, que les hommes le
veuillent ou ne le veuillent pas. Je ne choisis aucun gou-
verneur, prenez celui que vous voulez ; je me bornerai à
vous envoyer un administrateur (J^b). » Et, en effet, il fit
partir pour Tunis c Abd Allah ben Mo’hammed (*). A son
approche, Ibn el-Djàroûd dit aux siens : « Comment allez-
vous faire ? Si vous avez chassé ignominieusement le
neveu d’El-Fad’l, il est certain qu’il ne vous envoie un
autre que pour vous amener, par des persécutions, à
renoncer à votre projet; puis, une fois le calme rétabli,
il s’emparera de chacun de vous isolément. — Et que
nous conseilles-tu de faire? reprirent ses compagnons.
— Ce que je vous ai dit déjà. » En conséquence, on se
porta àu-devant de la troupe en compagnie de laquelle
arrivait le fonctionnaire envoyé par Ternir El-Fad’l, jus-
qu’à l’endroit appelé Ez Zeytoùn, et cet officier fut repous-
sé ; puis le djond se livra à des discussions trop longues à
raconter et qui aboutirent à une bataille qu’Ibn el-Djà-
roûd livra à l’armée d’El-Fad’l. Ibn el-Djàroûd resta
vainqueur [P. 78] et poursuivit les ennemis jusqu’à K’ayra
wùn, dont il entreprit le siège. El-Fad’l convoqua un con-
seil formé de ses cousins et de ses intimes, mais à partir
de là ses affaires tournèrent mal et rien ne lui réussit. Il
était avec ses partisans dans l’hôtel du gouvernement,
dont les portes étaient gardées par quelques officiers,
quand, au matin, s’approcha l’armée d’Ibn el-Djàroûd ;
les portes furent ouvertes sans résistance, et alors Ibn

(1) Appelé aussi ‘Abd Allah ben Yezid ben Hàtim Mohallebi, cousin
d’El-Fad’l (Noweyri ap. Berb., i, 390; Ibn Athir, Annales, p. 146).

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– 104’ —

el-Djàroûd, qui campait sous les murs de la ville, pénétra
dans l’hôtel et fit grâce à El-Fad’I et aux siens, qu’il fit
ensuite partir pour Gabès, en lui disant: « Je ne suis pas
sûr des sentiments de mes soldats à votre égard ; je vous
enverrai cependant en compagnie de quelqu’un qui vous
mènera à Gabès. » Il leur donna en effet une escorte
commandée par Aboû’l-Haythem, à qui il fit jurer de ne
pas livrer celui qu’il mettait sous sa garde. El-Fad’l, avec
trois de ses cousins. et quelques partisans, sortit par une
porte située de l’autre côté (*) de la ville, et le portier les
interpella grossièrement : « Partez, chiens de damnés !
Veuille Dieu ne pas vous accorder sa miséricorde ! — Il
n’y a de Dieu qu’Allah ! repartit El-Fad’l ; tous se tour-
nent contre nous, jusqu’à ceux qui nous doivent la
liberté ! » Il poursuivit sa marche toute la nuit et le len-
demain jusqu’au coucher du soleil, où, le bruit du tam-
bour ayant provoqué ses questions, on lui répondit qu’il
s’agissait de l’arrivée d’un officier commandant cent
cavaliers envoyés par Ibn el-Djâroûd, qui craignait, lui
dit-on, un attentat du djond contre lui. Puis un autre
tambour se fit entendre : c’était Mançoûr ben Hâchim,
qui, interrogé sur le motif de sa venue, donna Tune ou
l’autre raison. Une troisième fois le son du tambour re-
tentit : c’était le chef de la garde (chort’a) d’Ibn el-Djâroûd
qui arrivait : « Celui-là, dit-on à El-Fad’l, te ramènera à
K’ayrawân. »

En effet, quelques-uns des compagnons d’Ibn el-Djâ-
roûd lui avaient fait observer que s’il laissait entrer de

(1) Dozy a corrigé le dernier mot de *à*\ , >b ^ en »£&.\ (?) ;

peut-être faut-il lire f»

      Azdi, et Temmâm ben Temîm

 

      Temimi, gouverneur de Tunis, se mit en campagne con-

 

    tre Ibn tyok’âtii.

[P. 81] Révolte de Temmâm ben Temlm Temimi.

A la mi-ramad’àn 183 (mi-octobre 799), Temmâm, à la
tête de plusieurs officiers et de soldats des djond de
Syrie et du Khorâsân, s’étant avancé de Tunis contre
K’ayrawân, Ibn Mok’âtil marcha contre lui, mais fut
défait et dut se replier sur K’ayrawân, où, abandonnant
l’hôtel du gouvernement, il se fortifia dans un autre
hôtel qu’il avait fait construire. Temmâm, qui avait con-
tinué d’avancer, vint camper derrière la porte d’Aboû’r-
Rebi c , et le. lendemain, mercredi 25 ramad’ân 183 (29 oc-
tobre 799), pénétra dans la ville, dont on lui ouvrit les
portes. Il garantit à Ibn Mok’âtil que sa vie et celle des
membres de sa famille seraient respectées, de même
que ses biens. Ce chef avait, jusqu’à son expulsion de
K’ayrawân, gouverné pendant deux ans et dix mois.

Par suite de sa révolte, Aboû’l-Djahm Temmâm ben
Temîm, aïeul d’Aboû’l- c Arab ben Temîm, lequel est
auteur de plusieurs ouvrages, exerça l’autorité en Ifrî-
k’iyya, mais sans avoir reçu l’investiture du khalife. A la
suite de son entrée à K’ayrawân, Ibn Mok’âtil, à qui il
avait fait quartier, quitta la ville et se retira vers Tripoli.
Il fut rejoint en route par une troupe deKhorâsâniens où
figurait T’arh’oùn, chef de ses gardes, et il put ensuite,
grâce au consentement unanime des habitants, pénétrer
dans cette ville. Mais alors Ibrahim ben el-Aghlab, qui

(1) Ou, d’après Noweyri, Morra ben Makhled.

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– 109 –

était émir du Zàb, s’avança de ce pays contre Temmâm,
qui exerçait l’autorité à K’ayrawân, et que cette nouvelle
fit retirer à Tunis. Ibn el-Aghlab étant entré à K’ayra-
wân, se rendit aussitôt à la grande mosquée ; il avait la
parole facile et éloquente, et, montant en chaire, il
déclara à la population n’être venu que pour secourir
Ibn Mok’âtil, qui était le chef mis à leur tête par le Prince
des croyants. De plus, il écrivit au gouverneur expulsé
ce qu’il venait de faire pour lui, en insistant pour qu’il
opérât son retour. Ibn Mok’âtil revint en effet s’installer
avec ses partisans à K’ayrawân. Mais comme il passait
un jour dans la rue, une femme lui cria de sa fenêtre:
« Rends grâces à Ibrahim [P. 82] ben el-Aghlab, qui t’a
rendu le pouvoir en Ifrik’iyya !» et ce reproche lui fut très
sensible.

De son côté, Temmâm ben Temim, qui était à Tunis,
dit à ses compagnons: «Sans doute l’Aghlabide a res-
tauré Ibn Mok’âtil ; mais les partisans de celui-ci ont eu
grand’ peur lors de notre attaque, et quand ils appren-
dront que je pars de Tunis (pour les attaquer de nouveau),
ils me livreront leur chef et viendront à moi. Lui-même
est trop envieux pour appliquer les conseils que lui
donne Ibrahim ben el-Aghlab. » Or, d’autre part, la
population se disait qu’après avoir été débarrassée d’Ibn
Mok’âtil, elle se trouvait, par le fait d’Ibrâhîm, de nou-
veau livrée à l’injustice, et qu’il valait mieux mourir que
continuer de vivre sous un gouvernemeut pareil. Le
résultat de ces réflexions fut qu’on se porta auprès de
Temmâm pour lui demander aide. Ce dernier se trouva
alors, par suite du grand nombre de ses partisans, tout
disposé à réentamer la lutte, et il écrivit à son adver-
saire en ces termes: « Si Ibrahim ben el-Aghlab a

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^1

– 110 –

restauré ton auterité, ce n’est ni à cause de ta générosité
à son égard, ni à cause de la fidélité au khalife dont il
fait parade ; c’est simplement qu’il craignait qu’en
apprenant sa conquête tu ne fisses entendre des récla-
mations, qui, repoussées, le mettaient en état de rébellion
contre le khalife, et qui, écoutées, donnaient à autrui le
résultat de ses efforts. Aussi t’a-t-il invité à revenir pour
t’envoyer à la mort. Mais demain tu sauras positivement
ce dont notre attaque d’hier t’a donné seulement un
avant-goût. » La lettre finissait par ces deux vers :

[T’awll] Ibrahim en restaurant ton pouvoir n’a pas agi
par esprit de fidélité, mais dans le but de te faire périr. Si
tu avais, ô fils d”Akk ! l’intelligence de te rendre compte de
sa perfidie, tu n’accepterais pas.

Ibn Mokâtil, après avoir lu cette lettre, la remit à Ibn
el-Aghlab, qui s’écria en riant: « Est-il assez faible
d’intelligenoe, cet ennemi de Dieu ! » La réponse suivante
fut rédigée : « De la part de Moh’ammed ben Mok’âtil
au traître Ibn Temim. J’ai reçu ta lettre, qui m’a prouvé
ton peu de jugement, et j’ai compris ce que tu dis d’Ibn
el-Aghlab. Ton avertissement fût-il vrai, ce n’est pas
auprès d’un homme traître à Dieu et au khalife qu’on va
chercher conseil ; si c’est une ruse que tu as voulu
employer, sache que la pire est celle dont on s’aperçoit !»
A la fin de la lettre se trouvaient ces deux vers :

{P. 83 ; t’awll] J’espère que si demain tu rencontres Ibn
el-Aghlab, ta destinée sera d’être défait et tué ; car tu affron-
teras un héros qui s’élance dans la mêlée escorté par la
mort et qui soutient de sa lance une gloire héréditaire.

Temmâm alors ayant quitté Tunis à la tête d’une armée

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– ni –

considérable, Ibn Mok’âtil ordonna à tous ceux qui lui
obéissaient de marcher sous lesdrapeauxd’Ibn el-Aghlab.
A la suite d’une rencontre acharnée où il eut le dessous,
Temmâm retourna à Tunis, et Ibn Mok’âtil rentra â
K’ayrawân pendant que, d’après ses ordres, Ibn el-Aghlab
poursuivait sa marche sur Tunis W.

En moh’arrem 184 (février 800), l’armée partit de
K’ayrawân pour aller mettre le siège devant Tunis. A
cette nouvelle, Temmâm, qui était dans cette ville,
demanda et obtint quartier d’Ibrahim, qui fit avec lui
son entrée à K’ayrawân le vendredi 8 moh’arrem.

Gouvernement a dit :

[Sari 4 ] L’homme sûr à qui Dieu a confié ses créatures est
venu, poussé par la piété filiale, au lieu qui le vit naître,

(1) Cet incident est aussi rapporté dans les Prairies cVor, vi, 326.
Cf. Ibn Wàdhih, n, 501.

(2) Cf. Weil, il, 159; Ibn cl-Athir, vi, 230.

(3) C’est-à-dire Merzebàn ben Djostàn (Ibn el-Athir, vi, 131).

(4) Sur ce poète, mort en 211, voir Chrest. de Sacy, i, 34 ; Ibn Khal-
likân, i, 202; Aghâni, m, 126, etc. Les deux vers qui suivent sont aussi
cités par Ibn cl-Athir (vi, 132), mais ne figurent pas dans le divan
d’Abou’l-‘Atàhiya publié à Beyrout en 1887.

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– 115 –

pour rétablir Tordre à Rey et dans ses dépendances et y
verser de sa main le bien sans compter.

En la môme année intervint avec les chrétiens un traité
relatif au rachat des prisonniers, de sorte que tous les
captifs musulmans recouvrèrent la liberté.

En 190 (26 novembre 805), Rechid opéra la conquête
de la ville chrétienne d’Héraclée. « La ville était prise,
raconte l’interprète Chebil, quand je vis que la porte était
ornée d’une plaque de marbre où figurait une inscription
dans la langue des vaincus et que je me mis à lire, tandis
qu’à mon insu le khalife me regardait. [P. 86] En voici le
sens : homme, saisis l’occasion avant même qu’elle soit
possible ; ne confie tes affaires qu’aux gens compétents ;
ne verse pas dans le péché par suite d’un excès de joie ;
ne te préoccupe pas du jour à venir, car s’il est dans ta
destinée de vivre, Dieu pourvoira alors à ta nourriture ;
ne sois pas de ceux que séduit le plaisir de thésauriser,
car combien n’en a-t- on pas vu qui ne l’ont fait que pour
le mari qui leur succède, combien n’y en a-t il pas qui
ne s’imposent des privations que pour grossir le trésor
d’autrui ! M »

En 191 (16 novembre 806), Er-Rechid mit à la tête de
l’expédition d’été (contre les chrétiens) Harthema ben
A c yan, à qui il adjoignit 30,000 hommes du djond du
Khorâsân. En la même année, il fit démolir les églises
des pays frontières. Depuis cette date jusqu’à 215 (27 fé-
vrier’830), l’expédition faite chaque été par les musul-
mans fut suspendue.

(1) Sur cette campagne, voir Weil, n, 160 ; Ibn el-Athir, vi, p. 133 ;
Mas’oùdi, Prairies d’or, n, 340, etc. Ce dernier auteur rappelle éga-
lement Je texte de cette inscription et orthographie Chibl le nom de
J’interprète.

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– 116 –

La nuit du vendredi au samedi 3 djomâda II 193 (20
mars 809), Hâroûn er-Rechîd mourut à Tous en Khorâ-
sân ; il eut pour successeur son fils Moh’ammed Emîn.
Ibrahim ben el-Aghlab, confirmé par le nouveau khalife
dans son gouvernement d’Ifrik’iyya, mourut dans l’exer-
cice de ses fonctions à K’ayrawân dans la dernière déca-
de du mois de chawwâl 196 (3-13 juillet 812), à l’âge de
56 ans et après avoir gouverné lTfrîk’iyya pendant douze
ans et quelques moisW.

En 196 (22 septembre 811), le gouvernement de cette
province passa entre les mains d’ c Abd Allah ben Ibra-
him ben el-Aghlab, qui était à Tripoli à la mort de son
père Ibrahim. Mais son frère Ziyâdet Allah prit le pou-
voir au nom de l’absent, lui prêta serment de fidélité et
en fit faire autant par les membres de leur famille, par
les guerriers et les serviteurs, et en informa c Abd Allah.

En 197 (11 septembre 812), Aboû’l-‘Abbàs c Abd Allah
ben Ibrahim ben el-Aghlab arrivant de Tripoli fut
accueilli par son frère Ziyàdet Allah, qui lui remit le
pouvoir. .

En 207 (26 mai 822), Ziyàd ben Sahl se révolta contre
Ziyàdet Allah, marcha contre Bàdja et la tint assiégée
pendant quelques jours. Des troupes envoyées par
Ziyàdet Allah le mirent en fuite, tuèrent ses compagnons
de révolte et pillèrent ce qu’ils avaient (*).

En la même année, mourut El-Yasa e ben Aboû’l-K’âsim,
prince de Sidjilmâssa, après quoi les habitants mirent à
leur tête Elyâs el-Montaçir ben Aboû’l-K’àsim, frère du
défunt, et précédemment, déposé par eux ( 3 ).

En 208 (15 mai 823), f Amr ben Mo’âwiya K’aysi, gou-
verneur au service de Ziyàdet Allah, leva l’étendard de
la révolte à El-K’açreyn et se rendit maître de cette
région (*>. I! avait deux fils, H’obâb et Sim’ànW, dont le
premier lui dit: « Tu t’es lancé dans une grosse affaire

(1) Ce. paragraphe est traduit dans la Biblioteca (n, 4) ; cf. Annales,
182 et 196.
<2) Voir ci- dessus, p. 118; Annales, p. 182. (3) Cf. Annales» p. 198 et la note. (4) Ihn el-Atliir passe sous silence cette révolte, dont, au dire de Noweyri, celle de Mançoùr Tonbodhi ne fut que la suite. El-K’açreyn est à une trentaine de lieues O. S. O. de Kayrawàn (table géog. de YH. ci. Berb. ; Fournel, i, 482, n. 2). (5) HabbAb et SoknAn, d’après Noweyri et Ibn Khaldoun. Digitized by Google – 121 – où ta tète est en jeu, et tu n’es pas de ceux qui en peu- vent venir à bout; ni troupes ni approvisionnements ne te serviront de rien. Reprends tes anciennes occupations et prie Dieu de te conserver la vie ». Mais son père lui fit donner deux cents coups de fouet et persista dans ses projets. Une nombreuse armée que Ziyàdet Allah [P. 90] fit marcher contre lui le serra de près pendant quelques jours, puis il fut reçu à composition avec ses fils, et on les amena à Ziyâdet Allah, qui était à boire avec quel- ques-uns de ses principaux parents et qui les fit empri- sonner en attendant qu’il prît une décision à leur égard. Aussitôt après entra Aboû e Ammâr, bouffon qui était attaché à son service et à qui il demanda ce qu’on disait : a On dit, répondit le bouffon, que le seul motif qui t’empêche de faire exécuter e Amr ben Mo’âwiya, c’est la crainte de voir les Kaysites assaillir ton oncle à Miçr ». Ces paroles restèrent dans la tète du prince, qui continua encore de boire quelque temps, puis, se tournant vers son vizir Ghalboûn, il lui dit de faire transférer les trois captifs de sa prison à lui dans la prison gouvernemen- tale. Au milieu de la nuit il se rendit le sabre à la main dans ce dernier lieu et massacra c Amr ben Mo c âwiya, puis regagna le palais. Il fit ensuite venir les deux fils de la victime et ordonna de mettre H’obâb à mort : « Prince, dit celui-ci, je ne mérite pas ce sort, car tu sais que les avis que j’ai adressés à mon père à propos de sa rébellion m’ont valu des coups de fouet. — Sans doute, répondit Ziyâdet Allah, mais je sais que tes sen- timents à mon égard ne sont pas amicaux » ; et il le fit décapiter, mais laissa en vie Sim c àn, le fils cadet. Le lendemain matin il fit placer les têtes des deux victimes sur un bouclier, et les présentant à Sim c ân, il lui demanda Digitized by Google – 122 – s’il* les reconnaissait : « Oui, dit le malheureux, je reconnais bien ceux sans lesquels la vie n’aura plus d agrément pour moi ». Les trois têtes furent réunies sur un bouclier, et ce jour-là il but par-dessus, pendant qu’il était réuni avec ses commensaux. En 209 (3 mai 824), Mançoûr [ben Naçr] T’onbodhi s’étant révolté à Tunis 0), Ziyâdet Allah envoya contre lui trois cents cavaliers bien armés et commandés par Moh’ammedben H’amza, qui reçut Tordre de cacher son mouvement, de manière à surprendre Mançoûr à Tunis pour pouvoir s’emparer de lui et le ramener enchaîné. En conséquence, Ibn H’amza se rendit à Tunis, mais n’y trouva pas Mançoûr, qui était alors dans son château de Tonbodha. Il s’installa donc dans l’arsenal et lui envoya le kâdi Chedjra ben c Isa et quarante [P. 91] cheykhs de Tunis, chargés de l’adjurer, au nom de Dieu, de rentrer dans la voie de l’obéissance et de lui montrer les consé- quences de sa conduite, tant en ce monde que dans Tau- tre. Mançoûr, en recevant ces députés, se défendit d’avoir commis aucun acte de désobéissance ou tenté quelque révolte ; il se déclara prêt à se rendre avec eux auprès de Ziyâdet Allah, les invitant seulement à s’arrêter ce jour-là auprès de lui pour qu’il pût les traiter selon leurs mérites. Son offre ayant été acceptée, il envoya à Ibn H’amza et à ses soldats des bœufs, des moutons, du fourrage et quelques charges de vin, en même temps qu’il lui écrivit qu’il le rejoindrait le lendemain en compagnie du kâdi Chedjra. Ibn H’amza, confiant dans cette pro- messe, fit égorger les animaux qu’on lui envoyait, et sa troupe se mit à manger aussi bien qu’à boire. Mais quand (1) D’autres donnent la date de 208 (cf. Annales, 182 et la n. 3). Digitized by Google — 123 — la nuit lut venue, Mançoûr emprisonna dans son château le kàdi et les autres envoyés, puis, faisant monter ses soldats sur les montures des prisonniers, il marcha avec eux et avec ses cavaliers sur Tunis, en leur recommandant de ne se trahir par aucun geste ou mouvement jusqu’à leur arrivée à l’arsenal. Quand ils furent à proximité, il fit battre le tambour, et aux cris de Allah akbar, sa troupe fondit sur celle d’Ibn H’amza. La mêlée dura toute la nuit, car les assaillants avaient devant eux de nombreux enne- mis, mais ils en vinrent à bout, et ceux-là seuls échap- pèrent qui se jetèrent à la nage. Cet événement eut lieu le lundi 24 çafar (26 juin 824). Le lendemain matin le djond se rallia à Mançoûr, mais sous certaines réserves : « Nous n’aurons confiance en toi, lui dit-on, et ne croi- rons que le sultan ne te ramènera pas à lui par des avan- tages mondains et de l’argent que si, pour t’assurer notre concours, tu teins tes mains du sang de ses partisans et de ses parents. » En conséquence, Mançoûr lit saisir et exécuter le gouverneur de Ziyâdet Allah à Tunis, Ismâ e îl ben Sâlim ben Sofyàn (*), ainsi que Moh’ammed, fils dTsmâ c îl. A la nouvelle du massacre de ses soldats et de son gouverneur, Ziyâdet Allah mit son vizir Ghalboûn à la tête d’un corps d’armée important, en jurant que si un seul des soldats qui efi faisaient partie venait à fuir, il subirait sans rémission le dernier supplice. [P. 92] Ghal- boûn se mit en marche le 10 rebi c I (10 juillet 824) et arriva jusqu’à la sebkha de Tunis, où il se heurta contre (1) Ibn Khaldoùn {Ag/dabites, pp. rv et 99) l’appelle Ismâ’il ben Sofyàn; et Noweyri (ap. H. des Berbères, i, 408) lsmà’i ben Sofyàn ben Sâlim, Digitized by Google – 124 – les troupes que Mançoûr Tonbodhi avait organisées et à la tête desquelles il s’était mis en campagne. Après un long combat, une charge de Mançoûr provoqua la déroute- de ses adversaires, le 20 rebi e I (20 juillet). Ghalboûn, vaincu, rejoignit Ziyàdet Allah et se disculpa en jurant qu’ils s’étaient conduits loyalement et avaient fait tous leurs efforts, mais qu’on ne peut rien contre les décrets divins. Les divers généraux se jetèrent chacun sur une région, dont ils s’emparèrent pour s’y mettre à l’abri du supplice dont Ziyàdet Allah les avait menacés, de sorte que toute l’Ifrik’iyya se trouva en feu. Quant au djond, il remit la direction de ses affaires à Mançoûr et le reconnut pour chef. Ghalboûn alors se rendit auprès de Ziyàdet Allah pour lui exposer la situation, ainsi que les dispo- sitions hostiles du djond. Ce fut en vain que Ziyàdet Allah adressa à celui-ci des lettres de pardon, elles ne trou- vèrent pas créance et n’amenèrent pas la soumission de ceux à qui elles furent envoyées. Mançoûr, après sa victoire, se vit rejoindre à Tunis par tout le djond, ainsi que par des groupes divers et des troupes recrutées de tous les côtés, et, se mettant à leur tête, il marcha sur K’ayrawân, où il arriva le 5 djoinâda I (6 septembre 824). Les deux kâdis Aboû Moh’rizet Asad se portèrent au-devant de lui et entamèrent des pourpar- lers qui restèrent sans résultat. Mançoûr entoura son camp d’un fossé, puis, après avoir livré à Ziyàdet Allah maints et maints combats, il abandonna cet emplacement pour s’installer ailleurs. Il se mit alors à restaurer les fortifications deK’ayrawàn, dont les habitants lui prêtè- rent leur aide aussi bien pour cela que pour combattre. Les hostilités sous les murs de la ville duraient depuis quarante jours quand Ziyàdet Allah s’avança à la, tête des Digitized by VjOOQ IC – 125 – troupes qu’il avait formées lui-même et comprenant un centre Met une aile droite. Mançoûr, malgré la crainte qui l’envahit, dut faire face à l’ennemi, et il fut mis en fuite à la suite d’un combat acharné, où il fut fait des siens un horrible massacre, le 15 djomâda II W (13 octobre 824). Ziyâdet Allah arriva jusqu’à K’ayrawàn et fît cesser la lutte, pendant que Mançoûr, fuyant à toute bride, péné- trait dans [P. 93] srin palais de Tunis k Tinsu de tous. Ziyâdet Allah accorda un pardon complet à tous les K’ayrawâniens, et se borna, pour les punir, à démolir les fortifications de la ville jusqu’au ras du sol. En 210( 3 ) (23 avril 825) eut lieu l’affaire de la ville de Sebiba. Les soldats du djond dont nous avons dit la révolte provoquée par la défaite qu’ils avaient subie, avaient à leur tête c Amir ben Nàfi c . Ce général resta vainqueur dans la bataille que lui livra en cet endroit, le 20 moh’arrem (11 mai), Moh’ammed ben e Abd Allah ben el- Aghlab, à qui Ziyâdet Allah avait confié le commande- ment de ses troupes. Moh’ammed périt, et les fuyards furent l’objet d’une poursuite qui s’étendit jusqu’à K’ay- rawàn et qui dura depuis le matin jusqu’après la prière de la nuit close. Quant à Ziyâdet Allah, il fut vivement affecté de ce nouvel échec, et il se mit à dépenser sans compter pour faire de nouvelles levées. Les révoltés avaient à K’ayrawàn leurs familles, que Ziyâdet Allah (1) Le copiste a probablement omis « une aile gauche ». (2) Cette date semble bien être indiquée par la suite des événements, et ce doit être àtortqueBekri(trad.p.63) parle du 15 djomâda premier (cf. Fourncl, Berbères, i, 487; Annales, 185). (3) En 209, selon Ibn el-Athir, p. 186; cf. p. 201. On lit 218 dans Noweyri (l. I., p. 410), mais ce doit être une faute typographique, au lieu de V0& Digitized by Google – 126 – avait respectées. Ils demandèrent alors à Mançoûr de trouver quelque moyen de les faire sortir de la ville, et ce chef s’avançant à leur tête vint camper pendant seize jours sous le château; on put ainsi, sans qu’il y eût com- bat, faire sortir les familles en question. Mançoûr se dirigea alors sur Tunis, et de toute Tlfrik’iyya il ne resta plus à Ziyâdet Allah que Gabès, le Sàh’el, Nefzâwa et Tripoli, qui lui restèrent fidèles et ne cessèrent pas de lui payer régulièrement l’impôt ; Mançoûr était maître du reste du territoire et faisait frapper la monnaie en son nom. Ziyâdet Allah reçut alors du djond l’invitation de quitter* lTfrik’iyya contre la promesse que sa vie et ses biens seraient respectés. Ce prince, dans la situation précaire où il se trouvait, consulta à ce sujet ses parents et ses serviteurs, et Sofyân ben Sawâda lui demanda le pouvoir de disposer, pour gagner Nefzâwa, d’une troupe formée d’hommes qui auraient sa confiance, ce qu’il obtint. Cent cavaliers furent ainsi choisis et payés, et Sofyân se rendit à leur tête à Nefzâwa où il demanda aux Berbères leur concours, qu’ils lui promirent. c Amir ben Nâfi c marcha alors avec ses partisans [P. 94] sur Nefzâwa et recruta, à son arrivée à Kast’iliya, mille noirs armés de haches et de pelles, puis continuant sa marche sur Nefzâwa, il campa à Tok’yoûs. A cette nou- velle Sofyân marcha contre lui et livra une bataille où le djond fut battu et subit des pertes considérables. ‘AmirW alors regagna Kast’iliya, où il passa trois fois vingt-quatre heures à y ramasser jour et nuit toutes les (1) Le texte parle expressément de ce chef et non du « lieutenant de Ziyâdet Allah » comme le dit Fournel {Berbers, i, 491). Digitized by Google – 127 – richesses qu’il put trouver, et se dirigea ensuite sur K’ayrawân. En 211 (12 mars 826), c Amir ben Nâfi c se souleva à son tour contre Mançoûr Tonbodhi, qui lui avait adressé des menaces parce qu’il se livrait à la boisson. c Amir travailla donc le djond par dessous main, et Mançoûr, installé dans son château de Tonbodha, ignora tout jusqu’au jour où c Amir, partant de Tunis, vint l’y assiéger. Mançoûr ayant demandé à se rendre sous la condition qu’il pourrait s’embarquer pour l’Orient, e Amir y consentit. Mais Mançoûr au commencement de la nuit s’enfuit secrètement vers Laribus. Le lendemain matin, f Amir fila sur les traces de ceux qui tentaient de lui échapper, les rejoignit et les battit. Mançoûr put gagner Laribus et s’y fortifier ; mais le siège qu’en fit c Amir finit par fatiguer les habitants, qui mirent en demeure Mançoûr ou de se retirer ou d’être livré par eux à son ennemi. Il put cependant obtenir d’eux un délai pour qu’il pût tenter de s’échapper ; il députa en consé- quence à e Abd es-Selâm ben el-Moferridj, l’un des prin- cipaux du djond, et le pria de venir le trouver. Man- çoûr, du haut des murailles, lui parla en ces termes: « Telle est donc, hommes du djond, la récompense que j’obtiens de vous ! Vous n’ignorez pas cependant que, si je me suis révolté, c’était pour vous. Puisque maintenant les choses en sont là, je te prie, c Abd es-Selâm, de tâcher d’obtenir quartier pour moi, de manière que je puisse me retirer en Orient. » c Abd es-Selâm le lui promit, et son intervention auprès d’ e Amir ben Nâfi* décida le con- sentement de celui-ci. c Amir fit alors partir Mançoûr en compagnie de cavaliers au chef desquels il donna secrètement l’ordre de se détourner vers la ville de Digitized by Google — 128 — Djerba Wet d’y emprisonner celui qu’il conduisait, et cet ordre fut exécuté. Mais quand c Abd es-Selâm [P. 95] con- nut cet acte de trahison, il en conçut du ressentiment, et comme il se trouvait à Bâdja,où commandait Hàchem, frère d’ e Amir, lui et ses compagnons s’assurèrent de la personne du gouverneur et écrivirent à c Amir de rendre Mançoûr à la liberté s’il voulait sauver la tête de son propre frère Hàchem. c Amir leur répondit : « Je ne déli- vrerai pas Mançoûr et vous ferez ce qu’il vous plaira de mon frère, mais vous saurez ce qu’il vous en coûtera. » Au reçu de cette réponse, ils mirent Hàchem en liberté, et f Amir fit alors décapiter Mançoûr et son frère H’am- doûn, de sorte qu’il resta seul maitre. En 212 (1 er avril 827) Ziyâdet Allah envoya en Sicile un corps expéditionnaire de sept cents cavaliers, qui y furent transportés sur soixante-dix bâtiments. Le kàdi Asad ben Forât s’étant offert à faire partie de l’expédi- tion, en fut nommé chef par Ziyâdet Allah, de sorte qu’il reçut de lui à la fois les fonctions de général et celles de kàdi. Il fut suivi par des nobles d’Ifrik’iyya provenant du djond, Arabes, Berbères et Espagnols, par des savants et des gens prévoyants, le tout formant une masse considé- rable. Partis en rebî c I (juin 827), ils attaquèrent les forts et les villes des chrétiens et y enlevèrent un nombre considérable de captifs, de bestiaux et de chevaux, de manière à former un butin considérable. Le kàdi Asad mit le siège devant Syracuse ; il la bloqua par terre et par mer, livra sa flotte aux flammes et tua un certain nombre des habitants. Les. approvisionnements et les (1) Ce nom présente des variantes (Noweyri, l, J., p. 410; Annales, p. 202). Digitized by VjOOQ IC – 129 — secours nécessaires étaient envoyés d’Ifrik’iyya, d’Espa- gne et d’ailleurs M. En 2ia (21 mars 828) ( 2 ), e Amir ben Nâfi c mourut dans son lit, et Ziyâdet Allah, à cette nouvelle, déclara que l’ère de la guerre était close. Les fils du défunt obtinrent de Ziyâdet Allah l’amnistie qu’ils lui demandèrent. En la même année M mourut Idrîs ben Idris H’asani, dont l’autorité à Fez et sur les Berbères passa à son fils Moh’ammed. Le nouveau prince nomma son frère gou- verneur de Baçra, de Tanger et de leurs territoires, et les régions berbères furent confiées à ses autres frères. Baçra était une ville grande et ancienne, nommée Baçra du lin (Baçrai el-keitân) parce qu’au début on y trafiquait presque exclusivement à l’aide de ce produit, et aussi H’amrâ’, parce que le sol en est rouge. Les murs, bâtis en pierres et briques cruesW, étaient percés de dix portes. La grande mosquée avait sept nefs. On y remar- quait deux grands bains ; le cimetière principal était situé [P. 96] à Test, et l’autre, à l’ouest, s’appelait cime- tière de K’od’à c a. L’eau étant saumâtre, on n’employait pour la boisson que celle provenant d’un grand puits situé près de la porte [principale] de la ville et appelé puits d’Aboû Delfâ( r >). Les femmes l’emportaient sur tou-
tes celles du Maghreb par leur perfection de formes et

(1) Ce paragraphe figure dans la Biblioteca (n, 5 ; comparez le
récit du Mo’djam, ib., i, 201, et les Annales, p. 187).

(2) Sur cette date, cf. Annales, 203.

(3) Ailleurs on lit 214 {Annales, 205, et la note). — Sur le partage
opéré par Mohammed ben Idris, voir ib.

(4) Le mot Kmm ^i> du texte, signifie, dans certaines régions, brigue
cuite, et ailleurs brique crue (de Sacy, Abdollatif, p. 302).

(5) Dans Bekri (p. 251, texte p. 110), Bir Ibn Dhelfâ.

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leur beauté éclatante. C’est d’elles qu’Ah’med ben Fath*
Tâherti a dit dans un poème consacré à louer AboiVl-
c Aych H’asanK 1 ) :

[Kâmil] La beauté parfaite, agrémentée d’un teint blanc
et rosé, n’existe que chez la musicienne de Baçra : ses
œjilladès versent un vin (capiteux), ses joues sont rosées et
sa taille est fine.

La fondation de Baçra remonte à la même époque, ou
à peu près, que celle d’Azîlà( 2 ). De cette ville au Château
des Kotâma, autrement dit Château d’ c Abd el-Kerîm, il
y a une étape. Elle est aussi à une étape de la ville de
Djenyâra( 3 ), qui était, dit-on, située sur le Wàdi Seboû, à
une étape de Fez ; mais il y a aussi une autre route qui
va de Baçra à Fez. Jusqu’au Wâdi VVargha on compte une
étape, et de là jusqu’à Mâsina il en faut encore une. Cette
dernière ville est celle d v Isa ben FTasan H’asani, connu
sous le nom d’El-H’addjâm. On arrive ensuite à la ville
de Sedâk, résidence de Khalloûf ben Moh’ammed( 4 )Me-
ghiJi, puis à Fez, ce qui fait sept étapes.

(1) Bekri appelle le poète, Ah’med ben Fath Tàherti, connu sous
le nom d’Ibn el-Kharràz, et le prince à qui il adressa ses vers,
AboûVAych ben Ibrahim ben el-K ? àsim. De cette pièce il reproduit
six vers, dont nous avons ici les deux premiers, avec variantes ;
dans le dernier, le nom du prince est écrit ‘Isa, ce qui prouve xju’iL
est question d’ AboûVAych ‘Isa ben Idris, Lien que Bekri l’appelle
Aboîri-‘Aych ben Ibrahim ben el-K’àsim (p. 251).

(2) Ces détails relatifs à Baçra paraissent être extraits de Bekri
(trad., p. 250 et s. ; cf. Istibçar, trad., p. 139). Quant à Edrisi, il ne
consacre à cette ville qu’une très courte notice (trad. Dozy-de Goeje,
p. 202). ■ »

(3) Autrement nommée H’annàwa (Bekri, p. 252).

(4) Ahmed, dans la trad. de Bekri, p. 253, et vX»s£ dans le texte,
p. 111. ; – .

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— 131 –

En redjeb (septembre-octobre) de la même année,
mourut Asad ben el-Forât, alors occupé à assiéger Syra-
cuse. Après sa mort, les otages chrétiens qu’il détenait
s’enfuirent, et la mort causa des ravages dans les trou*
pes musulmanes, ce dont elles furent fort affectées. Elles
mirent alors à leur tète Ibn AboiVl-Djawàri <i). En 214 (10 mars 829) mourut le kâdi Aboû Moh’riz Kilâbi. En la même année arrivèrent d’Espagne en Sicile trois cents bâtiments sur lesquels se trouvait Açbagh ben Wekîl surnommé Ferghaloûch (*). Quand les musul- mans assiégés dans celte île connurent l’arrivée de leurs frères, ils leur demandèrent du secours, qui leur fut promis. En 215 (27 février 830) eut lieu la campagne [P. 97] entreprise par Ferghaloûch et les autres officiers arrivés avec lui sur la flotte. Après avoir pris diverses forteres- ses et avoir fait du butin et des prisonniers, ils reçurent une demande de secours de la part des musulmans ins- tallés dans Tile et ils y répondirent affirmativement, mais en stipulant que l’autorité serait exercée par Fer- ghaloûch. Cela convenu, on se mit en campagne et, tout en prenant divers forts, on arriva jusqu’à Mineo, à la grande joie des musulmans qui y étaient enfermés, après quoi on brûla et ruina cette ville. De là les musul- mans se portèrent sur Ghalwâliya* 3 ), qui fut assiégée et (1) Amari (Biblioteca y n, p. 5 de la trad.), reproduisant ce paragra- phe, a définitivement adopté la lecture « Ibn el-Djawàri ». (2) Ferghaloûch Hawwàri, dont le nom se retrouve aussi chez Noweyri (ap. Bibl. y trad., n, 119), était probablement un soldat de fortune. (3) Amari rapproche ce nom soit de la Ghalyâna (Gagliano) de Belàdhori soit de la Calloniànis de l’Itinéraire d’Antonin (Bi6Z.ii, p. 6). Digitized by Google — 132 – conquise ; mais la peste s’y déclara et emporta un certain nombre de fidèles, parmi lesquels Ferghaloûch et plu- sieurs officiers. On battit alors en retraite, mais l’ennemi entama la poursuite et il y eut beaucoup de monde tué, ce dont le récit serait long; puis les navires furent remis en état pour cingler vers l’Espagne. En la même année, Sa r îd ben Idrîs exerça son autorité sur la ville de Nokoûr (*>.

En 216 (17 février 83l), il y eut une collision sanglante
en Ifrik’iyya entre MolV Sehmi et IsimVil ben eç-Çam-
çàma ; celui-ci resta vainqueur et mit en déroute les
partisans de Mott% lequel fut tué. Aboû Fehr devint
gouverneur de la Sicile.

En 217 (6 février 832), Aboû Fehr Moh’ammed ben c Abd
Allah Temîmi se rendit d’Ifrik’iyya en Sicile, d’où s’enfuit
c Othmân ben K’orhob.

En 218 (26 janvier 833), Fad’l ben Aboû’l- c Anber se
révolta à Tunis, d’où il chassa la cavalerie de Ziyâdet
Allah et dont il se rendit maître. Cette ville fut reprise
par Aboû Fehr Moh’ammed ben e Abd Allah ben el-Agh-
lab à la tête d’un fort corps d’armée. Le vertueux juriste
‘Abbâs ben el-Welid y fut tué( 2 ).

En 219 (15 janvier 834), Ziyâdet Allah accorda une
amnistie générale à tous ceux qui, étant sortis de Tunis
lorsqu’était entré Aboû Fehr, la réclamèrent, et cette
mesure ramena le calme. On comptait [parmi eux] les
deux fils d’Aboû Selama, c Abd er-Rah’mân et c Ali, ainsi

(1) Bekri(pp. 212 et 213) et Vlstibçàr (p. 45) attribuent la fondation
de Nokoûr, a une d«*te antérieure à la conquête de Moûsa ben Noçayr,
à Sa’id ben Idris ben Çàlih\ Edrisi (p. 199 et 205) rappelle Nokoûr ou
Boùzkoùr. Le Meràgid n’en parle pas.

(2) Cf. Annales, p. 207; H. des Berbères, I, 411.

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– 133 –

qu’Abofl’l-Ghorâb (*>, qui étaient des poètes de talent, et
c Abd er-Rah’màn lui récita une pièce de vers où il le
louait de cet acte. Dès qu’il eut fini, [P. 98] le poète Ya’k’oûb
ben Yah’ya se leva à son tour, et, pour exciter Ziyàdet
Allah contre ces trois hommes, déclama ce que voici :

[Wàfir] Ecoute, ô prince secouru [de Dieu], ces rimes dont
les figures ont leur éloquence. On amnistie celui dont les
lances ont montré leur vigueur, on n’amnistie jamais un
poète, car la durée des vers est celle du temps lui-même ; l’on
peut espérer la guérison de la blessure faite par le sabre, la
blessure qui a la langue pour auteur est incurable.

Mais Ziyâdet Allah, sans se laisser influencer par ces.
paroles, confirma son amnistie et demanda à Aboû’l-
Ghoràb pourquoi il ne l’avait pas demandée plus tôt :
« Prince, répondit le poète, je me trouvais avec une
bande d’insensés qui, chaque jour, choisissaient un nou-
veau chef et déposaient celui de la veille; j’espérais que
j’aurais mon tour de royauté ! » Le prince se prit à rire
et lui pardonna.

En 220 (4 janvier 835), la place de kâdi d’Ifrik’iyya fut
donnée à Ah’med ben Aboû Moh’riz.

En la même année, Moh’ammed ben c Abd Allah ben
el-Aghlab, gouverneur de Sicile ( 2 >, partit en expédition
contre les chrétiens, qui furent mis en déroute, et il ren-
tra à Palerme chargé du butin conquis. Les musulmans

(1) Le manuscrit lit tantôt Aboû’l-Ghoràb, tantôt Aboû’l-Ghoràfa
ou Aboû’l-Ghorâf.

(2) Cet Aghlabide est le même personnage qui a été cité, sous un
nom un peu différent, aux années 216 et 217. Amari (Bibl., trad., p. 7)
ne fait à ce propos aucune remarque, mais admet aussi cette identité
dans son index (n, 762).

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— 134 —

entreprirent aussi, au cours de cette année, de nombreu-
ses incursions en Sicile aussi bien qu’en Espagne, tant’
par terre que par mer.

Au mois de ramadan de cette même année, Ibn el-
Aghlab (*) arriva en qualité de gouverneur à Palerme,.
capitale de la Sicile, après une traversée pénible, au
cours de laquelle plusieurs de ses bâtiments périrent,
tandis que d’autres furent pris. Les chrétiens lui ayant
enlevé un brûlot, Moh’ammed ben es-Sindi les combattit
à la tête des autres brûlots et les poursuivit jusqu’à ce
que l’obscurité les séparât.

En 221 (25 décembre 835) mourut le kâdi de Sicile < 2 >.
Il avait recommandé à son frère e Imrân de tenir sa mort
secrète jusqu’à l’accomplissement de l’ensevelissement
et. des dernières prières, de crainte queZiyâdet Allah ne
procédât à ces devoirs funèbres. c Imrân suivit ces ins-
tructions, et le cadavre hissé sur le brancard sortait de
la maison du défunt quand arriva le page Khalaf, por-
teur de musc et de linceuls envoyés par le prince. e Imrân
lui ayant dit que l’ensevelissement était fait, le page se
borna à asperger le cadavre avec les parfums dont il
était porteur. On se rendit au moçalla, et Ziyâdet Allah,
[P. 99] qui assista à l’inhumation, présenta ses condo-
léances à r Imrân, puis s’adressant au peuple, prononça
ces mots : « Habitants de K’ayrawân, si -Dieu vous vou-
lait du bien, il ne vous aurait pas enlevé Ibn Aboû Moh’-

(1) C’est-à-dire, d’après A mari (Bihl., n, 722), Ibrahim ben ?Abd
Allah.

(2) Je crois avec Fournel (i, 506) qu’il iaut lire le kàdi cTIfrîk’iyya,
ainsi d’ailleurs que semble le montrer la suite du récit. Ce lait n’a pas
attiré l’attention d’Amari (n, 8).

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— 135 —

riz ! »(*) Ce prince disait : « Je n’ai pas à m’inquiéter de
ce que je retrouverai au jour de la résurrection, car sur
ma feuille seront inscrites quatre bonnes œuvres : la cons-
truction de la grande mosquée de K’ayrawàn (*), celle du
pont d\Aboû’r-Rebi c ( 3 >, celle du fort de la ville de Sousse,
et ma nomination d’Ahmed ben Aboû Moh’riz au poste
de kâdi d’Ifrik’iyya. » Ces fonctions de kâdi furent en-
suite* remplies par Ibn Aboû’l-Djawàd.

En cette même année éclata à Sidjilmàssa la guerre
intestine entre Meymoûn et son frère, l’un et l’autre fils u^
d’El-Mançoûr ben El-Yasa.

En 222 (13 décembre 836), les musulmans firent en
Sicile une expédition dans la direction de l’Etna; ils en
revinrent sains et saufs, ayant tué des ennemis et fait
du butin.

En la même année, les musulmans conquirent le fort
Mednâr [Tindaro ?] et de nombreuses forteresses au
cours d’une expédition, à la tête de laquelle Aboû’l-
Aghlab [Ibrahim ben c Abd Allah] avait mis El-Fad’l ben
Ya c k’oûb. Mais une autre colonne, aussi organisée par
lui et commandée par c Abd es-Selàm ben c Abd el-Wah-
hâb, fut attaquée par l’ennemi et mise en fuite, non sans
subir des pertes. c Abd es-Selâm fut fait prisonnier; il
fut racheté plus tard( 4 >.

(1) Ce commencement de paragraphe, ainsi que les deux paragra-
phes précédents, figurent dans la Biblioteca, n, pp. 7-8. — Sur ce
kàdi, voir aussi les Fragm. hist. «r., p. 385.

(2) Une longue description de cette mosquée figure dans Bekri
(p. 57). Cette reconstruction date de 221 {Berb., i, 412).

(3) Nom d’une porte de K’ayrawân (Bekri, p. 63 ; ci-dessus, p. 108,
etc.).

(4) Ce paragraphe et le précédent se retrouvent dans la Bibl., n, 9.
Je crois qu’il faut lire Ibn el-Aghlab au lieu d’A&ou’J-Aghlab, cf. p. 134.

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— 136 –

Le mardi 14 redjeb 223 (10 juin 838) mourut Ziyâdet
Allah ben Ibrahim ben el-Aghlab, prince d’Ifrik’iyya,
âgé de 51 ans, après un règne de v:ngt-et un ans sept
mois et huit jours.

Règne d’Aboû ‘Ik’âl el-Aghlab ben Ibrahim ben el-Aghlab.

Ce prince, qui était surnommé DjezerW, étant monté
sur le trône, montra de la bienveillance à la population,
qui retrouva le calme, et il répandit ses bienfaits sur
elle et sur le djond; il réforma de nombreuses innova-
tions introduites avant lui, attribua aux fonctionnaires
de gros traitements et de fortes gratifications, mais
en supprimant leurs exactions, interdit le vin de dattes
[P. 100] à K’ayrawân et châtia ceux qui en vendaient ou
en buvaient. Il mourut dans la dernière décade de
rebi c II 226 (15-25 février 841) W, à 1 âge de 53 ans, après
un règne de deux ans neuf mois et quelques jours.

En 2? 1(22 novembre 838), d’après ce que raconte Ibn
el-K’at’t’ân, eut lieu une sanglante rencontre en If rîk’iyya
entre c Isa ben Rey c ân Azdi, envoyé par le sultan, et les
Lawâta, les Zawâgha et les Miknàsa, qui furent anéantis
jusqu’au dernier, entre Gafça et Kast’iliya ( 3 >.

En la même année, Sidjilmâssa reconnut comme son

/x chef Meymoûn ben Midrâr et chassa le frère de Meymoûn.

Le nouveau prince, sitôt son pouvoir établi, relégua son

(1) On lit ailleurs Khazer {Berb., i, 414 ; Fragm. hist. ar. t p. 398,
et Ibn el-Abbàr).

(2) Le jeudi 22 rebi* II (18 février 841), d’après Noweyri {Berbères»
i, 415); voir un peu plus bas.

(3) Cette guerre, que Noweyri passe sous silence, est aussi mention-
née par Ibn Khaldoun (Aghlàbides, p. 1 1 \) et Ibn el-Athir (Ann., p. 212).

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r- 137 –

père Midrâr et sa mère dans une bourgade dépendant
de cette ville (*).

En 225 (11 novembre 839) mourut Aboû Djalar Moûsa
ben Mo e âwiya Çomàdih’i, affranchi d’Aboû Dja e far, et
l’un de ceux d’après qui Soh’noûn parle ( 2 ).

En 226, dans la nuit du mercredi au jeudi 22 rebi e II
(18 février 841), mourut Aboû c Ik’àl el-Aghlab ben Ibra-
him, à qui son fils AboûVAbbâs succéda le jour même.

Règne d’Aboû’l-‘Abbâs Moh’ammed ben el-Aghlab.

Les débuts de son règne furent tranquilles et tout
marcha bien d’abord. Ce prince, qui confia à Ah’med ben
el-Aghlab la libre disposition d’une grande partie de ses
affaires, était peu instruit. On raconte qu’un jour, pendant
que le secrétaire Redjâ’ était auprès de lui, il écrivit les
mots IaKm d’abyin avec un d’âd, de sorte que quand les
assistants se furent retirés, ce fonctionnaire lui dit :
a Veuille Dieu secourir l’émir! ce mot s’écrit, avec un
zâ. » Mais le prince lui répondit : << Nous savons qu’on
n’est pas d’accord à ce sujet: si Aboû H’anifa emploie le
zâ, d’autre part Màlek emploie le d’âd. » Cette réponse
surprit tous ceux qui l’entendirent. — Il ne laissa pas
d’enfants, mais la guerre lui réserva maints succès ( 3 ).

En 227(20 octobre 811) mourut en Ifrik’iyya le juriste
Aboû Moh’ammed c Abd Allah ben Aboû H’assân Yah’çobi,

(1) Cf. Annales, p. 212.

(2) Les Fr, hist. ar. mentionnent aussi la mort de Moùsa (p. 407).—
Ibn Khallikàn (ir, 131 de la trad.) a consacré un article à Sohnoùn ou
Sahnoùn, auteur de la Modawwana ; cf. Berbères, i, 419; mss d’Al-
ger, n* 491, f. 1 v, et n» 884, f. 23 v°; ms de Paris 2103, f. 30.

(3) Sur le règne de ce prince, cf. Berb., i, 415; Annales, p. 213.

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– 138 –

qui avait fréquenté Mâlik et reçu son enseignement M.
Comme un jour Ziyâdet Allah lui demandait son avis sur
le vin, il répondit par cette question : « Quel est le prix du
rachat (diya) de la raison [ou du sang versé < 2 )] ? — Mille dinars. — Veuille Dieu amender l’émir ! Ainsi donc Thomme recherche [P. 101] ce qui vaut mille dinars et le vend pour un demi-dirheml — Mais, lui dit-on, [si la raison est éclipsée par le vin,] chaque fois elle revient. — Veuille Dieu amender l’émir I [si elle revient, c’est] après que Ton a étalé ce que l’on doit cacher, exposé aux siens sa nudité, battu les uns et injurié les autres. » En 228 (9 octobre 842), aucun trouble n’agita l’If rik’iyya. c Arib et d’autres disent que ni celte année-là ni les deux qui suivirent, il n’y eut aucun événement digne d’être noté ( 3 ). En 230 (17 septembre 841) mourut Behloûl ben c Amr ben Çâlih’, juriste qui reçut les leçons de Mâlik et de ses disciples ixub. En 231 (6 septembre 845), Ahmed ben el-Aghlab mar- cha contre son frère Mohammed et acquit la suprémalie de la manière que voici (*). Il s’entendit avec un groupe d’affranchis, et se retrouva avec eux au rendez-vous convenu à l’heure de midi ; puis cette troupe se rendit à l’Ancien château (Kaçr kadîm) et trouva la [première] porte sans gardes. On la franchit donc sans résistance, puis on la ferma, et on fit de même pour les autres. On se jeta alors sur Aboû c Abd Allah ben c Ali ben H’omeyd, (1) Voyez Annales, p. 215. (2) L’intraduisible jeu de mots du texte roule sur le mot ‘a/*’/, raison, ou paiment du prix du sang. (3) Comparez, Annales, p. 216. (4) Voirie, p. 222, Digitized by Google – 139 – le vizir, à qui Ah’med fit trancher la tête. Le combat s’ètant alors engagé avec les gardes de Moh’ammed ben el-Aghlab, ceux-ci furent interpellés par les partisans d’Ahmed.: « Pourquoi voulez-vous nous combattre, alors que nous sommes toujours fidèles à Moh’ammed ben el- Aghlab ? Nous n’en voulions qu’aux fils d’ e Ali ben H’omeyd, qui vous ont appauvris et ont pris pour eux, sans vous, en faire part, les biens de votre maître, mais nous ne sommes pas des rebelles. » Ces paroles arrêtèrent toute résistance, et Moh’ammed, en présence d’événe- ments qui le surprenaient sans qu’il fût préparé à y faire face, prit séance dans le salon réservé aux audiences publiques et reçut son frère Ahmed et les assaillants, qui ne déposèrent même pas leurs armes. A. la suite d’une scène de reproches réciproques, les deux frères se récon- cilièrent et jurèrent de ne commettre aucune trahison l’un contre l’autre. Tout le pouvoir, moins le titre, passa à Ahmed, qui emprisonna, confisqua et châtia à sa guise, récompensa ses soldats et préleva les impôts. Il prit comme vizir Naçr ben H’amza (*). •En 232 (27 août 846), Moh’ammed ben [P. 102] el- Aghlab reprit le dessus sur son frère Ah’med et l’em- prisonna, de sorte qu’il reconquit le pouvoir ( 2 >. Aidé
dans son entreprise par plusieurs de ses cousins pater-
nels et de ses clients, il enivra les portiers et ftt si bien
qu’il pénétra dans la ville, où il se battit contre son
frère toute la nuit. Il rendit à la liberté ceux qu’Ahmed

(1) Noweyri donne à ce ministre le nom de Naçr ben fiamza Dje-
ràwi (Berbères, i, 415 et 417).

(2) Noweyri (ibid.) raconte plus au long les préparatifs de
Moh’ammed, mais sans donner de date ; Ibn Khaldoûn [Aghlabides,
p. 113) les recule à Tannée 233. Gf. Annales, p. 222.

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— 140 —

avait fait emprisonner et dont il obtint le concours; il
vida ses trésors et ses provisions de vêtements au profit
des K’ayrawâniens (pour les faire marcher avec lui).
Ahmed, exilé en Orient, alla mourir dans l’Irak.

En la môme année, le kàdi c Abd Allah ben e Aboû’l-
Djawâd fut révoqué, ce qui amena Soh’noûn à dire à
Moh’ammed ben el-Aghlab : « émir, veuille Dieu te
récompenser! tu viens de révoquer le Pharaon, l’oppres-
seur, le tyran de ce peuple ». Ibn Aboû’l-Djawâd était
présent à ce moment, et sa barbe, qu’il portait tout
entière, tremblait sur sa poitrine (lorsqu’il entendit,
parler ainsi).

En 233 (16 août 847), Soh’noûn ben Sa c id ben H’abib
Tenoûkhi, dont le nom était c Abd es-Selàm, mais que
son acuité d’intelligence fit surnommer Soh’noûn, fut
investi des fonctions de kâdi d’Ifrîk’iyya. Pendant toute
une année il résista aux offres que lui fit l’émir, et ne
finit par revenir sur ses refus réitérés qu’à la suite des
serments* les plus formels et des engagement les plus
positifs du prince, de lui laisser toute liberté de juger,
qu’ils lû
Hâchim surnommé H’arwiya.

En cette année aussi, la guerre sainte lut faite en
Sicile par le gouverneur de cette île, El- e Abbâs ben el-
Fad’l, qui commanda l’expédition d’été et fit du butin et

des prisonniers. Il marcha contre la forteresse [de ];

il conquit la majeure partie du pays et une portion de la
population lui demanda la paix.

En 243 (29 avril 857), la campagne d’été contre les
chrétiens en Sicile [P. 106] fut menée par El- f Abbàs ben
el-Fad’l, qui fit du butin et des prisonniers. La popula-
tion de K’açr el-H’adîdM, après un siège de deux mois,
obtint la paix au prix de quinze mille dinars. Les habi-
tants du château de Chalfoûda (Cefalù) durent sortir de
cette forteresse, que le vainqueur démantela.

En 244 (18 avril 858), El- C Abbàs s’avança de nouveau
sur le territoire chrétien et y fit un butin abondant. Son
frère entreprit une expédition maritime contre l’île de
Crète et commença par y faire des prisonniers et du
butin, puis les choses tournèrent contre les musulmans,
qui perdirent du monde et auxquels vingt bâtiments
furent enlevés < 2 ). En 245 (7 avril 859), le prince d’Ifrik’iyya Aboû Ibrahim ben el-Aghlab dépensa des sommes considérables à faire creuser des réservoirs, à bâtir des mosquées et à édifier des ponts, à cause d’un mot qui lui était échappé dans un moment d’ivresse. (1) Gagliano (? Storia dei Mus., i, 327). Dans Ibn el-Athîr (Annales, p. 226), on lit El-Kaçr el-djedîd. (2) Ces trois alinéas figurent dans la Biblioteca, pp. 11-12. — L’ex- pédition de 244 contre la Crète n’est pas mentionnée dans les An- nales, 10 Digitized by Google – I4tf — En 246 (27 mars 860), fut creusé le grand réservoir près la porte de Tunis, et eut lieu la mort de l’ascète et pieux serviteur de Dieu, Aboû Khalaf, dont le nom était Mat’roûh’ ben K’ays. En 247 (16 mars 861), une grande inondation rompit le pont de K’ayrawân, et le prince en ordonna la restaura- tion. En cette année moururent c Abd er-Rah’mân ben c Abd Rabbihi, dont les prières étaient exaucées du ciel, ainsi qu’El- c Abbâs ben el-Fad’l, gouverneur de Sicile, le 3 djomâda I (14 juillet 861) (*>. Les habitants de cette île
choisirent Ah’med, oncle paternel du défunt, pour leur
chef, et ce choix, qu’ils firent connaître à Aboû Ibrahim
Ah’med ben Moh’ammed ben el-Aghlab, fut ratifié par le
prince d’Ifrik’iyya.

L’année 248 (6 mars 862) vit l’achèvement de la cons-
truction du grand réservoir de la porte de Tunis ( 2 ), des
agrandissements de la grande mosquée- de K’ayrawân,
et de la restauration du pont de la porte d’Aboû’r-Rebî c .

En cette année eut lieu l’expédition de Rebâti’ [ben
Ya c k’oûb ben Fezâra], lequel, après avoir heureusement
débuté, subit une défaite où ses tambours et ses éten-
dards tombèrent aux mains de l’ennemi; une partie de
ses soldats fut aussi faite prisonnière. Mais ensuite il
reprit le dessus et s’empara de la ville de Djebel Aboû
Mâlik (Erice), où tout tomba entre ses mains et qu’il
livra aux flammes. Il organisa en outre diverses colon-
nes, qui obtinrent des succès* 3 ).

– (t) Ou le 3 djomâda II, d’après les Annales, p. 229.
(2) Ce grand bassin est décrit dans Bekri (p. 65) et dans Ylstibçâr
(-p.il).

– (3) Cet alinéa figure dans Amari (t. n, p. 13) ; j’ai complété le nom
de Rebâh d’après Noweyri.

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– 147 –

Le mardi 13 dhoû’l-k’a’da 249 (27 décembre 863) mourut
Aboû Ibrahim Ah’med ben Moh’ammed ben el-Aghlab,
prince [P. 107] d’Ifrîk’iyya, après un règne de sept ans et
dix mois et demi, à l’âge de 28 ans.

Gouvernement de Ziyâdet Allah ben Moh’ammed ben el-Aghlab
ben Ibrahim ben el-Aghlab.

Il monta sur le trône le jour même de dhoû’l-kVda où
mourut Aboû Ibrahim (*). Il écrivit ensuite à Khafâdja, en
lui envoyant des vêtements d’honneur, pour le confirmer
dans sa situation de gouverneur (de la Sicile). Ziyâdet
Allah, second prince aghlabide de ce nom, fut un homme
actif, doux, administrateur très juste, aux actes irrépro-
chables, sage, énergique, libéral et brave. La brièveté de
son règne ne lui permit pas d’accomplir des actes destinés
à passer à la postérité. Il mourut dans la nuit du vendredi
au samedi 20 dhoû’l-kVda 250 (24 décembre 864), après
avoir régné un an et sept jours.

Gouvernement d’Aboû’l-Gharânlk’ Moh’ammed ben Ahmed
ben Moh’ammed ben el-Agfilab.

Ce prince, fils du frère de son prédécesseur, monta sur
le trône le samedi 20 dhoû’l-kVda 250 (24 décembre 864);
il tire son surnom d’Aboû’l-Gharânîk’ (l’homme aux
grues) de la passion qu’il mettait à chasser ces oiseaux,
passion telle qu’il consacra 30,000 mithkâl d’or à cons-
truire un pavillon où il se rendait pour se livrer à ce

(1) Ibn Khaldoûn est seul à le dire fils de son prédécesseur (Aghla-
bides p. 116; Berb., i, 422).

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~ 148 –

genre de chasse. Sa générosité touchait à la prodigalité,
mais ses sujets n’avaient qu’à se louer de son adminis-
tration ; puis l’amour des voluptés le domina entièrement
et jusqu’à la fin de sa vie. Il ne songea nullement à thé-
sauriser, à ce point qu’après sa mort, son frère ne trouva
dans le trésor rien qui vaille-la peine d’être mentionné.
Son règne fut rempli de guerres, de la plupart desquelles
il va être parlé.

En 251 (1 er février 865) eut lieu l’expédition dite des
mille cavaliers. Khafâdja, gouverneur de Sicile, marcha
contre Castrogiovanni, dont il ravagea les cultures, puis
s’avança [P. 108] vers Syracuse et dirigea des attaques
contre cette ville ; ensuite il s’éloigna, mais en faisant
marcher contre elle son fils Molf ammed, qui, à l’aide
d’un stratagème, tua mille cavaliers sortis de Syracuse,
d’où le nom de a expédition des mille cavaliers. » (*)

En 252 (21 janvier 866), Moh’ammed ben H’amdoûn
Andalosi Ma c âfiri éleva à K’ayrawân le saint djâ?nî c qui
porte son nom, et dont les matériaux sont des briques
cuites, du plâtre et du marbre; il y fit aussi installer des
réservoirs. — Khafâdja, gouverneur de Sicile, fit une
expédition en territoire chrétien; après avoir conquis
plusieurs forteresses, il fut atteint d’une maladie grave
et transporté en litière à Palerme.

L’année 253 (10 janvier 867), dit Ibn el-K’at’t’ân, ne vit
en Ifrîk’iyya aucun événement qui mérite d’être rapporté.

En 254 (31 décembre 867), Khafâdja, gouverneur de
Sicile, marcha contre un patrice venu de Constantinople
avec des forces considérables de terre et de mer, le
battit à la suite d’un combat acharné, lui tua plusieurs

(1) Cet alinéa figure dans la Biblioteca, n, 13.

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– 149 –

milliers d’hommes et lui enleva ses armes et ses che-
vaux. Khafâdja pénétra ensuite dans Syracuse et dans
plusieurs autres villes, et après y avoir fait un butin
considérable rentra le 1 er redjeb (25 juin 868) dans sa
capitale Palerme.

En 255 (19 décembre 868), Khafâdja, s’étant mis en
campagne, se heurta à des forces ennemies considéra-
bles; à la suite d’une lutte acharnée, un brave d’entre
les braves musulmans vint à périr, et sa mort jeta le
désordre chez les nôtres. Khafâdja se dirigea alors sur
Syracuse, qui se défendit, et il campa sous les murs en
ravageant les campagnes environnantes. Ce fut en cette
même année que mourut ce chef; son expédition terminée,
il s’éloigna de Syracuse pour regagner Palerme quand,
à la nuit tombante, un de ses soldats le frappa d’un coup
de lance dont les suites furent mortelles, le 1 er redjeb
(14 juin 869) ; l’assassin put s’enfuir à Syracuse, et le
cadavre de Khafâdja fut rapporté et inhumé à Palerme.
Le choix des Siciliens se porta alors sur Moh’ammed,
fils du défunt, et l’émir Aboû’l-Gharânîk’ Moh’ammed,
que l’on informa de cette élection, la ratifia et envoya des
vêtements d’honneur au nouveau gouverneur (*).

En 256 (8 décembre 869) mourut le très pieux juriste
Moh’ammed ben Soh’noûn Tenoûkhi ( 2) .

En 257 (28 novembre 870), les fonctions de kâdi d’Ifrî-
k’iyya furent confiées [P. 109] à c Abd Allah ben Ah’med
ben T’âleb, en remplacement de Soleymân ben c Imrân.

(1) Les renseignements concernant Khafâdja pendant les années
252, 254 et 255, se retrouvent dans la Biblioteca, II, 13-14. Cf.
Annales, p. 244.

(2) On trouve des articles consacrés à ce personnage dans les mss
d’Alger, n° 851, f. 4, et 884, f. 31 ; 2103 de Paris, f. 34, et 5032, f. 104 v°.

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— 150 —

Le 3 redjeb de cette année (26 mai 871), Moh’ammed
ben Khafàdja, gouverneur de Sicile, fut assassiné en
plein jour, par ses serviteurs, qui purent cacher leur
méfait jusqu’au lendemain de leur fuite ; mais ils furent
pris, et plusieurs furent mis à mort. Ibn el-Aghlab nomma
au gouvernement de la Sicile Ah’med ben Ya e k’oûb, et la
Grande Terre eut pour gouverneur c Abd Allah ben
Ya c k’oûb. L’un et l’autre firent, Tannée même, des expé-
ditions qui causèrent des pertes aux infidèles, mais il
n’y eut en 257 aucun événement en lfrik’iyya qui mérite
d’être noté.

En 258 (17 novembre 871), mourut Ah’med ben
Ya c k’oûb, gouverneur de Sicile; son ûls El-H’oseyn le
remplaça et fut confirmé dans ses fonctions par le prince
d’Ifrîk’iyya.

En 259 (6 novembre 872), Soleymân ben c Imrân prit la
place d ,
mâda I 261 (16 février 875) après un règne de dix ans et
cinq mois et demi, sous le khalifat total ou partiel d’El-

Mosta’in billàh, d’EI-Mo c tazz, d’El-Mohtadi et d’El-

MoHamid.

Gouvernement d’Ibrahim ben Ah’med ben Moh’ammed
ben el-Aghlab.

Aboû’l-Gharânik’ avait désigné son fils Aboû c Ik’âl
comme héritier présomptif et avait fait jurer cinquante
fois W à son propre frère, Ibrahim ben Ah’med, qu’il
respecterait cette décision. [P. 110] Mais après la mort
d’Aboû’l-Gharânik’, les habitants de K’ayrawân allèrent
trouver Ibrahim ben Ah’med, qui était alors leur gou-
verneur, et dont ils étaient très satisfaits, rengageant à
se révolter et à pénétrer dans le palais, et lui disant qu’il
était le (véritable) émir : « Mais, leur répondit-il, vous
n’ignorez pas que mon frère a choisi son fils pour lui suc-
céder et a exigé de moi le serment cinquantenaire que je
ne susciterais aucun obstacle à son héritier et que je n’en-
trerais pas dans son palais. — Tu seras, lui dit-on, émir
dans ta propre demeure, dans l’Ancien château, et tu ne
feras pas d’opposition à son fils ; mais nous ne tenons pas
à ce qu’il règne et c’est toi que nous reconnaissons, car
nos têtes ne sont soumises à aucun serment de fidélité. »
Il sortit alors à cheval de K’ayrawân et fut suivi de la
plupart des habitants, qui livrèrent combat aux habitants
du Château, si bien qu’il pénétra dans sa demeure, où les

(1) Sur les cinquante serments, voir Khalil, tràd. Perron, v, 460 ;
le Minhadj de Van den Berg, m, 191 ; Querry, Recueil de lois, n, 583.

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– 152 –

cheykhs et les principaux d’Ifrîk’iyya, ainsi que l’ensôm-
ble des Benoûl-Aghlab, lui jurèrent fidélité (*>.

En 262 (5 octobre 875) mourut Aboû Zeyd Chedjra ben
e Isa, kâdi de Tunis, qui était âgé de 99 ans ; il était rem-
pli de qualités et compte parmi les meilleurs kâdis( 2 >. —
Alors aussi fut fondée, par des marins espagnols, la
forteresse de la ville de Ténès.

En 263 (23 septembre 876) Ibrahim ben Ah’med ben
el-Aghlab commença à bâtir la ville de Rak’k’âda ( 3 ).

En 264 (12 septembre 877) fut achevée la construction
du château connu sous le nom d’El-FathW, où Ibrahim
ben Ah’med se transporta. C’est dans l’Ancien château
qu’il fut tué plus tard par ses clients révoltés.

Le mercredi 14 ramad’ân de cette année (19 mai 878),
Syracuse fut conquise : on y massacra plus de quatre mille
renégats, on y fit un butin plus considérable que jamais
dans aucune ville chrétienne, et pas un dés guerriers qui
la défendaient n’échappa. Les musulmans l’emportèrent
après neuf mois de siège, et après y avoir séjourné pen-
dant deux mois, ils la ruinèrent.

En cette année, le gouverneur de Sicile, Dja’far ben
Moh’ammed, fut tué par ses pages joints à El-Aghlab ben
Moh’ammed ben El-Aghlab, surnommé Khordj er-Ro c –
oûna, et à Aboû c Ik’âl el-Aghlab ben Ah’med, qui étaient
l’un et l’autre retenus en prison par lui. Khordj er-Ro c –
oûna devint alors maître [P. 111] de Païenne ; mais les

(1) Voirie récit de Noweyri (ap. Berbères, i, 424) et Annales^ p. 247;
cf. Fournel, i, 523.

(2) Le ms 5032 de Paris lui consacre un article, f. 63.

(3) Bekri (p. 68) parle longuement de cette ville de Rakkàda ; cf.
Istibçàr, p. 12, et Fournel, i, 526.

(4) On lit « Aboû’l-Fath » dans Noweyri (l. J., p. 425, et Des Vergers,
Hist, de l’Afrique, p. 127 n.).

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– 153 –

habitants de cette ville attaquèrent ces deux chefs et leurs
partisans, les chassèrent en Ifrîk’iyya, et ce fut El-H’oseyn
[ou H’asan ?] ben Rebâti’ qui devint gouverneur de Sicile.

En 265 (2 septembre 878), ce dernier entreprit l’expé-
dition d’été dans la direction de Taormine. Les musul-
mans, qui eurent d’abord le dessous dans cette campagne,
revinrent ensuite à la charge, mirent les chrétiens en
fuite et en tuèrent un certain nombre, parmi lesquels
leur patrice.

En 266 (22 août 879), une grande disette, suite d’une
sécheresse intense, régna en Ifrîk’iyya. — Le gouverneur
de Sicile entreprit une expédition maritime contre les
chrétiens, qui armèrent une flotte d’environ cent quarante
bâtiments. A la suite d’une bataille acharnée, les musul-
mans durent livrer leur flotte, et ceux qui la montaient
se retirèrent à Palerme, d’où, pendant plusieurs mois, ils
envoyèrent des colonnes piller, les terres chrétiennes
avoisinant cette ville W.

En 267 (11 août 880), c Abd Allah ben Ahmed ben T’âleb
Temîmi prit la place de kàdi aux lieu et place de Soley-
mân ben e Imrân. — El-H’asan ben el- c Abbâs devint
gouverneur de Sicile. — Le fils d’Ibn T’oûloûn fit, pour
s’emparer de l’Ifrîk’iyya, une tentative que je vais
raconter ( 2 ).

El- c Abbâs ben Ah’îned ben T’oûloûn, fils du gouverneur
d’Egypte, s’avança en rebi c II (novembre-décembre 880), à

(1) Ces quatre alinéas se retrouvent dans la Biklioteca n, pp. 15-17.

(2) Cf. Annales, pp. 253 et 255. Noweyri (ap. H. cl. Berbères, I, 426)
fait de cette tentative du fils d’Ibn Toûloûn, en l’année 265, un récit
beaucoup moins circonstancié ; et la concision d’Ibn Khaldoûn (d’a-
près qui les divers incidents de cette aftaire se déroulèrent de 265
à 267) est plus grande encore (des Vergers, Hist. de l’Afrique, 128).

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— 154 –

la tête de huit cents cavaliers et de dix mille nègres de son
père, fantassins portés par cinq mille chameaux, contre
la ville de Bark’a, dans l’intention de se rendre ensuite en
Ifrîk’iyya pour la conquérir sur les Aghlabides. Il était
accompagné de huit cents charges de dinars en or prove-
nant du trésor égyptien et destinés à subvenir au paîment
de la solde de ses troupes; on dit que cela faisait douze
cent mille dinars. Le secrétaire Aboû c Abd Allah Ah’med
ben Moh’ammed figurait dans sa suite, mais enchaîné,
car il avait refusé de faire partie de l’expédition. [P. 112]
En effet, son avis avait été qu’El- c Abbâs ne se rendit à
Tripoli qu’après avoir gagné les Berbères à sa cause.
Mais le prince, qui était en état de rébellion contre son
père, lui répondit: «En procédant ainsi, il y a lieu de
craindre que les troupes gouvernementales n’arrivent
de Syrie avant que j’aie réussi de ce côté, et, d’autre part,
que ce délai ne permette à Ibrahim ben Ah’med de pré-
parer sa défense. En partant sur le champ, j’arriverai à
l’improviste à Lebda (*) et à Tripoli, où je commencerai
aussitôt à gagner les Berbères par l’argent et les bien-
faits, et mon éloignement de l’Egypte ne laissera à mon
père Ah’med ben T’oûloûn aucun espoir de me poursui-
vre sérieusement. » Mettant ce plan à exécution, il se mit
en marche pour Lebda; mais, à cette nouvelle, Ibrahim
ben Ah’med fit partir Ah’med ben K’orhob* 2 ) avec seize
cents hommes armés à la légère, tous cavaliers, qui,
brûlant les étapes et marchant même la nuit, étaient à
Tripoli avant qu’El- c Abbàs fut arrivé à Lebda; leur chef
se mit aussitôt à faire toutes les levées qu’il put dans le

(1) Sur Lebda (Leptis mar/na), voirBekri, 26, 199 ; Edrisi, trad., p. 154.
(?) Ou, d’après Noweyri, Mohammed ben Korhob (l. l.> p. 426).

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– 155 –

djond et les Berbères de Tripoli, et arriva en toute hâte
à Lebda, où il pénétra. Alors s’avança El- c Abbâs ben
Toûloûn, qui avait fait faire à Bark’a cinq-mille bend ou
ceintures (*), avait lait monter chacun de ses fantassins
avec son bend à chameau, et se trouvait ainsi à la tête de
huit cents chevaux et de cinq mille fantassins. Ah’med
ben K’orhob se heurta contre lui à quinze milles de
Lebda ( 2 ); mais bien que les chameaux sur lesquels
étaient montés les fantassins d’El- c Abbâs fussent restés
en arrière, il n’y eut qu’un court engagement : Ibn
K’orhob, qui croyait n’avoir affaire qu’à une avant-garde,
fut battu et se retira à Tripoli. El- c Abbâs se mit à sa
poursuite et arriva sous les murs de cette ville, devant
laquelle il dressa ses mangonneaux; il en commença le
siège, et pendant quarante-trois jours dirigea contre elle
ses attaques. Mais quelques-uns de ses nègres s’étant
montrés trop entreprenants vis-à-vis de Bédouines dont
ils soulevèrent les voiles, les Tripolitains demandèrent
du secours à Aboû Mançoûr, chef de Nefoûsa, qui, obéis-
sant à sa foi et prenant fait et cause pour ses voisins
musulmans, marcha à la tête de douze mille guerriers
de Nefoûsa contre El- c Abbâs, [P. 113] à qui il déclara la
guerre. Celui-ci ayant alors demandé conseil au secré-
taire Aboû c Abd Allah, reçut cette réponse : « [lacune] à
Bark’a son lieutenant. Les Nefoûsiens, redoublant d’ar-
deur au combat, le fils d’Ibn Toûloûn, vaincu < 3 ), dut fuir à Bark’a après avoir vu ses troupes entièrement dépouil- (1) Ce mot n’a pas été relevé par Dozy dans son lexique ; on voit qu’il doit désigner une sorte de lien ou de ceinture ayant pour but de maintenir en selle un cavalier inexpérimenté. (2) A Wàdi Ourdasa, selon Noweyri (ap. Berbères, i, 426). (3) A Kaçr H’àtim, selon lbn Khaldoûn (des Vergers, p. 128). Digitized by Google – 156 – lées par lés Tripolitains, tandis que les Nef oûsieris s’abs- tinrent complètement de piller* Ibrahim ben Ahmed avait (dans l’entretemps) procédé à des levées dans le djond et avait, puisqu’Aboû’l-Gharânik avait laissé le trésor vide, fait frapper des dinars et des dirhelns avec le métal provenant des bijoux de ses femmes. Il s’avan- çait en personne vers Tripoli, quand il apprit la fuite du fils d’Ibn Toûloûn, et alors il fit rechercher, pour les reprendre à ceux qui les détenaient, les valeurs enle- vées aux fuyards : aussi les soldats vendaient-ils secrè- tement, et comme ils pouvaient, tous les milkhàl d’Ibn Toûloûn, de crainte de se les voir enlever. En 268 (31 juillet 881), Ibrahim ben el-Aghlab dirigea une attaque inopinée contre les habitants du Zâb, qu’il massacra eux et leurs enfants ; des charriots emportè- rent les cadavres amoncelés. jusqu’aux fosses où on les jeta. En la même année, El-Hasan ben el- c Abbâs, gouver- neur de Sicile, fut révoqué et remplacé par Moh’ammed ben el-Fad’l. En £69 (20 juillet 882) mourut Soleymân ben H’afç el- Ferrâ’, qui était djahmideW et affirmait la création du Koran. Le peuple, à qui il prêchait ses doctrines, son- geait à le tuer. En 270 (10 juillet 883) moururent le kâdi Soleymân ben e Imrân, qui était paralytique, H’oseyn ben Zeyd ben e Ali, et le juriste Aboû H’âtim Hichàm ben H’âtim, dont le ciel exauçait les prières. En 271 (28 juin 884) mourut El-H’oseyn ben Ah’med, (1) C’est-à-dire partisan de Djahm ben Çafwàn, hérésiarque dont parlent Chahristani (trad. ail., I, 89 ; texte, p. 60; Djordjani, Tarifât, p. 84 ; Khitat, de Makrizi, t. n, p. 351). Digitized by Google – 157 – gouverneur de Sicile, qui fut remplacé par Sawàda ben Moh’ammed ben Khafâdja Temîmi. En 272 (17 juin 885) le dit Sawàda organisa diverses colonnes qui rentrèrent en rapportant les dépouilles enlevées aux chrétieps. Il y eut aussi diverses rencon- tres entre les musulmans et Nicéphore, patrice arrivé de Constantinople à la tête d’une armée considérable. Ce chef put entrer dans la ville de Santa Severina, d’où les musulmans furent autorisés à sortir pour se retirer en Sicile. En 273 (7 juin 886), la population de Palerme attaqua le gouverneur de nie, Sawàda ben Moh’ammed, ainsi que son frère et quelques-uns des principaux conseillers, et on les renvoya [P. 114] enchaînés en Ifrik’iyya; après quoi on tomba d’accord pour élever au pouvoir Aboû’l- c Abbâs ben e Ali W. En 274 (27 mai 887) eut lieu l’arrivée d’Ahmed ben ‘Omar ben f Abd Allah ben Ibrahim ben el-Aghlab, sur- nommé H’abechi( 2 >. Cette année-là aussi mourut en Ifri-
k’iyya Ah’med ben H’odeyr, qui avait reçu les leçons de
Soh’noûn.

En 275 (15 mai 888), une attaque soudaine des musul-
mans de Sicile eut pour résultat le massacre de plus de
sept, mille infidèles et la noyade d’environ cinq mille.
Aussi les chrétiens évacuèrent-ils de nombreuses villes
et forteresses avoisinant le territoire musulman. Des

(1) Ces trois alinéas figurent dans la Biblioteca, n, 17-18. Cf.
Annales, 261 et 262.

(2) Il doit s’agir de l’arrivée de ce prince en Sicile, mais ce passage
n’a pas été relevé dans la Biblioteca; voir cependant ce qui y est dit,
1. 1, p. 400, et il, 718 et 724.

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– 158 —

colonnes poussèrent jusque dahs la Grande terre et en
ramenèrent des captifs (*).

En la même année eut lieu en Ifrîk’iyya l’affaire connue
sous le nom d’insurrection des dirkemsW. A la suite de
la frappe de dirhems justes de poids^que fit faire Ibrahim
ben Ah’med, ce prince abrogea l’usage des fragments de.
métal; mais la populace mécontente ferma les boutiques
et se réunit pour se rendre à Rak’k’âda en poussant des
cris contre Ibrahim, qui fit enfermer ces braillards dans
la mosquée principale. A cette nouvelle, les K’ayrawâ-
uiens se portèrent vers la porte de la ville en manifes-
tant l’intention d’en repousser le prince. Ce dernier leur
envoya son vizir Aboû c Abd Allah ben Aboû Ish’âk’, qui,
assailli par des injures et des coups de pierre, se retira
auprès de son maître et l’informa de la situation. Alors
Ibrahim se dirigea à cheval vers K’ayrawân, accompagné
de son chambellan Naçr ben eç-Çamçâma et d’un cer-
tain nombre de soldats du djond. Le prince commença
l’attaque et il s’ensuivit une mêlée qui dura quelque
temps ( 3 ), puis le prince.se retira vers le moçalla, où il
mit pied à terre et s’assit, défendant aux siens de conti-
nuer la lutte. Quand il. eut recouvré son calme et que la
population elle-même se fut apaisée, le juriste et ascète
Abou Dja c far Ahmed ben Moghîth vint le trouver, (et à
la suite de leur conversation) le vizir Aboû c Abd Allah
ben Aboû Ish’âk’ entra à K’ayrawân avec Ahmed ben
Moghîth, parcourut le bazar et ramena le calme chez les

(1) Biblioteca, n, 18.

(2) Il n’est parlé de cette insurrection ni par Ibn Khaldoûn, ni par
Ibn el-Athir, ni par Noweyri.

(3) J’ai déplacé ces mots, qui dans le texte viennent plus bas, con*
lormément à la correction proposée par Dozy.

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-. 159 ^

habitants. Ibrahim retourna alors à Rak’k’àda, où il fit
rendre à la liberté ceux qui étaient détenus dans la
grande mosquée. A partir de ce moment et jusqu’à
aujourd’hui, les dirhems de mauvais aloi (*) et les frag-
ments de métal cessèrent d’avoir cours, [P. 115] et.
Ibràhîm ben Ahmed fit frapper des dinars et des dirhems
qu’il appela *àchiri parce que chaque dinar valait dix
dirhems.

En la même année il enleva ses fonctions de kûdi
d’Ifrik’iyya à c Abd Allah ben Ahmed ben T’âleb ben
Sofyân et l’emprisonna ; puis il lui envoya un plat
empoisonné que Tex-kâdi mangea dans sa prison et dont
il mourut foudroyé, au mois de redjeb (novembre 888).
Cette place fut donnée à Ibrahim ben Ahmed ben Mo-
h’ammed ben c Abdoûn ben Aboû Thawr, dont le grand-
père était meunier et écrivait son nom Moh’ammed ben
c Abd Allah Ro c ayni.

En 276 (5 mai 889), la guerre sainte fut faite en Sicile
par Sawâda ben Moh’ammed, qui fit une expédition dans
laquelle il assiégea Taormine ( 2 >.

En la même année Ibràhîm jeta en prison son secré-
taire Moh’ammed ben H’ayoûn, surnommé Ibn el-Beridi,
qui lui adressa alors ces vers :

[Basît’j Suppose que j’ai mal agi : où y aura-t-il faveur et
magnanimité, puisque l’obéissance et le repentir me ramè-
nent à toi? O toi, le plus généreux de ceux vers qui les

(1) Texte en-nok’oûd, que Sauvaire, traduisant ce passage, rend
par « les monnaies », de même qu’il rend par « les derhams entiers »
r ls^\ *jbL jJ\ ce que j’ai traduit plus haut justes de poids {Journal
as., 1880,1, pp. 243 et 478).

(2) Biblioteca, n, 18.

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– 160 –

mains se tendent, seras-tu sans pitié pour celui dont la
plume du Destin t’a déjà annoncé la mort? Ta colère est
bien grande, mais pardonne en souverain puissant; les
princes qu’on implore se montrent miséricordieux.

Ibrahim, en lisant ces vers, dit: « Il m’écrit « suppose
que j’ai mal agi », comme si la chose n’était pas certaine I
Si encore il avait écrit :

[Wâfir] Nous sommes des secrétaires et nous avons failli ;
mais suppose que nous sommes des secrétaires d’hommes
magnanimes !

je lui aurais pardonné » ; et alors ce prince, que Dieu
confonde 1 fit enfermer le malheureux dans un cercueil
où il mourut.

En 277 (24 avril 890), Ibrahim fit périr son chambellan
Naçr ben eç-Çamçâma sous le fouet : cinq cents coups
lui en furent appliqués, de sorte qu’il ne proféra plus
une parole ni ne fit le moindre mouvement, après quoi on
lui trancha la tète. (Pendant qu’on le frappait), il dit aux
assistants : « Ne croyez pas que je m’afflige de mourir ; je
vous promets d’ouvrir et de fermer la main à trois
reprises quand j’aurai été décapité >/. Il le fit comme il
avait dit, et Ibrahim, surpris de ce qu’on lui raconta, lui
fit légèrement inciser la poitrine pour en retirer le cœur ;
il examina cet organe qui présentait la curiosité d’être
placé (?) dans le foie et d’être muni de poils presque par-
tout m.

[P. 116] En 278 (14 avril 891), Aboû’l- c Abbâs Ah’med
ben Ibrahim ben Ah’med ben el-Aghlab fut chargé de
recevoir les réclamations contre les actes arbitraires ;

(1) Cf. Amari Storia, n, 59.

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– 161 –

Moh’ammed ben el-FacTl fut nommé gouverneur de
Sicile. Le bureau de l’impôt foncier (kharâdj) fut offert
au chrétien Sawâda à condition qu’il embrassât l’isla-
misme ; mais comme il répondit n’être pas homme
à abandonner sa religion pour obtenir une place, il fut
coupé en deux, puis crucifié.

En 279 (2 avril 892), Moh’ammed ben el-Fad’l, gouver-
neur de Sicile, fit son entrée dans Palerme, la capitale,
Ie2çafar(3mai892)( 1 ).

En cette année, Ibrahim ben Ah’med fît exécuter des
habitants d’Ifrik’iyya [lacune] et de volupté. Au nom-
bre des victimes figurait Ish’âk’ ben c Imrân, qui prati-
quait la médecine et était connu sous le nom de Poison
foudroyant; il fut exécuté et crucifié (*). Le chambellan
Fath’ périt également paf le bâton. En outre, tous les pages
furent mis à mort. En effet, les astrologues et les devins,
auxquels le prince prêtait une oreille attentive, lui
avaient prédit qu’il mourrait de la main d’un assassin
au caractère mal fait qui serait peut-être un page ; aussi
Ibrahim croyait-il voir son homme dans chacun des
pages qui, agile, ardent, prompt et susceptible, s’exer-
çait au maniement du sabre, et il le faisait exécuter. Il en
avait déjà fait périr plusieurs quand il se dit qu’il était
devenu odieux à leurs yeux, et pour se mettre en garde
contre eux il les fit tous égorger en la dite année. Il les
remplaça par des nègres, puis hanté “par les soupçons
qui l’avaient fait se débarrasser des pages slaves, il fit
aussi massacrer tous les nègres.

(1) Biblioteca, n, 19.

(2) Wustenfeld (Arab. Aerzte, p. 32, n° 77) a consacré une notice à:
ce médecin.

il

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^TT”*

– 462 –

En 280 (22 mars 893) eut lieu l’affaire des guerriers de
Belezma. Après avoir fait la guerre â Belezma, Ibrahim fit
venir à Rak’k’âda environ sept cents des plus braves de
cette ville, leur donna l’hospitalité et les traita généreu-
sement. Il fit construire pour eux un vaste édifice renfer-
mant des demeures particulières n’ayant toutes qu’une
même porte de sortie, et il les y installa. Lorsqu’il les vit
complètement rassurés, il convoqua §es guerriers de
confiance pour leur payer leur solde et leur ordonna
d’aller le lendemain matin trouver son fils c Abd Allah et
d’exécuter les ordres qu’il avait donnés à ce dernier.
Quand c Abd Allah eut autour de lui les hommes du
djond, il marcha à leur tête contre les Belezmïens, qui
défendirent leur vie jusque dans l’après-midi, mais
qui lurent massacrés jusqu’au dernier. [P. 117] Ce fut là
une des causes qui contribuèrent à la chute de la dynas-
tie aghlabide, car les Belezmiens, la plupart d’origine
K’aysite, formaient un millier d’Arabes et de guerriers
du djond arrivés en Ifrîk’iyya lors de la conquête et pos-
térieurement, et maintenaient en respect les Kotâma.
Le massacre qu’en fit Ibrahim permit à ceux-ci de rele-
ver la tête, et ils purent, de concert avec le Chi c ite, se
révolter contre les AghlabidesW.

La même année vit divers territoires se soulever et se
détacher d’Ibrâhîm. Les habitants de Tunis, de la pres-
qu’île [de Bâchoû]; de Laribus, de Bâdja et de K’amoûda
se révoltèrent et mirent à leur tête soit des guerriers du
djond, soit d’autres, par suite des actes tyranniques
d’Ibrâhîm, qui leur enleva leurs esclaves et leurs che-
vaux. Toute l’Ifrîk’iyya fut en feu contre lui, et il ne resta

(1) Cf. Noweyri, ap. Berb., i, 427.

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— 163 —

plus entre ses mains que le Sâhel et la partie orientale
jusqu’à Tripoli. Il fit creuser autour de Rak’k’âda un
fossé qu’il munit de portes de fer, appela à lui ses guer-
riers de confiance et installa à proximité du palais les
cinq mille (^ nègres qu’il avait enrôlés. Mais à la suite de
divers événements Tunis fut, cette année même* empor-
tée de vive force. En effet, comme les habitants de
K’amoûda révoltés se mettaient en campagne, Ibrahim
envoya contre eux Meymoûn H’abechi,. qui leur livra
bataille, les mit en fuite et leur fit subir des pertes. Les
Tunisiens, qui s’étaient aussi mis en campagne, furent
ensuite dispersés par Meymoûn ; ceux de la presqu’île
[de Bâchoû] et de Ça’lfoûra subirent le même sort et
perdirent tant de monde qu’on emporta les cadavres sur
des charriots à K’ayrawân. Le 20 dhoû’l-hiddja (2 mars
894J, Tunis fut prise d’assaut et livrée au pillage pendant
que les enfants étaient faits prisonniers et les femmes
abandonnées à la soldatesque &h

C’est en cette année ( 3 ) qu’entra en Ifrîk’iyya Aboû
c Abd Allah, missionnaire des Chi c ites, dont nous allona
raconter brièvement les débuts jusqu’au jour où il arriva
au pouvoir.

Débats de la dynastie Obeydite chi’ite (*).
Depuis la mort d’ c Ali ben Aboû Tâleb, dit El-Warrâk,

(1) Noweyri dit cent mille (ib., p. 428).

(2) Comparez Noweyri, l. L, p. 428.

(3) D’autres auteurs donnent la date de 288, qui a été adoptée par
Fournel (n, 56).

(4) Sur les origines de cette dynastie, on peut consulter de Sacy,
Exposé de la religion des Druzes, t. i, introd. ; Quatremère, dans le
Journal asiatique, 1836, n, 97 ; Ibn Khaldoûn, Histoire des Berbères,

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— 164 –

les Chi c ites ont toujours [P. 118] prêché la croyance en
un imâm impeccable qui doit, prétendent-ils, établir la
vérité, et n’ont pas cessé d’envoyer partout leurs mis-
sionnaires, mais sans succès jusqu’alors. A la suite de
consultations et de correspondances, il fut décidé d’en-
voyer au Maghreb un missionnaire chargé d’y développer
l’amour de la famille [d’ c Ali]. Le résultat des correspon-
dances échangées à ce sujet entre tous les centres, fut
qu’on choisit un adepte intelligent, éloquent, instruit et
bon controversiste nommé Aboû c Abd Allah Çan c âni, à
qui l’on fournit les fonds nécessaires pour sa mission, et
qui se rendit (à la Mekke) à l’époque du pèlerinage pour
y rencontrer les pèlerins venus du Maghreb, tâter leurs
habitudes, apprendre à connaître leurs croyances et s’in-
génier à arriver au pouvoir par les procédés les plus
simples. Gloire à Celui dont les arrêts fixent les événe-
ments et qui détermine les choses à son gré ! Il n’y a
d’autre divinité que Lui !

Son voyage à la saison du pèlerinage n’avait pas celui-
ci pour but, car cette secte odieuse ne le pratique pas, ce
n’était qu’un moyen pour arriver à ses fins. Il trouva une
dizaine de Maghrébins originaires des Kotâma, parmi les-
quels un de leurs cheykhsW, et entra en relations étroites

il, 506; Makrizi, ap. Chrestomathie de Sacy, n, 88; Nicholson, The
establishment of the fatemite dynasty in Africa, Tubingen, 1840 ;
Wustenfeld, Geschichte der Fatimiden Chalifen, Gottingen, 1881 ;
Ibn el-Athir, Annales, p. 272; lbn Khallikàn, r, 465, et n, 77 ; Four-
nel, Les Berbers, n, 40; Ibn llammàd, dans ]e Journal Asiat., 1855,
i t 529 ; de Goeje, Mém. sur les Carmathes du Bahraïn, Leide 1886 ;
ci-dessous, pp. 157 et 292 du texte ; Nodjoûm, ms 1780 de Paris, fol.
32 v°, etc.

(1) D’après le récit d’Ibn Khaldoûn {Berbères, n, 510), ce cheykh était
Moùsa ben H’oreyth, chef des Sekyan ; cf. Ibn el-Athir, Annales, p. 281.
Cela se passait en 280.

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– 165 –

avec eux. Il leur demanda et obtint d’eux la description
de leur pays, ainsi que des renseignements sur leur rite.
Il se mit alors à leur parler des divers rites, et trouva
que le cheykh penchait pour le rite ibâd’ite nakkârite^
ce qui lui fournit une entrée en matière. Peu à peu il les
attira et les séduisit grâce à ses dons de talent oratoire
et à sa science dans la controverse, si bien que son élo-
quence lui livra entièrement leurs intelligences. Etant près
de rentrer chez eux, ils l’interrogèrent sur ses affaires et
sa situation : a Originaire de l’Irak, répondit-il, j’étais
au service du sultan, mais j’y ai renoncé quand j’eus
reconnu que ce n’était pas là une bonne œuvre. Je me
suis alors mis à chercher quelque moyen licite de gagner
ma vie, et le seul que j’aie trouvé, c’est d’enseigner le
Koran aux enfants. D’après les renseignements que j’ai
recueillis, c’est en Egypte que cela peut se faire le mieux.
— Eh bien ! lui dirent-ils, nous passons par l’Egypte,
qui [P. 119] est sur notre route ; fais le voyage avec nous. »
Se rendant à leurs instances, il partit avec eux. Au
cours de la route, il les amena, par ses conversations,
à incliner vers sa croyance, et, peu à peu, leurs cœurs se
remplirent d’amour pour sa personne, de sorte qu’ils le
prièrent de venir enseigner le Koran à leurs enfants ;
mais il s’en défendit en alléguant leur trop grand éloigne-
ment : « Si je trouve en Egypte ce qu’il me faut, je m’y
fixerai ; sinon, je vous accompagnerai peut-être jusqu’à
K’ayrawân ». Quand on fut arrivé en Egypte, il les quitta
quelque temps, feignant de chercher ce qu’il voulait; puis

(1) Sur les Ibàdites, voir entre autres une note de Y Histoire des
Berbères, h 203; Ghahristâni, texte, p. 100, et trad. Haarbrucker, i,
151 ; cf. Bekri, Description de l’Afrique, p. 322; Istibçâr, tr. h\, p. 59.

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– 166 –

quand les Maghrébins l’eurent rejoint et l’interrogèrent,
il dit que ses recherches étaient restées vaines, mais, en
présence de leurs nouvelles instances, il condescendit à
les accompagner. Enfin, ils renouvelèrent à K’ayrawàn
leur demande pour qu’il se rendît chez eux, s’engageant
à lui confier l’enseignement du Koran à leurs enfants,
ainsi qu’il le demandait : « Je ne puis, dit-il, ne pas rester
à K’ayrawàn pour y chercher mon affaire; mais si je ne
réussis pas,7*>irai vous trouver. » Le cheykh, qui était le
plus pressant et qui lui rendait le plus d’honneurs, lui
décrivit sa demeure et la localité des Kotâma où il habi-
tait.

Resté à K’ayrawàn, le missionnaire s’entoura de ren-
seignements sur les diverses tribus et ne douta plus
que de toutes les tribus d’Ifrîk’iyya les Kotâma ne cons-
tituassent la plus nombreuse, la plus puissante et la
moins soumise au sultan. Sa conviction faite, il se mit
en route pour retrouver son ami le cheykh, et, monté sur
une mule blanchâtre dont il fit l’acquisition, il partit
avec une caravane jusqu’à ce qu’il fût arrivé non loin du
lieu où habitait son ancien compagnon. Il se détourna
alors, et trouva bientôt une aire où l’on dépiquait le blé
à l’aide de bœufs et où se tenaient un vieillard Kotâmien
et son fils. Il s’approcha, et à son salut les deux hommes
répondirent en se levant et en lui adressant les souhaits
de bienvenue et des offres d’hospitalité, qu’il accepta. Le
missionnaire fut honorablement reçu, et sur sa demande,
il apprit que Temmâm était le nom du fils et Mo c ârik
celui du vieillard, ce qui lui fit penser en lui-même qu’il
réussirait, mais non sans combats (*). Il manifesta alors le

(1) Ce présage est tiré du sens qu’on peut donner à ces deux noms
propres.

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— 167 —

désir de se retirer, et on lui donna une femme chargée
de lui indiquer la route, car les hostilités régnaient entre
eux et leurs cousins. Poursuivant son chemin, il arriva
[P. 120] dans un endroit occupé par les Kotâma et passa,
monté sur sa mule blanchâtre, près de la mosquée où se
trouvait, en train d’enseigner, un instituteur qui se leva,
le salua et le considéra longuement. Cela intrigua Aboû
c Abd Allah, qui, mettant pied à terre, entra dans la
mosquée et appela l’instituteur en lui disant : « J’ai re-
marqué que tu nous regardais longuement, moi et ma
mule ? — C’est pour une raison que je vais te dire : il y
avait autrefois chez les Kotâma un devin nommé Feylak’,
qui, voyant leurs guerres civiles, leur disait : « Vous ne
verrez la[vraie] guerre qu’à l’arrivée chez vous de l’Oriental
à la mule blanchâtre ». Aussi cette prédiction m’est-elle,
en te voyant, revenue à la mémoire ». L’importance de
ces paroles frappa Aboû c Abd Allah, qui s’en réjouit, et
comme elles s’ajoutaient au présage favorable qu’il avait
déjà recueilli, elles le confirmèrent dans son projet et
augmentèrent son audace, car sans cela il n’aurait rien
osé entreprendre; louange à Celui qui est cause de tout !
Il arriva enfin jusqu’au lieu habité par son ami le
cheykh et mit pied à terre dans la mosquée, où se
trouvait un instituteur qu’entouraient les enfants, parmi
lesquels les fils du cheykh. A l’heure du zohr, l’insti-
tuteur fit l’appel à la prière, et le cheykh, ainsi appelé à
la mosquée, aperçut Aboû c Abd Allah, qu’il salua et
embrassa. Quand l’instituteur voulut ensuite se diriger
vers le mih’râb, le cheykh l’en empêcha et y envoya le
nouveau-venu ; puis, la prière terminée, il l’emmena chez
lui, le combla d’honneurs et s’entretint avec lui jusqu’à
la prière de Yaçr. A ce moment, il se rendit à la mosquée

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– 168 –

avec lui, et l’instituteur, soupçonnant alors quelque
chose, quitta la mosquée, et renonçant à y enseigner plus
longtemps, se retira. Aboû c Abd Allah commença alors
à dire la prière dans cette mosquée et à y enseigner les
enfants avec tant de zèle, que ceux-ci réunirent une
somme de 40 dinars à laquelle le cheykh ajouta quelque
chose et qu’il offrit à son ami, en s’excusant de cette
démarche. Mais le missionnaire, sans y toucher, plongea
sa main dans une sacoche qui était à son côté et en tira
500 dinars qu’il étala devant le cheykh, en disant : « Je ne
suis pas un instituteur, et mon but est celui que je vais
te dire : nous ne sommes pas autre chose [P. 121] que les
partisans de la famille (d’ c Ali), et il existe une tradition
vous concernant, vous autres les Kotâma, et portant que
vous serez nos aides, que vous établirez notre gouverne-
ment, que, par vous, Dieu, manifestera sa foi, élèvera par
vous la famille (d ,f Ali), d’où sortira un imâm que vous
soutiendrez et pour lequel vous verserez votre sang,
fera par vous la conquête du monde entier, et que vous
serez de cela récompensés au double, par l’obtention des
biens de ce monde et de l’autre. — J’aspire, dit le
cheykh, à ce dont tu m’as inspiré le désir, et nous
verserons pour cela, moi et ceux qui me suivent, notre
sang et notre or; je te serai plus soumis que tes propres
membres, ordonne ce que tu veux et j’obéirai ! — Appelle
(à mes doctrines) les plus intimes de tes cousins par
ordre de proximité ! — Je vais les y appeler », dit le
cheykh, qui se mit aussitôt à répandre ces doctrines chez
ses proches et ses intimes.

Le mois de ramad’àn étant arrivé, Aboû c Abd Allah dit
au cheykh : « Nous voilà en ramad’àn, mois où notre rite
ne nous permet pas de dire les prières terâwîh\ car elles

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– 169 –

ne reposent pas sur la tradition d u Prophète, mais sur celle
d ,f Omar seulement ( j ). Je me bornerai, à la prière de la
nuit close, à prolonger la lecture du Koran, à lire les lon-
gues sourates ( 2 ), aux lieux et place des dites prières. —
Mon obéissance t’est acquise, fais ce que tu voudras », dit
le cheykh. Mais l’histoire de cette prière transpira, de
même que s’ébruitèrent des renseignements relatifs aux
prédications faites par le missionnaire à certains de
ceux qui s’étaient rendus dans la demeure du cheykh et
auprès de son fr&re. Celui-ci même demanda au cheykh
ce qu’il avait à faire avec cet Oriental qui corrompait, sa
foi et dénaturait son rite: « Je t’ai appelé, dit le cheykh,
pour l’affaire où je me suis mis moi-même; ou bien
suis-moi, ou bien cesse de m’adresser des reproches qui
vont à l’adresse de quelqu’un dont j’ai mis à l’épreuve la
vertu, le mérite et la religion ! » Son frère s’éloigna
irrité, et le cheykh, prenant alors à part tous les autres,
leur dépeignit sous de si brillantes couleurs le mérite
d’Aboû v Abd Allah, que tous leurs cœurs se remplirent
pour lui d’un amour qui vint s’ajouter à la haute estime
dont il jouissait déjà auprès d’eux. A son invitation,
l’étranger prit la parole et leur adressa dans sa langue
un discours où il leur dit qu’ils étaient les soutiens et les
partisans de la famille d’ c Ali, et la douceur de son lan-

(1) Ainsi qu’on le voit par notre texte, ces prières surérogatoires
qu’on dit dans la nuit pendant le mois sacré, et qui ne reposent que
sur la Sonna, ne son! pas admises par les Fatimides. On peut con-
sulter à ce sujet la Chrestomathie de Sacy, i, 167 ; Sidi-Khalil, texte,
p. 28, 1. 1, et trad. Perron, i, 191 et 536.

(2) C’est-à-dire celles qui sont les plus longues, ou les sourates n
à vu et xviii ; mais il y a néanmoins divergence sur le point de
savoir celles qui méritent le plus cette épithète (voir les commen-
taires de Khalil ad l. I, et le Olctionary of the tçchnical ternis,
p. 658 et 659),

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– 170 –

gage les séduisit si bien qu’ils répondirent sur le champ
à son appel. Alors [P. 122] arriva le frère du cheykh qui,
prônant le maître de ses enfants et le prétendant plus
instruit qu’Aboû c Abd Allah, demanda qu’il y eût entre
eux une discussion contradictoire, pour laquelle rendez-
vous fut pris. Au jour dit, le frère du cheykh arriva avec
ses fils et leur maître ; mais le cheykh, qui savait son
arrivée, réunit quelques-uns de ses cousins qui étaient
devenus ses coreligionnaires et leur dit d’attaquer, quand
la conférence serait commencée, la tente de son frère,
tandis qu’il en plaçait d’autres en embuscade sur le
chemin menant à la tente. Le frère du cheykh était avec
ses enfants et leur maître quand des cris provenant de sa
tente le firent revenir au galop de ce côté ; mais il tomba
dans le groupe placé en embuscade, qui l’assaillit à coups
de sabre et le laissa mortellement blessé sur le terrain.
A cette nouvelle, le cheykh, jouant l’ignorance, s’empressa
d’accourir et reçut les doléances de ses cousins. On égor-
gea alors du bétail pour préparer un repas qui leur était
destiné et où il leur annonça la mort de son frère. Il
employa la ruse auprès d’autres de ses cousins et prit
d’eux des engagements écrits par lesquels ils déclaraient
se soumettre aux ordres du missionnaire, si bien que
beaucoup d’entre eux se joignirent à lui.

Pendant sept ans, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, le
cheykh fit la guerre avec ses gens et ses cousins. Près de
mourir, il rassembla ces derniers ainsi que ses proches
pour leur recommander de ne pas faire d’opposition au
missionnaire, et mourut après l’avoir spécialement confié
à ses enfants. Les Kotâma obéirent fidèlement à Aboû
c Abd Allah, et quantité d’autres tribus se rendirent à
son appel; il institua un bureau (d’enregistrement) et

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– 171 –

les soumit au service militaire. « Ce n’est pas, leur
disait-il, dans mon intérêt personnel que je vous appelle,
mais pour l’imâm impeccable issu de la famille d’ c Ali,
dont les signes sont tels et tels »; et il leur dépeignait
les miracles qu’il devait faire et que l’intelligence se
refuse à admettre, mais qui furent regardés par eux
comme une chose certaine. «C’est lui, disait-il encore, qui
sera le chef, je ne serai que l’exécuteur de ses ordres
lorsqu’il — c’est-à-dire c Obeyd Allah — paraîtra ». Il ne
l’avait jamais vu, mais il savait par les cheykhs de la secte
ce qui le concernait, et il y ajoutait une foi absolue et
sans réserve. Arrivé enfin à être entièrement maître des
Berbères, il assiégea [P. 123] les villes les prlus impor-
tantes, battit le prince d’Ifrik’iyya et lui enleva le pays.

En 281 (12 mars 894), Ibrahim ben el-Aghlab envoya
Meymoûn H’abechi (*) à Tunis pour y exécuter des Temî-
mites et autres, dont les cadavres furent crucifiés à la
porte de la ville. Les principaux de Tunis se rendirent
avec Meymoûn H’abechi auprès du prince, qui donna à ce
général des vêtements de soie brodée et de brocard, lui
passa au cou un collier d’or, le fit promener à cheval et
le renvoya le lendemain à Tunis. Lui-même se rendit
dans Cette ville le huit redjeb^et s’y installa.

En 282 (1 er mars 895), une trêve de quarante mois fut
conclue en Sicile avec les chrétiens, moyennant la mise
en liberté de mille captifs musulmans et la livraison
d’otages musulmans qui devaient alternativement et par

(1) Je lis Habechi, aiusi que ce mot est écrit plus haut (p. 163)
et conformément à la correction de Dozy. Fournel a accepté la
leçon Hàchemi (i, p. 572).

(2) Correspondant au 12 septembre 894 ; Noweyri donne la date du
31 juillet.

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– i7â —

périodes de trois mois être tantôt arabes tantôt berbè-
res ( l ). En la même année, Ibrahim donna à ses fils des
commandements dans les diverse^ provinces d’Ifrik’iyya.

En 283 (18 février 896), Ibrahim quitta Tunis et re-
tourna à Rak’k ada ; Aboû Mançoûr Ah’med ben Ibrahim
se rendit à Tripoli, et Aboû Bah’r ben Adhem se rendit
en Egypte.

En cette année eut lieu l’affaire de Nefoûsa. Une
vingtaine de mille hommes à pied de ce pays, sans cava-
lerie, s’opposèrent, entre Gabès et Tripoli, au passage
d’Ibrahim ben Ah’med ( 2 ), qui alors les attaqua, les battit
et en massacra la plus grande partie. Puis il s’en alla
tout doucement vers Tripoli, où il fit exécuter Aboû’l-
e Abbâs Moh’ammed ben Ziyâdet Allah ben el-Aghlab,
homme instruit, policé et auteur de divers ouvrages ( 3 ).
Le motif de sa mort fut la lettre adressée par le khalife
abbaside El-Mo c tad’id billâh à Ibrahim ben Ahmed pour
lui reprocher sa cruauté envers les Tunisiens et lui dire
qu’il devait renoncer à de pareils procédés ou trans-
mettre l’autorité à son cousin Moh’ammed ben Ziyâdet
Allah. De Tripoli, Ibrahim se rendit à Tâourghâ, où il
fit exécuter quinze individus dont il fit cuire les têtes,
comme s’il voulait les manger en compagnie de ses
conseillers W. Alors ses soldats prirent peur, car ils le
crurent fou, et un certain nombre l’abandonnèrent. En pré-

(1) Ces cinq lignes figurent dans la Biblioteca (n, 19).

(2) Ibrahim marchait dans la direction de l’Egypte pour y attaquer
Ibn Touloun (Noweyri et Ibn Khaldoun, ap. Des Vergers, p. 131, et
Hist. des Berbères, i, 430).

(3) (îf.Fournel, i, 576, n. 1.

(4j On sait combien cet acte de barbarie est souvent raconté au
moyen-âge (Dozy, Recherches, 3 a éd., i, 37).

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— 473 —

sence de ces défections [P. 126] et craignant de rester
seul, Ibrahim regagna Tunis, et à son arrivée, il frappa
ceux qui l’avaient abandonné d’une amende de trente
dinars, qui fut appelée « l’amende des fuyards. »

En 284 (7 février 897) un mouvement qui se produisit
à Nefoûsa fut cause qu’AboûVAbbâs [ c Abd Allah] ben
Ibrahim massacra un grand nombre d’habitants ; ce
prince fit en outre environ trois cents prisonniers qu’il
mena à son père. Celui-ci les ayant fait venir, un cheykh
s’avança: « Connais -tu, lui dit Ibrahim, ‘Ali ben Aboû
T’âleb? — Veuille Dieu, ô Ibrahim, répondit-il, te mau-
dire à cause de ta tyrannie et te faire périr I » M Ibrahim
le fit égorger, lui arracha le cœur de sa propre main et
fit subir le même supplice à tous les prisonniers sans
exception ; puis leurs cœurs furent enfilés dans une corde
et exposés à la porte de Tunis.

Anecdote relative à Ibrahim ben el-Aghlab et an vertueux cheykh
Aboû’l-Ah’waç.

Aboû’l-Ah’waç Ah’med ben c Abd Allah Mekfoûfi, pieux
ascète voué aux exercices religieux, était originaire de
Sousse( 2 ). Les actes de tyrannie et de cruauté d’Ibrâhîm
devenant tous les jours plus nombreux, il fit venir un
homme de Sousse, à qui il dicta un message adressé à
Ibrahim et où on lisait quelque part : « Homme impie,
tyran et fourbe, tu t’es détourné des lois religieuses de
l’Islam., mais bientôt tu verras ta place marquée dans la

(1) Cette campagne parait n’être que la suite de celle de Tannée
précédente ; Noweyri n’en parle pas (Berbères, i, 430). La réponse du
cheykh, qui était khàredjile, est donnée plus au long et, par suite,
d’une manière plus intelligible, par cet auteur.

(2) Il est parlé de lui dans les mss d’Alger n° 851, f* 9, et 884, f. 29.

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– 174 –

géhenne ; tu y descendras et alors tu sauras. » A la
réception de cette lettre, Ibrahim furieux fit porter à
Aboû’i-‘Ah’waç ce message : « Nous te pardonnons à
raison de ton mérite et de ta piété, mais tu vas nous
envoyer celui qui Ta écrite; faute de quoi, je jure que je
ferai exécuter tels et tels Soussiens, ce dont tu porteras
la responsabilité. — Tues-en mille, répondit le saint
homme, toi seul en seras responsable. Tu réaliserais ta
menace que je ne nommerais pas celui que tu cherches.
Porte ton repentir à ton Créateur et mets un terme à ta
conduite tyrannique ! » Le prince n’osa rien faire, et
Aboû’l-Ah’waç mourut dans Tannée.

WEn 285 (17 janvier 898), éclata en Sicile, entre les
Arabes et les Berbères de cette île, une guerre civile, au
cours de laquelle arriva une lettre d’Ibrâhîm les exhor-
tant à se soumettre et amnistiant tout le monde, sauf
Aboû’l-H’asan [P. 125] ben Yezîd et ses deux fils, ainsi
qu’El-H’ad’rami. On arrêta donc ces quatre personnages
et on les envoya à Ibn el- Aghlab : mais le premier absorba
un poison qui le foudroya, et son cadavre fut crucifié,
puis ses deux fils furent exécutés. Quant à El-H’ad’rami,
le prince mit d’abord des gens pour rire et plaisanter avec
lui, puis il lui dit que ce n’était pas le moment de plaisan-
ter, et il le fit périr sous les verges en sa présence.

En 286 (16 janvier 899), la colère d’Ibrâhîm s’abattit
sur plusieurs de ses pages ( 2 ). Il y eut, la même année,
des difficultés à Biskra entre Aboû’l- c Abbàs ben Ibra-
him ben Ahmed et les Benoû Belt’ît’ ; il dispersa les ban-

(1) Le paragraphe qui suit figure dans la Biblioteca (n, 19).

(2) Peut-être est-il fait là allusion à ce que raconte Noweyri (Ber-
bère8, i, 437 ; voir plus bas).

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– 175 –

des de ces derniers, non sans en tuer un bon nombre, et
Y démêla la situation embrouillée.

<*) En 287 (6 janvier 900), un événement important se
produisit en Sicile. Aboû’l-Abbàs c Abd Allah ben ibràhîm
ben Ah’med, envoyé par son père à la tête de la flotte
pour y remettre les choses en ordre, gagna promptement
Palerme en promettant l’amnistie aux habitants. Mais le
kâdi de cette ville étant venu le trouver avec plusieurs
de ses concitoyens, tous furent emprisonnés ; cependant,
le kadi fut renvoyé. Huit cheykhs d’Ifrik’iyya, qu’il
envoya ensuite aux Palermitains, furent à leur tour, et
par représailles, emprisonnés. Ils attaquèrent ensuite
Aboû’l- c Abbâs, mais furent défaits et subirent des pertes
considérables, en outre de plusieurs bâtiments qui furent
anéantis, si bien que leur fuite ne finit qu’à Palerme même.
Aboû’l-‘Abbâs s’étant alors avancé, leur livra bataille à
la porte de la ville, et par suite des nouvelles et sensibles
pertes qu’il leur infligea, les força à demander quartier,
ce qui leur fut accordé. Il entra à Palerme le 20 ramad’àn
287 (17 septembre 900).

En 288 (25 décembre 900), Ibrahim envoya son fils Aboû
c Abd Allah avec un fort corps d’armée dans le Zâb.

En la même année, le gouverneur de Sicile, Aboû-
c Abbâs, au cours d’une expédition qu’il entreprit, enleva
d’assaut la ville de Reggio, où il fit un butin considérable;
diverses forteresses offrirent de se rendre et payèrent la
capitation W.

En 289 (15 décembre 901), Ibrahim, à la suite des pro-

(1) Ce paragraphe figure dans la Biblioteca (h, 20).

(2) Ces cinq lignes se retrouvent ibid., p. 21 ; j : ai suivi la correction
du nom Reggio, proposée par A mari.

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— 176 –

grès accomplis chez les Kotâma par Aboû c Abd Allah, le
missionnaire (chiite), revint à de meilleurs sentiments et
tâcha, par sa conduite, de satisfaire le peuple et de se con-
cilier les grands: il renonça aux actes arbitraires, abolit
les impôts non canoniques (k’abâlât) et le prélèvement de
la dîme en nature, fit aux propriétaires fonciers [P. 126]
la remise de l’impôt foncier pour cette année, qui prit le
nom A’ année équitable, rendit ses mamlouks à la liberté
et remit aux juristes et aux principaux de K’ayrawân des
sommes considérables, destinées à être réparties par eux
entre les malades et les indigents; mais elles furent gas-
pillées, distribuées à des gens qui n’y avaient pas droit,
et servirent à payer des voluptés et des plaisirs. Il rappela
de Sicile son fils Aboû’l- c Abbâs, et à son arrivée lui confia
l’exercice du pouvoir, de sorte qu’Aboûl- c Abbâs fit à son
gré les nominations de gouverneurs.

Renseignements généraux sur Ibrahim ben Ah’med ; sa mort.

Né le jour des Victimes de 230(17 août 845), il mourut le
lundi 17 dhoû’l-ka c da de la dite année (22 octobre 902) en
pays chrétien ; son cadavre, ramené en Sicile, y fut inhumé
quarante-trois jours plus tard ; il était âgé de quarante-
deux ans et en avait régné vingt-huit, plus six mois et
douze jours W. Pendant les six premières années de son

(1) Les dix lignes qui précèdent figurent ilrid. A mari n’a pas, en cet
endroit, relevé la contradiction que renferme notre texte, d’après
lequel Ibrahim, né en 230, serait mort à l’âge de quarante-deux ans,
en 289 (cf. Fournel, i, 582). Ibrahim mourut devant Cosenza, en Cala-
bre (voir le récit d’Ibn el-Athîr, Annales, p. 249, et Berbères, i, 433).
On peut voir sur ce prince et son caractère des appréciations beau-
coup moins pessimistes dans Noweyri (Berbères, i, 435) et dans Ibn
el-Athir [Annales, p. 247).

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-177 –

règne, son administration fut aussi bonne et ses actes
aussi louables que ceux de ses ancêtres; mais ensuite,
ses procédés changèrent, il se mit à rechercher l’argent,
et d’année en année, le changement alla en s’aggravant.
Sa méchanceté devint terrible, il se mit à faire périr
ses compagnons et ses chambellans, et jusqu’à son fils
Aboû’l-Aghlab et à ses filles, en un mot à commettre des
actes inconnus jusqu’alors. Il était rongé par l’ennui et
dévoré par l’envie. Après avoir dans ses débuts été l’au-
teur de beaux traits et d’actes louables, il fut attaqué
d’une maladie noire qui dérangea ses facultés et lui fit
commettre les méfaits que nous avons dits. On raconte
que, ne retrouvant pas un petit mouchoir avec lequel
il s’essuyait la bouche et qui, tombé de la main d’une
jeune esclave, avait été ramassé par un domestique, il
fit pour cela exécuter trois cents serviteurs ! L’exécution
de son fils, qu’il fit décapiter sous ses yeux, eut pour
cause les soupçons qu’il avait conçus contre lui. Il fit
aussi “trancher sous ses yeux la tête de ses frères au
nombre de huit. Sa mère, [P. 127] chaque fois qu’il nais-
sait une fille à ce prince, la tenait cachée et la faisait
élever secrètement, afin de la sauver de la mort, et elle
arriva ainsi à réunir seize jeunes filles semblables à
autant de pleines lunes. Elle dit alors à Ibrahim, un jour
qu’elle le vit dans des sentiments de clémence : « J’ai,
seigneur, élevé à ton intention de belles esclaves musi-
ciennes que je veux te faire voir. » Il y consentit, et quand
elles furent en sa présence, elle lui dit : « Celle-ci est la fille
que tu as eue dételle femme, celle-là de telle autre », et
ainsi de suite. Sorti de chez sa mère, Ibrahim appela un
de ses esclaves noirs et lui dit d’aller couper la tête de ces
jeunes filles et de les lui apporter. Gomme l’esclave

12

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– 178 –

frappé d’horreur restait immobile : «Va, te dis-je, reprit
Ibrahim, sans quoi tu subiras le premier leur sort. » La
mère du prince, en recevant le messager, fut à son tour
glacée d’horreur par Ténormité du crime, et voulut ren-
voyer l’esclave auprès de son maitre. Mais le nègre lui
répondit que c’était impossible ; il accomplit sa funèbre
besogne et rapporta, les tenant par les cheveux, les seize
têtes qu’il jeta aux pieds de son maitre, que puisse Dieu
punir ! Il fit aussi entrer bon nombre de ses pages dans
le bain, ferma sur eux les portes de l’éluve et les fit ainsi
tous périr. Il commit de nombreux méfaits analogues,
rapportés par Er-Rak’ik’ et par d’autres (*).

En 289 (15 décembre 901), Aboû’l- c Abbàs ben Ibrâhîm
ben Ah’med exigea la restitution des sommes versées
par son père aux juristes et aux principaux habitants
pour être distribuées aux pauvres, « car, dit-il aux
cheykhs dlfrîk’iyya, vous avez profité de la maladie de
mon père et de mon absence pour vous procurer de l’ar-
gent ». Il en fît ainsi rentrer la majeure partie.

En la même année, Aboû c Abd Allah el-Ah’waK 2 ) ben
Aboû’l- c Abbâs se rendit dans la ville de T’obna pour
faire la guerre au Chi c ite. Le 22 dhoû’l-k’a’da (29 octobre
902), il y eut une chute considérable d’étoiles filantes ( 3 ),
de sorte que le peuple appela aussi année des étoiles celle
qui portait déjà les deux noms d’année équitable et d’an-
née de tyrannie.

En 290 (4 décembre 902), une circulaire d’Aboû’MAbbâs

(1) Ces traits de barbarie et d’autres analogues sont racontés par
Noweyri {Berbères, i, 436).

(2) On trouve aussi ce surnom écrit différemment, voir Ibn el-
Athir, Annales y 266, n. 2.

(3) Voir Fournel (i, 582).

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– 179 –

ben Ibrahim invita les différents gouverneurs à faire
prêter le serment de fidélité à son autorité, vu que son
père, la lui ayant transmise et le laissant seul maitre, se
consacrait à la dévotion. Cela se fit avant qu’il connût la
mort d’Ibrâhîm.

[P. 128] Gouvernement d’Aboû’l-‘Abb&s ben Ibrahim ben An’med.

Ce prince fit montre de mortification, se tenant
accroupi sur le sol, rendant justice aux opprimés, faisant
sa société des savants aux avis desquels il recourait, et
ne montant à cheval que pour se rendre à la grande mos-
quée. Certains disaient qu’il agissait ainsi d’après l’avis
des astrologues, et d’autres qu’il était sous le coup d’une
hallucination (*). Il écrivit à son fils Ziyâdet Allah, qu’on
lui avait dénoncé comme ayant des idées de révolte, de
quitter la Sicile et de se rendre auprès de lui. Ziyâdet
Allah, arrivé le 19 djomàda II (19 mai 903), fut dépouillé
par son père des richesses et des approvisionnements
qu’il apportait avec lui, et habita un appartement faisant
partie de la demeure de son père ; en même temps plu-
sieurs de ses compagnons furent emprisonnés.

Aboû’l- e Abbâs ben Ibrahim fut tué le mercredi avant-
dernier jour de cha’bàn (26 juillet 903), ayant régné
depuis la mort de son père neuf mois et onze jours, ou,
depuis que lui avait été remis le pouvoir, treize mois et
vingt -deux jours (*). A la sortie du bain, il se retira dans

(1) Je ne crois pas, malgré l’avis de Dozy, qu’il soit nécessaire de
supposer qu’il y a ici une lacune; le texte porte dL*^-**^ &* f_** <J^>
mots qui, il est vrai, pourraient aussi être rattachés à ce qui suit. —
La portion restante de cet alinéa figure dans la BibL, h, 22.

(2) Sur la date de ce meurtre, voir Fournel (i, 584).

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— 180 —

une demeure (jta) inoccupée et se coucha sur un lit de
jonc après avoir placé son sabre sous sa tête et après
avoir renvoyé tout le monde, sauf deux pages de con-
fiance. Ceux-ci, en le voyant livré au sommeil, se dirent
que l’occasion était bonne pour avancer leurs affaires
auprès de Ziyâdet Allah et rendre ce prince à la liberté
sans qu’il eût plus rien à redouter de son père ; qu’il
prendrait sa place et qu’eux-mêmes auraient de l’in-
fluence auprès du nouveau prince (*). L’un d’eux dégaina
alors le sabre placé sous la tête d’Aboû’l-‘Abbâs et lui en
appliqua un coup si vigoureux qu’il trancha la barbe et
le cou, pénétrant même dans le lit. Son complice franchit
alors un mur de la maison et, arrivant jusqu’à Ziyâdet
Allah, l’informa de la mort de son père. Mais ce prince < 2 >,
craignant quelque embûche, lui dit [P. 129] de prouver
ce qu’il disait en montrant la tête du mort, et le page, en
la lui rapportant presque aussitôt, dissipa tous ses
doutes.

Règne de Ziyâdet AUâh ben Aboû’l-‘Abb&s r Abd Allah ben Ibrahim
ben Ah’med ben el-Aghlab.

– Dès que Ziyâdet Allah fut certain de la mort de son
père, il se débarrassa de ses liens et fit toute diligence
dans la crainte qu’un de ses oncles ne fût mis au cou-

(1) Ce meurtre, selon d’autres, eut Ziyâdet Allah pour instigateur
{Berbères, i, 439; Fourncl, i, 584).

(2) C’est ici que commence la portion du ms d’Arib conservée à
Gotha. Comme Ibn Adhari a le plus souvent reproduit ce texte sans
y rien changer, nous indiquerons par la lettre a ceux des passages
importants qui ne figurent pas dans le ms de Gotha, par b ceux qu’on
trouve dans ce ms et qui manquent dans Ibn Adhari, ces deux lettres
correspondant respectivement aux ( ) et aux [] du texte arabe imprimé.

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– 181 –

rant et ne le devançât dans la prise de possession du
pouvoir. Sitôt arrivé au palais, il fît venir auprès de lui
c Abd Allah ben eç-Çâ’igh et Aboû Moslim Mançoûr ben
Ismâ’il, a l’un et l’autre emprisonnés à raison des
soupçons qu’ils avaient excités a, ainsi qu ,e Abd Allah
ben Aboû Tàleb, et leur dit de faire le nécessaire pour
lui aussi bien que pour eux-mêmes. Ils lui conseillèrent
de faire venir au nom de son père ses oncles et les prin-
cipaux guerriers et officiers. Il le fit, donna des cadeaux
à ces personnages et reçut leur serment de fidélité ; il fit
ensuite proclamer à Tunis que les hommes du djond pré-
sents dans cette ville eussent à se présenter à la porte du
palais. Ces soldats arrivèrent en armes, chacun fut intro-
duit séparément, prêta serment de fidélité et reçut cin-
quante mithkâl; il fut fait de même pour les principaux
habitants, b et le même jour fut rédigé et lu dans la chaire
de la grande mosquée de Tunis l’acte d’investiture 6,
puis on fit prêter serment à la population de la ville, et
les gouverneurs [P. 130] des provinces reçurent Tordre
de faire de même pour leurs administrés ; enfin, à l’appro-
che de la soirée, une proclamation annonça au djond que
les gratifications lui seraient payées le lendemain matin.
Mais les oncles de Ziyâdet Allah disposés à faire défection
attendirent jusqu’à l’arrivée de la nuit. Il les fit enchaîner,
embarquer sur un bâtiment et remettre à des hommes
de confiance, qui reçurent l’ordre de les emmener dans
file d’El-Korrâth <*), à douze milles de Tunis, où ils furent décapités la nuit du vendredi au samedi 3 rama- d’ân. Le djond et les clients se présentèrent le lende- (1) L’île Plane ou Kamela de nos cartes, que cite Bekri (p. 195) ; Tai suivi la transcription de M. de Slane. Voir aussi Fournel, i, 585. Digitized by Google – 182 – main matin pour toucher les gratifications promises; mais quand le commencement du jour fut passé, on leur dit de se retirer, ce jour-là étant consacré aux affaires. Ils se représentèrent le lendemain, ils furent encore renvoyés; cela recommença plusieurs fois, si bien que leur enthousiasme se refroidit et qu’ils trouvèrent ces contradictions rebutantes. Après avoir procédé à son intronisation, Ziyâdet Allah fit venir les deux meurtriers de son père, leur fit couper les pieds et les mains et les fit crucifier à la porte de K’ayrawân et à celle d’El-Djezîra, deux des portes de Tunis. Il fit également mourir son oncle Pascète Aboû’l- Aghlab, qui habitait Sousse, ainsi que son frère (*) Aboû e Abd Allah el-Ah’wal, qu’il rappela de Tobna, b et fit ramener par Fotoûh le chrétien à la tête de cinquante cavaliers b. Il nomma au vizirat b et à la direction des postes b c Abd Allah ben eç-Çà’igh, b à la direction du kharâdj Aboû Moslim Mançoûr ben Ismâ c îl 6, aux fonc- tions de kâdi de K’ayrawân Djemmâs ben Merwân ( 2 ) ben Semmâk Hamadâni, homme dévot et versé dans la con- naissance du rite de Màlek et de ses disciples, qui se montra équitable dans ses jugements et qui, dans l’exer- cice de sa charge b et l’examen des affaires, ne tint aucun compte de la qualité des personnes. (1) Ou son oncle, comme il est dit quelquefois (v. H. des Berb., i, 440 ; Fournel, i, 587 ; Ibn el-Athir. Annales, p. 268). (2) Hammàd ben Merwân dans Noweyri {Berb., i, 440). Il est parlé de ce savant dans les ms 851 d’Alger, f. 9 v., et 884, f. 30 v. ; son nom y est écrit H’ammàs ben Merwân ben Semmàk Hamadâni, et sa mort fixée à 303. L’orthographe H’ammâs est deux fois répétée dans le ms 884 d’Alger, ff. 31 v. et 32, dans les articles consacrés à ses deux fils Sàlim et Harnmoûd, morts Pun en 307 et l’autre en 367. Ni sous Tune ni sous l’autre forme, ce nom ne figure dans le Moschtabih de Dhehebi. Digitized by Google – 183 – En la même année moururent Moh’ammed ben Mo- h’ammed ben el-Faradj Baghdâdi, client des Benoû Hâchim, qui était un homme soigneux et attentif, ainsi que Moh’ammed ben Aboû’l-Minhâl, [P. 131] qui avait une grande situation en Ifrik’iyya. Ziyàdet Allah, pris de soupçon à Tégard d’Ibn el-K’ayyàd, dont les conseils avaient poussé son père Ibrahim à le punir et à l’empri- sonner, le fit exécuter. Alors aussi mourut H’oseyn ben Moh’ammed ben Soleymân, dont le père avait reçu les leçons de Sofyân ben ‘OyeynaW, et qui était un tradi- tionniste et un narrateur sûr b. En cette année fut fondée la ville d’Oran par Moh’am- med ben Aboû c Awn et b Moh’ammed b ben c Abdoûs( 2 ) et par des Espagnols, b Alors aussi moururent le tradition- niste c Ali ben el-Haythem et Ibrahim ben c Othmàn K’orachi Toûnisi, qui étaient l’un et l’autre savants et versés dans les traditions (riwâya). En 291 (23 novembre 903), Moh’ammed ben Ziyâdet Allah fut désigné comme héritier présomptif et reconnu comme tel. b Hodheyl Neft’i, directeur du kharâdj, et Ibn el Manbet, surnommé El- c Idjl, furent exécutés. Le juriste persan Moh’ammed ben Zorzoûr mourut; adepte d’Aboû H’anîfa, il était un habile h’âfiz* et s’occupa d’astronomie et de calcul; son esprit se dérangea, et quand pour l’appeler on lui disait : « Eh corbeau ! » il se mettait à courir et à s’agiter 1 3 ) b. Le gouvernement de K’ayrawân fut donné à c Ali ben (1) Célèbre docteur, mort en 107 hég. (Ibn Khallikàn, 1, 578). (2) Qu’on trouve ordinairement écrit « ‘Abdoùn » (Bekri, 165, etc). (3) Je crois qu’il y a là un jeu de mots entre Zorzoûr, étourneau, et Zawàghi, que je suis tenté de regarder ici comme un adjectif formé du persan l\j corbeau. Digitized by Google — 184 — Aboû’l-Fawàris Temîmi, puis lui fut enlevé et donné à Ah’med ben Mesroûr. Ibrahim ben H’abechi Temîmi fut chargé des opérations militaires contre Aboû e Abd Allah Chi c iW. b En cette année mourut Aboû Dja’far Ah’med ben Dâwoûd Çawwâf, client de Rebî c a, homme de talent remarqué parmi les meilleurs disciples de Soh’noûn; il s’adonna, dans sa jeunesse, à la poésie, puis y renonça. El-H asan ben H’àtim fut envoyé par Ziyâdet Allah en Irak avec des cadeaux et des curiosités b. El -H’asan ben AboûVAych ben Idrîs ben Moh’ammed [P. 132] ben Soleymân ben c Abd Allah ben el-H’asan ben el-H’asan ben c Ali ben Aboû Tâleb succéda à son père, Aboû’l-‘Aych c Isa, dans le gouvernement de DjerâwaŒ. Ziyâdet Allah convoqua à Tunis les juristes d’Ifrîk’iyya pour leur demander de lui venir en aide dans sa lutte contre Aboû c Abd Allah, b Dans la réunion qui fut tenue chez c Abd Allah ben eç-Çâ’igh, directeur des postes b f on étudia cette affaire, et Ibn eç-Çâ’igh leur dit : « L’émir vous fait dire que cet étranger originaire de Çan e à qui, de concert avec les Kotâma, se. révolte contre nous, maudit Aboû Bekr et c Omar, prétendant que les Compa- gnons du Prophète ont après lui apostasie. Il appelle (1) Le nom H’abechi présente diverses variantes qui sont indiquées dans Ibn el-Athir, Annales, p. 291 (Hobeycb, Hawcheb, Khoneych, etc.). Voici la variante b de ce passage : « Ibrahim ben H’abechi quitta Lajlbus pour se mettre en campagne contre Aboû *Abd Allah le chi’ite; il commandait à des troupes nombreuses composées des djonds dlfrik’iyya et s’élevant, dit-on, à 40,000 combattants. ‘Ali ben Aboù’l-Fawàris fut ensuite destitué du gouvernement de K’ay- rawàn et remplacé par Ah’med ben Mesroûr el-Khàl. » (2) Ville fondée par Aboû’1-Aych ‘Isa, sur la rive droite du Kis, à six milles de la mer et à dix milles S.-E. de l’embouchure de la Molouya (Bekri, 180, 207 et 317 ; Edrisi, trad., p. 91 ; ci-dessus, p. 71, et ci-dessous, p. 203 du texte arabe). Digitized by Google – 185 – croyants ses adeptes et infidèles ceux qui ne partagent pas ses croyances, b il permet de verser le sang de ceux qui s’opposent à sa manière de voir. » Les juristes pro- noncèrent Fanathème contre lui, le déclarèrent hors la loi, engagèrent le peuple à le combattre et rendirent des consultations proclamant la guerre sainte b. a Ziyàdet AUâh envoya au khalife Abbaside des présents, compre- nant entre autres choses dix mille mithkâl, dont chacun en valait dix (ordinaires), et portait une inscription for- mée par ces deux vers : [Kâmil] Toi qui vas trouver le khalife, dis-lui : En toutes choses, Dieu t’a donné pour aide suffisante Ziyâdet Allah ben ‘Abd Allah, l’épée de Dieu, qu’il suffit de dégainer pour la protection du khalife a. En 292 (12 novembre 904), b Aboû Moslim Mançoûr ben Ismâ c îl ben Yoûnos se rendit à Rak’k’âda pour restaurer cette ville et remettre tout en ordre ; il fit construire sur le bassin de K’ayrawàn un bateau nommé le glisseur (*). Ziyâdet Allah arriva de Tunis en rebî c II (février-mars 905} et descendit à K’ayrawàn auprès du grand bassin. El-Khâl subit le supplice de la bastonnade et fut promené dans les rues de K’ayrawàn les menottes de bois aux mains et monté sur un mulet bâté. En redjeb (8 mai-7 juin 905), une comète apparut [P. 133] dans la constellation du Capricorne, du côté du Nord, non loin de la Grande Ourse b. L’armée du sultan subit une grande défaite dans les circonstances que voici. Quand Aboû c Abd Allah, le missionnaire, sut que des troupes marchaient contre (1) Bekri parle également de ce bateau (texte p. 26 ; trad. p. 65-66). Digitized by Google – 186 – lui b et qu’il connut combien grand était le nombre des chefs de marque, des héros arabes et des clients qui s’y trouvaient, et quelle était l’importance de leurs appro- visionnements et de leurs engins de guerre, il fut pris de peur, b et convoqua les Kotâma, mais sans employer de liste d’enrôlement ; il se borna à écrire aux chefs des tribus de réunir ceux de leurs hommes qui consenti- raient à lui obéir et désireraient le servir, n’ajoutant rien autre chose sinon que le rendez-vous était tixé à tel jour et en tel endroit, mais en se faisant précéder d’un héraut qui déclarait anathème quiconque n’obéirait pas. Pas un des Kotâma ne manqua à l’appel, et il se constitua ainsi une armée innombrable, b avec laquelle il prit ses dispositions pour livrer bataille à Ibrahim ben H’abechi 6. La rencontre, qui eut lieu à KoboûnaW b et qui dura toute la journée b, fut épouvantable :,elle commença à coups de lance, et quand ces armes furent rompues, les sabres entrèrent en jeu et ne s’arrêtèrent que quand ils furent brisés. Ibrahim fut battu et perdit un grand nombre de ses soldats ; le reste put s’enfuir b à la faveur des ténèbres de la nuit b, car les Kotâma cessèrent la poursuite pour faire main-basse sur les richesses, les armes, les selles, les mors et autres objets. Ces dépouilles, les premières dont s’emparèrent le^ partisans du Chi e ite, leur permirent de se vêtir de soie, de se ceindre de sabres ornés de pierreries, d’employer des selles garnies d’argent et des mors dorés, b et de se constituer une grande réserve [P. 134] d’armes b. La réa- lisation de leurs espoirs exalta leurs esprits; ils se con- (1) Ou trouve ce nom écrit sous diverses formes; je crois qu’il faut lire Belezma (Ibn el-Athir, Annales, p. 291 ; Fournel, n, 63). Digitized by Google – 187 – vainquirent que les promesses de victoire faites par le Chiite n’étaient pas vaines, b que les assurances dé la protection divine qu’il leur avait données étaient bien réelles b, tandis que d’autre part la tristesse et le décou- ragement envahirent les habitants d’Ifrîk’iyya. Aboû e Abd Allah envoya la nouvelle de cette victoire à c Obeyd Allah, qui se trouvait alors à Sidjilmâssa (*), en l’accom- pagnant de fortes sommes W b qu’il lui fit parvenir secrè- tement par quelques Kotâmiens. Voici ce qu’a raconté un homme des Benoû Hâchim ben c Abd el-Mot’t’alib appelé Ahmed ben Moh’ammed ben e Abd Allah berf Dja c far ben c Abd Allah ben c Ali ben Zeyd ben Rekàna ben c Abdoûn ben Hàchim, qui se trouvait alors à Sidjilmâssa avec c Obeyd Allah : « c Obeyd Allah mé fit un don considérable en dinars qu’on ne trouvait pas dans ce pays. Voyant le vif étonnement que suscitait en moi la vue de ces pièces et sachant d’ailleurs que, par mes actes antérieurs, je méritais sa pleine confiance, il me lut le message par lequel Aboû c Abd Allah annonçait sa vic- toire, en me recommandant de n’en rien dire, de ne pas changer ma manière de vivre ni de modifier mes orne- ments ou mes vêtements, ajoutant qu’il y avait autour de . nous des espions et des indicateurs à qui il ne fallait pas que notre enrichissement se trahit par des modifications extérieures. » (1) Le Mahdi, après s’être tenu caché quelque temps en Egypte, était parvenu à Tripoli, et c’est ainsi qu’il avait pu rejoindre Sidjil- mâssa (voir entre autres Fournel, n, 68) ; comparez aussi ses obser- vations de la p. 70 sur les conditions où le novateur habitait cette ville. (2) A ajoute : Obeyd Allah tint cette nouvelle secrète et ne la révéla sous le sceau du secret qu’à quelques hommes de confiance. Digitized by Google – 188 – En cette année mourut le juriste Aboû Sahl Forât ben Moh’ammed e Abdi, qui, après avoir reçu en If rîk’iyya les leçons de Soh’noûn, d’ € Abd Allah ben Aboû H’assân, de Moûsa ben Mo e âwiya et d’autres, se rendit en Orient, où il suivit les cours des principaux disciples de Mâlek. Il était bavard et versé dans les généalogies, connaissait les gens mieux que personne, mais en médisait plus que personne, si bien qu’on le traita de menteur. En cette année aussi, naquit à K’ayrawân Moh’ammed ben Yoûsof el-Warrâk’d) b. En 293 (1 er novembre 905), b Ziyâdet Allah [P. 135] en- voya à Laribus pour combattre Aboû e Abd Allah une armée commandée par Modlidj ben Zakariyyà et Ah’med ben Mesroûr el-Khàl ; mais le lundi 10 djomâda II (8 avril 906), ces deux officiers se révoltèrent, et ils arri- vèrent le jeudi 13 djomâda II (11 avril) avec leurs troupes devant K/ayrawàn. La populace ameutée se porta contre eux et les repoussa; Modlidj, étant tombé par suite d’une bronchade de son cheval, fut aussitôt massacré, de même qu’Ibn Berber ( 2 ), et l’un et l’autre furent crucifiés à la porte de Rak’k’âda. Ziyâdet Allah, .qui s’avançait pour combattre Modlidj, apprit que le peuple l’avait massacré, et la lettre où il annonçait la chose comme une victoire fut lue à K’ayrawân et dans la circonscription. La cause du mécontentement de Modlidj fut le jugement rendu contre lui à propos d’une métairie appelée El-Djelidiyya, dont la propriété lui fut déniée (1) Il s’agit du célèbre auteur dont parle Makkari (n, 112; éd. Bou- lak, n, 129). et que Bekri cite si fréquemment; cf. Fournel, n, 85; Bekri, texte arabe, in ti\, p. 15 ; Tecmilah y éd. Codera, p, 367; (2) Ce nom, que je ne retrouve pas ailleurs, est formé de quatre caractères, dont le premier et le troisième peuvent se lire fe, t 3 n et y. Digitized by Google — 48d — par une sentence du kàdi Djemmàs bén Merwân. La chose lui fut si sensible qu’elle causa sa révolte. En la même année arriva une lettre, dont il fut fait publiquement lecture, d’El-Moktafi billâh, appelant les habitants de l’Ifrik’iyya à aider Ziyâdet Allah dans sa latte contre le Chi c ite. — Le soleil subit une éclipse totale, à l’occasion de laquelle le kâdi Djemmàs ben Merwân dit, devant la population, la prière de l’éclipsé dans la grande mosquée b. Ziyâdet Allah se porta vers Laribus, b à l’ouest de laquelle il établit son camp et où de nombreuses troupes le rejoignirent 6. Il fit de grandes distributions d’argent, qu’on ne pesa même pas ; on se borna à le mesurer en en versant un grand plat dans le pan du vêtement de cfhaque homme, b cérémonie à laquelle présida le prince, à cheval b ; mais ensuite chacun s’en alla et ne reparut plus. De grosses sommes furent ainsi dépensées par le prince, qui fit des prodiges de libéralité, mais le Chiite n’en continuait pas moins ses efforts pour l’emporter. Ziyâdet Allah envoya des troupes à Bâghàya; il garnit T’obna d’une forte garnison, à laquelle il donna pour chefs son chambellan Aboû , l-Mok’âri e H’asan ben Ah’med ben Nàfidh, Chebib ben Aboû Cheddâd K’amoûdi et Kha- fâdja e Absi, braves guerriers tous les trois, qui reçurent Tordre de harceler [P. 136] les Kotàma. Ils s’y confor- mèrent, et de fréquentes rencontres laissèrent sur le terrain bien des morts des deux côtés (*). En cette année fut nommé kâdi de Rak’k’àda Moh’am- med ben f Abd Allah, surnommé Ibn Djemâl [var. H’aymâl], (1) Ces détails, plus complets que ceux d’Ibn el-Athîr (Annales, p. 292), ont été reproduits par Fournel, u, 71. Digitized by Google — 490 — client des Omeyyades, qui n’avait ni science ni crainte de Dieu, et dont le seul titre était la»faveur d’ c Abd Allah ben eç-Çâ’igh. Il était d’une extrême niaiserie et faible d’es- prit. On dit qu’étant jeune, il se vendit, dans une période de détresse, contre des figues, puis qu’il établit sa qualité d’homme libre et fut rendu à la liberté. Des témoins attestant un jour par devant lui qu’une femme avait confié à son fils l’exercice de ses droits, il leur dit : a Est- elle pubère, cette femme qui se fait représenter par son fils ? — Dieu te garde ! lui dirent-ils, puisque c’est son fils, comment donc ne serait-elle pas pubère ? » Et leurs rires le couvrirent de honte. En cette môme année, le médecin Aboû Ya e k’oûb Ish’âk 7 ben Soleymân Isrâ’ili (*) arriva d’Orient en compa- gnie d’Aboû’l-H’asan ben H’âtim et se rendit auprès de Ziyâdet Allah, qui se trouvait alors à Laribus. «Dès mon arrivée, raconte Ish’âk, je me rendis chez le prince, et je vis qu’à sa cour il régnait peu de sérieux et qu’on y recherchait surtout la plaisanterie. Ibn Khanbech (*), sur- nommé El-Yoûnani, m’interpella le premier en ces termes : « Tu prétends que la salure est agréable ? — Sans doute. — Et tu prétends aussi que ce qui est doux est agréable? — Certes. — Alors ce qui est sucré est salé et ce qui est salé est sucré? — Une chose douce, répondis-je, plaît par sa nature bénigne et agréable, et la chose salée, par son (1) Ce médecin, qui est cité par Wûstenfeld {Gesch. d. arab. Aerzte % p. 51), est l’objet d’une biographie d’ibn Aboû Oçcybiyya, traduite par de Sacy (Abdollatif, p. 42). Sa mort y est fixée aux environs de 320, mais il figure encore dans un événement qui eut lieu en 341, à en croire Ibn el-Athir {Annales, p. 357), cf. Fournel, u, 72. (2) Ce nom est écrit Ibn JTobeych L l. } où cette anecdote est aussi rapportée. Digitized by Google – 194 – piquant et sa force. » Comme il persistait à me chicaner à ce propos, je finis par lui dire : « Tu dis que tu vis et qu’un chien aussi vit ? — Certes. — Eh bien ! tu es un chien et un chien, c’est toi. » L’explosion de rire par laquelle Ziyâdet Allah accueillit cette réplique me montra qu’il aimait mieux plaisanter que s’appliquer aux choses sérieuses b ». WEn cette année, Aboû c Abd Allah s’empara de Belezma, ainsi que de T’obna, qui se rendit à composition et où il trouva, à son entrée, qui eut lieu le dernier du mois de dhoû’l-hiddja (20 octobre 906), Aboû’l-Mok’âri* H’asan ben Ah’med, qui y commandait et y prélevait les impôts au nom de Ziyâdet Allah, b et les deux autres chefs pré- cités. Les collecteurs des diverses sortes d’impôts qui se trouvaient dans cette ville b lui apportèrent leurs recettes. [P. 137] L’un d’eux ayant répondu, à sa demande d’où provenait cet argent, qu’il était le produit de la dîme, b Aboû e Abd Allah s’écria : « Mais le produit de la dîme ne peut être qu’en nature, et tu me présentes de l’argent monnayé ! Emportez, dit-il à quelques hommes sûrs de T’obna, cet argent et restituez-le à chacun de ceux qui l’ont versé, et dites aux habitants qu’ils doivent la contri- bution dont Dieu a frappé le sol qu’ils cultivent; le mode de prélèvement de l’impôt traditionnel de la dîme est connu, et la répartition en doit être faite d’après les règles portées dans le Livre de Dieu. » Puis, s’adressant à un autre, il lui demanda d’où provenait l’argent qu’il lui présentait, et il lui fut répondu que c’était le produit (1) Les débuts des Chi’ites en Afrique sont exposés par Ibn el-Athir d’une manière un peu différente. Wtistenfeld (Geschichte der Fati- miden Chalifen) a rapporté successivement les deux versions au commencement de son livre. Digitized by Google ^^Bj^^ -192- de la capitation payée par les juifs et les chrétiens pour Tannée écoulée : « Et comment donc, dit le conquérant, me présentes-tu de l’or ? L’Envoyé de Dieu prélevait sur le riche quarante-huit dirhems, sur l’homme de condition moyenne, vingt-quatre, et sur le pauvre, douze. — J’ai, répondit le percepteur, échangé les dirhems contre de l’or, comme faisait c Omar. — Cet argent, dit alors Aboû e Abd Allah, a une origine légale, » et il le fit répartir par un de ses missionnaires entre les soldats. Au percepteur du kharâdj, il dit que cet argent était impur, car ni impôts anticanoniques (k’abâla) ni kharâdj ne doivent frapper les biens des musulmans, et il le fit restituer à ceux qui l’avaient versé par des gens sûrs de T’obna. Il consentit à recevoir l’argent de la çadak’a, prélevée sur les espèces cameline, bovine et ovine, quand on lui eut dit qu’on n’avait taxé que les animaux soumis par leur âge au paî- ment de cet impôt et que l’argent provenait de la vente faite en bloc des animaux prélevés ; il approuva et auto- risa ce mode de procéder. La population de T’obna le voyant ainsi agir se réjouit, espérant qu’il lui appliquerait les règles du Koran et de la tradition, et la chose s’étant ébruitée dans toute l’Ifrik’iyya, les populations, attirées vers lui, lui adressèrent des lettres d’adhésion et de sou- mission b (*). Ces faits, qui parvinrent à la connaissance de Ziyâdet Allah, [P. 138] lui causèrent un grand souci : il fit b procéder à de considérables levées d’homfnes et b maudire le Chi e ite du haut des chaires des mosquées. b En cette année, Ibn et-T’obni, de retour de Baghdâd, rejoignit Ziyâdet c Abd Allah. — Alors mourut en Sicile (1) A résume en trois lignes tous ces détails relatifs au prélève- ment des impôts. Digitized by Google – 193 – le juriste Aboù Djalar Moh’ammed ben el-Hoseyn Merwezi, qui fut accusé de mensonge W. Cette année vit aussi mourir le juriste Moh’ammed ben el-Monib Azdi, qui suivait le rite des gens de l’Irak (ou hanéfites), et était un homme de bien : on lui offrit le poste de kàdi, qu’il refusa. Citons aussi le décès du dévot Moh’ammed ben Naçr, qui avait une certaine connaissance des tradi- tions, de Moh’ammed ben Aboû H’omeyd Soiïsi et de Zeydân ben Ismâ*il Azdi, deux hommes d’une science sûre b. En 294(21 octobre 906), b à la mi-moh’arrem, Ibrahim ben H’abechi ben c Omar sortit de Laribus à la tête de ses troupes pour attaquer Aboû c Abd Allah à T’obna. c Abd Allah ben Moh’ammed ben Mofarridj, surnommé Ibn ech-Châ c ir, fut destitué de ses fonctions de kâdi de Kast’iliya ; on l’entrava et on l’amena à Laribus par devant Ziyâdet Allah, qui lui fit donner la bastonnade et le jeta enchaîné dans la prison de Laribus. Voici les causes de ce traitement. Les grands de Kast’iliya ayant fait entendre au prince leurs plaintes contre les actes injustes de ce magistrat, Ziyâdet Allah écrivit au gouver- neur de cette province de le destituer, de le charger de chaînes et de l’envoyer ainsi à la cour. Cette lettre étant arrivée en l’absence du gouverneur, plusieurs des plai- gnants se portèrent à l’audience tenue par le kàdi, l’in- jurièrent et voulurent même lui faire violence. Il les fit saisir par ses gardes, battre et emprisonner, de sorte que le gouverneur à son retour constata qu’ c Abd Allah les (1) C’est-à-dire, probablement, de rapporter de fausses traditions, comme le conjecture A mari (Bibl. ar. sic, trad. u, 22). J’ai d’ailleurs vainement cherché le nom de ce personnage dans Ibn Khallikan Nawawi, Ibn el-Athir, Ibn Farhoùn et Karàfi. 13 Digitized by Google – 194 – avait maltraités à son gré ; il le lit enchaîner et entraver, puis l’adressa à Ziyâdet Allah, qui le fit à son tour flageller et emprisonner 0). Cela arriva à la mi-moh’ar- rem (4 novembre 906). Ziyâdet Allah se retira à Rak’k’àda, laissant à Laribus à la tête des troupes Ibrahim ben Ah’med ben Aboû c Ik’àl. Il fit reconstruire les murs de Rak’k’àda en briques et en torchis. Il s’adonna entièrement aux plaisirs et s’amusa tant à se promener sur le lac qu’autrement, fai- sant [P. 139] des vagabonds, des bateleurs, des joueurs de flûte et des vauriens ses compagnons de table. Quand la pensée de l’effondrement de son royaume et de la con- quête par son ennemi de la plupart des territoires qu’il gouvernait revenait troubler son esprit : « Emplis ma coupe, disait-il à l’un de ses compagnons de plaisir, boire me suffit (*) ». Il conçut une vive passion pour KhatYàb, l’un de ses pages, au nom de qui il fit même frapper des dirhems et des dinars; puis il se fâcha contre son favori et le fit jeter en prison enchaîné. Une jeune esclave lui chanta ces vers, pour provoquer sa pitié envers le prisonnier : [Baslt] O prince dont (le nom) est un heureux présage de clémence ! puisque celui que tu aimes est à ta discrétion^ songe combien de cœurs palpitants doivent faire preuve de patience! Daigne Dieu te faire faire violence à tes sentiments ! Le prince pardonna à KhatTâb et lui rendit sa situa- tion. — On s’efforçait de le consoler quand le souci que (1) Cf. le résumé qu’a fait Fournel de ce passage, t. n, p. 73. (2) Annales, d’Ibn el-Athir, p. 294 ; Wùstenfeld, G. der Fatim., p. 22. Digitized by Google – 195 – lui causait le Chiite l’assombrissait, et comme un jour une esclave lui chantait : [Kâmil] Réponds par la constance à la fortune qui t’é- prouve, car tels sont ses procédés : tantôt la joie et tantôt le chagrin, sans que ni l’une ni l’autre durent toujours ; « Tu as raison », s’écria-t-il, et il lui accorda une gra- tification. Djemmâs ben Merwàn obtint, sur sa demande, d’être déchargé des fonctions de kâdi à K’ayrawân, et fut rem- placé par Moh’ammed ben Djemàl (*), qui resta en charge jusqu’à la fuite de Ziyâdet Allah. Au mois de cha’bân (mai juin 907), Aboû c Abd Allah entra à Bâghâya, qui se rendit à composition. Ziyâdet Allah, fort affligé de cette nouvelle, consulta Ibn eç- Çâ’igh, qui lui conseilla de s’enfuir secrètement en Egypte en confiant le commandement de l’armée d’Ifrik’iyya à un général à qui il laisserait l’argent (nécessaire). Il fit, après réflexion, acheter cinq cents chameaux pour préparer sa fuite; mais ensuite, reconnaissant les mauvais côtés de ce projet et redoutant que la population ne se soulevât contre lui, il y renonça. Ibrahim ben H’abechi ben ‘Omar, qui eut connaissance des intentions de fuite de Ziyâdet Allah, les combattit et le fit entrer dans le Château du lac ( 2 ); il lui fit examiner tous les préparatifs qu’il y avait faits et lui tint ce langage : « Quelle comparaison, sei- gneur, y a-t-il à faire entre la construction actuelle et la (1) Ce nom est écrit ici H’ayrnâl, de même que plus bas, mais dans le second passage les deux points du yâ manquent. (2) En arabe, Kaçr el-hahr, ce qui semble bien indiquer que cette scène se passe à Rakkàda, ainsi que l’a conjecturé Foùrnel (n, 74) ; cf. Bekri, p. 66. Digitized by Google – 196 – forteresse où ton aïeul (*) soutint un siège de plusieurs années, alors qu’il avait à lutter contre l’hostilité de la plus grande partie de ses sujets et la révolte des chefs du djondf Pourtant il ne bougea pas et sut s’y maintenir [P. 140] jusqu’à ce que le secours de Dieu lui permit de vaincre ses ennemis. Toi, au contraire, tu disposes de grandes richesses, les troupes te sont affectionnées, le peuple est avec toi, et tu n’as à lutter que contre un cheykh ignoré et qui n’a d’influence que sur les Berbères, alors que tu es abrité dans une forteresse inexpugnable; Dieu te donnera la victoire ! N’écoute pas les conseils qu’on t’adresse et, secouru par la force et la puissance de Dieu, tu resteras le plus fort. » Ziyâdet Allah, rasséréné par ce discours, et conformément au conseil d’Ibrâhîm, fit des envois de troupes et d’argent à Laribus, point frontière extrême, et la cavalerie de cette place répondit par ses incursions contre Bâghàya à celles qu’Àboû c Abd Allah dirigeait de Bâghâya contre Laribus ( 2 ). H’abechi, Ibn Aboû H’adjar et Ibn e Abbâs revinrent des pays chrétiens en compagnie d’un ambassadeur de Constantinople. Ils reçurent des vêtements d’honneur de Ziyâdet Allah, qui installa l’ambassadeur dans le jeu de mail proche de Rak’k’âda ; pour lui faire honneur, il convoqua le peuple à une grande réunion, où il y eut une afïïuence considérable. On dressa de grandes tentes et des huttes autour de Rak’k’âda, et les K’ayrawaniens, qui s’y installèrent, organisèrent des patrouilles dans les environs ; Ziyâdet Allah continua de procéder aux enrôlements et excita le zèle des soldats par des distributions d’argent. (1) C’est-à-dire Ibrahim ben Ahmed, en Tannée 280. (2) Tous ces détails sont résumés par A en trois lignes. Digitized by Google – 197 – Le juriste Moh’ammed ben Aboû’l-Haythem Loulouwi mourut cette année-là, et au mois de cha’bân (mai-juin 907) K’orhob fut nommé chambellan b. En moh’arrem 295 (octobre-novembre 907), Ziyâdet Allah se transporta à Tunis pour tâcher d’y améliorer ses affaires. b Le 6 rebi c II (13 janvier 908), le kàdi Abou l-‘Abbàs ben Djemài M fit devant le peuple la prière pour demander de la pluie. Le 15 du même mois, la charge d’imàm fut enlevée à Ibn Aboû’t-Welid et confiée à Ibn Yezid. Aboû’l-H’asan ben H’âtim, qui avait été envoyé comme ambassadeur à Baghdàd, mourut en chawwâl (juillet 908). [P. 141] Le kâdi Aboû Moûsa c Isa ben Meskin ( 2 ) mourut, et les dernières prières furent dites sur lui dans sa bourgade du Sâh’el par Aboû Dja c far Atfmed ben Khâled Sehmi. Le juriste Aboù c Ayyâch Ah’med ben Moûsa ben Makhled, b descendant de Ghâfîk’, mourut ( 3 ) : disciple de Soh’noûn ben Sa c îd b, c’était un homme de mérite, rempli de la crainte de Dieu, et qui se livrait aux pratiques religieuses, b connaissant bien les livres de son maître, très versé dans les récits, qui eut pour élèves de nombreux habitants de K’ayrawàn ; il lut enterré à la porte de Sâlim ( 4 ). Le juriste Sa c id ben Ish’àk’, client des [Benoû] Kelb et l’un des bons élèves de Solfnoûn ben Sa c id, mourut également; il avait aussi reçu les leçons (1) Sur l’orthographe de ce nom voir la note (1) de la p. 195. (2) Il est parlé de lui par Ibn Farhoùn (ms 5032 de Paris, f. 87 v.) et dans les mss d’Alger n° 851, f. 5, et n» 884, f. 26 v. (3) Ibn Farhoùn parle de lui (l. L, i. 21). (4) Bekri (pp. 63 et 64) énumère les portes de K’ayrawàn. M. de Slane a transcrit Selm le mot que j’ai cru pouvoir écrire Sâlim; cf. infra, p. 162 du texte arabe. Digitized by Google – 198 – de plusieurs cheykhs d’Ifrîk’iyya ; né en 212 (1 er avril 827), il avait souvent fait la guerre sainte (?) et il était versé dans les récits et dans les traditions b. En 296 (29 septembre 908), les cavaliers d’Aboû e Abd Allah pénétrèrent dans (la province de) K’ast’iliya, et Aboû Moslim Mançoûr ben Ismâll, b ainsi que Chebib ben Aboû’ç-Çârim b> furent battus, et se retirèrent vers
Tawzer, où la cavalerie d’Aboû c Abd Allah se déployait,
brûlant les centres habités et détruisant le bétail qu’elle
rencontrait de ce côté, b Les troupes du Chi c ite avaient
reçu de leur chef Tordre de cesser toute expédition et de
ne pas bouger, de sorte que pendant environ deux mois
elles ne firent aucun mouvement, si bien que les uns le
disaient malade et les autres mort. Mais la nouvelle
qu’elles marchaient contre Ziyâdet Allah terrifia ce
prince, jeta l’agitation dans la capitale et bouleversa
les soldats du djond, qui se prirent à désespérer du
pays et à redouter l’esclavage pour leurs femmes et leurs
enfants.

c Abd Allah ben eç-Çâ’igh se mit alors à dire à Ziyâdet
Allah que c’était là le résultat des méchantes manœuvres
et des intentions perverses de ce coquin d’Aboû Moslim.
En effet, Ibn eç-Çâ’igh, d’abord secrétaire d’Aboû Moslim,
sous le règne d’Ibrâhîm ben Ah’med, se brouilla avec lui,
et ses réclamations incessantes aboutirent à la disgrâce
de son ancien patron. Quand se produisirent ces mal-
heureux événements de Kast’iliya et qu’Aboû Moslim fut
chassé de cette province, [P. 142] Ibn eç-Çâ’igh lui en
attribua la responsabilité et attisa la colère de Ziyâdet
contre lui, si bien que ce prince envoya à Chebib ben
Aboû’ç-Çàrim l’ordre de décapiter Aboû Moslim et de
n’inhumer son cadavre qu’après l’avoir crucifié et exposé

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— 199 —

pendant tout un jour et toute une nuit, message qu’il fit
transmettre par des hommes sûrs chargés de s’assurer
de sa mise à exécution. Ghebib, très affligé de cet ordre,
mais ne voyant pas le moyen de s’y soustraire, remit la
lettre à Aboû Mpslim, qui se trouvait alors avec lui à
Tawzer, en lui disant combien cela lui était pénible.
Aboû Moslim, l’ayant lue, seborna à dire : « Nous som-
mes à Dieu et c’est à lui que nous devons retourner
(Korart, h, 151). On a circonvenu ce sot enfant, dont
l’empire est perdu » ; puis, saisissant sa barbe de la main
gauche et se donnant de la droite plusieurs coups sur la
nuque, il ajouta : « Voilà la rétribution qui attend ceux
qui, infidèles aux ordres de Dieu, obéissent aux hommes
et versent un sang sacré. J’en prends Dieu à témoin, si
j’avais laissé ce prince à lui-même et qu’au lieu de lui
conseiller le meurtre de ses oncles et de ses frères
j’eusse suscité ceux-ci contre lui, j’aurais évité ce qu’il
m’inflige maintenant! » Puis, s’adressant à Chebib, il lui
demanda le délai nécessaire pour procéder aux ablutions
légales et faire une prière de deux rek c a destinée à clore
sa vie. Il put dire sa prière, adressa une invocation au
ciel, puis se livra en pleurant au bourreau, qui lui
trancha la tête. Il fut crucifié, puis enterré le lendemain,
15 çafar (22 novembre 908).

En cette année moururent Aboû’l- c Abbâs ben Aboû
Khidâch, préposé aux réclamations contre les actes
arbitraires du temps d’Ibn c Abdoûn, et le juriste Aboû
c Ik’àl ben Kheyr, qui suivait le rite des Irakiens (hanè-
fites), et qui fut secrétaire dlbn c Abdoùn pendant que
celui-ci exerçait les fonctions de kâdi.

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– 200 –

Les Aghlabides quittent l’Ifrlk’iyya et Ziyâdet Allah s’enfuit
de Rak’k’âda.

Aboû c Abd Allah se porta cette année-là en avant et
mit le siège devant Laribus, où se trouvait Ibrahim ben
Aboù’l-Aghlab à la tête des troupes d’Ifrîk’iyya et de
toutes les troupes du djond de cette province. [P. 143] A
la suite de diverses attaques 6, il emporta cette ville
d’assaut et y entra l’épée à la main le samedi 23 djomâ-
da II (19 mars 909). Le gouverneur Ibrahim put s’enfuir
avec un certain nombre d’officiers et d’hommes du djond ;
quant aux habitants et aux soldats survivants, ils s’en-
tassèrent dans la grande mosquée, où ils se montaient
les uns sur les autres. Le vainqueur les fit tous massa-
crer, b si bien que le sang coulait à flots par les portes
du temple, comme l’eau d’une rivière gonflée par une
pluie abondante b. Trente mille hommes, dit-on, furent
égorgés dans l’intérieur du temple, et le massacre com-
mencé dans l’après-midi ne finit qu’à la lin de la nuit.
Le lendemain matin, quand tout eut été égorgé ou pillé,
Aboû c Abd Allah, b craignant un retour offensif des habi-
tants de l’Ifrlk’iyya b, donna le signal du départ et battit
en retraite vers BâghâyaO).

b La nouvelle de cet événement parvint le lendemain
dimanche 24 djornâda II, à Ziyàdet Allah, qui, perdant
ainsi ce qui [lui restait de] possessions b } comprit qu’il
n’avait plus qu’à s’en aller. Mais Ibn eç-Çâ’igh s’attacha
à atténuer les choses et à les représenter sous un faux
jour, b annonçant que le Ghi c ite avait été battu, tout en

(1) Cf. le récit d’Ibn el-Athir, trad. p. 296; Wûstenfeld, p. 26 et 29,
qui n’a pas connu Fournel, n, 77 et 84 ; infrà, p. 204 ; Religion des
Dwzes, i, cclxix.

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– 201 –

faisant crier aux portes de la ville de Rak’k’âda que
ceux qui voulaient rester et recevoir la forte somme de
vingt dinars par cavalier et dix par fantassin n’avaient
qu’à se rendre au palais du prince. Le peuple, en appre-
nant ces distributions, fut pris de sinistres appréhen-
sions, et ne douta plus que Ziyâdet Allah n’eût le
dessous b, [P. 144] mais resta incertain sur ce qu’il devait
faire, tandis que les courtisans et les serviteurs du palais
commençaient à sortir de Rak’k’âda. Alors Ziyâdet Allah
se mit à empaqueter les pierreries les moins lourdes et
l’argent, b et les intimes firent leurs préparatifs pour rac-
compagner b. A l’heure de la prière nocturne du dimanche
au lundi 25 djomâda II (20 mars 909), il ceignit son épée,
monta à cheval et prit la fuite du côté de l’Egypte, pré-
cédé de ses bagages, b des principales de ses femmes, de
ses proches parentes et de ses enfants. Alors une de ses
esclaves, saisissant un luth qu’elle appuya contre sa
poitrine, lui chanta ces vers pour tâcher de se faire
aussi emmener :

[Monsarih’J Je n’ai pas oublié le lieu où, le jour de notre
séparation, elle se tenait les paupières noyées de larmes, ni
ce qu’elle me dit lorsque les chevaux se mirent en marche :
« Tu nous abandonnes, seigneur, et tu pars. » Je confie à Dieu
une gazelle dont le cœur est brisé par la séparation ; mais la
séparation ne me consume-t-elle pas aussi le cœur *?

Les yeux de Ziyâdet Allah se remplirent de larmes en
l’entendant, mais les difficultés de sa situation ne lui
permirent pas de l’emmener (*>, et dans le premier tiers

(1) D’autres disent au contraire qu’il remmena ; cf. infra, p. 168
du texte; Berbères, i, 442 ; Wtistenfeld, 27; Fournel, u, 78.

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– 202 –

de la nuit, il quitta Rak’k’àda, se dirigeant vers l’Egypte b,
et accompagné de ses principaux guerriers, de ses pages
et de ses esclaves noirs; 6 il suivit la grande route b jus-
qu’à Tripoli. e Abd Allah ben eç-Çâ’igh, qui était chargé
de tous les soins et qui veillait sur les serviteurs, se
mit d’accord avec ceux qui devaient transporter les colis
de métaux précieux pour s’en faire adresser trente char-
ges, chacune de seize mille mithkâl, à un rendez- vous fixé.
Mais les conducteurs s’étant trompés dans les ténèbres
de la nuit, ne le rencontrèrent pas et arrivèrent à Sousse,
où Ibn ei-Hamadâni, qui y gouvernait, mit la main sur le
précieux chargement et l’entreposa dans cette ville, dans
le Kaçr er-Ribât’ ; puis cet argent tomba entre les mains
du Chi c ite. D’autre part, le lendemain matin de la fuite
du prince, la population se précipita à Rak’k’àda[P. 145]
et mit au pillage toutes les choses de valeur, vases d’or
et d’argent et autres objets abandonnés par les fuyards,
dont la valeur dépasse toute description, b le plus fort
enlevant au plus faible le butin de celui-ci. Le prince en
fuite s’appelait Aboû Mod’ar Ziyâdet Allah ben c Abd
Allah ben Ibrahim ben Ah’med ben Moh’ammed ben el-
Aghlab, connu sous le nom de Khazer, ben Ibrahim ben
el-Aghlab ben Sâlim ben c Ik’âl Temimi b. Son règne en
Ifrik’iyya avait duré cinq ans onze mois et quatre jours,
et celui de la dynastie dont il fut le dernier représentant,
cent onze ans et trois mois (*).

b Alors Ibrahim ben Aboû’l-Aghlab, qui avait dû s’enfuir
de Laribus, arriva à K’ayrawân avec les quelques offi-
ciers qui l’avaient suivi, descendit à l’hôtel du gouverne-
ment et fit venir les notables de la ville, à qui il tint un

(1) Sur ces deux périodes, voir les remarques de Fournel, h, 78 n.

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• 203 —

discours où il jeta le blâme sur Ziyàdet Allah, apprécia
sévèrement ses actes et l’accusa d’avoir remis le soin
des affaires à des gens qui ne cherchaient que sa chute :
« Les Kotâma, continua-t-il, commettant des ravages,
c’est à vous à soutenir Dieu et notre sainte foi ; [pour les
combattre], il faut que vous me fournissiez des hommes
et de l’argent. » L’heure de la prière du zohr étant ensuite
arrivée, il se fit saluer en qualité d’émir. Mais alors la
population se réunit autour de lui et lui dit : a Notre pays
ne connait pas la guerre civile et nous ne [pourrons]
soutenir les hostilités. Tu n’as pu, malgré armée, arme-
ment et argent, repousser les Kotâma ; comment pour-
rions-nous, avec le seul argent du peuple, en venir à
bout ? » Puis on se mit à crier : « Nous ne voulons pas
t’obéir, ni te reconnaître pour souverain ; éloigne-toi ! »
Il dut sauter à cheval, Pépée à la main, pour repousser
ses agresseurs, et sortit par la porte d’Aboû’r-Rebî c ,
d’où il rejoignit Ziyâdet Allah (*).

Quant à c Abd Allah ben eç-Çâ’igh, qui s’était embarqué
pour se rendre en Orient, l’état de la mer le rejeta à
Tripoli. Il fut mené à Ziyâdet Allah, qui se trouvait en
cette ville et qui, le faisant comparaître devant lui, lui
reprocha de l’avoir quitté. Le ministre s’excusa en invo-
quant le trouble et la crainte dont il avait été saisi. Ziyâdet
Allah ne voulait que lui faire honte ; mais en présence de
l’avis unanime de sa famille et de ses officiers, qui était
de le faire exécuter, il donna au nègre Râchid l’ordre
[P. 146] de le décapiter. Le médecin c Ali ben Ish’âk’ ben
c Imràn racontait que jamais c Abd Allah ben eç-Çâ’igh
n’avait vu le nègre Râchid sans pâlir et que, quand le

(1) Cf. Ibn el-Athir, Annales, p. 297, et les autres auteurs cités.

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– 204 –

nom de ce dernier venait à être prononcé, son humeur
subissait un changement visible à tous les yeux. « Un
jour, continue ce médecin^ que je lui en demandai le
motif, il me répondit : a Quelque chose me dit que l’ange
de la mort viendra sous les traits de ce noir couper le fil
de ma vie, de sorte que quand je le vois je ne puis plus
me contenir. »

Règne des Chi’ites.

A la nouvelle que Ziyâdet Allah ‘s’était enfui, Aboû
c Abd Allah s’avança de Laribus sur K’ayrawânW. Les
habitants furent effrayés de ses progrès et craignirent
pour leur vie, de sorte que les juristes et les principaux
se portèrent à sa rencontre ; mais Mah’boûb ben c Abd
Rabbihi Hawwâri leur coupa la route le mercredi
27 djomâda II (22 mars), au lieu dit Fah’ç Bàroûk’as,
entre Djeloûla et H’ammâm es-Serâdik’, de sorte qu’ils
durent piteusement se retirer. Ils exposèrent alors par
écrit à Aboù c Abd Allah ce qui leur était arrivé, en lui
présentant leurs excuses et le priant de fixer un lieu où
ils pussent le rencontrer. Il fixa le rendez-vous à la date
du samedi, et au lieu nommé Sâk’iyat Mems< 2 ). Il envoya Gharaweyh M ben Yoûsof Meloûsi à la tète d’un escadron de cavalerie occuper la ville de Rak’k’âda et mettre en lieu sûr les richesses qu’il y trouverait. Cet officier, arrivé le vendredi, dernier jour de djomàda 11(24 mars), trouva (1) Cf. supra, p. 200. (2) Mems est « à TO. de Cairouan. vers la source de la branche orientale du Medjerda C’est le Mampsaron oros de Ptolémée ». {Table gêoyr. de TH. des Berbères). Fournel (u, 86), estime à une faible journée la distance qui séparait Mems de K’ayrawàn. $) Ibn el-Athir orthogiaphie ‘ Aroûba {Annales, p. 298). Digitized by Google – 205 – les gens sortant ou entrant librement; il défendit aux premiers de revenir et expulsa les seconds, mais ne prit d’ailleurs que des mesures bienveillantes b (*). Aboû c Abd Allah s’avança à la tête de sept corps d’armée sur Rak’k’âda, où se trouvaient, [P. 147] à ce qu’on dit, trois cent mille hommes, tant cavaliers que fantassins, et y arriva le samedi l or redjeb (25 mars). Les juristes, les principaux habitants et les chefs des mar- chands de K’ayrawân se présentèrent devant lui, à Sâk’iyat Mems, où ils lui adressèrent les salutations d’usage, lui manifestèrent le désir qu’ils avaient de se soumettre et demandèrent quartier. Il accueillit leur demande et, approuvant leur démarche, promit de les traiter avec générosité et justice, b Or il avait promis aux officiers et aux guerriers Kotâma de leur remettre K’ay- rawân pour qu’ils y agissent à leur guise et répartissent entre eux^tous les biens des habitants. Ils lui exprimèrent leur mécontentement de la sauvegarde qu’il venait de leur accorder et lui rappelèrent ce à quoi il s’était engagé. Il leur répéta alors les paroles du Koran (xlviii, 21): « Et d’autre butin dont vous ne vous êtes pas emparés encore, mais dont Dieu s’est rendu maître », ajoutant qu’il s’y agissait de K’ayrawân. Ils acceptèrent son dire et ne firent aucune résistance b. Après avoir veillé au campement de ses troupes dans les environs de Rak’k’âda, il fit son entrée en cette ville, précédé d’un homme qui lisait les passages du Koran (lix, 2) : « C’est lui qui, au début de l’émigration, a fait sortir de leurs demeures ceux des adeptes des religions révélées qui étaient incrédules, etc. », et encore (1) Voyez le récit d’Ibn el-Athir, l. I. Digitized by Google – 206 — (Xliv, 24) ; « Combien de jardins et de sources n’ont-ils pas abandonnés, etc. ». Il descendit dans le palais dit Kaçr eç-Çah’n. Il envoya à Sousse Gharaweyh ben Yoûsof, qui accorda l’amnistie aux habitants et lui ramena les trente charges d’argent que nous avons dit être entreposées au K’açr er-Ribàt’. Il fit grâce aux Aghla- bides qu’il trouva à K’ayrawàn, ainsi qu’aux officiers de Ziyâdet Allah qui n’avaient pas suivi leur maitre, mais il fit exécuter les nègres clients des Aghlabides, b de même qu’il lit étrangler Ibrahim ben Berber (*) ben Ya c k’oûb Temimi, surnommé El-K’oûs, [P. 147] lesquels songeaient à se soulever; Aboû c Abd Allah disait d’ailleurs qu’il ne se croirait pas en sûreté en Ifrik’iyya tant que vivrait El-K’oûs b. Le vainqueur envoya alors chercher à Tripoli son frère, Aboû’l- c Abbâs el-Mâkh- t’oûm, qui y était emprisonné, ainsi qu’Aboû Dja’far Khazeri et la mère d ,c Obeyd Allah Chi c i, laquelle était en compagnie du précédent. Aboû’l- c Abbâs, qui était un homme vif et verbeux, mais peu réfléchi, voulait expul- ser de K’ayrawân tous les juristes qui ne professaient pas le rite des Médinois [les non-malêkites], mais son frère s’y refusa. Aboù c Abd Allah nomma gouverneur de cette ville El-H’asan ben Ah’med ben c Ali ben Koleyb, connu sous le nom d’Ibn Aboû Khinzir, avec ordre de tuer quiconque sortirait la nuit, boirait des liqueurs enivrantes, en transporterait ou en détiendrait^). A El- K’açr el-k’adim (l’ancien Château), il préposa Khalaf ben Ah’med ben c Ali ben Koleyb, frère d’Ibn Aboû Khinzir, à (1) Ce mot est formé de caractères dépourvus de points diacriti- ques ; peut-être faut-il lire Yezîd. (2) Sur les mesures prises alors à K’ayrawân, cf. Ibn el-Athir trad. p. 299. Digitized by Google – 207 – qui il donna les mêmes ordres, et par qui il fît ajouter, dans la formule d’appel à la prière, les mots accourez à V œuvre excellente, à la suite de accourez à la prière. De la formule d’appel à la prière de l’aurore il fit supprimer les mots la prière vaut mieux que le sommeil. Il fit [rechercher et] réunir tout ce qui avait été pillé à Rak’k’âda, rassem- bler les esclaves de Ziyâdet Allah et mettre en lieu sûr les jeunes filles de son harem, opérations dont fut chargé Ah’med ben Ferroûkh T’obni, le bossu. La direction de la fabrication des monnaies fut confiée à Aboû Bekr, le phi losophe, connu sous le nom d’ibn el-K’amoûdi, qui y fit frapper les mots Louanges à Dieu maître des mondes) ces pièces furent appelées Seyyidiyya. On lisait sur le sceau d’Aboû c Abd Allah, Mets ta confiance en Dieu, tu seras dans la voie du droit évident, et sur celui qu’il employait à sceller les rescrits, «Les paroles de ton maître sont d une vérité et d’une justice parfaites; nul ne peut chan- ger ses paroles ; il est l’entendant et le connaissant (Koran, vi, 115) ». La cuisse des chevaux fut marquée des mots [P. 149] La royauté esta Dieu. Sur les étendards on lisait : « La troupe sera mise en fuite et ils tourneront le dos (Koran, liv, 45). Dis, la vérité est venue et le men- songe s’est évanoui ; certes le mensonge a disparu (Id. xvn, 83) », ainsi que bien d’autres versets de sens analogue. Dans la khotba il fit faire la prière en l’honneur d’ c Ali ben Aboû T’âleb immédiatement après celle en l’honneur du Prophète, b et on y ajouta les noms de Fâtime, d’El-H’asan et d’El-Hoseyn ; il manifesta ouver- tement les opinions chiites en faveur d’ c Ali et hostiles à ceux des compagnons du Prophète qui avaient régné avant lui. Comme kâdi de K’ayrawân, Aboû e Abd Allah nomma, Digitized by Google – 208 – le jeudi 18 cha’bân (11 mai 909), Moh’ammed ben c Omar ben Yah’ya ben c Abd el-A c la Merwezi, qui appartenait au djond de Khorasân, et qui siégea dans la grande mos- quée. Il fit supprimer la prière nocturne de deux rek’a (chaf c ) pendant le mois de ramad’ân, b en argumentant sur ce point contre les juristes : il leur dénia le droit de suivre l’exemple donné par c Omar ben el-KhatTâb en ce qui a trait aux prières perpétuelles pendant ce mois, mais les laissa libres d’ajouter dans l’appel à la prière, à l’exemple d v Ali ben Aboù Tàleb, les mots accourez à l’œuvre excellente: « Suivez, leur disait-il, la même voie que la famille du Prophète, et négligez les additions surabondantes b. » Le premier jour de ramad’ân, Mer- wezi, en arrivant dans la grande mosquée, trouva ces mots écrits sur la paroi de la kibla, à l’endroit même où il devait prendre place : « Y a-t-ii personne de plus injuste que celui qui empêche de mentionner le nom de Dieu dans les mosquées et qui s’efforce de détruire ces édifices, etc. (Koran, II, 108). » Il demanda aux préposés de la rçiosquée qui s’était assis en cet endroit, mais ils l’ignoraient. Il fit alors raturer cette inscription et s’ins- talla ailleurs. Un mauvais drôle, quelque peu sot, se campa un jour au milieu de la foule devant Merwezi et lui dit : « Veuille Dieu te garder I Tu as déjà eu la gracieu- seté de supprimer les prières perpétuelles pendant le mois de ramad’ân ; si tu trouvais le moyen de nous supprimer le jeûne de cette même période, nous n’au- rions plus rien à te demander. — [P. 150] Arrière, mau- dit 1 » cria Merwezi, qui le fit éloigner. Conformément à l’ordre d’Aboù c Abd Allah, les chefs des Kotâma invitèrent les populations à adhérer à leur propre croyance relativement à la supériorité de la Digitized by Google – 209 – descendance d’ c Ali et à la mise à l’index de ce qui n’était pas elle. Beaucoup répondirent à cet appel, et cette croyance, parce qu’elle répondait aux enseignements d’un Oriental, fut appelée orientalisation {techrlW). Aboû ■ Abd Allah va rejoindre ‘Obeyd Allah à Sidjilmâssa. b Après avoir organisé et approvisionné ses troupes pour faire une expédition sur Sidjilmâssa, où étaient emprisonnés c Obeyd Allah Chi c i et son fils Aboû’1-Kâ- sim, b car Aboû c Abd Allah travaillait pour le compte d’ c Obeyd Allah qu’il disait être l’Imâm c alide, il se mit en marche, bien approvisionné, armé et muni de tout le nécessaire, laissant en If rik’iyya son frère A ben c Ali et d’Aboû’l-H’asan T’ayyib ben Ismâ’il, connu sous le nom [P. 157] d’El-H’âd’in b. Il fut reçu par les juristes et les notables de K’ayrawân, qui, en lui présentant leurs vœux et leurs félicitations, lui exprimèrent leur joie de vivre sous son règne et lui demandèrent de confirmer le sauf-conduit qu’ils avaient obtenu. Il leur répondit qu’ils n’avaient rien à craindre pour leur vie ni pour leurs enfants, sans mentionner leurs biens, b et comme quelques-uns, revenant à la charge, parlèrent aussi de ceux-ci, il se détourna b. Aussi les gens réfléchis conçurent-ils dès lors des crain- tes. Il fit son entrée à Rak’k’âda b portant un vêtement de soie grège noirâtre et un lurban de même, et monté sur un cheval roux ; derrière lui s’avançait son fils Aboû’l-K’àsim, monté sur un cheval alezan, vêtu de soie grège couleur safran, avec un turban de même; devant c Obeyd Allah s’avançait, sur un cheval bai brun, Aboû c Abd Allah, avec un vêtement violet foncé, recouvrant une tunique de lin, coiffé d’un turban enroulé d’une étoffe iskenderâni (alexandrine), tenant à la main un mouchoir qui lui servait à essuyer son visage couvert de sueur et de poussière; le peuple l’entourait, et une foule nombreuse le précédait en lui adressant des salutsô. c Obeyd Allah descendit dans le château dit Eç-Çah’n 0), et (1) Ci-dessus, p. 206. Digitized by Google – 219 – son fils, dans le palais d’Aboû’l- Fath\ Le nouveau prince prit le surnom de Mahdi. a Sa généalogie est l’objet de controverses (*); lui-même prétendait être c Obeyd Allah ben Moh’ammed ben Ismâ c îl ben Dja c far ben c Ali ben el-Hasan ben c Ali ben Aboû Tâleb ; cette opinion est aussi celle d’El-Hakam el- Mostançir billâh l’Omeyyade [d’Espagne, 350 à 366 H.]. Mais les autres disent que c’est un imposteur, que sa prétendue généalogie alide manque de base et qu’El- K’âsim ben T’abât’aba r Alide* 2 ) s’est exprimé ainsi: « Je le jure par le Dieu unique, ‘Obeyd Allah le chi c ite n’est pas de notre famille et n’a avec nous aucun rapport de parenté ». Selon Mok’àtil, c Obeyd Allah est le fils de Moh’ammed ben c Abd er-Rah’mân Baçri. Le kâdi Aboû Bekr [Moh’ammed] ben et-Tayyib Bâk’illânif 3 ) a, dans le Kechfel-esrâr vca-heik el-estâr, déshonoré son origine et la fait remonter aux Karmates, ajoutant que c’est Aboû e Abd Allah qui a reconstitué leurs croyances au profit des Obeydites, et qui leur a fourni [P. 158] cette généalogie. Un chroniqueur avance que Dja c far ben c Ali avait une esclave que séduisit un Karmate, ou, selon d’autres, un juif à qui elle donna de l’argent; une pas- sion réciproque les poussant l’un vers l’autre, elle tua Dja c far, et plus tard naquit de leurs relations l’aïeul d’ c Obeyd Allah. Ceux qui ignorent cette dernière version le disent Alide ; ceux qui la connaissent et qui savent ses (1) Cf. Ibn el-Athir, trad., p. 272; Istibrar, trad. fi\, p. 167; ci- dnssus, p. 163 et ci-dessous, p. 292 du texte arabe. (2) Probablement le chérît Alide Aboù’l-K asim T’abàt’abà, dont Ibn el-Athir mentionne la mort sous Tannée 418 (texte, t. ix, p. 256) (3) Théologien ach’arito -f 403 (Ibn el-Athir, Annales, p. 273; ms 851 d’Alger, f. 24). Digitized by Google — 220 — prétentions, le regardent comme un faussaire. Dieu sait mieux la vérité! Tels sont les termes dans lesquels Ibn el-K’atYân parle de cette généalogie a. Le Mahdi fit graver sur son sceau ces mots (Koran, X, 36) : Quel est le plus digne d’être suivi, de celui qui dirige vers la vérité ou de celui qui ne dirige qu étant lui- même dirigé? Qu est-ce qui vous fait savoir comment juger? Il prit comme chambellans Aboû’l-Fad’l Dja’far ben c Ali, Aboû Ali’med DjViar ben r Obeyd, Aboîfl- H’asan Tayyib ben Ismâ^il surnommé El-H’àd’in, Aboû Sa c id c Othmàn ben Sa c id surnommé Moslim Sidjilmâssi; comme secrétaires, Aboû’l-Yeser Ibrahim ben Moh’am- med Baghdâdi Cheybàni ; préposa au trésor public Aboû Dja c far Khazeri; au bureau du kharâdj, Aboû’l-K’àsim ben el-K’adîm ; à la monnaie, Aboû Bekr le philosophe, connu sous le nom d’Ibn el-K’amoûdi ; aux gratifications, c Abdoûn ben H’abâsa ; nomma kâdi de RakVâda Aflah* ben Haroûn Meloûsi; confirma comme gouverneur du canton de K’ayrawàn, El-H’asan ben Aboû Khinzird), et comme kâdi du même lieu, MerwezH 2 *. b Par ses ordres on fit disparaître des mosquées, des réservoirs, des palais et des ponts les noms de ceux qui les avaient élevés, et il les remplaça par le sien b. Le nouveau prince étala au grand jour ses déplorables croyances chi’ites, b en prononçant des injures contre les Compa- gnons du Prophète ainsi que contre ses femmes, n’excep-. (1) Cf. Wiïstenfeld, p. 40 ; Fournel, n, 99 ; Ibn cl-Athir, p. 303. (2) Dès le vendredi qui suivit son arrivée, il fut tenu, sous la pré- sidence d’un homme appelé le C/térif, une séance publique pour inviter, de gré ou de force, la population à embrasser les doctrines professées par les nouveau- venus (Bibars, ap. Relig. des Druzes, i, p. cclxxiv ; Ibn cl-Athir, p. 302 ; Mokaffa, ms 2144 de Paris, f. 220). Digitized by Google — â2l — tant de ceux-là qu v Ali ben Aboû T aleb, El-Mik’dâd ben el-Aswad, ‘Ammâr ben Yàsir, Selmân Fàrisi et Aboû Dherr Ghifàri, les seuls, prétendait-il, qui n’eussent pas apostasie après la mort de Mahomet. [P. 159] Merwezi interdit aux juristes de donner aucune consultation en contradiction avec ce qu’il disait, être la doctrine de Dja c far ben Moh’ammed, par exemple l’inexistence du parjure au cas où le divorce définitif est donné comme sanction à un serment, l’exclusive participation des filles aux héritages, et autres points trop longs à énumérer. Les poètes louèrent c Obeyd Allah d’une impiété dont il proclama lui-même le caractère licite, et Ton trouve dans un poème de Moh’ammed el-Bedil, secrétaire d’Aboû K’od’â c a, des vers tels que ceux-ci : [Basîf] A Rak’k’âda est descendu le Messie, là se trouvent Adam et Noé, aussi bien qu’Ah’med le prophète élu et le bélier destiné au sacrifice ; là réside la divinité ornée de ses hauts attributs et en dehors de qui il n’y a rien que du venu*). Cependant le prince irrité blâma très vivement le poète et lui fil honte de son œuvre. Les Kotàma, dans les premiers temps qu’ils occupè- rent rifrik’iyya, employaient comme formule de ser- ment «par le droit de celui qui connaît les choses cachées et le témoignage de notre seigneur, le Mahdi résidant à Rak’k’âda! » Alors l’un des jeunes gens de K’ayrawân écrivit ces deux vers que des camarades firent adroi- (1) Ces vers se retrouvent aussi dans Elmaciu (ap. Religion des Druzes, intr., 396), et dans Ibn el-Athir, {Annales, p. 372), celui-ci les attribue à Ibn Hàni, à tort d’après M. de Goeje (Mém. sur les Car- mathes, 167). Digitized by Google – 22â — tement parvenir par une main inconnue à c Obeyd Allah: [Modjtatth] La tyrannie nous pouvons la supporter, mais non l’impiété ni la sottise. Toi, qui te targues de connaître les choses cachées, qui donc a écrit ceci ?(•>

Ce billet vexa profondément le Mahdi, qui en fit secrè-
tement chercher l’auteur, mais ses investigations n’abou-
tirent à aucun résultat.

Dans le pays des Kotâma, Babàb se souleva cette
année-là et réunit sous ses drapeaux de nombreuses tri-
bus berbères. c Obeyd Allah envoya à ceux de cette région
qui lui restèrent fidèles Tordre de combattre les insur-
gés, dont la plupart furent massacrés tandis que Babàb
était fait prisonnier, et il fut donné à K’ayrawân lecture
d’une lettre annonçant cette victoire. La tribu des Zenàta
retourna vers Tâhert et y assiégea Dawwâs ben Çoûlât,
ce qui força c Obeyd Allah à envoyer des troupes contre
eux ; le général qui les commandait et qui était appelé
le grand cheykh (*), battit les Zenàta et leur fit subir de
fortes perles.

A la fête de la Rupture du jeûne, Aboû’l-K’âsim se
rendit, accompagné d’Aboû c Abd Allah Chi e i et d’officiers
Kotàmiens au moçalla de Rak’k’àda et y fit la prière
devant le peuple, ainsi que la khotba. [P. 160]. Cette fête
était la première qu’il célébrait en If rik’iyya en y faisant
la prière, et c Obeyd Allah fit, à ce propos, lire dans les
chaires de K’ayrawàn et des cantons qui en dépendent,
un message émanant de lui b.

(1) On dit aussi que ces vers furent insérés dans un placet présenté
au khalife Fatimide Hàkem {Druses, intr. p. 392).

(2) C’est-à-dire Aboû Moùsa Hàroùn ben Yoùnos (Moka /fa).

1

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– 223 –

Aboû e Abd Allah Chi e i se rendit au Maghreb b avec
plusieurs officiers et missionnaires Kotâmiens pour y
mettre un terme aux troubles et à rinsécurïté des rou-
tes, résultats du soulèvement des tribus berbères contre
les administrateurs de ce pays b. II y conquit diverses
villes dont les habitants furent ou tués ou réduits en
esclavage ; b les nombreux messages par lesquels il
annonça ses diverses victoires furent lus dans [les mos-
quées d’] Ifrik’iyyaW.

Alors mourut Djebala ben H’ammoûd ben Djebala
ÇadafiW, client d^Olhmân ben c Afïân; juriste et ascète,
il avait compté parmi les principaux disciples de Soh’-
noûn, s’était retiré de la vie mondaine et avait quitté son
père du vivant même de celui-ci, qui était au service du
prince et avait de la fortune ; plus tard, il renonça à la
succession paternelle, qui était d’environ 8,000 mithkâL

Alors aussi moururent le juriste Di c àma ben Moham-
med, l’un des principaux élèves de Sohnoûn, qui avait
été kâdi en Sicile sous les Aghlabides, — le kâdi Mo-
hammed ben c Abdoûn — Ahmed ben Mohammed ben el-
Aghlab Temîmi — et c Abd Allah ben Aboû’l-Minhâl.

Le jour de la fêle des victimes, Aboû’l-K’àsim fit la
prière en public et prononça la khotba, faits que rapporta
un message d’ c Obeyd Allah, dont il fut donné lecture à
K’ayrawàn ( 3 >.

(1) C’est d’après notre texte qu’il est parlé de ces événements dans
FourncJ (h, 99) et Wûstenfeld (p. 40).

(2) Je lis Çadafiy d’accord avec Ibn Farho£n, qui fait mourir ce
savant en 299 (ms ar. 5032 de Paris, f. 51), et avec le Mokaffa de Ma-
krizi ; voir aussi les mss d’Alger 851 f. 8, et 844, f. 28.

(3) Peut-être ce renseignement fait-il double emploi avec quelque
chose d’analogue qui est dit quelques lignes plus haut.

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— 224 —

En cette année encore moururent Moh’ammed ben Khâ-
lid K’aysi, connu sous le nom d’Ibn et-T’arari, et l’un
des principaux élèves de Soh’noûn, — ainsi qù’Aboû’s-
Someyda c , versé dans les belles-lettres et grammairien.
A Rak’k’âda, fut mis à mort le médecin Ah’med ben
Yahya ben T’ayyib, qui était aussi juriste de l’école ira-
kienne (hanéfite) b.

Le vendredi 26 dhoû’l-h’iddja de cette année (5 sep-
tembre 910), Aboû c Abd Allah Chi c i, arrivé à Ténès b et
descendu au lieu dit Et-Thawr b, rassembla les prin-
cipaux Kotâma, s’entretint avec eux d’ c Obeyd Allah
]P. 161] et chercha, de concert avec ses auditeurs, un
moyen de le déposer : « Ses actes, dit- il, ne ressemblent
en rien à ce que devraient être ceux du Mahdi, en faveur
de qui j’ai fait de la propagande. Je crains de m’être
trompé à son sujet et d’avoir été victime de la même illu-
sion qu’Abraham, qui crut voir son maître dans la pre-
mière étoile dont l’éclat perça l’obscurité de la nuit. Il
faut donc que vous aussi bien que moi nous le mettions à
l’épreuve et que nous cherchions sur sa personne les
signes que doit porter l’Imâm b et qui sont connus des
syndics des chérifs. D’après la tradition, en effet, leur
affirma-t-il, le vrai Mahdi doit porter ces mots écrits
entre les omoplates : « Mahdi envoyé de Dieu » tout
comme le Prophète avait au même endroit le sceau de
la prophétie; il doit faire des miracles évidents et pou-
voir imprimer son cachet sur la pierre ( J ) b. » Le résultat
de cette conférence fut que lui et plusieurs Kotâmiens
convinrent de tenter cette épreuve après leur retour à

(i)

Cf. sur cette expression la note des Annales, p. 305.

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– 225 –

RakVàda, et Gharaweyh ben Yoûsof s’entendit égale-
ment avec eux à ce propos.

En 298 (8 septembre 910), Aboû c Abd AUàh pénétra en
pays berbère et y porta la guerre chez les Çadîna et les
Zenâta, où il se livra au meurtre et au pillage, réduisit
les enfants en esclavage et livra plusieurs villes aux
flammes, b Le récit de ces victoires, envoyé à e Obeyd
Allah, fut, par ordre de ce prince, lu publiquement b, et
le vainqueur retourna à RakVàda b après avoir passé de
nombreux mois en Maghreb. Ce fut après son retour que
b Gharaweyh ben Yoûsof informa e Obeyd Allah des pro-
pos tenus sur son compte à Ténès par Aboû c Abd Allah
et de l’entente intervenue avec plusieurs Kotâmiens à
l’effet de le déposer. Aussi c Obeyd Allah se vit-il alors
forcé de se tenir sur ses gardes pour déjouer le complot^).

En cette année, Aboû Dja’far Baghdàdi fut chargé du
bureau des recherches conjointement avec c Imrân ben
Aboû Khâlid ben Aboû Selâm.

Alors moururent, en fait de juristes médinois et élèves
de Soh’noûn, Yah’ya ben c Awn [P. 162] ben Yoûsof et
‘Abd Allah ben el-Welid, dit Ibn el-Fondoki(?), ce dernier,
particulièrement connu pour ses vertus et sa réserve. Le
dimanche 16 djomâda I (19 janvier 911) mourut Aboû’l-
Yeser Ibrahim ben Moh’ammed CheybAni Baghdàdi,
surnommé Er-Riyâd’i, qui fut inhumé à la porte de Sâlem.
C’était un homme fin, lettré, habile dans la correspon-
dance et la poésie, auteur de bons livres. Il se rendit
une fois en Espagne auprès de l’imâm Moh’ammed ben
f Abd er-Rah’mân, à qui il présenta une lettre de son
invention et attribuée par lui aux Syriens. Le prince le

(1) Cf. Ibn el-Athir, Annales, p. 304.

15

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– 226 –

reçut, bien) lui donna Thospitalité et le traita largement
et généreusement, mais il n’ignorait pas que la lettre était
supposée. Quand Aboû’l-Yeser voulut s’en aller, il lui fut
remis une lettre scellée et constituant une soi-disant
réponse au message des Syriens; après avoir franchi la
mer, il en rompit le sceau pour prendre connaissance
du contenu, mais il ne trouva qu’un feuillet blanc au
haut duquel figuraient les seuls mots : « Au nom de Dieu
clément et -miséricordieux ». Il dut alors reconnaître
que sa tromperie n’avait pas réussi et que les cadeaux
qu’il emportait étaient de simples témoignages de libé-
ralité et de faveur, ce qui lui donna une haute idée des
princes et des hommes d’Espagne. Il ébruita cette affaire,
qui provoqua une admiration générale. Aboû’l-Yeser,
après avoir servi en qualité de secrétaire la dynastie
Aghlabide tant qu’elle dura, entra en la même qualité au
service d’ c Obeyd Allah et y mourut. Il est auteur de plu-
sieurs bons ouvrages sur des sujets divers : un Mosned
sur les traditions, le Sirâdj el-hoda, sur le Koran, le
Lak’W el-merdjân f l’opuscule El- Wah’ida wa’l-mou’nisa,
le K’ot’b el-adab, etc.

En cette année, c Obeyd Allah nomma secrétaire, en
remplacement d’Aboû’l-Yeser, Aboù Dja c far Moh’ammed
ben Ah’med ben Ah’med ben Haroûn Baghdâdi, à qui il
accorda sa faveur particulière et aux services de qui il
recourut pour ce qui touchait l’affaire d’Aboû c Abd Allah,
d’Aboû’l- c Abbâs et des Kotàmiens ; ce fonctionnaire fut
pour lui de bon conseil et d’une grande utilité, b C’était
un homme fin et très intelligent arrivé à l’époque de
l’imàm c Abd Allah (*) en Espagne, [P. 163] où il se rendit

(1) C’est-à-dire ‘Abd Allah ben Mohammed, Omeyyade d’Espagne,
H- 300 H.

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– 227 –

populaire et fréquenta les littérateurs ; plus tard, il
n’oublia pas ses anciens camarades de Cordoue qui,
quand ils se rendaient en pèlerinage en passant dans le
pays où il s’était fixé, trouvaient auprès de lui préve-
nances et bon accueil b.

En la même année, les Hawwâra de [la région de]
Tripoli se révoltèrent et mirent à leur tête Aboû Hâroûn
Hawwâri; des Zenâta, des Lemâya (*) et autres tribus
berbères marchèrent contre Tripoli, devant laquelle ils
mirent le siège. c Obeyd Allah envoya contre eux Aboû
Zâki Temmâm ben Mo f â’rik’ Adjàbi (-), qui songeait,
comme Aboû f Abd Allah, à trahir et à déposer le Mahdi
et que celui-ci voulait éloigner, b pour ainsi ne pas lui
laisser deviner son projet de se débarrasser d’Aboû c Abd
j{Ulâh. Ce général, à qui furent confiées des forces consi-
dérables, dispersa les rebelles à la suite de plusieurs
combats et en tua un grand nombre, dont il envoya les
tètes et les oreilles ornées de leurs pendants à Rak’k’âda,
où il en fut fait une exposition publique b.

‘Obeyd Allah fait mettre à mort Aboû ‘Abd Allah et Aboû Zâki

Alors c Obeyd Allah, b conformément à la résolution
qu’il avait prise et à son plan de faire exécuter Aboû Zâki
Temmâm ben Mo’àrik Adjâbi d’abord, puis Aboû c Abd
Allah, envoya l’ordre par écrit à Mâk’enoûn ben Debbâra
Adjâbi, gouverneur de Tripoli b, de mettre à mort le pre-
mier de ces chefs. Ce gouverneur, qui était l’oncle de la
victime désignée, l’envoya chercher et lui montra l’ordre

(1) LemsA lit Lawàta.

(2) II faut probablement lire addjâni (supra, p. 209).

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– 228 –

qu’il venait de recevoir. Après l’avoir lu, Aboû Zâki se
borna à dire : « Exécute, mon oncle, les ordres qui te sont
envoyés! » On lui trancha donc le cou, et la nouvelle en
fut sur le champ envoyée par pigeon à Rak’k’âda. [P. 164]
Cette exécution eut lieu le mardi 1 er dhoû’l-hiddja 298 (*).
Dès qif c Obeyd Allah sut que la première partie de son
projet était réalisée, il ordonna à Gharaweyh ben Yoûsol
Meloûsi et à Djebr ben Nomàsibt 2 ) Mîli de se tenir en
embuscade derrière le Kaçr eç-Çah’n, pour en sortir
quand ils verraient passer Aboû e Abd Allah et son frère
AboiYl- f Abbàs, et les massacrer à coups de lance. Ces
chefs s’étant apostés avec quelques Kotâmiens, e Obeyd
Allah envoya chercher les deux frères pour qu’ils vins-
sent, comme d’habitude, partager son repas. Ils furent
attaqués à l’endroit convenu, et alors Aboû c Abd Allah
s’écria: « Gharaweyh, mon fils! épargne-moi »; mais
l’autre lui répondit: « Je te tue d’après les ordres de
celui à qui tu m’as commandé d’obéir ; a car tu as renoncé
au pouvoir dont tu -lui as préparé l’acquisition ! a » et le
frappant de sa propre main, d’un coup de pique il
l’étendit raide mort. Aboû’l-‘Abbâs reçut pour sa part
dix-neuf coups de lance. A la suite de ces meurtres,
accomplis au moment où le soleil commençait à décliner,
le mardi 1 er dhoû’l-h’iddjat 3 ), les deux cadavres, aban-

(1) C’est-à-dire le 31 juillet 911 ; mais Fournel (n, 106) conteste cette
date et fixe l’exécution d’Aboù Zàki, en partie d’après Ibn Khallikân,
au 19 février de cette année.

(2) Ce nom est écrit par Wûstenfeld, sous la forme qu’il a dans le
Mokaffa, Djebr ben el-K’àsim (p. 44), et Ibn Khaldoûn (Berb., n, 522)
appelle ce second meurtrier H’obacha ben Yoûsof. Cf. infra, p. 237;
Fournel, n, 107.

(3) 31 juillet 911 ; sur cette date, cf. Fournel, n, 106; Wûstenfeld,
p. 44. Makrizi donne la date du 15 djomâda II 298 = 17 février 911
{Moka/fa, ms 2144 de Paris, f. 221 v«\). Aboû ‘Abd Allah aurait encore

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— 229 —

donnés près du canal connu sous le nom d’Ël-Bah % r, y
restèrent jusqu’après l’heure de midi, puis le Mahdi les
fit inhumer dans les jardins et prononça ces paroles :
« O Aboû c Abd Allah, puisse Dieu avoir pitié de toi et
récompenser dans l’autre vie les peines que tu t’es
autrefois données! Quant à toi, Aboû’l-‘Abbâs, puisse
Dieu te refuser toute miséricorde, car c’est toi qui as
détourné ton frère du droit chemin et qui l’as mené à sa
perte ! » Puis il récita les versets (Koran, xliii, 35-36) :
« A celui qui se détournera des dires du Miséricordieux
nous lui amènerons un démon qui s’attachera à lui et le
détournera de la droite voie, .et cet homme se croira
bien dirigé ». Voici en quels termes il fit parler de cette
affaire aux chiites orientaux : « Après les saluts d’usage;
vous n’ignorez pas le mérite des services rendus par
Aboû c Abd Allah et par AboûVAbbâs à la cause de
l’Islam; mais Satan les a fait glisser dans la voie de
l’erreur, et le glaive m’a servi de moyen de purification.
‘ Je vous salue ».

à Des gens dignes de foi rapportent qu’Aboù c Abd
Allah s’étant un jour endormi en présence de ses com-
pagnons, [P. 165] parmi lesquels plusieurs missionnaires
kotàmiens, mit à découvert, par suite d’un mouvement
qu’il fit tout endormi, ses parties naturelles. Les assis-
tants s’entreregardèrent, mais aucun ne s’avança poul-
ies lui couvrir, sauf Gharaweyh ben Yoùsof, qui tira la
couverture sur lui. Quand, à son réveil, Aboû c Abd
Allah demanda qui avait caché sa nudité et qu’il sut que
c’était Gharaweyh : « C’est lui, s’écria- t-il, qui me tuera ! »

vécu en 323, d’après Bekri (p. 182) ; il n’y a là qu’un lapsus certain,
mais qui a échappé à l’attention de son savant traducteur.

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72″*r

— 230 —

Gharaweyh se mit alors à pleurer, lui demandant de le
faire tuer à l’instant: « Non, répondit-il, cela n’est pas
possible, mais, et j’en, prends Dieu à témoin, c’est toi qui
me tueras ». Et la prédiction se réalisa b.

Pendant quelques jours, c Obeyd Allah ne se laissa pas
voir aux Kotâma, puis il recouvra sa confiance en eux,
et il les laissa de nouveau pénétrer auprès de sa per
sonne, mais en prenant la précaution de ne pas les rece-
voir par groupes. Il s’occupa ensuite d’en faire exécuter
quelques-uns et employa pour les faire disparaître diffé-
rents genres de mort.

En cette même année,. Si ben Doûk’àn et Redjâ ben
Aboû K’inna marchèrent avec des forces considérables
contre les Lawàta, chez qui ils portèrent le meurtre et
le pillage et dont ils emmenèrent les enfants en captivité.
c Obeyd Allah fit lire la nouvelle de ses succès à K’ayra-
wàn et dans la région.

En 299 (28 août 911), ce prince envoya vers l’Occident
plusieurs de ses officiers à la tête de nombreux soldats v
pour combattre les Zenâta. Une grande bataille s’enga-
gea au lieu dit Felek MedikW, et les Zenàta y perdirent
un nombre de guerriers incalculable.

La ville de Tâhert fut conquise la même année. A la
suite de la révolte des habitants contre leur gouverneur
Dawwâs et de leur projet de le massacrer, cet officier se
réfugia dans l’ancienne Tâhert, où il organisa la résis-
tance et où la plupart des siens, au nombre d’environ
mille cavaliers, périrent. [Les habitants de Tâhert] appe-
lèrent alors Moh’ammed ben Khazer pour le mettre à
leur tête, allèrent à sa rencontre avec la mère et la famille

(1) On no trouve pas ailleurs le nom de cette localité.

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– 231 –

ainsi que la plus grande partie des armes de Dawwâs, et
l’installèrent dans la ville ; mais ensuite une scission
s’opéra entre eux et lui, de sorte qu’il s’éloigna et rentra
chez lui. c Obeyd Allah envoya alors contre Tàhert “|P. 166J
des forces d’une importance hors ligne, qui, arrivées sous
les murs de cette ville le vendredi 30 moharrem (27 sep-
tembre 911), commencèrent par l’attaquer pendant trois
jours, puis y pénétrèrent par la ruse le mardi 4 çafar
(l or octobre) : les hommes, au nombre de huit mille, fu-
rent massacrés, les femmes et les enfants réduits en
captivité, la ville pillée et incendiée. f Obeyd Allah mit à
la tète de cette [province] Meçâla ben H’aboûs ben Me-
nàzil ben Behloûl Miknâsi. Dâwwàs ben Çoûlàt partit
pour Rak’k’Ada, et le Mahdt le fit exécuter quelque temps
après (*).

h En cette année, il y eut à K’ayrawàn des tremblements
de terre ; des chutes de constructions et des effronde-
ments se produisirent à Elbâs, localité du Sàhel 6(2).

Il y eut à K’ayrawàn une affaire provoquée par les Ko-
tàma b le mardi 20 cha’bànWet par suite de laquelle
plus de mille d’entre eux furent massacrés dans les rues
et marchés de la ville h. Ils réclamaient d v Obeyd Allah
l’autorisation de se livrer au pillage à K’ayrawàn, et il

(1) La prise et la mise à sac de Tàhert sont regardées par Fournel
(ir, 109) ot Wûstenfeld (p. 45) comme la suite des opérations qui
avaient abouti à la victoire de Felek Medik. — En ce qui a trait au
gouvernement de Tàhert par Dawwàs,voir Berbères (n, 523), et cf. i,
244), où il parait y avoir une confusion (cf. Fournel, n, 116).

(2) Ces tremblements de terre sont aussi mentionnés par Ibn el-
Athir, p. 308. Quant à la localité d’Elbas, elle m’est inconnue.

(3) 11 avril 912, mais cf. Fournel, n, 110. On lit le 29 chabàn dans
Wûstenfeld (p 46), ce qui n’est probablement qu’une faute d’impres-
sion.

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\

– 232 –

tâchait de réfréner leurs appétits et d’en rétarder la
satisfaction. [En attendant] ils violentaient et maltrai-
taient les habitants, si bien que ceux-ci, exaspérés,
finirent un jour par se soulever à propos d’un acte de
violence exercé par un Kotâmien du djond sur un mar-
chand de la ville. L’agresseur ayant été repoussé, ses
camarades dégainèrent et voulurent mettre les boutiques
au pillage; mais alors les boutiquiers des soûks se
mirent à crier aux armes, si bien que plus de mille Kotâ-
miens furent massacrés. Le gouverneur de la ville,
Ah’med ben Aboû Khinzir, monta alors à cheval pour
ramener le calme et fit disparaître les cadavres des vic-
times en les jetant dans les égouts.

Alors les Kotâma résidant dans les environs de Rak’-
k’àda ne sortirent plus de chez eux, mais, cessant d’obéir
à e Obeyd Allah, ils mirent à leur tête [P. 167] un jeune
homme, K’âdoù ben Mo c àrik’, connu sous le nom d’El-
Mâwat’it 1 ); ils firent de lui la kibla vers laquelle ils se
tournaient pour prier, écrivirent un livre contenant les
préceptes divins tels qu’ils lui avaient [soi-disant] été
révélés (*) et présentèrent leur chef comme étant le Mahdi
attendu. Ce prétendant devint maître de tout le Zàb et
acquit une puissance véritable, de sorte qu’ c Obeyd Allah
fit marcher contre lui plusieurs de ses officiers, b dont
l’un, Çoûlàt ben Djonda, se joignit, avec environ deux
cents hommes, à celui qu’il devait combattre b. Alors le

(1) Variantes, Màriti et Mâroùti. Le nom de ce prétendant n est
donné ni par Ibn el-Athir, ni par Ibn Khaldoùn, ni par Makrizi ; le
premier de ces chroniqueurs place cette révolte en Tannée 298.

(2) 11 semble que- le texte doit ici être corrigé et complété, et qu’on
doit ajouter, avec les deux premiers auteurs cités, « prétendirent
qu’Aboû ‘Abd Allah était encore en vie».

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– 233 –

propre fils du prince, Aboû’l-K’àsim, fut envoyé par son

père b chez les Kotàma pour y combattre El-Mâwat’i, et

partit à cet effet de Rak’k’àda le samedi 25 ramad’ân

(15 mai 902) 6. Il conquit Constantine et d’autres villes du

pays des Kotàma, et il livra plusieurs combats à son

adversaire. 11 fut abandonné par plusieurs de ses officiers

qui rejoignirent El-Mâwat’i, mais il leur promit le pardon

et usa de procédés assez gracieux pour les ramener.

On exécuta à K’ayrawàn un groupe d’individus accusés
de sympathie pour Aboû c Abd Allah, qui avait voulu se
défaire du Mahdi ; parmi eux figuraient Moh’ammed ben
Aboû Sa c id Mili, préposé au marché (çdhib es-soûk’), c Abd
Allah ben Moh’ammed, surnommé lbn el-K’adim, Mo-
h’ammed ben Aboû Reddjâl Bâghà’i, Aboul-Wahab ben
c Amr ben Zoràra c Abderi, ainsi que plusieurs membres et
[anciens] officiers de la famille Aghlabide.

Il” fut aussi procédé à l’exécution d’Aboû Ibrahim, dit
lbn el-Bidjàwi Korachi Fihri, qui s’était révolté avec les
Tunisiens contre Ibrahim ben Ah’med ben el-Aghlab W .—
En cette année aussi naquit Aboû’t-T’âhir Ismà c îl ben
Aboû’l-K’âsim (*) ben c Obeyd Allah, qui gouverna l’Hri-
k’iyya pendant sept ans b. Alors aussi mourut Ziyàdet
Allah ben c Abd Allah ben Ibrahim ben Ah’rqed ben el-
Aghlab, qui avait fui d’Ifrik’iyya pour se diriger vers
l’Egypte, et qui fut enterré à Jérusalem, a Quand il partit
de K’ayrawàn en emmenant ses femmes, ses richesses et
un millier de Slaves, une de ses jeunes esclaves, pour se
faire emmener aussi, lui chanta ces vers :

(1) Il s’agit, je crois, do la révolte de 280 (voir p. 162).

(2) Le texte porte par erreur « ben Aboû’t-T’âhir », ce qu’a corrigé
Wûstenfeld, p. 86, n. 1.

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– 234 –

[P. 168 ; Monsarih’] Je n’ai pas oublié la station que nous
fîmes au jour de notre séparation, alors qu’elle avait les
paupières noyées de larmes, ni ce qu’elle me dit lorsque les
chevaux se mirent en marche : « Tu m’abandonnes, seigneur,
et tu pars ! » (*)

D’après Tabari, il fit décharger une bête de somme
pour y faire monter celle qui se plaignait ainsi ; mais
‘d’après- e Arib, le prince, bien que touché jusqu’aux
larmes, était trop absorbé par des préoccupations plus
graves, et il dut la laisser. Arrivé en Egypte, il resta huit
jours auprès cT c Isa Noûcheri, gouverneur de ce pays,
puis se rendit à Er-Rak’k’a ; mais rentrée de Baghdâd
lui fut interdite, et Tordre lui fut donné de regagner
l’Egypte. Il mourut empoisonné par un de ses escla-
ves ( 2 ) a.

h En cette année mourut, à l’âge de 87 ans, le juriste
médinois, versé dans la lexicographie, la grammaire et
les beautés de la langue, f Abd AUâh ben Moh’ammed
Temimi, connu sous le nom cTEl-Beydi, descendant
(PAbbâd ben KethirWé.

En 300 (17 août 912), Tripoli se révolta contre c Obeyd
Allah ( 4 >. Le gouverneur qu’y avait nommé ce prince,

(1) Des troïs vers cités p. 201, les deux premiers seulement sont ici
répétés, avec deux variantes.

(2) On n’est d’accord ni sur le lieu ni sur la date de la mort du der-
nier Aghlabide ; voir les textes réunis par Fournel (n, 82).

(3) Qui fut l’ifh des maitres du kàdi Aboû Mohriz Mohammed ben
‘ Abd Allah Kinâni (lbn el- Athir. vi, 23 ; Fr. hist. ar., 266et 374) ; 1 e nom
de ce dernier est orthographié de même par lbn Farhoùn (f. 133 v.
du ms 5032 de Paris) ; cf. ci-dessus, p. 131.

(4) C’est en 299 qu’Ibn el-Athir (p. 308) fait commencer la révolte
de Tripoli et il place en djoniàda II 300 le départ d’Aboû’l-Kasim à la
tête des troupes chargées de réduire cette ville, tandis que notre auteur,
un peu plus bas, le fixe au 2 djomàda I. Tidjàni assigne à cette expé-
dition la date do 303 V. As., 1853, i, p. 142),

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– 235 —

Màk’enoûn ben Debbâra Adjâbi, laissa à ses cousins
kotàmiens toute liberté de maltraiter le peuple et même
de violenter les femmes. La masse alors se souleva, fit
main basse sur les Kotâma qu’on put trouver et les
massacra, de sorte que Mâk’enoûn s’enfuit. Tripoli ferma
ses portes, les Kotàma qui se trouvaient dans la ville
furent massacrés et Moh’ammed ben lsh’àk’, connu sous
le nom d’Ibn el-K’arlin, fut choisi comme chef. Mâk’enoûn
s’était réfugié auprès d’ c Obeyd Allah, dont un corps d’ar-
mée marcha contre les insurgés et les combattit pendant
plusieurs mois.

Aboû’l-K’àsim le Chi c ite revint du pays des Kotàma à
Rak’k’âda, traînant à sa suite Màwat’i et les siens
réduits en captivité. Les vaincus furent promenés dans
les rues de K’ayrawàn montés sur des chameaux; b ils
portaient les longs bonnets d’ignominie ornés de cornes
[P. 169] et étaient, accompagnés de bouffons, b puis ils
furent exécutés à Rak’k’âda.

b En la même année, une révolte éclata en Sicile contre
lés gouverneurs El-H’asan et c Ali, l’un et l’autre fils
d’Ahmed ben Aboû Khinzîr, qui furent chassés et dont
les hôtels furent livrés au pillage. Les habitants vou-
lurent prendre pour chef Ah’med ben Ziyadet Allah ben
K’orhob, qui, repoussant leurs offres, s’enfuit et alla se
cacher dans une caverne. Alors les principaux du pays
se rendirent en corps auprès de lui et le prièrent de
prendre le pouvoir, eux-mêmes s’engageant par acte
écrit à ne pas l’abandonner. Il accepta et écrivit alors au
khalife de Baghdàd El-Mok’tadir qu’il reconnaissait sa
suzeraineté et détenait le pouvoir en son nom en Sicile.
Le khalife lui fit parvenir l’investiture demandée et lui
envoya des étendards et des vêtements de couleur noire,

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– 236 –

ainsi qu’un collier d’or. Ah’med ben Ziyàdet Allah, que
cet envoi remplit de joie, manifesta sa résolution et son
zèle à soutenir les intérêts du khalife b (*).

En la même année, Aboû’l-K’âsim ben ‘Obeyd Allah
marcha contre Tripoli b et quitta à cet effet Rak’k’âda le
dimanche 2 djomâda I W ; f Obeyd Allah expédia aussi
quinze navires de guerre, qui furent, à leur arrivée
devant Tripoli, combattus par la flotte de cette ville et
livrés aux flammes, tandis que ceux qui les montaient
étaient massacrés. Aboû’l-K’âsim, parti par terre, infli-
gea d’abord une leçon aux Hawwâra, puis campa sous
les murs de la ville b, dont il entama un siège si rigoureux
que Ton y mangea les morts. Il reçut alors des offres de
soumission qu’il accepta, mais en refusant tout quartier
à trois individus b qui devaient être remis à sa discrétion,
Mohammed ben Ish’âk’ K’orachi, Moh’ammed ben -Naçr
et un nommé El-Hawh’ah’aW. Après avoir fait son entrée
dans la ville et en avoir pris possession, il ramena ses
troupes à Rak’k’àda en se faisant précéder des trois
personnages cités, qui, après avoir été promenés dans
les rues de K’ayrawàn, montés sur des chameaux et
porteurs des bonnets (d’ignominie) ô, furent exécutés.
Aboû’l-K’âsim fit aussi exécuter à Tripoli ceux des
Aghlabides et de leurs officiers qu’il y trouva.

c Obeyd Allah partit de Rak;kâda [P. 170] et se dirigea
vers Tunis, Carthage et la région du littoral, à la recher-
che d’un emplacement où il pût établir sa capitale. Son

(1) Cet alinéa est traduit dans Amari, Bibl. Ar. Sic, n, 22. Sur cette
révolte, cf. lbn el-Athir, p. 309; Fournel, n, 113.

(2J Voir la note 4 de la p. 234.

(3) Ce nom, probablement altéré, est transcrit « H’oweydj » par
Wûstenfeld, p. 48,

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– 237 –

choix s’arrêta sur la presqu’île de Djemma (*), et il y fit
commencer la construction de la ville qui devait être
Mehdiyya.

b Aboû Dja c far Moh’ammed ben Ah’med ben Hàroûn
Baghdâdi fut nommé au bureau des postes, fonctions
qu’il occupa jusqu’à sa mort.

Moh’ammed ben Aboû Ayyoûb, connu sous le nom de
d’Aboû’l- c Aha, figurait parmi ceux qu’on accusait de
préparer secrètement un soulèvement contre c Obeyd
Allah. Il se cacha, ce qui fut cause qu’on démolit plu-
sieurs maisons [pour le chercher, mais en vain] ; puis il
reparut en répandant dans la ville deK’ayrawân de bons
conseils adressés à c Obeyd Allah en faveur de celle-ci.
Ce dernier le laissa d’abord faire, puis au bout de quel-
que jours le fit mettre à mort.

Aboû Dja c far ben DjabroûnW, marchand d’origine
espagnole et fixé à K’ayrawàn, qui était çâhibW de la
sainte mosquée et des fondouks avoisinant la prison, fut
l’objet auprès du kàdi Merwezi d’une dénonciation con-
firmée par témoignage et l’accusant d’avoir reçu en dépôt
des valeurs importantes ; il fut mis à la question et tor-
turé jusqu’à ce que la mort s’ensuivît b.
En 301 (6 août 913), H’abâsaW ben Yoûsof, envoyé vers

(1) Variante, H’amma,- Sur la^ondation de Mehdiyya, voir Annales ,
p. 314; Foumel, n, 121; Wustenfeld, p. 48. La ville est décrite
notamment par Bekri (p. 72), Edrisi (p. 126), Ibn Khaldoùn (Berb.,
il, 525), Tidjàni (/. As., 1853, i, p. 358), dans Ylstibçâr, p. 13, etc.

(2) La lecture de ce nom, dépourvu de points diacritiques, est
douteuse ; cf. p. 148.

(3) Ce mot est trop vague pour que j’aie osé le traduire ; Wusten-
feld (p. 49) le rend par «qui avait fait construire une magnifique
mosquée, etc. »

(4) Le Nodjoûm et Ibn Khaldoùn orthographient H’obâcha.

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– 238 –

l’Orient à la tête d’une armée que lui confia c Obeyd Allah,
entra dans la ville de SortW b en lui accordant quartier;
les troupes du djond Abbaside qui y tenaient garnison
s’enfuirent, et une circulaire annonçant ces faits d’armes
fut lue dans les mosquées principales d’Ifrik’iyya ; il
pénétra ensuite b dans la ville d’Adjdâbiyya* 2 ), à laquelle
il accorda également quartier et d’où s’enfuirent les sol-
dats Abbasides ; puis ce fut le tour de Bark’a, b c Obeyd
Allah ayant d’ailleurs soin de fournir à H’abâsa les ren-
forts nécessaires b. Les habitants des villes conquises
étaient mis à mort et torturés, leurs biens confisqués, b
et l’on inventait des prétextes pour chercher querelle
[P. 171] aux gens paisibles: ainsi, lors de la prise de
Bark’a, on trouva quelques hommes qui s’amusaient
avec des pigeons, et Habâsa, sous prétexte que ces
oiseaux leur apportaient des nouvelles des Abbasides,
fit allumer un bûcher autour duquel il rangea ces hom-
mes, leur fit manger des lambeaux rôtis de leur propre
chair, puis les fit précipiter dans le feu. A Bark’a encore,
il appela à s’inscrire tous ceux qui désiraient des grati-
fications et une solde élevée ; un certain nombre ayant
répondu à cette invitation, il ordonna aux officiers ( e arif)
kotâmiens de dresser le signalement personnel des ins-
crits, en ajoutant que chacun d’eux devait en garder un
chez soi. Le lendemain, il convoqua les enrôlés pour
toucher les sommes promises et il les fit alors massacrer,
au nombre d’un millier environ, jusqu’au dernier. Sur
leurs cadavres amoncelés, il fit placer un trône où il

(1) Sort ou Çort, au fond de la grande Syrte (Bekri, p. 15 ; Edrisi,
p, 143 ; Istibçâr, trad. fi\, p. 1).

l2) Adjdâbiyya, à 27 lieues S. de Ben-Ghazi, est décrite par Bekri
(p. 14), par Edrisi (p. 157 de la trad.), par Y Istibçâr (trad., p. 58), etc.

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– 239 –

s’assit, et les chefs de la ville, qu’il fit alors introduire,
contemplèrent avec épouvante ce tas des malheureux
assassinés ; trois d’entre eux moururent da peur et de
saisissement. Il se mit alors à les injurier et les menaça
de les faire tous massacrer s’ils ne lui apportaient pas
le. lendemain cent mille mithkâh. Aussi cette somme
lui fut-elle payée b. Des troupes nombreuses furent en-
voyées d’Egypte contre H’abâsa ; une grande bataille
eut lieu, où ce général, b après diverses péripéties b,
mit ses adversaires en déroute, les poursuivit et en tua
beaucoup,

b H’abâsa fit aussi exécuter à Bark’a Hârith et Nizâr,
fils Pun et l’autre de H’ammàl Mezàti, ainsi que plu-
sieurs de leurs enfants et de leurs cousins ; il fit vendre
leurs femmes et confisqua leurs biens. c Obeyd Allah en
effet avait logé chez eux lors de sa venue d’Egypte au
Maghreb et il les accusa de lui avoir volé une charge
d’argent et d’effets ; la réclamation (Ju’il présenta alors
lui valut les insultes de l’un d’eux, qui, s’avançant contre
lui, l’injuria et le souffleta. H’abàsa ne lit en cela qu’exé-
cuter les ordres qu’il avait reçus du prince. Les habitants
de cette ville écrivirent à f Obeyd Allah quels étaient les
procédés de H’abâsa à leur égard : massacre des hom-
mes, captivité des femmes, confiscation des biens. Il
leur répondit en s’excusant, affirmant par serment n’avoir
rien ordonné de ce genre [P. 172J sinon pour les trois
individus cités (*), et il donna à H’abâsa l’ordre de s’éloi-
gner b. Ce général continua donc avec ses troupes de
s’avancer vers l’Egypte, établit son camp au *( 2 )

(1) Plus haut, il n’a été question nommément que des deux fils de
ilammàl Mezàti.

(2) La lecture de deux mots est douteuse : djebel Mahka t

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– 240 –

attaquant les châteaux du voisinage et ne leur laissant
aucun repos tant qu’il ne les avait pas pris et livrés au
massacre et au pillage, tandis que les enfants étaient
réduits en esclavage.

b Aboû’l-K’âsim marche contre l’Egypte b.

En la dite année, Aboû’l-Kâsim ben c Obeyd Allah
quitta Rak’k’âda à la tête de forces considérables et
s’avança contre l’Egypte (*).

Moh’ammed ben Ah’med ben Ziyâdet Allah ben K’or-
hob livra aux flammes, dans le port de Lamt’a( 2 ), la flotte
d’ c Obeyd Allah. El-H’asan ben Ah’med ben ‘Aboû Khin-
zir, qui la commandait, fut égorgé de la propre main de
Moh’ammed ben K’orhob, qui lui coupa ensuite les pieds
et les mains, fit environ six cents prisonniers b et incen-
dia tous les navires b, c Obeyd Allah, quand il apprit ces
événements, b et dans la croyance que sa flotte existait
encore b, envoya des secours, mais Ibn K’orhob combat-
tit et mit en fuite les nouveau-venus, dont les bagages
et approvisionnements tombèrent entre ses mains ( 3 ).

b A K’ayrawân mourut Aboû Bekr Moh’ammed ben
el-H’asan Baçri Korachi. A K’açr et-T’oûb, couvent for-
tifié (ribâf) du voisinage de Sousse, mourut l’ascète Aboû

(1) La campagne du fils (T’Obeyd Allah semble donc être indépen-
dante de celle de Habàsa, qui vient d’être racontée. Plus tard, sous
l’aiyiée 302, ces deux chefs semblent marcher ensemble ; cf. Ibn el-
Athîr, trad. ïi\, p. 312, et le Nortjoûm.u, 181 et 193.

(2) Au sud de Monastir ; c’est la Leptis parva de l’antiquité. Edrist
et Bekri mentionnent cette localité.

(3) Ce paragraphe figure dans la Biblioteca, d’Àmari (n, 23) ; cf.
Fournel, n, 114.

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– 241 –

Yoûnos, à l’enterrement de qui les habitants de K’ayra-
wàn se rendirent b.

En 302 (26 juillet 914), Aboû’l-K’âsim, qu’accompagnait
le général H’abâsa, entra à Alexandrie, qu’il trouva
déserte, les habitants s’étant embarqués avec leurs biens
les plus facilement transportables et ayant abandonné
leurs autres meubles, dont les vainqueurs s’emparèrent.
Aboû’l-K’âsim s’avança alors dans le Fayyoûm, [P. 173]
où il établit son camp jusqu’à ce que le page (fêta)
Mounis arrivât de l’Irak pour le combattre. Habàsa
abandonna alors l’Egypte et se retira au Maghreb, parce
qu’Aboû’l-Kâsim lui avait envoyé du Fayyoûm Aboû
Feridoun, général qui devait le remplacer dans son^
commandement, tandis que lui-même irait rejoindre
Aboû’l-Kâsim au Fayyoûm. Irrité de cette mesure et
s’écriant que, quand il était près de rester vainqueur,
Abôû Ferîdoun allait recueillir le bénéfice et la gloire de
ses faits d’armes, H’abâsa s’enfuit à cheval du côté du
Maghreb à la tête d’une trentaine de ses cousins aussi à
cheval. Une dépêche d’Aboû’l-Kâsim, adressée aux gou-
verneurs [des provinces situées le long] de la route W
leur ordonna de faire bonne garde b et de le prendre s’il
passait à leur portée ; en outre il informa aussi son père
c Obeyd Allah. A l’arrivée de Mounis en Egypte, le lundi
15 ramad’ân (2 avril 915) b, Aboû’l-K’âsim quitta le
Fayyoûm et se dirigea vers l’Ifrîk’iyyaW, en emportant
ce qu’il avait de moins lourd en fait de choses précieuses,

(1) ^ J*J\ JU-ft peut-être, les gens chargés de veiller à la sûreté
des roules. Rapprochez pettc expression de L ^—>Ja3\ J^-> de Zer-
kechi (texte, p. 109, trad. fr. t p. 201).

(2) A la suite de quatre sanglants engagements, au dire d’ibn el-
Athir, (trad., p. 313 ; Wustenfeld, p. 50).

16

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– Ihà –

de vêtements et d’armes. Les troupes égyptiennes, qui
serraient de près l’arrière-garde, lui enlevèrent ses
tentes et une grande quantité d’armes et autres objets.
b Quant à H’abâsa, il gagna d’abord la région de Bark’a,
et delà Nefzâwa b; mais il était serré de- près, b et ses
compagnons l’ayant abandonné, il fut pris et enchainé, b
puis mené à c Obeyd Allah, qui le jeta en prison lui et sa
famille.

Gharaweyh se prépara secrètement à fuir b de Tàhert
b, car il avait appris l’histoire b et la fuite de H’abâsa,
lequel, dit-on, lui avait écrit et espérait le rejoindre
[P. 174] et trouver de l’aide auprès de lui. La capture de
H’abâsa fit prendre peur à Gharaweyh b, qui s’enfuit en
emportant ses richesses, mais qui fut pris et tué b dans
l’Aurès b. Sa lête fut envoyée à c Obeyd Allah, qui, b en
apprenant la complicité du défunt el de H’abâsa b, donna
Tordre d’exécuter celui-ci et tous ses proches. On les
tira donc de prison et on les décapita, après quoi toutes
ces. tètes, chacune portant un écriteau suspendu aux
oreilles et indiquant le nom de celui à qui elle avait
appartenu, furent présentées à c Obeyd Allah, qui les
examina toutes,, y compris celles de H’abâsa et de Gha-
raweyh, et qui s’écria : « Etrange retour des choses de
ce monde ! Ces têtes, pour qui l’Orient et l’Occident
étaient trop petits, les voilà toutes réunies dans ce
panier! » b II les fit jeter secrètement dans la grande
mosquée d’Alexandrie (*).

Alors mourut le juriste Sa c id ben Moh’ammed ben

(1) C’est à K’ayrawàn qu’Ibn el-Athîr place la révolte cT’Aroûba en
302. Si ce chef s’était trouvé à Tàhert, ainsi que le dit le Bayan> son
mouvement vers l’Aurès n’aurait pas été une fuite, mais une tenta-
tive de jonction avec H’abâsa.

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– 243 –

Çabih’ Ghassàni, compagnon et disciple de Soh’noûn ben
Sa c id 6.

Lorsqu’Aboû’l-K’âsim revenant d’Egypte avait passé
dans le voisinage de Bark’a, les habitants de cette ville
lui avaient apporté leurs salutations, et il leur avait dit
qu’il était à la poursuite de H’abâsa pour le punir des
mauvais traitements qu’il leur avait infligés ; il leur
avait ordonné de réparer les brèches des murailles de
leur ville et leur avait donné des Kotamiens pour chefs.
Mais quand il se fut éloigné et qu’on sut dans quelles
circonstances il avait quitté l’Egypte, une émeute éclata
contre les chefs kotamiens, qui furent massacrés. Aboû’l-
K’âsim arriva du Fayyoûm à Rak’k’Ada, le dimanche
10 dhoûl-kVda (26 mai 915).

En 303 (16 juillet 915), b mourut Ziyâdet Allah ben
c Abd Allah ben Ibrahim ben el-Aghlab, à Ramla, lais-
sant comme fortune, au dire de ceux qui étaient auprès
de lui, mille dinars frappés à son nomW b. Il y eut en.
Ifrik’iyya et dans les régions voisines une violente épidé-
mie, qui emporta, [P. 175] parmi les Koreychides habi-
tant K’ayrawân, Aboû’l-Moç c ab ben Zorâra c Abderi.
Cette année vit encore mourir : le kàdi Djemmâs ben
Merwân ben Semmâk Hamadâni, juriste pieux et cons-
ciencieux; Moh’ammed ben c Obâda Soûsi; Khalaf ben
Mo’ammer ben Mançoûr, juriste irakien (hanéfite), qui
avait reçu les leçons de son père, élève d’Asad ben el-
Forât;il avait, dès rentrée des Chiites en If rîk’iyya, adopté
leurs doctrines pour mettre ainsi à l’abri des investiga-
tions des nouveaux maîtres son fils, qui s’était approprié

(1) On a vu ci-dessus (p. 233), la mort du dernier Aghlabide
fixée à l’année 299.

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* -“JUM 11 !

– 244 ^

des valeurs lorsque Ziyâdet Allah s’était’ enfui de Rak’-
k’âda. Son père, Mo’ammer ben Mançoûr, qui avait été
élève d’Ibn Ferroûkh et aussi d’Asad ben el- Forât, dont
l’enseignement était le plus fidèlement rapporté par lui,
disait que l’usage des boissons enivrantes est permis,
que l’abus seul en est interdit. — Alors aussi mourut
dans la torture, à Rak’k’âda, le kâdi Moh’ammed ben
c Omar Merwezi, qui fut inhumé de nuit au Bâb Sàlem.
On rechercha ses biens auprès des habitants de K’ayra-
wân, dont plusieurs, chefs, hommes distingués et mar-
chands, subirent à ce propos la torture.
– b c Obeyd Allah envoya contre Bark’a des troupes
commandées par Aboû Medini ben Ferroûkh LahîçH 1 ) b.
Il nomma directeur du«kharâdj d’Ifrik’iyya le kâdi Aboû
Mo c ammer e Imrân ben Ah’med b ben c Abd Allah ben
Aboû Moh’riz, qui eut ensuite à procéder à la répar-
tition (de l’impôt) sur les propriétés rurales b. Après les
avoir toutes recensées, et relevé les produits annuels
maximum et minimum de la dîme, il divisa le total par
deux, et chaque propriété fut taxée au chiffre ainsi
obtenu.

Des troubles surgirent en Sicile contre Ibn K’orhob, b
dont une partie de la population était d’accord pour
demander le renvoi et écrivit à c Obeyd Allah. En vain le
gouverneur menacé recourut aux cajoleries [P. 176] et
rappela à ses adversaires les serments qu’ils lui avaient
prêtés 6, la guerre civile éclata, et Ibn K’orhob n’eut
pour le soutenir qu’une partie de la population. Il voulut
alors passer en Espagne et fréta à cet effet des bâtiments

(1) Ici comme ailleurs, je conserve la lecture d’Ibn Khaldoûn
Lahîçiy et non LahîcTi.

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– 245 —

qu’il remplit d’une foule d’objets divers ; mais la popu-
lation empêcha la réalisation de son projet, livra au
pillage le contenu de ces navires et emprisonna le gou-
verneur, son fils et son kâdi b connu sous le nom d’Ibn
el-Khâmi. Tous les trois furent enchaînés 6 et envoyés
à c Obeyd Allah, avec une lettre demandant un gouver-
neur et un kâdi, b mais où il était dit aussi que ni soldats
ni secours n’étaient nécessaires b; les Siciliens y ajou-
taient une condition qui irrita ce souverain et les excita
contre eux, au point de lui faire, comme on le verra plus
loin, envoyer une expédition contre euxW.

En.ô moharrem b 304 (juillet 916), Ibn K’orhob et ses
compagnons arrivèrent b enchaînés à Sousse, où se trou-
vait b c Obeyd Allah. Celui-ci fit comparaître l’ex-gou-
verneur devant lui et lui demanda pourquoi il s’était
révolté et avait méconnu les droils de la dynastie ; à
quoi le prisonnier répondit qu’il avait été élevé au
pouvoir malgré lui et qu’il en avait été précipité de
même. f Obeyd Allah emmena ses prisonniers à Rak’-
k’àda, b où, après avoir subi la flagellation, ils eurent
les pieds et les mains coupés près du tombeau d’El-
H’asan ben Aboû Khinzir, à la porte de Sàlem, puis cru-
cifiés sur place.

En rebi e I (septembre 916^, les murs de Mehdiyya
furent terminés et l’on y plaça les portes b.

c Obeyd Allah envoya en Sicile des troupes et des
navires b commandés par Aboû Sa c id connu sous le nom
d’Ed-D’ayf b, qui, pendant plusieurs mois, tint les
rebelles bloqués et en tua un grand nombre. [P. 177] Les

(1) Ce paragraphe, de même que le suivant, figurent dans la
Biblioteca d’Amari (n, 24) ; cf. Founiel, u, 124.

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– 246 –

Kotàma, lancés sur les femmes et les enfants qu’ils trou-
vèrent dans les faubourgs de la ville, assouvirent sur
eux leurs passions et violèrent même les vierges, b Aboû
Sa c id annonça ses succès à c Obeyd Allah, qui lui envoya
(tes renforts considérables en bâtiments et en soldats b.
Les SicUiens alors demandèrent quartier b en s’offrant à
livrer les (principaux) complices de lçur rébellion b ; leur
demande fut entendue et la ville fut démantelée ; b les
‘armes, les chevaux et les esclaves furent livrés, une
contribution de guerre leur fut imposée et Aboû Sa c id
embarqua, pour les envoyer à c Obeyd Allah, les coupa-
bles qui lui furent remis, mais ils furent engloutis par la
mer. Avant de reprendre le chemin de K’ayrawân b, il
nomma au gouvernement de la Sicile Sâlim ben Aboû
Ràchid, avec qui il laissa une troupe de Kotàma (*).

b Aboû Medini, qui avait été envoyé contre Bark’a,
conquit cette ville après un siège de dix-huit mois où la
plupart des habitants avaient été fauchés dans les com-
bats. Le vainqueur en fit périr toute une troupe dans les
flammes, confisqua tous les biens et envoya un groupe
de prisonniers à c Obeyd Allah, qui les fit exécuter.

Cette année-là moururent le kàdi Moh’ammed ben
Aswad ben Gho’ayb Çadini, le juriste Meymoùn ben
c Omar et l’ascète Moh’ammed ben Ah’med Çadafi b.

Meçàla ben H’aboûs* 2 ) s’avança de Tâhert contre Sa c id
ben Çàlih’ ben Sa c id ben Idris, prince de Nàkoûr M, et lui
livra de nombreux combats.

(\) Ce paragraphe se retrouve dans la Biblioteca (n, 26).

(2) Ibn Khaldoùn le cite comme étant l’un des officiers les plus
capables d’ Obeyd Allah (Bey hères, i, 259 et 266; Dozy, Histoire des
Mus. d’Esp.y m, 38).

(3) Cette orthographe établit la prononefation Nakour, et non

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– 247 –

En 305 longtemps reçu l’ensei-
gnement de Soh’noûn et d’autres; ainsi que le kâdi de
Gafça, Mâlek ben c fsa ben Naçr, qui, à deux reprises
formant un total de vingt ans, avait voyagé pour
recueillir les traditions et qui était devenu habile et

(1) A cinq milles au nord de Nàkoûr, dit Bekri, qui ailleurs con-
fond ces deux localités (pp. 209 et 227 ; lbn Haukal, éd. de Goeje,
p. 53; Dozy, Recherches, 3 e éd., n, 279).

(2) Nom d’une lecture douteuse.

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– 2&6 ~.

pénétrant dans cette science. A Rak’k’àda mourut un
Koreychide d’Ifrik’iyya, Aboûl-Fad’l Moh’ammed ben
cendait d’ c Abd el-Melik ben Merwàn. Il avait, pour
pénétrer auprès de ceux de sa race et rester avec eux,
exercé la charge de percepteur d’impôts à Tripoli et à
Tunis, et avait ainsi pu acquérir [P. 184] sa fortune. Les
Chiites le firent périr dans les tortures.

Les habitants ruraux des divers cantons d’Ifrik’iyya
eurent, cette année-là, à payer une contribution nommée
iacTyt* (ruine?) et que (les vainqueurs) prétendirent être
l’arriéré de l’impôt des métairies ^) b.

En 306 (13 juin 918), le lundi l* r dhoû’1-kVda (4 avril
919), Aboû’l-K’âsim ben ç Obeyd Allah partit pour sa
seconde expédition d’Egypte, pour laquelle il réunit des
forces nombreuses composées de Kotâma ainsi que
d’Arabes et de Berbères d’Ifrik’iyya ( 2 ). b Entre autres
conseillers de son père, il emmena Khalil ben Ish’âk’, le
secrétaire Aboû Ghânem, et Menn Allah ben el-H*asan
ben Aboû Khinzir, qu’ c Obeyd Allah déplaça de K’ayra-
wân pour l’envoyer avec Aboû’l-K’âsim, tandis qu’il le
remplaçait en qualité de gouverneur de cette dernière
ville par Aboû Sa’id ed-D’ayf.

Un incendie éclata dans le marché (souk) de K’ayra-
wân, dans la nuit du mardi au mercredi 13 dhoû’l-hid-
dja (16 mai 919).

Cette année-là moururent Aboû Sa c id Moh’ammed ben
Moh’ammed ben Soh’noûn, qui avait été élève de son

(1) Tah’sîf parait avoir ici cette signilication ; cf. suprà, p. 244, où
le même mot est employé, et Dozy, Supplément, s. v. ££^ôj .

(2) Sur cette date, cf. Fournel et les auteurs qu’il cite (n, 135).

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– 257 –

père et qui s’adonna entièrement à l’ascétisme et aux
œuvres de piété, — ainsi qu’Aboû’l-Aswad Moûsa ben
c Abd er-Rah’mân ben DjondobW, connu sous le nom de
Moûsa el-K’at’t’ân, élève de Moh’ammed ben Soh’noûn.
Du temps d ,e Isa ben Meskîn il occupa, à Tripoli, le poste
de kâdi, que lui enleva Ibrahim ben Ah’med pour l’en-
voyer en prison ; il avait fait (un livre en) douze parties
sur les décisions (ah’kâm) du Koran. A Bark’a mourut
aussi Aboû Medîni ben Ferroûkh Labîci, qui demeurait
dans cette ville en qualité de général chi c ite b.

En 307 (2 juin 919), il y eut en Ifrîk’iyya b et dans les
régions avoisinantes, jusqu’à l’Egypte b, une violente
épidémie et une grande cherté de vivres coïncidant avec
les exactions les plus odieuses des Chi c ites, à qui tous
les prétextes étaient bons pour dépouiller le peuple.

Aboû’l-K’âsim envoya contre Alexandrie Soleymân
ben Kâfi, qui commandait son avant-garde. [P. 185] Ce
général, avecdes troupes considérables, Kotâmaet autres,
surprit les habitants sans défense, et cette population,
en présence de ces nombreux cavaliers et des troupes
qu’amena bientôt Aboû’l-K’âsim, évacua complètement
la ville, que ce dernier livra au pillage. Après avoir
informé son père de ce succès, il fit marcher contre le
Fayyoûm Soleymân ben Kâfi, qui y entra de vive force,
s’y livra au meurtre et au pillage, réduisit les enfants en
captivité, b et y préleva l’impôt foncier^). Des troupes
nouvelles, venant d’Ifrîk’iyya, ne cessaient d’affluer au-
près d’Aboû’l-K’âsim, qui, partant d’Alexandrie à la

(1) On lit ben Hahîb, au lieu de Djondob, dans Ibn Farhoûn (ms
5032 P., f. 135 v°).

(2) Voir l’exposé et l’explication de ces rapides succès dans Four-
nel (il, 136) et Wustenfeld (p. 55).

17

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– 258 –

tête d’une armée innombrable et se dirigeant vers le
Fayyoûm, installa son camp à Ochmoûneyn en redjeb
(novembre-décembre 919). Les céréales qu’il y trouva
encore en gerbes et non emmagasinées furent livrées au
pillage b ; aussi les vivres se firent-ils rares tant en
Egypte b qu’au c#mp, puis une épidémie éclata b f et
beaucoup de gens émigrèrent. b Gomme à ce moment
l’Egypte était dépourvue de djond, le peuple réuni déci-
da, après délibération, de confier le pouvoir à Moh’am-
med ben c Ali Mâderâ’i et à son frère Aboû Zenboûr.
Ceux-ci informèrent secrètement AboiVl-K’àsim de l’ab-
sence du djond et de l’état de faiblesse du pays et mani-
festèrent tout leur empressement à le reconnaître, lui
demandant seulement de ne pas les presser parce qu’ils
avaient à compter avec la masse populaire. Ils comp-
taient qu’il les laisserait tranquilles jusqu’à l’arrivée des
guerriers de Baghdâd. Mâderâ’i écrivit d’ailleurs à El-
Mok’tadir pour lui annoncer que l’envahisseur était
campé dans le pays.

Le page Themel arriva à la tète des bâtiments syriens
au secours d’Alexandrie, dans le port de laquelle se
trouvait une flotte chi’ite; il l’attaqua et la battit le di-
manche 17 chawwàl (11 mars 920). [P. 186] Il fit prison-
niers un certain nombre de Kotâma qui la montaient et
les conduisit à Fostât, où on les promena ignominieuse-
ment par les rues, montés sur des chameaux ; parmi eux
figuraient plusieurs officiers chi c ites bien connus pour
leur bravoure W.

b Alors mourut en Ifrîk’iyya le kâdi Moh’ammed ben
Mah’foûz’ Kamoûdi, dont le jugement était médiocre et

(1) Cf. Ibn el-Athir, Annales, p. 316; Fournel, n, 138.

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– 259 –

les sentences injustes b. Ish’âk’ ben Aboû’l-Minhâl devint
kàdi à K’ayrawân.

b Sur K’ayrawân souffla un vent qui rendit l’atmos-
phère d’un jaune noirâtre et en fit disparaître pendant
plusieurs jours la transparence, à ce point qu’on ne dis-
tinguait pas celui à côté de qui l’on était assis. A ce
brouillard succéda l’épidémie dont il a été question.

A cette époque moururent Ah’med ben c Ali ben Doû-
dân le juriste, qui avait entrepris un voyage au cours
duquel il reçut les leçons de Yoûnos et de Mozni; — le
juriste Moh’ammed ben Ah’med ben Yah’ya ben Mihrân,
élève de Moh’ammed ben Soh’noûn ; — Fascète et homme
distingué Aboû Soleymàn Dâwoûd ben Mesroûr Ghas-
sâni ; — Moh’ammed ben c Abd Allah, fils du kâdi Ah’med
ben Mohriz. A Tunis mourut le koreychide Moh’ammed
ben Ah’med ben c Abd Allah ben Sa c id ben Khâlid ben
e Obeyd Allah ben c Amr ben c Othmân ben c Affân, sur-
nommé El-Ba c ra, qui était venu de Médine auprès
d’Ibrâhîm ben Ah’med et qui se rendit deux fois en
Espagne b.

A K’ayrawân, on exécuta, après l’avoir flagellé et lui
avoir coupé la langue e Aroûs, muezzin à la mosquée
du juriste Ibn c Ayyâch, à la suite de la déposition de
plusieurs orientaux (Chiites) qu’il n’avait pas, dans
l’appel à la prière, crié : Accourez à l’œuvre excel-
lente, b La victime était un ascète qui gagnait sa vie à
moudre de la farine et à faire des travaux de sparterie.

Entre autres juristes moururent à K’ayrawân c Abd
Allah ben Moh’ammed ben Yah’ya Ro c ayni, élève de
Soh’noûn; Moh’ammed ben Moûsa Temîmi, cheykh ira-
kain (hanéfite); Ish’âk’ ben Ibrahim ben Aboû c Açim
Fârisi ; Aboû Dja c far Ah’med ben Mançoûr, client des

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— 260 — •

Benoû Temim, connu sous le nom d’Ibn el-Mokra e a
[P. 187] le blanchisseur, qui avait étudié à la Mekke et
en Egypte. Il mourut également bien des marchands,
des serviteurs du sultan et des médecins, dont la liste
allongerait trop ce livre b.

En 308 (22 mai 920), Meçâla, général d’ c Obeyd Allah,
s’avança avec ses troupes dans la direction du Maghreb.
Lorsqu’il approcha de Nakoûr, Çâlih’ ben Sa e id quitta
celte ville pour s’installer solidement dans une montagne
non loin de là, b la montagne d’AboûVHoseyn b, et
Meçâla entra à Nakoûr, dont il prit possession. Il en
repartit pour marcher contre Fez, alors occupée par
Yah’ya ben Idrîs ben c Omar ben Idris, avec sa famille et
ses guerriers. Yah’ya tenta de résister, mais après plu-
sieurs jours de combat il fut mis en déroute, et Meçâla
put prendre possession de Fez.

a Voici des vers du poète des (Chi c ites), relatifs à cette
ville :

[Baslf] Je suis entré à Fez, que je désirais vivement (visi-
ter), mais les émanations du fromage m’ont pris aux yeux
et à la tête. Je n’y rentrerai plus de ma vie, me la donnât-
on même, elle et tous ses habitants (*) ! a

b Aboû Sa c id Moûsa ben Ah’med massacra à K’ayra-
wân Ziyâd ben Khalfoûn le médecin, client des Benoû’l-
Aghlab, qui était savant dans son art et y apportait de
brillantes dispositions naturelles. c Obeyd Allah, qui
avait eu besoin de Ziyâd et lui avait accordé sa faveur,

(1) Bekri (p. 266) cite ces vers et leur donne pour auteur Ibrahim
ben Moh’ammed Açili. — Sur cette campagne de Meçâla, voir Bekri,
p. 283 et 285 ; Berbères, u, 145 et 526 ; Fournel, n, 141.

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– 261 –

l’avait mis en garde contre la rancune que lui gardait
Aboû Sa c id par suite d’un différend survenu entre eux,
lui défendant d’aller à K’ayrawàn pendant qu’Aboû Sa f id
y serait. Ziyàd respecta d’abord cette recommandation ;
mais il entra une fois dans la ville pour y passer la nuit,
et Aboû Sa f id, qui était à RakVàda et le faisait surveil-
ler par des espions, envoya des émissaires le massacrer
dans sa maison même b.

c Obeyd Allah alla habiter Mehdiyya avec sa famille et
y transporta ses richesses et son mobilier, le jeudi
[P. 188] 8 chawwàl (19 février 921), â la suite de l’achè-
vement de son palais, de celui de son fils Aboû’l-K’àsim,
des fortifications de la ville et d’une partie des demeures
des grands, et bien qu’il restât encore des travaux à
exécuter, a Les poètes lui adressèrent à ce propos leurs
félicitations et firent des éloges qui frisaient l’infidélité,
comparant Mehdiyya à la Mekke et disant d’autres cho-
ses indignes d’être citées a. b Les pluies violentes qui
tombèrent à K’ayrawàn et à RakVàda ruinèrent les
constructions et forcèrent f Obeyd Allah à précipiter son
déménagement. Les poètes d’Ifrik’iyya firent, à propos
de son installation nouvelle, des poésies dont nous cite-
rons quelques vers pour montrer ce que ce prince jugeait
permis et laissait dire en poésie :

[Wâfir] Tous mes vœux, ô prince magnanime, pour ton
arrivée qui est pour notre époque un sourire ! Tu t’installes
sur un noble sol qu’ont préparé pour toi tes glorieux messa-
gers. Si le temple et ses entours, si les tombeaux qui s’y
trouvent ont’ une haute importance, il est au Maghreb une
noble demeure vers laquelle se tournent les faces de ceux
qui prient et qui jeûnent : c’est la sacrée et respectable Meh-
diyya. de même que l’on trouve au Tehâma la ville sacrée.

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– 262 –

Le Mak’àm Ibrahim M peut n’y être pas, tes pieds en foulant
le sol de cette cité font comme s’il y était ; et si le pèlerin va
à la Mekke donner un baiser au coin sacré (rokn), nous
donnons le nôtre aux parois de ton palais ! Un empire vieilli
par le cours du temps ne repose plus que sur des bases hors
d’état de résister à l’épreuve ; mais ton empire à toi, ô Mahdi,
sera toujours jeune, et c’est le temps même qui le servira ;
à toi et à ta race, là où vous êtes le monde est à vous, et il
trouvera un imâm en chacun de vous !

En cette année fut exécuté à K’ayrawân le Koreychide
de la branche de Teym c Ali ben Moh’ammed ben c Abd
Allah ben c Abd er-Rah’mân ben Hàchim ben e Abd el-
c Aziz ben c Abd er-Rah’màn ben Aboû Bekr Çiddik\
L’auteur de sa mort fut Aboû Saîd Moûsa ben Ah’med,
qui le soupçonnait d’avoir écrit à f Obeyd Allah pour le
dénoncer comme coupable d’une entente avec les K’ayra-
wâniens [P. 189] à l’effet de provoquer un soulèvement.
c Obeyd Allah, après avoir jugé le Koreychide, le fit em-
prisonner et étrangler.

Alors moururent Aboû Dja c far Ah’med ben Temim,
officier (autrefois) au service des Aghlabides, — l’ascète
et juriste Sa c id ben H’akmoûn ; — Ibrahim ben Yoûnos,
dit Ibn el-Hassab, client de Moûsa ben Noçayr et sur-
nommé le H’àrith [ben c Obàd] du calcul, qui avait rendu
la justice à K’ayrawân et avait été kâdi à Rak’k’âda; —
les juristes irakains Ah’med ben c Abd er-Rah’màn
Lakhmi, élève de Moh’ammed ben Wahb et d’autres, —
ainsi qu’Ah’med ben c Abdoûn ben Wahb. Citons encore

(1) Le «piédestal d’Abraham», que Ton montre encore de nos jours,
est le quartier de roche qui porte, prétend-on, la marque du pied de
ce patriarche : il s’en servit pour continuer la construction de la Ka’ba
quand le mur eut atteint une certaine hauteur.

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– 263 –

la mort du chaste ascète Er-Rebi* ben Hichàra Temimi i.

En 309 (11 mai 921), Meçâla ben H’aboûs conquit et
pilla la ville de Sidjilmàssa, dont le chef Ah’med ben
Midràr fut tué. Il s’éloigna b après en avoir remis le gou-
vernement à El-Mo c tazzben Moh’ammed ben Midràr b (*).

En cette année, le missionnaire Mounib ben Soleymân
Miknâsi dévoila, du côté de Tàhert, les doctrines orien-
tales et (entre autres choses) le caractère licite de choses
réputées illicites. c Obeyd Allah, dit-on, les avait, lui et
d’autres missionnaires, envoyés de divers côtés avec
mission de propager les nouvelles doctrines ; et quand
ils rencontraient des adeptes bien disposés et fermant
les yeux sur ce qui leur était conseillé, ils développaient
et exposaient la foi nouvelle devant la foule. Quand
donc Mounîb crut avoir trouvé dans la montagne de
Wàncherich un terrain favorable, il appliqua les instruc-
tions d’ c Obeyd Allah : un missionnaire, par exemple,
allait trouver la femme de son voisin et avait commerce
avec elle sous les yeux de celui -ci ; puis, en s’en allant, il
disait au mari, en lui crachant à la figure et en le frap-
pant à la nuque : « Supporteras tu tout cela ? » S’il répon-
dait affirmativement, b sa foi était censée complète et b
on le comptait dorénavant parmi les patients W. [P. 190]
Mais le peuple se souleva contre ces missionnaires, et le
meurtre qu’il fit de quelques-uns arrêta les autres W.

Aboûl-K’âsim rentra à Mehdiyya le samedi 1 er redjeb

(1) Cf. Bekri, p. 335; Berbère», n, 259 et 527 ; Fournel, n, 143 ; Wûs-
tenfeld, 58.

(2) Je lis 3o^LoJ\ ^

(3) M. de Goëje admet que Vordalie de patience a pu être prèchée
par un enthousiaste insensé sans cependant faire partie des doctrines
nouvelles (Mém. sur les Carmathes y p. 159).

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– 264 –

(4 novembre 921), de retour de son expédition du Fay-
yoûm, qui avait duré deux ans et huit mois.

c Obeyd Allah fit emprisonner environ deux cents hom-
mes qui avaient publiquement manifesté leurs opinions
chi c ites à K’ayrawàn,à Bàdja et à Tunis, cohabitant avec
des femmes qui leur étaient interdites, mangeant du porc
et buvant du vin en ramad’ân, et cela au su de tout le
monde, grands et petits, si bien que cela fut reproché à
Aboû’l- K’àsim pendant qu’il était dans le Fayyoûm. Ces
faits étant devenus le sujet de toutes les conversations,
‘Obeyd Allah écrivit aux gouverneurs qui le représen-
taient dans ces divers endroits d’envoyer par devant lui
les coupables garrotés. 11 les fit jeter en prison, où ils
moururent pour la plupart. Parmi ces hommes, tous bien
connus en Ifrîk’iyya, figurait Ah’med Balawi le marchand
d’esclaves, qui, quand c Obeyd Allah était à Rak’k’àda,
priait en se tournant vers cette ville, bien qu’elle fût à
l’ouest, et qui ensuite se tourna vers Mehdiyya, qui était
à Test, quand ce prince s’y fut transporté, car, disait-il,
«je n’adore pas un être invisible ». b II interpellait c Obeyd
AUàh en lui disant: « Monte donc au ciel ! Combien de
temps veux-tu donc encore rester sur cette terre et con-
tinuer de marcher dans les rues? b». Comme il disait
aussi aux K’ayrawâniens que ce prince connaissait leurs
secrets et leurs pensées, b l’un d’eux s’approcha de lui
pendant qu’il parlait ainsi et lui glissa ces mots dans le
tuyau de l’oreille : « Cet c Obeyd Allah dont tu parles est
un fornicateur issu de l’adultère; qu’il se venge donc s’il
sait ce que je dis! » L’autre poussa un grand cri et lui
répondit: « Malheureux que tu es ! sache que son carac-
tère est doux et que sa vengeance n’est pas immédiate. »
Un autre coupable était Ibrahim ben Ghâzi, qui prenait

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– 265 –

de la nourriture sans se cacher au mois de ramadan
[P. 191] et qui commettait les plus grands péchés; cepen-
dant, sous les Aghlabides, il vivait en ascète, séjournant
au ribâV de Kaçr et-T’oûb, non loin de Sousse, ville dont
les habitants voulurent le choisir pour en faire leur
imam de la prière du vendredi.

La même année, des K’ayrawâniens accompagnés de
leurs f em mes et de leurs enfants se présentèrent à Aboû’l-
Kâsim pour lui exposer secrètement leurs plaintes contre
la violence d’Aboû Sa c ld.et des préposés des corps de
garde, dépeignant leurs injustices et leurs exactions. Ce
prince leur procura une audience de son père, et là ils
renouvelèrent leurs plaintes en présence d’Aboû Sa c id
lui-même. c Obeyd Allah leur jura qu’il ignorait ces ini-
quités et les renvoya avec la promesse de les faire trai-
ter avec justice. Aboû Sa c id reçut Tordre d’amener son
secrétaire et un certain nombre des préposés des corps
de garde, qui furent emprisonnés ; mais le secrétaire fut
relâché b.

Un ordre d’ c Obeyd Allah enjoignit aux pèlerins de
prendre, à l’exclusion de toute autre, la route de Meh-
diyya, pour y payer les impôts qu’on exigeait d’eux b
dans les diverses provinces (?). Sous les Aghlabides, les
K’ayrawàniens disaient en proverbe, pour indiquer une
chose impossible : Si tu veux aller en pèlerinage, prends
par Bendoûn, parce que Bendoûn est une bourgade sur
la route de Djemma, tandis que le chemin direct est par
l’Egypte. La défense faite par c Obeyd Allah aux pèlerins
de passer par un autre point que Mehdiyya rendit l’an-
cien proverbe vrai b.

c Obeyd Allah fit exécuter le juriste Aboû c A|i H’asan
ben Mofarredj et le dévot Moh’ammed Chidhoûni, qui

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– 266 –

furent accusés par devant lui d’accorder à certains Com-
pagnons la prééminence sur Ali.

b A Sousse mourut le juriste Aboû’l-Ghoçn Nak’ch,
élève de Soh’noûn, d’ f Awn ben Yoûsof et d’autres encore.
Il faut aussi citer la mort du juriste Moh’ammed ben
Haythem ben Soleymân ben H’amdoûn [P. 192] K’aysi,
ainsi que des deux Moh’ammed, fils d’ c Abd es-Selâm ben
Ismà c il, descendants d’ c Abd el-Melik ben Merwân b.

En 310 (30 avril 922), Meçâla ben H’aboûs vint à Meh-
diyya trouver c Obeyd Allah ; après qu’il y eut séjourné
quelques jours, il fut renvoyé par le prince à Tàhert, b et
partit en cha c bân (novembre-tlécembre 922).

Il fut donné lecture dans la grande mosquée de K’ay-
rawàn d’une dépêche d’ c Obeyd Allah relative à un com-
bat survenu à Dhàt el-HomàmM entre Felàh’ ben K’a-
moûn et le djond d’Egypte.

Un général d’ c Obeyd Allah, Aboû Ma e loûm Fah’loûn
Kotâmi, trouva la mort dans la montagne de l’Aurès, où
il avait été envoyé par le prince. Il exigea des habitants
des sacrifices dépassant leurs forces et leur commanda
de mener leurs familles W à Mehdiyya. Feignant d’obéir,
ils se mirent d’abord en marche ; puis une certaine nuit
ils l’attaquèrent lui et son djond de Kotâma, et ils les
massacrèrent tous.

Nefoûsa se détacha d’ c Obeyd Allah et prit pour chef
Aboû Bat’t’a, qui recruta bientôt de nouveaux adhérents
et acquit une grande autorité. c Obeyd Allah envoya con-

(1) A trente-huit milles d’Alexandrie (Bekri, p, 7 ; Edrisi, p. 164).

(2) Le sens que j’ai donné à ce mot est celui qu’il a habituellement
en Algérie. Cependant, il signifie aussi fourrage et Wùstenfeld
(p. 61) l’a rendu par « bestiaux. »

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– 267 –

tre lui le missionnaire e Ali ben SelmânM à la tête d’un
fort corps de troupes; mais ce général, battu dans une
attaque de nuit, laissa sur le champ de bataille de nom-
breux soldats, tandis que le reste se débandait et l’aban-
donnait. c AIi gagna Tripoli, et f Obeyd Allah, informé par
lui des événements, envoya à c Ali ben Lok’mân, gou-
verneur de Gabès, Tordre de tuer tous les fuyards qui
passeraient à sa portée ; il en fut ainsi mis à mort un
certain nombre. e Ali ben Selmân put ensuite, grâce aux
secours que lui envoya c Obeyd Allah, entamer résolu-
ment le siège de Nefoûsa.

Le page Mas c oûd, à la tête de vingt galères, fit une
expédition contre les chrétiens ; il conquit Aghâthi (Santa
Agata, en Calabre), en fit les habitants prisonniers et
rentra ensuite à Mehdiyya< 2 ).

En cette année mourut Moh’ammed ben Sellâm ben
Seyyâr Bark’i Hamadàni, qui était versé dans la con-
naissance des doctrines chi’ites, ainsi que le Koreychide
Ah’med ben Yah’ya ben Khàlid Sehmi, qui avait dépassé
quatre-vingt-dix ans ; il avait voyagé (pour étudier) et
avait entendu expliquer le Mosned d’Aboû Sindjar par
l’auteur même b.

[P. 193] a H’asan ben r Ali< 3 ) H’asani, soutenu par les
Berbères, se révolta et marcha sur Fez (qu’il prit). Le
général Kotâmien [Rih’àn ben c Ali ?] qui arriva dans eetle
ville pour y représenter l’autorité d’ c Obeyd Allah dut se
retirer et laisser la place à son adversaire. Celui-ci en-

(1) Un peu plus loin on lit : « Ali ben Aboû Selmàn. »

(2) Cet alinéa figure dans la Bihlioteca (n, 27).

(3) Il doit s’agir de Hasan ben Moh’ammed ben el-K’àsimHaddjàm,
ainsi qu’on le voit par Bekri, p. 285. La date de 310 ne parait pas
non plus être exacte. Cf. Fournel, n, 142 et 153 ; infra, p. 220 du texte.

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— 268 –

suite, grâce à une attaque perfide de H’àmid ben H’am-
dân, dut en sortir et fut remplacé par [Moûsa] Ibn Aboû’l-
f Afiya, qui était au service desOmeyyades, et qui y resta
jusqu’à ce qu’il dut se retirer en présence de l’arrivée de
Mesroùr et de Djawher, généraux envoyés par f Obeyd
Allah. Le représentant de celui-ci détint la ville jusqu’à
ce qu’il en fut chassé par les Idrîsides, lesquels à leur
tour en restèrent maîtres jusqu’au jour où une armée
envoyée par En-Nâçir, le prince omeyyade d’Espagne,
s’en empara.

En cette année aussi mourut Aboû Dja c far T’abari [le
célèbre chroniqueur] a.

En 311 (20 avril 923), b le samedi 19 djomàda II (4 octo-
bre 923), c Obeyd Allah révoqua le kàdi de K’ayrawân,
Ish’âk’ ben Aboû’l-Minhâl, à qui il fît dire par un messa-
ger: « Cette mesure n’est pas motivée par quelque acte
coupable de ta part, mais seulement par ta douceur et
ton indulgence, b » Il le remplaça par Moh’ammed ben
c Imràn Nef ti, alors kâdi de Tripoli, ville où ce magistrat
avait amassé de grandes richesses provenant tant des
habous que de pots de vins; il les offrit à c Obeyd Allah
et sut ainsi se concilier la faveur du prince.

Le lundi 17 cha c bân (30 novembre 923), c Ali ben Aboû
Selmân infligea aux habitants de Nefoûsa une défaite
qui le rendit maître de leur forteresse; il la ruina, mas-
sacra les hommes et réduisit les enfants en esclavage.

h Le juriste Moh’ammed ben El- c Abbâs Hodheyli,
dépouillé de ses vêtements, reçut la bastonnade dans la
grande mosquée ; frappé à la nuque de coups qui lui
firent saigner la tête, il fut ensuite l’objet d’une procla-
mation criée dans les marchés de K’ayrawàn, à la suite
de la déposition provenant de plusieurs chi’ites qu’il dé-

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blatérait contre le prince et rendait des fetwas d’après
la doctrine malékite.

Mesroûr ben Soleymân ben Kàfi pénétra dans les
oasis du Ça’id d’Egypte, qui sont deux forteresses situées
[P. 194] dans le désert, au milieu des sables, et où com-
mandait KerbàziW au nom du souverain d’Egypte. Mes-
roûr le battit, fit prisonniers son fils et son neveu et
s’empara du pays. La peste ayant ensuite éclaté parmi
ses troupes, ce général ruina les deux forteresses, arra-
cha les palmiers et se retira à Bark’a.

En cette année, mourut à K’ayrawàn Moh’ammed ben
Cheyba ben H’assân, qui était un homme juste, vertueux
et connaissant la tradition. Cheyba figurait parmi les
officiers entrés en Ifrik’iyya avec Yezid ben H’âtim.

A Tunis mourut Aboû Dja’far Moh’ammed ben Temîm,
ancien officier de Ziyûdet Allah çfui s’était enfui auprès
d’Aboû c Abd Allah le chi c ite et qui entra avec lui en Ifri-
k’iyya. Citons encore la mort d’Aboû’l-Fad’l Ah’med ben
Dja c far ben Moûsa Çomâdih’i b.

En 312 (8 avril 924), Meçâia ben H’aboûs, quittant
Tàhert pour attaquer les Zenâta, conquit leur territoire
où il mit tout à feu et à sang. Mais il (commit l’impru-
dence d’) envoyer contre un certain point du territoire
d’Ibn-Khazer une troupe de cavalerie composée de la
plupart de ses guerriers et des principaux de ses offi-
ciers et de ne garder avec lui qu’un petit nombre d’hom-
mes. Ibn Khazer, qui l’apprit, marcha contre lui et lui
livra, le vendredi 19 cha c bân (21 novembre 924) un com-
bat où Meçâia, après une résistance acharnée, succomba
et où les siens furent mis en déroute W.

(1) Cette lecture est douteuse, le signe rendu par 6 étant sans point.

(2) Sur la date de la mort de Meçàla, voir Fournel, n, 144 et 146.

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– 270 –

b Le chambellan Dja c far ben c Obeyd partit avec une
flotte considérable pour tenter une attaque contre les
chrétiens de Sicile ; il hiverna dans ce pays, mais n’eut
pas d’occasion de livrer bataille 60).

En rebî c I (juin-juillet 924) mourut à K’ayrawân le
kâdi Moh’ammed ben c Imrân Neffi, b juge vénal et
commettant toute sorte d’actes défendus b, c Obeyd Allah
confia de nouveau cette charge à Ish’àk ben Aboû’l-
Minhàl, b et inséra ceci dans l’acte de nomination :
« Nous t’avions révoqué à cause de ta douceur et de ton
indulgence, nous te renommons à cause de ta piété et de
ton intégrité. »

En cette année mourut Moh’ammed ben H afç, homme
intelligent, distingué et pieux. Sous les Aghlabides il
avait été imâm [P. 195] chargé des prières nocturnes de
deux rek’a à la grande mosquée de K’ayrawân, puis
imâm à la grande mosquée de Rak’k’âda, où il gagnaity
dix mithkal par mois. Merwezi le fit appeler et lui parla
en ces termes : « Les fonctions d’imâm ne sont exercées
chez nous que par des amis du Prince des croyants;
va donc trouver l’un des missionnaires qui te donnera
l’initiation, et tu garderas ta place. » Il voulait ainsi le
faire devenir chi c ite et l’engager dans la même voie d’in-
fidélité qu’eux. Moh’ammed demanda une journée de
réflexion, ce qui lui fut accordé ; mais le lendemain il
revint dire qu’il lui répugnait d’accepter aucune de leurs
doctrines, et il fut révoqué.

On lut à K’ayrawân et dans la région une circulaire
d’ c Obeyd Allah annonçant, à la date du jeudi 8 moh’arrem

(1) Cet alinéa figure dans la Biblioteca d’Amari, n, 27.

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– 271 –

(15 avril 924), la conquête des oasis car Mesroûr ben
Soleyrnân. ben Kàfi b.

En 313 (28 mars 925), le chambellan Aboû Ah’med
Dja c far ben c Obeyd dirigea contre la Sicile une expédi-
tion où il fît de nombreuses conquêtes, entre autres la
ville de Wàri(Oria), où il massacra six mille combattants
et fit dix mille prisonniers, b Parmi eux figurait un
patrice qui se racheta, lui et la ville, moyennant cinq
mille mithkâl. Dja c far alors regagna la Sicile (musul-
mane) et arriva (à Palerme) le 25 rebi c II (20 juillet 925).
Il envoya la nouvelle de ses victoires à c Obeyd Allah,
b puis regagna Mehdiyya où il remit au prince tout le
butin qu’il avait fait. Un de ses officiers raconta qu’étant
entré chez le prince, il y avait vu de nombreuses pier-
reries, du brocard précieux et de l’or, ce qui lui fit dire
qu’il n’avait jamais assisté à un pareil déploiement *de
richesses : « Tout cela, lui dit c Obeyd Allah, provient du
butin fait à Oria. » Mais cet homme voulant faire l’éloge
de Dja c far, reprit : « Seigneur, celui qui t’a livré ces dé-
pouilles est l’homme sûr par excellence 1 — Par Dieu !
repartit aussitôt c Obeyd Allah, du chameau, il ne m’a
remis que les deux oreilles ! b »( ! ).

Ah’med ben Bah’r ben c Ali ben Çâlih’, connu sous le
nom d’Ibn AkhoûW Kirâm, fut nommé au bureau des
réclamations [P. 196] à K’ayrawàn b et prit possession de
son poste le 11 djomâda II (2 septembre 925).

A Sousse mourut le juriste Moh’ammed ben Best’âm
ben Redjâ D’abbU 3 ), qui avait fait un voyage d’études et

(1) Ce paragraphe figure dans la Biblioteca, n, 27. Cf. Fournel, n,
150; lbn el-Athîr, Annales, p. 317.

(2) Variante Aboû.

(3) Il est parlé de lui par lbn Farhoûn (ms 5032 de Paris, f, 107 v.).

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— 2?2 —

écouté les leçons d’Ibn e Abd el-H’akam et d’autres. Citons
aussi la mort d’ e Abd el- e Aziz ben Cheyba, qui avait aussi
fait un voyage d’études au cours duquel il assista aux
leçons de Bondâr, d’Aboû Moûsa er-Raman (?) et d’Aboû
H’afç K’allâs. A défaut d’autres héritiers, ce fut e Obeyd
Allah qui recueillit sa succession, où figurait une mos-
quée attenante à sa demeure et à son fondouk. Le cura-
teur aux successions fit fermer à e Obeyd Allah les portes
de la mosquée, mais lui remit l’habitation et le fondouk b.

c Obeyd Allah fit commencer par c Ali ben H’amdoûn
Djodhâmi, surnommé Ibn el-Andalosi, la construction de
la ville de Mesila qu’il appela Moh’ammediyya, au milieu
du territoire des Benoû Berzàl et des Benoû Kahlân,
et non loin des Hawwâra< 2 >. Elle était -située sur une
rivière et avait une double muraille tout à côté de
laquelle se trouvait un canal (alimenté par) cette rivière.

b En 314 (18 mars 926), ‘Obeyd Allah enleva le gouver-
nement de K’ayrawân à son page Nesîm et l’interna à
Mehdiyya, où il fut emprisonné chez le page Djawdher
tandis que ses biens étaient confisqués, car cet homme
était emporté et prompt à la bastonnade. Cette place fut
donnée au page Çâbir, client d’Ibn K’orhob b.

Ibn Khazer marcha contre Tâhert, mais ses attaques
furent repoussées et il dut fuir. e Obeyd Allah lança à sa
poursuite Moûsa ben Moh’ammed Kotâmi avec plusieurs
autres officiers, b A l’arrivée de ceux-ci à T’obna b, Mo-

(1) Il est appelé ‘Ali ben Ah’mcd ben Hanidàn par Dbehebi, ms
1636 du Brit. Muséum., f. 86.

(2) Sur la fondation de cette ville, voir Ibn el-Athir, p, 318 ; Four-
nel, ii, 147 ; Wûstenfeld, 65, et aussi Bekri, 143 ; Istibçar, trad. fr.,
p. 107 ; IbnKhaldoûn, n, 527 ; Edrisi, 99. – Il faut, si je ne me trompe,
lire « Benoû Kemlàn » avec Ibn Khaldoùn et Ibn el-Athir.

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– 273 –

h’ammed ben Khazer gagna le désert, laissant à Wâdi
Marmara (*) son frère c Abd Allah et ses principaux
guerriers. L’attaque des troupes chi e ites détermina un
violent combat [P. 197], où l’avantage resta à Ibn Khazer,
b de sorte qu’ c Obeyd Allah envoya contre lui Ish’âk’ ben
Khalifa b. Alors les Lemàya et les tribus berbères qui
leur étaient voisines se prononcèrent contre les Chi’ites
et demandèrent à Ibn Khazer de les appuyer, b e Obeyd
Allah répondit à la demande de secours que lui adressa
Ish’âk’ par l’envoi d’un renfort considérable, qui fut
battu par les Berbères. Moh’ammed ben Khazer, qu’ils
informèrent de leur succès b, leur donna pour chef son
frère e Abd Allah, qui les mena à de nombreux combats
contre les troupes chi’itesi 2 ).

b A Mehdiyya mourut subitement le chanteur Mounis
Baghdâdi, client de Moûsa ben Boghâ b.

En 315 (7 mars 927), le jeudi 9 çafar (14 avril), Aboû’l-
Kâsim ben c Obeyd Allah quitta Mehdiyya pour marcher
contre le Maghreb. Il prit la route de K’ayrawân, b puis
il campa à Laribus, où il attendit quelques jours que ses
troupes fussent rassemblées b ; il se dirigea alors sur
Bâghûya, puis marcha vers le territoire des Kotâma et
arriva à une montagne où se trouvaient les Benoû Berzàl
b et un groupe des Meklâta 6. Ils lui opposèrent de la
résistance, mais il vint à bout d’eux et s’avança alors vers
Medghara < 3 ), puis vers Soûk’ Ibrahim < 4 >, et l’intensité du

(1) Le texte porte « Mez’mâma ». Les Mat’màt’a, qu’on retrouve
maintenant dans la Tunisie méridionale, habitaient alors de ce côté,
comme le fait remarquer Dozy, et ainsi que le dit par exemple
Bekri, pp. 158 et 208.

(2) Fournel, n, 155; Wûstenfeld, 63.

(3) Probablement Milyâna, ainsi désignée du nom de la tribu qui y
habitait (de Goeje, Jakubii descr. el-Maghribi, p. 98 ; Fournel, n, 160).

(4) Sur les bords du Chélif, voir notamment Jakubi, p. 99.

18

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– 274 –

froid aussi bien que la quantité de boue le retinrent dans
cette région plus d’un mois, b L’un des principaux guer-
riers d’Obeyd Allah a ratonté qu’il était un jour assis
auprès de ce prince avec d’autreà de ses serviteurs et de
ses compagnons, alors que le manque de nouvelles
d’Aboû’l-K’àsim autorisait des conjectures fâcheuses.
Tout à coup une lettre de lui arriva pendant qu’ils étaient
là, et son père, après l’avoir lue, se mit à pleurer ; nous
craignions quelque malheur et nous allions aussi nous
mettre à pleurer, quand c Obeyd Allah prit la parole : «
grand Dieu ! tu sais qu’en envoyant mon fils au Maghreb
je n’ai cherché qu’à t’être agréable, à propager ta religion
et à abattre tes ennemis, car ce n’est pas sans douleur que
je me sépare de lui un seul jour; » puis se tournant vers
nous : « Mon fils et votre maître m’informe [P. 198] par
cette lettre qu’il a dû séjourner un mois tout entier dans*
le même campement, où la pluie n’a pas cessé de tomber
chaque jour du matin jusqu’au soir 6, et qu’il a dû fran-
chir à pied de nombreuses montagnes, trop abruptes
pour permettre l’emploi du cheval, ne prenant comme
nourriture quotidienne qu’un œuf ou quelque chose
d’analogue, tant les mouches étaient nombreuses au
camp. »

b Le page Çâbir, à la tête de quarante-quatre bâtiments,
dirigea contre les chrétiens de Sicile une expédition qui
réussit ; il y fit des prisonniers et tua un certain nombre
d’hommes W.

Par ordre d’*Obeyd Allah, on décapita dans la Ramla

(1) Cet alinéa ligure dans la Biblioteca (n, 28). Sur cette expédition
et celle de 316, cf. Ibn el-Athir, p. 320; Fournel, ir, 161 et 162. — Ou
trouve aussi le nom de Çâbir écrit Çâ’in et Çârib.

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— 2Î5 —

de Mehdiyya (*) le missionnaire Mo’alla ben Moh’ammed
Meloûsi, qu’Aboû’l-K’àsim lui avait envoyé chargé de
chaînes du Maghreb.

On tua chez les Maçmoûda du Sahel, dans les environs
de Tanger, l’imposteur H’âmim ben Menn Allah. Il s’était
donné comme prophète dans la montagne qui porte
son nom, et de nombreux Berbères idolâtres avaient
répondu à son appel et reconnu son caractère d’apôtre.
Il leur avait présentée jeûner le jeudi, et l’infraction à
cette règle était punie d’une amende de cinq bœufs ; de
jeûner le lundi, et l’infraction à ce jeûne coûtait deux
bœufs, et d’autres sottises analogues (*). On a fait sur lui
des vers dont voici quelques-uns :

[T’awil] Ils ont faussement prétendu que H’âmim leur a
été envoyé porteur d’une religion à la clarté évidente et
lumineuse. « Vous mentez, leur ai-je dit, et puisse Dieu
rompre votre ligue! Cet homme n’est qu’un débauché issu
de la fornication, et si H’âmîm est un apôtre, je serai le pre-
mier à ne pas croire à celui de qui il tient sa mission ! Ils
tiennent d’une vieille fourbe et astucieuse (3), plus habile en
sortilèges que nul autre magicien, des paroles de mensonge
dont Satan a ourdi la tramer ils veulent les tenir cachées,,
mais Dieu dévoile tous les secrets (*). »

(1) C’est-à-dire dans l’espace sablonneux, qui a retendue d’un jet de
flèche, entre Mehdiyya et Zawila (Edrisi, p. 128).

(2) Voir Bekri (p. 229), où l’on trouve plus de détails et où il est parlé
du jeûne partiel du mercredi, et non du lundi; Istibçàr, p. 79 ; trad.,
p. 143 ; H. des Berb., n, 143 et 492.

(3) Allusion au rôle important joué auprès de H’âmim par sa tante
Tànkit, et aussi par sa sœur Daddjoû.

(4) Ces vers ont pour auteur ‘Abd Allah ben Moh’ammed el-Mek-
foûf ou ‘Abd Allah el-Kaôf. Sur les variantes qu’ils présentent, voir
la p. 14a de la trad. de VIstibçàr,

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– 276 –

b Celte année-là, mourut en Ifrik’iyya Moh’ammed ben
Selmoûn el-K’at’t’ân, [P. 199] qui avait pendant long-
temps suivi les leçons des disciples de Soh’noûn. H’âtim
ben e Abd er-Rah’màn ben H’àtira, qui, après avoir
voyagé en Irak et reçu les leçons de Soh’noûn, pratiquait
le commerce et était un homme juste, mourut égale-
ment b.

En 316 (24 février 928), Aboû’l-K’àsim marcha contre
les tribus berbères du Maghreb étudia camper sous les
murs du fort de Bark’aM appelé Aghrar, le mardi 16
moh’arrem (11 mars 928). Il en commença l’attaque, puis
fît miner les fortifications, qui s’écroulèrent en enseve-
lissant un grand nombre des assiégés et des assaillants.
Ceux-là, voyant qu’ils allaient avoir le dessous, incen-
dièrent leurs richesses, coupèrent les jarrets de leurs
montures et de leurs bêtes de somme et combattirent
jusqu’à la mort; un certain nombre furent faits prison-
niers et la place fut livrée au pillage. Les Hawwâra et
les Letnâya reconnurent alors l’autorité des Chi c ites, et
Aboû’l-K’âsim leur accorda l’amnistie. Il se dirigea
ensuite vers Tàhert, où il séjourna un mois environ, b
puis poussa vers Tâmghale.tW, d’où il surveilla pendant
deux mois Ibn Khazer, qui était alors dans la localité
nommée Awren b. Il regagna ensuite T’obna, d”où il
repartit pour Mehdiyya, mais sans s’être mesuré avec
Ibn Khazer. Son départ, dit-on, fut provoqué par une
lettre de son fils K’âsim, lui annonçant qu’on parlait du
projet d’ c Obeyd Allah de faire reconnaître (pour son

(1) Peut-être faut-il lire Bark’âna (Fournel, n, 162).

(2) Bekri cite deux fois la localité de ce uora ou à peu près (p. 157
et 319 ; Jakubi, p. 93; ci-dessous p. 207 du texte arabe.

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— 277 —

héritier) son fils Aboû e Ali Ah’med, qui avait dit la
prière à la fête de la Rupture du jeûne et à celle des
Victimes, et l’agitation où le mit cette nouvelle déter-
mina son départ pour Mehdiyya (*).

b Çâbir fit, cette année -là, une expédition dirigée de
Sicile contre le pays chrétien: Il se rendit maître du lieu
dit les Cavernes, ainsi que du château-fort d’El-H’asab.
Après avoir mis la main sur ce que renfermaient ces
deux places, il marcha sur Salir (Salerne), dont les habi-
tants achetèrent la paix à prix d’argent et de pièces de
brocard. Il s’avança ensuite contre Naples, qui acheta
également la paix contre une rançon en argent et en
vêtements; après quoi il rentra en Sicile W.

Cette année-là moururent le juriste de K’ayrawàn
Moh’ammed ben Ah’med ben Aboû Zàhir, [P. 200] et e Abd
Allah connu sous le nom d’ e Ayni, qui s’adonnait aux exer-
cices de piété. Alors aussi le prix des vivres commença
à monter fort haut à K’ayrawàn b.

a A la même époque se manifestèrent les premiers
symptômes de l’agitation provoquée par Aboû Yezid
Makhled ben Keydâd ZenâtK 3 ). Cet homme embrassa les
doctrines nekkarites, déclara licites le meurtre des mu-
sulmans et l’usage de leurs femmes, outre qu’il s’expri-
mait en termes outrageants contre c Ali ben Aboû T’àleb.
D’abord instituteur à Tok’yoûs, mais bien résolu à tenter
un soulèvement, il demandait compte aux habitants du

(1) Cf. le récit des Berbères, n, 527; Fournel, n, 163.

(2) Cet alinéa figure dans la Biblioteca d’Amari (n, 28).

(3) C’est aussi à Tannée 316 qu’Ibn el-Athir (voir p. 325 et la note)
place les débuts d\Aboû Yezid. Cf. Istit>çar, p. 174 ; la Chronique
d’Abou Zakaria (trad. Masqueray, p. 226) en fournit une version
ibadite.

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— 278 –

voisinage de la plupart de leurs actes et intervenait
auprès des collecteurs d’impôts. Cette année-là, il se
brouilla tout à fait avec le gouverneur de Tok’yoûs, que,
sur son conseil, les habitants mirent à mort. Effrayé
cependant des conséquences de cet acte, il entreprit le
pèlerinage ; mais à son arrivée à Tripoli, un ordre
d’ c Obeyd Allah était parvenu dans cette ville, enjoignant
de rechercher un certain nombre de Berbères, ce qui le
décida à fuir avec un adhérent de ses erreurs, Aboû
c Ammâr el-A c ma, qui raccompagnait, et à regagner
Tok’yoûs; puis un ordre d ,e Obeyd Allah le visant person-
nellement fut cause qu’il prit la fuite et se tint toujours
caché jusqu’au jour où plus tard il releva la tête a.

En 317 (13 février 929) il y eut à K’ayrawân et dans la
région une violente épidémie, et la disette y sévit b à ce
point que le kafîz de blé, mesure de Cordoue, se vendit
un dinar monnaie d’or b,

Moh’arnmed ben Khazer conquit le Zâb et s’empara de
Djemila W.

Les Benoû Moh’ammed, des Benoû Idris < 2 ), fondèrent
la ville nommée H’adjar en-Nesr.

Moûsa ben AboûVAfiya marcha contre la ville de
Nakoûr, où commandait alors El-Mo’ayyed ben e Abd el-
Bedi c ben Idrîs ben Çâlih’ ben Mançoûr ; à la suite d’un
siège il se rendit maître de cette ville, qu’il pilla et livra
à la fureur de la soldatesque, puis qu’il démantela; quant

(1) Je ne retrouve pas ailleurs le nom de cette ville.

(2) Les Benoù-Mohammed sont ceux des frères d’El-Haddjàm qui,
après la mort de celui-ci, se rallièrent autour d’Ibrahim ben Moh’am-
med ben el-Kàsim {Berb., h, 568). Sur Hadjar en-Nesr et sa fondation,
cf. Berbères, 1. 1., et 145 ; Bekri, 258 et 287; Edrisi, p. 203; Ibn Hau-
kal, p. 56; Fournel, n, 165 ; Dozy, Mus. d’Esp., m, 126.

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– 279 —

à El-Mo’ayyed, il fut mis à mort M. Ce général marcha
ensuite contre les Benoû Moh’ammed ben Soleymàn ben
e Abd Allah, Idrisides dont le chef était alors El-H’asan
ben e Isa, connu sous le nom d’Ibn [P. 201] Aboû’l- e Aych,
qui était maître de Djeràwa, la ville la plus importante
de la région. Il mit le siège devant cette ville, et il était
près de s’en emparer quand Ibn Aboû’l- c Aych, devant
rimminence du danger, s’enfuit dans la nuit avec ses
femmes, ses enfants et ceux qui s’attachèrent à son sort
pour se réfugier dans le port de Djerâwa, connu sous le
nom d’Akâs, a qui est aujourd’hui, je crois, le lieu
dénommé Tikîsâs aW ; puis il s’embarqua, gagna les îles
de la Moloûya (»), puis Tile d’Archgoùl, que sa forte
position garantit de toute attaque, et il s’y fortifia,
entouré de tout son monde. Moûsa ben Aboû’l-‘Afiya
parcourut tout ce pays à la tête de son armée : il prit les
villes de Terbiya (*) et d’Archgoùl, tous les Benoû Mo-
h’ammed ben Soleymàn s’enfuirent devant lui et le lais-
sèrent libre maître de la région, d’où il expulsa les
officiers des Benoû (sic) Khazer et les fonctionnaires
qu’ils y avaient installés, de sorte que les contrées qui
s’étendent de Tàhert jusqu’au Soûs el-Akça lui obéirent.
b Le page Çàbir, qui entreprit alors sa troisième expé-
dition (contre les chrétiens), était accompagné de quatre

(1) Sur ces événements, voir plus bas; Bekri, 180, 182 et 224; Ber-
bères, i, 141, 268, et il, 570 ; Fournel, n, 167 et 170.

(2) Je ne retrouve pas ailleurs le nom de Akàs ; Bekri (p. 245) parle
de Tik’isàs (sic), mais donne Tafcrk’ennit pour port à Djeràwa (pp. 204
et 318).

(S) C/est-à-dire les iles Zaffarines (Bekri, p. 207).
(4) Variante, Merîna. Je ne connais ni Tun ni l’autre de ces noms,
qui, si je ne me trompe, ne se trouvent pas ailleurs.

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– 280 –

bâtiments seulement quand il rencontra la flotte du
Stratège, qui en comptait sept et qui fut mise en déroute.
Çâbir conquit la ville de Teriolo, où il fit de nombreux
prisonniers, et se retira ensuite à MehdiyyaW.

Alors mourut à K’ayrawân le juriste Ah’med ben Naçr
ben Ziyâd, qui avait suivi les leçons de Moh’ammed ben
Soh’noûn, dlbn c Abdoûs et de Yoûsof ben Yah’ya Mo-
ghâmi( 2 ); il était versé dans la science de la controverse,
et citait de nombreuses autorités ; c’était un homme au
cœur pur et de doctrine correcte. « Un jour, raconte
Moh’ammed ben H’ârith, que j’assistais à une réunion
où, sous sa direction, plusieurs personnes discutaient
diverses questions de droit, je vis entrer Moh’ammed
ben [P. 202] c Abd Allah ben Meserra K’ort’obi^, qui se
rendait alors en pèlerinage, et qui, après avoir salué,
s’assit quelque temps en promenant ses regards sur les
visages de ceux qui prenaient la parole. Bien que je ne
connusse pas son nom, je ne doutais pas qu’il ne fût un
savant. Ah’med ben Naçr, s’étant enfin levé, lui dit :
« Jeune homme, c’est aujourd’hui seulement que tu es
venu ici; as-tu quelque chose à dire ? » Moh’ammed ben
Meserra lui répondit en termes choisis et éloquents qu’il
était venu s’éclairer auprès de lui et recourir à sa
science. Ah’med ben Naçr lui répliqua aussi en termes
choisis, puis il se retira et nous le suivîmes ».

(1 ) Cet alinéa se retrouve dans la Biblioteca, h, 29, où on lit Termoli ;
j’ai lu Teriolo avec La cronaca sicuîo saracena di Cambridge, Pa-
ïenne, 1890, p. 75.

(2) Moghàm est une localité peu éloignée de Tolède et dont parle
Edrisi, p. 228. Le Lobb el-lobâb en fixe la prononciation.

(3) Ce personnage, aux doctrines peu orthodoxes et qui mourut en
319, est l’objet d’une courte notice de Dhabbi {Desiderium qucercn-
tis… éd. Codera, n* 163).

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— 281 —

Alors aussi mourut Moh’ammed ben Moh’ammed ben
Khàlid K’aysi, connu sous le nom d’Et-T’arzH 1 ), qui avait
été préposé aux réclamations à K’ayrawàn. Quand Ibra-
him ben Ahmed voulut lui donner ce poste, il s’excusa
de ne pouvoir l’accepter à cause de sa timidité, de sa
douceur de caractère et de son insuffisante connaissance
du droit : « Ta timidité et ta douceur, lui répondit Ibra-
him, disparaîtront par l’habitude du commandement; et
pour suppléer à ton insuffisance juridique, recours aux
juristes de profession ! » Il le nomma donc, et il ne se
trouva pas à K’ayrawàn de plus sévère dépositaire de
l’autorité que lui b.

En 318 (2 février 930), H omeyd ben Yeçel < 2 > s’avança,
sans y être autorisé par c Obeyd Allah, de Mehdiyya sur
Tâhert et éleva le fort des BenoûBesouhà b&); il renvoya
H’ammâd ben H’âchim dans son pays, s’unit à lui par
les femmes et le remit sur un pied d’amitié avec Seyyâr
ben e Abd el-Wahhàb b. Alors arriva une lettre d’ c Obeyd
Allah enjoignant à Yeçel ben H’aboûs de renvoyer sur le
champ H’omeyd à Mehdiyya. Celui-ci dut donc effectuer
son retour, mais c Obeyd Allah ne le punit d’aucune
manière.

b Les pluies étant survenues à K’ayrawàn, remirent
les choses en ordre : le prix des vivres, qui, par sa cherté,
avait fort éprouvé le peuple, s’abaissa ; la famine et
l’épidémie disparurent b.

A Mehdiyya mourut Hichâm ben er-Rebi c Temîmi, qui
était un homme de bien b et de talent. Comme f Obevd

(1) Orthographié T’arari à la page 224.

(2) On trouve aussi ce nom écrit Içlî et Içlften (Bekri, 288 ; Ber-
bères, i, 268, et il, 528.

(3) Lecture douteuse.

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— 282 –

Allah l’avait fait châtier et fouetter à cause d’Ibn el-
K’odeym, ses dernières volontés furent qu’on ne l’enterrât
pas à Mehdiyya, et son corps fut en conséquence emmené
et inhumé à K’ayrawân b.

[P. 203] Description de la ville de Djerâwa.

En dehors des murailles, qui étaient de briques crues,
on trouvait des sources saumâtres, mais à l’intérieur il
y avait de nombreux puits qui fournissaient de bonne
eau potable, et à l’entour il y avait des faubourgs qui
s’étendaient dans toutes les directions. Elle était pour-
vue d’une kaçba destinée à la défendre, renfermait cinq
établissements de bains, avait une mosquée principale
à cinq nefs, et fut édifiée en 257 (28 novembre 870) par
Aboû’l- c Aych c Isa ben IdrîsW. Ce prince eut pour suc-
cesseur, en 291 (23 novembre 903), son filsEl-Hasan ben
Aboù’l- c Aych, qui, en 319 (23 janvier 931), quitta la ville
pour se rendre au château d’El-Mak’çoûra W, mais qui y
revint en 323 (10 décembre 931) pour ensuite se trans-
porter à Tlemcen en 325 (18 novembre 936V Djerâwa,
qui comptait quatre portes, était entourée d’une banlieue
propre à la culture des céréales et à l’élevage des
bestiaux. Du côté de la mer se trouvaient les villages de
Medghara, dans la montagne des Benoû Iznàten< 3 >, à
l’est les Benoû Ifren, tribu Zenatienne, et à l’ouest les
tribus berbères de Zawàgha et autres.

(1) Bekri donne la date de 259, (p. 317) ; cf. ci-dessus, p. 71 et 279.
Djerâwa, à six milles de la mer, était une ville florissante et peuplée,
(Ibn Haukal, p. 63).

(2) Ce lieu m’est inconnu ; cf. Fournol, h, 176.

(3) M. de Gœje (Jaqubi, p. 92) veut corriger ce mot par Irniyân,
mais je ne crois pas que cela soit nécessaire.

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– 283 —

Quant à Tàhert, elle doit sa fondation à e Abd er-
Rah’rnàn ben Rostem ben Behrâm, client d ,f Othmân ben
«Affân. Il servait de lieutenant à Aboû’l-KhatYàb* 1 ) lors
de la conquête d’Ifrik’iyya par celui-ci, et lors de rentrée
d’Ibn el Ach c ath à K’ayrawàn, il s’enfuit vers l’ouest
avec ce qu’il put emmener sans trop de peine des siens et
de ses biens. Les Ibâd’ites se rallièrent ensuite à lui et l’on
résolut de fonder une ville qui leur servit de centre ; on
s’installa sur l’emplacement de Tàhert, qui était alors
un marais boisé situé entre trois rivières, on y édifia une
mosquée à quatre nefs et le peuple y éleva des habita-
tions. Cela se passait en 161 [8 octobre 777). Il y avait eu
là autrefois une ville qu’ c Abd er-Rah’màn ben Rostem
releva, et il y resta jusqu’à sa mort, survenue en 168
(23 juHlet 184). Ces faits ont été précédemment racontés.

Histoire de Tàhert, depuis sa fondation, sous les Rostemides et

antres.

864), qui fut remplacé par son fils Aboû Bekr ben Aflah’
ben e Abd el-Wàrith, dont les affaires se gâtèrent et qui
fut expulsé par la population de Tàhert, puis rappelé, et

(1) C’est-à-dire *Abd el-A’la ben es-Sarah’, voir Ibn el-Athir,
Annales, p. 61 ; Berbères, i, 373 ; Bekri, 160 ; ci-dessus, p. 79 et s.

(2) Partout ailleurs on lit ‘Abd el-Wahhàb ; voir de Gœje, Jaqubi,
p. 101, o:’i la liste de ces princes est discutée ; cf. Chron. d’Aboû
Zakaria, p. 49 et s.

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– 284 –

qui mourut dans cette ville. Il fut remplacé par son frère
Aboû’l-Yak’z’ân Moh’ammed ben Aflah’, qui régna vingt-
sept ans et mourut en 281 (12 mars 894). A celui-ci suc-
céda Aboû H’âtim Yoûsof ben Aboû’l-Yak’z’àn, contre
qui, au bout d’un an, la population se souleva et qui,
s’étant retiré dans le château de Lawâta, livra de vifs
combats à ses anciens sujets. Ceux-ci choisirent pour
mettre à leur tête Ya’k’oûb ben Aflah’ ben f Abd el-
Wârith ben c Abd er-Rah’màn ben Rostem, que le peu-
ple déposa au bout de quatre ans et remplaça par Aboû
H’âtim ben Aboû’l-Yak’z’ân, qui fut tué après six ans de
règne en 294 (21 octobre 906) par les fils de son frère.
Yak’z’àn ben Aboû’l-Yak’z’ân, qui monta alors sur le
trône, fut tué avec plusieurs membres de sa famille en
chawwâl 296 (22 juin 909), à la suite d’événements trop
longs à raconter, par Aboû e Abd Allah Chii, et avec lui
finit la dynastie des Rostemides à Tàhert.

Celui qui gouvernait cette ville à l’époque dés Chi’ites
était Aboû H’omeyd Dawwâs Lahiçi, nommé à ce poste
par Aboû c Abd Allah lors de son départ de cette ville
pour Sidjilmâssa, et qui y était depuis six mois lorsqu’il
vainquit, en 299 (28 août 911), les troupes d’Ifrik’iyya qui
vinrent l’y attaquer* 1 ). Meçàla ben H’aboûs Miknàsi la
gouverna ensuite pendant treize ans, jusqu’en cha c bàn
312 (novembre 924), où il fut tué par Moh’ammed ben
Khazer Zenâti. Après lui, son frère Yeçelben H’aboûs la
gouverna jusqu’en 319 (23 janvier 931), date de sa mort.
[P. 205] Il fut remplacé par Aboû Màlik ben Yaghmorâsen
ben Aboû Choh’ma Lahiçi, qui en fut chassé par le soulè-
vement des habitants en 323 (10 décembre 934). Le choix

(1) Cf. suprà, p. 214 et 231.

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~ 285 –

du peuple se porta alors sur AboiVl-K’àsim el-Ah’dab
(le bossu) fils de Meçàla ben H’aboûs. Il ne régnait que
depuis un an quand Meysoûr, lors de son départ du
Maghreb pour Tlfrik’iyya, s’empara de la ville à la suite
de combats et le tua. Le vainqueur nomma à sa place
Dâwoûd ben Ibrahim f Adjisi, qui fut chassé de son gou-
vernement par H’omeyd ben Yeçil en djomâda II 333
(18 janvier 945), du temps d’Aboû Yezed Makhled ben
Keydâd Ifreni. En la même année 333 et à la suite de
faits trop longs à raconter, H’omeyd ben Yeçel quitta
Tâhert pour passer en Espagne, et Ismâ’il le Chi’ite, après
avoir établi son camp dans cette ville, y nomma gouver-
neur le page Meysoûr. Mais les habitants, mécontents
de la mauvaise administration de celui-ci, se mutinèrent
et Moh’ammed ben Khazer Zenâti, son fils El-Kheyr et
leurs partisans Zenâtiens, se rendant à l’appel qui leur
fut adressé, arrivèrent en grand nombre à Tâhert. Trompé
par les allures de ceux-ci, car ils se donnaient comme
venant à son secours, Meysoûr sortit à leur rencontre et
fut fait prisonnier par trahison, de sorte que les Benoû
Khazer et les Zenâta pénétrèrent à Tâhert et descendirent
à l’hôtel du gouvernement. Puis les affaires se gâtèrent,
et le Zenâtien Ya c la ben Moh’ammed Ifreni se rendit
maître de la vilte et le resta (*) jusqu’à l’arrivée du géné-
ral chiite Djawher, en 349 (2 mars 960).

Tâhert avait une ceinture formée de jardins où se
cultivaient toutes sortes de fruits et où les arbres abon-
daient, mais il y fait très froid et il y pleut beaucoup. Un

(1) Sur les circonstances et la date de la chute de Ya’la, voir Ibn
el-Athir, Annales, p. 359 et s. : Berb., n, 542 ; Fournel, n, 320 et 322 ;
ci-dessous, p, 230 du texte arabe, etc. La date de 349 ne parait pas
être exacte.

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-• 286 -.

homme d’esprit de cette ville, à qui Ton demandait
combien on y comptait de mois d’hiver, répondit qu’il y
en avait treize. Voici le début d’un poème qui a un
Tâhertien pour auteur :

[T’awil] Avec la passion, l’oisiveté est une occupation, la
vie un meurtre; avec elle, un jour c’est un an, une portion
est un tout ; [P. 206] avec elle générosité c’est avarice, modé-
ration c’est excès, proximité c’est éloignement, avance c’est
retard. Puisse Dieu verser sur Tâhert, objet de mes désirs,
et sur Soweyk’a et celui qui l’habite, assez d’eau pour en
faire disparaître la stérilité ! On dirait que nous n’avons pas été
réunis dans cette demeure et qu’entre nous il n’y ait eu nulle,
nulle jonction ! Mais la vie se poursuivant et la discorde étant
survenue,, les pluies du départ, et combien abondantes ! sont
successivement tombées. Salut à celle qui, au jour de la
séparation, n’a pu me dire adieu, mais qui était aussi triste
que la mère privée de ses enfants ! Ce n’était pas du coin de
l’œil qu’elle laissait échapper quelques pleurs, c’était sa vie
elle-même qui s’enfuyait rapidement.

Voici encore des vers écrits à propos de la réalisation
des décrets divins relatifs à sa destruction et à son éva-
cuation par ses habitants et ses chefs :

[T’awil] O mes deux amis, détournQz-vous vers des traces
de ruines et saluez les débris de ce qui fut puissant et qui
est devenu poussière ; approchez-vous des traces qu’a laissées
Tâhert, traces effacées par les pluies matinales et vespérales,
si bien que ces restes n’abritent plus personne. Ainsi le
voulait le destin, qui l’a fait périr avec d’autres.

Cette ancienne Tâhert est celle que détruisit El-Kheyr
ben Moh’ammed ben Khazer Zenâti a.
b En cette année mourut à K’ayrawân le Koreychide

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-. 287 –

Aboû’l-H’asan Mott’alibi Ah’med ben Moh’ammed ben
c Abd Allah ben Dja c far ben c Ali ben Zeyd ben Rokâna
ben c Abdoûd ben H’âchim ben c Abd el-Mott’aleb, le mer-
credi 14 djomâda I (13 juin 930). Il accompagnait c Obeyd
Allah à Sidjilmàssa avant que celui-ci conquit K’ayra-
wân, et vers la fin de sa vie il jouissait dans cette ville
d’une haute considération. [P. 207] Citons aussi la mort
du juriste Moh’ammed ben c 01hmân Khorâsâni, chargé
des actes judiciaires à K’ayrawân; il suivait la doctrine
des gens de Koûfa et n’était pas de ceux qui affirment
la création du Koran; il avait suivi à Miçr les leçons de
Yoûnos ben c Abd el-A f la b.

En 319 (23 janvier 931), Moûsa ben Aboû’i- c Afiya écri-
vit de la côte africaine au Prince des croyants c Abd er-
Rah’mân en-Nâçir, qui régnait en Espagne, pour lui
demander son amitié et offrir de le reconnaître, en ajou
tant qu’il lui concilierait celles des populations de la
côte qu’il avait pour voisines. Le prince accepta cette
offre avec un vif plaisir, y répondit par des envois de
vêtements d’honneur et d’argent, et par ses secours sou-
tint ce chef, qui cherchait à combattre Jbn Aboû’l^Aych
et d’autres. A partir de là, on dut compter avec l’autorité
de Moûsa b sur la côte africaine; le concours de nom-
breuses tribus berbères lui fut acquis b, et il se rendit
maître de la ville de Djerâwa, d’où il chassa El-H’asan
ben AboûVAych ben Idris l’Alide, qui eut avec lui de
nombreux combats et rencontres (*). a Celui-ci bâtit un fort
inexpugnable sur une montagne située à quatre milles

(1) On retrouve ce commencement de paragraphe dans le t. n du
Bayân, p. 219. Sur ces événements, cf. Berbères, ir, 141, 146, 492,
526, 529.

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– 288 –

de Djerâwa W, au centre des villages habités par les
Medghara, les Benoû Ifren et autres tribus. Ce chef et
ses fils possédaient encore la ville de Tlemcen et son
territoire, où habitaient des populations telles que les
Zawâgha, les Nefza et d’autres encore. Bekr ben FTam-
màd dit à ce proposa) :

[Kâmil] Demande aux Zawâgha de quels coups de sabre et
de lance il a frappé l’éblouissante rangée (de leurs armes) ;
demande aux Nefza comment il a violé leur territoire jus-
qu’alors intact, tandis que ses chevaux faisaient des lances
flexibles leur pâture. Son épée a frappé et abattu les Meghîla,
il a abreuvé Djerâwa d’une infusion de coloquinte.

De Djerâwa à Tàhert il y a trois journées de marche ;
de Djerâwa au fort de Tàmeghalet W, habité par les Benoû
Demmer, qui sont des Zenâta, on en compte deux. Tlem-
cen, dit-on, est la capitale du Maghreb moyen, et ce dire,
qu’a consigné Bekri, est confirmé par de nombreux infor-
mateurs M. On lit ce qui suit dans le Livre de Roger:
« [P. 208] Entre Tlemcen et Tâhert, dit-il, habitent les
Benoû Merîn et toutes les tribus Zenâta, parmi lesquelles
les Toudjin, les Maghrâwa, les Benoû Râchid, les Ourtîd,
etc. La plupart sont cavaliers et emploient le cheval
comme monture ; ils ont des connaissances étendues et

(1) A quatre milles vers le sud, dans le djebel Memâloû (Bekri,
p. 317). Peut-être y a-t-il ici une confusion, puisque, sous Tannée 317,
nous avons vu que H’asan ben AboûVAych dut se réfugier à Arch-
goul.

(2) Bekri rapporte aussi les vers qui suivent (p. 318).

(3) On retrouve ce nom sous l’orthographe Tamaghîlt dans Bekri
(p. 319), que notre auteur a en partie copié ; cf. ci-dessus, p. 276.

(4) J’ai conservé au mot ,j;.Uà.\ le sens que lui donnent Dozy et de
Goeje. Il semble pourtant ici signifier plutôt chroniqueur, narrateur.

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– 289 –

se montrent intelligents et sagaces, notamment dans Fart
de deviner l’avenir à l’aide des omoplates de mouton. Ils
descendent de Djânâ. Les Zenàta sont parfaitement con-
vaincus qu’ils sont de race arabe pure, mais qu’ils se sont
berbériséspar le voisinage des Berbères et des alliances
qu’ils ont contractées avec eux. On ‘a dit aussi qu’ils
descendent de Ber ben K’ays ben Elyâs ben Mod’arWa. »

En cette année eut lieu la conquête de la ville de Ceuta,
située en Afrique, a sur la mer du Détroit (de Gibraltar),
” soutien de la porte des deuxMaghrebs, clef de la porte
des deux machrek (pays orientaux) ; c’est, dit-on, le con-
fluent des deux mers, la capitale du continent et de la
mer, la perle appliquée entre le poumon et la gorge. du
monde. ”

c Obeyd Allah ben Yah’ya ben Idrîs, s’adressant à En-
Nâçir, parle ainsi de cette conquête :

[T’awll] Elle a dû s’incliner devant ton épée, et des yeux qui
depuis longtemps devaient détourner leurs regards se sont
trouvés rafraîchis. Les désirs qu’excitait sa proximité ne pou-
vaient être satisfaits, ses charmes étaient comme inexistants;
mais des talismans auxquels ne pourrait résister le plus
indomptable serpent ont fait céder ses voûtes inébranlables.
La puissance d’un prince que Dieu protège et aux étendards
victorieux recouvre, gloire au Tout-Puissant, un éclat (nou-
veau) ; voici venu pour elle le temps du triomphe, voici qu’à
Ceuta jusqu’à la camomille en donne l’heureuse nouvelle ! a

En-Nàçir éleva des fortifications autour de cette ville,
lui donna une garnison qu’il forma de ceux de ses officiers

(1) Ce passage reproduit, en l’abrégeant un peu, le texte d’Edrisi
(p. 88 du texte arabe, 101 et 102 de la trad. Dozy et de Goeje) ; une
note des traducteurs propose, au lieu de « Ourlid », la lecture Our-
tenîd ou Ournîd. Cf. ci-dessus, p. 72.

19

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— 290 —

et de ses soldats qu’il accepta à cet effet, et en fit ainsi la
clef du littoral africain, ou, comme dit c Arîb, « la porte
par où y entrer, la mise sous séquestre des ports de cette
région ». La khotba y fut dite [P. 209] au nom de ce prince
le vendredi 3 nebî r I (25 mars 931) de la dite année W.

c Obeyd Allah apprit à Mehdiyya que Moûsa ben Aboû’1 –
c Afiya et les habitants de Ceuta avaient fait leur soumis-
sion à c Abd er-Rah’mân ben Moh’ammed en-Nâçir et
qu’un navire avait été envoyé dans le port de Djerâwa à
l’adresse de Moûsa. El-H’asan ben AboûVAych fit une
descente dans ce bâtiment et enleva le chargement:
Moûsa eut beau lui écrire, à lui aussi bien qu’à son
kâdi et aux principaux de son entourage, les démar-
ches de ceux-ci auprès de H’asan n’aboutirent pas et
Moûsa ne put recouvrer les objets qui lui étaient des-
tinés, b II marcha alors contre Çâ c ( 2 ), d’où il chassa c Amir
ben Aboû’l- c Aych, mais en accordant l’amnistie aux
habitants. Il s’avança ensuite contre les Zawâgha ; mais
Ibn AboûVAych ayant marché contre -lui, il< 3 ) se retira
sans combattre lorsqu’il vit la force qu’il avait devant
lui b. Moûsa incendia les environs de Djerâwa et par-
courut pendant plusieurs jours le pays à la tête de ses
troupes. Puis il s’engagea entre Moûsa et H’asan une
correspondance, qui eut pour résultat de provoquer chez

(1) Cf. Bayân, n, 220 et 240, où la conquête de Ceuta est racontée
de la même manière. Les faits sont exposés autrement par Ibn Khal-
doûn {Berbères, n, 136 et H6) ; voir Bekri, p. 238; Fournel, n, 172;
Wûstenfeld, p. 67.

(2) Çà est le nom d’un affluent de la Molouya et d’une localité
située sur cette rivière, à trois journées de Tlemcen, dans la direc-
tion de Fez (Edrisi, pp. 91 et 92).

(3) Je crois que cet il doit désigner Moûsa, et j’ai traduit en con-
séquence; Wûstenfeld (p. 68) l’entend de H’asan.

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— 2Ôi —

celui-ci le désir de la paix, et l’accord se rétablit entre
eux, moyennant la restitution par H’asan de ce qu’il
avait enlevé, b Moûsa regagna alors son pays; mais il
marcha ensuite contre Oûzek’k’oûr, et les habitants des
places fortes (k’oloû*) de DjâraW réclamèrent contre lui
le secours de H’asan. Celui-ci leur envoya des cavaliers,
qui firent des incursions sur le territoire de Moûsa, y
enlevèrent de nombreux chameaux lui appartenant et
donnèrent à H’asan sa part de butin, ce qui eut pour
résultat de rallumer la guerre entre ces deux chefs.
Alors les habitants de Djeràwa ayant écrit à Moûsa pour
lui promettre l’entrée de la ville, celui-ci marcha avec
ses partisans de leur côté, et cette ville lui ouvrit ses
portes et se soumit. Il se dirigea ensuite vers Ei-Man-
çoûr( 2 ), dont une partie seulement accepta l’offre d’am-
nistie qu’il leur adressa; il resta vainqueur des autres,
dont il tua un certain nombre. On dit qu’il y fit prison-
niers les enfants et la femme koreychide de H’asan,
[P. 210] et qu’il s’empara de ses chevaux et de ses
armes ; après avoir livré la ville aux flammes, il rega-
gna son camp, mais renvoya la femme de H’asan auprès
des siens, sous la garde de gens sûrs de Djerâwa b. La
nouvelle de ces événements impressionna vivement et
inquiéta c Obeyd Allah, qui envoya aux tribus du Maghreb
des lettres destinées à ranimer leurs sentiments d’obéis-
sance et leur promettant secours et assistance.

Ceuta est une ville très ancienne, située sur le bord de
la mer Roûmi, c’est-à-dire sur le détroit où cette mer

(1) Le nom de cette localité figure à plusieurs reprises dans Bekri
(voir la table s. v. Golouê Djàra).

(2)* Je suppose qu’il s’agit des Benoû Mançoûr, tribu çanhâdjienne
qui habitait de ce côté (Edrisi, 69 ; Bekri, 187).

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– m –

communique avec l’Océan (*). Bâtie sur une langue de
terre que la mer entoure de partout, sauf d’un côté bien
resserré, les habitants, s’ils le voulaient, pourraient y
creuser un canal où pénétrerait la mer par les deux bouts ;
c’est donc une presqu’île, et c’est l’eau de la mer qui sert à
alimenter les bains. Elle a pour habitants des Arabes et
des Berbères, et les sciences y ont toujours été cultivées.
Elle est dominée par une montagne* 2 ) qui fait saillie en
pleine mer et en de certains points de laquelle on recueille
des rubis de petit volume mais très purs ; dans la mer
même, on se livre à la pêche du corail. L’origine du nom
de la ville est controversée. Il lui a, disent les uns, été
donné à cause de son isolement en mer, car on dit en
arabe tailler (sabata) une chaussure, synonyme de cou-
per (k’altfa) ; mais selon d’autres, un nommé Sebt, des-
cendant de Sâm ben Noûh’ (Sem fils de Noé), ayant eu
des raisons pour quitter l’Orient, s’enfonça vers l’Occi-
dent, et, arrivé à l’emplacement de cette ville, il le choisit
pour y habiter.

* Voici la tradition rapportée par nos maîtres sur l’auto-
rité de Wahbben MeserraH’adjari. Ils entendirent en 400
Aboû c Abd Allah Moh’ammed ben r Ali leur raconter
d’après le dit Wahb, qui le tenait d’Ibn Wad’d’àh’ et, en
remontant successivement par Soh’noûn, par Ibn el-K’â-
sim, par Mâlik, par Nâfi c et par Ibn c Omar, du Prophète
lui-même, qu’il y a au fond du Maghreb une ville nommée
Sebta (Geuta), fondée par un homme vertueux du nom de
Sebt, descendant de Sâm ben Noûh’, laquelle tire son

(1) On trouve une description beaucoup plus détaillée de Ceuta dans
Bekri (p. 234), dans VIstibçâr (p. 46) et dans Edrisi (p. 199).

(2) Il faut probablement, avec les auteurs qui viennent d’être cités,
lire « à Test de cette ville se trouve une montagne ».

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– 293 –

nom de celui de son fondateur ; celui-ci a prié Dieu de
lui donner bénédiction et victoire, et le mai qu’on peut
chercher à lui faire est retourné par Dieu même contre le
malveillant. Ibn FTammâda s’exprime ainsi : « D’après
notre maître, le savant Aboû’l-Fad’l [P. 211] c Iyâd’ (*),
l’expérience prouve l’authenticité de cette tradition, car
cette ville est toujours restée bien gardée entre les mains
de ceux qui la détenaient, et il est rare que celui qui a
tenté contre elle quelque mauvais coup n’ait pas péri
lui-même. »

Voici ce que raconte El- c Adhari : « Un des rois goths
d’Espagne nommé Toûdoûch (Théodose) franchit la mer
et vint assiéger les Berbères renfermés dans cette ville
de Céuta. Mais ils s’entendirent bien pour lui résister,
profilèrent de sa négligence pour l’attaquer par un point
mal défendu, et un petit nombre seulement des assié-
geants échappa à la mort. Toûdoûch repassa ensuite en
Espagne ( 2 ), et les Berbères continuèrent d’occuper la ville
jusqu’à ce que les chrétiens y revinssent une seconde
fois. Youlyân (Julien) l’occupait quand c Okba ben Nâfi c ,
après avoir envahi et conquis le Maghreb tout entier,
parvint jusqu’à cette ville. Alors Julien, qui était un
homme intelligent et expérimenté, en sortit pour lui offrir
divers présents et tâcher de se le concilier. c Okba lui fit
quartier en effet et le laissa en place ; puis les Arabes y
pénétrèrent par composition. Mais ensuite les Berbères
de Tanger se révoltèrent et expulsèrent de Geuta ceux
qui l’occupaient, après quoi ils ruinèrent la ville, qui,

il) Célèbre savant et jurisconsulte + 544 hég. ( n° 540; Cat. des mss arabes de Pans, n° 2106, etc.).
(2) Sur cet événement, voir Dozy, Recherches, 3 e éd., i, 62.

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— 294 –

pendant un certain temps, ne servit que de refuge aux
bêtes sauvages. Elle fut relevée de ses ruines par un
homme des Ghomâra, nommé MâdjeksenM, qui se fit
musulman et qui exerça le pouvoir dans cette ville, où
les Berbères se groupèrent autour de lui. Quand il mou-
rut, son fils c Içâm ben Madjeksen lui succéda; à c Içàm
succéda Moh’ammed< 2 ) ben c Içâm, et à ce dernier Er-
Râd’itë) ben e Içâm, qui se guidait dans son administra-
tion d’après les principes des juristes espagnols. Il y
arriva ensuite des gens de K’alsânaW, qui achetèrent
aux Berbères du terrain où ils élevèrent des habitations
et la portion ruinée des murailles qui forme aujourd’hui
le parapet. Ils reconnaissaient cependant la souveraineté
des Benoû Idris, et cet état de choses dura jusqu’à la
conquête qu’en fit c Abd er-Rah’mân en-Nàçir, dont
le général Farad j ben r Ofeyr( 5 ) y entra le vendredi 2
cha’bân 319 (19 août 921).

Ceux qui y gouvernèrent successivement au nom des
Omeyyades furent Faradj ben c Ofeyr en 319 (23 jan-
vier 931), puis Ah’med ben c Abd eç-Çamad Gharnâti,
ensuite Moh’ammed ben H’izb Allah en 323 (10 décembre
934), qui fut révoqué et remplacé en 326 (7 novembre 937),
par Moh’ammed ben Masiama; il fut à son tour révoqué
eU 6 ) Ibn Masiama en devint le gouverneur jusqu’en 330

(1) Ce nom est écrit Màdjken ^X.a»Lj dans Bekri (p. 237), et
kes dans Ibn Khaldoûn (Berbères, il, 136).

(2) Ecrit respectivement l. I. Modjebber, et Modjir.

(3) Ecrit Er-Rid’a l. L

(4) Il s’agit probablement de la ville de Galchana, voisine de
Xérès (note de M. de Slane ad Bekri, 237).

(5) On lit Nedjàh’ ben Ghofeyr dans les Berbères, n, 137.

(6) Il semble bien que le copiste a ici oublié un nom propre.

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– 295 –

(25 septembre 941). Après lui [P. 212] Ibn Mok’àtil la
gouverna jusqu’en chawwâl 332 (mai-juin 944), où il fut
fait prisonnier par les Benoû Moh’ammed, Idrisides qui
le retinrent jusqu’en ramad’ân 333 (avril-mai 945) ; où le
kâdi de Ceuta, Moh’ammed ben Aboû c Isa, étant allé les
trouver, ils consentirent à conclure la paix par son inter-
médiaire : ils relâchèrent Ibn Mok’âtil et expédièrent
des otages à Cordoue, auprès du Prince des croyants
En-Nâçir, qui envoya divers gouverneurs à Ceuta
jusqu’en 346 (3 avril 957) a.

b En cette année [319 = 23 janvier 931], mourut Ah’med
ben Ah’med ben Ziyâd Fârisi, préposé aux actes judi-
ciaires à K’ayrawân. Il avait étudié (sous divers maîtres)
et avait du jugement; il avait servi à c Isa ben Meskin de
secrétaire pour la rédaction des rescrits et des jugements,
et est auteur d’ouvrages traitant des actes judiciaires,
des clauses (qui peuvent y figurer) et dès moments de la
prière.

A Tàhert mourut le gouverneur de cette ville, Yeçel
ben H’aboûs, que les habitants remplacèrent par e Ali
ben MeçâlaM, en informant r Obeyd Allah de leur choix.
Mais le prince désigna pour ce poste H’omeyd ben Yeçel,
qu’il y envoya à la tête d’un fort corps de troupes et qui
y arriva en dhoû’l-hiddja (décembre 931-janvier 932).

Le lundi 9 ramad’ân (24 septembre 931), naquit dans
le palais de Mehdiyya Aboû Temim Ma’add ben Ismâ c il
le Chiite b.

En 320 (12 janvier 932), b H’omeyd ben Yeçel attaqua
Dàwoùd ben Meçâla, Sinân et Aboû H’amlil ben Bernoû;
il leur tua un certain nombre d’hommes et les tint pen-

(1) Cf. suprà p. 284, et Fournel, n, 175.

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– 296 —

dant trois mois assiégés dans le château-fort d’Aboû
H’amlil. On lut du haut des chaires la circulaire d’ r Obeyâ
Aliàh relatant ces faits et datée du jeudi 2 djomâda II
(9 juin 932) b.

Moûsa ben Aboal- r Afiya se porta à marches forcées
contre Moh’ammed ben Khazer, émir des Zenâta, qu’il
surprit et mit en déroute en massacrant ses compa-
gnons; après quoi il se retira à Djeràwa. b Le motif de
cette attaque fut une lettre adressée par Moh’ammed à
Moûsa à propos d’Ibn AboûVAych et conçue dans des
termes qui irritèrent Moûsa, car Moh’ammed ne cachait
pas qu’il favorisait Ibn AboûVAych contre Moûsa, qui fit
alors cette expédition (*).

Cette année-là fut révoqué le préposé aux actes judi-
ciaires c Abd Allah ben Selmân, [P. 213] qui jouissait de
la faveur d’Aboû Dja c far Baghdâdi,mais qu’on soupçon-
nait de se livrer à la sodomie et qui fut dénoncé au prince
par c 01ayya ( 2 ), qui était un ami de xe dernier et qui
ajouta : g Ce Baghdâdi ne fait, Seigneur, autre chose que
nuire à notre glorieux gouvernement et chercher à le
saper : il a nommé kâdi et préposé aux actes à Tripoli
un homme qui recherche les jeunes garçons. » En même
temps il lui fit lire les vers d’Ibn c Amir el-Fezâri sur les
jeunes garçons d’Ifrik’iyya sous les Aghlabides, où il est
parlé en termes outrageants de cet Ibn Selmân. Cette
pièce débute ainsi :

[Redjz] Plus d’un parterre revêt la surface terrestre d’un

(1) Voir les observations que fait Fournel (n, 177) à propos de
cette campagne.

(2) Ce mot est, sous cette forme, encore employé dans le Sud de
l’Algérie comme nom propre masculin.

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– 297 –

merveilleux coloris provenant de plantes toutes fraîches,
#*un kâdi, par exemple, qui décide que telles âmes sont
blanches et telles autres rouges.

II y est dit aussi :

Ainsi que la pleine lune au-dessus d’un rameau de saule,
Ibn Selmân brille d’un éclat qui l’emporte sur celui des
(jeunes filles semblables aux) gazelles ; sa beauté est sans
pareille, et on la dirait faite d’or natif.

En conséquence Ibn Sjelmàn fut révoqué et remplacé
comme kàdi de Tripoli par Ahïned ben Bah’r, qui était
alors préposé aux réclamations et à la prière à K’ayra-
wàn, poste pour lequel il avait été choisi par Ish’âk’ ben
Aboû’l-Minhâl b.

En cha c bân de cette année (août 932), Moûsa ben
Abotfl- e Afiya reconnut ouvertement la souveraineté du
Prince des croyants En-Nàçir (TOmeyyade), ce qu’il fit
après être entré à Nakoûr Tépée à la main, b en avoir tué
le prince El-Mo’ayyed ben c Abd el-Bedi c ben Çâlih’ ben
Sa c id ben IdrisM, et avoir, à la suite du blocus auquel il
soumit les Benoû Moh’ammed dans la montagne [P. 214]
dite H’adjar en-Nesr, conclu, moyennant rançon, la paix
avec eux.

b ATunis mourut Aboû H’abîb Naçr Roûmi, élève d’Ibn
c Abd el-H’akam, dont la mémoire était bien meublée en
ce qui a trait aux questions juridiques b.

En 321 (31 décembre 932) le pouvoir à Sidjilmâssa < 2 )

(1) Il a été question do ces faits plus haut, p. 278.

(2) Voir p. 215 l’histoire de cette ville. Notre auteur a ici mal copié
Bekri (p. 335), qui écrit Semghoù, fait mourir El-Mo l tazz ben Moh’am-
med en 321, et lui donne pour successeur Moh’ammed ben el-Mo’tazz,
lequel mourut en 331 et fut remplacé par Aboû’l-Montaçir {sic, voir
le texte arabe, p. 151, 1. 4) Semghoù.

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– 298 –

échut à Aboû’l-Mançoûr Semghoûl ben el-Mo e tazz ben
Moh’ammed, qui était âgé de treize ans. Au bout de deux
mois, son cousin Moh’ammed ben el-Fath’, aussi nommé
El-EminW, se révolta contre lui, resta vainqueur et
expulsa son rival de Sidjilmàssa. Il était sunnite et fit
fleurir la justice, bien que cependant il ait pris en 342
(17 mai 953) le titre A’emir el-mouminîn et le surnom
d’Ech-Chàkir billâh, qui figure sur les monnaies d’or et
d’argent qu’il fit frapper. Telle resta la situation jusqu’au
moment où s’approchèrent les troupes du prince Obeydite
Aboû Temim Ma’add. •

Gouverneurs de Sidjilmàssa à partir de la conquête chi’ite.

El-Mezâti, dont il a été question déjà, fut nommé gou-
verneur de cette ville en 298 (18 septembre 910), mais
les habitants le massacrèrent au bout de cinquante jours^.
Aboû’1-Fath’ ben el-Emîn( 3 ) lui succéda, et, au bout de
deux ans et quelques mois, fut remplacé en 300 (17 août
912), par Ah’med ben el-Emin( 4 ), qui resta au pouvoir
jusqu’à ce que, assiégé par Meçâla ben H’aboûs, il fût
mis à mort par son vainqueur, en moharrem 309 (mai-
juin 921). Meçâla institua alors à Sidjilmàssa El-Mo c tazz
ben Moh’ammed, des Benoû Midrâr, qui y resta jusqu’à
sa mort, en 321 (31 décembre 932), et fut remplacé par
Aboû’l-Mançoûr précité* 5 ).

Dans la nuit du lundi au mardi, 15 rebi c I 322 (4 mars
934), mourut le Mahdi c .Obeyd Allah, après un règne de

(1) Dans Bekri, « Moh’ammed ben el-Fath 1 ben el-Emir ». “Cf. Ibn
llaukal, p. 57.

(2) Ci-dessus, p. 212 et 217; Bekri, p. 334.

(3) El-Fath Waçoùl ben el-Emir Meymoùn (Bekri, ibid.).

(4) Ah’med ben el-Emir {ibid.,, p. 335).

(5) Voir n. 1.

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– 299 –

vingt-quatre ans et dix mois et demi (U. Arrivé en Egypte
en 289 (15 décembre 901), sous un costume de marchand,
il se déclara à Sidjilmàssa en dhoû’l-hiddja 296 (août-
septembre 909), fut salué du titre d’Imàm, puis se rendit
à Rak’k’àda en rebi e II 297 (décembre 909-janvier 910);
il fonda Mehdiyya, où il se retira [P. 215] en 308 (22 mai
920). Son départ fut le signal de la décadence de Rak’kâ-
k’àda, dont les habitants s’éloignèrent et dont l’impor-
tance diminua de jour en jour, jusqu’au règne de Ma’add
ben Ismâ c il, époque où en disparurent les derniers
restes.

Rak’k’àda était la capitale des Aghlabides, et Ton
raconte que quiconque y entrait ne cessait de rire, et
cela sans motif. On dit aussi qu’un prince de cette
dynastie avait perdu le sommeil, qu’il recouvra en
arrivant dans cette ville, et que de là vient son nom*.
Ibrahim ben Ah’med s’y fixa et abandonna l’Ancien
château; il y éleva de magnifiques palais, une mosquée
principale, des établissements de bains et d’autres cons-
tructions. Sa fondation remonte à 263 (23 septembre 876),
celle de l'[ Ancien] château à 184 (30 janvier 800). Ibn el-
Aghlab ayant défendu la vente du vin à K’ayrawân tan-
dis qu’il la permettait à Rak’k’àda, on dit à ce propos :

[Monsarih’] O Seigneur des hommes, ô fils d’un autre qui
fut leur Seigneur, toi devant qui se courbent toutes les tètes,
pourquoi déclarer interdit dans notre ville le vin qui est
licite dans le territoire de Rak’k’àda ?(*)

(1) Voir Fournel, n, 181.

(2) Ces vers sont souvent cités, p. ex. dans Bekri, p. 70; dans
Vlstibçar, tr. fi\, p. 13, etc. Plus haut (p. 112), notre auteur a placé
la fondation de l’Ancien château en Tannée 185 ; voir là-dessus
et sur Rak’k’àda, Bekri, L l. ; Ibn el-Athir, p. 157 et la note, etc.

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– 300 —

Mehdiyyà, qui doit son nom au Mahdi c Obeyd Allah
le chi’ite, est située à soixante milles tle K’ayrawân.
Celle-ci était la plus grande de toutes les villes du Ma-
ghreb, la plus peuplée, la plus riche, celle où la vie était
le plus large ; chez les habitants régnait généralement
l’ardeur au bien, l’abstention des choses d’une légalité
douteuse, l’éloignement pour les choses interdites, et
cela dura jusqu’au jour où l’arrivée des Arabes, ainsi que
nous le dirons, l’accabla d’une série de calamités et n’y
laissa plus subsister que des vestiges indistincts, des
traces à peine visibles. On dit qu’elle reverra son an-
cienne splendeur, et à l’époque actuelle, tin du septième
siècle, elle recommence à fleurir.

Le royaume d’ c Obeyd Allah comprenait l’Ifrik’iyya,
tout le Maghreb, Tripoli, Barka et la Sicile, toutes régions
où résidaient ses fonctionnaires. Il tenta la conquête de
l’Egypte par son fils et héritier présomptif Aboû’l-K’âsim,
qui était l’aîné de six fils, et au nom de qui les lettres
étaient rédigées, du vivant même d’ c Obeyd Allah. Celui-
ci, mort à l’âge de soixante- trois ans, [P. 216] eut donc
pour successeur son fils Aboû’l-K’âsim ben f Obeyd
Allah, dont l’inauguration se fit le jour même de la mort
de son père, 15 rebi c 1 322 (4 mars 934), qui prit le surnom
d’El-K’â’im bi-amr Allah et qui mourut le dimanche 13
chawwâl 334 (17 mai 946) après un règne de douze ans et
sept mois, et à l’âge de cinquante-cinq ans, laissant sept
fils. El-K’â’im eut comme chambellan Dja f far ben c Ali,
et Ibn Aboû’l-Minhâl fut l’un de ses kâdis. Pendant tout
son règne, ce prince sortit à cheval sans se faire accom-

(1) II aurait, d’après Ibn el-Athîr {Annales, p. 319), tenu la mort de
son père cachée pendant un an.

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— 301 —

pagner du parasol. Il suivit d’ailleurs la même voie que
son père, de la mort de qui il témoigna une tristesse
inconnue à un homme de son rang et qu’il garda (long-
temps encore) après sa disparition. Depuis ce moment
jusqu’au jour où lui-même rendit le dernier soupir, il ne
franchit sur une monture la porte de son palais qu’à
deux reprises. Sous son règne, de nombreuses villes
furent conquises sur les chrétiens. Il eut aussi à faire
face à plusieurs soulèvements que Dieu lui permit
d’étouffer. Entre autres rebeHes, Ibn T’âloût Korachi
s’avança avec de nombreux partisans dans la direction
de la province de Tripoli ; mais les habitants de cette
ville résistèrent et lui firent subir des pertes sensibles (*).
Cet imposteur se disait fils du Mahdi et souleva ainsi
avec lui les Berbères ; mais ces tribus, ayant reconnu la
fraude, le massacrèrent et apportèrent elles-mêmes sa
tête à El-K’â’im bi-amr Allah.

Le premier acte d’Aboû’l-K’âsim fut de faire fabri-
quer par tous les gouverneurs de provinces des armes et
toutes sortes d’instruments de guerre. Le page Meysoûr,
qu’il envoya dans le Maghreb avec de nombreux soldats,
poussa jusqu’à Fez et mit en déroute Ibn Aboû’l- c Afiya,
dont il fit le fils prisonnier £). Contre le pays chrétien il
fit partir une flotte confiée à Ya c k’oûb ben Ish’âk’, qui
s’empara de Gênes< 3 ). Il nomma Aboû Dja’far Baghdâdi

(1) Cette révolte est mentionnée dans des termes presque identiques
par Ibn el-Athir {l. I.) et par Ibn Khaldoûn {Berbères, n, 528).

(2) Ce qui eut lieu dans les années 322 et 323 (Ibn el-Athir, p. 320 ;
Bekri, 225 et 289; Berbères, n, 529; Fournel, n, 187; Wustenfeld,71 ;
ci-dessous à Tannée 323, etc.).

(3) Y eut-il deux expéditions en pays chrétiens, Tune en 322, l’au-
tre en 323? Voir Amari, Biblioteca, i, 412; n, 29; Ibn el-Athir, p. 320
et les auteurs cités.

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– 302 –

directeur de la poste et du secrétariat, et lui confia le
soin de nombreuses affaires gouvernementales.

En 323 (10 décembre 934), il expédia à Bark’a une
armée commandée par Zeydân, et fit partir ce général
ainsi qu v Amir el-Medjnoûn, Aboû Zorâra et une partie
[P. 217] des troupes kotâmiennes qui étaient à Bark’a,
pour l’Egypte. Les envahisseurs entrèrent à Alexandrie,
et ils firent un grand nombre de prisonniers sur l’armée
de quinze mille cavaliers que-Moh’ammed ben [Toghdj]
el-Ikhchîd fit marcher contre eux M.

En la dite année, mourut El-Fad’l ben r Ali ben Z’afar,
Thomme le plus lettré de son temps, le plus habile en
science (religieuse), en droit et en littérature, en un mot,
parfait.

Comme le Slave Meysoûr était arrivé proche de Fez,
Ah’med ben Bekr ben Aboù Sahl Djodhâmi, qui y com-
mandait, sortit pour le combattre, mais il fut fait prison-
nier par trahison et envoyé à Mehdiyya. Les habitants
de cette ville choisirent alors pour les commander
H’asan ben K’âsim Lawâti, et tinrent tête pendant sept
mois à Meysoûr, dont les efforts contre eux échouèrent.
Celui-ci alors assiégea Ibn Aboû’MAfiya, et réclama à
cet effet l’aide des Benoû Idris, à qui il montra des
égards et dont il ne méconnut pas les droits. Alors Ibn
Aboû’l- e Afiya, fuyant devant eux, gagna le désert, et tout
ce qui appartenait aux Benoû’l-‘Afiya passa aux Benoû
Idris. Le pouvoir chez ces derniers était exercé par les
Benoû Mohammed ben el-Kâsim, qui étaient au nombre
de trois, H’asan, K’annoûn et Ibrahim, ce dernier connu

(1) Sur cette campagne, voir Ibn el-Athîr, p. 320 et la note 3.

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– 303 –

sous le nom d’Er-RehoûniW. K’annoûn, dont le nom était
El-K’àsim, résidait ordinairement dans la ville de Çakh-
rat en-Nesr.

Histoire des Idrîsides ; pourquoi ils pénétrèrent dans le Maghreb
et y fondèrent Fez ; chefs Idrîsides et antres qui ont gouverné
cette ville jusqu’à présent.

El- c Adhari et d’autres racontent qu’Idrls et Soleymân,
l’un et l’autre fils d’ c Abd Allah ben H’asan ben el-H’asan
ben c Ali ben Aboû T’âleb, échappèrent au désastre de
Fakhkh ( 2 ), sous le règne d’Aboû Dja c far el-Mançoûr. De
leurs quatre autres frères, Moh’ammed, Ibrahim, e Isa et
Yah’ya, le premier gagna [P. 218] le Hidjâz, où il fut tué;
le second se révolta à Baçra, dans l’Irak, et fut tué sous
le règne d’El-Mançoûr ; Yah’ya se révolta dans le Deylem
sous le khalifat d’Er-Rechîd, se soumit contre promesse
d’être gracié, et mourut ensuite empoisonné. Idris, qui
se réfugia au Maghreb, s’y vit ensuite rejoindre par di-
vers c Alides descendants d’Aboû T’âleb, savoir, son pro-
pre frère Soleymân ( 3 ), qui s’installa àTlemcen, ainsi que
Dâwoûd ben el-K’âsim ben Ish’âk ben e Abd Allah ben

(1) Le Bayân porte « Er-Rcmoûni », que je n’ai pas hésité à corri-
ger d’après Bekri (p. 290), d’autant plus que Rehoùna est un lieu
voisin de Hadjar en-Nesr. Mais sur ce passage, comparez le texte
arabe de Bekri, p. 129, i. 3, et Jaqubi, Descriptio, p. 123.

(2) L’affaire de Fakhkh, près de la Mekke, est de 169, sous le règne
du khalife Abbàside El-Hàdi (voir le commentaire d’Ibn Badroûn,
p. 224 ; suprà, p. 97 ; Berbères, n, 559, etc.).

(3J Soleymân ben ‘Abd Allah, fait prisonnier à Fakhkh, fut décapité
à la Mekke, d’après Mas’oûdi (Prairies d’or, vi, 266). Notre auteur
suit probablement le récit de Nawfeli ap. Bekri, p. 277, et Istibçâr,
trad., p. 149.

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– 304 –

Dja c far ben Aboû T’âlebM; celui-ci regagna ensuite
l’Orient, mais ses enfants restèrent au Maghreb. Idris
ben c Abd Allah, arrivé au Maghreb en 170 (2 juillet 786)
avec son client Râchid,se fixa d’abord dans l’antique ville
d’Oulîli, puis s’installa en 172 (10 juin 788) chez Ish’àk’
[ben Moh’ammed] ben c Abd el-H’amîd. Les tribus ber-
bères le prirent pour chef et lui prêtèrent obéissance, ce
qui fut cause que Hâroûn er-Rechîd, l’ayant appris,
envoya un de ses affidés, nommé EchChemmàkh, avec
mission de l’empoisonner; c’est ce que fit cet homme,
qui s’enfuit ensuite en Orient. A la suite de la mort
d’Idrîs, survenue en 175 (9 mai 791), le commandement
fut exercé par son client Râchid ; puis Kenzi, concubine
berbère du prince défunt, accoucha d’un fils qui reçut le
même nom que son père.

En 187 (29 décembre 902), Idrîs ben Idrîs, qui avait
alors onze ans, ou, selon d’autres, davantage, prit le
pouvoir en mains, et fut reconnu par toutes les tribus
(berbères). [Ce qui devint plus tard] le quartier Kayra-
wanien était alors des marécages boisés autour desquels
s’élevaient des huttes habitées par les Zawàgha. A la
demande de ces populations, il résolut de tâcher d’y
établir une ville, Fez, dont la fondation remonte à 193
(21 octobre 808). Idrîs ben Idris fit une expédition contre
les Nefza et parvint jusqu’à Tlemcen, puis il s’en retourna,
alla jusqu’au Wâdi Nefiset se rendit maître du territoire
des Maçmoûda. Il mourut en 213 (21 mars 828), empoi-
sonné, mais on n’est pas unanime sur son genre de mort.
D’après Ibn H’ammâda, Bekri et d’autres, il laissa douze
fils : Moh’ammed, Ah’med, c Obeyd, Allah, c Isa, Idris,

(1) Bekri, p. 276.

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– 305 –

Dja e far, Yah’ya, H’amza, e Abd Allah, -El-K’âsim, Dàwoûd
et ‘Omar.

Moh’ammed ben Idris, qui monta sur le trône, suivit
le conseil de sa grand-mère Kenzi et répartit les diverses
provinces de l’empire entre ses frères: à El-K’âsim il
donna [P. 219] Tanger et ses dépendances, à c Omar les
Çanhâdja d’El-H’abat’ et les Ghomâra, à Dàwoûd les
H’awwâra de TàmeliU 1 ), et ainsi de suite pour ‘Isa,
Yah’ya et e Abd Allah; les autres, trop jeunes, furent
laissés de côté. Alors e Isa s’étant soustrait à son autorité,
Moh’ammed écrivit à leur frère El-K’âsim de l’attaquer,
mais il essuya un refus ; au contraire, c Omar, qui avait
reçu le même ordre, s’empressa de prêter aide à Mo-
h’ammed, car des dissensions l’avaient auparavant sé-
paré d’ e Isa. ‘Omar mourut dans le pays des Çanhâdja, t
et son corps fut ramené à Fez ; c’est de lui que descendent
les H’ammoûdites. Moh’ammed ben Idrîs étant ensuite
mort, ce fut Yah’ya ben [Yah’ya ben] Moh’ammed ben
Idris qui lui succéda. Le nouveau prince répartit aussi
les diverses provinces entre ses oncles, tant paternels
que maternels ; il donna à H’oseyn le sud, de la ville de
Fez à Aghmât; à Dàwoûd l’est de Fez, (c’est-à-dire) les
Miknâsa, les Hawwâra et les Çadina ; à El-K’âsim l’ouest
de Fez, c’est-à-dire les Leh’âta( 2 ) et les Kotâma, tandis
que Yah’ya lui-même se désintéressait des devoirs de
souverain qui lui incombaient. Alors chacun de ses frè-
res se conduisit en prince indépendant et attira à soi les
Berbères, leur disant : a Nous sommes tous fils d’un

(f) Chez Bekrî (p. 280) « de Taselmet ». Sur ce partage, voir Four-
nel, i, 498 ; Jakubi, Description p. 127.

(2) Ce nom parait corrompu : on peut songer à lire Lehàha ou
Lemàya ? (Dozy).

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-~ 306 «

même père, et vous voye^ comment notre frère Yah’ya
laisse aller son pouvoir à vau-l’eau. » Aussi les.Berbères
leur reconnurent- ils de plèinsv pouvoirs, pendant que
Yah’ya s’adonnait entièrement â la boisson et aux fem-
mes. On raconte qu’il entra un jour au bain pour y pour-
suivre une femme 0). Enfin la désaffection de la popula-
tion de Féz fut cause de sa perte, et il s’enfuit dans le
quartier des Andalous( 2 ), où il mourut. Sa femme était
la fille d ,c Ali ben c Omar, aïeul des HammoûditesW.

Ce fut c Ali ben c Omar ben Idris qui lui succéda, car
quand Yah’ya fut perdu, son beau-père, le dit c Ali, étant
arrivé, pénétra dans le quartier des Kayrawaniens et y
exerça l’autorité souveraine, de sorte que le pouvoir
passa des mains des fils de Moh’ammed ben Idrîs à
.celle des fils de e Omar ben Idris. Il eut à résister au
soulèvement d’ c Abd er-Rezzâk, Khàredjite-Çofrite de
Medyoûna qui, à la suite de nombreux combats, le mit
en fuite et s’empara de Fez( 4 ). c Ali dut passer chez les
Awreba, et ce fut c Abd er-Rezzâk qui devint maître du
quartier des Andalous, mais non [P. 220] du quartier des
K’ayrawânien?. En effet, les habitants de ce dernier firent
venir Yah’ya ben el-K’âsim ben Idrîs, connu sous le nom
d’El- c Addâm( 5 ), et le mirent à leur tète. Ce prince conquit

(1) Qui était juive et s’appelait Hanna (Bekri, 289).

(2) J’ai lu Crr ^uJjô , *\ ÏjsXa avec Bekri (texte, p. 125, 1. 1). *

(3) C’est ‘Obeyd Allah ben ‘Omar (ou ‘Omar ben Idris lui-même,
suprà, p. 305, et Bekri, p. 281), qui est l’aïeul des Hammoûdites. En
outre, j’ai (d’après Bekri, p. 282, et de Goeje, Jaqubi, 123), corrigé le
texte, qui fait d”Ali le gendre de Yah’ya.

(4) Ce rebelle était Espagnol d’origine et se révolta dans la monta-
gne de Medyoûna, au sud de Fez (Békri, 282).

(5) Ce nom est écrit de bien des manières, relevées dans/une note de
la traduction do Bekri, p. 283.

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– 307 –

ensuite le quartier des Andalous et en chassa c Àbd er-
Rezzâk, faits dont le récit trop long. Yah’ya régna donc
sur Fez, les régions, les cantons, les tribus et les forts du
voisinage jusqu’en 292 (12 novembre 904), où il fut tué
par Rebî e ben Soleymân.

Son successeur fut Yah’ya ben ldrts ben c Omar ben
Idris ben Idris. En effet, après la mort de Yah’ya ben
el-K’âsim, ce fut ce Yah ya ben Idrls qui s’avança vers Fez
et qui y recueillit le pouvoir, de sorte que l’autorité
revint ainsi pendant quinze ans aux mains des descen-
dants d ,e Omar ben Idris, jusqu’à Tannée 307(2 juin 919),
où arriva Meçâla ben H’aboûs. Celui-ci, venu pour la
première fois dans le Maghreb en 305 (23 juin 917), avait
commencé par accorder bienfaits et honneurs à Moûsa
ben Aboû*l- e Afiya et lui avait confié le gouvernement des
territoires conquis par lui; mais Yatfya ben Idris, prince
de Fez, avait dirigé ses forces contre Moûsa et anéanti
ses espérances. Revenu en 307 (2 juin 919), Meçâla resta
dans le pays pendant cinq ansW. Ibn Aboû’l-‘Afiya cher-
cha à nuire à Yatfya et à le perdre dans l’esprit de Meçâla,
employant les anciens liens d’amitié qui l’unissaient à
celui-ci pour satisfaire l’inimitié qu’il nourrissait contre
Yah’ya. Meçâla se décida à s’assurer de la personne de
ce dernier, et comme, après avoir déjà tenté à cet effet
diverses ruses, il le vit venir dans son camp, il se saisit
de lui par trahison ; il lui enleva tout ce qu’il possédjait et
lui ordonna en outre de retirer de Fez et de lui présenter,
à lui Meçâla, les richesses qu’il détenait dans cette ville.
Un agent de Meçâla fut installé à Fez, et ce général se

(1) Meçâla vint pour la première fois au Maghreb en 304 ou en 305,
puis y revint en 310 (Bekri, pp. 220 et 284).

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— 308 —

retira ensuite, laissant Moûsa dans le Maghreb en qualité
d’émir (*).

En 310 (30 avril 922) m se révolta H’asan ben Moh’am-
med ben el-K’àsim ben Idris ben Idrîs, surnommé El-
H’addjâm, qui infligea notamment à Moûsa une sanglante
défaite dans une rencontre à laquelle participèrent les
chefs berbères et telle que le Maghreb n’en avait pas vu
de pareille [P. 221] depuis l’arrivée d’Idris l’ancien :
environ deux mille Berbères restèrent sur le terrain, et
Moûsa y perdit un fils du nom de Minhal. H’asan resta
alors pendant environ deux ans le maître de Fez et de
ses dépendances; après quoi les habitants de la ville se
soulevèrent traîtreusement contre lui et prirent comme
chef H’âmid ben H’amdân Hamadâni, connu sous le
nom d’El-Loûzi, du nom de Loûza( 3 ), localité d’Ifrîk’iyya
d’où il était originaire. H’âmid jeta Hasan ben Moh’am-
med en prison et rappela Moûsa ben Aboû’l- c Afiya, qui
vint avec ses troupes reprendre possession de Fez.
Moûsa voulait faire exécuter H’asan, qui avait été cause
de la mort de son fils Minhal ; mais H’âmid l’en détourna
en lui représentant les inconvénients d’une exécution

(1) Sur la manière dont finit Yah’ya ben Idris, il y a trois versions
(Bekri, p. 283 et 285 ; Fourneî, n, 248).

(2) Le texte porte 313, date que Dozy a corrigée en s’appuyant sur le
Kartâs et sur ce qu’on a vu plus haut, p. 267. D’après Bekri (p. 285),
El-Haddjàm chassa RnYàn Kotàmi de Fez en 316, et y resta deux ans.
Sa mort serait donc survenue en 318. Mais d’après Ibn Khaldoûn(Zter-
béres, i, 267 ; n, 145 et 568), le mouvement tenté par ce chef est de 313,
sans indication de la période pendant laquelle il exerça le pouvoir.
Cf. Fournel, n, 142 et 153, qui a eu le tort de reprendre Dozy à pro-
pos des renvois de celui-ci, et d’accorder la moindre autorité à la
traduction du Kartâs par Beaumier»

(3) Loûz est le nom d’une localité près de Belezma (Bekri, 123); mais
il y a un Kaçr el-Loùza entre Mehdiyya et Sfax (Edrisi, 150).

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— 309 —

publique, et le poison fut employé. D’après une autre
version, H’àmid l’ayant emmené sur les murailles,
H’asan en tomba et se cassa le pied ; il arriva jusqu’au
quartier des Andalous, où il mourut. Moûsa resta donc
maître de Fez et du Maghreb, par suite de la mort de
H’asan ben [Moh’ammed] el-H’addjâm.

Le surnom donné à ce dernier lui venait de ce que,
dans un combat contre ses cousins, il frappa d’un coup
de lance un premier adversaire à l’endroit où l’on pra-
tique la saignée, puis un second, puis un troisième, tou-
jours à la même place. Son oncle Ah’med dit alors de
lui : « Mon neveu est devenu H’addjàm (ventouseur) »,
et ce nom lui resta. Lui-môme a dit :

[T’awîl] Si Ton m’appelle H’addjàm, ce n’est pas que je
pratique la saignée, c’est que je frappe à l’endroit où l’on
saigne (*).

Moûsa, redevenu maître de Fez, fît exécuter c Abd
Allah ben Tha c leba ben Moh’ârib Azdi, ainsi que son
frère Mohammed ; mais leur père, Tha c leba ben Moh’â-
rib, s’enfuit à Cordoue* 2 ). Moûsa, projetant également la
mort de H’âmid, grâce à qui il était rentré à Fez, celui-
ci s’enfuit à Mehdiyya. Il chassa des endroits qu’ils habi-
taient tous les Benoû Idris, qui furent forcés de se retirer
dans la ville de Hadjar en-Nesr, fort inexpugnable dont
la construction est due à Ibrahim ben Moh’ammed ben
el-K’âsim [P. 222] ben Idrîs. Moûsa voulait les assiéger,

(1) Ce vers et les détails qui précédent se retrouvent encore ailleurs
(Bckrt, p. 286 ; Kartàs, texte, pp. 49 et 50 ; Berbères, n. 568).

“(2) Selon Bekri (p. 287), *Al)d Allah ben Tha’leba et ses deux fils
Moh’ammed et Yoùsof furent exécutés par ordre de Moûsa, tandis que
son troisième fils Mohàrib s’enfuit ou à Gordoue ou à Mehdiyya.

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— 310 —

mais les principaux chefs de la population du Maghreb
blâmèrent son projet : « Déjà, lui dirent-ils, tu lés as
expulsés et réduits à la pauvreté ; voudrais-tu donc, toi
Berbère, la mort de tous les Idrîsides ? » Ces reproches
l’arrêtèrent . et il s’éloigna avec ses troupes, laissant
cependant pour les surveiller l’un de ses officiers, Aboû
K’amhMi), q U j établit son camp à proximité et les serra
de près. Moûsa avait confié la garde de Fez à son fils
Medyen, qui y resta jusqu’à l’arrivée de H’omeyd ben
Yeçâb*), lequel, étant entré dans le Gharb, nomma à Fez
H’âmid ben H’amdân : en effet, Medyen, à l’annonce de
l’approche de H’omeyd et de H’âmid, s’était enfui de
cette ville ( 3 ). Alors les Idrisides, réunissant leurs forces
contre (Aboù K’amh’), l’officier de Moûsa, le mirent en
déroute et pillèrent, en 317 (13 février 929), la plus
grande partie de son camp. Ensuite survint à Fez la
révolte d’Ah’med ben Bekr [ben c Abd -er-Rahmàn] ben
Aboû Sahl Djodhâmi, qui mit à mort H’âmid ben H’am-
dân et envoya sa tête ainsi que celle de son fils à Moûsa
ben Aboû’l- c Afiya ; celui-ci les fit porter l’une et l’autre à
Gordoue par Sa e id ez-ZerràdW. Quant à H’omeyd ben
Yeçâl, qui avait, sans l’ordre du prinee Obeydite, quitté
le Gharb en y laissant Moûsa, il fut, pour cette raison,

(1) Ou Aboù’1-Fath’ Tesoùli d’après le Kartâs (texte, p. 51) et Ibn
Khaldoûn {Berbères, i, 268).

(2) Nommé ci-dessus Homeyd ben Yeçel ; son arrivée à Fez eut lieu
en 321 d’après Bekri (p. 288), date qui est en contradiction avec celle
de 317, que notre auteur donne aussitôt après et qui doit être fausse.

(3) Il faut corriger le C^oyb, correction malheureuse de Dozy
(p. 222 1. 8) en «^yb, ce que montrent et le contexte et le texte de
Bekri (p. 128, l.*6).

(4) Appelé Sa’id ben ez-Zerràd par Bekri (p. 289).Voir Fournel, H, 187.

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~ 311 –

emprisonné à son arrivée en îfrik’iyya; il parvint cepenr
dant à s’enfuir en Espagne. En effet, les sympathies de
Moûsa étaient pour le prince Omeyyade régnant à
Cordoue.

En 324(29 novembre 935) c Ali ben H’amdoûn, connu
sous le nom d’Ibn el-Andalosi, ruinai) la ville [d’Adena,
proche de celle] de Mesila, située à deux étapes de
Tobna et dans le voisinage de laquelle était la ville
ancienne nommée Er-Rommâniyya. Elle est dominée
par la montagne de TAurès, longue de sept journées de
«îarche et renfermant de nombreux chàteaux-forts habi^
tés par lesHawwàra, qui professent les doctrines khàred-
jites. C’est datis ces montagnes qu’habitait la Kâhina, et
c’est là aussi qu’Aboû Yezîd Makhled ben Keydàd se
révolta [P. 223] contre Aboû’l-K’âsim Chi c i.

En 325 (18 novembre 936), Aboû’l-K’àsim ben f Obeyd
Allah nomma en Sicile AboiïVAbbâs Khalii ben Ish’âk’,
qui agit dans ce pays comme nul n’avait fait avant lui ni
ne fit depuis: il fît mourir les musulmans tant en les
affamant qu’en les exécutant, si bien qu’ils s’enfuirent en
pays chrétien et que la plupart abjurèrent. Il resta en
Sicile quatre ans et en partit en 329 (5 octobre 940). Plus
tard,. dans une réunion où figuraient plusieurs per-
sonnages importants et où la conversation portait sur
des sujets divers, on vint à parler du temps qu’il avait
passé en Sicile, et alors, se vantant de sa cruauté, il dit:
« J’y ai tué, disent ceux qui exagèrent, un million d’hom-
mes, ou, d’après ceux qui sont au-dessus de la vérité,

(1) Le texte est certainement corrompu. En consultantBékri(pp.320
et 321 , trad., 144, texte), on voit qu’en 324 Ibn el-Audalosi ruina Adena,
qui est à deux journées :de Tobna. Je propose donc de lire <^— oy^c ilx-uJL\ ^LoJoo [^J>j-Àl 23 >l]. •

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— 312 .—

six cent mille; mais je le jure, ajouta-t-il, la vérité est
qu’il y en a plus (que ce dernier nombre). » Alors Aboû
e Abd Allah el-Mo’addib (l’instituteur) lui dit : « Aboû’l-
e Abbàs, il te suffit d’en avoir tué un seul I » c Obeyd Allah
l’avait employé dans l’administration des districts, le pré-
lèvement des impôts et l’examen des comptes des bu-
reaux et des gouverneurs; mais certains propos lui étant
revenus sur son compte, il lui adressa un blâme et le
prit en aversion, si bien qu’il se serait débarrassé de lui
sans l’intervention d’Aboû’l-Kâsim, le fils d’ c Obeyd
Allah W. Voici des vers de Khalil qui montrent jusqu’à
quel point il était inféodé à c Obeyd Allah :

[Kâmil] C’est l’imàm qui a établi pour les musulmans la
tradition de son aïeul, de même que moi je l’ai suivie ; c’est
lui qui a vivifié les préceptes religieux de son parent, qui
en a dressé les livres et les prescriptions relatives aux choses
licites et illicites.

L’émir Aboû’l-Kâsim ben c Obeyd Allah* 2 ) avait en 313
(28 mars 925) fait édifier la ville de Mesila par Ibn el-
Andalosi, à qui il en confia ensuite le gouvernement et
qui y resta jusqu’à ce qu’il périt dans le soulèvement
d’Aboû Yezîd Makhled ben Keydâd en 326 (7 novembre
937). Dja c far, fils d’Ibn el-Andalosi, continua d’y demeu-
rer et devint émir du Zàb tout entier, qu’il quitta en 360
(3 novembre #70) lors de la guerre soulevée par Ziri( 3) .

(1) Ce commencement du paragraphe figure dans Amari, Biblio-
teca t ii, 29. Comparez Ibn cl-Athir, p. 321 ; Fournel, n, 213.

(2) Lisez : L’émir ‘Obeyd Allah », voir euprà, p. 272.

(3) Il est parlé de la révolte de Dja’far dans Yffist. des Berbères,
n, 554.

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– 313 –

Les Chi c ites donnent à Mesila le nom de Moh’amme-
diyya : ainsi El-MerwezH 1 * a dit:

[Sari 4 ] Ensuite vers la ville favorisée de Moh’ammediyya,
à qui la crainte de Dieu servit de fondement.

[P. 224] Quant à la ville d’Achir, la construction en est
due à Ziri ben Mennâd Çanhâdji, ainsi que le prouvent
les vers d’ e Abd el-Melik ben c Aychoûn :

[Redjez] Toi qui t’enquiers de nos combats (2) et d’Achir,
siège de l’infidélité, demeure du libertinage, habitée par des
gens injustes, bâtie pour l’impiété et le mensonge, sache
qu’elle a été édifiée par Zlri, sur qui soit la malédiction de
Dieu!

Elle fut détruite postérieurement à 440 (15 juin 1048)
par Yoûsof ben H’ammàd Çanhâdji, qui la livra au
pillage.

En 327 (28 octobre 938), dans le Maghreb extrême
(ak’ça) appelé aujourd’hui Maghreb rapproché (adncr),
c’est-à-dire dans le pays de Tâdelâ et de Tàmesnâ, se
souleva, après la mort de son père, Aboû’l-Ançâr ben
Aboû c Ofeyr Berghawâti, qui avait commencé par faire
des promesses de fidélité. Nous en reparlerons.

Quant à Aboû Yezîd Ifreni ZenâtK 3 ), il s’appelle Makh-
led ben Keydâd ben Sa c d AUâh ben Moghîth ben Kermàn
ben Makhled ben c Othmân ben Ourîmet ben Tabak’-

(1) Le nom de ce poète est écrit Ahmed ben Mohammed el-Merou-
di, dans Bekri (p. 143), qui cite quatre vers de la pièce qui suit.

(2) Dans Bekri (p. 144), où se retrouvent ces vers, on lit : « Toi qui
t’enquiers de notre pays d’Occident. »

(3) Voir Iim el-Atbir, p. 324, et ci- dessus, p. 277.

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– 314 –

râsen ben Semîdàn ben Ifren, lequel Ifren était père dé
la Kâhina. Tous les Zenâta tirent leur origine deDjànà
ben Yah’ya.. .

Ibn H’ammâdat 1 ) raconte qu’Aboû’I-K’âsim. Chi c i, à la
suite de la mort de son père c Obeyd Allah, manifesta
publiquement ses croyances, fit injurier les gens de la
Caverne et du Manteau <*) et lancer d’autres accusations de mensonge contre le saint Livre de Dieu ; quiconque s’occupait de théologie était châtié et puni de mort, et les musulmans lurent soumis à de terribles épreuves. Alors Aboû Yezid descendit des montagnes de l’Aurès en appelant les populations à embrasser la doctrine qu’il disait être la vraie ; bien qu’elles ne la connussent pas, elles espéraient trouver en lui le bien et le maintien dé la foi traditionnelle. Il se souleva donc contre les Chi c iles et pénétra en If rîk’iyya, où il détruisit les villes, ravagea le territoire et fit des massacres sans nombre. En 332 (3 septembre 943), Aboù’l-R’àsim Chi c i dut fuir de Rak’k’âda pour se retirer à Mehdiyya, tant étaient grands les succès d’Aboû Yezid .Celui-ci, qui était un imâm des Ibâd’ites nakkarites du Maghreb, avait étudié, ditEr- Rak’ik’, sous [Aboû] c Ammâr el-A c ma, employait l’âne comme monture et portait le titre de Cheykh des croyants (1) Cet auteur, qui a été cité antérieurement, ne parait pas être le même qu’Ibn Hammàd, à en juger d’après le récit de ce dernier tra- duit dans le J- As. 1852, t. n, 472. Au surplus, nous savons qu’un Ibri H’ammàda Bernesi a vécu postérieurement au célèbre kàdi Aboù’l- Fad’l ‘Iyâd\ de qui il cite un ££.U’J\ £*^-, chronique traitant de l’Espagne et du Maghreb, et qui n’est peut-être autre chose que le Crt^j^ t^ du même 4 Iyâd* (ms 2106 de Paris, f. 354, v). (2) C’est-à-dire le Prophète et sa famille, par allusion à la caverne où il se réfugia avec Aboû Bekr et au manteau dont il couvrit sa fille, son gendre et ses deux petits-fils, . Digitized by Google — 315 ->

Çcheykh el-mouminîn). [P. 225] « Alors, dit Ibn Sa’doûn,
Dieu suscita contre Aboû’l-K’âsim le khâredjite Makh-
led ben Keydàd, qui le vainquit et livra ses guerriers à
la mort. Il était soutenu par les musulmans, les juristes et
les gens voués à la dévotion, » qu’Ibn SaMoûn énumère
tous dans son livre, « qui marchèrent avec lui contre
l’ennemi commun. Il s’avança contre K’ayrawàn, où il
entra en çafar de cette année (octobre 943), fit montre
devant les habitants d'[opinions] correctes et employa
la formule « que Dieu leur fasse miséricorde », en par-
lant d’Aboïl Bekr et d’ c Omar; enfin il appela le peuple
à la guerre sainte contre les Chi c ites et ordonna d’étudier
(et d’appliquer) la doctrine malékite. Lés juristes et les
gens de bien se répandirent dans les marchés en pronon-
çant les’prières pour le Prophète, pour ses Compagnons
et pour ses femmes. Les insurgés plantèrent alors
leurs étendards auprès de la grande mosquée. Le ven-
dredi ils se réunirent dans ce temple, montés et armés,
en compagnie d’Aboû Yezid et précédés d’étendards et de
tambours. Entre autres, deux étendards jaunes portaient
l’un les formules « au nom de Dieu » et « Moh’ammed
est 1 apôtre de Dieu » ; l’autre « Une aide venant de Dieu et
une victoire prochaine [seront réalisées] par le cheykh
Aboû Yezid ; ô grand Dieu, secours ton ami contre ceux
qui injurient tes amis ! » Un autre étendard portait :
« Combattez les chefs de l’impiété, etc. » (Koran, ix, 12);
on lisait sur un autre : « Combattez-les, Dieu les châtiera
par vos mains, les couvrira d’opprobre et vous viendra en
aide » (ib. t ix, 14) ; un autre encore portait, à la suite de
Au nom de Dieu, etc., « Moh’ammed est l’apôtre de Dieu ;
Aboû Bekr le véridique ; c Omar le diviseur». Enfin le
septième portait ; « Il n’y a de divinité qu’Allah ; Mob’am-

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– 316 –

med est l’apôtre de Dieu. Si vous ne le secourez pas,
Dieu l’a secouru lorsque les infidèles l’ont fait sortir lui
second, alors que, se trouvant avec son compagnon dans
la caverne, il lui disait : « Ne te chagrine pas, Dieu est
avec nous » (Koran, ix, 40).

« Quand tout le peuple fut réuni, l’imâm monta en
chaire, prononça une khoiba enflammée et appela le peu-
ple à la guerre sainte, en lui dépeignant les récom-
penses qu’elle devait lui procurer. Il termina en mau-
dissant c Obeyd Allah et son fils, et le peuple, sortant
à sa suite, marcha à la guerre, si bien qu’Aboû Yezid,
toujours le plus fort, vainqueur de ses adversaires et
les envoyant à la mort, resta mai Ire de la presque tota-
lité de l’Ifrîk’iyya. [P. 226] Quand Aboû Yezîd se vit
maître du souverain pouvoir ou à peu près, que le Chi c ite
ne comptait plus ou que peu s’en fallait, il dit à ses
soldats de laisser dans les rencontres les K’ayrawâ-
niéns à découvert, de façon que l’ennemi tombant sur ces
derniers et les épargnant eux-mêmes, on se trouvât
débarrassé de ces auxiliaires sans avoir à les tuer. IL
voulait ainsi ne pas endosser aux yeux de la foule
l’odieux de leur mort, car son intention était de se débar-
rasser d’eux dans la conviction où il était que, après la
mort des cheykhs et des chefs religieux de K’ayrawàn, il
resterait maître de ceux qui les suivaient et les amène-
rait à suivre ses doctrines. C’est ainsi que périrent ceux
des hommes de bien et des juristes de K’ayrawàn dont
Dieu voulait la félicité par le martyre; mais alors la
masse, saisie de regret et voyant que tous les amis de
Dieu étaient morts en martyrs, se sépara fort irritée
d’Aboû Yezîd. Quant à Aboû’l-K’àsim, il était serré des
plus près quand il mourut. »

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^ 317 -»

En 333 (23 août 944), Aboû Yezîd tua le page Mey-
sera ( 4 ), général d’Aboû’l-K’âsim. Cette année vit de nom-
breuses rencontres entre ce dernier et Aboû Yezîd,
notamment l’affaire célèbre du Wâdi’1-Malh’, où Aboû’l-
Kâsim perdit un nombre d’Jhommes incalculable.

Aboû’l-K’âsim el-K’â’im bi-amr Allah, fils d ,f Obeyd
Allah, mourut en 334, le dimanche 13 chawwâl (17 mai
946), après un règne de douze ans.

Règne d’Ismà’tl ben Aboûl-K’&sim ben ‘Obeyd Allah.

Ce prince, dont le langage était choisi et éloquent,
naquit à Mehdiyya en 302 (26 juillet 914) et monta sur le
trône à l’âge de trente-deux ans; porteur du prénom
d’Aboû’t-T’âhir et du surnom d’El-Mançoûr, il avait été
proclamé héritier présomptif au mois de ramad’ân et
reconnu comme tel dans les prônes prononcés du haut
des chaires en Ifrîk’iyya.

En 335 (10 août 946), Aboû Yezid s’avança vers Meh-
diyya, puis se porta sur Sousse, dont les habitants
l’accueillirent les armes à la main, ce qui a fait dire (*):

[P. 227 ; Wâfir] Il a marché sur Sousse et l’a audacieu-
sement attaquée, mais cette ville avait Dieu pour protecteur.
Sousse est pour le royaume un rempart devant lequel s’in-
clinent villes et places fortes. Maudits ceux qui l’attaquent,
comme furent maudits K’oreyz’a et Nad’îr ! Le Créateur de

(1) Ce nom est aussi écrit Meysoûr. Wâdi’1-Malh’ est situé entre
Tomàdjir et Mehdiyya (Bekri, p. 73 ) cf. lbn el-Athir, p. 331 ; Fournel,
n, 242).

(2) Des six vers cités par Bekri (p. 86) et attribués par lui à Ahmed
ben Beledj (?), nous avons ici les quatre premiers, avec une variante
inacceptable dans le second hémistiche.

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– – 318 rr^

toutes choses a, dans la confusion universelle, employé
Sousse pour exalter la vraie foi.

Aboû Yezid s’en éloigna donc, retourna vers Mehdiyya
et fit de tels progrès, qu’il vint cogner de sa lance la porte
de cette ville. Un fantassin pénétra alors dans le palais
et y trouva Ismâ e il jouant avec une anguille dans le
réservoir : « Tu joues, dit-il au prince, pendant qu’Aboû
Yezid plante sa lance dans la porte ! — Tu es sûr qu’il
Ta fait ? — Je l’affirme. — 11 n’y reviendra pardieu ! plua
jamais, car son heure est arrivée ; c’est là ce que nous
avons trouvé dans nos livres. » Et aussitôt il fit monter
ses troupes à cheval pour attaquer le rébelle (‘).

En 336(22 juillet 947), AboûVTàhir el-Mançoûr décida
la fondation de Cabra, dont il traça le plan et qu’il
appela El-Mançoûriyya. D’après El -Bekri, Mehdiyya
resta la capitale des Benoû ‘Obeyd, jusqu’à ce qu’Aboû’t-
T’âhir, l’un d’entre eux, se rendit à K’ayrawàn après
qu’il eut tué Aboû Yezid (*). Il bâtit alors la ville de Cabra,
dont il fit sa résidence, et la plupart des faubourgs de
Mehdiyya se vidèrent et tombèrent en ruines, [d’autant
plus que] ce prince transporta à Cabra le marché de
K’ayrawàn. Située à environ un demi-mille de cette der-
nière, elle comptait quatre ( 3 ) portes. De Mehdiyya à

(1) Sur cet incident et la date qui lui est assignée, cf. la note de
Fournel, n, 274.

(2) Le texte de Bekri n’est pas reproduit littéralement: notamment
dans ce passage, le célèbre géographe dit qu’El-Mançoûr se rendit
en 334 à K’ayrawàn pour combattre Aboû Yezid (qui en effet ne lut
tué qu’en ,336), et il place sous Tannée 337 la fondation de Cabra
(Bekri, pp. 64 et 76; cf. Fournel, il, 283).

(3) Bekri (p. 64) dit cinq portes, et il en donne les noms; lbn
H’ammàd dit aussi quatre (/. asiat., déç. 1852, p. 479).

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— 319 –

Sellak’t’aW, il y avait huit milles, et c’est de ce dernier
endroit que partit Aboû Yezîd pour mettre le siège
devant Mehdiyya ; son camp était à Ternoût’. On lit dans
les livres de prédictions: « Quand le Khâredjite aura
attaché ses chevaux à Ternoût’, il n’y aura plus rien de
sûr pour les gens du littoral ; habitants du littoral, gare
au camp d’Ibn Keydâd !»

Bâdja eut aussi; à subir des pertes, tant en morts
qu’en prisonniers, du fait d’Aboû Yeztd, ce qui a fait dire :

[Redjez] Ensuite il fit du mal à Bâdja, dont il chassa et
dispersa les habitants (2).

[P. 228] Quand El-Mançoûr fut résolu à marcher contre
lui pour l’attaquer, il distribua la solde à ses troupes et
procéda à des levées ; puis il s’avança, et Aboû Yezid dut
fuir; Ismâ e il le fit poursuivre jusqu’au pays des Kotâmat 3 ),
où l’agitateur vaincu se fortifia dans la montagne dite
H’içn Aboû Yezîd. Il fut pris vivant, mais couvert de
blessures, et El-Mançoûr l’emmena dans une cage de
fer à Mehdiyya, où il le fit exécuter, puis crucifier sur la
porte même qu’Aboû Yezîd avait autrefois cognée de sa
lance. D’après El-K’od’â e i (*), ce rebelle mourut en môh’ar-
rem 336 (juillet-août 947); il fut écorché, bourré de coton
et mis en croix dans cet état. D’après Ibn H’ammâda,

(1) Voir Bekri (p. 76, n. 2. et p. 198) ; Edrisi ne compte que six
milles entre Mehdiyya et SellakVa.

(2) Ce vers est extrait d’un poème satirique dirigé contre Aboû
Yezid (Bekri, p. 138).

(3) On lit ailleurs Kiyàna, qui est probablement la bonne leçon
(Ibn el-Athir, p. 346).

. (4) Le kâdi Moh’ammed ben Selàma, -f 454 H., est auteur des
f Oyoûn el-me’ârif, bref résumé historique où Ton retrouve en effet
le renseignement qui suit (ms 1491 de Paris, f. 116 v°).

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— 320 —

El-Mançoûr, à la suite de sa victoire sur Aboû Yezîd, se
dirigea sur K’ayrawân, où il fit son entrée dans cette
môme année, fit exécuter certains parents du vaincu et
mettre’ d’autres à la torture; les supplices auxquels il
les soumit durèrent tant qu’il vécut. Au dire d’El-K’od’â’i,
ce fut en 337 (10 juillet 948) qu’El-Mançoûr s’installa à
Mançoûriyya.

En 339 (19 juin 950), Aboû’t-T’àhir el-Mançoûr se trans-
porta en Orient et remit en place la Pierre noire, à l’an-
gle du saint Temple de Dieu, alors qu’El-Mot’i* était
depuis cinq ans sur le trône. Elle en avait été enlevée
par Soleymân ben el-H’asan K’armatt, que Dieu mau-
disse ! en 317 (13 février 929), sous le règne d’El-Mok’ta-
dir l’Abbaside; l’hérétique avait lait perpétrer ce sacri-
lège par la main de Dja c far ben Aboû e Iladj. Les frères
de Soleymân, après la mort de celui-ci, renvoyèrent la
Pierre, qui lut remise en place en la dite année par la
main de H’oseyn ben el-Merwezi Kinâni, après une
interruption de vingt-deux ans environ. Elle était tout
entière, à l’exception de la face externe, d’un blanc écla-
tant du temps d’ibn ez-Zobeyr; elle devint noire au
cours des temps par le sang provenant des holocaustes
dont la noircirent les infidèles et par leurs attouche-
ments. Ed-Dhi’bi raconte avoir assisté aux deux opéra-
tions, de l’enlèvement et de la remise en place M.

En 340(8 juin 951), Aboû’t-T’àhir Ismâ c îl [P. 229] dési-
gna son fils Aboû Temîm Ma c add comme héritier présomp-
tif. Il alla à Djeloûla en partie de plaisir et en revint

(1) Ibn el-Athir. (texte, vm, 365} ne mentionne pas la coopération
d’El-Mançoûr à la remise en place de la Pierre noire ; voir d’ailleurs
de Goeje, Carmathes, pp. 100 et 158»

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— 321 –

malade, et ce fut dans cet état de santé qu’il prononça la
prière de la Rupture du jeûne.

Le dernier jour de chawwâl 341 (18 mars 953) mourut
ce prince, fils d’Aboû’l-K’âsim el-K’â’im ben f Obeyd
Allah le Mahdi, à l’âge de trente-neuf ans, après un
règne de sept ans et quinze jours ( l >. Il avait eu pour
chambellan Dja c far ben c Ali.

Règne de Ma’add el-Mo’izz li-dîn Allah ben Ismâ’îl.

AboûTemim Ma c add, surnommé El-Mo c izz li-din Allah
et fils d’Ismâ c il ben Aboû’l-K’âsim ben c Obeyd Allah, né
à Mehdiyya en ramad’ân 319 (septembre-octobre 931),
monta sur le trône à l’âge de vingt-deux ans et fut le
premier Obeydite qui régna en Egypte. Après la mort
de Kâfoûr Ikhchîdi, émir de ce dernier pays, Mo c izz y
envoya son général Aboû’l-H’asan Djawher, qui avait fait
partie de la garde de son père Ismâ c il. Chrétien d’ori-
gine, Djawher avait été importé par l’eunuque Çàbir et
était passé ensuite entre les mains de l’eunuque Khafif,
qui l’offrit à El-Mançoûr Ismâ c il II s’était distingué au
service de celui-ci, et fut envoyé par El-Mo c izz avec une
armée en Egypte, dont il conquit la capitale, le mardi 17
cha r bàn (6 juillet); les chefs Ikhchîdites s’enfuirent en
Syrie, et la prière fut dite au nom d’El-Mo c izz, le ven-
dredi 20 cha c bân 358 (9 juillet 969), dans la Vieille mos-
quée (el-Djâmi c el^atlk”), par Aboû Moh’ammed Chim
chât’K 2 ) ; la prière fut aussi dite en son nom à la Mekke,

(1) On trouvera le récit des circonstances de sa mort dans Ibn el-
Athir, p. 356 ; Wûstenfeld, p. 95, etc.

(2) J’ai rétabli la lecture exacte de ce nom, telle qu’elle est fixée
par le Lobb el-Lobâh, et qu’elle figure d’ailleurs dans lbn el-Athir
(p. 336).

21

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– 322 –

lors du pèlerinage de la même année, et à Médine ce fut
Aboû Moslim c Alewi qui ‘s’acquitta de cette fonction.
Dja ff far ben Felâh se rendit en Syrie et s’empara de la
personne d’El-H’oseyn ben c Abd Allah, qu’il envoya à
Djawher ; [P. 230] celui-ci l’expédia dans un convoi qui
comprenait en outre plusieurs Ikhchidites ainsi que des
présents, et qui, conduit par son fils Dja c far, arriva au-
près d’El-Mo c izz, en llrîk’iyya, en redjeb 359 (mai-juin
970).

En 342 (17 mai 953), le kbatib de K’ayrawân étant
mort en chaire d’une attaque de paralysie, la khotba fut
achevée par le juriste Aboû Sofyân.

En 344(26 avril 955), il naquit à El-Mo c izz un fils, qu’il
nomma Nizâr.

En 346 (‘3 avril 957), arriva à Ceuta un gouverneur
nommé par le khalife d’Espagne EinNàçir c Abd er-RalV-
mân, avec mission de fortifier cette ville et d’en recons-
truire les murailles; cet officier, se conformant à Tordre
du prince, les édifia en tuf U).

En 317 (24 mars 958), Djawher, général d’Aboû Temîm
el-Mo c izz, arriva dans le Gharb; il s’empara d’abord de
Fez, puis marcha vers Tetuan ; il arriva alors à la pénin-
sule qui constitue Ceuta (^:u~> ^r^)> et ses efforts
devant cette place étant restés infructueux, il se dirigea
sur Sidjilmàssa. Moh’ammed ben el-Emîn( 2 ) el-Fath’,
prince de cette ville, prit la fuite devant lui et se fortifia
dans un forU 3 ), à douze milles de Sidjilmàssa, où il era-

(1) Dans le t. n du Bayân (p. 234 et s.), il est plus longuement
parlé des rapports de l’Espagne avec l’Afrique à cette époque ; voir
aussi Founiel (u, 315).

(2) Ou « ebEmir », d’après Bekri (suprà, p. 298); cf. Ibn Haukal,
p, 57.

(3) Que Bekri (p. 335) appelle Tàseâjàlt, nom que portait aussi la
K’al’at H’awwâra, ou Calaa de THillil actuel.

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– 323 –

mena sa famille et ses biens, ainsi qu’une partie de ses
adhérents. Nous avons dit déjà quelque chose de ce
prince, qui portait le surnom d’Ech-Châkir billàh. Sidjil-
mâssa était occupée par Djawher. Or, Moh’ammed ben
el-Fath , sortit du fort avec un très petit nombre des
siens pour se renseigner incognito; reconnu par une
troupe de Medghara, il fut pris par trahison et emmené
par ces gens à Djawher, qui le fit exécuter en redjeb
(septembre-octobre 958). Ce général, après un séjour
d’environ un an dans le Gharb, regagna rifrik’iyyaM.

En la même année arriva à Cordoue, fuyant devant
Djawher, El-H’asan ben K’annoûn Tldrîside. Les Benoû
Moh’ammed ben el-K’âsim, qui étaient de la famille
d’Idris ben Idris, s’étaient d’abord entendus pour déman-
teler Tetuan ; mais après avoir exécuté ce projet, ils en
eurent du regret et recommencèrent à la reconstruire.
Les habitants de Geuta, à qui cette reconstruction faisait
tort, leur cherchèrent querelle, et alors c Abd er-Rah’-
màn en-Nâçir envoya des troupes commandées par
Ahmed ben Ya c la pour mettre les Benoû Moh’ammed à
la raison, en même temps qu’il écrivait à H’orneyd ben
Yeçâl, prince de Tikîsâs et de la région, de prêter
main-forte à son général. [P. 231] En présence de ces
deux armées réunies, les Benoû Moh’ammed durent cé-
der, et ils envoyèrent à Cordoue leurs enfants comme
otages.

(1) II est peu vraisemblable que Djawher ait attaqué Ceula et les
villes de la côte avant Sidjilmàssa. D’ailleurs, c’est en 347 que notre
auteur a plus haut fait arriver Djawher dans le Gharb (voir Four-
nel, ii, 320 et 322). C’est à 347 aussi que Bekri (p. 336) fixe la date de
la prise de Sidjilmàssa, de mémo qulbn Khaldoûn (Berbères, i, 264).
Voir encore Ibn el-Athir, p. 360.

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– 324-

En 348^13 mars 959), c Abd er-Rah’màn en-Nàçir reçut
du gouverneur commandant à Ceuta une lettre l’infor-
mant du succès remporté sur Djawher, le général chiite.

En 349 (2 mars 960), El-Mo c izz fit intimer par le kàdiles
ordres suivants aux imams et aux crieurs des mosquées:
dans Tappel à la prière, on devait ne dire que accourez à
V œuvre excellente) prononcer en tête de chaque sourate
du Koran au nom du Dieu clément et miséricordieux en
faisant deux salutations; répéter à cinq reprises dans
les- funérailles Dieu est grand) ne pas retarder la prière
de l’après-midi, ni dire au point du jour la dernière prière
de la nuit; enfin les femmes ne devaient pas crier lors
des funérailles, ni les aveugles réciter, sauf lors de
l’inhumation, le Koran sur les tombes.

En 350 (19 février 961), mourut à Cordoue, où il était
en qualité d’otage, H’oseyn ben Ah’med ben Ibrahim ben
Moh’ammed ben IdrisH’asani. Les deux fils qu’il laissa,
Moh’ammed et H’oseyn, continuèrent de résider à Cor-
doue jusqu’au khalifat d’El-H’akam, qui les renvoya
vivre auprès de leurs frères dans le Gharb, où ils arri-
vèrent, en redjeb 354 (juillet 965).

En 351 (8 février 962), les chrétiens conquirent et gar-
dèrent les deux villes d’El-Meçiça et de T’arsoûs.

En 352 (29 janvier 963), au mois de chawwâl (octobre-
novembre 963), arriva auprès d’El-H’akam el-Mostançir
billâh un ambassadeur du nom d’Aboû Çâlih’ Zemmoûr
Berghawâti, envoyé par Aboû Mançoûr c lsa ben Aboû’l-
AnçârC 1 ), émir des Berghawâta. c Isa ben Dâwoûd Mes-

(1) Appelé par lbn el-Athir (trad., p. 379) « ‘Abs ben Oumm el-
Ançar ». Comparez ci-dessus, p. 57, et les auteurs cités., ainsi que le
Kartàs, p. 82. L’arrivée de cet ambassadeur est aussi rappelée dans
le Bayân, h, 250.

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– 325 —

t’âsH 4 ), qui lui servait d’interprète arabe, donna à El-
H’akam les renseignements que lui demanda ce prince
sur l’origine et les croyances des Bergbawàta. D’après
les renseignements fournis par Zemmoûr, le père de
leurs princes est Tarif, descendant de Chim c oûn (Si-
méon), fils de Jacob, fils d’Isaac. Tarif figurait parmi
les partisans de Meysera, prince du Magbreb dont il a
été parlé, et à la suite de la mort de celui-ci et de la
dispersion de ses compagnons, il s’installa dans la
région de Tâmesnâ. [P. 232] Les Berbères le prirent pour
leur chef et il les gouverna; il professait la religion mu-
sulmane, et la presqu’île de Tarif tire son nom de lui. Il
resta à leur tète jusqu’à sa mort et laissa quatre fils,
dont l’un, Çàlih’ ben Tarif, né en 110 (15 avril 728), lui
succéda. Celui-ci se donna comme prophète, prit le nom
de Çâlih* el-mou’mintnW, et transmit à son fils Elyâs la
croyance nouvelle qu’il avait instituée, en lui recom-
mandant de ne la dévoiler que quand, devenu assez puis-
sant, il pourrait faire de la propagande et mettre à mort
ceux qui lui feraient de l’opposition ; il lui recommanda
aussi de rechercher l’amitié du prince régnant en Espa-
gne, et il partit pour l’Orient, prétendant qu’il reviendrait
sous le règne de son septième successeur, qu’il était le
grand Mahdi qui doit apparaître à la fin des temps pour
combattre l’Antéchrist, qu’il remplirait la terre d’autant
de justice qu’elle avait été remplie d’iniquité, faisant
enfin sur ce sujet un long discours qu’il attribuait au
prophète Moûsa (Moïse), au devin Satih'( 3 ) et à d’autres.

(1) Settàsi chez Bekri.

(2) A qui le Koran fait allusion (S. lxvi, v. 4).

(3) Célèbre devin qui vivait encore lors de la naissance du Pro-
phète (Desvergers, Vie de Mohammed, p. 202).

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– 326 —

Son successeur fut Elyâs ben Çâlih’ben Tarif, qui pro-
fessa [extérieurement] l’islamisme et respecta les lois de
la pureté ; il régna cinquante ans et mourut en laissant
plusieurs enfants. Il fut remplacé par son fils, Yoûnos
ben Elyâs, qui avait voyagé en Orient et qui, le premier
de sa famille, avait été en pèlerinage. Il enseigna publi-
quement la religion de son aïeul, invita les populations à
l’embrasser et massacra ceux qui ne répondirent pas à
son appel, si bien qu’il laissa désertes huit cents des
localités habitées par les Berbères et tua, dit-on, environ
7,700 hommes. Il mourut après quarante ans de règne,
et l’autorité ne passa pas aux mains de ses fils. En effet,
ce fut Aboû e Ofeyr Moh’ammed ben Mo c âdh (*) ben El-
Yasa e ben Çàlih* ben Tarif qui s’empara du pouvoir. Il
pratiqua la religion de ses ancêtres et acquit une très
grande puissance. Il livra aux Berbères diverses ba-
tailles restées célèbres, notamment celle de Tâma c zà( 2 ),
où le massacre se poursuivit pendant trois jours, et
celle de Beht, dont on ne put venir à bout de compter
les morts. Aboû c Ofeyr, qui avait quarante-quatre fem-
mes-,.laissa un nombre d’enfants proportionné et mourut
après [P. 233] vingt-sept ( 3 ) ans de règne.

Il eut pour successeur, à la fin du troisième siècle,
son fils Aboû’l-Ançâr c Abd Allah ben Aboû c Ofeyr, qui
était un homme généreux, aimable, scrupuleux obser-
vateur de sa parole et des traités, protecteur de ses
voisins et rendant largement les cadeaux qu’on lui fai-
sait. Il avait le nez camus et portait une longue barbe;

(1) Dans Bekri (p. 305), « Aboù Ghofeyr Yah’med ben Mo’àd ».

(2) Chez le même, Timghasen.

(3) Bekri dit « vingt-neuf ».

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— 327 –

le teint de son visage était très coloré, et il avait le
corps très blanc ; comme costume, il portait les pantalons
larges et le manteau (milKafa), mais non la tunique
(kamîç) ; le turban ne lui servait de coiffure que pour le
combat, car nul de son peuple ne le porte, et on ne
le voit chez eux que sur la tête des étrangers. Chaque
année, il faisait des levées comme s’il préparait quelque
expédition contre les tribus voisines, qui s’empressaient
de lui faire des présents, de sorte qu’alors il ne bougeait
pas. Son règne fut tranquille et dura environ quarante-
deux ans.

Il eut pour successeur son fils Aboû Mançoûr c Isa ben
Aboû’l-Ançâr, qui députa en 352 (29 janvier 96o) le dit
Zemmoûr au prince Omeyyade El-Mostançir billâh, et
dont voici la généalogie- c Isa ben Aboû’l-Ançâr c Abd
Allah ben Aboû c Ofeyr Moh’ammed ben Mo c àdh ben El-
Yasa c ben Çàlih’ ben Tarif. Monté sur le trône à vingt-
deux ans, il marcha sur les traces de son père, pratiqua
la même religion et acquit une gratnde puissance. Son
père, en mourant, lui avait recommandé de cultiver
l’amitié du prince régnant en Espagne, « car, lui dit-il,
tu es le septième prince de notre maison et j’espère que
tu verras revenir ton aïeul Çâlih’, ainsi qu’il l’a promis. »
Ici s’arrêtent les renseignements que j’ai résumés
d’après le récit de Zemmoûr.

D’après Aboû’l- c Abbâs [Fad’l ben Mofad’d’el] Madh-
h’idji, Yoûnos, l’instaurateur de la religion des Bergha-
wâta, tirait son origine de Chidhoûna (Sidonia, en
Espagne), dans la région du Wàdi Berbât’d), et s’était

(1) On retrouve le nom de cette rivière dans Edrisi (p. 214), ainsi
que dans le Bayân (n, 39, 1. 5) ; cf. Bekri, p. 308, note ; Istibçâr,
p. 157.

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—■ 328 —

rendu en Orient en 201 (29 juillet 816) avec c Abbâs ben
Nâçih’, Zeydben Sinân Zenâti, adhérent (çâhib) des Wâ-
çiliya, Barghoûth ben Sa f id Tirâri, l’aïeul des Benoû
c Abd er-Rezzâk, lesquels sont connus sous le nom de
Benoû Wekîl et qui sont çofrites, Mennâd, prince de la
K’al c a Mennâdiyya, autrement nommée K’al e at H’ammâd,
ainsi qu’un autre dont le nom m’échappe. Quatre de ces
hommes se distinguèrent par leurs connaissances dans
les sciences religieuses. Yoûnos, continue-t-il, qui était
le chef des Berghawâta, prétendit avoir reçu le don de
prophétie; il absorbait une boisson (*) pour se fortifier
la mémoire et retenait en effet tout ce qu’il entendait ; il
étudia [P. 234] l’astrologie et la divination et s’appliqua
à la controverse ; après quoi il alla s’installer chez les
Berbères. Se rendant compte de leur ignorance, il leur
prédisait des choses dont l’astrologie lui révélait la réa-
lisation et qui arrivaient comme il l’avait dit ou à peu
près. Il acquit ainsi une grande influence, et alors, bien
convaincu de leur inintelligence et de leur ignorance, il
leur exposa son système de religion et s’attribua le
caractère de prophète. Il donna à ses adhérents le nom
de Berbât’i, que leur prononciation transforma en Ber-
ghawâti. Yoûnos avait d’ailleurs fait périr un grand
nombre de Berbères, si bien que les autres en vinrent à
lui obéir et à embrasser sa religion.

Voici des vers extraits d’une longue kaçîda de Sa c id
ben Hichâm Maçmoûdi sur la bataille de Beht :

[Wâfir] Femme ! ne pars pas encore ; reste et dis-nous,
raconte-nous des détails certains. Les Berbères, égarés et per-
dus, sont frustrés dans leurs espoirs ; puissent-ils ne plus

(1) Dans Bekri, « la boisson qui sert à fortilier, etc. ».

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– 329 –

s’abreuver d’une çau limpide ! « Le Prophète, disent-ils, c’est
Aboû Ghofeyr » ; puisse Dieu couvrir d’opprobre la mère de
ces menteurs ! N’as-tu pas vu et entendu la journée de Beht
et les gémissements poussés sur les traces de leurs coursiers
par des femmes éplorées, les unes hurlant à cause des en-
fants qu’elles avaient perdus, les autres ne pouvant retenir
le fruit de leurs entrailles? Là [au jugement dernier] se trou-
veront Yoûnos et les fils de ses fils, tout près de leur perte
et toujours orgueilleux (i). Ce n’est pas maintenant [leur dira-
t-on] qu’il faut vous convertir, c’était au temps où vous étiez
les adhérents de Meysera !

Par le mot motamayyisir, il entend les Meyâsara ou
adhérents de Meysera. Les doctrines erronées dont il
est question consistent en ce que ces gens reconnaissent
le caractère de prophète à Çâlih’ ben Tarif et affirment
que les paroles qu’il rédigea pour eux sont une révéla-
tion divine au sujet de laquelle ils n’ont pas le moindre
doute. Il leur imposa de jeûner pendant le mois de redjeb
et de manger en ramad’ân, de faire cinq prières chaque
jour et autant chaque nuit, de faire le sacrifice le onze
de moh’arrem, de faire les ablutions purificatrices en se
lavant le nombril et les flancs, en se nettoyant les par-
ties génitales, en se rinçant la bouche, en se lavant la
face, en s’humectant et se frottant la nuque, en se lavant
les avant-bras et les épaules, en s’humectant à trois
reprises la tète [P. 235] et les oreilles, puis en se lavant
les pieds à partir des genoux. Une partie de leur prière

(1) Ce vers présente dans notre texte une variante que j’ai tenté de
rendre; mais la leçon qu’où trouve dans Bekri (texte, p. 138, trad.,
p. 308) et dans Ibn Khaldoûn {Berbère*, u, 128) est préférable. Ces
deux derniers textes donnent d’ailleurs dix vers de cette pièce, au
lieu de sept.

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– 330 –

se faisait sans prosternation, une autre à la mode musul-
mane ; ils faisaient trois prosternations à la suite Tune
de l’autre, levaient la figure et les mains à un demi-
empan du sol, récitaient la moitié de leur Koran pen-
dant qu’ils étaient debout et l’autre moitié étant incli-
nés, faisaient la salutation en leur langue par ces mots :
o Dieu est au-dessus de nous ; rien de ce qui est sur la
terre et dans les cieux ne lui est inconnu » ; puis ils
répétaient vingt-cinq fois les mots MoWor bâkoch^>qy\\
veulent dire le (grand par excellence) est Dieà et disent
A isem enW bâkoch, c’est-à-dire aie nom de Dieu, et
d’autres formules. Un homme peut épouser toutes les
femmes qu’il peut [nourrir], les répudie et les reprend à
sa guise. Le voleur dont la faute est prouvée par son
aveu et par des témoignages est puni de mort ; le forni-
cateur est puni de mort ; le menteur, qu’ils appellent le
trompeur, est banni. Le prix du sang est de cent têtes de
gros bétail. La tète de< 3 ) tous les animaux est illicite ; le
poisson ne devient licite que s’il est égorgé ; le coq et
les œufs passent pour illicites, et l’usage de la poule, à
moins de nécessité, pour blâmable. Il n’y a ni appel à la
prière ni réappel (ik’âma), le coq seul leur indiquant par
ses chants les heures de la prière, ce qui est cause de la
défense de manger. la chair de det animal. Ils se font
bénir en recevant (dans leurs mains) la salive de leur
(prophète). Des plus savants dans la science des astres,
ils étaient aussi, tant hommes que femmes, des plus

(1) Le mot inokor est vocalisé dans le ms, qui lit Bakoch, tandis
que les mss de Bekri présentent tous la leçon Yakoch.

(2) Dans Bekri, a bisem en Yacoch.

(3) J’ai introduit ces trois mots, qui manquent dans notre texte,
d’après Bekri.

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— 331 –

beaux. Le Koran que Çâlih’ composa à leur usage comp-
tait quatre-vingts sourates, donl la plupart portaient un
nom de prophète : ainsi la première était celle d’Ayyoûb
(Job), et il y avait celle de Yoûnos (Jonas) et d’autres
encore portant des noms de prophètes; il y avait aussi
celles de Pharaon, du Coq, des Sauterelles, du Chameau,
de Hàroût et Mâroût, du Jugement dernier, des Phéno-
mènes terrestres; cette dernière renferme une science
[P. 236] très cbnsidérée à leurs yeuxW. En 352(29 jan-
vier 963), beaucoup de tribus continuaient encore de sui-
vre cette doctrine.

Revenons-en maintenant à la suite de notre chroni-
que. El-H’akam (Mostançir ben c Abd er-Rah’màn), qui
devint en 350 (19 février 961) khalife d’Espagne, était
obéi de tout le Maghreb, et ce fut lui qui fit achever en
351 (8 février 962) la construction des murs de Ceuta.
En 353 (18 janvier 964), un rescrit adressé par ce prince
aux habitants de Ceuta les dispensa de toutes les rede-
vances gouvernementales et de toutes les charges réga-
liennes. Ibn H’ammâda dit avoir vu entre les mains -du
kâdi c Iyâd’ ce rescrit daté de çafar 353 (février-mars
964), où il était dit: « Et ce qui, dans la répartition géné-
rale ( 2 ), lui incombait en fait de charges alimentaires ré-
galiennes est reporté sur l’Aljarafe de Séville^). »

(1) On lit dans Bekri ^-dx«.J\ p\sô\ « chapitre qui, selon eux, ren-
ferme la science la plus sublime » (texte, p. 140, 1. 12 ; trad., p. 313).
Le Kartâs donne la même leçon (p. 84, 1. 3) ; cf, Istibçàr, trad.,
p. 161.

(2) Tak’sît”. sur ce mot, cf. pp. 244 et 256.

(3) Ech-Gharaf, l’Aljarafe des Espagnols, est une région de 40
milles de long sur 12 de large, qui s’étend entre Séville, Niébla et
l’Océan (Edrisi, p. 208 et 215).

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– 332 –

En 354 (6 janvier 965), mourut un personnage trop
célèbre pour qu’il soit besoin d’en parler, Aboû’l-T’ayyib
Motenebbi, qui, né à Koûfa en 303, était par suite âgé de
cinquante et un ans* 1 ).

En 357 (6 décembre 967 j, mourut à Miçr Kâfoûr
VoustâdW.

En 358 (24 novembre 968), à la suite de la mort de
Kâfoûr Ikhchidi, émir d’Egypte, Aboû Temim el-Mo c izz
envoya contre Miçr son général Aboû’l-Hasan Djawher,
qui la conquit au mois de cha c bàn (juin-juillet 969).

En redjeb 359 (mai-juin 970), Djawher fit parvenir à
El-Mo c izz de nombreux présents conduits par son fils
Dja’far.

En 360 (3 novembre 970), le Karmate El-H’asan ben
Ah’med arriva à Damas et fit exécuter Dja c farben Felâh’.
A la suite de la conquête de Damas, les Karmates s’avan-
cèrent vers Ramla( 3 ).

Le 22 chawwâl 361 (4 août 972), El-Mo c izz partit de
Mançoûriyya pour l’Orient, laissant Aboû’l-Fotoûh’ pour
le remplacer en Ifrik’iyya.

[P. 237] Débuts de la dynastie Çanhâdjienne en Ifrik’iyya ; gouverne-
ment d v Aboû’l-Fotoûh’ Toûsof ben Ztrl benHennâd Çanhâdji (*).

Lors de son départ pour l’Orient, EI-Mo c izz se fit rem-
placer par lui en Ifrik’iyya et fit écrire par les secrétaires

(1) Il s’agit du poète moderne le plus goùlc par les Arabes, voir
Ibn Khallikàn, i, 102, etc.

(2) D’autres le font mourir en 356, voir Fournel, n, 342.

(3) Sur ces événements on trouve des détails dans lbn el-Athir
(texte, vin, 451); voir aussi Wùstenfeld, p. 112, et les auteurs cités
par Fournel, n, 351.

(4) Plus connu sous le nom de Bologgin (voir Bçrbères, n,9; lbn

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– m –

aux gouverneurs et employés des finances qu’ils eussent
à obéir entièrement à Aboû’l-Fotoûh’, tandis que lui-
même, se transportant à Miçr, en fit sa capitale, de sorte
que ce chef devint l’émir de rifrîk’iyya et du Maghreb
tout entier. Quand, raconte El-K’od’à’i, Aboû Temîm fut
arrivé à Alexandrie, le kâdi de Miçr, ses témoins instru-
mentantes et les principaux de la ville se portèrent à sa
rencontre pour le saluer et lui présenter leurs vœux et
leurs prières, et le 7 ramad’ànW ce prince s’installa
dans le palais dit d’EI-Mo c izz.

En djomâda I 363 (27 janvier-lfr février 974), le Kar-
mate arriva à Et-Tawâh’in [près de Ramla, en Palestine] ;
il tut mis en fuite au mois de cha’bân (avril-mai).

En 365, le vendredi 11 rebî c II (17 novembre 975), mou-
rut Aboû Temîm El-Mo c izz lidîn Allah, après un règne
de vingt-trois ans cinq mois et quelques jours, dont il
avait passé à Miçr deux ans et sept mois* 2 ).

Son successeur au trône d’Egypte fut Aboû’l-Mançoûr
el- c Aziz billâh Nizâr ben Aboû Temîm Ma c add, né à
Mehdiyya en moh’arrem 344 (avril-mai 955) et proclamé
héritier présomptif à Miçr, le 10 rebi c I 365 (16 novembre
975). On tint cachée la mort deson père et on leproclama
aussitôt Prince des croyants. Nous avons en partie ra-
conté ce qui le concerne dans l’histoire de l’Orient, en
parlant des princes d’Egypte.

Khallikân, i, 267; Ibn el-Athir, trad., p. 370). Un récit, qui parait
légendaire, des circonstances dans lesquelles le choix du Fatimidc
s’arrêta sur Bologgin est rapporté par Tidjàni («/. As. 1852, n, p. 81),
et ci-dessous, p. 305 du texte araj^e.

(1) Ou 11 juin 973 ; mais d’autres disent deux jours plus tôt (Four-
nel, il, 366).

_ (2) On n’est pas d’accord sur la date de la mort de ce prince, voir
les auteurs cités ibid., 366 et 367.

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— 334 —

En djomâda II 365 (comm. 4 février 976), Aboû’l-
Fotoûh’ envoya àEl- c Azîz billàh des cadeaux qu’il accom-
pagna, et l’émir d’Ifrik’iyya retourna ensuite à Rak’k’âda.
Les habitants de K’ayrawân se portèrent au-devant de
lui ; il leur fit très bon accueil et les hébergea somptueu-
sement. [P. 238] Aboû’l-Fotoûh* se résolut après cela à se
transporter au Fah’ç Aboû Çâlih’ (*), et les kàdis et les
cheykhs allèrent lui porter leurs adieux le 27 redjeb
(1 er avril 976) de la dite année.

En dhoû’l-hiddja (août 976), il ordonna au secrétaire
c Abd Allah ben Moh’ammed( 2 ), qu’il avait nommé gouver-
neur d’Ifrik’iyya, de préparer à Mehdiyyaune flotte bien
armée et munie de bons équipages. En conséquence,
c Abd Allah se rendit en cette ville et fit faire partout des
levées de matelots ; à K’ayrawân même, on mit la main
sur ceux qui étaient restés dans cette ville, et l’on en remplit
les prisons. Cette dernière mesure effraya tout le monde,
à ce point que ni grands ni petits ne sortirent plus de
chez eux et que, si quelqu’un venait à mourir, c’étaient
les femmes seules qui sortaient le cadavre.

Le 1 er moharrem 366 (29 août 976), la flotte appareilla
de Mehdiyya, mais les vents étant contraires, elle ne put
avancer, épuisa ses provisions et se trouva à court d’eau;
alors les matelots se rapprochèrent du continent et s’en-
fuirent après avoir pillé les approvisionnements et les
armes des bâtiments. c Abd Allah les fit chercher partout
où ils s’étaient réfugiés, et ceux qui furent pris furent
exécutés M,

(1) Localité proche de ZaghwAn (ci-dessus p. 118).

(2) Noweyri nous fournit sur ce personnage des détails qu’a repro-
duits M. de Slane {Berb., n, 13).

(3) S’agit-il là d’un projet d’attaque des pays chrétiens ? Rien ne

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– 335 –

En la même année, Ziyâdet Allah ben el-K’odeym
mourut dans la prison où le retenait le secrétaire f Abd
Allah ben Moh’ammed, qui, dit-on, le lit périr dans les
supplices (*)..

Ce fonctionnaire, qui avait à administrer l’Ifrîk’iyya et
K’ayrawân, fit convoquer toute la population, se saisit
d’environ six cents des plus riches et frappa chacun
d’une contribution déterminée, exigeant de l’un dix mille
dinars comme de tel autre un seul dinar. Il réunit ainsi
des sommes considérables qui furent prélevées dans les
divers cantons et au paiement desquels n’échappèrent
que les juristes, les gouverneurs, les lettrés et les amis
d k’oûb ben Yoû-
sof ben Killis grandit beaucoup auprès d’El- c Azîz, qui
abaissa et réduisit les Kotàma, en même temps qu’il
confia des commandements aux Turcs et aux Ikhchidites.
Il révoqua Djawher et d’autres vizirs.

En 371, le samedi 8 rebi c I (10 septembre 981), les pri-
sonniers Berghawâta firent leur entrée à Mançoùriyya ;
jamais les habitants d’Ifrîk’iyya n’en avaient vu un
nombre aussi considérable. On les promena dans les
rues de Mançoùriyya et de K’ayrawàn.

En la même année, Bàdîs ben Zirî apporta d’Egypte
un message commandant à Aboû’l-Fotoûh’ de choisir [et
d’envoyer à Miçr] mille des plus vaillants cavaliers
choisis parmi ses frères (de race, tels que) chez les
Çanhâdja, H’aboûs, Mâksen et Zâwi, chez les H’ammàma,
les Benoû Ziri, les Benoû H’ammâma ben Mennâd,
Zâwi ben Mennâd, et autres héros de la même valeur.
Du Gharb, où il se trouvait, Aboû’l-Fotoûh’ répondit

(1) Cf. Ibu el-Athir {Annales, p. 389),

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T^’

– m –

que les Omeyyadës d’Espagne s’étaient rendus maîtres
du pays du Gharb et que la prière s’y faisait dans les
mosquées à leur nom ; qu’il y était en expédition avec
les héros désignés par le Prince des Croyants et que,
si celui-ci persistait à se les faire envoyer, lui-même
quitterait le Gharb pour les lui conduire. A la suile de •
cette réponse le khalife n’insista pas.

Il y eut à Mehdiyya des tremblements de terre qui
durèrent pendant tout le mois de djomâda I et pendant
les dix jours qui suivirent (1 er novembre-10 décembre
981). Les secousses se répétèrent plusieurs fois par jour
et firent fuir la plupart des habitants, qui abandonnèrent
leurs demeures et ce qu’elles renfermaient.

En 372 (25 juin 982), Aboû’l-K’âsim H’asani, émir de Sicile depuis onze ans, fut tué dans une
rencontre avec les Francs. Son fils Djâbir prit le gou-
vernement et le garda un anW.

En 373 (14 juin 983), le secrétaire c Abd Allah ben Mo-
h’ammêd, gouverneur d’Ifrîk’iyya, fit son achat d’escla-
ves nègres : il imposa à chaque chef de canton de four-
nir trente esclaves par exemple, ou un nombre moindre,
et il en fut de même pour chacun des employés du kha-
râdj et des principaux de ses hommes. Il en réunit ainsi
des milliers, qu’il établit à Mançoûriyya.

Il installa la maison de fer qu’il remplit de richesses,
puis une maison de bois qu’il remplit également d’objets
de prix. Il laissa Dja c far ben H’abîb à Mançoûriyya et se
rendit à Mehdiyya, ainsi qu’il le faisait tous les ans.

(1) Cet alinéa figure dans la Biblioteca, n, 30, où on lit Hoseyni&u.
lieu de H’asani. Ibn el-Athîr (p. 389 et s.) parle plus longuement de
ces faits.

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^VW^jWBWÇ*?

– 350 ~

[P. 248] Mort d’Aboû’l-Fotoûh’ Yoûsof ben Zîrî ben Mennâd.

En cette année, alors qu’il venait de terminer son mas-
sacre des Berghawàta, mourut Àboû’l-Fotoûh’, qui s’éloi-
gnait de Sidjilmâssa et se trouvait au lieu dit Wârken-
foû (i), le dimanche 21 dhoû’l-hiddja (24 mai 984). Ibn
Khazroûn Zenâti avait tenté un coup de main contre
Sidjilmâssa, que gouvernait un officier d’Aboû’l-Fotoûh’,
y était entré et l’avait pillée. Cette nouvelle fut cause
qu’Aboû’l-Fotoûh’ se remit en marche vers cette ville ;
mais en route il fut pris de colique et mourut au lieu
susdit (2). Il adressa ses dernières recommandations à
l’un de ses intimes, Aboû Za c bel ben Hichâm, qui
informa El-Mançoûr de la mort de son père.

Gouvernement d’Aboû’1-Fath’ el-Mançoûr ben Aboû’l-Fotoûh’.

Il commença à exercer le pouvoir au commencement
de l’année 374 (3 juin 984), dans la ville d’Achîr < 3 ), et
mourut le jeudi 5 rebi c 1 386 (27 mars 996), c’est-à- dire au
bout de douze ans; il fut enterré à MançoûriyyaW.
C’était un homme généreux et bienfaisant, décidé et
entreprenant. « J’ai, dit Er-Rak’îk, raconté sa vie, ses

(1) Ce nom est différemment orthographié ; voir là-dessus et sur
la mort de Bologgin Ibn el-Athir, p. 394 ; Berbères, n, 12, et m, 256.

(2) Ibn Khaldoûn place la mort de Bologgin tantôt en 372 tantôt
en 373 (Berbères, n, 12; m, 259); Ibn el-Athîr en fixe la date au
22 dhoù’l-hiddja 373 (p. 394).

(3) Cette ville est décrite ailleurs {Berbères, u, 6 et 489 ; cf. Istibçâr,
trad. p. 105).

(4) Plus loin notre auteur place la mort d’El-Mançoûr au jeudi
3 rebî’ I 386, et le fait inhumer dans le nouveau palais du défunt en
dehors de Mançoùriyya.

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– 351 –

combats et ses actes de générosité dans un ouvrage
spécialement consacré aux biographies de son aïeul, de
son père et de lui ». Son surnom était c Oddat el- c Azîz
billâh fils de Yoûsof el- c Aziz billàh.

En 374 (3 juin 984), El-Mançoûr* dès qu’il connut la
mort de son père, fit partir d’Achîr en toute diligence
son frère ItewwoufetW avec ordre de marcher sur K’ay-
rawân et Mançoûriyya pour s’emparer d’ c Abd Allah ben
Moh’ammed. Ce personnage était alors à Mehdiyya et
avait comme lieutenants, à Mançoûriyya, Dja e far ben
H’abib, et à K’ayrawân Barhoûn. Itewwoufet les surprit
le mardi 15 moh’arrem (18 juin), au point du jour. Trou-
vant les dépôts fermés et le trésor muni d’une serrure,
[P. 249J il prit les clefs, ouvrit celui-ci ainsi que l’arse-
nal, et il procéda à un partage entre ses. compagnons;
de plus, il donna des montures à ceux des Çanhâdja de
Mançoûriyya qui n’en avaient pas. Après quoi il sortit,
et comme il rencontra dans unej*ug c Abd Allah il se
précipita sur lui, le jeta à bas de son cheval, le dépouilla
de ce qu’il avait et l’emprisonna pendant plusieurs jours.
Mais ensuite un ordre d’El-Mançoûr enjoignit à Itew-
woufet de le relâcher et de ne pas s’emparer de cette
région. ainsi que je l’ai fait; voir à la
page précédente.

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– 362 –

donné satisfaction. » Mais El-Boûni ayant nié la chose,
il fut [arrêté et] égorgé, et Yoûsof ben Aboû Moh’am-
med, gouverneur d’Ifrik’iyya, fut révoqué et remplacé
par le secrétaire Moh’ammed ben Aboû’l-‘ArabW.

En cette même année, arriva un rescrit d’El- e Aziz bil-
lâh attribuant la qualité d’héritier présomptif (de son
père) à Aboû Mennâd Bâdis. El-Mançoûr en conçut une
vive satisfaction, et à cette occasion des présents lui
furent adressés de partout.

Sa c id ben Khazroûn étant arrivé deTobna à Mançoû-
riyya, El-Mançoûr se porta au-devant de lui et l’em-
brassa, puis il l’emmena [P. 256] dans son palais où il
lui donna l’hospitalité, et il lui accorda de fortes ^gratifi-
cations. Sa c îd tomba alors malade et mourut-au bout de
quelques jours, le 1 er redjeb (1 er septembre 992). El-Man-
çoûr le fit ensevelir dans soixante-dix linceuls (*).

Du Soudan furent envoyés des cadeaux parmi lesquels
figurait une girafe ( 3 ), dont El-Mançoûr lui-même prit
possession ; il sortit à cet effet de son palais.

Felfoûl ben Sa c id ben Khazroûn vint, à la suite de la
mort de son père, trouver El-Mançoûr, qui lui donna
trente charges d’argent, quatre-vingts coffres (takht) de
vêtements de toute sorte, des chevaux avec des selles
ornées de pierreries et dix étendards dorés et tout
neufs; il le renvoya ensuite à T’obna en qualité d’émir (*).

(1) La nomination d’Ibn Aboù’l-‘Arab est de 381, d’après Ibn el-
Athîr, p. 400.

(2) Il mourut en 381, au dire cVIbn el-Athir, p. 398.

(3) La girafe figure maintes fois dans les cadeaux ; voir une note
(p. 281) de la traduction de Zerkechi, Chronique des Almohades et
des Hafcides.

(4) lbn Khaldoùn donne des détails analogues et ajoute que Fel-
foûl épousa une fille d’El-Mançoùr {Berbères, m, 260).

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– 363 –

En 383 (25 février 993), Bàdis ben el-Mançoûr se rendit
à Achir.

El-Mançoûr reçut de son frère Itewwoufet une lettre
lui annonçant l’arrivée auprès de lui de son oncle Aboù’l-
BehârW. Sur la demande qu’en fit El-Mançoûr, Aboû’l-
Behàr se mit en route et arriva à Mançoûriyya dans la
nuit du (dimanche au) lundi 15 cha c bân (4 septembre
993): El-Mançoûr manifesta la joie la plus vive de le
voir, le reçut parfaitement bien et lui fit don de vête-
ments, dé tapis et de jeunes filles esclaves.

En 384 (14 février 994), Aboû Mennâd Bâdis, de retour
de sa première expédition, qui avait eu lieu dans le Gharb,
rentra à Mançoûriyya; il fut reçu par son père, par les
troupes, par le peuple de K’ayrawân, etc.

Des présents arrivèrent d’Egypte conduits par Dja c far
ben H’abîb, qui amenait notamment un énorme éléphant.

En 385 (4 février 995), mourut l’émir c Abd Allah ben
Yoûsof ben Ziri ben Mennâd. Le kàid Yoûsof ben Aboû
Moh’ammed se rendit dans la Mettîdja en qualité de
gouverneur.

En djomâda II (juillet 995), K’âsim ben H’addjâdj
arriva d’Egypte à Mançoûriyya, rapportant les têtes des
chrétiens tués à Alep par Màrek’ le Kotâmien.

En 386, le jeudi 3 rebî c I (25 mars 9Q6), mourut Aboû’l-
Fath’ el-Mançoûr c Oddat el- c Aziz billâh ben Yoûsof el-
c Aziz billàh ben Ziri ben Mennâd Çanhàdji, après un
règne très heureux. Il fut inhumé dans son nouveau
palais en dehors de Mançoûriyya.

(1) Voir ci-dessus, p, 359.

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— 364 –

[P. 257] Gouvernement d’Aboû Mennâd Bâdls ben Aboû’1-Fath’
ben Aboû’l-Fotoûh’ Toûsof ben Zlii ben Mennâd.

A son avènement, les populations d’Ifrîk’iyya vinrent
de toutes parts lui présenter leurs condoléances en
même temps que leurs félicitations. Les Benoû Ziri et
les Benoû H’ammâma avaient formé des projets en con-
tradiction avec les engagements de ceux qui les accom-
pagnaient, mais les esclaves noirs de Bâdis ainsi que
ceux de son père ne leur permirent pas de les réaliser W.
Aboù Beybàch Itewwoufet ben Aboû’l-Fotoûh vint aussi
à Mançoûriyya apporter ses condoléances et ses sou-
haits, puis il retourna à Tobna et dans l’ouest vers la fin
de cha c bân (mi-septembre 996).

En cette année < 2 ), mourut Aboû’l-Mançoûr Nizàr el^ c Aziz billâh TObeydite, souverain d’Egypte : il souffrait de la pierre et mourut dans la piscine des bains, où il avait [commis l’imprudence d’Javaler un remède. 11 eut pour successeur l’héritier présomptif désigné, Aboû c Ali, surnommé El-H’àkim bi-amr Allah. Aboû Mennâd avait fait préparer les cadeaux destinés h l’Egypte, qui étaient, le 6 ramadan (21 septembre), par- tis de Mançoûriyya pour Rak’k’àda sous la conduite de Dja c far ben H’abîb. Or El- c Aziz billâh avait adressé à Aboû Mennâd un rescrit lui ordonnant d’envoyer en Egypte le kâdi Moh’ammed ben c Abd Allah ben Hâchim, qui était malade à l’arrivée de cet ordre. Aboû Mennâd (1) Ibn cl-Athir (trad., p. 402) fait allusion égalemerit à cette ten- tative. (2) A la lin de ramadan, ou mi-octobre 996 ; on trouve des détails sur la mort de ce prince dans Wûstenfeld, p. 158. Digitized by Google V)P>

– 365 –

voulant le faire partir avec les cadeaux et le kàdi s’excu-
sant à cause de son état de santé, l’émir lui envoya, le
3 dhoûl-kVda (16 novembre), Moh’ammed ben Aboû’l-
c Arab et d’autres personnages de la cour, tandis que les
troupes se tenaient au Bàb Aboû’r-Rebi c , car on croyait
que la population de K’ayrawân interviendrait pour em-
pêcher son départ. On fit irruption chez lui et on l’enleva
sur les tapis où il étaitVetenu par la maladie et avec les
vêtements d’intérieur dont il était couvert lorsqu’on le
surprit. Ce fut dans cet état qu’on l’emporta, tandis que
la foule considérable qui stationnait devant sa demeure,
sans d’ailleurs proférer une parole, lui fit la conduite
jusqu’à Rak’k’âda ; il était suivi d’un esclave chrétien
qui le soutenait, ainsi que de ses enfants [P. 258] et de
ses parents. Toute la population était affligée de .son
départ et laissait paraître les signes de la tristesse qu’elle
éprouvait, multipliant ses prières et le comblant de
louanges. On apprit ensuite la nouvelle de la mort d’El-
c Aziz billâh, et Aboû Mennâd fit ramener le kàdi à sa
demeure en lui faisant rendre de grands honneurs.

La mort d’Aboû Moh’ammed ben Aboû Zeyd remonte
à cette année (*).

En 387 (13 janvier 997), la nouvelle de la mort d’El-
f Aziz billâh fut confirmée de plusieurs côtés. Ce fut alors
que le kàdi, toujours malade, fut ramené chez lui ; la
considération dont il jouissait aux yeux de la population
s’accrut encore.

En çafar (février-mars 997), Aboû Mennàd confia le
gouvernement d’Achîr à H’ammâd ben Abôû’l-Fotoûh’

(1) Il s’agit de l’auteur de la Risâla ou compendium de droit reli-
gieux et civil qui a été longtemps en grand honneur chez les Malé-
kites (Catalogue des mss arabes d’Alger, n 0i 1037 et s.).

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– 366 —

Yoûsof ben Zîrî ben Mennâd, qui partit pour rejoindre
son poste après avoir reçu quantité de chevaux et de
vêtements magnifiques. Plus tard, le gouvernement de
H’ammâd prit de l’extension, il eul de nombreuses trou-
pes et acquit une grande situation (*).

En rebî c II (avril-mai), le kâdi El-Bâhiri étant venu
d’Egypte à Mançoûriyya, Aboû Mennâd se porta au-
devant de lui avec ses troupes ef tous ses conseillers et
lui rendit des honneurs que ne connaissait pas celui à
qui ils étaient adressés. Ce messager était porteur de
deux rescrits dont il fut donné lecture dans la grande
mosquée à K’ayrawân et à Mançoûriyya : l’un était la
nomination d’Aboû Mennâd, à qui était octroyé le sur-
nom de Naçir ed-Dawla ; l’autre annonçait la mort d’El-
c Azte billâh et l’avènement au khalifat d’El-H’âkim bi-
amr Allah, et renfermait la réponse à la notification de
la mort d’El-Mançoûr c Oddat el- c Aziz billâh. Il en appor-
tait encore un troisième relatif à la reconnaissance que
devaient faire Bâdîs et tous les Benoû Mennâd de la
souveraineté d’El-H’âkim. En conséquence Bâdis tint
une audience à laquelle furent convoqués tous les chefs
çanhâdjiens et où il reçut leur serment. Le kâdi etchérif
El-Bâhiri retourna alors en Egypte, après avoir reçu
une forte somme d’Aboû Mennâd.

En cette année, Naçîr ed-Dawla (Bâdis), couvert de
magnifiques vêtements et en grand appareil, se rendit
au Moçalla, précédé de l’éléphant (dont il a été parlé),
de deux girafes et de chameaux d’un blanc éblouissant;
jamais le peuple n’avait vu pareille chose.

En 388 (2 janvier 998), Naçir ed-Dawla reçut d’Egypte

(1) Voyez Ibn el-Athîr, trad., p. 402.

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– 367 —

des cadeaux, consistant en un joyau précieux et en riches
vêtements; il sortit pour les recevoir et rentra à Man-
çoûriyya en s’en faisant précéder.

A Miçr eut lieu entre les Turcs et les Kotâma un
combat où ceux-ci eurent le dessous W.

En 389 (22 décembre 998), Ziri ben e At’iya, [P. 259]
prince de Fez et des parties avoisinantes du Maghreb,
alla camper devant Tâhert, dont il commença le siège.
Itevvwoufet ben Yoûsof ben Ziri, qui gouvernait cette
dernière ville, envoya une demande de secours à son
neveu l’émir dTfrik’iyya, qui lui adressa Molvammed
ben AboûVArab.

Déroute de l’armée d’Ifrîk’iyya ; succès remporté par Zlrî ben
‘At’iya et les Zenâta sur les Çanhâdja.

A l’arrivée de la lettre d’Itewwoufet, Bâdîs Naçir
ed-Dawla donna au secrétaire Moh’ammed ben Aboû’l-
c Arab (*) Tordre de marcher contre les Zenâta. Les trou-
pes qu’il lui confia partirent en pompe le 15 çafar (4 fé-
vrier 999) et arrivèrent à Achîr, où se trouvait comme
gouverneur H’ammâd ben Yoûsof ben Zirî, qui disposait
d’une armée importante. Après y avoir fait un court sé-
jour, Ibn el- c Arab en repartit renforcé par H’ammâd et
par ses troupes r et opéra à Tâhert, le l or djomâda I (19
avril), sa jonction avec Itewwoufet, dont les forces éga-
lement étaient considérables. Ils marchèrent contre Ziri
ben c At’iya, qui était campé à deux journées de Tâhert,

(1) Sur les troubles occasionnés alors au Kaire par les Kotàma,
voir Wiistenfeld, p. 168.

(2) lbn el-Athir l’appelle nâ’ih, ou vice-roi ; sur cette campagne,
voir d’ailleurs le récit de ce chroniqueur, Annales, p, 402.

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– 368 –

au lieu dit Emsâr, et une lutte sanglante s’engagea. Le
gros de l’armée de H’ammâd était constitué par les
Outelkâti (*), que ce général avait traités sans ménage-
ment* 2 ) et qui, au plus fort de la mêlée, se débandèrent
et tournèrent le dos, en quoi ils furent suivis par toutes
les troupes d’Ifrîk’iyya. Les. efforts d’Ibn AboiVl- c Arab
pour les rallier restèrent vains, et la fuite, devenue géné-
rale, ramena ces troupes jusqu’à Achîr; elles avaient
abandonné leur camp, leurs tentes et leur contenu, leurs
armes, etc., et toutes ces richesses tombèrent entre les
mains de Zirî ben c At’iya et de ses frères. Le massacre
fut grand, mais il fut aussi fait de nombreux prisonniers
à qui le vainqueur fit de belles promesses, et qui, relâ-
chés par lui quand il fut entré à Tâhert, regagnèrent
[P. 2601 Achîr. C’est dans cette ville que restèrent Aboû’l-
c Arab, H’ammâd et Itewwoufet, tandis que Ziri se tint
près de Tâhert. Cette défaite, survenue le samedi 4 djo-
mâda I (22 avril), fut connue à Mançoûriyya le 19 du
même mois.

Naçîr ed-Dawla partit alors de cette ville le samedi
2 djomâda II (20 mai) pour marcher contre Zîrî ben
‘At’iya et arriva d’abord à T’obna. Il fit demander Fel-
foul ben Sa c id ben Khazroûn Zenâti, gouverneur de la
ville, qui, pris de peur, se fit excuser et lui demanda un
rescrit l’investissant du gouvernement de T’obna. Bâdis
lui ayant envoyé cette pièce et ayant continué sa marche

(1) Dans le passage correspondant de 17/. des Berb. (ni, 260), on
lit a Tologgana », avec cette note de M. de Slane : « Gomme il s’agit
ici de la tribu sanhadjienne descendue de Tiklat, il faut probable-
ment lire Tokollata ou Tiklata ». Cf. lbn el-Athir, p. 416, n. 2;
Bayân, texte, pp. 276 et 278.

(2) p^gSj.à* A **\ dit le texte. D’après lbn el-Athir, l’avarice de

H’ammàd avait indisposé ses troupes.

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– .%9 –

en avant, Felfoul, sitôt qu’il le vit éloigné, tomba sur
une région voisine, en ravagea les environs, se livra à la
dévastation et au pillage, puis alla mettre le siège
devant Bàghaya, dont il ravagea et pilla aussi tous les
environs. Cependant Bâdis, qui poursuivait son mouve-
ment en avant, arriva à Achir ; quand il fut à Mesila, Zirî
ben c At’iya quitta Tàhert, tandis que Bâdis marchait ré-
solument vers lui ; mais la nouvelle que Zirî se dirigeait
vers Fez fit rétrograder Bàdis vers Tahert et Achir ( j ),
tandis qu’Itewwoufet confiait la première de ces villes
à son fils Ayyoùb, assisté de quatre mille cavaliers.
Bàdis ayant alors été informé des actes de Felfoûl, en-
voya contre lui des troupes d’avant-garde qu’il suivit
bientôt, emmenant avec lui AboiVl-Behàr ben Zirî. Il
était à Mesila, où il célébra la fête de la Rupture du
jeûne, quand Aboù’l-Behâr y apprit que ses frères Mà-
ksen, Zâwî et Maghnin avaient soulevé des troubles à
Achir et s’étaient saisis de la personne d’Itewwoufet, ce
qui le détermina à s’enfuir avec ses fils, ses femmes et
ses conseillers ( 2 ).

Bâdis, parti le 3 chawwâl (16 septembre) pour Tlfrî-
k’iyya, apprit à Belezma que Felfoul ben SaMd continuait
sa marche vers K’ayrawàn; lui-même se rendit à Bà-
ghaya, dont les habitants lui dirent leurs efforts [P. 261]
pour résister à Felfoul, qui les avait tenus assiégés qua-
rante-cinq jours. Il en partit pour se remettre à la
recherche de Felfoul, avec qui il se rencontra le 10 dhoû’l-
k ada (22 octobre), et engagea une bataille formidable^).

(1) Cela ferait supposer, si le texte est exact, que Bàdis avait donc
dépassé Tàhert.

(2) Comparez les versions d’Ibn Khaldoûn (h, 16 ; m, 261) et d’Ibn
el-Athir (trad. p. 404).

(3) Au lieu dit Wàdi Aghlàn, d’après ïbn el-Athir (trad. p. 404).

24

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:$?”£ ‘***■

– Mi) ~

Son ennemi, qui avait avec lui une quantité innombrable
de Berbères, s’enfuit, autant que je puis le savoir, dans
la montagne dite Djebel el-H’annâch ; les Çanhâdja et
les esclaves noirs, qui avaient d’abord commencé à le
poursuivre, revinrent sur leurs pas quand ils virent qu’il
ne s’arrêtait pas, et mirent son camp au pillage. Sept
mille Zenâta environ mordirent la poussière ce jour là.
Naçir ed-Dawla envoya à K’ayrawân une lettre relatant
sa victoire.

En 390 (12 décembre 999), Naçir ed-Dawla se mit en
campagne pour rechercher Felfoul, qui, se voyant hors
d’état de lui tenir tête, s’enfuit vers les sables tandis
que ses partisans se dispersaient. Alors Bâdls retourna
en Ifrik’iyya, accompagné d’Aboû’l-Behâr ben Zîri, qui
s’était excusé des méfaits commis par ses frères et avait
obtenu son pardon. Felfoûl alors retourna à Tripoli.
Bâdis, toujours poursuivant sa marche, était à K’açr
el-Ifrik’H 1 ) quand il apprit que les Benoû Ziri avaient,
par peur de lui, repris le chemin du Gharb, et que ceux
d’entre eux qui restaient avec Felfoul se réduisaient à
Mâksen et à son fils Moh’sin. Il rentra alors à Mançoû-
riyya,.sa capitale.

Le 1 er redjeb (6 juin 1000), il s’avança jusqu’à Rak’k’ada
pour aller combattre Zirî ben ‘At’iya, émir du Gharb,
qui s’était, d’après les nouvelles reçues, rendu à Achir ;
mais il apprit alors le départ du chef zenâtien pour le
Gharb, et il retourna à Mançoûriyya.

En 391 (31 novembre 1000), Naçir ed-Dawla se mit une
seconde fois en campagne pour rechercher Felfoul ;

(1) A une journée de Teyfàch, sur la route qui mène à Mesila
(Edrisi, 140; Bekri, 130).

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– 371 –

mais une lettre de Yoûsof- ben e Amir, gouverneur de
Gabès, fit savoir que Felfoul s’était rendu d’auprès de
Gabès à Tripoli le 24 redjeb (20 juin); qu’à son arrivée
près de ce dernier endroit Fotoûh’ ben c Ali et un groupe
de Tripolitains étaient sortis à sa rencontre et l’avaient
fait entrer dans la ville. A partir de ce moment il se fixa
en cet endroit.

Postérieurement au 3 ramad’ân, FFammâd ben Yoûsof
el- c Azîz billâh envoya un message annonçant qu’il avait
marché contre son oncle Mâksen ben Ziri et ses parti-
sans et que, à la suite de plusieurs sanglantes rencon-
tres, il avait tué Mâksen, son fils Moh’sin et Bâdîs.

[P. 262] Neuf jours après la mort violente de Mâksen,
c’est-à-dire le 12 ramadan, mourut Zirî ben ‘At’iya
Zenâti, prince de Fez et du Gharb tout entier.

Renseignements sur les Zenâta et leur règne dans le Gharb
jusqu’à l’apparition des Almoravides.

Les Zenâta tenaient pour les Omeyyades, car autre-
fois leur aïeul Khazer ben ÇoùlâtM avait accompli son
exode et était allé se convertir entre les mains d’ c Oth-
mân ben c Affân. Entre eux et les Çanhâdja, qui tenaient
au contraire pour les Obeydites, il y eut de nombreux
combats. Celui qui commandait dans le Gharb était Ziri
ben c At’iya Khazeri Maghrâwi, qui était maitre de Fez et
d’autres villes, et qui devint à cette époque émir de tous
les Zenâta. Il reconnaissait la dynastie omeyyade, alors
représentée par Hichâm el-Mo’ayyed (de Cordoue), dont

(1) Au dire d’Ibn Khaldoùn {Berbères, m, 227 et 233), ce lut Cou-
lât ben Wezmar qui se rendit à Médine auprès d**Othmân ben
‘Affàn.

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‘ “T-” T,,i1 ?^

– Tri –

toute l’autorité était exercée par son chambellan Ibn
Aboû c Amir, et faisait la guerre aux Çanhâdja, émirs
cPIfrik’iyya, qui étaient les ennemis du prince Omeyyade.
Au rapport d’Ibn H’ammâda, il s’était rendu à Cor-
doue et s’y était rencontré en 379 (10 avril 989) avec Ibn
Aboû c Amir ; à partir de cette année il fut au Maghreb
son serviteur et son allié, malgré l’étendue de son royau-
me et la renommée dont il jouissait au loin, jusqu’à la
mésintelligence qui éclata entre eux en 387 (13 janvier
997J. Il y eut alors entre lui et El-Moz’afïer des guerres
trop longues à raconter. Voici ce que dit Ibn H’ayyân :
« Zirî ben ‘At’iya Maghrâwi rompit avec Ibn Aboû c Amir
après lui avoir témoigné une grande amitié et une sérieuse
fidélité ; il lança contre Ibn Aboû c Amir des coups protec-
teurs de la royauté de Hichâm, il s’affligea de la géné-
rosité (hichâm) d’El-Mo’ayyed( j ) et de la prépotence
d’Ibn Aboû c Amir (*). Celui-ci alors fit marcher contre lui
de nombreux guerriers confiés à son page Wàd’ih’, le
Maghreb vit d’importants combats se livrer; puis il en-
voya son propre fils c Abd el-Melik, et lui-même se ren-
dit à Algéziras pour de là expédier des renforts en offi-
ciers et en troupes. c Abd el-Melik partit de Tanger pour
livrer à Ziri [P. 263] des batailles sans analogues dans
les guerres passées et d’où résultèrent la fuite de Ziri
et l’anéantissement de ses guerriers et de sa situation ;
ce ne futque couvert de blessures qu’il, put s’enfuir, et le
pouvoir d’ c Abd el-Melik ben Aboû c Amir s’étendit sur le

(1) L’auteur parait bien jouer sur le double sens que peut présenter
le mot hichâm, comme nom commun et comme nom propre, du fai-
ble Hichâm el-Mo’ayyed.

(2) Voir H. des Berb., m, 243 ; Bayân, n, 302 ; Dozy, //. des Mus.
d’Esp., m, 222 et s.

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— 373 —

Gharb et les régions voisines jusqu’à Sidjilmâssa, sur
TJemcen et sur Tàhert. Après quoi il retourna en Espagne
en 389 (22 décembre 998), laissant pour gouverner ce
pays Wâd’ih Meghâri. Celui-ci, après un séjour de quel-
que temps à Fez, regagna l’Espagne, laissant dans cette
ville c Abd Allah ben Aboû r Amir, neveu d’El-MançoûrW ;
après lui, il y eut Ismâ c il ben el-Boûri, puis AboiVl-
Ah’waç Ma e n< 1 )ben c Abd el- f Azîz, qui y resta jusqu’à la
mort de Moh’ammed ben Aboû c Amir. Le fils (et succes-
seur) de celui-ci, c Abd el-Melik el-Moz’affer, la remit à
El-Mo c izz ben Ziri ben e At’iya, en la fidélité et la pru-
dence de qui il avait une pleine confiance, en 397 (26
septembre 1006;, sous la condition qu\EUMo c izz apporte-
rait chaque année à Cordoue une certaine quantité de
chevaux et d’armes et en prenant en outre, à titre d’otage,
son fils Mo’annecerW . El-Mo c izz garda la fidélité promise
et son fils resta à Cordoue jusqu’au moment où éclatè-
rent les troubles qui firent disparaître la famille ‘Ami-
ride. Alors Mo c annecer retourna auprès de son père, qui
continua de rester fidèle aux Omeyyades d’Espagne
jusqu’à sa mort, survenue après le début des troubles. Il
légua à son fils H’ammâma le royaume de Fez et dépen-
dances (*). »

(1) Notre texte indique explicitement qu”Abd Allah était neveu du
puissant ministre; dans YH. des Berb. (m, 246), l’amphibologie causée
par remploi d’un pronom a fait dire au savant traducteur qu”Obeyd
Allah {sic) était le neveu de Wàd’hY.

(2) Megguen {ibid); l’édition de Boulak du texte dlbn Khaldoûn.
(t. vu, p. 33) lit aussi « Ma’n ».

(3) La teneur du diplôme conféré à cette occasion à El-Mo’izz est
reproduit dans YH. des Berb. (ni, 248) ; il est daté dedhoù’l-ka’da 396
(août 1006).

(4) El-Mo’izz mourut en 417; Hammàraa, son successeur, est fils
d’El-Mo’izz ben ‘Attya et non d’El-Mo’izz bon Ziri, à ce qu’aftirine
expressément Ibn Khaldoûn {l. J., p. 251).

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r-; \23?

– 374 –

Ce sont là des faits que raconte aussi El-Warràk’ dans
des termes suffisamment explicites : a Après la mort de
Ziri ben c At’iya en 391 (30 novembre 1000), ses cousins le
remplacèrent par son fils El-Mo c izz » ; puis il raconte la
demande d’investiture adressée par El-Mo c izz à El-
Moz’affer ben Aboù e Amir, qui lui envoya ce qu’il récla-
mait et lui confia le gouvernement de Maghreb moyen-
nant la fourniture (annuelle) de chevaux, d’armes, etc.,
et la livraison par El-Mo c izz de ses deux fils H’ammàma
et Mo c annecer à titre d’otages. Il dit ensuite que, à la mort
d’El-Moz’affer, son frère c Abd er-Rah’mân devint cham-
bellan de Hichâm el-Mo’ayyed ; qu’à cette nouvelle
El-Mo c izz ben Ziri s’occupa de réunir les magnifiques
cadeaux qu’il lui destinait, sept cents chevaux, de nom-
breuses charges de boucliers en peau d’antilope, une
grande quantité d’argent, d’armes et de tous les plus
beaux produits du Maghreb. [P. 264] Ces cadeaux furent
portés à Cordoue par deux de ses jeunes cousins, de
nombreux cheykhs des tribus et les principaux de Fez.
Cela fit grand plaisir à c Abd er-Rah’mân, qui en témoi-
gna sa reconnaissance à El-Mo c izz en lui renvoyant ses
deux fils après leur avoir fait des cadeaux de vêtements
et procuré toute satisfaction. Il envoya à El-Mo c izz le
renouvellement de son investiture en qualité de gouver-
verneur du Maghreb tout entier moins Sidjilmâssa,
dont il avait antérieurement donné le gouvernement
au page Wàd’ih’. Celui-ci avait concédé cette ville à
Wânoûdin ben Khazroùn Ifreni et à son cousin Ziri
ben Felfoul, moyennant une somme d’argent et un nom-
bre déterminé de chevaux et de boucliers, en outre
d’une somme d’argent à payer annuellement et la remise

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– 375 –

du fils de chacun d’eux à titre d’otages (*). El-Mo c izz ben
Zirî exécuta les conditions que lui avait imposées c Abd
er-Rah’màn ben Aboû c Amir et resta émir du Maghreb
jusqu’à la chute de la maison c Amiride ; puis la famille
Omeyyade s’éteignit, les divisions firent tomber les
affaires d’Espagne dans le désarroi, les musulmans se
séparèrent les uns des autres pour former des factions
qui se massacraient et se pillaient entre elles. La situa-
tion au Maghreb devint la même, et les partis entre-
prirent des expéditions incessamment renouvelées les
uns contre les autres. El-Mo c izz ben Ziri sut pourtant
habilement se maintenir jusqu’à sa mort, survenue en
416(3 mars 1025) W.

Il eut pour successeur son fils Aboû’l- c At’t’àf H’am-
mâma ben el-Mo c izz ben Ziri. ben At’iya, qui était bien
partagé sous le rapport des connaissances, des belles-
lettres et de l’habileté administrative. Fez resta sous son
règne le séjour de la paix et de l’aisance, et les poètes
espagnols s’y rendaient. Il y eut cependant beaucoup de
guerres sous ce prince, qui mourut en 433 (30 août
1041) 0).

Il fut remplacé par son fils Donnas ben H’ammàma,
dont les cousins s’insurgèrent. L’autorité alla toujours
diminuant et la dynastie s’affaiblissant, si bien que Fez
vit deux émirs, un dans chacun des deux quartiers
( e adwa), se faisant la guerre. Il se passa alors des choses
si honteuses qu’on ne peut honnêtement les raconter,
car le récit de tout ce qui se passe à la fin des dynasties

(1) Voir Berbères, m, 250 et 257.

(2) Nous avons vu plus haut qu’Ilm Khaldoîin donne la date de 417.

(3) Ibn Khaldoùn (p. 251 et 252) nous dit quelque chose de ces
guerres et fait mourir ce prince en 431.

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— 376 –

ne peut que faire rougir M. Alors surgirent du désert les
Lamtoûna(Almoravides), qui s’emparèrent du pays des
Maçmoùda et les dépouillèrent au profit de leurs princes
et des règles de justice qu’ils apportèrent.

c Abd Allah ben YâsînW [P. 265] pénétra dans la ville
d’Aghmàt et dans le territoire voisin, et les Zenâta, pris
de peur, quittèrent la région orientale où ils étaient
installés. Mais après la mort violente d , Yâsîn( 3 ), ils retournèrent au Maghreb et y mirent à mort
tous ceux dont ils soupçonnaient les sympalhies pour les
gens voilés [les Almoravides]. Puis les habitants du dé-
sert vinrent les attaquer, et Aboû Bekr ben c Omar fit
marcher contre les cheykhs des tribus (son cousin) Yoû-
sof ben Tàchefin, qui fit de grandes conquêtes.

Dans l’entretemps eut lieu à Ceuta la terrible disette
bien connue, en 444 (2 mai 1052) [lacune] Fonce se ven-
dit un dirhem h’andoûsi. El-Fotoûh’ ben Mo’annecer
Zenâti revint d’Orient, et l’armée de Fez [qui était la
sienne] fut battue en 454 (14 janvier 1062). En la même
année, les Miknâsa et les Lawâta furent battus par un
général d’ c Aboû Bekr ben e Omar Lemtoûnî.

En 454 (14 janvier 1062), Bologgîn ben Moh’ammed ben
H’ammâd Çanhâdji mit tout le Gharb à ses pieds grâce
aux nombreux soldats qu’il mena à cette conquête.

(1) Doûnàs régna jusqu’en 451 et eut pour successeur sou fils El-
FotoîùV, qui eut à combattre son propre frère et le tua en 453.
Mo’annecer ben Hammàd régna eusuite, périt en combattant les Al-
moravides en 460 et fut remplacé par son fils Temim, qui fut le der-
nier prince Maghrawi et mourut en 462 (Ibn Khaldpùn, l. /.).

(2) ‘Abd Allah ben Yàsin est le père spirituel des Almoravides et
fut tué en 450 (voir Berb., n, 68 et 86 ; Annales d’Ibn el-Athir, p. 463).

(3) Ibn Yàsin mit à la tète de ses partisans YahVa ben ‘Omar, qui
mourut en 447 et fut remplacé par son frère Aboû Bekr ben ‘Omar.

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– 377 –

En 459 (21 novembre 1066), Ibrahim ben Melih’ Kez-
nà’i W pénétra à Fez, d’où il chassa vers Test Mo’anne-
cer ben H’ammàd ; puis celui-ci y rentrant y massacra
tous ceux qu’il soupçonnait de sympathies pour les
Almoravides, mais Yoûsof revint, à son tour dans le
Maghreb et Mo c annecer dut s’enfuir. Yoûsof massacra
les Sedrâta et se rendit maitre de Fez, de même que de
la plus grande partie du Maghreb. Tel est le récit d’Aboû
Merwàn c Abd el-Melik ben Moûsa el-Warrâk’ dans son
El-Mik’bâs fi akhbâr Fâs (2).

Yoûsof Keznâ’i, prince de Miknàsa, mourut en 412
(16 avril 1021) ; Toûlâlâ mourut à El-K’al c a, et son fils
Mahdi lui succéda la même année; Ibn AboiVl c Afiya
Ibrahim mourut en 450 (27 février 1058) et eut pour suc-
cesseur son fils c Abd Allah. Les Benoû AboiVl- e Afiya
étaient maîtres de Tesoûl, de (la région de) la Moloûya
et de Nakoûr ou El-Mazemma ; c Abd Allah, qui mourut
en 460 (10 novembre 1067), eut pour successeur son fils
Mohammed ben c Abd Àllâh ben Ibrahim ben Moûsa ben
Aboû’l- c Afiya.

, Quant à Tlemcen et au Zàb, ils étaient dans les mains
de Ya e la Zenâti < 3 ),. qui mourut [P. 266J à cette date ou à peu près, et à qui ses fils succédèrent. Quant aux régions du Maghreb par delà le Zâb, les Abbassides n’en furent (1) Le nom de ce chef ne se retrouve pas dans Ibn Khaldoûn. Il s’agit probablement ici des faits que cet auteur place un peu plus tard, en 459 et 460 (ih. ni, 253). (2) Ce chroniqueur, dont le nom a été déjà cité, est un de ceux qui ont été souvent mis à contribution par le Kartâs, qui l’appelle Mo- hammed Lben] 4 Abd el-Melik ben Mahmoud (p. 10 du texte arabe ; pp. 14 et 364 de la trad. lat). Il est probable que l’ouvrage ici cité est celui qui figure sous le titre de Mikyas, dans 17/. de* Berb., n, 137. (3) Sur Jes Benoù Ya’la, voir VHist. des Berb., ni, 269. Digitized by Google — 378 – jamais les maîtres. Tlemcen et les districts voisins obéissaient [autrefois] à Moh’ammed ben Soleymân ben c Abd Allah ben H’asan ben el -H’asan ben c Ali( 1 ), parmi les descendants de qui figure Aboû’l- c Aych c Isa ben Idris ben Moh’ammed, dont il a été question déjà. A Fez et dans les districts voisins, il y avait des.Chi c ites d’abord, mais ensuite le gouvernement en échut à Idris ben c Abd Allah ben H’asan ben el-H’asan ben c Ali. A Tâmesnâ se trouvaient les descendants de Çâliir ben Tarif aux doctrines erronées. Quant à Sidjilmàssa, ce fut là que s’établit Isa ben Sam c oûn, chef des Çofrites. Telle était sans conteste la situation dans ces divers pays; on n’est pas d’accord au contraire sur l’Ifrik’iyya, où dominait, dit-on, le rebelle c Abd er-Rah’mân ben H’abib, ni sur l’Espagne, dont Yoûsof Fihri était Ternir. Revenons-en maintenant à l’ordre chronologique. En 392 (19 novembre 1001), mourut Aboû T’àlib, cheykh et porte- parole des MoHazelites, à l’âge de 69 ans. En la même année, Yah’ya ben f Ali ben el-Andalosi quitta l’Egypte à la tête d’une armée et arriva le vendredi 9 rebi f I (25 janvier 1002) à Tripoli, dont le gouverneur était alors Zeydân Çak’alli ( 2 ). Mais les affaires militaires se trouvèrent au-dessus de la portée de l’intelligence et de la capacité administrative de Yah’ya, de sorte qu’il (1) Vers le commencement du III siècle (i/>., m, 229).

(2) Autrement écrit AboiVI-Fad’l Rcydàu (jaklabi (Wiïslenfeld,
p. 173, et Chrestomotkie de Sacy, i, 139). La mosquée du K a ire qui
portait sou nom, et qui est également citée dans la Itel. des Druze»
(intr., p. 434), ne figure pas dans la liste des monuineuts de cette
catégorie que Makrizi décrit dans le Khitat. On trouve d’ailleurs les
deux noms propres Reydàn et Zeydàn (voir Bekri, p. 32 et 125;
is’odjoùm, n, 411 ; Ibn Farhoùn, f. 57 v°; ras 884 d’Alger, f. 30, etc.).

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– 379 –

rejoignit Felloul, qui ne lui ménagea pas son méprisa).

En ramad’àn (juillet-août), mourut El-Mançoûr ben
Aboû c Amir, ce dont il sera parlé en son lieu.

En 393 (9 novembre 1002), Yah’ya ben c Alî ben el-An-
dalosi, Felfoûl ben Sa c id et FotoiW ben c Ali arrivèrent
devant Gabès, où ils bloquèrent c At’iya ben Dja c far. A
cette époque, c’est-à-dire le^ lundi 14 cha’bàn (17 juin
1003), vingt archers arrivèrent à Gabès; mais Felfoul,
qui en eut connaissance, les fit prendre et décapiter.
[P. 267] Ces chefs étant ensuite retournés à Tripoli,
Yah’ya ben c Ali, en présence de l’incertitude de sa situa-
tion et de l’impossibilité de trouver de quoi subvenir aux
besoins de ses soldats, retourna en Egypte avec ceux
qui lui restaient, non sans que Felfoul et les siens eus-
sent pris, par achat ou par violence, ce qui leur plut des
moulures de ceux qui battaient en retraite. Quand ce
général rentra en Egypte, le khalife El-H’âkim voulut
d’abord le punir; mais ensuite il accueillit ses excuses
et lui pardonnât 2 ).

En 394 (29 octobre 1003), El-Hakim fit exécuter à
Miçr son astrologue El-Bekri. II ( ;< ) était faible d’intelli- gence et peu sensé, mais avait des connaissances dans la (rédaction des) jugements* 4 ). Il fit également mettre à (1) Ce paragraphe figure dans la Bilrtioleca (h, 31). On a vu plus haut comment Felfoul s’était soustrait à l’obéissance de Bàdis; voir aussi lbn el-Alhir, trad., p. 404. (2) Wûstenfcld a passé ces événements sous silence. (3) Cet il se rapporte grammaticalement à Bekri. (4) Texte bUôiJb -^> ^J ^fcj . Je suis tenté de croire que le
dernier mot a le sens, ignoré des dictionnaires, de ^l5^.^b et qu’il
faut entendre ainsi : « avait des connaissances dans l’art de dresser
des thèmes astrologiques. » .

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– 380 ~

mort, puis brûler un grand nombre des principaux de ses
conseillers. Il punit aussi du dernier supplice celui qui
est connu sous le nom d’Ibn Kharit’a, ainsi que l’astro-
logue Ibn el-Ghâzi.

En 395 (17 octobre ‘1004), l’Ifrik’iyya fut désolée par
une effroyable famine, qui mit à nu celui qui était cou-
vert, tua le pauvre et ruina le riche; les vivres, d’abord
très chers, manquèrent ensuite ; les nomades quittèrent
leurs séjours habituels, la plupart des demeures se vidè-
rent et restèrent sans héritiers. A cela se joignirent les
épidémies et la peste, qui enlevèrent la majeure partie
des habitants sans distinction entre le riche et l’indigent.
Les fonctionnaires ne faisaient plus autre chose que soi-
gner ou visiter les malades, préparer les derniers devoirs
à rendre aux morts, suivre des funérailles ou revenir
d’une inhumation. On entassait les malades au Bàb
Salem, et Ton CFeusait des sillons dans chacun desquels
on jetait une centaine de cadavres ou davantage. Dans
toutes les classes de la population, savants, marchands,
femmes et enfants, le nombre des morts fut tel que Dieu
seul pourrait les compter. A K’ayrawân les mosquées
étaient vides, les fours publics et les bains déserts; les
habitants brûlaient les portes de leurs demeures et les
poutres des terrasses, et plus d’un, citadin ou nomade,
gagna la Sicile. Le malade devait payer une grenade
deux dirhems, et un poulet en coûtait trente ; les noma-
des, dit- on, s’etitredévorèrent. Tel est le tableau que
trace [P. 268] Aboû Ish’âk’ er-Rak’ik.

En 306 (7 octobre 1005), l’abondance de la récolte en
Ifrîk’iyya fit baisser le prix des vivres, et les épidémies
cessèrent.

A Bark’a éclata l’insurrection d’El-Welid ben Hi-

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*ïir

– 381 –

chàmW, qui prétendait descendre d’El-Moghîra et appar-
tenir ainsi à la famille Omeyyade. Ce fut en 395 qu’il
commença à lever la tête. Il était instituteur à Bar-
k’a, et comme il crut trouver Ta un terrain favorable-
ment préparé, il se donna aux habitants comme étant
lui-même de cette ville et leur révéla qu’il était dépo-
sitaire de traditions et d’une science [religieuse spé-
ciale], qu’il était appelé à gouverner l’Egypte et à
envoyer les oppresseurs à la mort. Soutenu d’abord par
un groupe de Lawâta et de Zenàta qui le prirent comme
imam et se rallièrent à lui, il vit ensuite tous les Berbè-
res accourir à lui, et il mit le siège devant Bark’a, qu’il
prit en redjeb 395 (avril-mai 1005). En 396 (7 octobre
1005), son autorité s’était affermie, et El-Hàkim envoya
contre lui des troupes qui furent battues après un combat
sanglant et dont le général fut tué.

En cette même année mourut Moh’ammed ben Aboû’l-
c Arab, gouverneur d’ifrîk’iyya.

El-H’âkim fit exécuter et brûler son kâdK 2 ), pour le
châtier de ce qu’il dissipait le bien des orphelins.

En 397 (26 septembre 1006), la situation de l’insurgé
de Bark’a, El-Welid ben Hichâm, était de plus en plus
forte, et le nombre de ses troupes et de ses adhérents
était considérable. El-H’âkim eut alors recours à la ruse
pour venir à bout de lui. Il lui fît écrire par ses princi-
paux conseillers et officiers, qui lui déclarèrent partager
sa doctrine religieuse et se dirent prêts à embrasser sa
cause quand il serait proche. Ces messages répétés ins-

(1) Plus connu peut-être sous son surnom d’Aboû Rekwa (voir Ibn
el-Athir, ix, 139; Chrestomathie de Sacy, i, 99 et 159; Wustenfeld,
181, etc.).

(2) Hoseyn ben No’màn [Chrest. de Sacy, i, 99).

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-ÇW»

~- 38*2 –

pirèrent confiance au rebelle, qui s’avança vers l’Egypte
avec toutes les tribus berbères qui le soutenaient. Alors
lés troupes égyptiennes l’attaquèrent et le battirent, et il
se réfugia dans le Soudan. Il lut ensuite fait prisonnier
et amené à Miçr sur un chameau, puis promené squs un
accoutrement ignominieux dans les rues de la ville. Il
périt dans d’affreux supplices à la mi-chawwàl (3 juillet
1007).

El-K’âsim ben Moh’ammed ben Aboû’l- e Arab, qui
succéda à son père comme gouverneur d’Ifrik’iyya, con-
firma ses conseillers dans les grades qu’ils avaient et
leur demanda leur concours.

En 398 (16 septembre 1007) mourut le préposé aux ré-
clamations en Ifrîk’iyya, Moh’ammed ben e Abd Allah,
dont la sévérité avait durement châtié les novateurs
religieux et les méchants, que, sans exciter aucun blâme,
il avait fait flageller ou exécuter» ou à qui il avait fait
couper les mains et les pieds.

[P. 269] En 399 (4 septembre 1008), les enfants de
Moh’ammed ben Aboû’l- c Arab s’enfuirent de Mançoû-
riyya pour aller rejoindre à Tripoli Felfoûl ben Sa c îd
ben Khazroûn Zenâti. Le gouverneur de Gabès, qui
avait reçu de Naçîr ed-Da\via Tordre de leur couper la
route, s’empara de deux d’entre eux, c Ali et Yoûsof,
qu’il fit exécuter et dont il envoya les têtes à Mançoû-
riyya le 30 moh’arrem (3 octobre 1008). El-K’âsim, qui
revint ensuite, obtint son pardon.

En 400 (24 août 1009), Felfoûl mourut de maladie à
Tripoli et eut pour successeur Warroû, à qui les Zenâta
obéirent. Aboû Mennâd Naçîr ed-Dawla avec une nom-
breuse armée se mit en marche pour attaquer les Zenâta
et arriva sous les murs de Tripoli le lundi 7 cha c bàn

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– 383 –

(25 mars 1010). Les habitants, joyeux et manifestant
leur plaisir par les prières qu’ils adressaient au ciel, se
portèrent au-devant de lui ; on dressa des tentes de bro-
cart et de magnifiques pavillons où il s’installa. Mais un
ouragan survint qui démolit, déchira et emporta toutes
les tentes; le prince alors entra dans le palais de Fel-
foûl. Il reçut des messagers envoyés par Warroû ben
Sa c id, frère de Felfoûl, qui venaient lui demander grâce
et pardon; il accéda à leur demande et fit dresser un
acte le constatante. A la suite de ce succès, il retourna
à Mançoûriyya. En-No c aym ben Kennoûn se rendit en
cette ville accompagné d’un certain nombre d’hommes;
le prince leur fit des cadeaux, les traita le mieux du
monde et fit délivrer à En-No c aym des étendards, des
tambours, des bêtes de charge et des selles ; puis il le
renvoya dans lç pays qu’il lui donna avec K’ast’iliya pour
capitale, et En-No c aym y résida en qualité de prince
avec tambours, étendards et corps de troupes.

En 401 (14 août 1010), mourut à K’ayrawân c Azm ben
Ziri ben Mennâd. Le kàïd Dja c far ben H’abib mourut
aussi à celte date.

El-H’àkim bi-amr Allah fit exécuter simultanément
El-H’oseyn ben Djawher, le généralissime, et son parent
par alliance, kâdi de Miçr, c Abd el- c Aziz ben Moh’am-
med ben en-No c mân ( 2 ).

En chawwàl (mai-juin 1011), [Hassan ben Mofarredj]
Ibn Djerrâh’ se sépara d’El-H’âkim et fît inviter par ses
envoyés l’émir de la Mekke à se révolter également.

(1) Selon Ibn Khaldoûn (ni, 264), Warroû reçut le gouvernement
de Nefzàwa, qu’il abandonna en 401 pour se révolter contre Bàdis.

(2) Le 12 du mois de djomàda II, à ce que dit Makrizi (Chrest. de
Sacy, i, 104; cf. Wïistenfeld, 192).

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– 384 –

C’est ce que fit celui-ci, qui se fit appeler Prince des
croyants, [P. 270] et qui fut suivi dans sa révolte par les
habitants de la Mekke et par ses cousins. Cette situation
dura tout le reste de Tannée (*).

Les Egyptiens, Maghrébins et autres qui étaient partis
pour la glorieuse ville de la Mekke durent revenir, car
en arrivant à K’olzoùm ils apprirent la conduite d’Ibn
Djerrâh’ et d’Aboû’l-Fotoûh’ el-H’asan ben Dja’far ben
Moh’ammed, et alors aucun d’eux n’alla en pèlerinage,
non plus que ne le firent ceux qui venaient de Syrie,
d’Irak, de Khorâsân ou d’ailleurs, sauf, cependant, ceux
du Yémen. Beaucoup de ceux qui vivaient à la Mekke à
l’ombre du saint Temple s’enfuirent.

En 402 (3 août 1011), arriva à Mançoûriyya Khazroùn
ben Sa c id ben Khazroùn Zenâti, qui était le frère de
Felfoul. A la suite de dissensions survenues entre lui et
son frère Warroû, il vint trouver Naçir ed-Dawia, qui le
reçut très bien et qui donna également une hospilalité
très large à environ soixante-dix cavaliers zenâtiens
dont son visiteur était accompagné. Quelques jours plus
tard, le prince lui donna la ville de. . . (*), où Khazroùn
se rendit avec étendards et tambours.

En 403 (22 juillet 1012) arriva à Mehdiyya un navire
apportant de magnifiques cadeaux envoyés par El-H’â-
kim à Bâdis et à son fils Mançoiïr (sic) c Aziz ed-dawla.
El-Mançoûr se rendit avec étendards et tambours, et

(1) Sur ces événements, on peut consulter Makrizi, ap. Chrestom. y
i, 104 et 186; Ibn el-Athir, ix, 86; Wïistenfeld, 193. Le chérif de la
Mekke s’appelait Aboù’l-Fotouh’ el-H’asan ben Dja’far, nom que notre
auteur rappelle presque immédiatement.

(2) Le nom de la ville ne figure pas dans le ms, mais on voit par
Ibn Khaldoûn (m, 264) qu’il s’agit de Nefzâwa.

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– 385 –

accompagné des habitants de K’ayrawân, au Château
maritime pour les recevoir. El-H’âkim envoya en même
temps des rescrits ajoutant Barka et ses dépendances
aux territoires dont Naçir ed-Dawla était déjà investi.

Le savant juriste Aboû’l-H’asan K’âbesK 1 ) mourut
cette année-là.

Naçîr ed-Dawla enleva à Yoûsof ben Aboû H’aboûs
Çanhâdji le soin de veiller aux troupes, etc.

En Syrie eut lieu la mort de Mofarredj ben el-Djerrâh’,
dont les enfants prirent la place.

El-H’asan ben Dja c far, dont nous avons déjà dit qu’il
s’était révolté à la Mekke et y avait fait dire la prière en
son honneur sous le nom de « Er-Ràchid billâh, Prince
des croyants », reconnut l’autorité d’El-H’âkim. Se repen-
tant de ses actes antérieurs, il monta en chaire et fît
amende honorable pour les prétentions qu’il avait émi-
ses. Il envoya à ce propos une lettre à El-H’àkim bi-amr
Allah, qui reçut ses excuses, lui envoya [P. 271] de fortes
sommes d’argent et prévint la population qu’elle pouvait
se rendre à la Mekke en emportant les vivres et les pro-
visions nécessaires.

c Abd Allah ben el-Welid ben el-Moghîra fomenta une
insurrection en lfrîk’iyya. Ce personnage, qui d’abord
s’était caché et s’occupait d’enseignement, prétendit
ensuite au pouvoir ; mais il fut pris, emmené à K’ayra-
wân et promené dans les rues de la ville, lui ainsi qu’un
de ses compagnons, à dos de chameau; après quoi on
les décapita et crucifia. On trouva sur lui un portefeuille
renfermant plusieurs lettres de sa main, adressées à des

(1) Il s’appelle ‘Ali ben Moh’ammed ben Khalaf (n° 851 du Cat.
des mss d’Alger, f. 24 v°; ms 1546 de Paris, f° 182).

25

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2^m,

– 386 — ‘

cheykhs de tribus et ainsi conçues: « De la part d’ c Abd
Allah AboûW Moh’ammed en-Nàçir li-dîn Allah, Prince
des croyants, à un tel » ; après quoi il disait que ses
affaires se termineraient et se réaliseraient grâce aux
Kotâma, et que son correspondant eût à venir à sa ren-
contre le 1 er çafar 404, date où devait finir le pouvoir
des Çanhâdja. Mais ce furent, nous l’avons dit, ceux-ci
qui s’emparèrent de luK 2 ).

En 404 (12 juillet 1013), El-H’âkim annonça par rescrit
à Naçir ed-Dawla que dès à présent il attribuait la qua-
lité d’héritier présomptif à son cousin AboiVl-K’âsim
c Abd er-Rah’mân (») ben Elyâs. Cette pièce fut lue dans
la grande mosquée à K’ayrawân et à Mançoûriyya, et le
nom d’ c Abd er-Rah’mân fut joint à celui d’El-Hâkim sur
les étendards et sur la monnaie. L’imporlance de la
décision qui venait d’être prise fit dire à Naçîr ed-Dawla :
« Si l’i m à m savait montrer de l’adresse, je lui écrirais
de ne pas ainsi substituer son cousin à son fils ».

En 405 (l or juillet 1014), Naçir ed-Dawla fit partir à
t’adresse d’El-H’âkim des cadeaux magnifiques, qu’il
accompagna avec étendards et tambours à leur départ
de Mançoûriyya, et qui, arrivés à Mehdiyya, furent em-
barqués et confiés à Ya c la ben Farad j. 11 y figurait cent
chevaux, ainsi que leurs selles enrichies de pierreries et
formant dix -huit colis en caisses; dix-huit charges de
soie grège, de martre zibeline (semmoûr), et de précieu-
ses marchandises tissées d’or et provenant de Sousse;
vingt jeunes femmes esclaves, dix Slaves, etc. La prin-

^1) 1! faut probablement lire ben.

(2) Ibn Khaldoùn passe cette révolte sous silence.

(3) On lit ‘Abd er-Rahim dans Makrizi (l. I., 103), et c’est cette lec-
ture aussi qu’a adoptée Wûstenfeld (p. 199).

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– 38? —

cesse Oumm Mellàl, sœur de Naçir ed-Dawla, envoyait
également des cadeaux à la sœur d’El-H’àkim. Mais ce
riche envoi tomba du côté de Bark’a dans les mains des
Arabes, et Ya c la ben Faradj s’enfuit en abandonnant
tout.

On cria à K’ayrawàn une proclamation enjoignant à
tous les Çanhâdja qui y habitaient de se transporter
[P. 272] à Mançoûriyya. Une proclamation postérieure
prescrivit la fermeture des boutiques et des fondouks de
K’ayrawân, et l’exécution de cette mesure ne laissa plus
ouvertes dans la ville que quelques boutiques faisant
partie des biens de main-morte, si bien qu’on paya à
Mançoûriyya deux cents dirhems la location d’une bou-
tique destinée à la vente du lin, prix dont il n’avait
jamais été question à K’ayrawân. Ce fut là la cause de
sa ruine.

El-irâkim avait donné à El-Mançoûr ben Naçlr ed-
Dawla le surnom d , lecture du rescrit relatif à cette question Naçîr ed-Dawla
voulait donc élever son fils en conséquence et lui don-
ner à gouverner des cantons où il eût à se faire servir
par des gens qui seraient ses adhérents et ses créa-
tures. Or il avait reçu d’ibrâhîm ben Seyf el- c Aziz billâh
des félicitations dont il soupçonnait la sincérité et qu’il
voulut mettre à l’épreuve. 11 écrivit donc à H’ammâd de
remettre le canton d’Aboû Za c bel, [c’est-à-dire] K’açr
el-Ifriki et la ville de Constantine, au lieutenant de
l’héritier présomptif c Aziz ed-Dawla. A HichàmO) ben

(1) Ce nom est orthographié Hàchim dans Ibn el-Athir (p. 413),
dont il faut comparer le récit. Plus bas on trouve à deux reprises In
forme Hâchim, j’ignore si c’est par erreur ou d’après le ms.

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v^^p

.- 388 –

Dja c far, à qui il avait donné des vêtements d’honneur et
concédé les étendards et les tambours, il ordonna de se
rendre dans cette région, ce qui fit que Hichâm partit en
emmenant des trésors et des approvisionnements consi-
dérables. Naçîr ed-Dawla demanda en outre conseil à
Ibrahim ben Seyf el- c Aziz billâh sur le choix à faire de la
personne chargée de présenter sa lettre à H’amrnâd.
Ibrahim s’offrit avec le plus grand empressement à por-
ter ce message, en ajoutant : « Notre Maître ne trouvera
nul esclave plus empressé que moi à se mettre à son ser-
vice. » Il se chargea donc de la chose en s’engageant par
des actes authentiques à ne mettre au plus que vingt
jours, aller et retour compris. Alors des gens du proche
entourage de Naçir ed-Dawla lui conseillèrent de s’assu-
rer de la personne d’Ibrahim et de ne lui laisser faire le
voyage qu’il projetait que quand lui, Naçîr, saurait ce
qu’étaient l’obéissance et l’empressement de Hammàd,
frère d’Ibrâhîm.

Mais Naçir dit à Ibrahim : « Va trouver ton frère ; si
tu as dit vrai et que tu remplisses tes promesses, tant
mieux; sinon, faites l’un et l’autre comme vous l’enten-
drez. » Alors Ibrahim partit en chawwâl (mars-avril
1015) en emmenant son argent, ses hommes (de con-
fiance) et tous ses trésors, sans que personne y mit obs-
tacle de la part de Naçir ; et pourtant ce départ, où il se
faisait accompagner de ses hommes (de confiance) et de
tous ses bagages, prouvait le contraire de ce qu’il avait
annoncé. Hichâm ben Dja’far, qui était d’abord parti
avec lui, s’aperçut ensuite [P. 273] que la trahison l’atten-
dait lorsqu’il serait à proximité de H’ammàd : il invoqua
donc la nécessité de quelque affaire qu’il avait laissée en
suspens à Bâdja et tourna de ce côté, en promettant de

Digttized by VjOOQI

rççy

– 389 –

revenir promptement. Ce fut ainsi que Dieu le fit échap-
per à la trahison (qui le guettait). Ibrahim, arrivé à
TàmediU 1 ), écrivit à son frère H’ammâd, qui vint avec”
des troupes nombreuses se joindre à lui, et alors l’un
et l’autre se proclamèrent en insurrection.

A cette nouvelle, Naçir ed-Dawla se transporta à la
fin de dhoû’l-hiddja (mi-juin 1015) à Rak’k’âda, où il dis-
tribua la solde à ses troupes; il envoya sa famille, ses
bagages, sa sœur la princesse Oumm Mellâl, ses enfants
et ses esclaves à Mehdiyya. Le sept du mois < 2 ), il se mit en
route et fit arrêter Yoûsof ben Aboû H’aboûs et ses frè-
res. 11 ne s’était pas passé un jour que Naçir ed-Dawla
ne lui eût renouvelé les témoignages de considération
et ne lui eût fait du bien ; il ne recevait pas du khalife
un cheval ou un vêtement qu’il ne le lui donnât plutôt
que de le garder pour lui-même, sans parler des pro-
priétés et des terres qu’il lui avait concédées dans tous les
cantons d’Ifrik’iyya ; en un mot, toujours il l’avait élevé
eu considération et en renommée, si bien que Yoûsof
avait reçu plus de dignités qu’aucun grand ou petit, était
monté plus haut qu’aucun proche ou parent. Or il proje-
tait — Dieu sait ce qu’il en est — une attaque contre
Naçir ed-Dawla, et méditait cette affaire depuis quelque
temps; mais Dieu, loin de le favoriser, trompa ses mé-
chantes pensées et retourna sa vilenie contre lui-même.
Naçir ed-Dawla, sachant positivement ce qui se tramait,
fit arrêter son ancien favori, et grâce à cet acte de

(1) Localité située à deux journées de Laribus (Bekri, 130; Edrisi,
137).

(?) Il ne faut pas songer à lire le 27, bien qu’il vienne d’être parlé
des derniers jours du mois, puisqu’un peu plus bas il est question du
J0 du même mois.

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-, 390 –

vigueur Dieu énerva les ruses des ennemis du prince,
déçut leurs espérances et dérouta leurs projets coupa-
bles.

Naçir ed-Dawla marcha alors avec ses troupes, le
lendemain de la Fête des Victimes, contre H’ammâd.
Au commencement de moharrem 406 (fin juin 1015),
c Azm et Felfoul, l’un et l’autre fils de H’assoûn ben Sen-
noûn, Mâksen ben Bologgin et f Adnân ben Ma c çem
vinrent le trouver avec une troupe de cavaliers apparte-
nant à l’armée de H’ammâd. Naçir ed-Dawla leur donna
des vêtements d’honneur et les traita bien; puis [P. 274]
continuant toujours d’avancer, il arriva à Tàmedit, où il
reçut la nouvelle de la mort de son fils El-Mançoûr
f Aziz ed-Dawla, qui, lors de son départ pour Mehdiyya,
avait été pris par la fièvre et atteint de la petile vérole,
dont il était mort au bout de dix-sept jours. Cette mala-
die lui avait été cachée jusqu’alors, parce qu’on craignait,
comme il était en route pour combattre son ennemi, que
l’affliction qu’il ressentirait ne nuisit aux intérêts de
l’Etat. Quand Ibrahim et H’ammâd connurent cette mort,
ils firent connaître au père du jeune prince que celui à
raison de qui il avait adressé la demande que l’on sait
était mort. Mais ce message ne troubla pas autrement
Naçir ed-Dawla, qui écrivit à la princesse (sa fçmme)
pour l’informa de la nouvelle qui lui était transmise;
elle lui confirma la chose en lui adressant ses condo-
léances et lui décrivant l’excellent état de santé d’El-
Mo f izz. II supporta le choc avec une patience et une rési-
gnation merveilleuses: il tint une audience publique
pour recevoir les compliments de condoléances, et quand
il voyait quelqu’un trop affligé et pleurant, c’était lui qui
le réconfortait et le consolait. Sa contenance combla de

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— 391 —

joie ses amis et consterna ses envieux et ses ennemis.
Il repartit de Tàmedit le 6 çafar (25 juillet) et parvint
à Moh’ammediyya,* autrement dite Mesila, dont les habi-
tants se portèrent au-devant de lui en adressant au ciel
des vœux en sa faveur pour manifester leur reconnais-
sance de la justice et de la sécurité qu’ils lui devaient, de
la protection dont il les couvrait contre l’injustice et les
agressions. Après s’y être arrêté six jours, il repartit,
franchit le Ghélif et continua d’avancer jusqu’à ce qu’il se
trouvât à proximité des troupes de H’ammàd et des ban-
des qu’il avait levées chez les Zenàta et les autres peu-
plades au-delà de cette rivière. II eut soin d’ailleurs, pour
la nuit, de prendre toutes les précautions nécessaires
pour se bien garder. Le lendemain matin, il se mit à la
tête de ses troupes, passa devant elles et les rangea
en ordre de bataille, chacun de ses officiers occupant
le centre du groupe qu’il commandait ; les deux armées
étaient alors si rapprochées qu’elles étaient en vue l’une
de l’autre. Ce fut H’ammàd qui fut mis en déroute et
son camp fut livré au pillage* 1 ). On prétend que (rien
que) les boucliers pris étaient au nombre de dix mille.
L’empressement mis par les troupes de Naçir à enlever
les dépouilles de toute sorte permit à H’ammàd, qu’a-
bandonnèrent les siens, de s’échapper. Le butin et les
richesses qu’on enleva ainsi étaient en nombre et en
valeur incalculables. [P. 275] On trouva deux billets
constatant qu’un certain officier avait un coffre contenant
50,700 dinars et 1,005,000 dirhems, plus cinquante cais-

(1) Il y eut bien bataille le 1 er djomàda 1 (16 octobre), ainsi qu’on
le voit par Ibn el-Athir, et non une simple débandade comme il
somble résulter de la traduction d’Ibn Khaldoùn (u, 45) el, dans une
certaine mesure, de notre texte même.

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— 392 —

ses renfermant diverses marchandises, et cela non com-
pris ce que renfermaient la tente et les magasins de
H’ammâd. Voici ce que raconte Aboù Ish’àk’ : « Un
homme qui poussait un mulet devant soi fut fouillé sous
nos yeux par nos serviteurs, et on trouva dans le rem-
bourrage et la laine du bat huit mille dinars ; or il y eut
des faits innombrables de ce genre. Cette somme me fut
présentée après notre départ alors que nous étions déjà
sortis de la rivière, bien qu’à grand’peine ; mais la dou-
ceur de la prise et la certitude du salut nous firent ou-
blier ces fatigues. »

[Basir] Il n’est pas sorti de ma mémoire ce jour où, auprès
du Chélif, se présenta un spectacle effrayant et auquel les
prunelles se contractaient : les chevaux, traversant les tètes,
plongeaient dans des flots de sang, y formant un sillon d’un
rouge d’aurore ; dans les ténèbres et les nuées de poussière
brillait l’éclat des sabres semblables aux étoiles qui surgis-
sent successivement de l’obscurité de la nuit tombante. On
y voyait Bâdis marqué du signe des braves et aussi recon-
naissable et visible que le soleil au firmament : si sa main
gorgée et vaillante eût débordé, ses ennemis eussent été bien
près d’être submergés. Le turban rouge qui orne son front
fait de lui une lune qui se lève dans la riibescence du soleil
couchant. La mort elle-même eût-elle pris corps que, si on
lui avait annoncé l’apparition d’Ibn Mennâd, la peur l’eût fait
retomber sans vie à la vue de cette aurore !

Le lundi matin, 2 djomâda I (17 octobre), Naçir ed-
Dawla fit rechercher H’ammâd ben Bâdis ben Seyf el-
c Azîz billàh, mais il s’était enfermé dans le château-fort
(la Kal’at Hammâd) avec son frère. Après y avoir séjourné
trois jours pour se reposer et laisser reposer leurs com-
pagnons ainsi que leurs montures, Ibrahim annonça à

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– 393 –

son frère qu’il n’avait ni assez de vivres ni assez de sel
[pour continuer la résistance]. H’ammâd partit alors
avec lui et avec tous ses compagnons, et arriva, ayant
toujours Naçir ed-Dawla à ses trousses, à la ville de
DekmaW, dont il avait précédemment châtié les habi-
tants. Ceux-ci se mirent à pousser des cris contre son
arrière-garde ; il se défendit Fépée à la main et en tua
environ trois cents. Alors intervint Ah’med ben Aboii
Tawba, [P. 276] juriste de la ville, qui apaisa ses compa
triotes et avertit H’ammâd d’avoir à redouter la colère
divine: a Prince, lui dit-il, tu fuis devant les grandes
niasses et tu tournes le dos aux armées qui te résistent;
ton pouvoir et ta force ne s’exercent que sur le prison-
nier qui est devant toi sans personne pour le soutenir ! »
A ces paroles H’ammâd répondit en faisant décapiter
l’audacieux. Alors s’avança un pieux vieillard de la
ville, qui parla ainsi : « H’ammâd, crains Dieu; (moi
qui te le dis) j’ai fait deux fois le pèlerinage. — Eh bien,
répondit-il, je vais par surcroit te donner le martyre ! »
et il le fil aussi décapiter. Après lui s’avancèrent quel-
ques marchands ambulants : « Nous sommes, dirent -ils,
étrangers et nous ignorons la faute qu’ont commise
contre toi les habitants de cette ville. — Mettez-vous
tous ensemble, et je vous le dirai ! » Ces marchands se
réunirent et parmi eux se glissèrent quelques autres qui
voulaient aussi sauver leur vie; mais il leur fit couper le
cou à tous. Après quoi il enleva tous les vivres et tout le
sel de la ville et rentra dans son château-fort.
Le jour de la fuite de H’ammâd, Naçir ed-Dawla se fit

(1) Je corrige le texte, qui écrit ce nom Zekrna, d’après Ibn el-
Athir, p. 414 ; on prononce aussi Dekkama (Bekri, 131 ; Edrisi, 141).

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– 394 –

amener Bekkâr ben Djelâla OutelkâtiW, qu’il avait anté-
rieurement fait prisonnier et qui avait souvent tenu des
propos malsonnants sur celui qui l’avait alors en son
pouvoir. Sous les yeux de Yoûsof ben Aboû H’aboûs,
qui était aussi prisonnier, il fit raser la barbe de Bekkâr,
puis en fit faire autant à Yoûsof, leur infligeant ainsi un
châtiment exemplaire aux yeux du monde. « Quand, dit
Er-Rak’ik’, nous vîmes Yoûsof rasé, nous nous mîmes à
dire à voix basse : « Nous espérions que Yoûsof aurait la
vie sauve, car les princes ont l’habitude de pardonner
après avoir puni; mais après ce châtiment infamant
nous le jugeons bien perdu ! » Naçir nous jeta un coup
dœil et nous demanda ce que nous disions : « Vous avez
deviné », dit-il, quand nous lui eûmes répondu à voix
basse. Trois jours après 11 le fit revenir, et après lui
avoir énuméré toutes ses méchancetés et toutes ses infa-
mies, il lui fit couper le nez et les oreilles, puis le ren-
voya; il le fit ensuite revenir, lui fit amputer les deux
mains et le renvoya dans sa prison, où le misérable pas-
sa la nuit baigné dans son sang. Un des geôliers raconta
qu’il l’avait entendu prier son frère de l’égorger pour en
finir, [P. 277] car il craignait d’être encore torturé le len-
demain sous les yeux de ses ennemis; mais comme son
frère lui répondit d’attendre patiemment la réalisation
des décrets divins, il demanda à un gardien de le pren-
dre par le bras pour le mener satisfaire un besoin, et
pendant que son guide l’attendait, il se précipita le front
sur une colonne avec une telle violence que les yeux lui
sortirent de la tête et que la cervelle jaillit; il tomba
mort sur le coup. »

(l) Sur l’orthographe de cet ethnique, voir Ibn el-Athir, p. 416;
suprà, p. 368.

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– 395 –

Naçir ed-Dawla s’éloigna alors du Chélif. Er-Rak^k’
s’exprime ainsi : « Parmi les choses curieuses que nous
avons entendu dire de cette station auprès du Chélif,
citons qu’un grand cheykh berbère nous a dit qu’on
l’appelle la station des épreuves ; puis il se mit à nTénu-
mérer ceux des principaux chefs Zenâta qui avaient pris
la fuite ou avaient été tués ; mais nous étions en cours
de roule et je ne pus écrire (ce qu’il me disait). Il finit
en disant que le derniçr de ceux qui y moururent fut
Ziri ben c At’iya, le dernier de ceux qui s’enfuirent fut
H’ammâd ; que Yoûsof ben Aboû H’aboûs y fut mis à
mort et qu’on porta à son frère son cadavre, qui était
jeté en travers sur une bête de somme et dont les deux
pieds restaient visibles. Il le fit inhumer en cet endroit. »

A la suite d% la mort, survenue en chawwàl (mars-
avril 1016), de Warroû ben Sa c id, les Zenàta se divisè-
rent: une partie obéit à Khalifa ben Warroû, une autre
à son cousin Khazroûn, et Dieu les affligea de discordes ( f ).

Mort de Naçîr ed-Dawla Bâdîs.

Le mardi 29 dhoù’l-k’a c da (9 mai 1016), il fit procéder
au recensement (des troupes), et chaque officier sortit à
la tête du détachement qu’il avait sous ses ordres. Le
prince, qui se tenait assis dans le pavillon, donna à
Ayyoùb ben Itewwoufet Tordre de parcourir les rangs et
de faire le compte des guerriers, et attendit la fin de celte
opération. Ayyoùb lui fournit alors les renseignements
nécessaires, qui le remplirent de satisfaction et à la

(1) Voir Ibn el-Athir, p. 415. VHist. des Berb. (m, 265) place la
mort de Warroû en l’année 405,

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»* ^-F^ï

— 396 —

suite desquels il regagna son palais. Le soir il monta
à cheval parfaitement heureux et ayant la plus belle
apparence. Des joutes furent organisées sous ses yeux,
et lui-même ne brandissait pas une lance qu’il ne la rom-
pit, après quoi il en reprenait une autre. Il retourna au
palais plus plein d’espoir, plus gai et plus animé que
jamais; il-se mit à manger et à boire avec ses familiers
et ses proches, qui remarquèrent en lui une gaîté [P. 278]
inconnue, puis vers le milieu de la nuit du (mardi au)
mercredi 30 dhoû’l-ka c da, il était mort. Des messagers
furent aussitôt dépêchés à H’abib-ben Aboû Sa c id, à Bà-
dîs ben H’ammâmaW et à Ayyoûb ben Itewwoufet pour
les prévenir de l’événement, sans en rien dire à tous les
Çanhàdja ni aux autres, et ces chefs se retirèrent pour
tenir la chose secrète jusqu’à ce qu’ils se missent d’accord.
Lé matin, les chefs militaires se présentèrent comme de
coutume pour saluer le prince, car ils étaient sans nou-
velles, tandis que le projet des autres était [pour expli-
quer son absence] d’annoncer au peuple qu’il avait pris
médecine; les initiés firent, en outre, prévenir tous les
officiers d’arriver chacun avec leurs hommes, car ils ve-
naient d’apprendre que H’ammâd était près d’attaquer le
camp. Or ils ignoraient que la nouvelle de la mort du
sultan était partie de Moh’ammediyya, dont les habitants
avaient fermé les portes et étaient montés sur les mu-
railles [tout prêts à se défendre]. Ainsi fut connue la
nouvelle qu’ils furent impuissants à tenir secrète et qui
se répandit aussi vite que si elle eût fait l’objet d’une
proclamation. Les soldats troublés s’agitaient dans la
crainte de quelque désaccord, et on résolut par suite de

(1) Dans Jbn el-Athir, trad., p. 415, on Ut« ben Aboû Hamroàma ».

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.— 397 —

choisir Kerâma, qui leur fit prêter serment et fit envoyer
des lettres clans quelques endroits. Mais alors les escla-
ves noirs de Naçir ed-Dawla et tous ceux de son entou-
rage qui faisaient cause commune avec eux manifestè-
rent leur mécontentement, disant que s’ils avaient choisi
Kerâma, ce n’était que pour commander aux troupes et
veiller aux biens en attendant que tout fût remis à celui
qui y avait droit, El-Mo f izz ben Naçir ed-Dawla. Toute
la nuit, il y eut entre eux des allées et venues, et ils
s’engagèrent par serment à (soutenir) l’accession au trône
d’El-Mo c izz. Toutes leurs dispositions étant prises, ils en
publièrent le résultat le samedi 3 dhoû’l-hiddja (lSmai)^),
et” alors les divers corps de troupes vinrent successive-
ment prêter serment. On tomba d’accord pour envoyer
Keràma faire à Achir des levées de Çanhâdja et d’Outel-
kâta qu’il ramènerait à Moh’ammediyya. Après quoi les
troupes partirent en emportant le catafalque de Naçir
ed-Dawla.

Avènement et règne d’El-Mo’izz ben Bâdls Naçir ed-Dawla.

Ce prince fut proclamé à Mehdiyya le dit samedi de
406(13 mai 1016), à l’âge de huit ans et quatre mois( 2 ); la
prestation de serment eut lieu en cette ville le 21 dhoû’l-
hiddja, après l’arrivée de l’annonce (officielle; de la mort
de son père. Mançoûr ben Rechîk, le kâdi de K’ayrawân

(1) Cette date parait erronée, puisque Naçir ed-Dawla était mort
trois jours auparavant. Quelques lignes plus bas, il est dit que la
prostation de serment eut lieu le 21 dhoiVl-hiddja, et ensuite que les
troupes partirent de Moh’ammediyya le 10 du même mois.

(2) Ibn el-Athir le fait plus âgé de deux mois et quelques jours.

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– 398 –

et de Mohammed iyya, ainsi que les cheykhs et les Çan-
hâdjites présents à Mehdiyya allèrent présenter à* la
princesse Ouram Mellâl, qui se trouvait alors dans
cette dernière ville, leurs condoléances à l’occasion de
la mort de son frère. El-Mo c izz fît une sortie avec éten-
dards et tambours, et le peuple tout entier lui porta ses
félicitations, lui prêta serment, offrit ses compliments
de condoléance et adressa au ciel des vœux en sa faveur ;
après quoi il rentra au palais, et la population y pénétra
ensuite pour féliciter la princesse de l’avènement de son
neveu ; et alors les gens de K’ayrawân et de Man-
çoûriyya se retirèrent. El-Mo c izz resta à Mehdiyya, se
rendant chaque jour à cheval au Pavillon de la^ paix
(ICobbat es-selâm), où le peuple mangeait sous ses yeux,
purs il rentrait au palais.

Le samedi correspondant au jour de la Fête des Victi-
mes (10 dhoû’l-hiddja), les troupes partirent de Moh’am-
mediyya, après avoir mis le feu aux constructions, aux
maisons et aux enclos, le catafalque précédant les éten-
dards et les tambours, H’ammâd si*rveillait de loin ces
troupes qui s’écoulaient comme un fleuve devant le
catafalque, et il adressa ces réflexions à son frère et à
ses familiers : « Voilà comment ces gens servent les
princes ! Moi je suis venu en Ifrik’iyya avec trente mille
cavaliers dont il n’y avait pas un qui n’eût été l’objet de
mes bons procédés ou de mes largesses; et puis je suis
retourné à El-K’al f a n’ayant plus avec moi que moins de
six cents de ces hommes, et c’est en eux qu’il me faut
espérer de l’aide. Et celui-là, qui est mort, on lui obéit
comme s’il était vivant ! » L’armée arriva à Mehdiyya le
22 dhoû’l-hiddja. Les troupes paradèrent à la porte de
la ville, et El-Mo c izz, à cheval et sans bouger, vit jus-

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ç.T *-

– 399 -< qu’au bout toutes ces troupes descendre, détachement par détachement, pour le saluer. En 407 (9 juin 1016), El-Mo c izz ben Bâdis quitta Meh- •diyya et fit le vendredi 15 moh’arrem(23 juin) une magni- fique entrée à Mançoûriyya ; étendards et tambours le précédaient, et il descendit en grande pompe dans son palais, au milieu de l’allégresse universelle. Il y avait à K’ayrawân, dans le quartier nommé Derb el-Mo’allaW, des gens qui y cachaient leurs croyances chi ç ites pour éviter d’être molestés. La populace se pré- cipita inopinément sur eux rP. 280] et en tua un certain nombre, tant hommes que femmes, puis se donnant libre carrière elle livra k au pillage les maisons et les biens des Chi c ites. Les désordres furent très graves et se propagè- rent en province, où Ton tua un grand nombre de ces dissidents, sans parler de ceux dont on ne savait pas au juste les croyances. A Mehdiyya, les survivants se réfu- gièrent dans la grande mosquée où on les massacra tous, femmes comprises. La foule s’ameuta contre Aboû’l-Behâr ben Khalloûf, qui avait soulevé sa colère en réduisant les têtes folles et en agissant énergiquement; il dut se réfugier à Mançoûriyya, et sa demeure fut livrée au pillage. Son neveu, apprenant la chose, marcha avec ses soldats au secours de son oncle, mais la foule massacra celui-ci, infligea (à son cadavre) un traitement destiné à servir d’exemple et tua également tous ceux qui raccompa- gnaient ; puis elle marcha sur Mançoûriyya, qu’elle mit en ruines. Environ quinze cents Chi c ites se réfugièrent (1) Ibn el-Atkir écrit ce nom Derb el-Mok’alll (p. 447) et fait aussi le récit de ces troubles. Digitized by Google – 400 — dans l’habitation de Molf ammed ben r Abd er-Ralf mân ; chaque fois qu’il en sortait un pour acheter des vivres, il était massacré, et ce fut le sort de la plupart ; puis on en fit sortir (le reste) avec femmes et enfants, et on les • mena au palais du sultan. Les musulmans voyaient ces faits avec plaisir, car on avait trouvé dans les demeures de ces prétendus fidèles des livres qu’on mit au jour et qui renfermaient de nombreux passages où s’affirmaient l’incrédulité, des opinions sacrilèges et le caractère licite d’actes prohibés. Les survivants se tinrent solidement enfermés dans le palais pendant la fin du mois de djomâda I et le mois suivant (octobre-novembre). Vers la fin de cette annéeM arriva un rescrit dans lequel El-Hâkim s’adressait à El-Mo c izz ben Bàdis en le traitant de Cheref ed-Dawla. A cette occasion, le jeune prince fit une sortie avec étendards et tambours. En 408 (29 mai 1017), d’importants engagements eurent lieu entre les troupes de Cheref ed-Dawla el-Mo c izz et celles de H’ammâd, ce qui serait long à raconter ( 2 ). En -409 (19 mai 1018), environ deux cents Chi’ites à cheval accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants sortirent de la ville pour aller à Mehdiyya s’embarquer pour la Sicile ; des cavaliers leur servaient d’escorte. Le convoi était arrivé à la bourgade de Kâmil, où il passa la nuit ; les habitants des campements voisins les attaquèrent et les massacrèrent, non sans avoir violé quelques jeunes femmes et celles [plus âgées] qui avaient (1) Au mois de dhoû’l-hiddja (Ibn Khallikàn, ni, 386 ; lbn el-Athir, trad. p. 417). (2) On trouve sur ces faits quelques détails dans Ibn eUAthir (ih.) et dans les Berbères (u, 18). Digitized by VjOOQlC – 401 — encore quelque beauté. Toutes ces femmes furent d’ailleurs également massacrées* 1 ). L’Ifrik’iyya eut à souffrir cette année-là [P. ^81] d’une grande disette et de nombreux combats. En 410 (8 mai 1019), Zàwi ben Zîri Çanhâdji, après une absence de vingt-deux ans, revint d’Espagne en Ifri- k’iyya avec sa femme, ses enfants et ses serviteurs, après avoir pris part aux guerres et aux troubles de ce pays et ramassé des richesses provenant des trésors des rois qui y régnaient. Le jour de son arrivée, Cheref ed-Dawla el- Mo c izz, magnifiquement vêtu, se porta à sa rencontre : Zâwi s’avança à pied, et El-Mo^izz, qui descendit de che- val, reçut ses salutations et l’accompagna jusqu’à ce qu’il l’eût installé à Mançoûriyya^. En 411 (26 avril 1020), El-Mo c izz reçut Aboû’l-K’àsim ben El-Yezid, qui venait de la part d’EI-H’âkim lui apporter un sabre orné des plus précieuses pierreries ainsi qu’un vêtement tiré de sa propre garde-robè et plus beau qu’on n’eût jamais vu ; le prince, magnifiquement vêtu et en grand apparat, alla à sa rencontre, et il lui fut ■donné lecture d’un rescrit qui le remplit de joie à cause des expressions honorifiques qui lui étaient adressées et que personne n’avait reçues jusque là. En la même année, Moh’ammed ben c Abd el- c Aziz ben Aboû Kodya apporta un autre rescrit d’El-H’âkim en réponse à ce qu’avait écrit El-Mo c izz au sujet des affaires ■d’Espagne, de la chute de la dynastie Omeyyade et de l’élévation d’El-K’àsim ben H’ammoûd* 3 ). Le khalife lui (1) Cet alinéa ainsi que le suivant figurent dans la Biblloteca (n, 32)* (2) Voir Ibn el-Athir, p. 420 ; Berbères, h,- 19 et 44 ; m, $9 et 247 ; Dozy, Mus. d’Espagne, m, 288 et 317. (3) Ce prince régna à Gordoue jusqu’à 412 ; sur ces événements, voir Ibn el-Athir, p. 425. 26 Digitized by Google – 402 – en témoignait sa reconnaissance par l’envoi de quinze drapeaux tissus d’or, qu’El-Mo c izz fit porter devant lui quand il fit son entrée à cheval le 27 rebi c II (20 août 1020). Il tomba une pluie violente accompagnée de tonnerre et d’une chute de pierres plus grosses et plus abondantes qu’on n’avait jamais vu en Ifrik’iyya ; en même temps, la foudre tomba à deux reprises M. On apprit la mort d’EI-HYikim, khalife d’Egypte^ 2 ), à. qui succéda Ez-Z’àhir. En 412 (16 avril 1021), mourut Bàdis ben Seyf el- f Aziz billâh, sur qui Gheref ed-Dawla prononça les dernières, prières. Il lui fut élevé un magnifique monument funé- raire. La princesse veuve de Naçir ed-Dawla, étant venue à mourir, fut.ensevelie plus magnifiquement qu’aucun roi. Au rapport de marchands qui assistèrent à la cérémo- nie, cent mille dinars furent dépensés à cet effet; son corps fut déposé dans un cercueil d’aloès incrusté de pierres précieuses [P. 282] et dont les clous valaient deux mille dinars. Elle Jut inhumée à Mehdiyya à la suite de funérailles telles qu’on n’en avait jamais vu de pareil- les. En 413 (5 avril 1022), El-Mo’izz se maria avec un tef déploiement de pompe qu’aucun khalife n’en fit jamais- autant. Ladescriplion, que j’omets pour être plus court,, en est faite dans le livre d’Er-Rak’ik. (1) Les imaginations furent vivement frappées, car celait est aussi- rapporté par le dit chroniqueur (p. 448). (2) Hâkim périt le 27 chawwàl 411, dans des circonstances dont le rrécit se retrouve dans Wùstenfeld (p. 217); cf. Journ, As., 1860, u 144 ; Rel. des Druze*, intr., i, 406). Digitized by Google T^V”- – 403 – En 414 (25 mars 1023), on apprit de plusieurs côtés en Ifrîkiyya que Khalifa ben Warroûet ses partisans avaient lancé de nombreux navires et qu’ils étaient partis de Tripoli à la recherche de Fotoûh’ ben el-K’â’id, alors que, ayant antérieurement écrit à Cherel ed-Dawla el-Mo c izz pour lui annoncer qu’il devenait des siens et le recon- naissait, il avait reçu de ce dernier la ville de Neft’a dans la province de Constantinet 1 ). Cheref ed-Dawla se mit donc en route et, passant par Sousse, arriva à Mehdiyya le jeudi 4 moh’arrem (28 mars). Une procla- mation ann’onça une levée de matelots, et des lettres furent envoyées pour rappeler celles de ses troupes qui ne l’avaient pas encore rejoint, afin de rendre ainsi pos- sible son départ de Mehdiyya par Sfax et Gabès pour arriver à Tripoli. Il donna Tordre de mettre soigneuse- ment les troupes en état et de compléter les approvision- nements de l’arsenal; il se mit à fabriquer dans un délai très court des engins de guerre en plus grande quantité qu’on ne pourrait faire en un -long espace de temps. Mais ensuite, il estima devoir se rendre à Mançoûriyya pour permettre aux hommes de prendre leur équipe- ment et les objets nécessaires, et il arriva dans cette ville le lundi 24 moh’arrem (17 avril). La nouvelle piarvint d’Orient que le Prince des croyants Ez-Z’âhir li-i c zàz din Allah s’était fait amener Seyf ed- Dawla .dhoû’l-niadjdeyn H’oseyn ben c Ali ben Davvwâs Kotâmi, qui avait toujours évité par précaution de se- rendre au palais et qui cette fois n’en ressortit presque aussitôt qu’à l’état de cadavre^). Son corps resta sur place (1) On trouvera sur la révolte de Khalifa ben Warroû quelques renseignements dans les Berbères (m, 265). (2) Cette exécution se rattache aux troubles provoqués au Kaire Digitized by Google – 404 – pendant trois jours, tandis qu’un héraut proclamait : « Voilà la rétribution due à celui qui trahit ses patrons, » puis il fut remis à ses esclaves, qui l’enterrèrent. A la même époque on apprit la mort de la noble prin- cesse fille d’El-^Aziz billâhW, sur qui les dernières priè- res furent dites à Miçr par Ez-Z’âhir li-i c zâz din Allah. [P. 283] Elle avait pris le pouvoir en mains et établi pour l’expédition des affaires des règlements marqués au coin de la prévoyance et de l’habileté administrative. Après avoir fait exécuter le vîzir c Ammàr( 2 ), à qui avaient été confiés l’inspection des divers bureaux, des propriétés, du secrétariat, ainsi que les autres services du khalifat, felle s’occupa elle-même des soins de l’administration, et nulle affaire, grande ou petite, ne passait que revêtue de san visa transcrit de la main de son esclave Aboû’l- Bayân le Slave. En la même année, Mohammed ben c Abd el- c Aziz apporta à Cheref ed-Dawla, de la part du khalife d’Egypte Ez-Z’âhir, les preuves de la plus haute considération, et il fut donné lecture de rescrits tels qu’on n’en avait jamais vu de plus importants comme fond ni de plus relevés comme forme. Le khalife, faisant une addition à son par la mésintelligence régnant entre les Turcs et les Kotàma^cf. Wiïs- tenfeïd, p. 213). Au lieu de Hoseyn ben * Ali, on lit ailleurs Yoûsof (Rel. des Druzes, intr., p. 406 ; cf! Defrémery, ./. As., 1860, i, p. 144 et 146). (1) Il s’agit de Sitt el-Molk, l’intelligente et énergique princesse que certains chroniqueurs accusent d’avoir fait disparaître l’insensé H’àkim, son frère (Ibn el-Athîr, ix, 222 et s. ; Aboulfaradj, éd. de Beyrouth, p. 313; Quatremère, Mèm. sur l’Egypte, i, 324 ; Journ. as., 1860, i, 144 ; De Sacy, Druzes, intr. p. ccccu, ccccvi, ccccxxvi, etc. ; Wustenfeld, 214 et 219, etc.). (2) AboiVt-Hasan ‘Ammàr ben Mohammed ; comparez Wustenfeld, p. 220. Digitized by Google – 405 – surnom honorifique, l’appelait Cheref ed-Dawla wa- c Ad’odhà, et l’informait de la naissance de ses deux fils Aboû’t-T’âhir et c Abd Allah Aboû Mohammed ; à quoi il joignait trois juments tirées de ses propres écuries et magnifiquement sellées, un vêtement précieux d’entre les plus beaux de sa propre garde-robe, deux pommeaux d’étendards tissés d’or et montés sur des hampes d’argent dont il n’était jamais entré de pareil en Ifrîk’iyya, enfin vingt étendards dorés et argentés. Cheref ed-Dawla fit à ces cadeaux l’accueil le plus brillant et leur rendit les soins cérémonieux qu’ils méritaient. Les rescrits furent d’abord lus en sa présence, puis dans la grande mosquée de K’ayrawân ; il les fit transcrire pour les expédier partout, et ces pièces excitèrent une joie indescriptible. Dans la même année, un autre rescrit, apportant à Che- ref ed-Dawla une nouvelle preuve de considération, lui ordonna d’employer dans ses lettres la formule : « De la part de l’émir Cheref ed-Dawla wa- c Ad’od-hà », titre dont il devait aussi être qualifié dans la correspondance à lui adressée. Il reçut ce message en grande pompe, donna des robes d’honneur à ceux qui l’apportaient et le transporta en cérémonie. A partir de ce moment, on employa dans la correspondance ces qualificatifs pom- peux. La princesse Oumm Mellâl, fille d’ c Oddat el- e Aziz bil- làh, étant tombée malade, Cheref ed-Dawla alla quoti- diennement, pendant les quelques jours que dura sa maladie, lui rendre visite et lui tenir compagnie, per- mettant même à ses conseillers et à ses serviteurs de pénétrer auprès d’elle et d’y rester quelque temps. Le jeudi dernier jour de redjeb (17 octobre 1023), Dieu la rappela à lui. Le prince prononça les dernières prières Digitized by Google ^??SP” – 406 — et célébra les funérailles avec étendards, tambours et litières, [P. 284] déployant une pompe telle qu’on n’avait jamais rien vu de pareil ni pour un roi ni pour un sujet. Les deux nobles princesses, la mère et la sœur (du prince), y assistèrent. Le mardi 25 djomâda I (15 août), Gheref ed-Dawla confia à Àboû’l-Behâr ben Khalloûf la perception des impôts,* la direction des gouverneurs des provinces ainsi que l’inspection des troupes et de toutes les affaires. Alors tout marcha parfaitement, les provinces éloignées et les frontières furent contenues; l’administration se fît normalement, et Cheref ed-Dawla trouva en lui une fermeté, un talent, une décision et une sagacité qu’il n’avait encore rencontrés chez aucun de ses ministres (lacune de quelques lettres). En çafar 415 (avril-mai 1024), il lui naquit un fils qu’il nomma Kennâd. En redjeb (comm. le 7 septembre) eut lieu le mariage de la princesse Oumm el- c 01oû, fille de Naçir ed-Dawla et sœur de Gheref ed-Dawla (*>. Le mercredi 1 er cha c bàn
(7 octobre), le grand portique fut orné en son honneur;
la foule, grands et petits, put y pénétrer et contempler
toutes les pierreries, tissus, objets précieux, vases d’or
et d’argent qui lui étaient destinés et plus beaux que tout
ce qu’on avait jamais fait ou entendu dire pour aucun
roi jusqu’alors. Aboû Ish’âk’ er-Rak’ik’ s’exprime ainsi :
« Les visiteurs furent aveuglés par ce qu’ils virent, stu-
péfiés devant la magnificence de ce qu’ils contemplèrent. »
Tout cela fut transporté à l’endroit où l’on avait dressé

(1) Cette princesse fut faite prisonnière par les Zenàta entre 430 et
440 [Berbères, m, 266), probablement dans l’expédition relatée plus
bas sous l’an uée 433.

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– 407 –

des constructions, des pavillons et des tentes ; dix mulets
transportèrent les dix charges constituant la dot de la
future et sur chacune desquelles il y avait une jeune et
belle esclave ; ce qui représentait [par charge] cent mille
dinars en monnaie. D’après un marchand habile qui avait
évalué ce qui appartenait à la future, il y en avait pour
plus d’un x million de dinars, ce qu’on n’avait jamais vu
pour aucune femme en Ifrîkiyya. Dans la conduite pro-
cessionnelle de la fiancée, qui se fit le jeudi, cette der-
nière était précédée des esclaves noirs de son frère
Gheref ed-Dawla, de son père Naçir ed-£)awla et de son
grand père c Oddat el- c Azîz billàh, ainsi que des princi-
paux personnages de la cour. ‘De ce jour où les cava-
liers accomplirent les plus mémorables prouesses, les
descriptions enchanteresses remplirent les provinces’.

En cette année, Cheref ed-Dncien
dinar en valait quatre (nouveaux) plus deux dirhems; le
change du dinar nouveau était de trente-cinq dirhems (*).

La disgrâce frappa le k’â’id c Abbâd ben Merwân, sur-
nommé Seyf el-Moulk, qui faisait partie des intimes du
prince : succombant sous les attaques de ses ennemis,
il dut livrer tous ses biens, on arrêta ceux qu’il avait
nommés dans les cantons qu’il gouvernait, puis on le
jeta daps un sombre souterrain où on le laissa mourir.

. (1) Ces deux passages relatifs à la monnaie ont été repreduifs par
Sauvaire, Journ. As., 1882, i, p. 296 et 120.

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^

– 417 –

On apprit à K’ayrawàn qu’El-Kâ’id H’ammâd* 1 ) étail
mort dans sa- forteresse. Ibn Cberef dit dans une kaçîda :

[Khafîf] Il n’y a que les troupes fortunées à qui ni muni-
tions ni nombre ne sont nécessaires.

En 442 (25 mai 1050) les K’ayrawâniens et lea Sous-
siens mirent fin à des brouilles qui avaient surgi entre
eux ; les premiers donnèrent aux seconds des festins où
on se lava les mains avec de l’eau de rose et où Ton
s’essuya avec des serviettes de fine toile rayée ( 2 ).

Aboû Temim désigna comme héritier présomptif son
fils AboûVrâhir. [P. 291] D’après Ibn Ctieref, le prédi-
cateur, dans le prône qu’il prononça le vendredi à la
grande mosquée de K’ayrawàn, invoqua la bénédiction
céleste sur El-Mo c izz ben Bàdis et sur son fils et héritier
présomptif AboiVt-Tàhir, puis ajouta : a grand Dieu,
mets ton serviteur et ami Aboû’t-T ahir Témîm ben El-
Mo f izz et-T’âhir hors de portée de l’infidélité de Ma c add
ben ez-Z’âhir », c’est-à-dire du souverain d’Egypte.

En redjeb (novembre-décembre 1050), le juriste ascète
et moraliste [wâHz”) Aboû c Abd Allah ben c Abd eç-Çamad
sortit de K’ayrawàn sous la garde de plusieurs hommes
qui se rendirent avec lui à Gabès, tandis que, la cara-
vane partant de K’ayrawàn pour l’Egypte, il avait ordre
de l’attendre à Gabès pour continuer avec elle. Mais le
gouverneur de cette dernière ville reçut une lettre aux
termes de laquelle il ne devait laisser pénétrer personne

(1) L’éditeur a fautivement supprimé le ben qui précède ce mot,
ainsi que le prouve 17/. des Berb. (n, 46), qiw place à l’année 446 la
mort de ce chef, tandis qu’ailleurs ou trouve 445 (Ibn el-Athir, p. 461 h

(2) En arabe cherb, mot dont le sens a été précisé par Karabacek,
ap. Fleischer, Kleinere Schriften, n, 573.

27

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.*FÇ**L

– 418 –

auprès de lui pour lui rendre visite ou le saluer, ni lui
permettre de quitter son logement avant le jour de son
départ de Gabès. Le juriste. partit donc peu rassuré,
et fut en effet tué en route. Il faisait des exhortations
morales qui attiraient le peuple autour de lui et qui
étaient écoutées (avec empressement), car il parlait bien
et était caustique ; aussi El-Mo c izz était-il sur ses gardes
vis-à-vis de lui. Or quelques fakirs da K’ayrawân étant
allés l’entendre recueillirent certaines paroles malson-
nantes à leurs oreilles et les dénoncèrent au prince, qui
ordonna en conséquence son exil et sa mort. Le père du
défunt était alors dans la grande mosquée de-Miçr à faire
des exhortations morales, et ce fut là qu’il apprit la mort
de son fils. Il se rendit en pèlerinage cette année-là, et
Ton dit qu’il criait en faisant la promenade circulaire
autour de la Ka c ba : « O Seigneur ! tu as El-Mo c izz à pu-
nir ; ô Seigneur ! punis Ibn Bàdis. « Cette invocation fut
la cause de la ruine du royaume de ce prince et de la
destruction de sa capitale K’ayrawân, car la déroute qui
le frappa se produisit le lendemain du jour où cette
prière fut adressée au ciel, et ce fut la l’origine de la
ruine de K’ayrawân. Personne ne douta que la prière
n’eût été exaucée.

En 443 (14 mai 1051), on revêtit à -K’ayrawân les vête-
ments noirs et Ton dit les prières au nom des A-bbasides.

En djomàda II (octobre-novembre 1051), dit Ibn Che-
ref, El-Mo f izz fit appeler des teinturiers et leur donna
des étoffes blanches provenant du fondouk des toiles
pour les teindre en noir, ce dont ils s’acquittèrent parfai-
tement ; [P. 292] des tailleurs les transformèrent ensuite
en vêtements, et tous les juristes et les kàdis appelés au
palais, ainsi que les prédicateurs de K’ayrawân et tous

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– 419 –

les muezzins s’en revêtirent. Tout ce monde alors descen –
dit, suivi par le sultan à cheval, et arriva à la grande
mosquée; le prédicateur monta en chaire et prononça
un prône où il fut fait des émirs un éloge aussi pompeux
de forme que sérieux de fond, puis la bénédiction divine
fut appelée sur la tête d’Aboû Dja e far c Abd Allah el-
K’âim bi-amr Allah TAbbaside, du sultan El-Mo c izz ben
Bâdis et enfin du fils et héritier présomptif de celui-ci ;
après quoi il prononça des injures et des malédictions
contre les Obevdites chiites.

Détails sur les Obeydites.

Voici comment parle Aboû r Abd Allah Moh’ammed
ben Sa c doûn ben c Ali< 1 ) dans son ouvrage où il présente
aux K’ayrawâniens ses condoléances à propos des épreu-
ves subies par eux à la suite des troubles et des vicissi-
tudes des temps : « Il y a, dit-il, un chapitre où je parle
des premiers fondateurs de cette fausse doctrine qu’ins-
tituèrent c Obeyd et ses enfants et des mobiles auxquels
ils obéirent; dans un autre, je parle de l’envoi qu’ils

(1) Cet auteur est traité de « dévot calomniateur » par de Goèjo
(Mémoires sur les Carmathes, Leide, 1886, p. 158). 11 est fort rare-
ment cité, mais j’ai retrouvé son nom dans un fragment manuscrit
intitulé <^_>bV^ cJ-^ d’un certain ‘Abd Allah ben Mohammed ; il y

étant

titre qu’on retrouve un peu délayé dans les expressions de l’auteur
du Bayân (f. 84 v° de mon ms, qui est daté de 828 H.). Aboù ‘Abd
Allah Mohammed ben Sa’doùn ben ‘Ali K’nrawi était un juriste habile
qui étudia à K’àyrawàn, à la Mekke et en Egypte ; il écrivit divers
ouvrages de droit, s’occupa de commerce, parcourut l’Espagne et le
Maghreb et s’y livra à l’enseignement; il mourut à Aghmàt en 486
(ms 851 d’Alger, f. 31 v° ; cf. IbnFarhoûn, ms 5032 de Paris, f. 116 v).

est appelé le fakîh lbn Sa’doûn Kayrawàni et désigné comme et
l’auteur du ^U^-dLH ^Jojoo J.a\ ^1* ^jj^ U-> <^U^ft Jjb\ ^ tîfi*o m**r\n i.ûtnrkii va un nnn Hôlairô rlana Iac ovm>nccînna Ae* Pont

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– 420 –

firent partout de leurs cavaliers et de leurs missionnai-
res à l’effet de prêcher leurs doctrines ; un autre est con-
sacré à l’origine d ,
duisirent au grand jour et publièrent cette doctrine fut
Aboû c Obeyd Djennâbi< 2 ) lors de la conquête qu’il fit du Bah’reyn : il dispensa ses adhérents de l’observation de toutes les règles divines, permit ouvertement la forni- cation, la sodomie, le mensonge et l’usage du vin, et cessa la récitation de la prière. Ainsi agit aussi Içba- hàni : il défendit aux pages (gholmân) de résister à ceux qui pourraient avoir envie d’eux, et établit comme règle la peine de mort infligée à celui qui ne se laisserait pas faire. Il y avait une nuit, appelée imâmienne, où ses pro- pres femmes et celles de ses adhérents étaient confon- dues, et le nom ^enfant des frères était donné à celui qui était conçu dans cette orgie. L’Obeydite d’Egypte El-H’âkim prétendit être Dieu et chargea un homme qu’il appela hâdi (directeur) d’in- viter le peuple à adopter cette croyance; un autre Obey- dite, Ma’add, se prétendit prophète et fit crier du haut du minaret de la grande mosquée de K’ayrawân : « Je (1) H’amdàn ben Àeh’ath, surnommé Karmat (Ibn el-Athir, vu, 311 ; Religion des Druzes, inlr., p. xx et clxix). (2) Il faut lire Àboii Sa’id el-Hasan ben Behram Djennàbi ; ce per- sonnage établit son autorité dans le Bahreyn’ en 285 (Ibn el-Athir, vu, 240 *, de Sacy, Religion des Druzes, intr f , p. xxi et ccxi, etc.). Digitized by Google -*-? ~ 422 – témoigne que Ma c add est l’Envoyé d’Allah. » Cela jeta le trouble chez les habitants, qui furent terrifiés, et il dut les faire tranquilliser par ses agents. Mais les mission- naires qu’on envoyait au dehors avaient ordre de faire montre d’islamisme et de bonnes œuvres jusqu’au mo- ment où ils étaient assez forts pour agir à leur guise. c Obeyd Allah, qui se fit appeler Mahdi, avait Sa c id comme nom véritable, mais il prit celui d’ c Obeyd Allah pour cacher, vu les recherches dont il était l’objet, ses relations^ avec El-H’oseyn ben Ah’med ben Moh’am- medW. Ce Moh’ammed [P. 294] avait un fils surnommé AboûVSela f la c ( 2 ) ben c Abd Allah ben Meymoûn K’ad- dàh’, qui envoya au Maghreb, en qualité de missionnai- res, deux frères, lesquels s’installèrent dans la tribu des Kotâma pour y prêcher leur doctrine. L’un, H’oseyn, avait pour prénom Aboû c Abd Allah Chi c i et on l’appela l’instituteur (mo c allim), et l’autre, Aboû’l- c Abbâs, fut surnommé le censeur (moh’tesib)( 3 ). Nous avons déjà parlé de l’un et de l’autre. Tous les deux, s’affublant d’un masque de piété et de réserve, arrivèrent, à l’aide du mensonge et de la tromperie, à conquérir les diverses (1) C’est là le nom d’Aboù ‘Abd Allah Chi’i (voir lbn el-Athir, p. 280, et la note 3 ; Druzes, intt*., p. 453), et j’ai interprété en consé- quence. Si cependant notre texte est correct, ce qu’il dit ensuite de Moh’ammed et de ses fils ne parait pas concorder avec ce qu’on trouve ailleurs au sujet de généalogies d’ailleurs confuses {Religion des DruseSy intr., pp. 252, 257 et 453 -, lbn el-Athir, L l. ; de Goeje, Mém. sur les Carmathes du Bahraïn> notamment p. 158).

(2) Ordinairement orthographié Aboù’ch-Chelaghlagh, ainsi que
l’a fait encore de Goeje, 1. 1. p. 20.

(3) D’après un autre dire, c’est Aboù ‘Abd Allah qui aurait été
appelé moh’iesib à raison des fonctions de lieutenant de police qu’il
aurait remplies à Baçra {Berbères, h, 509 ; Djouweyni, ap. Defrémery,
Ismaéliens de la Perse, p» 35).

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– 423 –

régions d’Ifrik’iyya. Aboû f Abd Allah se rendit à Sidjil-
massa, où il tira c Obeyd de la prison où celui-ci était
renfermé et lui remit alors l’exercice du pouvoir; il fut
peu de temps après tué par les fils de son frère (*).

A son arrivée à RakVâda, ce maudit c Obeyd Allah fit
enlever par ses agents à K’ayrawân Aboû Ish’àk Ibra-
him ben Moh’ammed, connu sous le nom d’Ibn el-Ber-
dhoûn, ainsi qu’Ibn Hodheyl. Quand ces deux hommes,
savants humblement soumis à Dieu, lui furent amenés,
il était assis sur son trône ayant à sa droite Aboû c Abd
Allah Chi e i, à qui il devait sa royauté, et à sa gauche
Aboû’l-‘Abbàs, frère du précédent. Les deux frères leur
dirent simultanément: « Rendez témoignage que celui
devant qui vous êtes est l’Envoyé d’Allah ! » Les deux
savants répondirent simultanément et dans les mêmes
termes : « J’en atteste Allah, qui est le Dieu unique,
quand cet homme viendrait à nous avec le soleil à sa
gauche et la lune à sa droite, et que ces deux astres
pussent parler et dire de lui qu’il est l’Envoyé d’Allah,
nous autres nous ne le dirions pas ! » *Obeyd Allah les fit
égorger et attacher aux queues des chevaux, puis couper
en morceaux dans la grande rue de’ K’ayrawân G).

Aboû c Abd Allah Chi c i dit un jour au savant Aboû
“Othmàn Sa c id ben el H’addàd : « Le Koran enseigne que
Mahomet n’est pas le sceau des prophètes ( 3 >, car des
mots « l’Envoyé d’Allah et le sceau des prophètes »
(Koran, xxxiit, 40), il résulte que « le sceau des prophè-

(1) 11 faut probablement lire : « peu de temps après il fut tué, ainsi
que son frère » (Ilm el-Athir, p. 305; suprà, p. 227).

(2) A la page 212 on trouve une autre version de la mort de ces
savants.

13) C’est-à-dire le dernier des prophètes, celui qui en clôt la série.

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– 424 –

tes » est différent de « l’Envoyé d’Allah. » Aboû c Othmàn
répondit : « Cet et n’indique pas une proposition nou-
velle, mais est simplement conjonctif, comme dans cet
autre passage (Koran, lui, 3) : « [P. 295] Il est le premier
et le dernier, le manifeste et le caché. » Il lui dit une
autre fois : « Dieu enseigne que les Compagnons de Ma-
homet apostasieront, (car il est dit) « Est-ce que, s’il
meurt ou qu’il soit tué, vous retournerez sur vos pas ? »
(Koran, m, 138). — C’est là une phrase d’interrogation
dubitative, lui répondit Aboû Othmân, comme ailleurs
(Koran, xxi, 35) : « Et si tu meurs, sont-ils donc éter-
nels? ».

Devenu maitre du pouvoir, c Obeyd Allah fit égorger
le missionnaire Aboû c Abd Allah et son frère, de sorte
que Dieu tira d’eux vengeance par la main même de
celui pour qui ils avaient travaillé et commis des mas-
sacres, de celui qu’ils avaient réussi à tirer de prison et
à placer sur un trône. Ils ne restèrent avec lui qu’un an
ou environ après la réussite de leurs efforts. Dieu per-
mit ensuite à c Obeyd Allah de faire sentir sa force aux
chefs Kotâma dont les services l’avaient mis en mesure
d’arriver au souverain pouvoir, et il les mit tous à mort.

Ses descendants continuèrent de régner pendant envi-
ron trois siècles depuis la péninsule de Ceuta jusqu’à la
noble ville de la Mekke, car ses gouverneurs arrivaient
jusqu’à la pointe de Ceuta, de manière à apercevoir
[seulement] cette ville, puis ils repartaient. C’est là une
preuve de la faiblesse du monde et de son peu de valeur
aux yeux de Dieu, puisqu’il a permis à ces impies per-
vers d’infliger de terribles châtiments aux amis de Dieu;
mais le grand rendez-vous sera la résurrection et Dieu
sera le juge !

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-jT»;

– 425 –

Sous le règne d’ c Obeyd Allah, un cheykh avec ses che-
vaux se mit en voyage et il s’installa, pour passer la nuit,
dans une mosquée avec ses bêtes: « Comment, dit-on
aux voyageurs, pouvez-vous mettre vos chevaux dans la
mosquée ? — Leurs excréments et leur urine sont purs,
dirent-ils, puisque ce sont les chevaux du Mahdi. — Ce
qui sort [du corps] du Mahdi, repartit le gardien du
temple, n’est pas pur ; comment ce qui sort de ses che-
vaux le serait-il ? » Alors, l’accusant d’avoir médit du
Mahdi, ils s’emparèrent de lui et le. menèrent au prince
qui l’envoya exécuter au dehors, un soir (veille de) ven-
dredi; mais cet homme, près de mourir, lança une
malédiction que Dieu exauça, car il frappa son meur-
trier d’une vilaine maladie, dite des vers cucurbitains
(tœnia): des vers semblables à des grains de courge,
pénétrant dans son corps par l’anus, lui dévoraient les
intestins et les parties avoisinantes. On lui apportait de
grosses queues de mouton qu’il s’introduisait dans l’anus
[P. 296] pour donner aux vers de quoi manger, et ainsi
se procurer à lui-même un peu de soulagement ; quand
on enlevait une queue, elle était entièrement dépouillée
et on la remplaçait par une autre ; mais les vers, conti-
nuant leur travail destructeur, finirent par lui dévorer
les parties génitales, et il mourut. On apporta son cada-
vre à Ibn Ahyad(?)Ghassâni, excellent lecteur du Koran,
pour qu’il récitât le saint Livre, tandis que les fils
d’ c Obeyd rangés autour du cadavre pleuraient. 11 a
raconté lui-même ceci : « El-BaghdàdK 1 ) m’ayant dit de
commencer ma récitation, je cherchai ce que j’allais

(1) Deux fonctionnaires désignés par cet ethnique ont été men-
tionnés pp. 220 et 225.

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— 426 –

dire, et il ne me revint à la mémoire que les mots « //
viendra avec son peuple au jour de la résurrection
et il le fera descendre dans le feu, etc. » ( Koran, xi, 100).
Je cherchais vainement autre chose, de sorte que je
répétai ces mots plusieurs fois ; mais alors la peur me
prit que, cessant leurs pleurs, ils ne remarquassent ce
que je disais et ne m’envoyassent à la mort, et je m’es-
quivai. » On raconte encore que la Pierre noire fut en-
voyée à c Obeyd, à Mehdiyya, par le maudit Djennâbi et
qu’au bout de peu de jours le prince mourut dans les
conditions que nous avons dites. Quand son cadavre fut
inhumé, la terre le rejeta ; on le replaça, mais il fut ainsi
rejeté par trois fois. On dit à son fils AboiVl-K’àsim que
la cause en était la dite Pierre, et on lui conseilla de la
renvoyer où elle était. Il le fit, et le cadavre d ,

– 429 –

nom était H’amzaW, d’appeler la population à l’adorer,
lui Hâkim. En 410 (8 mai 1019), H’amza rédigea la lettre
[bien connue] qui fut lue au peuple, en présence d’El-
H’âkim, et où il était dit — combien la gloire divine est
au-dessus des efforts de ses détracteurs I — : « Louanges
à notre seigneur El-rTàkim seul ! En ton nom, ô Dieu
El-H’âkim qui établis le droit ! » Continuant sur ce ton, il
disait: «Je me repose en mon Dieu le Prince des croyants,
dont le nom soit exalté ! et c’est à lui que nous deman-
dons secours en toutes choses. » Il poursuivait cette
confusion dans le reste de la lettre, voyant en lui tantôt
le Prince des croyants et tantôt la Divinité elle-même.
On y trouvait également ceci : « Il m’a commandé d’abo-
lir ce qui, dans les anciennes religions et dans les codes
religieux effacés, ne doit plus être cru par vous », et d’au-
tres choses trop longues à dire* 2 ). Il avait lait dresser
au-dessus du palais un étendard rouge auprès duquel se
rassembla une foule qui a été évaluée à quinze mille
hommes; alors un Turc tua H’amza, et El-H’àkim fei-
gnit que ce meurtre de son secrétaire avait eu lieu par
son ordre W. Il allait très souvent la nuit monté sur un
àne au Djebel Mok’at’t’arn, et c’est dans une de ces pro-
menades qu’il fut tué lui et son âneW.
Après lui régna c Ali, surnommé Ez-Z’âhir, qui était

(1) H’amza ben ‘Ali ben Ahmed, véritable fondateur du système
religieux des Druzes, est ailleurs appelé Hâdi, directeur {Druzes,
intr , p. 387 et 432; ci-dessus, p. 421) ; le texte doit probablement être
ici corrigé. On peut voir aussi le récit de Djemàl ed-Din ap. Wusten-
feld, 205.

(2) Cette lettre ne parait pas être comprise dans les pièces druzes
analysées par de Sacy (Druzes, intr., 466 et s.).

(3) Je n’ai pu retrouver nulle part de mention de cette affaire.

(4) Le récit des circonstances où il périt est donné tout au long
dans les Druzes, 406 et s.

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– 430 —_

entièrement adonné à la boisson. Il portait des vête-
ments féminins, et les hommes, quand ils le voyaient
marcher dans un groupe de femmes, le prenaient pour
Tune d’elles. Frappé d’hydropisie, il devint comme un
véritable ballot et mourut W.

Son successeur Ma’add, surnommé El-Mostançir, tan-
tôt ordonnait et tantôt défendait d’injurier [les Campa-
gnons du Prophète], Rattachant dans ce dernier cas à
tranquilliser le peuple. Quand il marchait avec ses
troupes, il se faisait précéder de joueurs de flûte et
d’hommes qui récitaient des vers. On raconte qu’il
envoya un émissaire écrire sur les voiles de la Ka c ba,
par une nuit obscure, des injures à l’adresse des Com-
pagnons ; l’émoi fut grand le lendemain matin quand les
fidèles les découvrirent, et cela leur fit verser d’abon-
dantes larmes. Ce fut, dit Ibn Sa c doùn, leur principe
fondamental d’afficher des idées religieuses et de [faire]
le bien jusqu’au jour où ils devenaient les plus forts. »
C’est ici que j’arrête les faits que j’ai extraits [P. 299]
de l’ouvrage d’Ibn Sa c doûn.

D’après Ibn el-Kat’t’ân, les Obeydiles sont un groupe
râfid’ite et font remonter leur origine à c Ali ; mais la
plupart de leurs croyances sont impies.

A El-Mostançir ben ez-Z’ûhir succéda [en 487] son fils
El-Mosta f li, dont l’administration, mais non la religion,
fut moins ambiguë que celle de ses prédécesseurs.

Après sa mort et quand [postérieurement] son vizir El-
Afd’al eut été mis à mort( 2 ), toute l’autorité fut exercée

(1) Il mourut de la peste en 427, d’après Wustenfeld, p. 226.

(2) C’est El-Amir qui fit massacrer, à la fin de ramadan 515, le vizir
El-Afd’al ben Bedr el-Djemàli, émir el-djoyoûch (Ibn el-Athîr, x,416;

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-.^v .

– 431 –

par son fils El-Amir bi-h’okm Allah 0), qui était entêté,
tyrannique, injuste et violent. On vit souvent alors les
prétentions injustifiées l’emporter, l’oppresseur soutenu
contre l’opprimé et recevant de l’aide dans ses méfaits.
Le prince avait pris pour satisfaire à ses honteuses
passions deux jeunes gens du plus joli visage, et à cha-
cun desquels il donnait quotidiennement mille dinars.
Il organisait des fêtes au cours desquelles on pouvait
faire toutes les choses interdites, et un bon croyant
devait bon gré mal gré voir de ses yeux transformer
Tillicite en licite.

Après lui régna c Abd el-Medjid, surnommé El-H’âtiz’
li-dm Allah ben el-Mostançir, à qui il fut prêté serment
le jour du meurtre d’El-Amir [en 524], et dont le nom fut
prononcé au prône. Son vizir fut Aboû c Ali Ah’med ben
El-Afd’al [ben Bedr el-Djemâli] émir el-djoyoûch\ mais
Aboû c Ali exerça ensuite le pouvoir par lui-même.
Dans la période qui s’écoula de 526 à 532 (fin 1131 à 1137),
il fut commis d’infâmes trahisons et des faits honteux,
par exemple, le meurtre d’El-Amir, les troubles occa-
sionnés par son meurtrier H’irz el-Moloûk( 2 ), le meuftre
de celui-ci, l’exercice du pouvoir par Ibn el-Afd’al et sa

Wustenfeld, p. 289 ; Defrémery, Rech. sur les Ismaéliens, dans le
J. As., 1854, i, 403).

(1) On dit ordinairement El-Amir hi-ahkâm Allah.

(2) Au lieu de jjr^JltJlj -a» lecture qu’on retrouve encore plus
loin, on lit dans Makrizi (Khitat, éd. de Boulak, i, 357 ; n, 17 et 291)
^)UJ\ AjJb ou ii^UJVj^ib qui est le nom d’un des deux mam-
louks qui portèrent * Abd el-Medjid au trône après le meurtre d’El-
Amir par des Nizâriyya, meurtre qui est du 4 (ou du 14) dhoûM-
kada 524 (ib. n. 182 et 291; lbn el-Athir, x, 467; Defrémery, Mëm.
d’hist. or. y p. 240, et Nouvelles recherches sur les Tsm., p. 43 ; Wus-
tenfeld, Fatim., 298).

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-*. \?&*%iï

– 432 –

miseit mort, la reprise de l’autorité par c Abd el-Medjid,
les difficultés qu’il eut avec Yànis et comment il se
débarrassa de lui en allant le voir pendant sa maladie (*>,
l’exercice du pouvoir par H’asanŒ ben’Abd el Medjid,
la révolte qui éclata contre ce dernier et son suicide
par le poison, enfin, le retour d’ c Abd el-Medjid au
pouvoir.

Reprenons maintenant la suite de notre récit. En 443
(14 mai 1Ô51J, la nouvelle arriva que Moh’ammed ben
Dja’far KoûmK 3 ) était nommé [P. 300] kâdi en Egypte et
avait reçu les surnoms honorifiques de grand kâdi et
de grand missionnaire : « Dieu nous préserve, dit Ibn
Cheref, du châtiment final, car ainsi le kâdi du peuple
[orthodoxe] était l’un d’eux et suivait leur foi », c’est-à-
dire celle des Chi c ites.

On reçut à K’ayrawân une lettre par laquelle l’émir de
Barka, Djebbâra ben Mokhlâr f Arabi, annonçait sa sou-
mission à El-Mo c izz ben Bâdis; il ajoutait que lui et les
habitants de celle ville avaient livré aux flammes les

(1) Le texte me parait corrompu et je ne peux, en dehors de la
correction ï>^*4 le reconstituer. Ma traduction des brèves allusions
de notre texte repose sur le récit de Makrizi (Khitat, n, 16 et 17) :
Yànis, devenu vizir du khalife, eut dos diflicultés avec le prince,
qui lui fit administrer par son médecin un poison dont les effets se
portaient sur les intestins, puis sur le conseil de ce médecin il rendit
visite à son ministre, qui se leva pour le recevoir, et par ce mouve-
ment ainsi que par son attitude debout provoqua la chute de ses
intestins.

(2) Le texte porte « Hoseyn », que j’ai corrigé d’après lbn el-Athir
et Makrizi. Ce prince ne se suicida pas, mais fut empoisonné, ainsi
que le racontent ces auteurs. Voir d’ailleurs Wûstenfeld, p. 306.

(3) Dans la liste que donne Soyouti (ap. Wûstenfeld, 252) des vizirs
et des grands kàdis de cette époque, en Egypte, on ne trouve un ■
Moh’ammed ben Dja’far Maghribi, le même sans doute que notre
personnage, que parmi les vizirs.

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– 433 –

chaires d’où Ton avait prié pour les Obeydites ainsi que
leurs drapeaux, qu’ils s’étaient soustraits à leur autorité
en les faisant maudire du haut de la chaire et faisant la
prière au nom de TAbbaside El-K’à’im bi-amr Allah.
C’est alors que commencèrent les troubles d’Ifrik’iyya.

Grands troubles qui aboutissent à la ruine de K’ayrawân.

Quand, dit Ibn Cheref (*), on en vint à maudire publique-
ment les Obeydites du haut de la chaire et qu’El-Mo c izz
ben Bâdis eut donné Tordre de massacrer leurs adhé-
rents, les Obeydites permirent aux Arabes de franchir le
Nil [et de passer en Ifrik’iyya], ce qui leur avait été
interdit jusque-là d’une manière absolue. On donna un
dinar à chacun de ceux qui le passaient, et quantité le
firent sans y être nullement contraints, car le. prince
savait que toute recommandation était inutile. Les Ara-
bes passaient par troupes entières et ‘allèrent. s’établir
dans la région de Barka. Cette, situation durait depuis
quelque temps quand Mounis ben Yah’ya Riyâh’i alla
trouver El-Mo c izz, qui était dégoûté de ses frères les
Çanhâdja, et qui, poussé par une haine secrète, voulait
leur substituer d’autres guerriers, bien qu’il n’en eût
rien laissé transparaître^). Il vit avec plaisir l’installa-
tion auprès de lui de Mounis, personnage d’importance
chez les siens, brave et intelligent, et le consulta sur le

(1) Cet auteur, déjà cité, ne peut être que l’Aboù ‘Abd Allah ben
Cheref (Mohammed ben Aboû Sa’id ben Ahmed Djodhàmi) des mss
2327 de Paris, f° 43 v°, et 3331, f° 34.

(2) Sur l’invasion de l’Afrique par les Arabes, voir 17/. des Berbè-
res, i, 30; n, 21 ; Ibn el-Athir, p. 456; Tidjàni, Journ. As., 1852, H, 88,
etc. Les faits ne sont pas exposés partout de la même manière.

2*

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– m –

projet de composer son djond des Riyâhides ses cousins.
Mais Mounis le lui déconseilla, lui représentant combien
ils étaient peu unis entre eux et indisciplinés. Néan-
moins El -Mo’izz insista et finit par lui dire: « Tu veux
rester seul par jalousie contre ta tribu. » Mounis alors
se décida à aller trouver ses contribules, non sans avoir
renouvelé ses avertissements et pris à témoin plusieurs
conseillers du prince. Quand il les eut rejoints, il leur
fit savoir par proclamation [P. 301] qu’ils eussent à se
réunir autour de lui; ses promesses excitèrent leurs
convoitises, et il leur dépeignit d’ailleurs la grandeur
d’âme du prince et les bienfaits qui les attendaient, puis
il partit à. la tête d’une petite troupe qui ne connaissait
aucune des jouissances de la vie et n’avait jamais vu de
centre habité. A la première bourgade que ces gens ren-
contrèrent, ils se crièrent les uns aux autres que c’était
là K’ayrawân, et ils la livrèrent aussitôt au pillage.

Cette affaire connue à K’ayrawân fit une vive impres-
sion sur El-Mo c izz, qui dit que c’était un coup monté par
Mounis pour prouver la vérité de ses dires et montrer
que ses avertissements étaient fondés, et qui en consé-
quence fit arrêter ses femmes et ses enfants et apposer
les scellés sur sa demeure en attendant de savoir exacte-
ment son rôle en cette affaire. La connaissance du trai-
tement infligé à ses femmes et à ses enfants fut une très
pénible épreuve pour Mounis, qui s’écria : « C’est moi
qui ai donné le premier avertissement et sur qui ensuite
l’on retombe, que l’on rend responsable de la faute ! »
Il se montra dès lors le plus acharné de tous à faire du
mal, et c’était lui d’ailleurs qui connaissait le mieux les
points faibles de K’ayrawân. Le sultan leur envoya alors
des juristes porteurs de lettres où il leur adressait des

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– 435 —

recommandations et leur proposait des conditions, en
les informant en outre qu’il avait fait renvoyer les fem-
mes de Mounis; il fut conclu des conventions et dressé
des actes authentiques relatant leur soumission. Les
Arabes en conséquence envoyèrent (à K’ayrawân) cer-
tains de leurs cheykhs ; mais ensuite ils violèrent leurs
conventions avec le sultan et semèrent la dévastation
partout.

Faite d’El-Mo’izz ben Bâdis devant les Arabe».

Ce fut lors de la Fête des victimes de cette année (U
qu’eut lieu le terrible événement et l’affaire irréparable.
Le sultan, célébrant la fête le lundi, partit le matin du
dit jour pour une bourgade connue sous le nom de Benoû
Hilàl. Comme au milieu du jour il apprit que la bande
des Arabes s’approchait au complet, il donna l’ordre de
camper dans une région difficile et coupée de ruisseaux ;
ce mouvement n’était pas terminé que tous les Arabes
fondirent sur eux comme un seul homme. Bien que son
armée se débandât, El-Mo c izz résista jusqu’à ce que les
lances des Arabes fussent près de le frapper, et quantité
d’esclaves de sa garde noire sacrifièrent leur vie pour
lui; quant aux Benoû Mennâd, aux Çanhâdja et aux
autres Berbères, [Pi 302] tous s’enfuirent. Les Arabes
mirent leurs tentes au pillage et occupèrent le camp d’Kl-
Mo c izz, où ils trouvèrent en or, argent, marchandises,

*, (1) C’est-à-dire de l’année 444, ainsi que le dit TidjAni en termes
exprès, autrement dit le 1 er avril 1053. La date du 24 avril 1051 (trad.
d’ibn el-Athîr, p. 459) est une erreur de concordance provenant
de ce que ce chroniqueur parle de la bataille de Hayderàn sous
l’année 44^.

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-vrçqtj&rf

– m –

meubles, chaussures et affaires de toute sorte des quan-
tités dont Dieu seul sait l’importance : il y avait plus de
dix mille tentes et objets analogues, environ quinze mille
chameaux et plus de mulets qu’on ne saurait dire, si
bien qu’il ne resta à chacun des hommes du djond rien,
ou à peu près, qui eût quelque valeur. La plupart arri-
vèrent -à la montagne de H’ayderànf 1 ), et s’y dispersèrent
tout d’abord pour ensuite se chercher les uns les autres.
Les K’ayrawâniens, qui ne savaient rien, attendaient
tout parés quand, le surlendemain de la fête, arrivèrent
avec Ibn el-Bawwâb deux cavaliers accablés de tris-
tesse, la tête perdue et dans un état qui rendait toute
question inutile. On s’enquit du sultan, que Ton apprit
être sain et sauf et qu’on vit presque aussitôt arriver à
son palais avec son fils; après lui arrivèrent ses soldats,
isolés ou par groupes, mais beaucoup ne le rejoignirent
pas ; on sut ce qu’étaient devenus les uns, on n’eut pas
de nouvelles des autres, mais on apprit que les Arabes
avaient fait de nombreux prisonniers, Çanhàdja et
autres. Selon Ibn Cheref, il y eut quatre-vingt mille
cavaliers mis en déroute et un nombre proportionné de
fantassins. Les Arabes avaient trois mille cavaliers et
la quantité correspondante de fantassins. e Ali ben Rizk’,
dans une kaçîda commençant par :

” [T’awil] L’image d’Omeyma est venue me visiter au milieu
de la nuit, alors que les pieds des montures avançaient d’un
pas rapide, — ,

dit à ce propos :

(1) Ce nom, que je retrouve pas sur la carte, est aussi écrit Djen-
derân et Djendar ; voir Ibn el-Athir, p. 458, où les péripéties de la
lutte sont autrement exposées.

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– 437 –

Si quatre-vingt mille d’entre vous ont fui devant trois
mille, pareil fait doit servir de châtiment exemplaire 0).

Les Arabes arrivèrent alors dans les environs de
K’ayrawàn, et le premier d’entre eux qui se présentait
devant une bourgade se nommait et accordait une sauve-
garde en livrant son bonnet ou quelque morceau d’étoffe
sur lequel il traçait [P. 303] un signe attestant à ceux qui
le suivraient qu’ils avaient été devancés. Pendant deux
nuits, les K’ayrawâniens restèrent livrés à une crainte
dont Dieu seul connaît l’intensité, dans l’ignorance où
ils étaient du sort qui menaçait leur ville ; pendant deux
jours, aucun d’eux n’osa entrer ni sortir, tandis que les
chevaux arabes vaguaient en liberté dans les environs
immédiats de K’ayrawàn, sous les yeux mômes des
habitants.

Le septième jour de la Fête des victimes, Te sultan
sortit de la ville avec ses troupes du djond et la masse
des habitants, sans toutefois les mener au-delà du Mo-
çalla ; mais alors les Arabes, revenant sur les lettres de
sauvegarde qu’ils avaient données aux habitants des cam-
pagnes, se mirent à les piller, et comme ceux-ci se réfu-
gièrent à K’ayrawàn, le sultan fit livrer au pillage tous
les champs entourant K’ayrawàn et Cabra, autrement
nommée Mançoûriyya, chose dont les musulmans se
réjouirent fort et où ils virent une aubaine. Cette der-
nière ville finit selon ce que Dieu avait arrêté à raison
de sa corruption et [lacune]. ,

(1) Ces vers se retrouveut ailleurs et présentent des variante^ ;
notamment on lit trente mille au lieu de quatre-vingt mille {Berbè-
res, i, 35; Ibn el-Athir, p. 459 ; Tidjàni, J. As., 1852, n, 94). On les
attribue aussi à ‘Abd el-‘Aziz ben Cheddâd.

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– 438 –

Le 17 dhoù’l-hiddja (9 avril 1053;, les cavaliers arabes
se montrèrent à trois milles de K’ayrawân. Le sultan
alors parcourut la ville à pied, exhortant la population
à faire bonne garde et à élever les constructions néces-
saires, en quoi il fut obéi. Il fit amener à K’ayrawân la
masse du peuple et les boutiquiers de Cabra, dont on
dut évacuer les boutiques, tandisque tous lesÇanhâdjites
et autres militaires de K’ayrawân durent se rendre à
Cabra et s’installer dans ces locaux. Cette mesure pro-
voqua dans la ville un grand émoi et un très vif souci :
en effet, les esclaves noirs et les Çanhâdja enlevèrent et
arrachèrent les boiseries des boutiques et des galeries,
et dans l’espace d’une heure ce centre important fut en
ruines.

La population, qui était en proie à de vives alarmes,
vit le lendemain paraître les cavaliers arabes. Un ordre
du sultan défendit aux troupes de se montrer sur les
fortifications de Cabra. Je tiens, raconte IbnCheref, d’un
témoin digne de foi, qui s’enfuit de K’ayrawân en ne
marchant que de nuit et en se cachant dans le jour, que
tous les villages sans exception par où il passa étaient
détruits et incendiés; leurs habitants, hommes, femmes
et, enfants, étalaient leur nudité devant les murailles,
pleurant [P. 304] tous de faim et de froid. Les provisions
cessant d’arriver à K’ayrawân, les marchés ne furent
plus approvisionnés. Les Arabes, d’ailleurs, retenaient
tous ceux qu’ils faisaient prisonniers et ne les relâchaient
que contre rançon, tout comme pour les captifs chré-
tiens; quant aux pauvres et aux misérables, ils les em-
ployaient pour le service.

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– 439 –

Affaire du Bâb Toûuis, Tune des portes de K’ayrawân.

Les Arabes ayant fait une attaque de ce côté, la foule
sortit pour les combattre, qui avec des armes, qui avec
un bâton insuffisant à chasser le plus petit chien. Aussi
la charge que firent les cavaliers arabes resta-t-elle à
leur avantage, car leurs sabres et leurs lances eurent le
dessus : les Kayrawâniens tombèrent dans tous les sens
et furent repoussés du bout dçs fours à briques jusqu’à
cette porte, et ceux-là seuls échappèrent dont ‘l’heure
n’était pas venue. Ni morts ni vivants ne conservèrent
d’ailleurs une loque suffisante pour couvrir leur nudité.
Quand les Arabes se furent retirés, les morts furent
enlevés par les soins de leurs parents, et alors les
louangeuses et pleureuses firent entendre dans toutes
les rues de la ville des cris, étalèrent un spectacle de
nature à fendre le cœur d’une montagne. Les cadavres
des étrangers restèrent sur place, et le nombre des
blessés fut considérable: ces blessures étaient assez
hideuses pour produire une profonde horreur, ‘pour
émietter le foie, faire fondre le cœur et le corps. On
vit des fillettes au visage pâle et à la tête rasée se pen-
cher sur les corps de leurs pères et de leurs frères, lors
de ce jour de désastre, de cruautés et d'[horreurs] ; on
n’avait à aucune époque ni dans aucun pays vu pareille
chose I’ On passa toute la nuit dans l’inquiétude et la
désolation. C’est ici que s’arrête le récit résumé d’après
Ibn Cheref.

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– 440 –

Nouvelle défaite des Çanhâdja dans la montagne de H’ayderan ;
faite d’El-Mo’izz ben Bâdis.

El-Mo c izz, dit Aboû’ç-Çalt, marcha contre les Arabes
arrivant d’Orient et divisa ses troupes, dont il confia
Tune partie) à Ibn Selboûn [lacune],

[P. 305 ; redjez] Pour ce pouvoir d’un exercice difficile, ce
fut un enfant de sept ans qu’il suscita et investit de ce soin.

Il (El-Mo c izz) était brun, beau de visage, avait la voix
forte, était de bonnes mœurs et perspicace en affaires. Il
livra les Chi c ites à la mort et fit disparaître leur secte en
Ifrik’iyya, fit maudire leurs princes dans les chaires de
cette province tout entière, rendit à chacun des Com-
pagnons les hommages auxquels il a droit et rétablit.la
loi traditionnelle abandonnée depuis cent quarante ans.

Débuts de la dynastie Çanhâdjite.

Quand, à la suite de la conquête de l’Egypte par les
Obeydites, Ma c add ben Ismâ41 voulut partir d’Ifrîkiyya
pour se rendre dans ce pays, il appela Ziri benMennâd,
qui avait dix fils, dont le plus jeune était Bologgin :
« Fais venir, lui dit-il, tes enfants, car tu sais à quoi je
pense pour eux et pour toi. » Ziri les appela donc, moins
le cadet, alors que le destin ne voulait que celui-ci. Or
Ma f add, qui avait de la science des prédictions une
connaissance lui permettant de voir ce qui l’attendait et
de distinguer les hommes de mérite d’entre ses princi-
paux compagnons, savait quel indice marquait le lieute-
nant qu’il avait, lui-même devant régner en Egypte, à

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– 441 –

laisser en Ifrik’iyya et au Maghreb. Ne trouvant cet indice
sur la face d’aucun des enfants de Zirî : « N’as-tu, dit-il
à celui-ci, astucieusement caché aucun de tes fils? —
11 me reste un tout jeune garçon. — Je n’ai pas de cesse
que je ne Taie vu, car je ne veux d’autre que lui! » En le
voyant, il reconnut qu’il était prédestiné; “il confia aussi-
tôt sa lieutenance au jeune homme qui, sur le champ,
fut chargé de l’administration, qui inspira une crainte*
refoulant les passions dans les cœurs, qui fit de lointai-
nes expéditions et acquit un grand renom. Il poussa ses
campagnes jusqu’à Ceuta, ce dont le récit serait trop
long. Quand il eut répondu à l’ange de la mort, l’Ifrî-
k’iyya passa à ses fils et arriva ainsi à El-Mo’izz ben
Bâdîs, la gloire de sa” famille et le dernier de ces princes
célèbres”. Signalons la concordance curieuse entre les
nom et prénom d’EI-Mo c izz Aboû Temim Ma’add ben
Ismà’il l’Obeydite, l’homme aux prédictions, et El-
Mo e izz Aboû Temim le Çanhâdjite.

” Ce dernier marqua ses débuts et confirma, du moins
il le croyait, son pouvoir par le massacre des Râfid’ites
et l’envoi au Prince des croyants, alors régnant à Bagh-
dàd, d’un message lui portant sa foi, [P. 306] en retour
de quoi il reçut un vêtement d’honneur et un titre hono-
rifique, d’après un plan qui tout d’abord le séduisit et lui
fit oublier ce qu’en seraient manifestement les suites. Ce
qu’ayant appris, le prince Obeydite, dont le ministre
était alors Djerdjerâ’i, lui en fit subir les conséquences
et décocha contre lui les traits de sa désapprobation.
Aux tribus issues d’ c Ainir ben Ça f ça c , les Zoghba, les
f Adi, les Athbedj, les Riyâh et autres, établies dans le
Ça c id, qui n’étaient pas autorisées à se déplacer ni à
franchir le Nil, Djerdjerâ’i permit de réaliser sur EU

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>:r*m

– 442 —

MoMzz des convoitises qui depuis longtemps les tourmen-
taient et fixaient leurs regards. Il le couvrit ainsi d’un
flot semblable à celui d’Irem et lança contre lui l’avilisse-
ment de l’infortune. El-Mo c izz en prit d’abord une partie
à son service et les accabla de ses bienfaits. Cela leur
permit de se frotter de près aux diverses provinces, de
s’insinuer auprès de ses guerriers, de bien examiner les
points faibles, et alors, sa situation leur étant claire et
son impuissance certaine, ils ouvrirent les hostilités et
livrèrent les combats dont il a été fait un récit abrégé,
qui le menèrent à sa perte et au cours desquels il fut
assiégé. Cependant il leur faisait des largesses et les
adjurait en invoquant la crainte de Dieu; il convint de
mariages et donna plusieurs de ses filles à divers chefs,
qui devinrent ainsi ses gendres et se constituèrent ses
aides (*). Quand son âme rongée par les soucis eut défi-
nitivement perdu tout espoir, il rassembla ceux qui
dépendaient de lui, chargea sur des montures sa famille
et ses meubles, et laissant le pouvoir à ceux qui l’avaient
défendu et soutenu, il partit protégé par ses gendres
contre des embûches possibles, et arriva ainsi à Meh-
diyya, où il habita plus humble que le Soleil dans le
signe de la Balance, plus méprisé que le pauvre assis
sur son derrière. Nul de son temps n’avait été plus brave
dans les combats, n’avait eu la main plus ouverte dans
les bienfaits, n’avait mieux possédé la langue arabe,
n’avait plus étudié les belles-lettres”.
On cite cet acte de libéralité par lequel il donna d’un

(1) A propos de ces mariages, cf. ce que dit Ibn Khaldoûn {Berbè-
res, i, 34 et 36 ; h, 21) ; voir aussi Tidjàni (l. I, 90; ./. À**., 1853, i, 371).
— Je lis Aa*\ au lieu de Oa»\ du texte.

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1-^1

— 443 –

coup à El-Montaçir ben KhazroûnW cent mille dinars,
en outre d’une belle monture et d’un magnifique costume.
Il avait l’intelligence vive, de la présence d’esprit, une
pénétrante connaissance des divers modes musicaux et
savait manier la prose et le vers. Il fut loué par nombre
de poètes, [P. 307] à qui il ne ménagea pas les bienfaits:
tels furent c Ali ben Yoûsof Toûnesi ( 2 ), Ya c la ben Ibrahim
ArkochiO), Aboû c Ali ben RechikW, K’orachi, Ibn Cheref
et d’autres dont rénumération serait trop longue, sur-
tout si je citais de leur prose ou de leurs vers. Aboû’l-
H’asan Khawlâni, connu sous le nom cTEl-H’addâcK 5 ),
dit : a J’ai réuni une grande partie de son histoire et de
ses combats, aussi bien que la description de sa sortie
de K’ayrawân et de l’abandon qu’il fît aux Arabes de la
plus grande partie de son royaume, dans une kaçîda qui
débute ainsi :

[T’awîl] La troupe était partie quand (ma monture ?) elle-
même entreprit en chancelant son voyage nocturne, alors
que les astres brillants avaient commencé à diminuer d’éclat.

On y lit:

Si ma constance, trompant la confiance que j’avais en elle,

(1) Le bénéficiaire de cette libéralité est appelé El-Mostatiçir Zenàti
par Ibn el-Athir (trad., p. 469), tandis qulbn Khaldoûn parle d’El-
Montaçir ben Khazroûn, qui fut assassiné entre 460 et 470 {Berb., m,
268).

(2) Un article lui est consacré par Ibn FadM Allah (ras 2327 de
Paris, f. 46 v°).

(3) C’est-à-dire originaire d’Arcos de la Frontera, eu Espagne
(Edrisi, p. 208). Mais il est appelé ailleurs el-Orbousi, originaire de
Laribùs (ms 2327 de Paris, f . 78).

(4) Aboù ‘Ali el-H’asan ben Rechik K’ayrawàni (Ibu Khallikan, i,
384 ; m, 387 ; Ibn el-Athir, tiad., p. 469).

(5) D’après Tidjàni, AboCH-Hasan ben Mohammed el-Haddad ;
voir infrà.

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– 444 –

m’a trahi, ce sont les tribus, ce sont ses partisans qui ont
trahi notre Maître. S’il avait voulu rassembler les troupes
des djond, barbares et Arabes auraient quitté leurs pays pour
se joindre à lui ; mais il a fermé les yeux, car il savait ce
que renferment à ce sujet les recueils de prédictions et les
livres.

Il ne resta à Mehdiyya qu’environ deux ans avant que
son règne et sa vie prissent fin ; il mourut le samedi
25 cha c bân 454 (2 septembre 1062) d’après Aboù’ç-Çalt.
Comme il a été dit plus haut, Ibn Cheref le fait mourir
en 455(D.

Il eut pour fils Temîm, Nizàr, c Abd Allah, c Ali, H’am-
mâd, Bologgîn, H’ammâma et El-Mançoûr.

Quelques détails sur le règne de l’émir Temlm ben el-Mô’izz (2).

«

Né à Mançoûriyya en redjeb 422, il avait deux ans
quand son père l’exhiba au peuple, monté sur un cheval
et suivi des troupes, pour le promener dans les deux
villes de K’ayrawân et de Mançoûriyya. Il avait vingt-
trois ans quand, en 445 (22 avril 1053), il arriva au gou-
vernement de Mehdiyya, qu’il conserva jusqu’à l’arrivée
de son père chassé de Mançoûriyya. A l’approche de ce
dernier, il marcha à sa rencontre avec les siens, mit pied
à terre en l’apercevant, baisa le sol devant lui et le pré-
céda à pied, en un mot, démentant par toutes ses
démonstrations de soumission les mensongères et
calomnieuses accusations de révolte qu’on avait lancées

(1) Sur la daté de sa mort, qu’on place aussi en 452, voir lbn el-
Athir, trad. p. 468.

(2) Voir sur ce prince Ibn eNAthir, p. 470; Ibn Khallikan, i, 281;
Berbères, il, 22.

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– 445 –

contre lui. [P. 308] Alors son père bénissant le ciel le fit
remonter à cheval, et tous deux rentrèrent de compagnie
à Mehdiyya, où El-Mo c izz descendit au palais. Ce fut son
fils ïernîm qui continua de gérer les affaires de l’État.

En 455 (3 janvier 1063), Temim conquit Sousse, dont
les habitants, depuis qu’ils s’étaient révoltés contre son
père [lacune]^) ; il leur fit grâce et miséricorde.

En 456 (24 décembre 1063 j, Hammoù ben Melll Ber-
gha\vàti,qui s’était révolté à Sfax, s’avança contre Meh-
diyya avec des Arabes dont il s’était assuré le concours.
A Cette nouvelle, Temim marcha contre lui, soutenu par
de nombreux Arabes de Zoghba et de Riyàh’, tandis
qu’une portion des c Adi et des Athfredj étaient avec
H’ammoû. A la suite du combat qui s’engagea, les sol-
dats de ce dernier s’enfuirent et lesépées, s’abattant sur
eux, y semèrent la mort^.

En 457 (12 décembre 1064), Èn-Nâçir ben [ . . . ] H’ammàd
subit une défaite complète. Il sjétait mis en campagne
avec de nombreuses troupes composées de Çanhâdja,
de ZenâlA, d’ c Adi et d’Athbedj ; les Riyàh’, les Zoghba
et les Soleym le mirent en déroute, lui tuèrent beaucoup
d’hommes et livrèrent au pillage ses tentes et ce qu’il
possédait. Son frère El-K’âsim ben Ghilnâs( 3 ) périt éga-

(1) Cette campagne contre Sousse en 455 est aussi rappelée ailleurs
(Ibn el-Athir, p. 471 ; Berbères, u, 22; Tidjàni, J. As. f 1852, n, 130),
mais dans des termes qui ne permettent pas de suppléer ce que la
main du copiste, probablement, a laissé tomber.

(2) La campagne contre Sousse et celle contre Hammoû sont pla-
cées en 455 par Ibn el-Athir et par Ibn Khaldoùn ; Tidjàni place la
seconde en 454 (voir Ibn el-Athit*, p. 471).

(3) Ce nom est écrit ‘Alennàs par Ibn el-Athir et Ibn Khaldoùn ;
d’après une glose ajoutée au texte du Moscktabih de Dhehebi (p. 336)
la forme correcte serait l Annâ8 ; un ms d’Ibn el-Athir (t. x, p. 31 n.
du texte arabe) épelle ‘Alnàs. Le traducteur de Tidjàni (J. as., 1853,
i, 384) écrit Alnas.

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– 446 –

lement. L’une des principales causes de celte affaire fut
les manœuvres de Temim à son égard (*).

En 458 (2 décembre 1065), Temim envoya contre Tunis
un fort corps d’armée qui assiégea cette ville pendant
quatorze mois et qui la réduisit à l’extrémité. Puis il
survint entre lui et Ibn Khorâsân W, chef de cette ville,
un arrangement, aux termes duquel les assiégeants se
retirèrent.

En 459 ( 21 novembre 1066), eut lieu dans le Maghreb
extrême la révolte de Moh’ammed ben Idris ben Yah’ya
ben c Ali ben H’ammoûd H’asani, qui reçut de Melila un
appel auquel il se rendit. Il fut soutenu par un groupe
de Benoû Ourtedi de Melila et des environs. Il avait
antérieurement été proclamé khalife à Malaga sous Je
nom d’El-Mosta c li, et resta dans cette ville jusqu’à Tan-
née 447 (1 er avril 1055), où Bâdis ben H’aboûs Çanhàdjî,
prince de Grenade, eut le dessus sur lui et mit ainsi fin
à la dynastie des Hamrpoûdites régnant alors en £]spa-
gnç. Moh’ammed se tint alors caché à Alméria jusqu’au
moment où il reçut l’appel qui lui fut adressé (de Me-
lila).

En 460 (10 novembre 1067), En-Nâçir ben Ghilnâs ben
H’ammàd, qui avait avec lui les Athbedj comme contin-
gent arabe, mit le siège devant Laribus et le poursuivit
[P. 309] jusqu’à ce qu’il conquit cette ville ; il épargna

(1) L’expression employée dans le texte est assez vague; comp.
Berbères, n, 48; lbn el-Athir, 336; et Ylstibçâr, tr. (r., p. 33 (et cf.
p. 214), où l’auteur a confondu Mançoùr avec son père Nâçir.

(2) Il s’appelait ‘Abd el-Hakk bon ‘And el-‘Aziz ben Khorâsân ; il
reconnut l’autorité de Temim à la suite d’un siège de quatre mois,
d’après Ibn Khaldoùn {Berbères, h, 22 et 30 ; comparez aussi le récit
d’Ibn el-Athir (p. 478), qui n’est pas très net, et où ce chef est appelé
Ahmed ben Khorâsân).

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— 447 –

les habitants, mais lit exécuter Ibn Mekràz, qui y gou-
vernait M.

La môme année, le dit En-Nâçir arriva à K’ayrawân
et y fit son entrée avec les Arabes.

En la même année, l’émir des Lemtoûna se rendit en-
tièrement maître de l’autorité dans le Gharjj. Les tribus
des Maçmoûda, le Der c a et Sidjilmâssa se soumirent à
lui, et il battit les Zenâta qui étaient fixés dans ces ré-
gions.

En 461 (30 octobre 1068), En-Nâçir ben Ghilnâs ben
H’ammâd retourna de K’ayrawân dans son chàteau-fort,
car il eut peur des bandes d’Arabes [qui s’étaient coali-
sées contre lui].

Aboû Bekr ben c Omar Lemtoûni commença à bâtir
Merrâkech, ainsi qu’il sera dit en son lieu* 2 ).

En 465 (16 septembre 1072), des bâtiments orientaux
étant arrivés à Sfax, le sultan Temim ben el-Mo c izz
envoya de Mehdiyya contre eux sa flotte, qui les anéan-
tit.

En 466 (5 septembre 1073) ou, selon une autre version,
en 467 (26 août 1074), les Zoghba furent chassés d’ifri-
k’iyya par les RiyâlV, qui vendirent K’ayrawân ( 3 ) à En-
Nâçir ben Ghilnâs ben H’ammâd Çanhâdji, seigneur de
la K’al c a (des Benoû Hammâdj.

En 468 (15 août 1075), des Arabes venus de Bark’a
s’installèrent autour de K’ayrawân.

En 469 (4 août 1076), une grande disette sévit en Ifri-

(1) La prise de Laribus en 460 est aussi rappelée par Ibn el-Athir.
p. 479. Ibn Khaldoùn n’en parle pas.

(2) Sur la fondation de Merrâkech, voir ‘Abd el-Wàhid Marrakech i,
tiad. p. 83.

(3) Comparez Ibn Khaldoùn, Berb., n, 23,

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‘ :-^T

– 448 –

k’iyya, et une violente épidémie y enleva beaucoup de
monde.

En 470 (24 juillet 1077), Temîm ben El-Mo’izz fil la paix
avec son cousin En-Nâçir, à qui il maria sa fille Bellâra (*) ;
il la lui envoya de Mehdiyya en compagnie de nombreux
soldats, d’argent, d’effets et de choses de valeur.

En 474 (10 juin 1081), Temim mit le blocus devant
Sfax( 2 ), dont les jardins connus sous le nom de Ghàba
(forêt) lurent ravagés et anéantis par les soldats.

En 470(24 juillet 1077), Temim avait investi son fils< 3 ) du gouvernement de Tripoli. En 476 (20 mai 1083), Mehdiyya fut assiégée par Màlik ben Ghaloûni* 4 ), qui vint camper sous les murs avec de nombreuses bandes d’Arabes. Temim dirigea contre lui une sortie qui mit son ennemi en déroute ; celui-ci dut s’éloigner de la ville et pénétra alors à K’ayrawân* 3 ). .En 479 (17 avril 1086), Temim assiégea simultanément les deux villes de Gabès et de Sfax ; jamais on n’avait entendu parler d’un double siège de ce genre ( f >>.

En 480 (7 avril 1087), il y eut une éclipse complète de

(1) Sur le sens adopté dans celte traduction, voir lbn el-Athir,
p. 479, n. 4.

(2) C’est du siège de Gabès et non de Sfax que parlent, sous Tannée
474, lbn el-Athir, p. 480, et lbn Khaldoûn, H, 24.

(3) Ce fils s’appelait Mok’alled, à ce que dit lbn el-Athir, p. 479, qui
donne également la date de 470.

(4) Ce dernier nom se lit Ghalhoûn deux pages plus loin, et l’édi-
teur a, dans ses Corrections, adopté cette dernière lecture. lbn el-
Athir lit Mâlik ben k Alewi Çakhri, p. 480 et 492 ; le traducteur de
Tidjàni écrit Malek ben Aloua ben es-Sekhri (./. As., 1853, i, 373).

(5) Ville d’où il fut bientôt expulsé {Berbères, n, 24 ; lbn el-Athir,
p. 480).

(6) Ce double siège, sur lequel lbn Khaldoûn garde le silence, est
aussi mentionné par lbn el-Athir, p. 485.

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– 44Ô –

soleil, et les (ihrétiens arrivèrent devant Mehdiyya avec
trois cents navires de guerre, sur lesquels étaient embar-
qués trente mille guerriers^).

[P. 310] Entrée des Chrétiens à Mehdiyya.

Les causes de cet événement, en outre du décret divin,
furent les suivantes: l’absence de Tannée du sultan, la
soudaineté de l’arrivée des chrétiens, qui ne permit pas
de rappeler les troupes et de prendre les dispositions
nécessaires pour la résistance, le fait que les habitants
étaient complètement dépourvus d’armes et d’approvi-
sionnements, le peu de hauteur et l’état de délabrement
des murailles, le refus de Temîm d’ajouter foi aux nou-
velles qu’il recevait, l’impéritie d ,’ – Wl

<•* 450 –

attaqué par un ennemi dont le nombrd” rivalise avec celui
des sauterelles ou k des vers. De partout, ils se sont coalisés,
— et plût au ciel que cela ne se fût pas fait ! — pour être
vingt mille et la moitié en plus, puis sont tombés à Timpro-
viste sur des gens qui avaient oublié leur science de la
guerre. j

! En 481 (26 mars 1088) mourut En-Nàçir ben Ghilnâs, à
qui succéda son fils El-Mançoûr. :

En 482 (15 mars 108Ô), Mâlik ben Ghalboûn fit une
expédition contre Sousse, dans laquelle il pénétra avec
un groupe de ses partisans; mais il ne put y faire ce qu’il
désirait, car il fut mis en fuite en laissant plusieurs des
siens sur le carreau et d’autres dans les mains de ceux
qu’il avait attaqués ‘*).

En 483 (5 mars 1090), le prix des vivres s’éleva beau-
coup en Ifrîk’iyyaetune cruelle disette s’y fit sentir.

En 484 (22 février 1091 j, la situation en ïfrîkiyya fut
bonne, grâceà l’abondance de Ta récolte et au bon mar-
ché des vivres.

En 486 (31 janvier 1093), l’armée de Temîm bloqua
Gabès et ne bougea pas avant d’en avoir conquis le fau-
bourg.

: En 488 (10 janvier 1095), eut lieu la trahison de Chah
Mâlik le Ghozz [P. 3X1] envers Yah’ya, fils du sultan
Temîm ben el-Mo c izz. Temîm, qui redoutait ce Turc, était
peu favorablement disposé pour lui, et par ses paroles
il s’aliéna également les compagnons de ce chef. Chah
Màlik, qui était d’ailleurs un homme des plus rusés, en
fut blessé, et Yah’ya ben Temîm étant, sur ces entrefaites,

(1) 11 a été déjà question de ce chef p, 448. Ibn el-Athîr parle aussi
de son attaque de 482 contre Sousse (x, 119 du texte ar.).

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• /’ ‘

– 451 –

allé à la chasse avec quelques-uns de ses familiers et de
ses compagnons de table, fut surpris et arrêté avec plu-
sieurs d’entre eux par Chah Mâlik assisté d’une forte
troupe de ses partisans. Temîm prévenu envoya aussitôt
de la cavalerie à sa poursuite, mais le Turc avait déjà
décampé vers Sfax, où il pénétra. Le chef de cette ville,
H’ammoû ben Meltl, se porta à la rencontre xle Yah’ya
ben Temîm et de soa ravisseur. Quand ceux-ci furent là
de quelques Jours, (H’ammoû) écrivit à Temîm d’envoyer
les femmes et les enfants du Ghozz, ce qui fut fait, et le
sultan (en échange) rappela à Mehdiyy a son fils Yah’ya
et les siens t 1 ).

En 489 (30 décembre 1095), Temîm conquit Gabès et
en expulsa son frère ‘Omar* 2 ) ben El-Mo c izz, dont les
habitants avaient fait leur gouverneur.

En 491 (8 décembre 1097), il y eut en Ifrîkiyya une ter-
rible disette. Temîm conquit l’île de Kerkenna et la ville’
de Tunis < 3 >. Les Benoû c Adi s’enfuirent d’Ifrikiyya chas-
sés par les Riyâh\ ?

En 493 (16novembral099), Temîm conquit Sfax, d’où
H’ammoû ben Melil s’enfuit à Gabès. Il fut accueilli par
le chef de cette ville Medjal ben Kâmil Dehmâni, auprès
de qui il trouva un refuge jusqu’à sa morU 4 ).

(t) Ces faits sont exposés plus au long par Ibn-el-Athir (x, 164
du texte ar.) ; le nom de ce Turc y est écrit Chah Melik.

(2) Dans le récit qui est fait ailleurs de ces événements, on lit ‘Amr
(Ibn el-Athîr, x, 175, du texte âr.), mais aussi k Omar {Berbères, h,
24 et 35).

(3) Sur la lecture de ces deux noms, voir Ibn-el-Athir;” trad., ad x,
191, note; Berb. y n, 24, n. 2.

(4) Voir le récit plus détaillé d’Ibn el-Athir (x, 164 et 202, dû texte ar.).
Au lieu de Medjal, on lit Mekken dans Ibn Khaldoùn {Berb., n, 24
et 35),

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– 452 –

En 498 (22 septembre 1104) mourut El-Mançoûr ben
En-Nâçir ben Ghilnàs, prince de Bougie, d’El-K’a^a et
de la région. Son. {ils Bâdis, qui lui succéda, mourut au
bout de peu de temps et fut remplacé par son frère El-
«Azîz billâh ben El-Mançoûr (*). *

En la même année, les Romani (sic) parurent devant
Mehdiyya avec de nombreux bâtiments de guerre nom-
més chewâni [au singulier chtni, galère] et vingt-trois
autres bateaux e-^-o ; ils voulaient profiter de quelque
occasion favorable, comme avaient fait les Roûm dont il
a été parlé, et ils se présentèrent à la porte de l’arsenal
pour empêcher la flotte de Mehdiyya de sortir et de les
attaquer. Mais leur espoir fut déçu, car elle put prendre
la mer, puis les battit et leur Tua beaucoup de monde (*).

[P. 312], En 499 (12 # septembre 1105), le sultan Temîm
envoya contre l’île de Djerba Aboû’l-H’asan Fihri avec
de nombreuses troupes de terre et une flotte considéra-
ble ; mais les insulaires avaient fait leurs préparatifs de
défense et s’étaient assuré des secours, de sorte ‘que
cette tentative n’eut aucun succès.

En 500 (1 er septembre 1106), un acte de trahison com-
mis par la ville de Bâdja y fut cause d’un grand massa-
cre tf).

En la même année, le Mahdi Moh’ammed ben Toû-
rnert, fondateur de la dynastie berbère des Almohades,
quitta la montagne des Hergha, dans le Maghreb extrême,
et se rendit en Orient pour y chercher la science ; il
passa en Espagne, arriva à Cordoue et se rendit ensuite

(1) Voir Berbères, n, 55.

(2) Ce paragraphe se retrouve dans la Biblioteca, n, 33.

(3) Peut-être ces mots sont-ils une allusion à l’attaque des Arabes
de Riyâh {Berbères, n, 24).

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– 453 –

à Alméria, d’où il gagna l’Orient par mer. Ses pérégri-
nations lui firent faire une absence de quinze ans.

En 501 (21 août 1107), on vit à l’horizon du Maghreb
paraître une immense comète qui resta visible pendant
* de nombreuses nuits.

Cette année fut celle de la mort du sultan Temîm ben
El-Mo e izz, qui avait régné environ quarante-sept ans.
C’était un prince habile, brave, ferme, décidé, ayant le
mépris des difficultés, trouvant faciles les affaires les plus
graves, se laissant aisément emporter par son ardeur et
sa témérité. Il compte parmi les plus distingués des poè-
tes qui ont occupé le trône, et il s’est placé dans ceux
du premier rang par l’usage qu’il a fait des images et des
figures de rhétorique ; on trouve chez lui qualité et abon-
dance ; il a laissé un recueil considérable de poésies, où
on lit par exemple :

[Wàfir] Ou la royauté avec gloire et puissance, et qu’alors
je siège, la tête ceinte du diadème, sur le trône le plus élevé !
Ou la mort cherchée sur la pointe des lances, puisque je ne
suis pas éternel et destiné à toujours vivre!

Il avait un page nommé Modem, dont il dit dans un
long et remarquable poème :

[Motak’àrib] Modâm (vin) fait circuler à la ronde la coupe
de vin (modàm), et je ne sais duquel des deux il vaut mieux
goûter : celui-là est l’ami, celui-ci un vin généreux ; celui-là
est la nouvelle lune, celui-ci est l’astre brillant ; celui-là* a
pour moi la valeur de ses œillades, celui-ci nous réjouit le
cœur. [P. 313] Au regard de l’un et de l’autre, la pleine lune
et l’astre brillant sont-ils autre chose que des mots consa-
crés par l’usage?

Temim ben El-Mo e izz était beau de corps et de visage,

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;***.

.”^f

~ 454 —

de haute taille ; il avait le teint brillant, le nez long .et
les sourcils écartés; il se purgeait souvent, croyant ainsi
consolider sa santé; il absorbait des mets et des remè-
des échauffants, recourait souvent à la médication par
le feu, prenait des bains brûlants, se livrait souvent à
l’acte sexuel; l’abus qu’il faisait des remèdes violents,
de la scammonée par exemple, lui dessécha les chairs et
lui rendit difficiles les exercices physiques, de sorte
qu’il resta perclus. Il mourut à la mî-redjeb 501 (28 fé-
vrier 1108) âgé de soixante-dix-neuf ans, après un règne
qui, compté de la mort de son père, fut de quarante-six
ans et dix mois et demi. Il laissa plus de cent enfants
mâles, et Ton prétend que ses enfants et petits-enfants
formaient un total d’environ trois cents (*).

Règne de Yah’ya ben Temlm ben el-Mo’izz.

Né à Mehdiyya en 457 et monté sur le trône en 501, à
lïige de quarante-trois ans, ce prince était versé dans la
politique et soigna avec vigilance l’administration de
ses sujets ; il lisait beaucoup les recueils biographiques
et les chroniques, était lettré, poète et avait de sérieuses
connaissances lexicographiques et philologiques ; son
visage était beau, ses yeux bleu foncé, sa voix forte. Il
fut tué et mourut sur le coup dans son palais de Mehcliyya
le lendemain de la Fête des victimes de l’année 509
(25 avril 1116), de sorte que la durée de son règne fut de
huit ans et six mois. Il laissa notamment trente enfants

(1) Voir encore ce que disent de ce prince Ibn KhaUikàn (i, 281) et
^bn el-Athîr (x, 3U du texte arabe)/ .

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~ 455 —

mâles. Je vais brièvement énumérer les événements de
son règne dans leur ordre chronologique.

En 502 (10 août 1508), Yah ya ben Temim conquit le
château-fort de K’alibiyya (Clypea). Au dire d’Ibn ei-
K’at’t’àn, comme Temim ben el-Mo c iz!: avait trois cents
enfants, Yah’ya exila les plus âgés de ses frères en Orient,
au Maghreb et en Espagne. Lui-même eut un règne cal-
me et paisible ; il se livrait rP. 314] à des recherches
d’alchimie et avait fait élever-un laboratoire fréquenté
par les étudiants, à qui il donnait de l’argent et fournis-
sait des instruments 0).

En 503(30 juillet 1109), Yah’ya ben Temim fit partir
une escadf e de quinze corvettes *>\j* tirées de sa flotte,
en expédition contre le pays chrétien ; mais il y en eut
six de détruites et le reste rentra à MehdiyyaW.

En 504 (19 juillet 1110), il y eut dans le Maghreb de
violents tremblements de terre qui se prolongèrent pen-
dant tout le mois de chawwâl (11 avril-9 mai 1111).

En 505 (9 juilletllll), Sawwâr* 3 ), envoyé en ambassade
par le souverain d’Egypte [El-Amir le Fatimîde] pour
apporter des présents à Yah’ya ben Temîm, fut accueilli
par celui-ci avec toute la pompe et les prévenances qu’on
pouvait souhaiter. Au bout d’un certain temps, il fut
renvoyé avec des cadeaux précieux et des objets rares
dépassant toute description.

(1) Ibn Khaldoùn parle très brièvement de ce prince (Berbères, n,
24), sur lequel on trouve plus de détails dans Ibn Khallikân (iv, 95)
et Ibn el-Athir (x, 315 et 331 du texte arabe).

(2) Cet alinéa ne figure pas dans la Biblioteca. Un renseignement
identique est fourni par Ibn el-Athir (x, 336 du texte ar.), et repro-
duit dans la Bibl, i, 452.

(3) Ce nom pourrait aussi se prononcer Siwâr (voir Dhehebi, Mos-
chtabih).

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■TÇ ;

— 456 –

En 507 (17 juin 1113), au mois de rebi c II (septembre-
octobre), la flotte de Mehdiyya revint des pays chrétiens
avec de nombreux captifs, ce qui combla de joie Yah’ya
et les musulmans W.

En 508 (6 juin 1M4), Yah’ya nomma au gouvernement
de Sfax son fils c Ali ( 2 ), et au gouvernement de Sousse son
prop’re frère Isa. Les chrétiens attaquèrent Mayorque,
qui était alors aux mains de Mobachchir le page, client
d’Ibn Modjâhid* 3 ), et à la suite d’un siège poussé avec
vigueur, ils l’emportèrent de vive force, massacrèrent
les hommes et réduisirent en esclavage les femmes et
les enfants. c Ali ben Yoùsof (ben Tâchefin) reconquit
cette île sur les chrétiens.

En 509 (26 mai 1115), arrivèrent à Mehdiyya deux ou
trois hommes qui se donnèrent pour des étudiants
maçmoûdites connaissant l’alchimie; l’entrée du labora
toire leur ayant été accordée, ils arrangèrent les choses
à leur gré, puis ils demandèrent à être reçus par le prince,
qui leur dit de le faire assister à la transmutation et au
grand œuvre. Ces deux hommes y consentirent à la con-
dition qu’il n’y aurait comme assistants que lui et son
vizir. En leur présence et en celle de l’esclave du prince
Aboù Khannoûs, ils préparèrent le creuset, y jetèrent du
plomb et, commençant à le chauffer, ils feignirent de
préparer la transmutation ; puis saisissant leurs poi-

(1) La Biblioteca (n, 33) reproduit ce paragraphe.

(2) Cet 4 Ali, qui succéda à son père, portait le prénom d’Aboù’l-
Fotoûh, d’après Ibn el-Athir (trad. de x, 336 et la note).

(3) Modjàhid PAmiride (le Mugetodes chroniques italiennes), client
du célèbre Ibn Aboû ‘Amir ou Almanzor, gouverna Dénia et les iles
Baléares ; son fils le remplaça et eut lui-même Mobachchir pour suc-
cesseur (Berbères, n, 206 ; Merràkechi, H. des Almohades, p. 63,
126 et 129 ; Biblioteca, i, 437, n.).

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– 457 –

gnards, ils massacrèrent le vizir et Aboû Khannoûs, et
couvrirent le sultan de blessures dont il mourut au bout
de peu de temps : « Chien que tu es, lui crièrent-ils en le
frappant, nous sommes tes frères tel et tel, que tu as
bannis, tandis que toi tu gardais [P. 315] le trône I » Aux
cris qui furent poussés, les esclaves noirs accoururent et
massacrèrent sur le champ les deux assassins. Yah’ya
mourut le jour de la Fête des victimes* 1 ) de Tan 509
(24 avril 1116). Pendant qu’il souffrait des blessures
reçues dans ceguet-apens, il bannit son fils El-Fotoûh’ < 2 >
et l’envoya au Kaçr-Ziyâd, car il ne cacha pas qu’il le
croyait impliqué dans cette affaire. Ce jeune homme y
resta jusqu’à la mort de son père et à l’avènement de
son frère e Ali, lequel l’exila en Orient, où il mourut.

Dans cette même année, l’émir Yah’ya avait conclu le
mariage de sa fille Bedr ed-Dedjà avec le prince d’El-
K’al c a et de Bougie, El- ç Aziz billâh ben el-Mançoûr, à
qui il envoya la future et son trousseau.

Règne d’*Ali ben Yah’ya ben Temlm à Mehdiyya et dans une partie
de lTfrtk’iyya.

A la suite de la mort de l’émir Yah’ya, les courtisans
décidèrent d’un commun accord d’écrire à c Ali, alors
gouverneur de Sfax, au nom de son père, et la lettre que
rédigea le secrétaire fut revêtue du paraphe de Yah’ya,
c’est-à-dire de : « Louange à Dieu seul. » e AIi partit

(1) Ci-dessus, p. 454, la mort de Yah’ya est fixée au lendemain de
oette fête.

(2) Cette agression est fixée à 502 ou 507 par d’autres auteurs, qui
font mourir subitement YahVa ben Temim (voir Ibn el-Athir, x, 331,
du texte arabe).

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– 458 –

aussitôt qu’il eut reçu cette nouvelle, qui lui parvint dans
la nuit, et arriva à Mehdiyya le surlendemain du jourde
la Fête des sacrifices. Il fit enterrer $on père dans le
château, puis le peuple entra pour lui présenter ses
condoléances et ses félicitations, et il se trouva ainsi
porté sur le trône à l’âge de trente ans sans que le pou-
voir lui lût contesté (*). Il était généreux et libéral, ami
du repos et des plaisirs, et remit à d’autres les soins de
l’administration de l’Etat. Après un court règne de cinq
ans quatre mois et douze jours, il mourut en rebî c II 515
f juin-juillet? 1121), laissant quatre fils, El-H’asan, El-
< Azîz, Bàdis et Alah (Jl).

En 510(15 mai 1116), il équipa une flotte pour attaquer
Djerba, qu’il tint bloquée jusqu’à ce que les habitants
fissent acte de soumission et reconnussent son autorité ( 2 ).

En 511 (4 mai 1117), le populaire fut vivement agité
par des rumeurs d’après lesquelles il y aurait en rama-
d’an un grand événement et qjue la mort du sultan arri-
verait à cette époque. Dieu se chargea de donner un
démenti à ces bruits qui s’étaient répandus partout. Les
poètes ont beaucoup parlé de cela :

[P. 316 ; T’awll] Ils ont répandu des mensonges et publié
des rêveries qui ont pour origine leurs espérances et leurs
convoitises, mais le peuple t’aime tant que, s’il le pouvait, il
t’ouvrirait ses entrailles et ses flancs.

Il est dit dans un autre passage :

Le dire des imposteurs s’est trouvé démenti, et le Miséri-

(1) Sur le règne de ce prince, voir Berbères, u, 25 ; Ibn el-Athir,
x, 360 du texte av. ; Ibn Khallikàn, iv, 100.

[2) Sous l’année 510 Ibn Khaldoùn et Ibn el-Athir placent aussi la
conquête de Tunis et du Djebel Ouselàt /

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– 459 –

eordieux a prolongé ton existence. Qu’est donc devenu le
fait calculé par l’astrologue, puisque voilà déjà écoulé le
tiers du mois consacré au jeûne ?

La même année, un envoyé du souverain d’Egypte
apporta des présents à MehdiyyaW.

c Ali ben Yah’ya alla la même année assiéger Gabès
après avoir enrôlé à cet effet quelques tribus arabes.
Quand Râfi c [ben Mekken], prince de cette ville, apprit
l’opération qui se préparait, il se précipita en suppliant
auprès des chefs de l’armée dans le désir d’obtenir la
paix, mais c Ali n’y consentit pas< 2 ). Là-dèssus, Ràfi c alla catnper sous les murs de Mehdiyya avec ses tentes et ceux de sa tribu qui lui prêtaient leur aide. Alors les habitants de cette ville firent une sortie et se jetèrent sur les tentes. Excités par les cris de leurs femmes, les Ara- bes [qui avaient déjà cédé] attaquèrent de nouveau, et la lutte s’engagea, tandis que l’émir se tenait à la porte de Zawîla. Ce dernier enrôla ensuite contre Râfi c les trçis cinquièmes des Arabes qui figuraient parmi ses troupes. Râfi c marcha d’abord contre eux et il y eut un engage- ment, puis il se retira vers K’ayrawân. Alors les cheykhs des Dehmân t«0 s’étânt réunis se répartirent entre eux les diverses provinces, et attribuèrent K’ayrawân à Rafi c . Les Arabes enrôlés se rendirent auprès de Ternir c Ali beri Yah’ya, qui leur distribua des sommes considéra- bles et leur donna Tordre de se rendre à K’ayrawân. Il (1) Cet envoi de cadeaux est aussi signalé dans les Berbères, u, 25. (2) Il se produisit dans cette affaire une intervention de Roger de Sicile, qui est ici entièrement passée sous silence (Ibn Khaldoûn et lbn el-Athîr). Le récit de ces derniers est plus intelligible. : (3) Les Benoit Dehmàn étaient des Riyàh, fraction des Benoû ‘Ali (Berbères, n, 35). Digitized by Google – 460 – y eut là des combats très vifs où l’avantage resta aux partisans d ,c Ali ben Yab’ya. Tout cela serait très long à raconter. En 512 (23 avril 1118) un envoyé de Roger, prince de Sicile, vint trouver l’émir e Ali pour lui demander de renouveler et confirmer les traités antérieurs, et récla- mer des sommes lui appartenant et restées sous séques- tre à Mehdiyya. A ce message, conçu en termes durs et grossiers, *Ali ne donna pas de réponse, et il renvoya le messager après lui avoir parlé dans des termes analo- gues. La conséquence en fut un redoublement de froi- deur entre l’émir et Roger, dont les mauvaises inten- tions se donnèrent libre carrière [P.. 317] et qui machina dans la suite un stratagème W. Il y eut cette année, dit Ibn el-K’atTàn, une hausse considérable dans le prix des vivres et une épidémie. Le rob ç W de farine se vendit à Tiemcen vingt dirhems. En 513 (13 avril 1119), Ibràhîm ben Yoûsot ben Tâche- fin, frère du prince du Maghreb, fit en Espagne une expé- dition contre Coria, qu’il conquit. c Ali ben Yah’ya ben Temîm était à cette époque émir d’Ifrîk’iyya. En 514 (l or avril 1120), eut lieu en Espagne l’affaire de Cutandaf 3 ), où les musulmans furent mis en fuite. Une vingtaine de mille hommes, dit Ibn èl-KatYân, furent tués dans cette affaire. Ce fut en cette année qu’Ibrç Toû- (1) Ce paragraphe est traduit dans la Biblioteca (n, p. 34). Compa- rez Ibn el-Athîr, x, 372 du texte arabe, et 17/. des Berb., u, 26. (2) Quart de mesure, d’où l’espagnol arrobe, (3) Localité près de Daroca, dans la région de Saragosse (Makkari, éd. Leyde, u, 759; éd. Boulak, n, 580); Ibn ël-Athîr, x, 414 du texte arabe. Cf. Codera, Decadencia y desapariciort de los A^moravides en Espana y p. 13 et 26?. Digitized by Google – 461 – mert, surnommé Mahdi, s’établit à Aghmât pour provo- quer un soulèvement contre le sultan et remplacer par la discorde l’accord alors existante. En 515 (21 mars 1121), e Ali ben Yoûsof quitta Merrâ- kech pour se rendre en Espagne, où il arriva en rebî* I (mai-juin); il enleva à Ibn Rochd la charge de kàdi et la donna à Aboû’l-K’âsirri ben H’amdin. Il retourna ensuite à Merràkech. Cette année vit aussi la mort d^Ali ben Yah’ya ben Temîm, émir d’Ifrîk’iyya. Règne de H’asanl*) ben ‘Ali ben Yah’ya en Ifrlk’iyya. Ce prince, à qui son père avait de son vivant confié l’exercice du pouvoir, avait douze ans et neuf mois, étant né à Sousse en redjeb 502. A la suite de la mort de son père, le peuple pénétra auprès de lui pour lui pré- senter ses condoléances et ses félicitations à l’occasion de la mort de son père et de son propre avènement ; les poètes aussi lui récitèrent leurs vers. La direction des affaires fut remise à l’eunuque Çandal, (le jeune prince) n’ayant aucunes connaissances ni habileté administra- tive (3). En 516 (11 mars 1122), Aboû e Abd Allah ben Meymoûn, officier au service d’ c Ali ben Yoûsof, roi des deux conti- nents, fit une expédition contre la Sicile, où il conquit la ville de Nicotera, située dans le territoire obéissant à (1) Voir Ibn el-Athir, x, 400, du texte arabe ; Ibn Khallikân, m, 205 ; iv, 97, etc. (2) On trouve ce nom dans le texte soit avec, soit sans l’article. (3) Je lis le texte àSj** *J ^ 5\ ; voir Ibn el-Athir, t. x, p. 415 du texte arabe ; Berbères, h, 26 ; Ibn Khallikân, rv, 101. Digitized by Google – 462 – Roger, prince de cette lie ; les femmes et les enfants furent réduits en esclavage, les vieillards massacrés, et tout fut mis au pillage. Roger ne douta nullement que l’instigateur. de cette campagne ne fût l’émir d’Ifrik’iyya [P. 318] El-H’asan ben.*Ali, à cause des rapports très tendue’ qui avaient existé entre lui-même et le père de ce prince. En conséquence, il appela la chrétienté entière à faire la guerre, et il réunit ainsi à ses côtés une armée plus nombreuse qu’on n’avait jamais vu. A cette nou- velle El-H’asan ben c Ali donna les ordres nécessaires pour faire consolider les murailles et se procurer des armes, enrôler les tribus (berbères) et convoquer les Arabes. Des contingents lui arrivèrent ainsi de tous les pays et de toutes les directions, et tout le monde était bien préparé pour faire face à l’attaque imminente. Dans les derniers jours de djomâda I 517 (vers le 20 juillet 1123), la flotte franque arriva à l’ile d’El- Ah’âsU 1 ) et y débarqua un grand nombre d’hommes, qui s’éloignèrent de la mer à une distance de plu- sieurs milles. Le lendemain, vingt-trois galères (chînî) se présentèrent devant Mehdiyya et y constatèrent la présence des nombreuses troupes et levées qui la garnis- saient. Elles retournèrent ensuite vers Pile et y trouvè- rent que les Arabes avaient découvert les lieux où se tenaient les chrétiens déjà débarqués et avaient mis leurs tentes en pièces, succès qui encouragea les musulmans. D’après les ordres de Roger, la flotte devait gagner cette île et s’y emparer du château d’Ed-Dimâs, après quoi l’armée entière, cavaliers et fantassins, s’avancerait par (1) Située à dix railles de Mehdiyya, à ce que nous apprend Tidjàni, («/. As., 1853,1, 381 ; Amari, Biblioteca,u, 69). Digitized’by VjOOQlC terre et en ligne de bataille contre Mehdiyya. En consé- quence,* les chrétiens pénétrèrent dans ce château le 2 djomâdâM,, mais, dans la nuit du dernier jôuvî de Ce mois les musulmans pénétrèrent dans l’ile. en poussant le cri « Dieu est grand », Les chrétiens furent alors for- cés de se retirer en désordre dans leurs, navires, après avoir tué de leurs propres mains un grand nombre de leurs chevaux. Les. nôtres s’emparèrent, entré autres choses dont ils avaient besoin, d’environ quatre cents chevaux d’armes çt de nombreux engins de guerre; puis ils entourèrent le château d’Ed-Dîmàs et en CQmtiaeiv- cèrent l’attaque, tandis que là flotte restait simple spec- tatrice du combat. Les chrétiens fihirent.par demander quartier au sultan pl-H’asan ben c Ali [qui était disposé à y consentir] ; mais les Arabes s’y étant refusés, le 15 djomâda II (29 août) les assiégés firent une sortie^ et les Arabes tombant sur eux les massacrèrent jusqu’au dernier. La flotte comprenait environ trois cents bâti4 ments ( .jUaJ.) portant environ mille cavaliers. c Abd er- Rah’mân ben c Abd el- e Azîz (*),• raconte Aboû’ç-Çalt, m’a rapporté ceci: « Je vis à la porte [du palais] de Roger; en Sicile, un Franc porteur d’une longue barbe qui, en saisissant l’extrémité de ses mains,. [P. 319] jurait par l’Evangile* qu’il n’en enlèverait pas: un poil tant qu’il ne se serait pas vengé des habitants de Mehdiyya. Je pris des renseignements sur lui, et l’on me dit,, que lors de la déroute dont il est question, il s’était arraché la barbe (1) Telle est la date du texte, qui est fautif, ainsi que le prouvent; ce qui précède et ce qui suit. U faut sans doute lire, comme Ta fait remarquer Amari, le 29 djomàda 1 (24 juillet). (2) ‘Abd er-Rah*màfr ben ‘Abd ePAzîz Naçràni commandait, de; concert avec Georges d’Antioche, la flotte de Roger. • Digitized by Google – 404 – jusqu’à en saigner. » L’ouvrage historique d’Aboû’ç-Çalt sur Mehdiyya et El-H’asan ben ‘Ali, émir de cette ville, ^’arrête à l’année 517 (2 mars 1123). L’émir El-H’asan resta le souverain de cette ville et de la région jusqu’en 543 (21 mai 1148), date où il en fut chassé par la conquête qu’en fit le prince régnant en Sicile (*>.

En 518 (18 février 1124), pendant qu’El-H’asan régnait
en Ifrîkiyya, le Mahdi et les Almohades devinrent tout-
puissants dans le Maghreb. Cette même année mourut
le prince de Bougie El- c Aziz billâh, à qui succéda son fils
Yah’ya. Les Benoû’n-Nàçir ben Ghilnâs ben H’ammâd,
qui régnaient à Bougie, à El-K’al e a et dans cette région,
avaient pour vizirs les Benoû H’amdoûn, qui se succé-
daient de père en fils dans cette charge. Meymoûn ben
H’amdoûn était vizir de ce Yah’ya, qui eut un fils dont
il fit son héritier présomptif et à qui, de son vivant, il
confia le. soin des affaires. Ce jeune homme diminua l’au-
torité de Meymoûn/ dont il dépréciait les actes et qu’il
nommait le cheykh menteur ; alors Meymoûn, craignant
pour sa vie, s’adressa à Aboû Moh’ammed c Abd el-Mou’-
min( 2 ).

En 519 (6 février 1125), aucun changement ne survint
dans la situation d’El-H’asan ben c Ali. Le chrétien Ibn
Rodmîr attaqua (en Espagne) les territoires musulmans,
dont il conquit les villes les unes après les autres et
qu’il réduisit à l’extrémité.

(1) Ce paragraphe, de même que le précédent, figure dans la Biblio-
teca (il, 34). Voir aussi sur ces événements Ibn el-Athir, x, 431 du
texte arabe ; Berbères, h, 26 ; Tidjâni, dans le /. As., 1853, i, 380.

(2) Ibn Ktaaldoûn ne parle pas de Meymoûn ben Hamdoùn ; mais
le seul passage où Ibn el-Athir (texte ar., xi, 103 ; Biblioteca, i, 477)
cite ce vizir ne parait pas justifier l’assertion du Bayân.

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v #\-

— 465 —

En 520 (2G janvier 112G), les troupes coalisées des
musulmans d’Espagne marchèrent contre l’ennemi de
Dieu Ibn Rodmir, qui depuis des années faisait subir
aux fidèles toute espèce de maux* 1 ). Il y eut une grande
bataille où les musulmans l’emportèrent d’abord, puis
sur le bruit que Temîm P) s’enfuyait pour échapper à la
mort, les musulmans se débandèrent et furent massa-
crés par la cavalerie chrétienne, qui prit leur camp et ce
qu’il renfermait. Temîm regagna Grenade, et les cava-
liers ennemis, s’élançant dans toutes les directions,
égorgèrent à leur gré les fuyards éperdus. Ceux-ci ne
trouvèrent un refuge que dans les forteresses existant
à proximité, [P. 320] où Dieu les mit à l’abri de la fureur
des vainqueurs.

En 521 (16 janvier 1127), d’autres disent en 520 (26 jan-
vier 1126), AbotVl-Welid ben Rochd se rendit à Merrâ-
kech pour traiter des affaires (d’Espagne) avec r Ali ben
Yoùsof ( 3 ). Temîm fut révoqué [et éloigné] de Grenade.

En 522 (5 janvier 1128), sur le conseil donné par Ibn
Rochd, c Ali. ben Yoûsof fit élever les murailles de Mer-
ràkech, pour lesquelles il dépensa soixante- dix mille
dinars.

(1) Voir Ibn el-Athîr (texte ar., x, 444). Il s’agit de l’expédition
d’Alphonse le Batailleur, roi d’Aragon, dont on trouve la relation
dans les Recherches deDozy, 3 e éd., i, 348. Merràkechi y a aussi fait
allusion, p. 153 de ma traduction. La bataille d’Arnisol est du 13
çafar 520 (9 mars 1126).

(2) C’est-à-dire Aboû’t-Tàhir Temim ben Yoûsof, gouverneur d’Es-
pagne (Dozy, l. Z., 355).

(3) Son voyage était causé par le désir de renseigner l’Almoravide
•Ali ben Yoùsof sur la situation de la Péninsule ; le départ du savant
eut lieu le 3 rebi’ I ou 30 mars 520 {dito> p. 362).

30

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.c’^y&WF

v*H

– \m –

En la même année, le prince de Bougie El-‘AzizH) bil-
làli ben BU-Mançoùr envoya contre Mehdiyya une armée
à la tête de laquelle il plaça Ibn el-Mohalleb, qui vint
camper sous les murs de la ville, mais qui ensuite se
retira.

Mot’arrif ben c Ali ben H’amdoûnl?) Zenâti arriva à
Tunis, d’où il chassa Ah’med ben c Abd el-^Aziz ben c Abd
el-H’akV ben Khorâsân, qui se retira au Hedjâz et qui
y mourut la même année, ainsi qu’il sera dit Ce fut
Kerâma ben El-Mançoùr Ganhâdji qui, cette année-là,
prit le gouvernement de Tunis au nom du prince de
Bougie.

En 523(24 décembre 1128), H’asan ben c Ali continua
de rester éi^iir dlfrik’iyya, comme Tannée précédente,
tandis que Yah’ya ben El- c Aziz billâh continua de rester
prince de Bougie, avec Meymoûn ben H’amdoûn comme
vizir.

En 524 (14 décembre 1129), El-Amir, qui régnait en*
Egypte et qui était un homme violent et entêté, fut tué
par H’irz el-Moloûk, l’un de ses gardes, qui avait accaparé
toutes les prérogatives du vizirat. Le défunt avait désigné
f Abd el-Medjid comme héritier présomptifs.

(1) Il faut lire Yaliya ben el-*Aziz, puisqu’El -‘Aziz était mort en
515. C’est d’ailleurs ainsi qu’Ibn Khaldoûn {Berb., n, 27) nomme le
prince de Bougie qui expédia à une date indéterminée, mais posté-
rieurement à la première campagne de Roger contre Mehdiyya, des
troupes de terre et de mer contre cette dernière ville. Ibn el-Athir
(xi, 19, du texte arabe) ne parle que d’une seule expédition de Yah’ya,
en 529 ; il semble que les détails qu’il donne s’appliquent à celle de 522.

(2) Le texte lit Khazroûn, que j’ai corrigé en Hamdoûn {Berbères,
il, 27, 30 et 57 ; Ibn el-Athir, xi, 19 du texte arabe ; infrà p. 475.

(3) Nous avons déjà vu p. 431 que notre auteur attribue l’assassinat
d’El-Amir à H’irz el-Moloûk, ce qui est en opposition avec le récit
du Khitat ; la version de ce dernier ouvrage concorde avec celle d’El-

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– i<)7 –

, « En 527 (11 novembre 1132) <*>, dit El-\Varràk* dans son
MiWbâs, Dieu suscita un groupe d’hommes qui se conju-
rèrent pour tuer l’impie tyran El-Amir, qui régnait en
Egypte. On dit que, décidés à sacrifier leur vie, ils ^arri-
vèrent à cet effet de Syrie au nombre de dix et que, ins-
tallés à Miçr, ils surent la date à laquelle le prince devait
sortir à cheval. Or, chaque fois qu’une de ces sorties
avait lieu, toutes les boutiques et maisons du parcours
étaient fermées, et nul ne passait que le prince : ia moi-
tié de ses troupes le précédait, l’autre moitié le suivait,
et à égale distance entre le prince et chacune de ces
deux moitiés chevauchaient deux cavaliers, tandis que
lui-même s’avançait entouré de quatre esclaves noirs.
Gomme il se trouvait un four situé sur la route qu’il
devait parcourir, les conjurés portèrent de la farine au
patron de ce four en lui disant que, étrangers et prêts h
partir, ils lui demandaient de faire cuire cette farine. Le
boulanger s’excusa d’abord, [P. 321] en alléguant le pas-
sage du sultan, puis se laissa séduire par leurs offres à
condition qu’ils fissent vite. On détourna son attention
en causant avec lui, mais quand la tête de la première
moitié vint à passer, il insista violemment pour qu’ils
sortissent. Alors ses clients le rejetèrent à l’intérieur en
le bâillonnant avec ses propres vêtements, puis poussè-
rent la porte jusqu’à ce qu’on entendit le bruit des sabots

Warràk, mais donne la date du 4 (ou du 14) dhoùl-kada 524. Makrizi
n’émet pas contre El-Amir des appréciations aussi rigoureuses que
celles de notre texte. C’est l’équivalent de ces dernières que Ton
retrouve dans les Nouvelles recherches sur les Ismaéliens de M. De-
frémery, qui ne connaissait pas alors le récit du Bayân (J. As., 1854,
I, 415).

(1) Le Mik’hâs est, à ma connaissance, le seul ouvrage qui donne
cette date de 527. Sur cette chronique, voir p. 377, n. 2.

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:: ^^ms^

– 468 –

du cheval [que montait le prince] : alors un vieillard de
la bande, sortant le premier, se jeta le front contre terre
en criant : a Nous recourons à Dieu et à la justice de Notre
Seigneur! » Quand ses prosternations toujours renouve-
lées l’eurent suffisamment rapproché, il saisit les rênes
du cheval et, sortant son poignard, il le frappa au poi-
trail. L’animal tomba, et les autres conjurés se précipi-
tant poignardèrent le prince jusqu’à ce qu’il mourût,
mais eux-mêmes furent sur le champ massacrés. C’e^t
ainsi que Dieu délivra le monde de ce tyran impie, le
plus chaud soutien des injustes, le meilleur suppôt de
l’enfer, car il fit goûter les plaisirs qui y mènent et per-
mit fout ce qui est défendu en se livrant publiquement
aux plaisirs et à d’autres infamies pour lesquelles je de-
mande à Dieu de maudire les Chiites GbeyditesW. »

En 528 (31 octobre 1133), les gouverneurs d’Ifrîk’iyya
restèrent les mêmes que l’année précédente.

En 529 (21 octobre 1134), les Almohades annoncèrent
la mort du Mahdi et donnèrent à c Abd el-Mou’min le
titre de Prince des croyants < 2 ).

En la même année, c Abd el-H’ak’k’ ben c Abd Allah ben
Ma c îcha devint kûdi de Fez; il fît jeter le vin dans les
rues, briser les tonneaux qui le contenaient et sévit très
durement contre ceux qui s’y adonnaient. Il fit agrandir
la. grande mosquée, et les travaux entrepris à cet effet
furent terminés à la fin de l’année W.

(1) Autant qu’on en peut juger par ce que dit Makrizi, ces impré-
cations sont presque exclusivement l’expression d’une ardente ortho-
doxie.

(2) C’est à l’année 524 qu’on fait ordinairement remonter l’avène-
ment d’*Abd el-Mou’min (Merràkechi, trad. fr., 168 n.),

(3) D’après le Kartâs (texte, pp. 33 et 34), ces travaux furent com-

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– 469 –

En 530 (10 octobre 1135), c Ali ben H’ammoûd, qui était
au service cki prince de Bougie [Yahya ben] El- c Azîz ben
El-Mançoûr, arriva sous les murs de Mehdiyya avec des
troupes et de l’argent destiné aux Arabes ; il établit son
camp en dehors de Zawila et attaqua par mer aussi bien
que par terre. Le prince de Mehdiyya fit sortir du port
sa flotte, qui prit aux ennemis deux corvettes (w^) dont
les chefs furent jetés en prison. Puis, les Arabes étant
arrivés au secours de Mehdiyya, l’armée de Bougie se
retira au bout de soixante-dix jours. El-H’asan ben c AIi
donna Tordre d’exécuter les capitaines des deux bâti-
ments qu’on avait pris, mais cela ne se fît sous ses pro-
pres yeux que pour un seul, l’autre étant mort des suites
de ses blessures (*).

[P. 322] En cette année, une flotte envoyée par Roger
de Sicile attaqua. File de Djerba, qu’elle conquit et dont
elle fit les habitants prisonniers^).

En 532 (18 septembre 1137), mourut c Abd el-Medjid,
prince d’Egypte ; à propos du choix de son successeur,
il arriva aux Chiites une affaire étrange qui sera racon-
tée en son lieu( :j ).

En 536 (5 août 1141), moururent Aboû c Abd Allah Mâ-
zeri et Aboû’ ç-Çalt (*).

mencés en 528 par le kàdi Aboû ‘Abd Allah Mohammed ben Dàwoùd
et terminés par *Abd el-Hakk.

(1) Cl. Ibn el-Athir (xi, 19 du texte ar.). J’ai, comme plus haut, dû
compléter le texte en ce qui concerne le nom du prince de Bougie.

(2) Cet alinéa figure dans la Biblioteca {u, 37). C’est en 529 qu’eut
lieu cette conquête d’après Ibn el-Athir (xi, 20 du texte ar.).

(3) Cette allusion se rapporte, je crois, à l’accession d n Abbàs ben
Aboû’l-Fotoûh au vizirat (Wûstenfeld, G. d. Fatim. Ch., 313).

(4) Moh’ammed ben * Ali ben ‘Omar Temimi Màzeri est le célèbre
juriste malèkite auquel Sidi Khalil se réfère souvent dans son Mokk-

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— 470 –

Eu la même année, le prince de Mehdiyya s’empara,
dans les circonstances qui suivent, du bâtiment cons-
truit par le prince de Bougie et envoyé avec des pré-
sents au khalife d’Egypte. Il y avait à Alexandrie un
bâtiment appartenant à El-H’asan ben c Ali et auquel
le chef du port refusa la sortie, à cause du bruit courant
d’une ruplure entre El-H’asan et le khalife d’Egypte et
d’un accord probable entre celui-ci et le prince de
Bougie. Ce navire fut donc retenu lors du départ de tous
les autres, parmi lesquels celui de Bougie, qui emportait
des marchandises de grande valeur appartenant à des
marchands, ainsi que des cadeaux destinés au prince de
cette ville. El-H’asan prit alors les mesures nécessaires,
s’empara du bateau en question et le fit décharger. Ce
bâtiment resta ainsi allégé jusqu’au moment où il fut mis
en pièces par une tempête survenue en«octobre.

La même année Djordji (Georges), parti de Sicile à la
tête de vingt-cinq corvettes (^Jf), dirigea une attaque
contre le port de Mehdiyya, où il prit tous les bateaux
qui y étaient amarrés, et, entre autres, un bâtiment neuf
construit avec les matériaux provenant de celui qui,
arrivé d’Egypte, avait été brisé par la tempête.

En 537 (26 juillet 1142), la flotlede Sicile dirigea contre
Tripoli une attaque où Dieu déçut ses espérances. <

taçar, voir sur lui les mss 851 d’Alger, f. 33 ; 2103 de Paris, f. 35 v°,
et 5032 ici. y f. 118 v°. La liste de ses ouvrages est donnée dans le,
ms 2106 de Paris, f. 232.

Aboû’ç-Çalt Omeiyya ben ‘Abd el-‘Aziz ben Aboù\:-(jalt Andalosi
est un poète et polygraphe souvent cité (Ibn Khallikàn, i, 228; iv,
99; Hadji-Khalfa, n° 7802 de l’index). Ni l’un ni l’autre de ces deux
auteurs, qui le font~mourir en 529, ne rappellent cependant sa chro-
nique, oit ont puisé notre auteur et Ibn Khaldoùn (cf. Berbères, n,
36, et BiUioteca, n, 469 et 483).

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– 471 –

En 538 (15 juillet 1143), elle attaqua Sfax, qui [fut con-
quise et] passa ainsi sous la domination de Roger de
SicileW.

En 543 (21 mai 1148), les chrétiens s’emparèrent de
Mehdiyya, que quitta le prince qui y régnait, El-H’asan
beù e Ali ben Yah’ya ben Temim ben el-Mo c izz ben Bàdis
ben el-Mançoûr ben Bologgîn ben Ziri ben Mennâd
ben Mank’oûch Çanhâdji, avec ses serviteurs et tout ce
qu’il possédait, et que suivirent dans sa fuite les habi-
tants et leurs familles. Le général de Roger de Sicile
était Djordji ben Mikhâ’il Antâki, dont le père était un
renégat appartenant [P. 323J à Temim [arrière-grand’]-
père d’El-H’asan; ce maudit connaissait bien les points
faibles de Mehdiyya et d’ailleurs, et d’accord avec son
maître Roger, ils combinèrent si bien leurs ruses qu’ils
finirent par se rendre maîtres de la ville en la dite année
543( 2 ). Cette déplorable affaire est connue sous le nom de
Catastrophe du lundi. Mebdiyya ne sortit des mains
des chrétiens que par la conquête qu’en firent les Almo-
hades, ce que je raconterai dans le règne de ceux-ci.

Lors de la conquête chrétienne, la disette sévissait en
Ifrik’iyya et les habitants de Tunis avaient des craintes
à cause des chrétiens habitant le littoral. Le prince de
Sicile avait en effet conquis Sfax et était entré à Bône,
dont il réduisit les habitants en esclavage. Les Tunisiens,
en conséquence, se mirent à faire des approvisionne-

(1) Cet alinéa et les deux précédents figurent dans la Biblioteca
(ii, 37). lbn el-Athir parle en outre d’expéditions des chrétiens contre
Brechk, Kerkenua, Tripoli etGanès, en 539, 540, 541 et 542, xi, 68, 70
et 79 du texte ar. ; cf. Berbères, m, 268 ; Tidjàni, J. As., 1853, i, 385.

(2) Sur cette conquête de Mehdiyya, voir lbn el-Athir, xi, 82 du
texte ar. ; Berbères, n, 27: Tidjàni, J. As., 1853, i, 385.

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ments et des préparatifs de guerre; ils montaient régu-
lièrement la garde auprès de la Porte de la mer, sous
les yeux du gouverneur de la ville, Ma c add ben el-
Mançoûr, qui se tenait dans le bureau (<j|^) près de la
Porte. Un jour qu’ils étaient dehors pour faire leur
tournée, ils trouvèrent une barque en train d’opérer
un chargement de blé. La foule trouva mauvais que Ton
expédiât du blé par ce temps difficile dans des lieux
soumis à la domination chrétienne, et fut d’accord pour
l’empêcher. Un tumulte se produisit, des clameurs s’éle-
vèrent, et comme des hommes de Ma c add ben el-Man-
çoûr voulaient mettre le holà, on les attaqua à main
armée, eux aussi bien que les esclaves noirs de Ma c add,
et on en fit un carnage terrible, puis on mit le feu à la
tour du bureau. Ma’add alors en sortit et se remit lui-
même entre les mains de la foule ; mais celle-ci, sans le
toucher, enlevait ses soldats et ses esclaves de dessous
les pieds de son cheval pour les massacrer. Alors
Ma c add, resté à Tunis au pouvoir de la populace, écrivit
à Bougie, d’où une corvette, vint le prendre, lui et ses fils,
et l’emmena dans cette ville. La direction de Tunis fut
exercée pendant peu de temps par un officier desÇanhâ-
dja, qui ensuite se retira, et la ville tomba aux mains de
la foule. Alors eurent lieu les désordres bien connus
chez eux et les combats que se livrèrent les habitants de
la Porte es-Soweyk’a et ceux de la Porte el-Djezira.
Celui qui alors les administrait était leur kàdi Aboû
Moh’ammed c Abd el-Mon r im, fils de l’imâm Aboù’l-
H’asan. Mais comme ils avaient de plus en plus peur
tant du prince de Sicile que de [P. 324] celui de Bougie,
dont ils avaient appris que la colère se traduisait par des
préparatifs de guerre contre eux, ils songèrent, avec

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– 473 –

l’aveu de leur kàdi, à prendre comme roi Moh’ammed W .
benZiyâd c Arabie). Leur résolution était arrêtée, le kàdi
et les cheykhs étaient déjà partis à la rencontre d’Ibn
Ziyàd, qui approchait, quanjl un homme du peuple poussa
le cri : a Ni Arabe ni Ghozz comme chef ! » Il s’ensuivit un
tumulte, et Ibn Ziyâd retourna à El-K’al c a< 3 ); il y fut
accompagné par le kàdi, qui avait tout d’abord voulu
rentrer dans la ville, mais qui en fut empêché par la
foule. Ce kàdi s’installa à El-K’al c a, où il mourut long-
temps après. Les uns disent qu’il tomba d’une fenêtre
d’un logement de garçon (Ja) auprès de laquelle il
dormait pendant l’été, d’autres prétendent qu’il en fut
précipité. A Tunis^ la foule députa alors à Aboû Békr
ben Ismâ’il ben c Abd el-H’ak’k’ ben Khorâsân, qui entra
à Tunis de nuit, hissé sur les murailles dans un panier.
Au bout de sept mois environ de gouvernement, il y fut
l’objet d’un guet-apens de la part d’ c Abd Allah, fils de
son frère c Abd el- f Aziz, ainsi que nous le dirons.

Le nom des Benoû Khorâsân venant d’être prononcé,
je vais dire d’affilée ce qui les concerne, eux et les autres
chefs de cette ville, jusqu’à la conquête Almohade.

(1) Je crois qu’il faut lire MolCris, nom du chef des Benoù ‘Ali cité
plus d’une fois à cette époque [Berbères, n, 31 ; Tidjàni, J. As., 1853,
I, 386).

(2) Tout ce commeucemeut du chapitre qui a trait à Tannée 543
ligure dans la Biblioîeca (n, 37).

(3) Si Ton corrige Moh’ammed ben Ziyàd en Mohriz ben Ziyàd, il
faudra également lire ici El-Mo^llak’a (ou Malga), lieu près de
Tunis (Tidjàni, l. I. 386; Berbères, n, 31). On ne comprend guère
qu’il soit ici question d’El-K’al’a, qui appartenait alors à Yahya ben
el-‘Aziz.

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– 474 —

Emirs qui régnèrent à Tunis postérieurement à la chute d’El-
Mo’izz ben Bâdis.

Quand El-Mo c izz, abandonnant K’ayrawàn et Mançoû-
riyya aux Arabes, se transporta à Mehdiyya, et que son
royaume succomba par suite des désordres soulevés par
les Arabes venus d’Orient, ainsi qu’il a été dit, ceux-ci
s’emparèrent d’un grand nombre des principaux centres
d’Ifrîk’iyya ; il y en eut qui assiégèrent Tunis ainsi que
d’autres villes voisines, telles que Bâdja, Laribus et au-
tres. Les Benoû H’ammâd, dont les convoitises s’étaient
déjà portées du côté de l’Ifrik’iyya, restèrent maîtres
pendant quelque temps du canton de K’ayrawàn, grâce à
leur connivence avec les Arabes et aux libéralités qu’ils
leur faisaient. L’autorité d’El-Mo c izz cessa donc de se
faire sentir à Tunis et ailleurs, et cette dynastie fut im-
puissante à protéger Mehdiyya. Les chefs de cette ville
allèrent en conséquence trouver En-Nàçir ben Ghilnàs,
qui était alors à El-K’al c a, [P. 325] siège et capitale de
la dynastie (h’ammâdite), pour lui demander de s’occu-
per de leur ville et d’y nommer un gouverneur qui le
représentât. Il leur répondit de choisir parmi eux ufi
cheykh qui dirigeât leurs affaires, lui-même se bornant
li y garder la haute main. On dit qu’ils cherchèrent donc
à nommer un des principaux d’entre eux, lequel déclina
cette responsabilité. Ce fut alors c Abd el-H’ak’k’ ben
c Abd el- c Aziz ben Khorâsàn qui l’administra au nom
d’Kn-Nâçir jusqu’à sa mort, survenue en 488 (10 janvier
1095). Son fils f Abd ei- r Aziz ben f Abd el-H’ak’k’ lui
succéda dans ses fonctions et mourut en 500 (l or septem-
bre 1106). Il fut remplacé par son fils Ahmed ben c Abd
el- c Azîz, qui la gouverna pendant vingt-deux ans,

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— 475 –

période au bout de laquelle il fut chassé et envoyé à
Bougie par Mot’arrif ben c Ali ben H’amdoûnW. Il avait
construit à Tunis le palais dit des Benoû Khoràsân. Sa
dure administration ne fut pas celle d’un cheykh, mais
d’un vrai tyran : il fit exécuter son oncle Ismâ c il ben
c Abd el-H’ak’k’, qui avait plus de titres que lui à
exercer le pouvoir, et Aboû Bekr, fils d’Ismâ c il, crai-
gnant de subir le même sort, s’enfuit pour aller vivre à
Benzert ; il exila de nombreux habitants et cheykhs
tunisiens à Mehdiyya et ailleurs, et exerça l’autorité la
plus absolue. Quand El-Mançoûr, prince de Bougie, eut
connaissance de ces faits, il envoya un corps de troupes
commandé par Mot’arrif ben c Ali ben H’amdoûn, qui
arriva en 522 (5 janvier 1128) devant Tunis. Ah’med en
sortit et se livra lui-même à Mot’arrif, qui l’envoya à
Bougie.

Kerâma ben el-Mançoûr, des Benoù H’arnmâd, gou-
verna alors Tunis jusqu’à sa mort, survenue en 500 et
tant ( 2 ). Son frère Aboû’l-Fotoûh’ ben el-Mançoûr la gou-
verna -ensuite jusqu’à sa mort. Il eut pour successeur
Moh’ammed ben Aboû’l-Fotoûh’, que ses procédés peu
satisfaisants firent chasser, et qui fut remplacé par
Ma c add ben El-Mançoûr, le dernier d’entre eux, jusqu’en
543 (21 mai 1148), où les chrétiens conquirent Mehdiyya.
La population tunisienne, qui avait peur de ceux-ci, s’in-
surgea contre Ma c add, comme on l’a vu, et cette émeute

(1) Sur ce nom, voir ce qui a été dit suprà, p. 466 n.2. Les événe-
ments dont il est ici parlé sont également racontés par Ibn Khaldoùn
{Berbères y n, 29).

(2) Ibn Khaldoùu ne lixe pas non plus cette date.

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– 476 –

donna lieu à Téchauffourée bien connue (*). Une députa –
tion fut alors envoyée à Benzert, et le peuple élut [P. 326]
Aboû Bekr ben Ismâ c il ben c Abd el-H’ak’k’, qui fut au
bout de sept mois victime de la trahison du fils de son
frère c Abd el- c Aziz. On le mit dans une barque, et la mer
rejeta bientôt son cadavre près du fort (k’al c a) d’ibn
Ghaboùs< 2 ) ; selon les uns, il se noya, selon d’autres on le noya. c Abd Allah précité exerça ensuite le pouvoir pen- dant une dizaine d’années. C’est lui qui fit exécuter le kàdi Abou 1-Fad’l Dja c far ben H’ohvân, en même temps que son fils et le fils de sa sœur, Ibn el-Bennàd, parce qu’il craignait qu’ils ne réunissent les Arabes contre lui. C’est de son temps qu ,f Abd el-Mou’min envoya c Abd Allah ben Soleymàn avec quelques vaisseaux de la flotte de Ceuta pour reconnaître Tunis et la force de résistance qu’elle pouvait avoir, ainsi que les Arabes du voisinage; un an plus tard, arriva Aboû Moh’ainmed c Abd Allah ben c Abd el-Mou’min, qui assiégea pendant quelque temps Tunis, où se trouvait c Abd Allah ben Khoràsân, mais ensuite il battit en retraite vers Bougie. Cet événement est de 553 (1 er février 1158). En chawwâl 551 (novembre-décembre 1156) eut lieu la révolte contre les chrétiens à Mehdiyya, où on les assié- gea ( 3 >.

En 552 (12 février 1157), les chrétiens conquirent Za-
wila.

En 554 (22 janvier 1159), c Abd el-Mou’min pénétra pour

(1) Echauffourée dont il a été question p. 472 ; le récit des Berbères
(il, 31) u’est pas entièrement identique au nôtre.

(2) Lisez probablement K’al’at Ibn Ghannoûch {Berbères, n, 42).

(3) Un récit plus détaillé nous est fourni par Ibn el-Athir (xi, 134,
du texte arabe).

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– 477 –

la seconde fois en If rik’iyya ; il commença le siège de
Tunis, qu’il abandonna ensuite, et assiégea les chrétiens
àMehdiyya.

En 555 (11 janvier 1160), Aboû Mohammed e Abd el-
Mou’min pénétra à Mehdiyya par composition ; ce fut le
10 moharrem (20 janvier) que les Almohades devinrent
maîtres de cette ville ( f ).

En 558 (9 décembre 1162), eut lieu la grande affaire du
samedi, c’est-à dire que les chrétiens arrivèrent à Meh-
diyya ; ils prirent aussi Sousse, qu’ils évacuèrent en-
suite.

En 573 (29 juin 1177), eut lieu la grande affaire du ven-
dredi ou descente des chrétiens à Mehdiyya; mais en
rebi c II Ibn c Abd el-Kerim la reprit par trahison.

Le Mayorcain Yah’ya ben Ghâniya entra dans cette
ville en cha c bàn 578(29 novembre-27 décembre 11 82) (2) et
y resta avec ses partisans les Lemtoûna et les Mesoùfa ;
c’est de là que partaient les expéditions qui le rendirent
maître d’une partie de rifrikiyya. Mais Aboû c Abd Allah

(1) Sur le siège de Mehih’yya, voir Ibn el-Athir Ui, 160 du. texte
arabe ; Merràkechi, irad. p. 196 ; Tidjàni, {. h 397 ; Zerkechi, p. 12 de
la trad. ; H. des Berbères, n, 29 et 193 ; Kartâs, p. 129 du texte
arabe. Le second de ces auteurs semble en placer la prise sous
Tannée 554 ; comparez aussi le Kartâs.

(2) Ces dernières lignes, ainsi que les cinq alinéas qui précèdent,
se retrouvent dans la Biblioteca, n, 40. Après avoir conquis Mehdiyya,
‘ Abd el-Mou’min en confia le gouvernement à Moh’ammed ben Faradj
Koûmi, qu’il donna comme mentor à H’asan ben ‘Ali, ancien chef
de cette ville. Sous le règne d’EI-Mançoùr Aboû Yoûsof, second suc-
cesseur dn fondateur de l’empire almohade, Moh’ammed ben ‘Abd
el-Kerim Redjràdji se déclara indépendant dans cette ville, en 595 ;
mais il y fut assiégé et pris en 597 par Yahya ben Ghaniya. Moh’am-
med en-Nàçir TAlmohade enleva Mehdiyya à ce dernier le 27 djomà-
da I 602. Tel est le récit de Tidjâni {l. L 401, suivi par Ibn Khaldoùn,
Berbères, n, 97) ; Cf. Zerkechi, trad. p. 21.

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– 478 –

en-Nâçir pénétra dans cette ville à la tête des Almohades
en djomâda I 602 (comm. 13 décembre 1205).

[P. 317] Emirs et gouverneurs dlfrîk’iyya sous les Omeyyades.
[et postérieurement] (*).

c Ok’ba ben Nâfi e [49 Hég.] ;
AboiVl-Mohâdjir [55 H.];
c Okba, pour la seconde fois, [02] ;
Zoheyr ben K’ays [67] ;
H assân ben en-No e màn Ghassâni [69] ;
Moûsa ben Noçayr[79?] ;
Moh’ammed ben Yezid [97] ;

Ismâ r il ben f Abd Allah [ben Abou 1-Mohâdjir, 100] ;
Yezid ben Aboù Moslim Thâkefi [101] ;
Moh’ammed ben Aws Aneàri [102] ;
Bichr ben Çaîwân [103] ;
c Obeyda ben c Abd er-Rah’inan Solami [110] ;
e Obeyd Allah ben el-H’abhïib [116] ;
Kolthoûm ben e Iyâd’ [123] ;
H’anz’ala ben Çafwân [121] ;
c Abd er-Rah’mân ben H’abib Korachi [127];
Elyâs ben H’abîb [137] ;
H’abib ben f Abd er-Rah’màn [138] ;
Tels sont les dix-huit gouverneurs nommés par les
Omeyyades.
Les gouverneurs Çof rites, qui furent :
e Açim Warfeddjoumi [139] ;

(1) Dans ces listes j’ai ajouté la date de l’arrivée au pouvoir de
chaque prince ou gouverneur, d’après le Bayàn etlbn el-Athir. Voir
aussi les listes dressées par M. de Slane, intr. de 17/. des Berb.

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*- 479 –

e Abd el-Melik ben Aboû’l-Dja’di [140], eurent Une
durée d’un an et deux mois.

Le gouverneur Ibâdite Aboù’l-KhatTâb c Abd el-A c la
ben es-Samh’, affranchi d’El-Ma c âfir [141J, resta pendant
deux ans.

Les gouverneurs Abbassides furent :

Mbtv atnmed ben el-Ach c ath Khozà c i [143] ;

c Isa ben Yoûsof Kaysi (0 [148] ;

El-Aghlab ben Sâlim Temîmi [148] ;

El-H’asan ben H’arb Kindi [149] ;

El-Aghlab ben Sâlim, pour la seconde fois [150] ;

e Omar< 2 > ben H’afç Mohallebi [151] ;

Yezîd ben H’âtim Mohallebi [154] ;

Dàwoûd ben Yezid [170] ;

Rawh’ ben H’àtim [171] ;

Naçrben Habib [174];

El-Fad’l ben Rawh’ ben H’âtim [177] ;

Harthema ben A c yan [179] ;

Moh’ammed ben Mok’àtil c Akki [181] ;

Temmâm ben Temîm Temîmi [183] ;

Moh’ammecl ben Mok’àtil, pour la seconde fois, [181].

[P. 328] Les Aghlabides sont les suivants :

Ibrahim ben el-Aghlab [184] ;

c Abd AHàh ben Ibrahim ben el-Aghlab [196] ;

[Ziyâdet Allah I, fils d’Ibrahim, 201] ;

El-Aghlab ben Ibrahim ben el-Aghlab [223];

Moh’ammed ben el-Aghlab ben Ibrahim [226] ;

(1) Nous avons vu plus haut (p. 83) le nom de ce personnage sous
la forme *I c a ben Moûsa Khoràsàni.

(2) L’orthographe ‘Omar paraît être la plus usuelle ; on a vu ce
nom sous la forme ‘Amr, ci-dessus, p. 85 et s.

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* ™ïl

– 480 –

Ah’med ben Moh’ammed ben el-Aghlab ben Ibrâhîm
[242] ;

Ziyâdet Allah (II) ben Moh’ammed ben el-Aghlab ben
Ibrahim [249] ;

Moh’ammed ben Ahmed ben Moh’ammed. ben el-
Aghlab ben Ibrâhîm [250];

Ibrahim ben Ah’med ben Moh’ammed ben el-Aghlab
ben Ibrahim [261] ;

[Aboû’ MAbbâs] c Abd Allah ben Ibrahim ben Ah’med
ben Moh’ammed ben el-Aghlab ben Ibrahim ben el-
Aghlab [289] ;

[Ziyâdet Allah III ben f Abd Allah, 290] ;
avec qui finit la dynastie Aghlabide en Ifrik’iyya en ‘296.

Les Chi c ites Obeydites sont :

Aboû c Abd Allah, le missionnaire ;

c Obeyd Allah le Mahdi, de qui descendent les Obeydi-
tes d’Egypte [296] ; v

Son iils Aboul-K asim ben c Obeyd Allah [322] ;

Ismâ c ii ben Aboû’l-K’âsirn [334], fils du précédent ;

[Et El-Mo f izz Ma c add, 344] qui régna en Egypte, où il
se rendit vers la fin de sa vie.

Les Çanhâdja relevant des Obeydites et nommés par
eux furent :

Bologgin ben Ziri [361] ; t

El-Mançoûr ben Bologgin [374] ;

Bâdis ben el-Mançoûr [386] ;

El-Mo c izz ben Bâdis [406] ;

Temim ben el-Mo c izz [454] ;

Yah’yja ben Temim [501] ;

c Ali ben Yah’ya [509] ;

Et enfin El-H’asan ben c Ali [515],sousle gouvernement
de qui les chrétiens entrèrent en Ifrik’iyya.

DEUXIÈME PARTIE

Description de l’Espagne ; sa prééminence.

[P. 2] Ce pays est une presqu’île de forme triangulaire
ou à peu près : un angle se trouve à la colonne (*) dé
Cadix, le second en Galice sur la même ligne que nie de
Bretagne (Bertàniya), là où se trouve une colonne sembla-
ble à celle de Cadix ; le troisième est à l’Est entre les
villes d’Arboûna (Narbonne) et de Bordhil (Bordeaux),
au point où l’Océan occidental se rapproche de la partie
syrienne de la Méditerranée et où Ton pourrait dire en
quelque sorte que Ges deux mers se réunissent. L’Espa-
gne serait donc une île si elle n’était rattachée à la Grande
Terre par son dernier côté sur une longueur d’une pleine
journée de marche ( 2 ); c’est là que se trouve le passage
appelé El’AbwâbW. Ce pays est donc entouré [presque

(1) On dit qu’il existe six colonnes en pierre, chacune haute de
cent coudées et surmontée d’une statue en cuivre : deux se trouvent
dans les lies Fortunées, une troisième à Cadix (Edrisi, éd. Dozy-de
Goeje, p. i ; Makkari, i, 85 ; Reinaud, intr. à la Géogr. d’Aboulféda,
255 ; cf. Dozy, Recherches, n, 328).

(2) 11 serait plus exact de dire cinq journées, ainsi que Ta écrit
Edrisi, p. 197.

(3) C’est à dire les Portes ou Ports, puerto en espagnol ; cf. Aboul-
féda, trad. fr., t. n, p. 36, n. 6. Quant à la description de la forme
de l’Espagne, cf. ibid., pp. 37 et 234 ; Edrisi, p. 197; Makkari, î, 81
et s., et ce que dit Orose, in Historias de Al-Andalus por F. Fernandez-
Gonzalez, p. 6, n. 1.

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de toutes parts par la mer : l’Océan occidental et la Médi r
terranée méridionale, qui remonte aussi quelque peu à
l’Est; les limites orientale, occidentale et, en partie, sep-
tentrionale, sont formées par l’Océan, une partie des limi-
tes méridionales et orientales Test par la Méditerranée,
car celle ci est au centre de toute la terre. On dit [que ce
pays est à l’extrémité du quatrième W] des sept climats.
On prétend que le peuple qui s’y établit d’abord, après
le déluge, était les Andaloch, [P. 3] d’où le pays fut
nommé « Atidalos » < 2 ). On dit aussi qu’ils étaient mages (madjoûs) et que Dieu, voulant Les forcer à s’en aller, empêcha la pluie de tomber dans ce pays, si bien que les bassins, les sources et les rivières restèrent à sec, de telle sorte que ce peuple se retira et se dispersa. Ce pays, de la frontière de France (Efrendja) à la mer, resta cent ans inhabité, et reçut ensuite des Africains (Afârika), expul- sés par le prince d’Ifrîk’iyya par suite d’une famine qui désolait cette province. Les nouveau-venus retrouvèrent de l’eau dans les rivières et occupèrent le pays pendant cent cinquante ans environ, sous onze princes qui rési- daient à T’àlik’a( 3 ). Ils furent ensuite vaincus et supplan- tés par les Echbâniyya, dont le nom fut donné à Ichbî- liyya (Séville), qu’ils bâtirent et où ils habitèrent, tandis que Tàlik’a tomba en ruines. Les barbares de Rome les attaquèrent et restèrent les maîtres jusqu’au jour où (1) Les crochets indiquent une laeun.e que j’ai tenté de combler d’après Makkari (i, 90, 1. 3). (2) Le nom d’Andalos, encore subsistant sous la forme Andalousie, désignait l’Espagne musulmane, et paraît se rattacher au nom des Vandales (Aboulféda, n, 234 n. ; Dozy, Recherches, 3 e éd., i, 301). (3)’Ibn el-Athîr parle aussi de cette localité (Annales du Maghreb, p. 37), de même que Makkari (i, 86), qui donne des détails sur cette période mythique. Digitized by Googk – fr- eux-mêmes furent assaillis par les Bechterlîkât (*>. Anté-
rieurement s’était produite la mission du Messie, l’envoi
des apôtres en tous lieux, la prédication et les succès de
la religion chrétienne. Alors eut lieu l’invasion des Bech-
terlîkât, qui venaient de Rome et étaient maîtres de la
France, où ils envoyaient des gouverneurs. Mérida était
[en Espagne] leur capitale, et vingt-sept de leurs rois s’y
succédèrent.

Ensuite surgit à Séville un pauvre cultivateur nommé
Echbân. Un jour qu’il cultivait la terre, Khiz’r vint se
mettre à côté de lui et lui dit : « Quand tu auras vaincu
Iliyà, sois bon pour les enfants des Prophètes. — Et com-
ment, reprit-il, sera-ce possible, à moi, chétif, et qui ne
suis pas de sang royal ? — Cela, reprit Khiz’r, est décidé
par Celui qui transforme ton bâton comme tu peux le
voir ». Et, en effet, celui-ci était tout verdoyant, ce dont
il resta tout effrayé, et son interlocuteur disparut. Ces
paroles firent impression sur Echbân, qui se mit à agir
sans relâche sur le peuple, si bien que son nom devint
bien connu et qu’il se rendit maître de l’Espagne. Il s’em-
barqua pour Iliyâ, qu’il pilla et ruina ; il y tua cent mille
juifs et en vendit pareil nombre, et les marbres de cette
ville furent ramenés en Espagne. Son expédition eut lieu
après la deuxième année de son règne, qui dura environ
vingt ans. Le nom d’Echbân était, dit-on, Içbahân, parce
que, [P. 4] né dans cette ville, il en aurait pris le nom i’j ;

(1) lbn el-Athtr écrit Bechnoûliyat, (dans Makkari, Bechtoùlikât,
i, 89) et rapporte également la légende qui a trait à Echbân (ibicl.,
37 et 38), et qu’on retrouve dans Makkari (i, 88).

(2) L’origine soi-disant persane d’Echbàn se fonde probablement sur
la ressemblance de ce mot avec celui dlçbahàn ou Isfahan, mais il y
est maintes fois fait allusion, par ex. par Mas’oùdi, Prairies d’or,
I, 369; il, 326; Makkari, i, 86, etc. Cf. Ibn el-Athîr, Annales, p. 35.

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-4-

Dieu est plus savant. Les princes de cette dynastie sont
au nombre de cinquante-cinq.

Les Goths envahirent ensuite l’Espagne, qui fut, par
l’intervention divine, soustraite à l’empire de Rome.
Leurs princes, qui résidaient à Tolède, furent au nombre
de seize, et le dernier fut Loderik, du temps de qui eut
lieu l’invasion musulmane. J’ai trouvé dans un livre
étranger que le dernier roi d-Espagne s’appelait Wakh-
chendech^, qui n’avait pas son pareil dans la Chrétienté
en sagesse ni en connaissance des règles traditionnelles,
et c’est d’après lui [que ses sujets entendaient les pré-
ceptes du Christianisme i*)], c’est à dire les quatre Evan-
giles, sur lesquels ils sont en désaccord et auxquels ils

se réfèrent. Il était On dit que Loderik, celui qui fut

attaqué par les Arabes et les Berbères, se souleva contre
ce Wakhchendech et le tua. Il s’empara de la royauté et
son autorité fut reconnue par Tolède et d’autres villes.
D’après les livres des étrangers, €e Roderik (sic) n’était
pas un prince de sang royal, mais un bâtard, qui était
gouverneur de Cordoue et qui tua le roi après s’être
révolté contre lui. Il changea les règles du gouvernement
et corrompit les coutumes traditionnelles de la royauté ;
il ouvrit le temple qui renfermait le coffre^ et qui

était ; à la mort de chaque roi on y écrivait son nom

et la durée de son règne, et l’on y déposait son diadème.

(1) Khachendech (Ghindaswinde ?) dans Makkari (i, 89).

(2) J’ai ici tenté de compléter et corriger le texte diaprés Makkari
(ib.), à qui Dozy, dans ses Corrections, n’a pas songé à recourir.

(3) La légende relative à l’origine de ce coffre figure dans Makkari
(I, 152 et s.; cf. 157), et dans Ibn Khallikan (m, 479). Sur ce coffre
et son contenu, sur la Table de Salomon, etc., on peut consulter
notamment l’étude détaillée qu’en a faite M. Juan Menendez Pidal,
Leyendas del idtimo rey Godo (in Revista de ctrchivos, 1901 et 1902),

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– 5 –

Les chrétiens lui manifestèrent leur désapprobation [et
offrirent de lui bâtir] une demeure semblable, faite d’or
et d’argent, à condition qu’il ne l’ouvrit pas ; mais, sans

vouloir les écouter, il persista à ouvrir le coffre Il y

trouva, avec les diadèmes des rois, des statues d’Arabes
porteurs d’arcs et enturbannés [sur lesquelles ?] il était
écrit : « Quand cette demeure sera ouverte et qu’on en
tirera ces statues, des gens qui leur ressemblent péné-
treront en Espagne » Quand les Arabes et les Ber-
bères, conduits par Tàrik’, se trouvèrent en Espagne, les
chrétiens l’abandonnèrent et s’enfuirent, si bien qu’il fut
tué. L’invasion de T’àrik’ eut lieu un an après l’acces-
sion au trône de Roderik, qui fut tué par T’ârik’ à Kar-

tâdjenna (Carteya) A son arrivée à Tolède, T’ârik’ y

trouva la table de Salomon [P. 5] ainsi que les statues
équestres des Arabes et des Berbères. Celles-ci furent
placées près du château de Cordoue. Mais, selon d’autres,
les slalues qu’on voit en ce lieu y furent transportées par
c Abd er-Rahmàn ben Mo c âwiya et étaient des talismans
placés par les Arabes dans les mosquées d’Espagne.

En voilà assez pour le moment en ce qui touche la des-
cription de l’Espagne et l’énumération de ses anciens rois.

Les Musulmans pénètrent en Espagne et l’enlèvent aux Infidèles (*).

On raconte de quatre manières différentes l’entrée des
musulmans dans ce pays :

lo Ce furent c Abd Allah ben Nâfi c ben c Abd el-Kays

(1) Sur la conquête de l’Espagne par les Musulmans, voyez Ibn el-
Athir, Annales, p. 43 ; Saavedra, Estudio sobre la invasion, etc. ,
Madrid, 1892 ; et ci-dessous.

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– 6 –

Fihri et c Abd Allah ben el-Haçin Fihri W qui y pénétrèrent
par mer, du temps d’ c Othmân. D’après Tabari, ils y péné-
trèrent par terre et par mer et Dieu leur en fît faire la
conquête, de même que celle de la France; un territoire
égal à celui d’Ifrik’iyya s’ajouta ainsi à l’empire musul-
man. L’Espagne continua de dépendre de l’Ifrik’iyya
jusqu’à l’époque de Hichàm ben c Abd el-Melik. Puis les
Berbères défendirent [et reconquirent] leur pays, et ceux
qui étaient en Espagne restèrent tels quels ( 2 ). Cela se
passait en 27 de l’hégire (6 octobre 647).

2° Moûsa ben Noçayr ( 3 ) la conquit en 91 (8 novembre
709). De cette version, que rapporte aussi Tabari, il
résulte que ce chef passa en personne en Espagne et
qu’il dirigea cette expédition et la conquête ;

3° Tarif y pénétra et la conquit en 91 ;
* 4° Ce fut T’ârik’ qui y pénétra le premier, en 91, et qui
y fut suivi en 92 par Moûsa.

On voit la contradiction qui existe enlre ces quatre
versions : on dit que les deux Fihrites furent les pre-
miers à y entrer, ensuite que ce fut Ibn Noçayr, puis
Tarif et enfin T’ârik’. De là résulterait que les deux Fih-
rites ont, du temps d’ c Othmân, remporté des victoires et
ramassé du butin sur le littoral, et que Tarif, arrivé en
91, y a fait des ravages que l’on a mis sur le compte de
Moûsa ben Noçayr, selon la coutume qui attribue au
chef les actes qu’il a ordonnés : le fait qu’il dépendait

(1) Le nom de ce chef figure aussi dans le Nodjoûm, i, 95 ; cf. Annales
du Maghreb, p. 16.

(2) «. . . e impidieron los berberies las comunicaciones, quedando los
habitantes de Al-Andalus por su estado en condicion superior à la de
ellos» (trad. F. Gonzalez, p. 14).

, (3) Sa biographie figure dans la Hollat, in Notices sur quelques ma-
nuscrits, p. 30; Ibn Khallikan, ni, 475; Dhabbi, n° 1334, etc.

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_ 7 –

de Moûsa le prouve, [P. 6] et alors l’allégation de
Tabari est exacte; à plus forte raison M est-ce prouvé
par le récit de RàzH 2 ). T’ârik’ enfin y pénétra pour en
faire la conquête par lui-même, en 92 (28 octobre 710).

D’après c Arib, l’infidèle Julien, gouverneur d’Algéziras,
entra en relations, en 91, avec Moûsa ben Noçayr, gou-
verneur d’Ifrîk’iyya, par l’intermédiaire de T’àrik’ ben
Ziyâd, qai administrait Tanger et les environs au nom
de Moûsa ( 3 ). Julien lui écrivit pour lui présenter sous le
plus beau jour la conquête de l’Espagne et lui en montrer
la facilité. On dit même qu’il se rendit par mer auprès
de lui, si bien qu’il l’amena à ce projet. Moûsa consulta
Welid ben c Abd el-Melik, ou par lettre ou en personne,
car il y a divergence à ce sujet, et le khalife conseilla de
tenter l’affaire avec quelques escadrons, sans trop expo-
ser les musulmans. Alors Moûsa envoya un berbère,
Aboû Zor c a Tarif, à la tête de 100 cavaliers et de 400
fantassins, qui franchirent sur quatre navires le bras de
mer qui les séparait de l’Espagne et débarquèrent vis à
vis de Tanger, à l’endroit appelé maintenant, à cause de
cela, Djezirat Tarif; de là il poussa des incursions dans
les environs jusqu’à Algéziras, enleva des captifs et un
butin considérable et s’en retourna saki et sauf. Cette
incursion avait été organisée en ramadan 91 (juillet 710).

(1) Je lis ,£jA.b

(2) Sur Aboû Bekr Ahmed ben Mohammed Ràzi, mort vers 344,
et des œuvres de qui il ne nous est parvenu que de faibles fragments,
voir notamment Pons, 1. I., p. 62, et Saavedra, Estudio sobre la
invasion, p. 8.

(3) On discute la question si Julien était Goth, Byzantin ou Berbère ;
voir notamment Dozy, Recherches, i, 57, 3* éd. ; Codera in Revista
de Aragon, mars 1902 et s. ; J. Menendez Pidal in Revista de archivos,
1902, p. 354.

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– 8 –

On est donc, semble-t-il, unanime à reconnaître que
celui qui a fait le plus dans la conquête de l’Espagne est
T’àrik* ben Ziyâd, mais on n’est pas d’accord sur son
origine : la plupart disent que c’est un Berbère de Nefza,
et que, devenu captif, il fut affranchi par Moûsa ben
Noçayr, tandis que d’autres le disent Persan.

D’après Çàlih’ ben AboûÇàlih’d), T’ârik’ était fils de
Ziyàd ben e Abd Allah ben Refhoil ben Ourfeddjoûm ben
Inizghasen ben Oulhàç ben Itewwofet benNefzân^. On
admet aussi sans conteste qu’il administrait le Maghreb
el-Akça au nom de Moûsa avant qu’on se mît à explorer
l’Espagne, et que celui-ci lui laissa les otages livrés par
les Berbères de cette province en 86 (1 janvier 705). Mais
on dit encore que T’ârik’ passa en Espagne [P. 7] en 92
avec les otages berbères.

D’après Ibn el-K’attân @), on dit généralement qu’il
résidait à Tanger ou, selon d’autres, à Sidjilmàssa ; que
Salé et la région par delà, Fez, Tanger et Ceuta, appar-
tenaient aux chrétiens, et qu’à Tanger résidait Julien ;
que Tàrik’ était alors le lieutenant de Moûsa ben Noçayr.
Mais ici encore commence la divergence sur le point de
savoir s’il passa en Espagne d’après l’ordre de Moûsa,
ce qui est l’opinion générale et communément admise,

(1) Je ne trouve d’autre personnage de ce nom que Çàlih ben Àboù
Çàlih Khalaf, juriste et théologien qui avait étudié en Afrique, et
qui mourut en 586 (Tekmila, n° 1223).

(2) Comparez l’orthographe de ces noms dans le 1. 1, p. 37.

(3) Cet auteur, dont le nom est maintes fois cité dans le t. i, et qui
était inconnu à M. de Slane, a composé une chronique intitulée
Nez’m el-Djomân. Ce doit être AboCTl-Hasan ‘Ali beu Mohammed
ben ‘Abd cl-Melik, mort en 628 à Sidjilmàssa, où il était kàdi; (H. des
Berb.y h, 162 ; Tekmila, n° 1920 ; Pons ? Boigues, Ensayo bio-biblio-
grafico, p. 275 ; Dozy, intr. au Bayan, p. 31 ; Notices sur quelques
manuscrits, p. 4).

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— 9 —

ou s’il y fut appelé forcément par quelque incident fortuit.

Ràzi dit, d’après Wàkidi, que Welid ben c Abd el-Melik
nomma Moûsa ben Noçayr gouverneur d’Ifrik’iyya et que
Moûsa fit administrer Tanger par T’àrik’. Celui ci, devenu
voisin de Julien par suite de la proximité d’Algéziras,
s’aboucha avec lui; l’entente se fit entre eux et Julien
promit de le faire, lui et ses troupes, entrer en Espagne.
T’àrik’, qui avait une armée de 12,000 Berbères, se décida
à cette expédition après avoir reçu le consentement de
son patron Ibn Noçayr. Pour transporter ces troupes à
Tinsu des Espagnols, Julien employa les bateaux de com-
merce qui faisaient le cabotage entre les deux côtes, et
que Ton crut transporter des marchands. Tous ces soldats
furent ainsi introduits peu à peu, et T’àrik’, accompagné
de son entourage, partit avec le dernier bataillon pour
aller rejoindre les siens; Julien et ses compagnons, pour
plus de sûreté, restèrent à Algéziras. Le lundi 5 redjeb 92
(27 avril 711), ainsi que cela a été dit, T’ârik’ débarqua
en Espagne près d’une montagne qui porte encore son
nom.

e Isa ben Mohammed (*), l’un des descendants d’Aboû’l-
Mohàdjir, parle, dans son livre, du motif qui amena
T’àrik’ en Espagne : T’ârik’, dit-il, qui gouvernait Tanger
au nom de Moûsa, [P. 8] vit, un jour qu’il était assis,
arriver des navires qui vinrent jeter l’ancre dans le port.
Ses gens allèrent enlever les gouvernails et firent débar-
quer les arrivants, qui déclarèrent venir chercher pro-

(1) J’ai vainement cherché le nom de cet auteur et la mention de
son Jivre. Peut-être s’agit-il de celui, (+403), qui figure dans Pons
(Ensai/o, p. 108, d’après Ylhâta cité par Casiri ; dans le ms de cet
ouvrage existant à Paris, n° 3347, on trouve mentionné un ‘Isa ben
Mohammed ben ‘Isa Omawi Loûchi ; cf. aussi Ibn el-Faradhi, n° 987).

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– 10 –

tection. T’ârik’ demanda à leur chef Julien le motif de sa
venue : « Mon père, répondit-il, est mort; un patrice,
nommé Loderîk, a dirigé ses attaques contre notre roi et
notre royaume, et m’a couvert de mépris et d’humilia-
tion. J’ai entendu parler de vous, et je viens vous appe-
ler en Espagne, où je vous servirai de guide. » T’ârik’,
ayant consenti, réunit les Berbères au nombre de 12,000,
et Julien les emmena petit à petit, ainsi qu’il a été dit.

On explique encore les choses comme ceci : Tanger,
Ceuta, Algéziras et cette région appartenaient au roi
d’Espagne, de même que presque tout le littoral du Ma-
roc septentrional (el~ c adwa) et du voisinage était aux
mains des Roûm. C’étaient eux qui y habitaient, car les
Berbères n’aiment pas habiter les villes ni les bourgades
et ne recherchent que les montagnes et les campagnes, à
cause de leurs chameaux et de leurs troupeaux. Les chré-
tiens, d’ailleurs, avaient accepté un traité de paix. La
coutume, en Espagne, était que les rois chrétiens prissent
à leur service les enfants des patrices et des grands, les
garçons étant employés à l’extérieur et les jeunes filles
faisant des travaux d’intérieur. Cette coutume subsiste
encore de nos jours, notamment pour les garçons : ils
travaillent étant enfants, se mettent au courant des mœurs
et des coutumes, et quand ils sont devenus grands, les
princes les admettent au nombre de leurs guerriers et
dans les familles de ceux-ci. Roderîk, roi Goth d’Espa-
gne* qui avait à sa cour, dans les conditions susdites, la
fille de Julien, lui fit violence; elle en informa secrète-
ment son père, qui cacha sa colère et guetta longtemps
l’occasion de satisfaire son ressentiment. Cela dura jus-
qu’à l’invasion du Maghreb par les Arabes. Alors Rode-
rik fit demander à Julien des faucons, des éperviers, etc.

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– 11 —

<* Je t’enverrai, répondit Julien, un épervier tel que tu
n’as jamais ouï parler de son semblable », voulant dire
par là la trahison qu’il méditait. C’est alors qu’il invita
Târik’ à franchir le détroit (*).

[P. 9] Sur la manière dont T’èrik’ a fait la guerre en
Espagne, il y a diverses versions. c Isa dit dans son livre
que Roderik marcha contre lui avec toutes les forces
militaires de son royaume; qu’il y figurait en personne
assis sur le trône que portaient deux mulets, ceint de
son diadème et couvert de tous les bijoux dont s’ornent
les rois; qu’il s’avança ainsi vers la montagne où était
installé T’ârîk’, qui l’attaqua avec toutes ses troupes, dont
une très faible partie seulement se composait de cavale-
rie ; qu’à la suite d’une lutte si acharnée que tout sem-
blait devoir disparaître, Dieu mit en fuite les infidèles,
et que Roderik fut tué au Wâdi et-Tin( 2 ), à la suite de
quoi T’àrik’ entra à Cordoue, et l’Espagne fut, grâce à
Dieu, conquise par les musulmans.

D’après Wâkidi, on se battit du lever au coucher du
soleil ; il n’y avait eu au Maghreb aucune bataille aussi
importante, et les ossements des victimes demeurèrent
longtemps sur le champ de bataille avant de disparaître.
Wàkidi ajoute qu’il tient d’ c Abd el-Hamid ben Dja’fartë),

(1) Le même épisode est rappelé, sous une forme légèrement diffé-
rente, par Ibn Koùtiyya (p. 262-263 du fragment publié, texte et traduc-
tion, dans le Recueil de textes. . . de l’Ecole des langues orientales,
1889, 1. 1 ; il est préférable de se reporter à la traduction de ce même
fragment publiée dans le J. as., 1856, h, p. 429). Pour l’histoire de la
conquête, voir notamment Dozy, Recherches, 3° éd., i, 21, et Saavedra,
Estudio sobre Xa invasion de los Arabes en Espafla, Madrid, 1892.

(2) Je n’ai pas retrouvé ce nom ailleurs.

(3) Personnage qui a joué un certain rôle et qui mourut en 153 (lbn
el-Athir, v, 403, 404, 422 et 467).

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– 12 –

qui le tenait de son père, que celui-ci disait : J’ai entendu
un Espagnol raconter à Sa c id ben el-Mosayyib W les évé-
nements en question, en ajoutant : «Pendant trois jours,
les musulmans ne cessèrent de frapper de leurs sabres,
si bien qu’ils abattirent complètement leurs ennemis. »
De là, ils gagnèrent la ville capitale, Cordoue, à cinq
journées du littoral, où se trouvait Roderik. L’autorité
de celui-ci s’étendait jusqu’à Narbonne, alors frontière
de l’Espagne du côté de la France et distante de Cordoue
de mille milles. Dans ces premiers succès, Târik’ et les
siens firent dix mille prisonniers, et la part du butin tie
chaque guerrier, en or et en argent, monta à 250 dinars.
D’après Râzi, Roderîk, quand il apprit l’arrivée [P. 1 0]
de T’àrik’ et de son armée et qu’il sut où les trouver,
envoya successivement contre lui des corps de troupes
dont il confia le commandement à son neveu Bandj (*),
fils de sa sœur, qui était son principal officier, mais dans
toutes les rencontres ils furent battus et massacrés, et
Bandj subit le même sort. La force des musulmans s’ac-
crut, et les fantassins purent se monter et élargir le
cercle de leurs incursions dans la région qu’ils traver-
saient ; mais alors ils eurent à subir l’attaque de Rode-
rik monté sur son trône, comme il a été dit, et à la tète
de toutes ses troupes, de ses gardes et des habitants. Ce
prince atteignit l’endroit où était T’àrik’, et le combat
s’engagea sur le Wàdi Beka’ 3 ), dans la province de Sidona

(1) Célèbre traditionnaire, + 94 H. ou environ, appelé le fakih par
excellence (Nawawi, p. 283 ; Nodjoûm, notamment p. 254 ; lbn Khal-
likan, i, 568 ; lbn Koteyba, 223, etc.).

(2) Sur l’orthographe de ce nom, probablement Bencio, cf , Saave-
dra, Estudio, p. 66, u. 3.

(3) Le texte porte Leka, ainsi qu’on le trouve encore ailleurs ; mais
cf. lbn el-Athir, Annales du Maghreb, p. 44 ; Saavedra, p. 68, etc.

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-13-

(Medinasidonia), le jour même, dimanche 28 ramadan
(19 juillet 711) ; la lutte dura depuis le lever du soleil
jusqu’à l’arrivée de la nuit; le lundi elle recommença et
dura jusqu’au soir et ainsi de suite jusqu’au dimanche
suivant, c’est à dire pendant huit jours. Grâce à Dieu,
Loderik et les siens furent tués, et l’Espagne devint la
proie des musulmans. On ne sait au juste où fut tué ce
prince, dont on ne retrouva pas le cadavre, mais seule-
ment une bottine argentée ; il se noya selon les uns, ou
fut tué selon les autres.

T’ârik’ se dirigea ensuite vers le défilé d’AlgézirasW.
puis vers la ville d’Ecija, où s’étaient ralliés les fuyards.
Une nouvelle et sanglante bataille s’engagea, où beau-
coup de musulmans tombèrent morts ou blessés ; mais
l’aide divine, se manifestant, mit un terme aux préten-
tions des barbares, et Dieu remplit leurs cœurs de ter-
reur quand il fit faire par ses fidèles irruption dans le
pays; la plupart des poljlhéistes, laissant derrière eux
les villes, en grande partie vides de leurs habitants, s’en-
fuirent à Tolède.

Julien, quittant sa résidence d’Algéziras, vint trouver
T’ârik’ et lui dit : « Maintenant l’Espagne est à toi ; envoie
tes troupes dans toutes les directions et fais-les guider
par mes gens; toi-même marche sur Tolède! » D’après
ce conseil, T’ârik’ envoya d’Ecija ses soldats de tous
côtés.

{1) Cf. Dozy, Recherches, i, p. 45 de la 3* éd. : « Ce défilé ne peut être
que celui qui se trouve près de Los Barrios, non loin d’Algéziras, ou
bien celui des coteaux de Câmara, qui traverse la chaîne de montagnes
Pénibétique entre Jimena et Alcalâ de los Gazules» (Lafuente, Ajbar
Machmua, 247). Mais pour M. Saavedra (p. 77) il s’agit de la Boca de
la Foz, ce que l’examen de la carte rend des plus vraisemblables.

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– 14 –

[P. 11] Conquête de T’àrik’ ben Ziyâd en 92 (28 octobre 710).

Il s’empara d’abord de Ja Montagne de la victoire, aussi
nommée Djebel Târik\ En effet, sitôt que les musulmans,
arabes et berbères, lurent débarqués dans le port, ils
voulurent gravir la montagne formée de rochers abrupts,
et, se servant des bâts pour faciliter la route à leurs
montures, ils exécutèrent l’ascension; puis, parvenus au
sommet, ils élevèrent pour se protéger le mur dit des
Arabes. On dit aussi qu’ils se rendirent immédiatement
maîtres du fort de Carteya (*), situé au pied de cette mon-
tagne et dans la province d’Algéziras. A cette nouvelle,
les princes d’Espagne allèrent trouver Roderik, orgueil-
leux tyran, qui appela à lui les chrétiens. Les uns disent
qu’il envoya à plusieurs reprises contre les musulmans
des troupes qui, dans toutes les rencontres, furent battues
et massacrées ; qu’ainsi la force des musulmans s’accrut,
que les fantassins purent se monter et élargir le cercle
de leurs incursions; qu’alors Roderik en personne mar-
cha contre eux. Mais la plupart disent, au contraire, qu’il
dirigea en personne la première attaque. Il y a encore
divergence sur la durée des combats qui aboutirent à la
victoire et à la fin desquels Roderik fut mis en fuite : les
uns disent un jour plein, d’autres deux jours, d’autres
trois, d’autres encore huit. On discute également si la
tête du vaincu fut apportée à T’ârik’ ou si ce prince périt
noyé.

Prise de Cordoue. D’Ecija T’àrik’ envoya Moghîth ( 2 ),

(1) Ce nom s’écrit en arabe Kartadjenna, comme celui de Cartha-
gène ; c’est, aujourd’hui, Torre de Cartagena ou del Rocadillo (Saave-
dra, p. 65 ; Mus. d’Esp., n, 33 -et 353 ; Index du Machmua, p. 250).

(2) Moghîth était un affranchi d’origine chrétienne à qui Dhabbi a
consacré un court arlicle (n° 1387).

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Ç^T

– 45 —

client d’ c Abd el-Melik ben Merwân, à Cordoue, Pune des
villes principales du pays. Ce chef avait avec lui 700 cava-
liers et pas un fantassin, puisqu’on avait monlé tous les
fantassins. Arrivé à Secunda et à la bourgade de Tar-
saylW, à trois milles de Cordoue, il envoya les guides à
la recherche de quelqu’un qui pût le renseigner; on lui
ramena, dans le fourré où il se tenait, un berger dont on
s’était emparé, et qui, interrogé au sujet de Cordoue,
répondit : « [P. 12] Les principaux habitants ont quitté
la ville, où il ne reste plus qu’un patrice avec quatre cents
soldats montés et les gens de basse naissance. » A la de-
mande si les murailles étaient fortes, le berger répondit
affirmativement, mais il ajouta qu’il y avait une brèche,
qu’il décrivit, au-dessus de la*Porte de la statue, autre-
ment dite la Porte du pont< 2 ).

A la faveur de la nuit, Moghith et les siens continuè-
rent leur marche, franchirent la fivière et arrivèrent
devant les murs,. qu’ils tentèrent inutilement d’escalader.
Ils retournèrent prendre le berger, qui leur montra la
brèche; ils ne purent pas d’abord y atteindre, mais enfin
un musulman y étant parvenu, Moghîth lui envoya la
mousseline de son turban, dont cet homme saisit un bout
et, avec cette aide, de nombreux musulmans arrivèrent
sur les remparts. Moghîth se dirigeant alors vers la Porte
du pont, à cette époque-là ruinée, ordonna à ses soldats
de cerner les sentinelles sur les remparts, puis on brisa

(1) Les voyelles de ce nom, le Tercios des Mozarabes, sont indiquées
dans le msde YAkhbàr madjrnoû’aip. 10 du texte imprimé; cf. p. 263).
Quant à Secunda, c’est le Campo de la Verdad actuel (Saavedra,
Estudio, p. 81 ; Dozy, Recherches, 3* éd., i, 47).

(2) Là se trouvait une figure de lion, d’où son nom {Fatho’l-Andaluci,
par J. de Gonzalez, Alger, 1889, p. 8 du texte, 9 de la trad.). Cette porte
s’appelle aussi Porte d’Algéziras {Machmua, p. 11 du texte, 24 et 261).

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-46-

tes serrures et l’on pénétra dans la ville. A cette nou-
velle, le prince sortit avec ses meilleurs soldats au nom-
bre de 400, et se réfugia, à l’ouest de la ville, dans une
église où il se fortifia M. Moghith envoya àT’ârik* la nou-
velle de ses succès et assiégea les chrétiens renfermés
dans Téglise pendant trois mois. Un jour qu’il était assis
on vint lui annoncer que le prince chrétien s’enfuyait seul
vers la montagne de Cordoue [la Sierra Morena], pour
s’y défendre et tendre la main à ses coreligionnaires.
Alors Moghith, absolument seul, se lança à sa poursuite.
Quand le fuyard, qui montait un cheval alezan, se vit
poursuivi, il quitta la route et rencontra un fossé dans
lequel son cheval tomba et se cassa le cou. Moghith, arri-
vant bientôt, trouva le chrétien assis sur son bouclier et
s’offrant comme captif. C’est le seul roi (sic) d’Espagne
qui fut réduit en captivité, car les autres ou bien obtin-
rent quartier ou bien s’enfuirent au loin, en Galice, par
exemple, ou ailleurs. Moghîlh, revenant ensuite aux
autres chrétiens, les força à se rendre et leur fil trancher
la tête. Ce temple fut depuis lors nommé YEglise des
captifs.

Quant au gouverneur de Cordoue, il le laissa en vie
pour le présenter au Prince des croyants.

[P. 13] Prise de Malaga( 2 ). D’Ecija T’ârik’ envoya
contre cette ville un corps de troupes commandé par un
officier qu’accompagnait, comme guide, un homme de

(1) Il s’agit de Téglise de San Acisclo (Saavedra, p. 83 et 85; Dozy,
Recherches, i, 2 # éd., p. 54 ; 3 e éd., p. 48).

(2) Sur la conquête de Malaga, de Grenade et de Murcie, que le Madj-
moû’a place aussi à cette époque, cf. Saavedra, 1. 1., p. 86 ; Machmua,
tr., p. 26 ; Recherches, i, 56, n. 3 ; Guillen Robles, Malaga musulmana,
p. 35.

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– 17 –

Julien. Cette ville fut conquise ainsi que la province de
ReyyaW, mais les chrétiens purent se réfugier dans les
hautes et inabordables montagnes de Reyya.

Prise de Grenade, capitale d’Elvira^. D’Ecija T’ârik’
envoya contre cette ville un corps de troupes qui l’assié-
gea et s’en rendit maître.

Prise de Murcie. Ce même détachement marcha ensuite
contre Todmir, c’est à dire Murcie, qui avait pris ce nom
de celui du chrétien qui y régnait; elle s’appelait (aussi)
Orihuela< 3 ), et c’était la capitale ancienne de (cette pro- vince). Le chrétien Todmîr, qui était puissant, combattit avec acharnement; mais ensuite il fut mis en déroute dans une plaine sans abri où les infidèles furent anéantis par la main des musulmans ; ceux qui échappèrent se réfugièrent à Orihuela. Quand Todmîr, qui était bien au courant des ruses de guerre, vit combien il avait perdu des siens, il ordonna aux femmes de laisser flotter leurs cheveux, les arma de. lances et les plaça sur les remparts de la ville avec ce qui lui restait de soldats; puis lui- même, déguisé en messager, se présenta pour demander quartier et obtint la capitulation pour lui et pour les habitants; ce ne fut qu’alors qu’il révéla qui il était et qu’il introduisit les musulmans dans la ville. Ceux-ci s’aperçurent alors qu’elle était privée de tout moyen de défense, mais, malgré le repentir qu’ils en eurent, ils res- (1 ) Ce nom doit probablement se prononcer Reyyo, latin regio, et est donné à la province de Malaga, dont Archidona est restée longtemps la capitale (Dozy, Recherches, i, 320; 3 e éd., p. 317). (2) Ce nom représente l’ancienne Eliberis, aussi dénommée Castella, à environ trois parasanges N.-O. de Grenade, qui a été longtemps la capitale de la province de Grenade (Dozy, ibid., p. 328 ; 3 e éd., p. 327). (3) Ce qui est inexact ; cf. Edrisi, pp. 210 et 234 ; Recherches, 3* éd., it 49. Digitized by Googk – 18 – pectèrent les conditions de la capitulation. Puiè ils infor- mèrent T’ârik’ du succès de leurs armes. Quelques sol- dats restèrent à Todmîr avec les habitants ; mais la plu- part allèrent rejoindre T’ârik’, qui était devant Tolède. Prise de Tolède. T’ârik’ trouva cette ville abandonnée ; il n’y restait qu’un petit nombre de juifs, tandis que le prince de cette ville s’était retiré dans une autre ville, derrière la montagne. T’ârik’, après y avoir organisé mili- tairement ces juifs renforcés par quelques-uns de ses soldats et partisans, se mit à la poursuite du fugitif O, arriva à Guadalaxara [P. 14] et se dirigea du côté de la montagne, qu’il franchit par le col qui porte encore son nom( 2 >. De l’autre côté, il arriva à la ville dite de la
Table, parce qu’il y trouva la table de Salomon, fils de
David, laquelle avait les bords et les pieds en émeraude
verte ; il y trouva également beaucoup d’argent et d’ob-
jets précieux. Il Regagna ensuite Tolède. Tel est le récit
qu’on fait en attribuant ces actes à T’ârik’; mais, selon
d’autres, il resta sur le champ de bataille [de Wâdi Beka],
où il fut rejoint par Moûsa; on dit aussi que Cordôue fut
le lieu de leur rencontre.

Un an après T’ârik, en ramad’ân 93 (juin-juillet 712),
Moûsà ben Nôçayr entra en Espagne et poursuivit sa
marche victorieuse pendant le reste de cette année, en
94 et une partie de 95 ; il conquit toutes les places fortes
et battit tous les généraux qui marchèrent contre lui.

(1) La traduction est faite d’après le texte tel que le rétablit Dozy
dans ses Corrections. On sail, en effet, que les juifs, qui avaient à
se plaindre des Visigoths, prêtèrent leur concours aux conquérants
(cf. Saavedra, p. 89; Annales du Maghreb, p. 46 n. 2 : Dozy, Recher-
ches, 2* éd., i, 55 et 331 ; 3° éd., p. 339 ; Fournel, Berbers, i, 259, etc.).

(2) Le Col de Tank’ serait celui de Buitrago ou de Somosièrra
{Annales, p. 46, n. 4).

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– 19-

Sans éprouver aucun insuccès ni voir fuir aucun de ses
bataillons, il s’avança jusqu’à la ville de France nommée
LoùVoûnM; tout le reste du pays en deçà et jusqu’à l’ex-
trême limite de Barcelone avait été conquis. Mais alors
les musulmans s’inquiétèrent et lui manifestèrent leur
crainte qu’il les exposât à trop de dangers, de sorte qu’il
les ramena en arrière, t J’ai, dit l’auteur de la Behdjat
en-ne fs&), lu dans un livre chrétien que les musulmans
s’avancèrent jusqu’à Loût’oûn, capitale des Francs, après
s’être rendus maîtres de tout le pays en deçà à l’exception
des montagnes de K’ark’oûcha( 3 >, de celles de Pampelune
et du Rocher de Galice. Dans ce dernier endroit, il ne
resta autour du roi que moins de 300 hommes qui ne
fussent pas morts de faim ou autrement ; quand ceux
qui étaient chargés de les réduire les virent si peu nom-
breux, ils dédaignèrent de les poursuivre plus longtemps
et les abandonnèrent ; mais le nombre de ces fuyards crut
peu à peu, et ils finirent par chasser les musulmans de la

(1) Il s’agit soit de Lyon (Lugdunum), soit d’Autun ; ce nom est
écrit ^^3^3 ou o>^ P ar l° n Hayyàn, qui parle plus longuement de
ces expéditions (ap. Makkari, éd. de Leyde, i, 173 ; éd. Boulak, i, 128) ;
voir Reinaud, Invasions des Sarrasins en France, p. 30 ; Le Fort,
Les Sarrasins dans les Alpes, Genève, 1870; Zotenberg, Invasions
des Visigoths et des Arabes en France, Toulouse, 1876; J. Roman,
Note sur les invasions sarrazines dans les Hautes- Alpes, Gap, 1882.

(2) Le titre complet de cet ouvrage est ^j*S)A JLô**^ ^«JuJ\ £xV? ;
il a pour auteur Aboû Mohammed Hichàm ben ‘Abd Allah Kortobi,
qui écrivait en 580 H.; voir la notice que j’en ai donnée dans la Revistà
critica de historia y literatura, 1896, p. 336 ; Pons, Ensayo, p. 393.

(3) Il faut probablement lire Karkachoûna t Carcassonne ; ce dernier
nom figure dans le Merâcid comme celui d’ « une place forte d’Es-
pagne » (cf. Makkari, i, 176, 1. 10 et s.). M. Saavedra voit dans Kar-
koucha les montagnes de Santander [Estudio, etc., p. 119 n.).

Galice, c’est à dire de la CastilleW. K’ark’oûcha, d’après
e Àbd el-Melik ben H’abîb ( 2 ), se rendit par capitulation du
temps de Hichâm ben[P. 15] c Abd el-Melik ( 3 ). Les autres
conquêtes eurent lieu en 92 (29 octobre 710) et dans une
partie de 93 (19 octobre 711).

Le motif qui amena Moûsa ben Noçayr en Espagne fut
qu’on l’excita contre son serviteur T’ârik’ et qu’on lui
parla de l’abondant butin que Dieu lui faisait tombfu*
entre les mains. Moûsa lui écrivit alors une lettre des
plus injurieuses avec défense de dépasser Cordoue avant
qu’il arrivât lui-même, a On rapporte, dit Ibn el-K’at’t’àn,
qu’il passa en Espagne à cause de la défense qu’il avait
faite à T’ârik’ de dépasser, les uns disent Cordoue, les
autres le théâtre de la défaite de Loderîk. D’après d’au-
tres, Moûsa obéit à la jalousie que lui firent concevoir les
victoires et le butin de T’ârik’. On prétend encore qu’il
ne fit que répondre à l’appel de T’ârik’ lui-même ». Nous
avons dit qu’il arriva en Espagne en ramad’ân [92].

Râzî dit ceci : Wàkidi rapporte, d’après Moûsa ben c Ali
ben Rebâh’, qui le tenait de son père< 4 >, que Moûsa ben
Noçayr, irrité contre T’ârik’, quitta l’Ifrîk’iyya avec dix
mille hommes et débarqua à Algéziras. Comme il se refu-
sait à suivre le conseil qu’on lui donnait de suivre le

(1) Les Arabes donnent le nom de Galice à la plus grande partie du
N.-O. de l’Espagne.

(2) malèkite très connu aussi comme historien ; voir Dozy, Int. au Bayân,
p. 12 ; Makkari, notamment i, 463 ; Dhabbi, n* 1063 ; Ibn el-Faradhi,
n» 814 ; Matmah, p. 36; Ibn Khallikàn, iv, 32 ; ms 5032 de Paris, f. 78 ;
ms 851 d’Alger, f. 3 ; Pons y Boigues, Ensayo, p. 29; ci-dessous, p. 113
du texte arabe.

(3) Ce khalife Omeyyade régna de 105 à 125 (724-743 de J. G.).

(4) ‘Ali ben Rebàh’ Lakhmî est un tâbi’ qui se rendit en Espagne
(Makkari, éd. Boulak, n, 53; et cf. Dhabbi, n* 1324).

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– 21 –

même chemin que Tank’, les guides chrétiens s’offrirent
à lui montrer un chemin meilleur et passant par des
villes plus importantes qui n’étaient pas encore con-
quises et dont il pourrait se rendre maître. Moûsa, tout
joyeux, accepta ces offres, et on le conduisit à Sidona,
qu il prit de vive force et qui fut sa première conquête.

Prise de Carmona* De Sidona, Moûsa fut mené par ses
guides à Carmoila, qui élait la plus forte des villes d’Es-
pagne et celle qu’on pouvait le moins prendre par assaut
ou par blocus. Moûsa ayant appris qu’il ne pourrait s’en
emparer que par l’adresse et la ruse, y envoya des rené-
gats d’entre les compagnons de Julien et d’autres, qui y
arrivèrent armés et se présentèrent en fuyards. Quand
Moûsa apprit qu’on leur avait accordé l’entrée de la
ville, il leur envoya de nuit des cavaliers à qui les pré-
tendus fuyards ouvrirent la porte dite de Cordoue et qui
en massacrèrent les gardiens. Les musulmans prirent
ainsi la ville de vive force.

Prise de Séville. [P. 16J Maître de Carmona, Moûsa
marcha contre Séville. C’était, parmi toutes les métro-
poles d’Espagne, la plus grande, la plus importante, la
mieux bâtie et la plus riche en anciens monuments. Avant
d’être conquise par les Goths, elle avait été la résidence
du gouverneur romain; les rois Goths avaient choisi
Tolède pour la leur, mais Séville était restée le siège des
adeptes romains de la science sacrée et profane, et c’est
là que demeurait la noblesse de même origine. Après un
siège de plusieurs mois, Moûsa s’en rendit maître, et les
chrétiens qui y habitaient se réfugièrent à Béja.

Prise de Mérida. De là Moûsa marcha contre Mérida,
ancienne capitale qui renfermait d’admirables monu-
ments anciens, un pont, des palais et de magnifiques

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“1

– 22 –

églises. C’était une des quatre capitales de l’Espagne
fondées par Oktebàn le César, les trois autres étant Cor-
doue, Séville et Tolède. Les habitants sortirent à la ren-
contre de Moûsa et lui livrèrent combat à un mille de la
yille, où ils furent forcés de rentrer. Après le combat,
Moûsa, faisant le tour de la cité, remarqua des carrières
où, la nuit, il embusqua des soldats ; et, quand le lende-
main matin, il offrit le combat, les habitants sortirent
comme ils avaient fait la veille ; mais, surpris par les
troupes embusquées, ils subirent des pertes importantes,
et ceux qui purent se sauver rentrèrent dans la ville.
Alors Moûsa en entreprit le siège, qui dura plusieurs
mois; il finit par installer une tour mobile à l’abri de
laquelle les musulmans purent s’avancer et commencè-
rent à saper le roc sur lequel s’élevait un bastion ; mais
ils furent arrêtés par une roche très dure sur laquelle
s’émoussaient leurs pioches. Pendant qu’ils tentaient en
vain de la briser, les chrétiens les assaillirent ; les mu-
sulmans périrent sous la tour mobile, et ce bastion prit
de là le nom, encore employé aujourd’hui, de a Tour des
Martyrs. » Alors, le courage des chrétiens se ranima et
ils reprirent confiance. Cependant ils offrirent ensuite de
se rendre à composition (*), et envoyèrent, à cet effet, à
Moûsa, des messagers qui se trouvèrent devant un homme
à cheveux et à barbe blancs ; mais leurs propositions
étant à ses yeux inacceptables, ils s’en retournèrent sans
rien conclure. Ils revinrent une autre fois [P. 17] et lui

(1) J’ai donné au texte, qui est un peu confus, le sens que comporte
le Machmua, qui attribue explicitement l’initiative des négociations
aux assiégés (texte, p. 27 ; trad. esp., p. 30, et Dozy, Recherches, 2* éd.,
p. 51 : 3′ éd., p. 54). Les deux récits, pour tous ces événements, sont
presque identiques.

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– 23 –

trouvèrent les cheveux et la barbe rougeàtres, car il
s était servi de henné) cela leur fut une cause de sur-
prise et de crainte, mais rien encore ne fut tranché. Ils
se représentèrent un troisième jour, qui était celui de la
Rupture du jeûne, et cette fois il avait teint en noir ses
cheveux et sa barbe. Ils retournèrent auprès de leurs
compatriotes : « Malheureux que vous êtes ! leur dirent-
ils, vous combattez des prophètes qui se rajeunissent à
volonté; leur roi, d’un vieillard qu’il était, est devenu un
jeune homme. — Retournez”, leur dit-on, et acceptez ses
conditions. » En conséquence, on conclut un traité aux
termes duquel les biens de ceux qui avaient été tués au
jour de l’embuscade et de ceux qui s’étaient réfugiés en
Galice, ainsi que ceux des églises, devenaient la propriété
des musulmans. Les portes de la ville furent donc ouver-
tes aux vainqueurs le jour même, 1 er chawwâl 94 (30
juin 713).

Se ville est de nouveau conquise. Pendant que Moûsa
était occupé au siège de Mérida, les chrétiens de Séville,
renforcés par quantité de ceux qui s’étaient enfuis à Nié-
bla et à Béja, se révoltèrent contre la garnison musul-
mane de cette ville et tuèrent environ quatre-vingts sol-
dats. Moûsa, qui fut informé de ce fait, envoya, dès qu’il
se fut rendu maitre de Mérida, son fils c Abd el- c Aziz, qui
reprit la ville et en massacra les habitants.

Prise de Niébla. De là c Abd el- c Aziz ben Moûsa mar-
cha avec son armée contre Niébla, qu’il prit, et ensuite
il retourna à Séville.

Rencontre à Tolède de l’émir Aboû ‘Abd er-Rahmân Moûsa ben
Noçayr et de son affranchi T’ârik’ ben Ziyâd.

La plupart disent que leur rencontre eut lieu à Tolède;

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– 24 –

Tabari dit que ce fut à Cordoue. Râzi dit que T’ârik’, en
apprenant que Moûsa approchait, quitta Tolède pour
aller au-devant de lui et le trouva proche de Talavera.
En effet, Moûsa, après la prise de Mérida, se dirigea vers
Tolède, tandis que T’ârik’ faisait diligence pour le rece-
voir avec honneur [P. 18] et témoigner de sa soumis-
sion. Mais Moûsa, en colère, l’accueillit avec des repro-
ches, et Ton dit même qu’il lui donna un coup de fouet
à la tête; selon d’autres, il lui en donna plusieurs, lui
fit raser la tête et l’emmena à Tolède. Arrivé là, il lui
demanda de lui montrer son butin, la table comprise.
T’ârik’ obéit et montra, entre autres choses, la table à
laquelle il avait enlevé un pied; interrogé à ce sujet, il
répondit l’avoir trouvée en cet état. Moûsa le fit rempla-
cer par un pied en or, et fit envelopper la table dans une
natte formant gaîne.

On assigne divers motifs à cette conduite de Moûsa
envers T’ârik’ : pour les uns il obéit à la jalousie et à
l’envie, ce que prouvent, disent-ils, sa prétention à s’attri-
buer les succès de son lieutenant et le fait qu’il présenta
lui-même la table au khalife; d’autres l’excusent et expli-
quent sa conduite par la marche en avant, sans son
agrément, de son affranchi, qui exposait les musulmans
en les emmenant aussi loin. Joignez à cela ce qu’on lit
dans Râzi qu’El-Welid envoya à Moûsa un messager qui
saisit la bride de la monture de ce dernier et le força,
ainsi que T’ârik’ et Moghîth, à sortir d’Espagne, où Moûsa
laissa son fils [ c Abd ei- c Azîz] avec, comme vizir, H’abib
ben Aboû c Abda(*) ben c Okba ben Nâfi c .

(1) On lit ‘Obeyda dans le Machm.ua, Ibn el-Koûtiyya, Makkari et
Ibn el-Athîr ; voir Merràkechi, tr. fr., p. 9 n. ; Fournel, Berbers, i, 264,
n. 2. — Les deux prononciations ‘Abda et *Obda sont possibles {Mosçh-
tabih de Dhehebi, p. 339).

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– 25-

Après la rencontre, dans les termes que Ton sait, de
Moûsa et de son lieutenant, le premier marcha de Tolède
sur Saragosse, dont il fit la conquête ainsi que celle des
châteaux et des réduits environnants. On raconte que,
parti de Tolède, Moûsa s’avança en conquérant toutes
les villes jusqu’à la soumission complète de l’Espagne:
les chefs de là Galice vinrent lui demander d’être reçus
à composition, ce qu’il leur accorda; il conquit le pays
de Bachkanch (Biscaye) et pénétra assez loin pour y ren-
contrer un peuple semblable à des brutes; il porta aussi
la guerre dans le pays des Francs, puis se détourna vers
Saragosse, à environ un mois de marche de Cordoue, et
y trouva des richesses incalculables; il fit de ce côté la
conquête de nombreuses places fortes. Moûsa, dont les
évoques retrouvaient la trace dans leurs livres, n’eut
jamais à déplorer l’échec d’aucun de ses corps d’armée.

Yoûsof ben HichàmW dit ceci : Moûsa arriva jusqu’à
une statue portant écrit sur sa poitrine : « Fils d’Ismâ c il,
c’est ici votre point extrême. Si vous demandez où vous
retournerez, nous vous apprendrons que c’est à des dis-
cussions entre vous, [P. 19] si bien que vous vous cou-
perez le cou les uns aux autres. »

El-Leyth ( 2 ) raconte qu’un homme vint trouver Moûsa
et s’offrit à lui faire découvrir un trésor. Le général lui
donna quelques hommes, avec qui il se rendit dans un
endroit qu’il leur fit mettre à découvert (lacune du ms t
probablement d’un feuillet).

(1) Je n’ai pu retrouver d’autre mention de ce traditionnaire, dont le
nom a probablement été inventé pour établir l’authenticité du conte
qui suit, lequel se retrouve ailleurs, p. ex. dans Ibn el-Athir (Annales,
p. 48), etc.

(2) Probablement Leyth ben Sa’d, tradilionnaire mort en 175.

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– 26 –

[Le khalife El-Welîd] mourut et eut pour successeur
son frère Soleyrnân, qui se fit amener Moûsa et l’inter-
pella violemment : « J’en prends Dieu à témoin, j’ébrê-
cherai ton épée, je t’ôterai tout repos, je réduirai ton
pouvoir! — Quant à ébrêcher mon épée ou à réduire mon
pouvoir, repartit Moûsa, cela est dans la main de Dieu
et dépend de lui, mais ne dépend pas de toi ; c’est à lui
que je demande de me secourir contre toi. » Alors Soley-
rnân fit exposer au soleil ardent d’une journée d’été
Moûsa, qui était un homme grand, fort et asthmatique,
et qui finit par tomber sans connaissance. Alors Soley-
rnân, regardant c Omar ben f Abd el- c Aziz, lui dit : « Aboû
H’afç, je pense avoir dépassé les termes de mon serment !
— Prince des croyants ! repartit c Omar. — Qui veut se
charger de lui ? » dit Soleyrnân. Et Yezid ben el-Mohal-
lebW, se levant, déclara qu’il était prêt à le faire : « Eh
bien ! dit le khalife, prends-le. et ne soit pas trop dur à
son égard. » Alors Yezîd fit approcher une monture sur
laquelle Moûsa se hissa : il l’emmena et le garda pen-
dant quelques jours, jusqu’à ce que de meilleurs rapports
se rétablissent entre ce chef et le khalife. Moûsa se libéra
moyennant une rançon considérable, un million de dinars
disent les uns, ou une autre somme selon d’autres. Yezid,
étant une nuit à veiller son hôte, lui demanda le nombre
des clients et des parents sur qui il pouvait compter :
« Ils sont en grand nombre, dit Moûsa. — Sont-ils mi lie?
reprit Yezid. — Mille, encore mille, et ainsi de suite
jusqu’à en perdre haleine. — Et dans la situation que tu
dis, tu t’es exposé à la mort ! Pourquoi donc n’être pas

(1) Yezid était J’un des personnages les plus considérables du temps,
sa biographie est racontée fort au long par lbn Khallikàn (iv, 164).

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– 27 –

resté au siège de ton pouvoir, au lieu où s’exerce ton
autorité, en employant pour te défendre ce que tu as
apporté ici? Si on te laissait tranquille, rien de mieux;
et autrement, tu étais au centre de tes forces! — [P. 20]
Je le jure, reprit Moûsa, si j’avais voulu ainsi agir, on
n’eût pu quoi que ce soit contre moi; mais j’ai préféré
obéir à Dieu et à son Apôtre, et je n’ai voulu ni me révol-
ter ni rompre avec la communauté des fidèles. »

On raconte que Soleymân posa diverses questions à
Moûsa : « Où as-tu cherché de l’aide dans tes combats et
tes rencontres avec l’ennemi ? — Dans la prière et l’opi-
niâtreté à la lutte. — Quels sont les chevaux les plus vites
que tu as vus dans ces pays? — Les alezans. — Quels
peuples ont été les plus acharnés au combat ? – Ils sont
trop nombreux pour que je puisse les décrire. — Parle-
moi donc des Chrétiens! — Ce sont des lions quand ils
sont dans leurs forteresses, des aigles à cheval, des
femmes sur leurs navires; ils saisissent l’occasion qui
se présente/ mais, vaincus, ils fuient avec la vitesse du
chamois dans la montagne, car à leurs yeux la fuite n’est
pas déshonorante. — Parle-moi des Berbères ! — De tous
les barbares ce sont ceux qui ressemblent le plus aux
Arabes au point de vue de l’attaque, de la valeur, de
l’opiniâtreté et de l’habileté en équitation ; mais ils sont
d’une fausseté sans pareille et ne respectent ni promes-
ses ni engagements. — Parie-moi de l’Espagne! — Des
princes efféminés et des cavaliers que leurs efforts ne
trompent point. — Et les Francs? — Ils ont pour eux le
nombre, l’équipement, la fermeté, l’acharnement, la vi-
gueur et la valeur. — Et dans tes rencontres avec eux,
as- tu eu le dessus ou le dessous? — Quant à cela, je le
jure, jamais un de mes étendards n’a été mis en fuite,

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– 28 –

mes compagnons n’ont été dispersés, les musulmans
n’ont avec moi battu en retraite depuis que j ai eu atteint
quarante ans, et j’en ai maintenant quatre-vingts!» Soley-
mân souriant et agréablement surpris de ces réponses,
se fit apporter une tasse d’or sur laquelle il promena ses
regards; Moûsa lui dit alors : « Tu admires ce qui n’en
vaut pas la peine; je ne crois, par Dieu ! pas qu’elle vaille
dix mille dinars, alors que moi j’ai, je l’atteste, envoyé à
ton frère El-Welid un grand vase d’émeraude dont le
vert verdissait le lait qu’on y versait de façon à y rendre
visible un poil blanc. Bien qu’on l’estimât valoir cent
mille mithkâl, c’est une des moindres choses que je lui
ai envoyées, car je me suis emparé encore de ceci, de
cela, etc.» ; et il énuméra- une telle quantité de perles,
de rubis et d’émeraudes que Soleymân en resta comme
hébété.

Ce khalife, étant un jour allé à la chasse en compagnie
de Moûsa ben Noçayr, [P. 21] passa par une de ses mé-
tairies renfermant des.bestiàux, et entre autres un mil-
lier de moutons; alors, se tournant vers son compagnon,
il lui demanda s’il avait la pareille :’« Le moindre de mes
clients, dit Moûsa en souriant, en a le double. — Le
moindre de tes clients? reprit le khalife. — Oui certes,
oui certes! répéta Moûsa à plusieurs reprises; qu’est-ce
que cela à côté des biens des infidèles dont Dieu m’a gra-
tifié? Le millier de moutons s’est vendu dix dirhems, le
cent un dirhem, et Ton passait à côté de troupeaux de
bœufs et de menu bétail sans même les regarder; j’ai vu
vendre jusqu’à une dizaine de chameaux pour un dinar,
donner des infidèles, connaissant un métier, avec femme
et enfants, pour la somme de cinquante dirhems. »

Soleymân fit ensuite le pèlerinage, et Moûsa l’açcom-

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-29-

pagna. Or, ce chef, qui était mieux que personne au cou-
rant de l’astrologie, était à Médine quand il annonça à
l’un de ses compagnons que le surlendemain mourrait
un homme dont la renommée avait rempli l’Orient et
POccident. Ce fui lui-môme qui expira au jour fixé, et les
dernières prières furent dites sur lui par Maslama ben
c Abd el-Melik. Moûsa, qui était né en l’an 19, sous le
khalifat d’ c Omar ben el-Kbattàb, descendait de Lakhm
selon les uns, ou, selon d’autres, de Bekr ben Wâ’in 1 ‘.
D’après ce que dit Ibn Bachkowâl dans sa ÇilaW,
Moûsa était fils de Noçayr ben c Abd er-Rahmân ben Zeyd.
Au dire d’un autre, cet officier, bien que Mo c àwiya ben
Aboû Sofyân l’eût mis à la tête de sa cavalerie, ne mar-
cha pas avec lui pour combattre c AliW, et comme Mo c à-
wiya lui demandait la cause de son refus, en lui rappe-
lant que les bienfaits dont il lui était redevable auraient
dû provoquer une gratitude égale : « Je ne pouvais, ré-
pondit Moûsa, te témoigner ma reconnaissance au mépris
de celle que je dois à quelqu’un dont les droits sont supé-
rieurs aux tiens ! — Et qui donc est-ce ? — Le Dieu tout-
puissant ! » Mo c âwiya resta quelques moments les yeux
baissés et, demandant pardon à Dieu, ne put qu’approu-
ver Moûsa.

(1) Il mourut en 97 (Ibn el-Athîr, Annales, p. 55), dans les tortures
d’après une autre tradition (H. des Berbères, i, 355). Cf. Dozy, H. des
Mus. d’Esp. I, 217.

(2) II n’existe pas d’article consacré à Moûsa ben Noçayr dans l’édi-
tion de la Çila que nous devons à M. Codera (Madrid, 1883, 2 vol.). Sur
la généalogie de ce chef, voir Makkari, éd. Leyde, i, 156; Nodjoûm,
I, 261, et Weil, G. der Chalifen, i, 546. Cf. Hollat, p. 30.

(3) Il s’agit de la bataille de Çiffln. Cette anecdote se retrouve encore
ailleurs (Ibn el-Athîr, Annales du Maghreb, p. 33 ; Makkari, i, 149 ; Ibn
KhalJikân, in, 475).

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– 30 –

Voici ce que dit El-Leyth ben S’ad : a Moùsa ben Npçayr
étant arrivé en Ifrîk’iyya* lors de la conquête qu’il fit de
ce pays, envoya dans une certaine direction l’un de ses
fils, nommé c Abd Allâb, qui lui ramena cent mille captifs,
dont la plupart avaient des faces semblables à la pleine
lune; il expédia ensuite un autre de ses fils, Merwân,
dans une autre direction, et celui-ci en ramena autant.
Lui-même ensuite se mit en campagne, et il en ramena
un nombre à peu près égal. » El-Leyth dit que le quint
formait soixante mille têtes, [P. 22] et que l’Islam n’avait
pas jusque-là entendu parler d’un nombre aussi grand
de captifs w.

Ce fut en 95 (26 septembre 713) que Moûsa quitta l’Es-
pagne pour se rendre en Syrie, laissant, pour le rempla-
cer dans sa conquête, son fils f Abd el- c Aziz.

Gouvernement d”Abd el-‘Azlz ben Moûsa ben Noçayr.

A côté de son fils c Abd el- c Azîz, Moûsa laissa H’abîb
ben Aboû c Abda ben c Okba ben Nàfi c pour .lui servir de
vizir et d’aide, de même qu’il établit dans ce pays tous
ceux qui voulurent s’y fixer. Quand Moûsa était arrivé à
Séville, il y avait installé son fils, qui, satisfait de son
séjour, fit de cette ville le siège de son gouvernement.
Après le départ de son père, il épousa Aylo< 2 ), veuve de
Loderik, laquelle fut la mère d’ c Açim (Oumm- c Açim) et
avec qui il habita à Séville. Cette femme, quand le ma-
riage fut consommé, lui dit : « Les rois n’exercent réelle-

(1) Ces chiffres énormes, et souvent répétés, figurent déjà dans le
t. i, p. 32.

(2) C’est PEgilone des auteurs espagnols; cf. de Slane, H. des Berb.,
I, 354 ; Ann. du Maghreb, p. 34; Weil, I, 544 ; Fournel, 1, 264, etc.

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– 31 –

ment la royauté que quand ils portent un diadème; je
pourrais t’en confectionner un avec les pierres précieuses
et l’or qui me restent I » Et comme il objectait que sa reli-
gion ne le lui permettait pas : a Et comment, dit-elle, tes
coreligionnaires sauraient-ils ce que tu fais dans l’inti-
mité? » Et elle insista tant, qu’il fit comme elle voulait.
Or un jour que, le diadème posé sur sa tête, il était assis
à côté d’elle, il vint à entrer la femme de Ziyâd ben Nàbi-
gha Temimi, fille d’un des rois vaincus, laquelle, à la
suite de ce spectacle, proposa aussi à son mari de lui
faire un diadème. Comme Ziyâd refusait en invoquant la
défense que lui faisait sa foi de porter cet emblème : « Je
le jure par la religion du Messie, s’écria-t-elle, je l’ai vu
sur là tête de votre prince et imàm ! » Ziyâd informa de
la chose H’abib ben Aboû f Abda, et cela fit l’objet de
leurs conversations, si bien que les principaux du djond
apprirent aussi ce qui se passait. Ils n’eurent pas de cesse
qu’ils n’eussent constaté le fait par eux-mêmes, et alors,
se disant les uns aux autres que leur chef s’était fait chré-
tien, ils l’assaillirent et le massacrèrent.

D’après El-Wâkidi, la femme qu’épousa c Abd el- c Azîz,
après la mort de son père, était fille de Loderîk, et elle
lui apporta des richesses telles qu’on ne peut les décrire.
Après avoir commencé à vivre avec lui, elle lui tint ce
langage : « Quoi donc! tes sujets [P. 23] ne t’honorent
pas et ne se prosternent pas devant toi comme faisaient
ceux de mon père ! » Il fit alors faire une porte basse qui
fut adaptée à une ouverture pratiquée dans un mur du
palais et par où devaient passer ceux à qui il donnait
audience, de sorte que le peu de hauteur de la porte les
forçait à baisser la tête en se présentant devant lui. C’était
ce que pouvait voir sa femme, sans être vue elle-même,

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– 32 –

d’un salon installé à cet effet, de sorte qu’elle se figurait
que les visiteurs se prosternaient, et elle dit à son mari
que son pouvoir royal était maintenant bien réel. Mais
le peuple apprit pourquoi cette porte avait été faite, et
alors H’abib ben Aboû c Abda Fibri, Ziyàd ben f Odhra
Balawi, Ziyâd ben Nàbigba Temimi et leurs compagnons
assaillirent et massacrèrent l’audacieux. On prétend aussi
qu’ils le mirent à mort à cause de son refus de plus obéir
à Soleymàn ben c Abd el-Melik quand il apprit l’exécution
ordonnée par ce prince de son propre frère, à lui c Abd
el- c Aziz, et le traitement infligé à leur père Moûsa.

Voici le récit d’Er-Ràzi. Moûsa ben Noçayr ayant quitté
l’Espagne en y laissant pour lieutenant son fils c Abd el-
c Aziz, celui-ci exerça l’autorité d’une main ferme, défen-
dit vigoureusement les frontières, conquit de nombreuses
villes, en un mot, fut un administrateur des plus distin-
gués, mais pendant peu de temps, car le djond, qui avait
à se venger de lui, le massacra au commencement de
redjeb 97 (mars 716) dans l’oratoire de Roufina [église de
S te Rufina] àSévilleW. Arrivé au mihrâb, il se mit à réciter
la première sourate du Koran, puis celle de YEvènement
(la Lvi e ). Alors Ziyâd ben c Odhra Balawi, arrivant par
derrière, l’épée levée, l’en frappa en criant : a Le voilà
[cet événement], ô fils de prostituée ! » Son gouverne-
ment avait duré un an et dix mois.

On raconte aussi que le khalife Soleymàn avait, par
suite de la colère qui l’animait contre Moûsa, père d’ c Abd
el- c Aziz, envoyé au djond l’ordre de massacrer ce der-

(1) Il habitait l’église (kenîsa) de Roubina et avait fait édifier une
mosquée en face (Ibn el-Koutiyya, texte p. 264). La leçon Roubîna,
corrigée parDozy, se retrouve aussi dans le Fatho’l-Andaluçi, p. 21
du texte ar.

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– 33 –

nier ; qu’ensuite on lui coupa la tête, que H’abîb ben Aboû
c Abda Fihri alla présenter à Soleymân. [P. 24] On dit
que cette tête fut mise sous les yeux .de «son père, alors
emprisonné, qui, se raidissant contre l’horreur de ce
méfait, s’écria ; « Puisse son martyre lui profiter ! Vous
avez, j’en atteste le Créateur, tué là un fidèle observa-
teur du jeûne et de la prière W ». Er-Râzi ajoute que Ton
regardait les procédés de Soleymân, à l’égard de Moûsa
et de son fils, comme étant de ses plus grossières aber-
rations et comme lui ayant toujours été reprochés.

Pendant plusieurs mois l’Espagne resta privée de gou-
verneur, puis les habitants s’entendirent sur le nom
d’Ayyoûb ben H’abîb Lakhmi, fils de la sœur de Moûsa
ben Noçayr.

Gouvernement d’Ayyoûb ben H’abîb.

La population tomba donc d’accord pour choisir le dit
Ayyoûb, qui était un homme vertueux, en qualité d’imàm
pour diriger la prière; mais pendant quelque temps il
n’y eut pas d’émir. On transporta le siège du gouverne-
ment à Cordoue, et ce fut dans le palais de cette ville
qu’alla s’installer Ayyoûb, palais que Moghîth avait fait
établir pour son usage personnel. On raconte que Moûsa
ben Noçayr, à la suite de la destitution qui lui fut noti-
fiée par un messager d’El-Welid, suivit, en se retirant,
la route qu’avait prise T’ârik’ afin d’examiner le pays, et
que, arrivé à Cordoue, il fit à Moghith la remarque que
ce palais ne lui convenait pas et était plutôt destiné au
gouverneur qui habiterait Cordoue. Ce chef alors en

(1) Ces deux versions sont aussi rapportées par Ibn el-Athîr, Ann.
p. 54 ; cf. Weil, i, 543, et le Fatho’l-Aiulaluçi, p. 22.

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– 34 –

sortit, et plus tard ce fut Ayyoûb ben H’abîb, dont le
pouvoir dura six mois, qui y habita^).

Gouvernement d’El-H’orr ben ‘Abd er-Rahmân Thak’efl.

Lorsque Soleymân ben c Abd el-Melik confia le gou-
vernement de Plfrik’iyya à Mohammed ben Yezid( 2 \ client
de la fille d’El-H’akam ben el- c Açi, l’Espagne et Tanger
ressortissaient à celui qui commandait enlfrik’iyyâ. C’est
ainsi que Mohammed ben Yezid envoya en Espagne, à la
tête de quatre cents des principaux d’Ifrrk’iyya, le dit
El-Horr ben c Abd er-Rahmân, qui exerça le pouvoir
[P. 25] pendant trois ans< 3 ). El-Horr, dont l’arrivée en
Espagne eut lieu en 99 (14 août 717), fit de Cordoue, au
lieu de Séville, sa capitale.

Gouvernement d’Es-Samh’ ben Mâlik Khawlâni.

c Omar ben c Abd el- c Aziz, Prince des croyants, envoya
ensuite pour administrer l’Espagne Es-Samh’ ben Màlik
avec ordre de pousser la population dans la voie de la
vérité < 4 ), de ne pas la traiter autrement qu’avec douceur,
de prélever le quint sur le sol et les immeubles conquis,
et de lui envoyer la description du pays et des fleuves
qui l’arrosent. Son projet était de retirer les musulmans

(1) Cette anecdote figure aussi dans le Machmua, p. 21 du texte.

(2) Dans le Machmua et dans Ibn el-Koûtiyya, on lit f Abd Allah ou
‘Obeyd Allah ben Yezîd ; mais partout ailleurs, si je ne me trompe,
on lit Mohammed. Cf. t. i, trad., p. 43.

(3) A en croire Dhabbi (n° 688), El-Horr serait resté gouverneur d’Es-
pagne jusqu’en 106 et aurait eu ‘Anbasa pour successeur.

(4) On peut aussi comprendre : «… de traiter la population confor-
mément à la Loi de vérité ».

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-35 –

et de leur faire évacuer cette contrée, car ils y étaient
trop séparés de leurs frères et trop en contact avec les
infidèles et les ennemis de Dieu; mais on lui dit qu’ils
y étaient en grand nombre et s’étaient disséminés de
toutes parts, et alors il renonça à ce projet (•). A son arri-
vée en Espagne, Es-Samh’ mit à exécution les ordres
d’ c Omar de faire régner le droit et de suivre la voie de
la justice et de la vérité. Il ne relevait que de lui-même
dans son gouvernement, qu ,721).

Gouvernement d”Anbasa ben Soh’aym Kelbi.

Ensuite le gouverneur d’Ifrik’iyya, Yezîd ben Aboû
Moslim, nomma en Espagne le dit c Anbasa ben Soh’aym,
qui arriva dans ce pays au mois de cafard). A la suite de
la mort violente de Yezîd ben Aboû Moslim, ce fut, dit
Tabari, Moh’ammed ben Yezid, client des Ançâr, qui
fut appelé au gouvernement de l’Ifrîk’iyya par le choix
des habitants, que ratifia le khalife Yezid ben c Abd el-
Melik. Celui qui, en 103 (1 er juillet 721), gouvernait l’Ifrî-
k’iyya au nom de ce dernier, était Bichr ben Çafwân,
frère de H’anz’ala, lequel confirma c Anbasa dans sa situa-

(1) Cette mort serait du 8 dhoû’l-hiddja 103, d’après le Nodjoûm ;
mais cf. Annales, p. 92. Samh’ fut, d’après Isidore de Béja, tué à Tou-
louse. — Tarazona, dans l’Aragon, est à 3 lieues S. de Tudéle et est
appelée a la sœur » de cette dernière ville par Makkari ; son nom ne
ligure pas dans Edrisi.

(2) Un article lui a été consacré par Dhabbi (n° 1021).

(3) C’est à dire çafar 103 (août 721). Cette nomination serait de Bichr
ben Çafwàn, d’après ce qui a été dit, 1. 1, p. 46 ; voir aussi le bref article
de Dhabbi sur ‘Anbasa (n° 1259). On retrouve les deux versions dans
les autres sources.

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– 37 –

tion en Espagne. c Anbasa gouverna donc en totalité qua-
tre ans et huit mois ; mais on donne aussi un autre chif-
fre. En 105 (10 juin 723), c Anbasa se mit en campagne
contre les chrétiens d’Espagne : les fidèles alors étaient
des gens de bien et de mérite, ardents à la guerre sainte,
pleins de dévoûment pour acquérir les divines récom-
penses. Il poursuivit avec acharnement la lutte et les
sièges, si bien que les infidèles durent lui demander la
paix. Il mourut en cha’bân 107 (décembre 725), après
avoir gouverné le temps que nous avons dit.

Gouvernement de Yah’ya ben Selama Kelbi.

A la suite de la mort d’ c Anbasa, les Espagnols mirent
à leur tête un Arabe du nom de ‘OdhraO, jusqu’à l’arri-
vée, qui eut lieu deux mois plus tard, du gouverneur-
Yah’ya bea Selama Kelbi, nommé par le khalife Hichâm
ben e Abd el-Melik. [P. 27] Il gouverna depuis la fin de
Tannée 107 (19 mai 725 j pendant deux ans et demU 2 ).

Bichr ben Çafwân, qui gouvernait en Ifrik’iyya, étant
venu à mourir, le khalife le remplaça par e Obeyda ben( 3 )
Aboû’l-A c war Solami.

(1) Il est parlé ailleurs du pouvoir éphémère de ce chef sous le nom
de «Azra ben *Abd Allah Fihri (Makkari, u, 10, 1. 9 et s.).

(2) La mort d”Anbasa remontant, d’après notre auteur même, à
cha’bàn 107, et Hodheyfa ayant été nommé en 110, après une période
de deux ans et demi pendant pendant laquelle Yahya ben Selama fut
gouverneur, j’ai été forcé de corriger la date de 409, qu’a imprimée
Dozy, et de la remplacer par celle de 407, qu’on retrouve d’ailleurs
1. 1, p. 46 ; Annales, p. 93.

(3) Il faut ici ajouter Akhoû, ainsi qu’on l’a vu dans le t. i, p. 47 ;
dans Noweyri (in Berb.,1, 358), etc. Ce personnage s’appelait ‘Obeyda
ben^Abd er-Rahmàn Solami, et son nom se retrouve quelques lignes
plus bas.

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Gouvernement de H’odheyia ben el-Ah’waç.

Le gouvernement de l’Espagne fut alors confié à H’o-
dheyfa ben el-Ah’waç Achdja f i, ou, selon d’autres, K’aysi,
par c Obeyda ben c Abd er-Rahmàn, qui gouvernait Tlfrî-
k’iyya au nom du khalife Hichàm. La nomination de
Hodheyfa eut lieu en 110 (16 avril 728), et il resta en
place six moisM.

Gouvernement d”0thmân ben Aboû Nis’a.

c Obeyda ben c Abd er-Rahmân [autrement nommé] ben
[Akhoû] Aboû’l-A c war Solami, nomma alors en Espagne
f Othmân ben Aboû Nis e a Khath c ami, qui se rendit à son
poste en cha c bân 110 (nov.-déc. 728), et qui, destitué au
bout de cinq ou, selon d’autres, de six mois, se retira à
K’ayrawân, où il mourut.

Gouvernement d’El-Haythem ben ‘Obeyd Kenâni (*).

El-Haythem ben c Obeyd Kenàni le remplaça au com-
mencement de 111 (5 avril 729) et dirigea l’expédition
contre MonoûsaW. Il mourut après être resté en place
dix mois selon les uns, quatorze mois selon les autres.

(1) Dans le 1. i, p. 47, Hodheyfa est donné comme étant le successeur
d”Othman ben Aboù Nis’a ; mais Ibn el- Athir fait aussi de Hodheyfa le
prédécesseur d’Othmàn {Annales, p. 93 ; cf. Makkari, i, 145 ad f.).

(2) Il faut lire Kilâbi, ainsi qu’on trouve ailleurs (cf. Annales, 93;
Dozy, Mas. d’Esp., I, 220).

(3) Ce nom figure aussi dans Makkari (i, 145, 1. d.) ; probablement
le Munnis ou Munuza des auteurs espagnols, d’après Fernandez Gon-
zalez {Historias de Al-Andalus, p. 68). Un chef berbère, compagnon de
Tank’, est ainsi nommé (Dozy, Mus. d’Esp., i, 256).

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Gouvernement de Mohammed ben ‘Abd Allah Achdja’i.

Les Espagnols mirent ensuite à leur tête Mohammed
ben c Abd Allah Achdja’i, dont le gouvernement eut une
durée de deux mois, selon les uns ; mais on lui assigne
aussi une durée différente.

[F. 28] Gouvernement d” Abd er-Rahm&n ben ‘Abd Allah Ghâflk’i

En çafar 112 (avril-mai 730), ce chef devint pour la
seconde fois gouverneur ; il resta pendant deux ans et
sept mois, ou, selon d’autres, deux ans et huit mois, et
il trouva la Inort du martyr en territoire ennemi en
ramad’ân 114 (oct.-nov. 732)0).

Gouvernement d”Abd el-Melik ben K’at’an.

c Abd el-Melik ben K’at’an ben Nofeyl ben f Abd Allah
Fihri arriva dans le pays dans le mois de ramad’ân, où
son prédécesseur fut tué, et après le martyre de celui-ci ;
mais d’autres l’y font arriver en chawwàl 114 (nov.-déc.
732). Son gouvernement fut de deux ans; mais on lui
donne aussi une durée différente.

Gouvernement d”Ok’ba ben el-H’addjâdj Seloûli.

c Ok’ba ben el-H’addjâdj Seloûli lui succéda en chawwâl
116 (nov. 734)( 2 ). On raconte qu’à cette époque c Obeyd

(1) A la suite de la bataille de Poitiers, voir t. i, p. 49 ; Annales,
pp. 59 et 93.

(2) C’est cette date qui doit être exacte, et non celle de 110 que don-
nent Ibn el-Koùtiyya et le Maehmua, voir Annales, p. 61, n. 3.

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-40-

Allâh ben el-H’abh’âb était gouverneur d’Egypte et d’Ifrl-
k’iyya et que cet c Ok’ba, qui était son patron, étant allé
le trouver, fut reçu par lui avec honneur et respect, traité
avec beaucoup de considération et installé au palais
même ; de plus, c Obeyd Allah lui offrit de prendre le gou-
vernement qui lui plairait dans les provinces dont il
disposait* 1 ). En effet, El-H’addjàdj, père d’ c Ok’ba, avait
autrefois rendu à la liberté El-H’abh’àb, père d’ c Qbeyd
Allah; puis le khalife Hichâm ben c Abd el-Melik avait
confié à c Obeyd Allah ben el-H’abh’âb le gouvernement
de l’Egypte, de l’Ifrîk’iyya et de l’Espagne, de sorte que
ce chef disposait des contrées qui s’étendent d’El- c Arich
à Tanger, au Soûs extrême et à l’Espagne : un de ses fils
était en Egypte, l’autre dans le Soûs et à Tanger, et le
troisième en Espagne, tandis qu’ e Obeyd Allah lui-même
était en Ifrîk’iyya. Ce fut quand ce dernier, arrivant à la
gloire, obtint un haut rang et que sa renommée se répan-
dit, que son patron se rendit auprès de lui. c Obeyd Allah
le fit asseoir à ses côtés mêmes, le garda auprès de lui
et Jui accorda une faveur si grande que le nouveau-
venu fut hautement considéré par le peuple, [P. 29] et
c’était par son intermédiaire que les quémandeurs et
tous ceux qui avaient quelque chose à solliciter s’adres-
saient à f Obeyd Allah. Cela excita la jalousie des fils de
celui-ci, qui demandèrent à leur père -d’empêcher, par
l’éloignement d’ e Ok’ba, la diminution de leur propre
prestige. Mais leur démarche n’eut d’autre effet que
d’augmenter la considération dont il honorait c Ok’ba, à
qui il offrit de choisir à son gré, dans les régions où son
autorité à lui-même s’étendait, celle qu’il voulait gou-

(1) Cf. le récit fait dans le 1. 1, p. 51.

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– 41 –

verner. e Ok’ba reçut de lui l’investiture du pays qu’il dési-
gna, c’est à dire de l’Espagne, où il se mit chaque année
à faire des expéditions contre les chrétiens et à conquérir
diverses villes. Ce fut lui qui conquit Narbonne aussi
bien que la Galice et Pampelune, où il installa une popu-
lation musulmane. Ses victoires s’étendirent à toute la
Galice, moins la portion montagneuse^ 1 ), où le roi [Pelage]
de ce pays se réfugia avec trois cents fantassins : les mu-
sulmans les y serrèrent sans relâche, si bien qu’il n’en
resta plus que trente, qui, manquant de toutes provisions,
furent réduits à ne plus se nourrir que du miel qu’ils
trouvaient dans les fentes des rochers ; mais les nôtres,
fatigués de la poursuite, finirent par y renoncer. f Ok’ba
alors se tint dans l’Espagne (proprement dite), où il
administra de la façon la plus correcte et la plus irré-
prochable et où il suivit la voie la plus glorieuse et la
plus juste, jusqu’au jour où, dans une campagne entre-
prise contre le territoire de France, il se heurta à des
troupes ennemies et périt les armes à la main avec ses
soldats au lieu dit BalâV ech-chohadâi 2 ). On dit de lui
que c’était un homme brave, vaillant, dur à ses ennemis,
rigoureux; il n’envoyait à la mort les captifs qu’il faisait,
qu’après leur avoir offert de se convertir à l’Islam et leur
avoir exposé les blâmables erreurs de l’idolâtrie, et il
obtint ainsi, dit-on, la conversion d’un millier d’hom-

(1) C’est à dire le Rocher de Galice, ci-dessus, p. 19 ; Machmua, p. 28.

(2) Ce nom est ordinairement donné au lieu où se passa l’affaire que
nous désignons par le nom de bataille de Poitiers, laquelle est de 732
(cf. t. i r p. 49), et, notre auteur doit commettre une confusion. Isidore
deBéja fait mourir ce chef de maladie. D’après une autre version, ‘Abd
el-Melik ben Katan se révolta contre lui (Ibn el-Koutiyya et Machmua;
Annales du Maghreb, pp. 69 et 94).

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– 42 –

mes. Son gouvernement eut une durée dé cinq ans et
deux mois.

D’après une certaine version, les Espagnols se révoltè-
rent contre lui et le déposèrent. Au dire d’Ibn el- KatTân,
qui prétend qu’ c Ok’ba gouverna l’Espagne jusqu’à 121
(18 déc. 738), ce chef, dit-on, aurait, au moment de sa
mort, choisi c Abd el-Melik ben K’at’an pour le remplacer.

Seconde période de gouvernement d’Abd el-Melik ben K’at’an Fihri

En 122 (7 décembre 739), e Abd el-Melik ben K’at’an
devint, pour la seconde fois, gouverneur (et le resta)
jusqu’aux événements, que je raconterai, qui sont le fait
des Berbères et de Baldj ben Bichr, fils du frère de Kol-
thoûm ben c Iyâd’, gouverneur d’Ifrîk’iyya. [P. 30] Voici
le récit que fait Ibn el-K’at’t’ânW. Hichâm ben c Abd el-
Melik avait appelé Kolthoûm pour combattre les Berbè-
res et l’avait envoyé en Ifrik’iyya, en qualité de gouver-
neur, à la tête de trente miJle cavaliers, dont dix mille
de la famille même des Omeyyades et vingt mille Arabes,
avec la mission de tenir fermées les frontières d’Ifrîk’iyya
et d’avoir ce pays bien en main. Les Omeyyades, en effet,
avaient trouvé dans les livres de prédictions ( 2 ) que leur
dynastie devait finir, mais que les Abbasides ne dépasse-
raient pas le Zâb, et ils s’imaginèrent qu’il s’agissait du
Zâb d’Egypte, tandis que dans la réalité c’était le Zâb
d’Ifrîk’iyyaqui était visé < 3 ). De là Tordre donné par Hichâm
de veiller soigneusement à l’Ifrik’iyya pour que ses des-
cendants pussent, quand leur pouvoir finirait, y trouver

(1) Cf. le récit du t. i, p. 53 et s. .

(2) Le texte porte riwàyât; cf. 1. 1, p. 56, n. 1.

(3) Il a été déjà question des deux Zàb (t. i, p. 56), dont parle éga-
lement Iim el-Koutiyya (p. 266, 1. 9 du texte).

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– 43 –

un refuge. Il était entendu que, s’il arrivait malheur à
Kolthoûm, celui-ci serait remplacé par Baldj, fils de son
frère. Kolthoûm eut à soutenir contre les Berbères de
grands combats, dans l’un desquels il fut mis en déroute
et tué, à la suite de quoi Baldj prit, ainsi qu’il était con-
venu, le commandement des Arabes d’Ifrîk’iyya.

Les fuyards se réfugièrent à Ceuta, où ils se trouvèrent
réduits à la dernière extrémité, et alors Baldj et les
siens écrivirent à c Abd el-Melik ben K’at’an, gouverneur
d’Espagne, pour lui demander de les faire passer tous
en Espagne, lui exposant leur pénible situation et le fait
qu’ils avaient dû se nourrir de leurs montures. Mais c Abd
el-Melik, à qui ils n’inspiraient pas confiance, refusa de
les introduire dans ce pays et différa l’envoi de vaisseaux
et de vivres. Il arriva alors que les Berbères, en Espagne
aussi, levant orgueilleusement la tête, outragèrent les
Arabes et, agissant en vainqueurs vis à vis des habitants
arabes de Galice et d’ailleurs, massacrèrent les uns et
expulsèrent les autres. A l’arrivée de ces fuyards et en
présence des ravages auxquels se livraient les Berbères,
c Abd. el-Melik ben K’at’an se vit forcé de consentir à
l’immigration de Baldj et de ses compagnons, et il leur
écrivit dans ce sens, mais en fixant la durée de leur séjour
en Espagne à une année, au bout de laquelle ils se reti-
reraient. Cette -condition fut acceptée, et des otages fu-
rent en conséquence livrés à c Abd el-Melik, qui les ins-
talla dans l’île d’Oumm H’akîm, près d’AlgézirasW ; puis

(1) Il est question de cette île dans Edrisi (p. 212) ; ce nom lui vien-
drait d’une esclave de T’àrik’ ainsi appelée {Fatho’I^Andaluci, p. 6).
C’est la Isla verde actuelle {Machmua, p. 255). — Suj* le passage de
Baldj en Espagne, voir Dozy, Mus. d’Esp., i, 251. D’après une tradi-
tion peu vraisemblable, Baldj y aurait débarqué de vive force (Ibn el-
Koutiyya, p, 266),

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— 44 –

on amena Baldj et les siens, qui arrivèrent sans autres
vêtements que [les couvertures de] leurs montures et qui
étaient réduits au dernier degré de misère. Ils étaient
ainsi une dizaine de mille Arabes de Syrie, que les Ara-
bes d’Espagne vêtirent chacun selon ses moyens, l’un en
habillant une centaine, un autre dix, un autre encore un
seul, et ainsi de suite.

Quand ils furent installés [P. 31] à Algéziras, r Abd
el-Melik vint les y rejoindre et, de concert avec eux, il
attaqua tout d’abord au Wâdi’l-Fath’W, dans la province
de Sidona, un groupe de Berbères qui étaient cantonnés
dans cet endroit et que commandait un Zenàti. D’un
bond les Arabes furent sur leurs ennemis et les anéan-
tirent, puis firent main basse sur leurs effets et leurs
montures; les gens de Baldj purent ainsi se vêtir et se
refaire à l’aide de ce butin. Ils se rendirent ensuite à
Cordoue avec c Abd el-Melik, puis tous ensemble marchè-
rent du côté de Tolède, où s’était concentré le gros des
Berbères. Ce fut au Wâdi Selît’ (Guazalate), dans le ter-
ritoire dépendant de cette ville, que leur fut infligée leur
célèbre déroute par c Abd el-Melik et Baldj marchant à
la tête de tous les Arabes d’Espagne, moins ceux dé Sa-
ragosse et de cette frontière. Les* Berbères, de leur côté,
avaient concentré toutes leurs forces, et plusieurs mil-
liers d’entre eux furent massacrés au cours de la pour-
suite dont ils furent l’objet après leur défaite.

Gouvernement de Baldj ben Bichr K’ochayri.
Au dire de ceux qui s’occupent à recueillir les récils,

(1) Le nom du lieu où les Syriens immigrés livrèrent leur première
bataille aux Berbères d’Espagne se retrouve aussi dans le Fatho’l-

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– 45 –

Baldj, entré en Espagne en dhoû’l -ka c da 123 (sept.-oct.
741), devint ensuite maître de ce pays dans les circons-
tances que voici. Ibn K’at’an, après avoir anéanti les
Berbères d’Espagne avec l’aide des Arabes et des com-
pagnons de Baldj, dit à ces derniers de se retirer confor-
mément aux conditions qui lui avaient été imposées, et
Baldj demanda à être transporté sur le littoral d’Elvîra
(Grenade) ou de Todmir (Murciej. Comme c Abd el-Melik
disait n’avoir de vaisseaux qu’à Algéziras, les autres lui
répondirent qu’il voulait les renvoyer dans le pays des
Berbères pour les faire massacrer par ceux-ci. c Abd el-
Melik continuant d’insister pour obtenir leur départ, ils
marchèrent contre lui, l’expulsèrent du palais de Cor-
doue et le renvoyèrent dans sa demeure privée en cette
ville, tandis que Baldj pénétrait dans le palais le mer-
credi soir au commencement de dhoû’l-ka c da de cette
année. Les otages livrés par Baldj lors de son arrivée en
Espagne et envoyés par lbn K’at’an dans l’île d’Oumm
H’akim, périrent (*) pendant la lutte que se livrèrent ces
deux chefs : [notamment] un homme de Ghassan, l’un
des nobles de Damas, mourut de soif, car cet endroit
était dépourvu d’eau.

[P. 32] Quand Baldj fut devenu maître de l’Espagne,
le djond lui réclama Ibn K’at’an poui^Venger la mort du
Ghassânide en question. Baldj répondit par un refus,
mais le djond insista, et toutes les tribus Yéménites
firent la même réclamation, lbn K’at’an était un vieillard
décrépit, car il avait quatre-vingt-dix ans et avait assisté

Andaluciy p. 31. C’est probablement le Guadalete, d’après P. Gonzalez,
HistoriaSi 74.
(1) En partie seulement, d’après Dozy {Mus. d’Esp., 1,261).

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– 46 –

à la bataille d’El-H’arra, à la suite de laquelle il avait
pu se réfugier en Ifrik’iyyaW. Le djond arracha de sa
demeure de Cordoue, où il était alors, le vieillard que
son grand âge faisait ressembler à un autruchon, et
l’interpella en ces termes : « Tu as échappé à nos glaives
à la journée d’El-Harra, et puis, pour te venger, tu as
cherché à ne nous laisser pour nourriture que nos mon-
tures W et des peaux; tu voulais enfin nous, chasser pour
nous envoyer à la mort ! » Après quoi on le massacra,
puis on le mit en croix, en crucifiant un cochon à sa droite
et un chien à sa gauche. ♦

Alors Omeyya et K’at’an, l’un et l’autre fils d’ c Abd el-
Melik ben K’at’an, lesquels s’étaient enfuis lorsque leur
père fut chassé de Cordoue, firent des levées dans la
région de Saragosse et vinrent à la tête de plus de cent
mille Arabes, tant apciens que nouveaux, demander répa-
ration à Baldj. Celui-ci, qui n’avait sous ses ordres que
moins du cinquième des troupes ennemies, leur livra
une bataille acharnée où il finit par infliger une défaite
complète à ses deux adversaires^), et ses soldats se reti-.
rèrent, victorieux, avec un nombreux butin et le cœur
rempli d’allégresse. Mais leur chef Baldj lui-même était
atteint mortellement et mourut quelques jours après des
suites d’une blessure qu’il avait reçue dans le combat.
Sa période de pouvoir avait duré douze mois, mais on
n’est pas unanime à cet égard. D’après Aboû c Amir Sàli-

(1) Sur cette bataille, où la victoire fut remportée sur les Médinois
par les troupes du khalife Yezld, voir ib. y p. 101.

(2) « Des chiens », dit le Machmua, p. 42 ; cf. Dozy, ib., 262.

(3) Cette bataille fut livrée à Aqua Portora, non loin de Cordoue
(Machmua, 43 et 243), ou au Feddj Aboû Tawîl [Fatho’l-And., p. 34).

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– 47 –

mi, dans les Dorer el-k’alâ’id waghorer el-fawâ’idM,
cette affaire coûta la vie à onze mille hommes, et c Abd
er-Rah’mân ben e Alk’ama< 2 > fit une coche â une flèche
qu’il lança contre Baldj et qui frappa ce chef dans une
partie vitale; mais dans la Behdjat en-nefs il est dit ( 3 >
qu’il fut tué d’un coup de sabre par le môme guerrier,
et il lui est attribué six mois de gouvernement. C’est la
première version qui est exacte.

[P. 33] Gouvernement de Tha’leba ben Selâma ‘Amili.

En chawwâl 124 (août 742), Tha’leba ben Selâma fut
porté au gouvernement de l’Espagne parles Syriens. En
effet, Hichâm ben e Abd el-Melik avait, en l’expédiant de
Syrie, confié l’armée au commandement de Kolthoûm,
qui devait, en cas de malheur, être remplacé par Baldj,
fils de son frère, et de même si une éventualité fâcheuse
faisait disparaître Baldj, Tha c leba ben Selâma devait
prendre sa place. C’est par application de ces disposi-
tions de Hichâm que Tha c leba fut promu et que ses com-
pagnons lui prêtèrent serment. Ce qui restait de Ber-
bères à Mérida se souleva contre lui, mais il alla les

(1) Le nom complet de l’auteur est Aboû ‘Amir Mohammed ben
Ahmed ben ‘Amir Sàlimi (lbn el-Abbàr, Tekmila, n* 725, cf. p. 607, 1. 1),
qui mourut vers 559 H. Son nom est plusieurs fois cité, parfois sous
une orthographe fautive, par Makkari (i, 82 ; n, 97, 195 et 629 ; cf. Dozy,
Recherches, n, 2’ éd., p. 278; 3* éd., p. 255 ; Pons, Ensayo, n° 187) ; voir
aussi Dhabbi, n ‘ 31 et 35.

(2) Ce nom, lu fautivement A. er-R. ben ‘Okba dans lbn el-Koûtiyya
(p. 267), est celui d’un officier qui était gouverneur de Narbonne {Mach-
mua, p. 43 ; Makkari, n, 13 et 17 ; Dozy, Mus. d’Esp., i, 263).

(3) J’ai lu dans le texte ^J^», puisque l’auteur de la Behdjat n’est
pas le même que celui des Dorer,

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– 48 –

attaquer, en tua un grand nombre, en fit environ un mil-
lier prisonniers et se retira ensuite à Cordoue, où il
administra sagement pendant dix mois. Tel est le récit
que fait Ibn el-K’at’t’àn. On lit dans les Dorer el-k’alâ’id
qu’il mettait en vente les enfants de la population (vain-
cue), les réduisait en captivité, leur infligeait toute sorte
de mauxW. Tha’leba continua d’ainsi agir jusqu’à l’arri-
vée d’Aboû’l-Khat’t’âr.

Gouvernement d’Aboû’l-Khat’t’âr el-H’osâm ben D’irâr Kelbi (*).

En moh’arrem 125 (novembre 742), Aboû’l-KhatVâr
s’embarqua de la province de Tunis et gagna Cordoue.
A El-Moçàra( 3 > il trouva Tha’leba ben Selâma au milieu
des prisonniers et des captifs qu’il avait faits parmi les
Arabes de Cordoue et où le fils figurait enchaîné à côté
du père. “Aboû’l-KhatYâr les fit mettre en liberté et déli-
vrer de leurs chaînes, rendit le calme à ces gens trou-
blés et restaura chez eux l’accord accoutumé ; tous s’hu –
milièrejit devant lui; il répartit les Syrieris dans les
divers districts et ne négligea pas ses meilleurs soins
aux autres”. Il établit ceux de Damas dans le district
d’Elvira, ceux du Jourdain dans le district de Malaga,
ceux de Palestine à Sidona, ceux d’Emesse à Séville,
ceux de K’innesrin à Jaën, ceux d’Egypte à Béja et à

(1) Il est parlé des cruels procédés de ce chef ci-dessous et par le
Machmua, p. 45 ; cf. Dozy, i, 266.

(2) Ce nouveau gouverneur fut envoyé en Espagne par Hanz’ala,
gouverneur d’Ifrîk’iyya, sur Tordre du khalife et dans les circons-
tances relatées par lbn el-Athîr, Annales, p. 72 ; Dozy, etc.

(3) Localité près de Cordoue, ainsi qu’on le voit plus loin, et comme
ledit Dozy, /. I, 266 et 346 ; on lit « la almazara de Cordoba» dans le
Machmua, trad. p. 54 ; cf. Dozy, Gîoss, des mots esp. et port., p. ISO.

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– 49-

Murcie, [P. 34] en leur assignant les biens* 1 ) en terres
et en bétail appartenant aux non-Arabes (<adjem). Ce fut alors qu’arriva Eç-Çomeyl ben H’àtim, dont nous parlerons* 2 ) ; les Mod’arites firent cause commune avec lui et s’avancèrent sur Cor doue, où se trouvait Aboû’l- Khat’t’àr; ce chef marcha contre eux avec des forces insuffisantes, de sorte qu’il fut mis en déroute et fait pri- sonnier. On lui mit des chaînes aux pieds, mais il put ensuite s’en débarrasser et gagner le large. Le récil que voici est celui de la Behdjat en-nefs. A la suite de la déroute qu’il infligea aux Berbères, Tha’ieba réduisit leurs enfants en captivité, ce que n’avaient fait ni Baldj ni aucun autre jusque-là; puis, se dirigeant vers Cordoue en traînant avec lui un grand nombre de prison- niers, il arriva à Ei-Moçâra, dans le district dépendant de cette ville. Il fit alors procéder à la vente aux enchè- res de ses prisonniers et captifs arabes et berbères, non . sans s’amuser insolemment d’eux. On vendait les cheykhs et les nobles non au plus offrant enchérisseur, mais au rabais : c’est ainsi que pour les deux Médinois c Ali ben el-H’açin et El-Hàrilh ben Asad, le crieur demanda d’abord dix dinars, et de rabais en rabais adjugea l’un pour un jeune bouc et l’autre pour un chien. Pendant qu’il était ainsi à s’amuser brutalement et que les guer- riers qu’on avait fait sortir des rangs étaient disposés pour recevoir le coup mortel, Aboû’l-Khal’t’âr survint ce jour-là, qui était un vendredi, et fit mettre en liberté (1) Ou le tiers des biens (Mus. d’Esp.,i, 268 ; Fatho’l-Ancl, p. 36 ad f. du texte). — Sur cet établissement des cljoncl, cf. l’observation de de Goëje [Jakubi, p. 112). (2) Ce chef était entré en Espagne avec Baldj, d’après Ibn el-Athlr, Annales, 85 ; cf. Machmua, p. 56, et ci-dessous. Digitized by Google – 50 – tous les prisonniers : aussi appela-t-on ces troupes l’ar- mée de la paixW. [Voici ce qui s’était passé :] les Espagnols s’étaient adressés à H’anz’ala ben Çafwân, gouverneur d’Ifrik’iyya, pour lui demander un gouverneur qui rétablit la paix parmi eux et fit cesser la discorde dont ils souf- fraient, ainsi que les massacres toujours répétés qui paraissaient devoir les livrer au pouvoir des infidèles. Ainsi fut envoyé Aboû’l-Khat’t’âr, autour de qui se grou- pèrent les Syriens aussi bien que les Arabes* 2 ) et devant qui s’inclina toute l’Espagne. Il accorda l’amnistie aux deux fils d’ c Abd el-Melik ben K’at’an, installa les Syriens dans les divers districts, favorisa les Yéménites et tint les K’aysites à l’écart W. Ce fut là la cause qui provoqua contre lui l’attaque d’Eç Çomeyl ben H’àtim et des Mo- d’ar, alors qu’Aboû’M(hat’t’àr gouvernait ou depuis deux ans, ou depuis neuf mois, ou depuis trois ans, selon les diverses versions. [P. 35] D’Eç-Çomeyl ben H’àtim et des causes de la guerre civile D après la Behdjat en-nefs, Eç-Çomeyl ben H’àtim W avait pour aïeul Chamir, qui était de Koûfa et qui tua El-H’oseyn [ben C AU ben Aboû T’âleb], puis qui tomba lui-même aux mains d’Ei-Mokhtâr ben Aboû c Obeyd, fut massacré et eut sa maison détruite. Mais [d’après une autre version], Chamir put avec son fils se retirer de (1) Cf. Dozy, Mus. d’Esp., i, 266; Machmua, p. 45; Annales, p. 73 et 95. (2) C’est à dire les Arabes dits haladis, arrivés en Espagne avec TàriU’ et Moûsa. (3) Voir entre autres l’article que lui consacre la Hollat, p. 46. (4) 11 est l’objet d’une notice de la Hollat, p: 49; voir également sur lui les Annales, le Machmua, Ibn el-Koûtiyya, etc. Digitized by Googk -51 – Koûfa dans la Mésopotamie, puis ils firent partie du djond de KMnnesrîn M. Plus tard, Eç-Çomeyl devint en Espagne un chef remarquable par sa bravoure et sa générosité, et il porta ombrage à Aboû’l-Khat’t’àr. Comme un jour il était ajlé trouver celui-ci, chez qui se trouvait [une partie] du djond, ce gouverneur, qui voulait Thumi- lier, l’injuria et le battit, et Eç-Çomeyl, rentré furieux chez lui, envoya aux principaux de ses contribules ses réclamations contre un pareil accueil. Comme ils se dé- claraient prêts à le suivre, il leur répondit : « Je ne yeux pas, par Dieul vous exposer (seuls) aux attaques des K’od’à’ites et des Yéménites ; je recourrai à des moyens détournés et, évoquant les haines soulevées par l’affaire de Merdj Ràhit’, j’appellerai lesLakhmites et les Djodhâ- mites à moi, et nous prendrons pour chef un homme qui n’aura que l’apparence du pouvoir, tandis que nous en aurons la réalité. » On écrivit donc à Thawâba ben Selàma Djodhàmi, qui faisait partie des Arabes de Palestine, puis on alla le trouver, et ce chef donna son assentiment, ainsi que le firent aussi les tribus de Lakhm et de Djo- dhâm. Aboû’l-KhatYâr, apprenant ce qui se passait, se mit en campagne, mais Thawàba, qui marcha contre lui, le mit en déroute et le fit prisonnier, puis continua sa route en avant et entra dans le palais de Cordoue en traînant après lui Aboû’l-KhatTâr enchaîné. Mais celui-ci put ensuite s’échapper, ainsi que nous l’avons dit. (1) Sur le rôle joué par Chamir ben Dhoûl-Djawchen dans la mort de Hoseyn, on peut voir notamment, dans le long et touchant récit que fait Ibn el-Athîr de l’affaire de Kerbela, les pp. 66 et s. du t. iv. Chamir fut exécuté par ordre d’El-Moklitàr, d’après Ibn Koteybu, p. 204, et le Machmua % p. 56 ; mais d’autres disent qu’il échappa. (Cf. Ibn el- Athir, iv, 195; Ibn el-Abbàr, note du texte du Bayàn, ou Hollat, p. 49 ; Machmua f p. 56). Digitized by Googk – 52 – Thawâba détint le pouvoir pendant deux ans M. Au cours de cette période, en 128 (3 octobre 745), Aboû’l- Khat’t’âr leva des troupes chez les Yéménites à l’effet d’attaquer les Mod’arites, et il s’avança à la tête de très nombreux guerriers contre Cordoue. tP.- 36] Mais ceux-ci se dispersèrent à l’approche de Thawâba et refusèrent de le combattre. Thawâba mourut ensuite cette année même, et, à la suite de sa mort, la guerre recommença comme auparavant. Les Yéménites voulurent restaurer Aboû’l-KhatTâr, mais les Mod’arites et Eç-Çomeyl s’y opposèrent, et les deux partis se traitèrent sans aucun ménagement. Pendant quatre mois l’Espagne resta sans aucun gouverneur proprement dit, et l’on se borna à choisir e Abd er-Rah’mân ben KethirLakhmi pour veiller à l’administration de la justice^). [En effet] la situation en Syrie et Tordre successoral des khalifes étaient trou- blés; puis Yezîd (m), ayant mis à mort El-Welîd (n), devint le représentant des Benoû Merwân sur le trône. Gouvernement de Yoûsof ben ‘Abd er-Rah’mân Fihri. La situation était grave et la discorde sévissait chez les Espagnols, quand, enfin, ils s’entendirent pour mettre à la tête du gouvernement Yoûsof ben c Abd er-Rah’mân Fihri ( 3 > et laisser à Yah’ya ben H’oreylh( 4 ), à titre d’apa-

(1) Cf. Bayân, i, 66; Machmua, p. 57; Annales du Maghreb, p. 86.

(2) Le même renseignement nous est fourni par lbn el-Athîr {Anna-
les, 96) et par Makkari (i, 147, 1. 18).

(3) Il lui est consacré un article dans la Hollat, p. 53 ; sur les cir-
constances dans lesquelles il fut choisi, voir Mus. d’Esp., 1,284.

(4) Chef syrien qui s’était proclamé indépendant (d’après le Mach-
mua, 57), mais cf. Dozy, Mu». d’Esp., i, 283.

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– 53 –

nage viager, le district de Malaga. Mais avant cela, les
K’od’â’a s’étaient réunis et avaient choisi pour chef e Abd
er-Rah’mân ben No’aymW Kelbi, lequel, se mettant à la
tête d’une troupe de deux cents fantassins et de quarante
cavaliers, tenta une attaque nocturne contre les gardes
du palais de Cordoue, puis envahit la prison et en tira
Aboû’l-KhatYàr, avec qui il gagna le large. Aboû’1-Khat’-
t’âr alors s’installa au milieu des Kelbites et des tribus
d’Emesse, qui se groupèrent autour de lui et lui ser-
virent de rempart. Il ne surgit cependant aucun incident
tout d’abord ; mais quand Yoûsof, à la suite de l’accord
qui se fit sur son nom, se vit le pouvoir entre les mains,
il enleva déloyalement à Yah’ya ben H’oreyth le district
de Malaga qui lui avait été concédé, et ce chef, irrité de
la dépossession dont il était victime, écrivit aussitôt à
Aboû’l-KhatTâr. Or celui-ci prétendait que, si son titre
d’émir lui avait été enlevé, il avait le plus de titres à
exercer le pouvoir, et Ibn H’oreyth émettait la même
prétention en se basant sur ce fait, que ses contribules
étaient plus nombreux que ceux d’Ibn el-Khat’t’àr. En
présence de ces dispositions d’Ibn H’oreyth, les Djodhâ-
mites le prirent pour chef, et les Yéménites, les H’imya-
rites et les Kindites établis en Espagne, se rattachèrent
à leur choix et firent acte d’obéissance; au contraire, les
Mod’arites LP- 37] et les Rebi c a allèrent à Cordoue,
capitale du royaume, se joindre à Yoûsof et campèrent à
Secunda.

Aux côtés de ce chef se trouvait encore Eç-Çomeyl, à
qui le peuple s’était adressé pour obtenir de lui un gou-

(1) Au lieu de No’aym, ainsi que l’écrit aussi le A/ac/i??iua, on trouve
Hassan dans Ibn el-Athtr [Annales, 86), et dans Makkari (u, 15).

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– 54 –

verneur, puisque le khalife Merwânben Moh’ammed était
occupé en Orient et trop éloigné pour leur en désigner
un; c’est alors qu’il avait choisi Yoûsofben c Abd er-Rah’-
màn ben H’abîb ben Aboû c Obda ben e Ok’ba ben Nâfi e
Fihri, qui était à ce moment à Elvira et qui fut, comme
nous l’avons dit, agréé par la population. Mais ensuite
des discussions surgirent à ce propos entre les Mod’a ri-
tes et les Yéménites, et ces derniers arrivèrent de toutes
les villes et provinces auprès d’Aboû’l-Khat’t’âr, qui, se
mettant à leur tête, marcha contre Cordoue, où se trou-
vait Yoûsof Fihri. Celui-ci répugnait à la guerre civile et
craignait d’exciter des haines et des inimitiés; “mais Eç-
Çomeyl ben H’âtim arriva avec des corps de troupes et
recourut aux armes et aux engins de guerre. Aboû’l-
Khat’t’âr, s’avançant à la tête de ses partisans, dressa son
camp; les deux armées se heurtèrent à Secunda et en
vinrent aux mains; alors on n’entendit plus que le bruit
des armes et le hennissement des chevaux, on ne vit plus
rien que des cadavres, si bien que lances étaient brisées,
glaives ébréchés ; les jambes étaient entrelacées, les cous
confondus, et depuis les batailles du Chameau et deÇiffin,
on n’avait vu pareil combat entre musulmans. Les Yémé-
nites furent enfin mis en déroute, et Aboû’l-KhatVàr,
réduit à fuir, se cacha dans un moulin d’Eç-Çomeyl situé
de ce côté ; mais il fut pris et mis à mort. Alors Eç-Çomeyl
ben H’âtim acquit la primauté, car il était connu pour sa
vaillance et sa force; Yoûsof Fihri lui remit la direction
des affaires, lui confia l’autorité et l’administration, ne
gardant pour hii que l’apparence, tandis qu’Eç-Çomeyl
avait la réalité”.

Quand Aboû’l-Khat’t’àr fut pris, il dit à ceux qui s’ap-
prêtaient à le tuer ; « Je ne puis échapper à la mort, mais

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– 55 –

vous n’avez pas le fils de la négresse (Ibn es-Sawdâ), »
désignant ainsi Ibn H’oreyth; il leur indiqua où il était,
et ces deux chefs lurent l’un et l’autre massacrés. Ibn
H’oreyth avait l’habitude de dire : « Si l’on me présentait
dans une coupe le sang de tous les Syriens, je la viderais,
oui, je la viderais jusqu’au bout.» [P.38] Aussi, quand,
tiré du moulin où il se cachait, il allait être mis à mort,
Aboû’I-KhatVâr lui adressa-t-il ces mois : « Fils de la
négresse, n’as-tu donc paô vidé la coupe jusqu’au fond ? »
Tous les deux furent ensuite exécutés, puis les prison-
niers furent amenés à Eç-Çomeyl, qui les fit tous déca-
piter sous ses yeux.

Dans l’année qui suivit, Dieu frappa l’Espagne d’une
épidémie si meurtrière qu’il semblait qu’elle dût enlever
toute la population.

* Yoûsol était reconnu par tout le djond, Mod’arites,
Yéménites et Syriens, et depuis l’affaire de Secunda l’Es-
pagne se tint tranquille, tous les cœurs lui furent sincè-
rement dévoués. Eç-Çomeyl, devenu son principal officier
et son arme honorée, ne laissait venir au gouverneur
que ce qu’il voulait lui-même, en écartait ce qu’il voulait,
si bien qu’il s’appropria l’autorité et disposa des têtes de
tous. Alors Yoûsof , oppressé et inquiet, se prit à craindre
pour lui-même et résolut de l’éloigner en lui abandon-
nant une partie de ses provinces”. En conséquence, il le
nomma, en 132 (20 août 749), gouverneur de Saragosse et
des territoires qui en dépendent. Au bout d’un certain
temps, Eç-Çomeyl eut à s’y défendre contre la révolte
d’El-H’obâi) ben Rawâh’a, des Benoû Zohra ben Kiiâb,
qui l’assiégea pendant sept mois* 1 ). “Yoûsof ne lui envoya

(J) Comparez Ibn el-Athir, Annales, 90. On trouve les deux formes
El-H’obâb et %1-H’abh’àb (Dozy, Mus. d’Esp., i, 292).

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– 56 –

pas de secours, en prétextant la situation difficile du pays
et les ravages de la famine, mais en réalité désireux de le
voir succomber pour être débarrassé de lui et n’avoir
plus à redouter ses tentatives de s’emparer du pouvoir.
Les contribules d’Eç-Çomeyl unirent enfin par se ras-
sembler à Eivira et à Jaën, d’où ils marchèrent à son
secours et le tirèrent de peine \

D’après une autre version, ceux qui se révoltèrent à
Saragosse contre Yoûsof furent Temim ben Ma c bed Zohri
et c Amir c AbderiW.

Plus tard, en 138 (16 juin 755), Yoûsof marcha contre
cette ville, et il resta sous ses murs jusqu’à l’arrivée de
rOmeyyade c Abd er-Rahmàn en Espagne.

Ce fut en 130 (11 sept. 747) qu’eut lieu la bataille de
Secunda; ce fut aussi alors que Ton reconnut Yoûsof,
qui avait soixante-quinze ans< 2 ) et qui régna neuf ans;
il vivait à ce moment retiré à la campagne, adonné aux
exercices religieux et à la pratique du bien.

En 131 (31 août 748), la terre ne produisit rien en Espa-
gne et la stérilité fut générale ; cet $tat de choses dura
jusqu’en 136 (7 juillet 753), et pendant cette période il ne
plut qu’une année sur deux. La plus forte sécheresse eut
lieu en 131 ou 132, [P. 39] mais il plut en 133 (9août750),
ce qui réconforta quelque peu les populations.

En 133, les habitants de la Galice se soulevèrent, et
maintes incursions furent dirigées contre eux. Ensuite la
famine, résultant de la sécheresse, sévit pendant ies
années 134 et 135, ainsi que pendant une partie de l’année
136, de sorte que la majeure partie de la population émi-

(1) Annales, p. 90 et 96; Makkari, u, 17 et 21 ; Machmua, 63, et ci-
dessous.

(2) Cinquante-sept, d’après Dozy, Mus. d’Esp., i, 284,

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– 57 –

gra à Tanger, à Zawîla et sur le littoral africain; le dé-
part eut lieu de la rivière de Sidona, connue sous le nom
de Barbât’, et ce nom servit dorénavant à désigner cette
année <*).

Liste de ceux qui se révoltèrent
contre Yoûsof ben ‘Abd er-Rah’mân Fihri.

c Abd er-Rahmàn ben c Alk’ama Lakhmi se révolta à
Narbonne, mais Yoûsof n’eut pas à le combattre long-
temps, car Dieu le lui livra promptement. c Orwa se ré-
volta à Béja, mais un officier envoyé par Yoûsof le mit
en déroute et massacra ses partisans( 2 ). PuisTemim ben
Ma’bed se révolta en 136 (7 juillet 753j. En 137 (27 juin 754),
Temîm ben Ma c bed et c Amir ben e Amr ben Wahb se ré-
voltèrent de concert à Saragosse, et Eç-Çomeyl ben H’âtim
se chargea de les réduire ; puis en 138 (16 juin 755) Yoû-
sof en personne marcha contre ces deux rebelles et les
assiégea à Saragosse ; il s’empara d’eux et les mit à mort.
Ce fut en la même année que se termina le gouvernement
de Yoûsof ben c Abd er-Rahmân Fihri.

Vue d’ensemble de la dynastie Omeyyade en Orient ( 3 ).

On compte quatorze khalifes de cette dynastie depuis
Mo’àwiya jusqu’au dernier d’entre eux. La durée totale,

(1) La rivière de Barbât coule près d’Alcala de los Gazules et se jette
dans rOcéan (Edrisi, 214; Machmua, 248). Vannée ou les années de
Barbât sont aussi rappelées par ce dernier ouvrage (p. 62 du texte).

(2) ‘Orwa ben el-Welîd se mit à la tète d’une insurrection des tribu-
taires à Béja et conquit Siville (Makkari, n, 17). Sur ces révoltes,
cf. suprà et infrà ; Annales, 88, 89 et 96.

(3) Comparez t. i, p. 67, où notre auteur a déjà fait, sous une forme
plus abrégée, certaines des citations qui suivent.

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– 58 –

depuis que Mo c âwiya exerça le pouvoir sans conteste
jusqu’au meurtre de Merwânben Moh’arnmed, en est de
quatre-vingt-onze ans neuf mois et cinq jours, en y com-
prenant les neuf ans et vingt-deux jours du règne d’Ibn
Zobeyr. Ensuite les membres de cette famille s’enfuirent
de côté et d’autre pour échapper à la mort, et notamment
e Abd er-Rahmân ben Mo’âwiya ben Hichâm ben c Abd
el-Melik se réfugia [P. 40] en Espagne, dont les habi-
tants le reconnurent pour leur souverain, ce qui entraîna
la fondation d’une nouvelle dynastie Omeyyade dont la
durée se prolongea jusqu’après 424 (7 décembre 1032).
On estime qu’il y a eu dans la durée de cette dynastie
une interruption qui s’étend depuis la mort violente de
Merwân jusqu’au moment où, en 136 (6 juillet 753) ou
environ, elle fut reconstituée par l’avènement d’ c Abd er-
Rahmân ed-Dâkhil (le nouveau- venu). Mais on dit aussi
qu’elle a régné sans interruption depuis le khalife c Olh-
mân jusqu’à 424, où cessa de régner à Gordoue El Mo’tadd
billâh, le dernier d’entre eux. Cette dernière opinion se
fonde sur le dire de certains qiv c Abd er-Rahmàn ben
H’abîb, qui gouvernait Tlfrîk’iyya au nom desOmeyyades,
donna l’investiture à Yoûsof ben r Abd er-Rahmàn, lequel
conquit l’Espagne et y était en qualité d’émir lors de l’ar-
rivée en ce pays d’ c Abd er-Rahmân ben Mo c âwiya. C’est
là une chose qui mérite réflexion, car si elle est exacte,
elle constitue un fait bizarre et qui mérite d’être noté.

Voici ce que dit Aboû Mohammed ben Hazm (U : « La
dynastie Omeyyade, qui finit en Orient en la personne de

(1) Cf. t. i, p. 68. Sur Ibn Hazm (Aboù Mohammed ‘Ali ben Ahmed),
+ 456, voir notamment Dozy, Intr. au Bayàn, p. 65, et Pons, Eiiscit/o,
n° 103 ; aux auteurs cilés par ce dernier, ajoutez Merràkechi, index de
la tr. fr., et Goldziher, Die Zâhiriten, p. 116 t

Digiti

zedby G00gle

– 59-

Merwàn ben Mohammed, était, malgré ses défauts, véri-
tablement arabe : aucun de ceux qui la représentèrent
sur le trône ne se constitua une capitale, chacun conti-
nua d’habiter la demeure et les propriétés où il résidait
avant de devenir khalife, sans s’inquiéter ni d’accumuler
d’immenses richesses, ni de bâtir dessalais, sans exiger
de ceux qui leur parlaient qu’ils les traitassent tle Sei-
gneur, ni leur demander de démonstrations serviles,
baisement de la terre ou de leur main ou de leur pied.
Tout ce qu’ils cherchaient c’était d’être véritablement
obéis, de faire à leur gré les nominations et les révoca-
tions jusque dansjes provinces les plus éloignées; et,
ert effet, ils nommaient et déplaçaient les gouverneurs
de l’Inde, du Khorâsân, de l’Arménie, du Yémen, du
Maghreb rapproché et extrême, du Soûs et de l’Espagne;
ils y envoyaient des troupes dont ils confiaient le com-
mandement aux gouverneurs qui leur plaisaient, et régnè-
rent sur la plus grande partie du monde. Nul prince ici-
bas ne commanda à un empire aussi vaste, jusqu’au jour
où les Abbasides l’emportèrent sur eux en Orient et mi-
rent fin à leur règne. Alors f Abd er-Rahmàn ben Mo’â-
wiya se rendit en Espagne, et lui et ses descendants y
constituèrent une dynastie qui régna environ trois siècles.
Nulle plus qu’elle ne se distingua par sa générosité et
par le nombre des victoires [P. 41] qu’elle remporta sur
les polythéistes, nulle ne réunit autour d’elle plus de
gens de bien; sa ruine fut celle, encore existante, de
l’Espagne. Avec son éclat disparut celui du monde ».

Aboû Mohammed dit encore : « Le pouvoir en Orient
passa alors aux Abbasides, dynastie étrangère sous
laquelle disparurent les bureaux constitués par les Ara-
bes, où les barbares du Khorâsân devinrent prépondé-

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– 60 –

rants dans le gouvernement, où la royauté se fît oppres-
sive et imita les procédés des Kosroès. Il faut cependant
reconnaître que ces princes ne firent pas publiquement
injurier les Compagnons du Prophète, au contraire de ce
qu’avaient fait les Omeyyades, sauf c Omar ben c Abd el-
e Aziz et Yezîd ben el-Welid, à l’égard d’ e Ali, injures
oiseusas et suffisantes pour couvrir cette dernière dynas-
tie de honte. Les Abbasides ne permirent pas l’emploi de
ce procédé, mais de leur temps la division se fit jour chez
les musulmans, et dans les provinces le pouvoir passa à
divers groupes d’hérétiques, de chiites, de Mo c tazelites
et de descendants d’Idris et de Soleymàn, l’un et l’autre
fils d ,f Abd ALlâh ben el-H’asan ben el-H’asan ben c Ali
ben Aboû Tàleb, tandis que des Omeyyades s’emparaient
de l’Espagne et que bien d’autres faisaient de même
ailleurs. Pendant que ces dissensions sévissaient, les
infidèles se rendaient maîtres de la moitié de l’Espagne
et d’environ la moitié du Sind. Les pays où les Abbasides
cessèrent de dominer sont les régions du Maghreb par
delà le Zâb, Tlemcen et les districts qui en dépendent,
soumis à Mohammed ben Soleymàn H’asani, Fez et les
districts qui en dépendent, soumis aux chiites que rem-
plaça ensuite Idris; Tâmesnâ, soumis aux descendants,
tout hérétiques qu’ils étaient, de Çâiih’ ben Tarif, et
Sidjilmàssa, où s’installa le chef des Çof rites. Sur l’état
de tous ces pays, il n’y a pas de discussion; mais quant
à l’Ifrîk’iyya, on n’est pas d’accord, car l’on dit qu’ f Abd
er-Rahmân ben H’abîb y était en état d’insurrection^ 1 ). En
Espagne, il y avait Yoûsof ben c Abd er-Rahmàn Fihri. »

(1) Voir sur ce personnage le 1. 1, index, ainsi que la Hollat, p. 51 ;
Dhabbi, n* 1006, etc.

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-61 –

[P. 48] ‘Abd er-Rahmân ben Mo’âwiya ben BicfaAm s’estait
de Syrie et pénètre en Espagne.

Au dire des auteurs de récits, c Abd er-Rahmàn ben
Mo c âwiya commença en 136 (7 juillet 753) des pourparlers
avec les clients Omeyyades installés en Espagne, et en
la même année eut lieu la séparation des descendants
tant de Mo’âwiya que de Hichàrn* 1 ), parmi lesquels se
trouvaient aussi les survivants des descendants de Mer-
wàn et d’Omeyya, et r Abd er-Rahmân ben Mo’âwiya s’en
alla secrètement, passant d’une localité à une autre avec
l’intention de gagner l’Espagne, poussé par ce qu’il savait
de la situation de ce pays et par la tradition qui l’y faisait
figurer Œ. Il arriva ainsi en Egypte, puis passa à Bark’a,
où il se tint caché quelque temps, et en repartit ensuite
pour se glisser au Maghreb ( 3 ). Voici le récit de son affran-
chi Bedr : « Je le rejoignis en route, envoyé que j’étais par
sa sœur germaine Oumm el-Açbagh et porteur de deux
dinars ainsi que de quelques pierreries destinées à pour-
voir à ses frais d’entretien et de voyage. Il arriva en
ifrîk’iyya, alors gouvernée par c Abd er-Rahmân ben
H’abib, auprès de qui se trouvait un juif, ancien serviteur
deMaslama ben e Abd el-MelikW; or ce juif avait rap-

(1) Voici les généalogies auxquelles il est fait allusion : à Omeyya
ben ‘Abd Ghems ben ‘Abd Menât se rattachent Mo’âwiya ben Aboû
Sofyàfl ben Harb ben Omeyya, et, d’autre part, Hichàm ben ‘Abd el-
Melikfcen Merwàn ben el-Hakam ben Aboù’l-‘Açi ben Omeyya (Weil,
G. der Khal, i, 248; Prairies d’or de Mas’oûdi, v, 199).

(2) Je conserve àJL& que Dozy supprime dans ses Corrections, p. 34;
cf..par ex. p. 18, 1. 5, et p. 29, 1. 13 du texte arabe. v

(3) Sur les circonstances dans lesquelles s’enfuit ‘Abd er-Rahmàn,
cf. Annales du Maghreb, p. 97.

(4) Maslama était le grand’oncle d”Abd er-Rahmàn et avait la répu-
tation d’être un physionomiste habile (Ibn el-Athir; Dozy, Mus %
<*’%, 1,302).

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– 62 –

porté à son nouveau maitre la prédiction relative au
koreychite, descendant d’Omeyya, qui devait conquérir
l’Espagne, s’appeler c Abd er-Rahmân et être porteur
de deux boucles. Ibn H’abib ayant examiné le nouveau-
venu et vu les deux boucles de cheveux qui ornaient son
front, appela le juif et lui dit : « Voilà, misérable, l’indi-
vidu dont parle la prédiction ! Aussi vais-je le faire met-
tre à mort. — Mais, lui dit le juif, si c’est bien lui, tu ne
le tueras pas (puisque les destins s’y opposent) ! » Alors
Ibn H’abib se borna à faire exécuter les Omeyyades qui
rejoignaient le fugitif et à s’emparer de leurs biens. Cela
fut cause qu’ c Abd er-Rahmân s’enfuit de Kayrawân dans
la direction de l’Espagne, car ce pays le préoccupait à
raison de ce qu’il savait de la science des prédictions et
de ce qu’avaient dit son grand’oncle paternel Maslama
ben f Abd el-Melik et d’autres encore. Il arriva ainsi
dans des régions du Maghreb habitées par des tribus où
il passa par une situation très pénible et eut des aventu-
res trop longues à raconter. Il put s’enfuir et arriver jus-
que chez les Nefza, qui étaient ses oncles maternels,
puisque sa mère était une captive originaire de chez
eux. » Bedr ajoute encore : « Je passai ensuite [P. 43]
en Espagne, et je rejoignis c Obeyd Allah ben c Othmân
sur le litlôral d’Elvira à la fin de 136, puis j’en repartis
en 137 (27 juin 754) et je séjournai quelque temps auprès
d’ c Abd er-Rahmân; je retournai ensuite de nouveau en
Espagne avec les clients de ce prince. »

Voici ce qu’a raconté « A mon entrée en Espagne, j’étais tout pénétré de la pré-
diction faite par Maslama ben c Abd el-Melik dans les cir-
constances suivantes. Il vint un jour trouver mon grand’-
père Hiehâm à un moment où, étant moi-même tout

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enfant, je me trouvais présent ; et comme mon grancTpère
voulait m’écarter du visiteur : « Prince des Croyants, dit
Maslama, laisse tranquille cet enfant, car je vois en lui
l’homme des Omeyyades, celui qui fera revivre cette dy-
nastie après sa chute. » A partir de ce moment je vis que
toujours mon grand père marquait pour moi de la prédi-
lection! 1 ). »

Voici ce que dit Er-Râzi : « En 137 (27 juin 754) eut lieu
dans la région de Saragosse la révolte d’El-H’abh’âbW
ben Rawâh’a, avec qui fit cause commune c Amir ben e Amr
c Abderi, des Benoû c Abd ed-Dàr ben K’oçayyW. Le pre-
mier s’était enfui de Cordoue à cause de la crainte que
lui inspirait Yoûsof ; le second était l’un des principaux
guerriers Mod’arites fort connu en Espagne par sa vail-
lance, sa noblesse, sa science et sa courtoisie, et le com-
mandement des expéditions estivales lui était confié par
Yoûsof. Or le pouvoir de ce dernier n’était pas à ce mo-
ment bien grand à cause de la stérilité dont le pays souf-
frait depuis plusieurs années. Eç-Çomeyi se tenait alors
du côté de la frontière, où les produits de la terre étaient
plus abondants qu’ailleurs. Or comme c Amir croyait
avoir à craindre pour sa vie de la part du Fihrite aussi
bien que d’Eç-Çomeyl, il s’enfuit auprès d’El-H’abh’âb
ben Rawâh’a, et, de concert avec lui, procéda à des enrô-
lements où se présentèrent des guerriers Yéménites et
des Berbères. Eç-Çomeyl alors fut très étroitement assiégé

(i) Cette anecdote est rapportée dans les mêmes termes par Makrizi
{Moka/fa, ms 2144 de Paris, f. 53). Cf. Mus. d’Esp., i, 303.

(2) On a vu ce nom sous la forme El-H’obàb (p. 55). Le Moschtabih
deDehebi ne cite que cette dernière, qui se trouve aussi dans la Hollat,
p. 52. — Sur le récit qui suit, cf. Mus. d’Esp., i, 292.

(3) ‘Amir est Kobjet d’un article de la Hollat, p. 52.

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– 64 –

à Saragosse, à ce point qu’il eut des craintes pour sa vie
et songea à se rendre. Il envoya une demande de secours
à Yoûsof, qui ne put organiser d’expédition ; et comme le
siège continuait sans qu’il vit arriver d’aide du côté de
Yoûsof, il écrivit à ses contribules du djond de Kinnes
rîn et de Damas en leur représentant la gravité de la
situation et les adjurant de se rappeler leur commune
origine. c Obeyd ben c Ali le Kilâbite soutint sa demande
et avec lui la plupart des Kilâbites ; mais les Hawâzin et
les Ghatafân disaient tantôt oui et tantôt non, [P. 44] car
ils n’avaient pas de chef qui pût les entraîner tous. Quand
e Obeyd ben c Ali entreprit une tournée pour appeler les
hommes de ces deux djond au secours d’Eç-Çomeyl, les
Kilâb et les Moh’ârib se mirent en devoir de lui répon-
dre, mais lesKa’b ben c Amir, les c Ok’ayl,les K’ocheyr et
les H’arîch s’y refusèrent, car ils jalousaient les Benoû
Kilâb à cause de la suprématie que ceux-ci, dont était
Çomeyl, exerçaient alors en Espagne, tandis qu’autrefois
elle avait appartenu à Baldj, qui était Kocheyrite.

De ces tribus il ne se forma*donc qu’une troupe d’en-
viron quatre cents cavaliers, dont le courage, d’abord
hésitant en raison de leur petit nombre, se raffermit
ensuite; puis elle fut rejointe par un faible groupe d’une
trentaine de cavaliers Omeyyades, parmi lesquels figu-
raient Aboù c Olhmàn c Obeyd Allah ben ‘Othniân, lui-
même client Omeyyade, ainsi qu’ c Abd Allah ben Khâlid
ben Abân ben Aslam, client d’ f Othmân ben c Affân. Ces
deux chefs, plus tard, portèrent alternativement le dra-
peau des Omeyyades en Espagne et se succédèrent l % un
à l’autre dans ce poste. S’ils participaient à cette expédi-
tion, eux et les Omeyyades, c’était pour tenter une affaire
dont les suites sont bien connues ï ils voulaient ainsi

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– 65-

arriver jusqu’à Eç-Çomeyl pour lui parler d ,e Abd er-
Rahmàn ben Mo’âwiya, à raison de la confiance qu’ils
avaient en lui et de leur conviction que, n’embrassàt-il
pas leur parti, il leur garderait le secret. Leur prévision
était juste, car il observa le secret le plus absolu relati-
vement à ce qui lui fut confié. L’espoir de son concours
ultérieur fut donc une des raisons qui firent qu’ils se
portèrent à son secours pour tâcher de le délivrer. Le
petit corps de troupes se mit en conséquence en marche
après avoir placé à sa tête, dans l’espoir de se rattacher
davantage, Ibn Chihâb [chef des K f ab ben e Amir]. Quand
on arriva à la rivière de Tolède, on apprit qu’Eç-Çomeyl
était presque réduit à l’extrémité, tant le siège était
poussé de près, et on lui expédia en avant-coureur un
messager qui avait pour instructions de pénétrer parmi
les combattants pour ainsi se rapprocher des murailles,
et alors de lancer par dessus le rempart des cailloux
dont chacun portait [un papier avec] ces deux vers:

[Wâfir] Assiégés, réjouissez-vous, car il vous vient du
secours pour vous sauver et vous débloquer. Voici qu’arri-
vent les glorieux guerriers de Nizâr montés sur des juments
bien bridées et de la race d’A’wadj (*).

Le messager s’acquitta de sa tâche, et # ces pierres ou
l’une d’elles fut portée^ à Eç-Çomeyl, [P. 45] qui se fit
lire ces vers, car lui-même était illettré, et s’écria aussi-
tôt : « Réjouissez-vous, camarades, car, j’en atteste le
Seigneur de la Ka c ba, il vous arrive du secours! » La
petite armée qui avait fait annoncer sa présence conti-

(1) La traduction de ces vers, que citent aussi le Machmua, p. 68,
et le Fatho’UAnd.y p. 47, figure dans Dozy, Mus. d’Esp., i, 295.

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mia d’avancer en engageant à la rallier ceux qui l’avaient
promis, et ayant toujours avec elle les Omeyyades, entre
autres Bedr, le messager d’ c Abd er-Rahmân ben Mo f â-
wiya. Celui-ci avait confié son cachet à son affranchi, de
manière à en pouvoir sceller toutes les lettres adressées
à ceux dont il y avait lieu. d’espérer le concours. Ce fut
ainsi qu’Eç-Çomeyl reçut une lettre écrite en son nom
dans laquelle étaient rappelés à ce chef les bienfaits dont
il était redevable aux Omeyyades, en même temps qu’on
lui faisait des promesses et qu’on excitait ses désirs. Or
les assiégeants, c’est à dire c Abderi et ‘OdhrH 1 ), levèrent le
siège quand ils apprirent l’arrivée de troupes de secours
de sorte qu’Eç-Çomeyl se trouva délivré. Il put en consé-
quence se porter à la rencontre des amis qui venaient le
secourir, leur fit des cadeaux proportionnés au rang de
chacun et leur distribua des vêtements, après quoi il s’en
retourna avec eux en emmenant ses biens et ses proches.
D’autre part, El-H’abh’àb entra à Saragosse et en prit
possession sitôt qu’Eç-Çomeyl en fut sorti.

Ce dernier fut ensuite mis par les Omeyyades au cou-
rant de ce qui concernait Ibn Mo c àwiya, dont ils lui pré-
sentèrent l’envoyé Bedr. Il traita très bien celui-ci, répon-
dit qu’il réfléchirait à cette affaire et continua sa route
jusqu’à Cordouè. Alors les Omeyyades, et Bedr avec eux,
rejoignirent leurs demeures après être convenus avec
Eç-Çomeyl que ce chef prêterait aide et secours à Ibn
Mo c âwiya et lui donnerait sa fille < 2 ) en mariage. Mais il

(1) Sur ce chef, cf. Annales, p. 89 et les notes.

(2) Il s’agit ici non de la fille de Çomeyl, mais d’Oumm Moùsa, fille
de Yoûsof ben Fihri, ainsi qu’on le voit plus loin {Machmua, 72, 1. 11 ; Fat ko* l- And.,
49, 1. 3 ; Dozy, i, 317 ; Ibn el-Koùtiyya, p. 270, 1. 16 ; la trad. Houdas

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-67 –

revint ensuite sur sa promesse en disant : « Réflexion
faite, je trouve que ce projet est d’une réalisation difficile.
Veuille Dieu cependant bénir le plan que vous avez, vous
et votre maître ! Si ce dernier cherche autre chose que
le pouvoir suprême, je ne manquerai pas de l’appuyer
auprès de Yoûsof pour que celui-ci lui donne sa fille et
qu’on lui fasse bon accueil. Allez maintenant en paixUW.
Alors n’espérant plus rien des Rebi’a ni des Mod’ar,
ils se tournèrent du côté des Yéménites. « Nous ne pas-
sions, dit Bedr, auprès d’aucun Yéménite sans lui faire
des propositions, et nous trouvâmes ainsi toute une
troupe dont le cœur brûlait du désir de se procurer un
moyen de vengeance ; puis, étant retournés à notre djond,
nous achetâmes un navire sur lequel nous fîmes partir
onze hommes, que j’accompagnai. » D’autre part, Yoûsof
se rendit à Tolède, d’où il fit marcher deux corps de
troupes contre la Galice et la Biscaye, et voulut regagner
Cordoue; mais il venait de se mettre en.route quand un
messager lui apporta la nouvelle que son armée avait été
mise en déroute et en partie massacrée. Il s’occupait des
moyens de réparer cet échec quançl il reçut un autre mes-
sager envoyé par son fils resté à Cordoue, qui l’informait
qu’un jeune Koreychite, descendant de Hichâm ben c Abd
el-Melik, venait de débarquer sur le littoral [P. 46] d’Al-
munecar et avait rallié à sa cause les clients de ses con-
tribuleset des Omeyyades. La nouvelle s’étant ébruitée,
les soldats en ressentirent une joie maligne à cause des
procédés qu’il avait employés à l’égard des Koreychites,

de ce dernier texte (p. 239) parle du mariage de la fille du jeune
Omeyyade, lequel avait alors vingt-cinq ans, avec Yoûsof ben ‘Abd
er-Rahmân, âg;é de 65 ans).
(1) On retrouvé le même discours dans le Machmua, 74.

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puis ils abandonnèrent le camp et, chacun des différents
corps obéissant à son. cri de ralliement, tous regagnèrent
leurs districts respectifs, si bien que le lendemain Yoûsof
ne trouva plus auprès de lui que [les Benoû] K’ays et
Eç-Çomeyl. Il demanda conseil à ce dernier, qui lui dit
de prévenir son adversaire et de l’attaquer sur l’heure .
sans lui laisser le temps d’asseoir son autorité. Suivant
cet avis, on s’avança vers Cordoue ; mais en vain espé-
raient-ils recruter des troupes pour anéantir les forces
d’Ibn Mo c âwiya, la chose ne leur fut pas possible.
. Ce fut le 1″ rebi c 1 138 (14 août 755) qu’ c Abd er-Rahmân
ben Mo c âwiya, fondateur de sa dynastie, débarqua en
Espagne au lieu dit Almunecart*); puis il s’installa à T’or-
roch, bourgade du canton d’Elvira, où Ton avait préparé
à son intention montures, habitation et vêtements, et où
un certain nombre d’Omeyyades le rejoignirent. Son auto-
rité grandissant, le peuple arriva de toutes parts auprès
de lui, et alors Yoûsof le Fihrite écrivit aux Omeyyades
une lettre destinée à les avertir et intimider. Ceux-ci,
s’excusant comme ils purent, répondirent qu’Ibn Mo’â-
wiya n’était venu trouver ses clients que pour des raisons
d’argent et non dans les intentions que pouvait lui prêter
Yoûsof, d’après les dénonciations qui lui avaient été faites.
Ensuite divers chefs de la population se rendirent auprès
d’Ibn Mo c âwiya et lui témoignèrent leurs craintes qu’Eç-
Çomeyl n’employât la ruse pour tenter contre lui quelque
mauvais coup, se fondant pour cela sur certains propos

(1) La date de ce débarquement, que notre auteur fixe au 1 er rebV
(le mot iLè peut aussi s’entendre de l’un des trois premiers jours du
mois), est reculée de quelques semaines par la Hollat, p. 54, et par le
Machmua (p. 75), suivis par Dozy {Mus. d*Esp., i, 324). C’est aussi de
rebi’ I que parlent les Annales, p. 99.

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que leur avait tenus Yoûsof. A la suite de ces avis, Ibn
Mo e àwiya se mit à habiter la montagne.

[Ses partisans ne restèrent pas inactifs :] Yoûsof ben
Bokht se rendit auprès du djond du Jourdain, dont il
reçut le serment de fidélité; e Abd Allah ben Khâlid alla
trouver le djond d’Emesse, et Temmâm ben ‘Alk’amaM
la population originaire de Palestine. On vit alors arriver
une foule de gens [auprès du prétendant omeyyade]. La
position du Fihrite au contraire devenait difficile, et,
comme peu d’hommes du djond venaient le rejoindre,
Eç-Çomeyl lui donna le conseil d’employer la ruse et de
jouer au plus fin avec son adversaire, que sa jeunesse
pourrait faire tomber dans le piège : « Le manque d’ar-
gent, lui représenta-t-il, va le forcer à traiter, et il sera
trop heureux d’accepter ce que tu lui offriras ; tu seras
alors en état de lui imposer ta volonté, à lui et à ceux
qui travaillent pour lui. » Il le persuada donc d’employer
la douceur, de le marier avec sa fille et de l’installer
[P. 47] à son choix dans le djond de Damas ou dans
celui du Jourdain, ou même entre les deux, en lui attri-
buant le gouvernement de ces deux cantons. Yoûsof
alors envoya à c Abd er-Rahmân deux vêtements, deux
montures et cinq cents dinars avec son secrétaire Khâlid
ben Yezid, à qui il recommanda de bien voir la situation,
de quel djond TOmeyyade avait l’appui, ainsi que d’exa-
miner tout ce qui le concernait, lui et les siens. Parti de
nuit avec ses compagnons, Khâlid arriva le matin auprès
d’Ibn Mo c âwiya, apportant, en outre des présents qui lui
‘étaient destinés, un cheval, un vêtement et cent dinars

(1) Quelques lignes lui sont consacrées dans la Hollat (Notices, etc.,

p. ri)- , ■

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— 70 -=

pour Bedr. c Abd er-Rahmân accepta les cadeaux qui lui
étaient envoyés, mais refusa la proposition de mariage,
ce qui lui attira des propos grossiers de la part de Khâlid.
Il fit alors jeter celui-ci en prison et renvoya un autre
messager à Yoûsof, mais sans répondre [par écrit] à la
lettre que ce dernier lui avait adressée, et dont voici des
passages : « Après les compliments d’usage, nous avons
appris que tu es débarqué sur le littoral d’Almunecar et
qu’auprès de toi se sont réunis, que vers toi se sont diri-
gés des voleurs, des perfides, des traîtres, des violateurs
des serments les plus sacrés, qui ont ainsi menti aux
promesses faites à Dieu et à nous; c’est à l’Être divin que
nous demandons de nous secourir contre eux. Ces gens
qui vivaient avec nous en complète sécurité et dans
l’abondance des vivres en sont venus à méconnaître ces
bienfaits, ils ont échangé la tranquillité contre la crainte,
ils ont marché au parjure, alors que Dieu, à qui rien
n’échappe, est derrière eux l Si tu es venu chercher de
l’argent et de vastes propriétés, je suis mieux à même
de te satisfaire que ceux chez qui tu t’es rendu : je te
protégerai toi et ta race, et je t’installerai auprès de moi
ou dans le lieu qui te plaira. Dç plus, je m’engage et
oblige devant Dieu à ne te tendre aucune embûche et à
ne té livrer ni à mon cousin qui gouverne en Ifrîkiyya
ni à persorine autre, etc., etc. »

Ibn c Isa dit ceci : « Je tiens de Temmâm ben c Alk’ama
que, après l’arrivée de la lettre de Yoûsof renfermant
diverses propositions entre autres l’offre de sa fille en
mariage, c Abd er-Rahmân reçut tant de tous les Arabes
qui se rendirent auprès de lui que des Omeyyades, le
conseil de ne pas accepter et de ne consentir qu’à l’abdi-
cation de Yoûsof et à sa reconnaissance de l’autorité du

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– 71 –

prince Omeyyade; faute de quoi le procès sérail soumis
au jugement de Dieu, a car, lui dirent-ils, ton adversaire
ne cherche qu’à te tromper et ne tiendra pas ses pro-
messes, puisque son ministre, qui est le véritable maître,
n’est autre qu’un homme à qui Ton ne peut se fier, c’est
à. dire Eç-Çomeyl. » •

Le même narrateur continue : « Quand nos intentions
lurent manifestement établies [P. 48] aux yeux de Yoûsof
par notre refus et par l’incarcération de son secrétaire
Khâlid ben Yezid, nous décidâmes de rejeter tous les
voiles, et nous nous rendîmes auprès de Djidàr ben c Amr
et du djond du Jourdain, pour nous rallier à lui : nous
étions au nombre de trois cents cavaliers Omeyyades, et
des chefs arabes vinrent également trouver le [préten-
dant]. Ensuite nous écrivîmes aux gens de Kinnesrin et
de Palestine, et nous passâmes chez eux dès que nous
eûmes reçu des réponses favorables. Nous étions d’ail-
leurs préparés à mourir, notre ferme intention étant de
nous faire tuer pour notre prince, et nous lui conférâmes
les insignes du commandement. Pendant six mois nous
restâmes auprès de lui pour bien arranger toutes ses
affaires et envoyant des lettres de différents côtés pour
le recommander. Nous avions revêtu de beaux habits
lorsque nous nous étions présentés à lui pour le Recevoir
au moment de son débarquement. D’Elvira il se rendit
dans le district de Malaga, à Sidona, à Moron, dans le
district de Séville. Le peuple se portait joyeusement à sa
rencontre en lui adressant des souhaits de bienvenue et
enlui témoignant l’obéissance et la soumission la plus
complète. Nous entrâmes, continue Temmâm, à Malaga
au nombre de six cents cavaliers et nous en sortîmes deux
mille ; en quittant Séville pour marcher sur Gordoue,

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– 72 –

nous étions trois mille cavaliers. Quand nos forces furent
concentrées et que nous apprîmes que le Fihrite allait
marcher contre nous, l’émir e Abd er-Rahmàn procéda à
l’inscription des diverses cohortes, disposa les soldats
du djond et se mit en marche; il appela un des AnçàrW,
à qui il confia son étendard, et lui-même, s’avançant avec
les hommes des divers djond, campa le lundi 6 dhoû’l-
hiddja dans une bourgade située sur le fleuve de Cordoue.
« Yoûsof, de son côté, arriva à El-Moçâra, et les deux
adversaires, séparés par le fleuve dont les eaux étaient
très hautes, restèrent à s’observer pendant trois jours.
Le jeudi matin les eaux baissèrent, et e Abd er-Rahmân
prit ses dispositions pour combattre : il donna à l’un de
ses officiers le commandement des tribus arabes, et à un
autre, Ibrahim ben Chedjera, le commandement des Ber-
bères. Les meilleurs soldats omeyyades, mettant pied à
terre, entourèrent l’émir, qui était à cheval et portait son
arc en bandoulière. Il franchit alors la rivière et se rap-
procha d’El-Moçâra, de sorte que les deux armées se
trouvèrent proche et en face Tune de l’autre ; mais cepen-
dant ce jour-là ni l’une ni l’autre ne bougèrent, et Yoûsof,
qui espérait toujours en venir à un arrangement, envoya
des messagers à plusieurs reprises. [P. 49] Le vendredi
matin, on en vint aux mains et une lutte acharnée com-
mença. Alors El- c Alâ ben Djâbir ‘Ok’ayli, l’un des chefs
Kaysites, alla trouver Eç-Çomeyl et lui tint ce discours :
a Crains Dieu, ô Aboû’l-Djawchen, car, je le jure, nulle
journée plus que celle-ci ne ressemble à celle de la Prai-
rie [Merdj Rahît’], dont nous supportons encore la honte.

(1) C’est à dire descendant d’un des Médinois qui vinrent en aide au
Prophète lors de sa fuite à Médine.

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– 73 –

Aujourd’hui comme autrefois, la lutte a lieu entre les
mêmes adversaires, un Omeyyade et un Fihrite, les K’ay-
sites et les Yéménites ; aujourd’hui aussi, c’est fête et
c’est vendredi, de même que l’affaire de Rahlt eut lieu
un vendredi. Nul doute, je le jure, que tout ne dépende
de nous. Crains Dieu, te dis-je, et tâche qu’en cette occa-
sion nous devenions les maîtres et ne restions pas les
plus faibles ! » Mais les compagnons de Yoûsof furent mis
en déroute, et ce chef, s’étant alors dirigé vers le palais,
s’en vit barrer l’entrée par e Abd el-A e la ben e Awsedja;
repoussé de ce côté, il s’enfuit vers le pied de la monta-
gne de Cordoue. L’émir e Abd er-Rahmân devint donc
maître du pouvoir ce jour-là même, et il fut procédé à
son inauguration publique à Cordoue. Yoûsof continua
de fuir et se réfugia à Elvira. »

Khalifat
d”Abd er-Rahmân ben Mo’âwJya ben Hichâm ben ‘Abd el-Melik.

c Abd er-Rahmân, qui avait pour prénom (konya) Aboû’l-
Mot’arrif, était fils de Mo c âwiya ben Hichâm ben e Abd
el-Melik ben Merwân ben el-H’akam ben Aboû’l- c Api
ben Omeyya <*>; il avait pour mère Râh’ ou Redâh’, cap-
tive berbère originaire du Maghreb, et il a avec le Pro-
phète un ancêtre commun en la personne d* c Abd Chems
ben c Abd Menâf. Né en 113 dans la localité dite Deyr
H’oseyna< 2 >, du territoire de Damas, il était tout jeune
quand son père moi^rut. Lui-même mourut le mardi 23

(1) Cette généalogie est donnée plus au long par le Mokaffa.

(2) On lit Deyr Khanîna dans l’article consacré à ce prince par le
Mokaffa de Makrizi (voir Annales du Maghreb, d’Ibn el-Athir, p. 135
et 97; cf. Makkari, n, 33).

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– 74 –

rebi c II, ou, selon d’autres, le 10 djomâda 172 (l rr ou 17
octobre 788) et fut enterré dans le palais de Cordoue; il
était âgé de cinquante-neuf ou de soixante ans, et avait
régné trente-trois ans et quatre mois et demi. Il avait
vingt-cinq ans ou environ à son entrée en Espagne, et il
fut intronisé à Cordoue [P. 50] le jour de la Fête des
victimes de l’année 138 (le 15 mai 756).

Il eut quatre vizirs : e Obeyd Allah ben ‘Othmàn, c Abd
Allah ben Khâlid, Yoûsof ben Bokht et H’assân ben Mâ-
likW. Ses chambellans, au nombre de cinq, furent Tem-
mâm ben c Alk’ama, Yoûsof ben Bokht, c Abd el-Kerim
ben Mehrân, c Abd el-H’amîd ben Moghith et Mançoûr,
qui était un de ses pages. Il eut cinq kâdis : Yah’ya ben
Yezid Todjibi, Mo c âwiya ben Çâlih’, c Abd er-Rah’mân
ben Tarif, c Omar ben Cherâh’iM 2 ) et El-Moç c ab ben c Im-
rân< 3 ), en outre d’un cinquième [sic], Djidâr ben Maslama
ben c Amr Madhh’idjiW, qui l’accompagnait dans ses expé-
ditions d’été. Son sceau portait l’inscription : « c Abd er-
Rahmân se soumet au décret divine)». Il était d’une
haute stature, blond, borgne, avait les joues minces et un
grain de beauté au visage; il portait deux boucles de

(1) Ce prince n’eut pas de vizirs, mais seulement des conseillers,
dit le Moka/fa, f. 55 r’.

(2) Le Moka/fa ne donne les noms que de ces quatre kàdis, dont les
deux premiers sont aussi cités par Ibn el-Koùtiyya. Cf. Makkari, n,
31,1.20.

(3) Sur ce personnage, voir Annales, p. 102 n., et ci-dessous.

(4) Ce personnage, appelé ailleurs Djidàr ben ‘Anir, commandait
aux Arabes dans le district de Malaga lors de l’arrivée d”Abd er-
Rahmàn (Ibn el-Koûtiyya, p. 271; Makkari, n, 21, 1. 11; 31, 1. 23;
Tekmila, n* 15; Machmua, 76; Mus. d’Esj)., i, 342).

(5) Cette légende était, d’après le Mokafta et Makkari (n, 37) : *u)b

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– 75 –

cheveux et fut surnommé « le sacre des Omeyyades ». Il
eut onze enfants mâles <*) et neuf filles.

En 139 (5 juin 756) il se mit à la poursuite de Yoûsof
et d’Eç-Çomeyl, et le Fihrite, dès qu’il le sut, s’enfuit de
Grenade pour lui échapper; maïs l’émir marchant tou-
jours sur ses traces, Yoûsof alors rentra à Grenade pour
y organiser la défense. Son adversaire l’y assiégea et le
serra de près, si bien que Yoûsof, fatigué de la durée du
siège, demanda grâce en offrant ses deux fils comme
otages. e Abd er-Rahmân accueillit ces propositions, et
Eç-Çomeyl s’étant également soumis, le prince les em-
mena à sa suite à Cordoue, en imposant au Fihrite de
s’installer dans la demeure qu’il avait dans cette ville et
à Eç-Çomeyl d’habiter l’hôtel qu’il avait dans le faubourg.
L’émir, ayant ainsi définitivement établi son pouvoir, fit
prononcer des malédictions contre les Abbasides et ces-
ser de dire la prière au nom d’ e Aboû Dja c far el-Mançoûr.
Yoûsof le Fihrite prit ensuite du service dans l’armée de
l’émir et devint un des principaux officiers de celui-ci,
qui alors lui confirma la possession de ses biens et remit
ses enfants en liberté.

En la môme année, le 4 chawwàl (1 er mars 757), naquit
Hichâm ben c Abd er-Rahmân, surnommé Er-Rid’a.

En 140(25 mai 757), c Abd er-Rahmân se tint tranquille
à Cordoue et ne fit aucune expédition. Des Orientaux et
des Omeyyades qui vinrent le trouver reçurent de lui
l’hospitalité, furent accueillis avec honneur et de beaux
traitements leur furent assignés < 2 ).

(1) On voit, par ce passage, qu’il faut supprimer « CAbd el-Melik?) »
à la p. 136, 1. d. du texte, dans les Annales. Sur le portrait physique
de ce prince, cf. Annales, p. 135, et Makkari, h, 18.

(2) Les succès de l’habile, intelligent et énergique fugitif provoquè-

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– 76 –

[P. ôl] En 141 (14 mai 758), Yoûsof le Fihrite, violant
les serments les plus solennels, s’enfuit de Cordoue et,
la population se ralliant à lui, il réunit une armée de
vingt mille hommes, Berbères et autres. Se voyant à la,
tête d’une force si considérable, il partit de Mérida pour
attaquer l’émir, qui, à cette nouvelle, quitta son palais
et s’avança vers Almodovar. c Abd el-Melik ben c Omar
Merwâni, gouverneur de Séville, et son filsW, gouverneur
du district de Morort, firent chacun des levées chez ceux
de leurs partisans résidant dans les territoires qu’ils
commandaient, puis réunirent leurs forces. Quand Yoûsof
apprit et cette concentration et la marche de l’émir jus-
qu’à Almodovar, il craignit d’être pris entre ces deux
armées, et il se décida à marcher d’abord contre e Abd el-
Melik. Une sanglante rencontre eut lieu, qui finit par la
défaite de Yoûsof et la débandade de ses troupes, que
l’on poursuivit et massacra. c Abd er-Rahmân, qui atten-
dait à Almodovar que ses troupes le rejoignissent, y
apprit l’heureuse nouvelle qui le dispensait de continuer
la lutte, car Yoûsof s’enfuit en se cachant pour sauver
sa vie.

En 142 (4 mai 759), ce chef fut tué du côté de Tolède,
où il s’était réfugié et où il erra pendant plusieurs mois.
Ce fut un de ses compagnons qui le surprit par trahison
et qui, après l’avoir mis à mort, lui trancha la tête et la

rent naturellement l’exode de partisans et de parents empressés à
jouir de ce retour de fortune, et tous les auteurs en parlent (Moka/fa,
f. 54 i*;Machmua, p. 95 ; Fatho’l-A., p. 59 ; Makkari, h, 33 ; Ibn el-AUiir,
Annales, p. 101, où il est question des démarches tentées par Ralimàn, à ce que raconte Ibn el-Koùtiyya, pour amener ses deux
sœurs à passer de Syrie en Espagne).
(1) Il s’appelait

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– n –

porta à , qui se rendit maître de Séville,
d’Ecija et de la plus grande partie de l’ouest de l’Espagne,
et qui recruta des troupes nombreuses. L’émir se mit en
campagne et lui livra pendant plusieurs jours des com-
bats où il se vit près d’être battu ; mais enfin ce fut
H’ayàt qui dut fuir, et qui, s’étant réfugié du côté de
FirrîcbW, envoya de là une lettre pour solliciter son
pardon.

(1) Ou Bembuzar; voir sur ce nom et ses orthographes diverses,
Annales, 122, n. 2. Cette révolte est de 156, d’après Tbn el-Athîr (ib.)..

(2) « Cet endroit se trouvait probablement dans le voisinage de
Fuente de Cantos, au N.-O. de Séville » (Dozy, Mus. d’Esp., i, 358;
Recherches, 2* éd.,n, 283, n. 3 ; 3° éd.,. p. 260). Le traducteur du Mach*
mua Tidentifie avec Fuente de Cantos môme*

(3) On trouve aussi l’orthographe Molâbis {Annales, p. 121, n.) Cette
révolte est de 156 (ibicl.)

(4) Firrîch est au N.-E. de Séville (Edrisi, p. 256 ; Recherches, 2′ éd.,
Il, 283, n. 2; 3* éd., p. 260).

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– 81 –

En 146 (21 mars 763) eut lieu à Béja la révolte d’El- e Alâ
ben Moghitb Djodhâmi, qui proclama la souveraineté
d’Aboû Dja’far el-MançoûrC 1 ). ‘ Les guerriers des djond
le suivirent, le peuple se joignit à lui, si bien que l’auto-
rité de l’émir faillit périr, que son khalifat fut près de se
perdre. Le prince sortant de Cordoue à la tête de ses
troupes alla se fortifier, entouré de ses clients et de ses
guerriers les plus sûrs, à Carmona, où El- e Alà l’assiégea
de très près et le tint longtemps bloqué. Celte situation
en se prolongeant fit que la cohésion des troupes d’El- c Alâ
diminua, et c Abd er-Rahmân apprit que, près de se reti-
rer, elles songeaient à brider et à seller leurs montures;
alors, faisant allumer un brasier où furent jetés les four-
reaux des épées de ses compagnons, il dit ces mots :
« Sortez avec moi et jetez-vous sur ces bandes [P. 54]
avec l’ardeur de gens qui ne se flattent pas d’en revenir!»
Us étaient environ sept cents guerriers, véritables mâles
et héros renommés, qui, faisant comme lui et se saisis-
sant de leurs épées, se précipitèrent sur l’ennemi. Le
combat dura longtemps avant que, par un effet de la
bonté divine, les soldats d’El^Alà cédassent et- tournas-*,
sent le dos, servant ainsi d’enseignement pour ceux qui
savent. Ce chef lui-même trouva la mort au milieu de
ceux des siens qui périrent, et sa tête fut promenée sur
le champ de bataille”.

On raconte qu’El- e Alâ bén Moghîth, après avoir reçu
d’Aboû Dja’far el-Mançoûr l’investiture en qualité de
gouverneur de l’Espagne, déploya les étendards noirs et
proclama la dynastie Abbasside, en quoi la population se

(1) On place aussi cette révolte sous les années 147 et 149 {Annales
p. 106; Mus. d’Esp., I, 365; cf. Maehmua, p. 101).

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-82-

joignit à lui. A la suite de sa défaite dans les conditions
que nous venons de dire, Pimâm lui fit couper la tête qui,
préalablement vidée, fut ensuite remplie de sel et de
myrrhe, mise avec l’étendard d’El-Mançoûr dans un pa-
nier et envoyée par des messagers chargés de déposer
cet envoi à la Mekke. Ces hommes y rencontrèrent le
khalife lui-même, qui faisait cette année-là le pèlerinage,
et ils placèrent leur corbeille à la porte même de sa tente.
Le prince, quand il en eut vu le contenu, s’écria: « Nous
avons, par Dieu ! exposé ce malheureux à la mort ; soit
loué le ciel, que la mer nous sépare de ce démon!» faisant
ainsi allusion à e Abd er-Rahmàn. Tel est le récit de Sàlimi
dans les Dorer el-k’alâ’idi 1 ).

Voici le récit de la Behdjat en-nefs. El- c Alâ se révolta
dans Je lieu dit Lak’ant, dans le canton de Béja, et dé-
ploya l’étendard d’El-Mançoûr, de même qu’il mit au jour
l’acte d’investiture dont il était muni. Il se mit à la tête
de ceux qui se rallièrent à lui et marcha contre Béja,
qu’il conquit, et d’où il se rendit maître de tout l’ouest de
ïa Péninsule. Il s’avança ensuite contre e Abd er-Rahmân
et parvint jusqu’à Almodovar. A cette nouvelle, le prince,
qui était parti en expédition dans l’Est de l’Espagne, re-
vint en arrière, et quand il fut près de Cordoue il fit res-
ter à Almodovar ceux des Sévillans qu’il avait avec lui,
car la sympathie de Séville pour EK c Alâ les lui avait fait
prendre en méfiance. Il poursuivit ensuite sa route, mais
il écrivit secrètement à son affranchi Bedr de les mettre

(1) D’autres disent que cette tête fut portée à Kayrawàn, comme on
le voit plus loin. Si c’est la mosquée de la Mekke qui reçut ce funèbre
colis, la date de la révolte d’El-‘Alà se trouverait fixée, puisqu’on sait
qu’El-Mançoûr lit le pèlerinage en 1*47 {Annales, 106; Mus. d’Esp..
I, 367).

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à mort eh tous cas, qu’il remportât la victoire ou qu’il fût
vaincu. El-^Alâ ayant continué sa marche, les deux
armées prirent contact, et à la suite de divers combats
et rencontres, EI- e Alâ fut tué dans le voisinage de Car-
mona, et ses troupes dispersées après avoir perdu [P.55J
environ six mille morts. Uémir fit couper la téted’El- e Alâ
et celles des principaux de ses compagnons et attachera
chacune une étiquette portant le nom de celui à qui elle
avait appartenu, puis il les fit mettre dans des vases et
porter par des gens désignés à cet effet à Kayrawân, où
elles furent nuitamment jetées dans les divers marchés.
Le peuple apprit ainsi ce qui s’était passé, et cette nou-
velle, en parvenant jusqu’aux oreilles du khalife abba-
side, refréna son orgueil. Certains disent que la défaite
infligée à El- c Alâ fut l’œuvre de Bedr, affranchi d’ c Abd
er-Rahiïiàn. Dieu sait ce qu’il en est.
• En 147 (10 mars 764), c Abd er-Rahmân envoya des
troupes nombreuses commandées par son affranchi Bedr
et Temmàm ben e Alk’ama contre la ville de Tolède, où
se trouvait Hichâm ben c Azra(*). Le siège en fut com-
mencé et dura assez pour que les Tolédans, fatigués,
fissent demander aux deux chefs assiégeants qu’il leur fût
fait quartier moyennant la remise entre leurs mains dlbn
e Azra, de Hichâm ben H’amza ben e Obeyd Allah ben e Omar
ben el-KhatTâb et de H’ayât ben el-Welîd, qui’ ne fai-
saient qu’une. Ces propositions furent acceptées, etTem
niàm, emmenant les trois prisonniers, se mit en marche

(1) On trouve ce. dernier nom sous les formes *j.j&> *>vXe et *>£«,
‘Qrwa, ‘Odhra et ‘Azra (Machmua, 101; Makkari, n, p. 10, 1. 11; Annales,
106 ; Mus. d’Eep., i, 366).

(2) Cf. le Machmna, 101 et 104; Annales, p. 106; Mus. d’Esp., i, 368.

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-84-

vers Cordoue, En route il rencontra e Açim ben Moslim/;
qui lui transmit Tordre d’ e Abd er-Rahmân de retourner
à Tolède en qualité de gouverneur et de renvoyer Bedr
à Cordoue. Lui-même prit livraison des chefs prison-
niers et, continuant sa marche, arriva à la bourgade de
H’alzaW, où il rencontra Ibn et-Tofeyl, qui était accom-
pagné d’un barbier, de tuniques de laine et de paniers,
et qui, après avoir fait raser la tête et la barbe des pri-
sonniers, leur lit endosser les tuniques de laine et les
introduisit dans les paniers; puis, les hissant sur des
ânes, il les amena dans cet accoutrement [à Cordoue]
jusqu’aux croix préparées à leur intention et où il les
crucifia. La nouvelle de la réduction de Tolède fut ensuite
expédiée dans les diverses provinces.

En 149 (16 février 766) eut lieu dans le district de Nié-:
bla la révolte de Sa c id Yah’çobi, surnommé Mat’ari, “au-
tour de qui les Yéménites se réunirent et se pressèrent.
Ce chef marcha alors contre Séville, qu’il conquit les
armes à la main et sans qu’elle pût être secourue. Le
nombre de ses partisans s’accrut, sa force grandit, son
armée devint redoutable. Elle avait conquis plaines et
montagnes, quand l’émir marcha contre lui avec des trou-
pes bien approvisionnées et en quantité innombrable ; il
vint camper sous les murs de la forteresse de Za c wâk'( 2 >,
où Mat’ari s’était fortifié et mis à l’abri; [P. 56] il l’y
assiégea et le soumit à de cruelles épreuves/jusqu’au
jour où ce chef fit une sortie à la tête d’une troupe de ses
principaux guerriers et des Berbères qu’il considérait le

(1) Ce nom est écrit H’ahca dans le Machmua, 104, 1. 10.

(2) Ce château était à huit milles de Séville et répond à Alcala de
Guadaira (voir Annales, p. 110, n. 1 ; Saavedra, EstucUo sobre la inva-
sion,. ., p. 93, n. 4). Sur la révolte de Mat’ari, voir Annales, p. 109.

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– 85 –

plus. Mais rengagement se termina bientôt par sa mort
et par celle des siens, et la tête de Mat’ari, portée à e Abd
er-Rahmàn, fut aussitôt, par ordre de celui-ci, hissée sur
une pique”.

En la même année, ce prince fit encore mettre à mort
Aboû’ç-Çabbâh’ ben Yah’ya Yah’çobi M, qui, s’étant vu
retirer le gouvernement de Séville, qu’ e Abd er-Rahmàn
lui avait antérieurement confié, appela à lui les mécon-
tents et leva l’étendard de la révolte. e Abd er-Rahmàn
lui ayant envoyé son affranchi Temmâm pour négocier,
ce chef se rendit à Cordoue sans sauf-conduit mais à la
tête de quatre cents hommes ; il fut introduit par Tem-
mâm auprès du prince, qui lui adressa des reproches et
qui, recevant des réponses grossières, le fit massacrer.
Après quoi on sortit sa tête [pour l’exposer] et un héraut
proclama la nouvelle.

En 150 (6 février 767) l’insurrection berbère exerça ses
ravages à Sontebria (Castro de Santaver).

En la même année, Bedr fit une expédition à la fron-
tière contre Alava, qui dut, à la suite de divers combats,
se soumettre et acquitter le tribut. Il fit procéder à des
recherches parmi les hommes de cette région pour s’as-
surer de leurs projets, et emmena ceux d’entre eux dont
les mauvais sentiments et le caractère ambigu furent
reconnus par lui comme un danger pour la frontière.

En 152(14 janvier 769), une insurrection fut fomentée
par un Berbère originaire des Miknàsa, sur la côte afri-
caine, qui prétendait descendre d’El-H’asan ben e Ali et
qui, parce que sa mère s’appelait Fàt’ima, se disait Fati-

(1) Sur le nom de ce chef et sur sa révolte, cf. Annales, p. 111, n. 2.

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-S6 —

mideW. c Abd er-Rahmân, laissant à Cordoue son flls Hb-
chàm en qualité de lieutenant, se mit en campagne; mais
son adversaire s’enfonça dans les montagnes avec ses
partisans, puis, comme l’émir se retirait vers Cordoue, il
revint, tua le gouverneur de Sontebria et commit divers
actes de cruauté. Mais quand l’émir expédiait des trou-
pes contre lui, le Berbère gagnait des montagnes presr
que impraticables.

En 153 (4 janvier 770), l’émir se mit de nouveau en cam-
pagne contre le prétendant Fatimide, qui se déroba dans
des endroits difficilement accessibles, et qui s’avança de
nouveau quand l’émir eut battu en retraite. Bedr marcha
contre lui à la tête de la colonne expéditionnaire d’été,
le trouva dans la région de Chebat’rân( 2 > et se mit à sa
poursuite dans l’espoir d’arriver à le joindre. Mais le
Berbère s’enfonça dans des endroits inhabités, et l’on
perdit ses traces ; il gagna alors Medellin( 3 ). Ce chef, avec
qui Aboû Za c bel Çadfoûri avait eu affaire* 4 ), resta ainsi

(1) Ce Berbère s’appelait Chak’yà et se révolta en 151, d’après Ibn
el-Athir; c’est à lui probablement que se réfère la mention portée
plus haut, sous Tannée 150. Sur son nom, cf. Annales, p. 118, n. 1.

(2) Localité du territoire de Tolède, voir Annales, p. 119.

– (3) A cinq lieues S. E. de Mérida, dans l’Estramadure. Elle est
mentionnée par Edrisi, p. 226, qui la met à deux petites journées de
Mérida.

(4) J’ai traduit littéralement le texte ^ j*sX*d\ J-^fiJ j*\ 4JL*L .^

où il faudrait supposer une petite incorrection grammaticale, que
Dozy n’a d’ailleurs pas relevée, pour admettre la traduction F. Gon-
zalez « Era su lugar-tenieute Abu-Zaàbal as-Sadfuri ». D’après le
Machmua (p. 107), « le révolté attaqua nuitamment Sàlim Abou Za’bel,
gouverneur de Mérida, et le tua ». Je ne puis déterminer exactement
le rôle d’Aboû Za’bel, dont je ne retrouve pas le nom dans les autres
sources qui me sont accessibles et sur qui Dozy (Mus. d’Esp., i, 372)
et Fournel [Berbers, i, 424) sont muets. Il est encore question de lui
un peu plus bas, dans un passage qu’a omis la traduction espagnole.

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– 87 –

en état d’insurrection de 150 à 160 (fév. 767 à oct. 777),
[P. 57] date où, ” livré par la trahison de certains des
siens, il fut mis à mort et définitivement abattu”.

En 154 (24 décembre 770), c Abd er-Rahmân se tint tran-
quille’à Cordoue et n’entreprit aucune expédition.

En 155 (13 décembre 771), ce prince se rendit de Cor-
doue à Sontebria ; il y reçut la visite de Hilâl, l’un des
fils d’El-MedyoûniW, investit ce chef des Berbères dans
l’Est de la Péninsule du commandement de ses contri-
bules et le confirma dans ses possessions. Cet acte, par
lequel il le chargea de s’occuper du pseudo-Fatimide,
lui assura à lui même la tranquillité en ce qui concernait
ce dernier, dont l’autorité se trouva rompue par la divi-
sion qui désunit les Berbères. Ce chef se rendit alors de
Sontebria dans le Nord.

En 156 (2 décembre 772) eut lieu la révolte d’ e Abd el-
Ghâfir Yah’çobi W. L’émir, qui était alors dans l’Est et à
qui Bedr envoya de Cordoue cette nouvelle, revint à mar-
ches forcées puis se dirigea sur Séville, où son sabre,
s’abattant sur les révoltés, leur causa des pertes cruelles,
c Abd el-Ghâfir lui-même put cependant échapper et ga-
gner l’Orient par mer.

En 157 (21 novembre 773), l’émir se mit en campagne
du côté de l’Ouest et se rendit à Séville, où il mit à mort
un grand nombre des adhérents d’ e Abd el-Ghâfir, anéantit
leurs traces et fit tout rentrer dans Tordre ; après quoi il
se retira promptement, car il n’avait voulu que mettre

(1) C’est à dire Hilàl ben Abziyà Medyoùni (H. des Berb., i, 250 ; éd.
Boulak, vi, p. 126). C’est à lui que, sans le nommer, Dozy fait allusion
{Mus. d’Esp., i, 373).

(2) Ou ‘Abd el-Gha/fâr (voir p. 79 ; cf. Fournel, Berbers, i, 425).

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les Sévillans à Fépreuve et faire un exemple. Selon d’au-
tres, cela se passa en 158 (11 novembre 774).

En 159 (31 octobre 775), l’émir dirigea une campagne
^ du texte.
Je suis porté à croire que le texte est ici altéré. En effet, la mort du
pseudo-Fatimide serait relatée deux fois, sous les années 159 et 160,
ce qu’a admis Dozy, et qui est en contradiction avec la date de 160
donnée plus haut (sur cette date, cf. Annales, 125 n.). En outre, le ms
ajoute un nom propre qui ne fait pas corps avec le texte, que Dozy
a rejeté en note et que j’ai vainement cherché ailleurs.

(2) Sur les dates de l’arrivée et de la mort du Slave, cf. Annales, 125.

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nous avons relaté l’arrivée, se souleva dans la province

de Todmîr, puis, quand l’émir marcha contre lui, il se

réfugia dans des lieux d’accès difficile. Alors les troupes

se répandirent dans le district de Todmîr, puis dans celui

de Valence, non sans avoir préalablement livré aux flam :

mes les navires [du Slave] trouvés sur la côte. Ensuite

le Berbère Michkâr attaqua par surprise et tua le Slave.

En la même année, Ibn Chedjera s’étant révolté à Mo-

ron, Bedr partit pour le combattre le jour de la Fête des

victimes, le surprit à l’improviste et le tua; puis il annonça

sa victoire à l’émir. D’autres placent cette victoire en

162 (28 septembre 778)^

En 164 (6 septembre 780), l’émir marcha contre Er-
Româh’is ben c Abd er-Rahmân ( 2 >, qui avait commandé
la garde de Merwân ben Mohammed ; il vint ensuite en
Espagne et fut mis par e Abd er-Rahmàn à la tête d’Algé-
ziras, puis il se révolta et voulut se soustraire à l’obéis-
sance qu’il lui devait. A l’arrivée d’*Abd er-Rahmân à
Algéziras, Er-Româh’is était au bain, et les cavaliers de
l’émir fouillaient déjà les habitations qu’il ne savait rien
encore. Trop pressé pour se rhabiller, il sortit en s’enve-
loppant d’une couverture teinte et se jeta dans une barque
qui l’emmena sur la côte africaine. c Abd er-Rahmân
rendit à la liberté un certain nombre d’Omeyyades qu’il
trouva renfermés dans la prison du gouverneur en fuite.
En 165 (26 août 781) se révolta à Saragosse El-H’oseyn

(J) Sur Ibrahim ben Chedjera Bernesi, cf. Annales, 126.

(2) Il faut lire, si je ne me trompe, ben ‘Abd el-‘Azîz, ainsi que récri-
vent Makkari, éd. Leyde et Boulak, et le Machmua; c’est ainsi éga»-
lement qu’Ibn Wàdhih écrit ce nom (Historiœ, p. 405). Cependant le
Kamous turc écrit ben ‘Abcl el-‘Qzza,

L

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-I

– 90 –

ben Yah’ya ben Sa e d ben e Obàda Ançâri’ 1 ), ‘ contre qui
l’émir marcha avec ses soldats et son armée renommée»
et qu’il assiégea en cette ville; contre lui il dirigea ses
cohortes et ses guerriers, si bien que l’assiégé vint faire
acte d’obéissance et se jeter à ses pieds. c Abd er-Rahmân
accueillit ses offres de soumission, lui pardonna et, sans
tenir compte de sa conduite antérieure, le laissa en qua-
lité de gouverneur à Saragosse, tandis que lui-même,
étendards au vent et favorisé de la victoire, retournait à
Cordoue. [P. 59] Puis H’oseyn, violant ses obligations
et rebelle à toute gratitude, manifesta son hypocrisie et
rouvrit les hostilités. Alors l’imâm, revenant de nouveau
l’assiéger, tortura Saragosse jusqu’au jour où il y entra
par une brèche faite aux remparts et remporta une vic-
toire complète ; il fit, sans tarder, périr H’oseyn et ses
partisans, confia le gouvernement à e AH ben H’amza et
regagna Cordoue après avoir ainsi affirmé son autorité”.

On lit dans la Behdjat en-nefs: « En 167 (5 août 783)*
l’imâm assiégea à Saragosse H’oseyn ben Yah’ya, prit la
ville de vive force et fit décapiter H’oseyn et certains de
ses partisans ; il en expulsa les habitants et les envoya,
pour satisfaire à un serment qu’il avait prêté, jusqu’à
une bourgade à trois milles de là. Au bout de quelques
jours, il leur permit de rentrer, et lui-même regagna
Cordoue ».

En 168 (24 juillet 784), El-Moghira ben E!-Welid ben
Mo’àwiya complota une révolte contre l’imâm [son oncle
paternel], qui résidait alors à Roçàfa; mais le secret
ayant été dévoilé par l’un des conjurés, il les fit compa-

ti) Cette révolte, qui débuta en 157, fut écrasée en 164, d’après Ibn
el-Athir (Annales, p. 123 et 128; ef. Fournel, i, 426).

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-M –

raître devant lui et, à la suite de leurs aveux, il les fit exé-
cuter, en n’épargnant que celui qui les avait dénoncés. Il
se transporta alors de Roçàfa au palais de Cordoue «).

En 169 (14 juillet 785), [Aboû’l-Aswad] Mohammed ben
Yoûsof Fihri se révolta contre e Abd er-Rahmàn <*’. Il avait
déjà quitté Tolède et la région orientale avec ses troupes
quand l’imâcn, apprenant cette nouvelle, fit faire des
levées dans les divers districts et marcha avec ces forces
contre son adversaire, qu’il rencontra au Gué de la vic-
toire. Après des combats qui durèrent plusieurs jours,
Mohammed, qui était surnommé l’Aveugle, fut mis en
déroute le mercredi 1 er rebl e I de cette année (11 sept. 785);
ses meilleurs guerriers furent massacrés et ses troupes
anéanties. D’après Er-Râzi, quatre mille hommes furent
massacrés, en outre de ceux qui tombèrent dans la rivière
et qui périrent dans les précipices. Quant à leur chef
Mohammed, il s’enfuit vers Coria.

En 170 (3 juillet 786), e Abd er-Rahmàn s’avança contre
cet insurgé et arriva à Coria; mais l’autre s’enfuit devant
lui. Cependant la cavalerie de l’émir atteignit ses enfants
et certains de ses partisans, qu’elle massacra, de même
qu’on livra aux flammes les propriétés du fuyard. Celui-ci,
resté seul, s’enfonça dans des régions marécageuses,
et son vainqueur, tombant sur les Berbères de Nefza,
[P. 60] les réduisit à l’impuissance. Mohammed ben
Yoûsof étant ensuite venu à mourir, ce fut son frère El-
K’âsira ben Yoûsof qui le remplaça et qui montra la même
insoumission. Mais quand il commença à susciter des

(1) Cf. Annales, 131 , où il est question de Tanuée 166.

(2) Voir ibid. et ci-dessus, p. 77.

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– 92 –

troubles, c Abd er-Rahmân envoya contre lui des troupes
dont la venue le fit rentrer dans l’obéissance.

Ce fut en l’année 170 (3 juillet 786) que l’émir donna
l’ordre de jeter les fondements de la grande mosquée de
Cordoue, là où se troconséquence, s’embar-
qua avec ses femmes et ses enfants et alla s’installer en
pays berbère. Hichâm se trouva ainsi, grâce à Dieu,
tranquille du côté de ses frères.

En 175 (10 mai 791), Hichâm confia à c Obeyd Allah [ben
c Othmân] la direction d’une expédition contre Saragosse,
où se trouvait alors Mat’roûh précité. Cet officier assié-
gea d’abord cette ville, puis alla s installer à Tarsoûna
(Tarazona), d’où il poursuivit le blocus jusqu’à ce que
Saragosse fût réduite à l’impuissance et hors d’état de
continuer de résister. Or Mat’roûh étant un jour sorti
pour chasser de compagnie avec c Amroûs ben Yoûsof et
Ibn Çaltà’n, ceux-ci, profitant du moment où il était
descendu pour égorger l’oiseau sur lequel il avait lancé
son faucon, le lardèrent à qui mieux mieux de coups
d’épée, puis lui coupèrent la tête et la portèrent à Ibn
f Othmân, qui était à Tarazona et qui, se portant aussitôt

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— 101 —

sur Saragosse, y pénétra sans rencontrer aucune résis-
tance et s’y installa. Après quoi il envoya à l’émir Hichâm
la tête de MatYoûtfW.

En 176 (28 avril 792), Hichâm envoya contre le pays
d’Alava(2) une expédition commandée par Aboû c Othmàn
c 0beyd Allah ben c Othmân ; ce chef s’y heurta aux bandes
qu’y avaient concentrées les ennemis de Dieu, les mit,
grâce à la faveur divine, en déroute, et les massacra par
monts et par vaux; on réunit ainsi plus de neuf mille
têtes.

En la même année, Yoûsof ben Bokht fit une expédi-
tion en Galice contre Bermude le Grand : il livra bataille
à cet ennemi de Dieu, le mit en fuite et livra son camp au
pillage; le massacre fut terrible, car on réunit dix mille
têtes non compris celles des victimes tombées dans les
ravins. Cetle victoire fut annoncée postérieurement à
celle d’Aboû c Othmân. Râzi et d’autres ont rapporté ces
faits (3).

En 177 (18 avril 793), Hichâm mit à la tête de l’expédi-
tion d’été, dirigée contre les pays chrétiens, c Abdel-Melik
ben c Abd el-Wâh’idben Moghith( 4 ). Cette campagne, res-
tée célèbre, fut très importante; celui qui la dirigeait
poussa jusqu’à Efrandja< 5 ), devant laquelle il mit le siège

(1) Le môme récit se retrouve dans les A?inales, p. 142 ; cf. 144 n. 1.

(2) En arabe « Alaba et les forts », c. à d. le pays qui forma le
comté et royaume de (Jastille.

(3) Sur cette campagne, cf. th.; Dozy, Recherches, j, p. 140, 2 e éd. ;
p. 128 de la 3* éd. ; les deux campagnes, d’après ce savant, eurent
lieu en 791.

(41 Cette expédition est de 794 de J. C. d’après Dozy, 1. 1.; cf. Annales,
p. 144.

(5) Ce nom désigne ordinairement la France, non une ville déter-
minée. Ibn el-Athir parle de Narbonne et de Djeranda.

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– 102 –

et où il ouvrit à Taide de machines de guerre une brèche
dans les murailles; il menaça le pays des Madjoûs, par-
courut [P. 66] le territoire ennemi et pendant plusieurs
mois resta à brûler les bourgades et à détruire les châ-
teaux-forts; il attaqua même la ville de Narbonne. Ces
succès importants eurent pour résultat un nombre de
prisonniers tel que le quint se monta à quarante -cinq
mille têtes, [sans parler du butin] en métaux précieux.

En 178 (7 avril 7ÎH), la guerre civile sévit à Tacorona,
grâce à l’insoumission des Berbères, qui se jetèrent sur
la population et la livrèrent à la mort et à la captivité.
Hichâm commença par les avertir, [mais en vain], et il fit
alors marcher contre les rebelles les troupes du djondj
qui en tuèrent le plus grand nombre, tandis que le reste
se réfugia à Talavera et à TruxilloM. A la suite de ces
événements, Tacorona, c’est-à-dire la région de Ronda
et les villes qu’elle renferme, resta à l’état de désert
pendant sept ans < 2 ).

En 179 (27 mars 795), Hichâm mit à la tête de l’expé-
dition d’été c Abd el-Kerim ben Moghith, qui poussa
jusqu’à la ville d’Astorga, en pleine Galice W. Ce général
apprit alors qu’Alphonse [n] avait fait des levées dans ses
états, demandé l’aide des pays basques et des popula-
tions voisines, Madjoûs et autres, qu’avec tous ces
auxiliaires il était campé dans le pays entre la Galice et

(1) Texte <*Ju^); dans Edrisi <*JL*.y> .

(2) Cette affaire est aussi rappelée par les Annales (p. 151), qui
placent en outre sous Tannée 178 une attaque dirigée contre les
chrétiens par les deux armées d^Abd el-Kerim et d’ ‘Abd el-Melik
(Recherches, 3 e éd., i, 129).

(3) Astorga fait partie de ce que nous appelons la province ou
royaume de Léon.

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– 103 –

Eç-ÇakhraM et qu’il avait autorisé les habitants des
plaines à se disperser sur les hauteurs des montagnes
du littoral. c Abd el-Kerim, se faisant précéder d’une
avant-garde de quatre mille cavaliers commandés par
Faradj ben Kinâna, suivit les traces de son lieutenant
et livra aux ennemis une bataille où Dieu les mit en
déroute; leurs plus braves guerriers périrent et un
grand nombre, qui étaient tombés entre nos mains,
furent après le combat mis à mort par ordre d’ c Abd
el-Kerim. Fuis la cavalerie, lancée contre tous les centres
habités, détruisit toutes les cultures qu’elle rencontra et
mit en ruines toutes les constructions par où elle passa.
Ce général s’avança ensuite jusqu’à la rivière dite Tru-
bia (? ou Narcea ?), où il rencontra Gondemaro à la tête de
trois mille cavaliers ; ces troupes furent mises en déroute
non sans avoir subi des pertes considérables, et Gonde-
maro lui-même fut fait prisonnier, tandis que nos guer-
riers faisaient main-basse sur tout ce que renfermait le
pays. c Abd el-Kerim, désireux de s’emparer ( 2 ) d’Alphonse,
continua sa marche en avant, et alors ce prince, quittant
la montagne où il se trouvait, tâcha d’éviter son adver-
saire en gagnant une forteresse solide qu’il avait élevée
sur la rivière de Nalon; mais c Abd el-Kerim marchait
sur ses talons, non sans livrer aux flammes toutes les
stations où il arrivait après lui et sans y enlever tous les

(1) Je ne sais s’il faut voir là un nom propre ou Tenteudre de la
Sierra. C’est ce dernier sens qu’a adopté Dozy dans la reproduction
qu’il fait des détails de la campagne (I. 1.).

(2) Il faut lire, si je ne me trompe, \j*<£*~**~° qui donne un sens dérivé régulièrement de celui de la racine, au lieu de \j^s. , ***~* auquel Dozy, se fondant sur cet unique exemple, attribue la signi- fication « vouloir pénétrer jusqu’à ». Cf. Corrections, 39 et 131. Digitized by Googk – 104 – biens [P. 67] qu’il y trouvait. Il parvint ainsi jusqu’à la forteresse, d’où Alphonse décampa pour s’installer dans une autre W; c Abd el-Kerim descendit dans la place restée vide et y trouva des vivres et toutes sortes d’approvisionnements. Dès le lendemain de son arrivée, il expédia sur les traces du fuyard Faradj ben Kinàna et dix mille cavaliers, à rapproche desquels Alphonse s’enfuit précipitamment, abandonnant à rçotre armée tous ses approvisionnements et ses trésors, sur lesquels il fut fait main-basse. En 180 (16 mars 796) mourut l’imâm Hichâm ben c Abd er-Rahmân, qui fut enterré dans le palais de Cordoue. Ce fut son fils El-H’akam qui prononça sur lui les der- nières prières. Cet événement., nous l’avons dit, eut lieu dans la nuit du mercredi au jeudi [3 çafar 180 ou 17 avril 796]. Le peuple prêta serment de fidélité à son fils El- H’akam, lequel cependant était le cadet d’ c Abd el-Melik. RENSEIGNEMENTS D’ENSEMBLE ET SANS ORDRE CHRONOLOGIQUE CONCERNANT HICHAM. ” Ce prince se montrait gracieux en paroles et large de cœur, était plein de majesté, appliquait les prescriptions de la Tradition et du Koran, ne prélevait que les impôts légaux et les dépensait selon les règles. Rien de répré- hensible aux yeux de Dieu ne pouvait lui être reproché, nul acte d’injustice ne s’attacha à ses pas. Son frère [So->
leymân] refusa de le reconnaître : renonçant à lui obéir,
il se proclama indépendant à Tolède et recruta des
troupes pour le soutenir dans son opposition et sa rébel-
lion. Hichâm ne cessa de donner tous ses soins à la

(1) C’est à dire, probablement Oviedo, selon la conjecture de Dozy.

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— 105 —

guerre civile et d’imposer ainsi des souffrances à la
population, ce qui lui donna jusqu’à la fin de ses jours
bien de la peine et ne lui permit pas de vivre en paix.
Quand, par respect des décisions prises, son fils El-
H’akam lui succéda, il combattit le rebelle dans ces
régions (éloignées) ; les lances et les sabres finirent par
avoir raison de lui ; ce pays alors recouvra la tranquillité
et il ne s’y rencontra plus de récalcitrant \

Hichàm envoyait dans les divers districts des hommes
intègres chargés de s’enquérir auprès du peuple des pro-
cédés des fonctionnaires et de lui rapporter les résultats
de leurs investigations, après quoi il prenait les mesures
nécessaires pour faire disparaître les abus révélés par
cette épreuve. Un jour que quelqu’un se présenta pour
réclamer contre un acte d’injustice commis par un gou-
verneur, le prince, se précipitant vers le plaignant, lui
dit: a Atteste par serment les actes d’arbitraire dont tu
te dis victime, et alors s’il t’a frappé tu le frapperas, s’il
a nui à ton honneur tu nuiras au sien, [P. 68] s’il a pris
ton bien tu en prendras l’équivalent sur le sien, mais à
la condition qu’il ne t’ait pas infligé une des peines
ordonnées par la loi divine ! » Et la peine du talion fut
infligée pour chacun des faits que le plaignant affirma
sous la foi du serment W. C’était ainsi que Hichâm refré-
nait ses gouverneurs, mieux qu’en employant les châti-
ments et les corrections. Il était magnanime, juste, ver-
tueux, modeste et sage ; on ne connaît de lui aucune faute
ni aucune chute d’enfance ou de jeunesse. Il fit réédi-
fier le pont de Cordoue, pour la restauration duquel il

U) On retrouve une autre version de cette anecdote dans le Mach-
mua, p. 121.

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— 106 —

dépensa des sommes considérables; il s’en occupa
personnellement et le salaire était payé sous ses yeijx.
Ibn Wad’d’âh’ (*) raconte que, lors de ces travaux, on
disait dans le peuple que le prince ne faisait cela que
pour faciliter ses parties de chasse ou de plaisir; ces
bruits étant parvenus jusqu’à lui, il prêta serment de n’y
passer que pour partir en guerre ou pour quelque œuvre
utile ( 2 ).

Le kàdi Aboû Mo c àwiya( 3 > raconte avoir ouï dire pai 4
des hommes considérables que le règne de Hichâm fut
une période sans pareille de calme, de paix et de tran-
quillité. Ce prince assistait aux funérailles par esprit
d’humilité et les suivait assidûment tout comme s’il eût
été un simple particulier. Un de ses officiers ayant eu
à soutenir par devant le kâdi Moç c ab ben c Imrân à
propos de sa maison un procès qu’il perdit, fut expulsé
de son immeuble. Il raconta à Hichâm ce qui lui arrivait
et comment il avait été forcé de quitter sa demeure; le
prince lui répondit: « Que veux-tu que j y fasse? Moi-
même, je le jure, je quitterais ce lieu même où je suis si
le kâdi jugeait contre moi, tant je suis convaincu qu’il
ne se laisse guider que par la justice I »

(1) Il s’agit d’Aboù ‘Abd Allah Mohammed ben Waddàh beu BeziS
+ 286 (Dhabbi, n° 291 de Téd. Codera ; Ibn el-Faradhi, n’ 1134 ; Pons,
Ensayo, p. 49).

(2) La même anecdote se retrouve dans Makkari (i,.218), qui fournit
aussi des détails sur les vertus et les campagnes de ce prince. Cf.
Annales, 152. Ce pont avait été construit d’abord par Es-Samli’, à ce
que disent Makkari et notre auteur, p. 35; cf. aussi Ibn el-Koûtiyya,
p. 279.

(3) Probablement ‘Amir ben Mo’àwiya, qui mourut en 237 et fut
kàdi sous El-Mondhir.

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\

| – 107 –

f ANECDOTE RELATIVE A UN KINANITE ET A HICHAM (D.

Avant de devenir khalife, ce prince avait l’habitude
de se tenir dans’ un belvédère donnant sur le fleuve et
d’où il avait vue sur le faubourg, de sorte qu’il voyait

\ passer le monde. Une fois il aperçut dans le milieu du
jour un homme des Benoû Kinâna, qui était de ses
créatures, arrivant de la banlieue de Jaën où il habitait,
alors que cette région avait pour gouverneur Soleymân,
frère de Hichâm. Ce dernier, appelant un page, lui parla
en ces termes: « Je vois le Kinânite notre protégé arri-
vant en plein midi, et ce ne peut être qu’à propos de
quelque ennui que lui aura causé mon frère Aboû
Ayyoûb ; dès son arrivée, introduis le tel quel auprès de
moi ». Le page exécuta cet ordre, et [P. 69] quand le
Kinâni entra, Hichâm, soulevant un rideau derrière
lequel il fit passer une jeune esclave qu’il avait à ses
côtés, reçut les salutations de son visiteur et ajouta :
« Eh bien ! il doit, je pensé, t’être survenu quelque affaire
inattendue?— En effet: un Kinâni ayant par inadvertance
commis un meurtre, le prix du sang incombant aux
agnats< 2 » est retombé à la charge de la communauté des
Benoû Kinâna, puis c’est de moi seul qu’il est injuste-
ment exigé, et cela parce qu’Aboû Ayyoûb sait la consi-
dération dont tu m’honores; aussi m’adressé-je à toi
pour me protéger contre cet acte arbitraire. — Cesse de
rien craindre et recouvre ton calme ; c’est Hichâm qui se

i charge de payer le prix du sang aux lieu et place de toi et

(1) Cette anecdote est aussi rapporlée par le Machmua, p. 121.

(2) Le mot- £làL, traduit par « agnats », a une acception plus
éteadue, sur laquelle on peut voir le trailé de droit de Sidi Khalîl,
p. 205, 1. 23 ; trad. Perron, v, 448.

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— 108 —

de tes contribules » ; et en même temps il allongeait le
bras derrière la tenture et en retirait un collier valant
trois mille dinars et dont la jeune esclave était parée:
« Prends, ajouta-t-il, ce collier, dont le prix te servira
en partie à payer cette dette, et dispose à ta guise du
surplus. — Seigneur, reprit le Kinânite, je ne suis pas
venu en quémandeur, car j’ai assez de fortune pour
acquitter la somme mise à ma charge; ma visite a pour
but de solliciter ta protection contre l’hostilité et l’injus-
tice dont j’ai eu à souffrir, et je voudrais que, par un
effet de ton auguste secours, elle se manifestât en ma
faveur, — Et comment puis-je t’aider? — Je demande
que l’émir, que Dieu secoure ! écrive à Aboû Ayyoûb de
s’abstenir d’exiger de moi ce que je ne dois pas et de me
traiter comme tout le monde! — Eh bien! prends ce
collier pour les tiens et pour toi-même, en attendant que
Dieu fasse réussir le plan que j’ai conçu à ton propos ».
Hichàm, faisant aussitôt seller sa monture, se rendit
auprès de son père l’émir c Abd er-Rahmân, à qui il tint
ce langage : a II y a un homme des Benoû Kinâna qui
est mon protégé et à qui Aboû Ayyoûb à Jaën a témoigné
de l’hostilité à propos du prix du sang dû par les parents
du coupable. — Et qu’est-ce que tu désires à ce propos?
— Je voudrais voir écrire à Aboû Ayyoûb qu’il ait à
laisser cet homme tranquille et à ne pas lui demander
plus qu’il ne doit. — Ou même miçux, reprit l’émir;
c’est-à-dire que le prix du sang sera acquitté par le
trésor pour son compte et pour celui de ses contribules,
puisque je vois que cet homme jouit auprès de toi de-
tant de considération et que tu lui accordes une si grande
faveur ! » Hichàm se confondit en remerciements, et son
père ordonna et de faire payer cette somme par le trésor

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T’

— 40Ô —

et d’écrire à Aboû Ayyoûb, qui cessa dès lors ses persé-
cutions contre le Kinânite. Celui-ci étant venu faire ses
adieux [P. 70] à Hichâm, lui dit : « Seigneur, j’ai obtenu
plus que je ne désirais, et tu as été au-delà de l’extrême
limite de l’honneur et de l’aide. Voici le riche collier
dont, grâce à Dieu, je n’ai maintenant plus besoin ». Mais
Hichâm lui répondit : « Kinânite, on ne peut me rendre
ce que j’ai donné; garde ce collier et que Dieu te bé-
nisse! ».

C’est ce prince qui a mis la dernière main aux galeries
de la grande mosquée de Cordoue, qui en a édifié l’ancien
minaret et fait installer le magnifique bassin à ablutions;
il a également fait reconstruire les arcades du pont
endommagées par les crues (*).

Khalifat d*El-H’akam ton Hichâm ben ‘Abd er-Rahmân.

Porteur du prénom Aboû’l- e Açi et né en 154 (24 déc.
770) d’une femme nommée Zokhrouf ( 2 ), il avait vingt-six
ans quand il lut intronisé lors de la mort de son père
dans la nuit du mercredi au jeudi 8< 3 )çafar 180 (22 avril
796) et régna vingt-six ans et onze mois. Ses secrétaires
lurent au nombre de trois, Fot’ays, KhatTâb ben Zeyd et

(1) Sur ces constructions, voir aussi Makkari, i, 218 ; Ibn el-Kou-
%ya, p. 279; Merràkechi, trad. fr., p. 316 ; Annales y p. 153, etc.

(2) Le nom de celte femme est également rappelé par Merràkechi,
p. 15; Makkari, i, 220, etc. Un court article est consacré à El-H’akam
dans le recueil biographique de Kotobi, i, 146. Le caractère de ce
pririce est l’objet d’appréciations contradictoires : voir par exemple
Merràkechi, trad. fr., p. 15, et le Machmua y p. 124 ; Mus. d’Esp., il,
tt;Hollat, p. 38.

(3) La mort de Hichâm, d’après ce qui est dit plus haut, est du
3 çafar.

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— 140 —

H’addjâdj c Ok’ayli; f Abd eKKerim ben e Abd el-Wâh’id
ben Moghîth remplit auprès de lui les fonctions de
chambellan. Ses vizirs et généraux, au nombre de cinq,
furent Ish’âk’ ben el-Mondhir, El- e Abbâs ben c Abd Allah,
e Abd el-Kerim ben e Abd el-Wâhid précité, Fot’ays ben
Soleymân et Sa c id ben H’assân.

Il eut pour kàdis Moç e ab ben e Imrân, Mohammed
ben Bechir, El-Faradj ben KinânaW, Bichr ben K’at’an,
c Obeyd Allah ben Moûsa* 2 ), Mohammed ben Telid et
H’àmid ben Mohammed ben Yahya( 3 ). L’inscription de
son sceau était : C’est en Dieu qu’El-R’akam a confiance,
c’est à lui qu’il est attaché. Il avait le teint très olivâtre,
était grand et mince, avait le nez bien fait et n’en^ployait
pas de teinture. Il devint père de dix-neuf garçons et de
vingt-une filles; il mourut le 27 dhoû’l-hiddja 206(24 mai
822), à l’âge de cinquante-deux ans.

Soleymân et c Abd Allah, l’un et l’autre fils d’ c Abd
er-Rah’mân ben Mo c àwiya, se trouvaient sur la côte
d’Afrique lors de la mort de Hichâm, et c Abd Allah
s’embarquant aussitôt descendit sur le littoral espagnol.

El-Hakam, après son intronisation et quand le pouvoir
lui fut acquis sans conteste, envoya c Abd el-Kerîm ben
c Abd el-Wâhid en expédition contre le territoire ennemi
et lui confia à cet effet des forces importantes. [P. 71]
Ce chef s’installa à la frontière et, quand la concentration
de ses troupes fut terminée, il se porta en avant, puis
s’établit au bord de la mer. Il divisa les forces dont il

(1) Il remplit les fonctions de kàdi, après Mohammed ben Bechîr,
de 198 à 200 (Ibn el-Faradhi, n’ 1028; Makkari, i, 558).

(2) Il succéda en 201 à El-Faradj (Ibn el-Faradhi, n* 759).

{3) Il figure ailleurs sous le nom d’Aboù Mohammed Hàmid ben
Yahya et mourut en 207 (Ibn el-Faradhi, n’ 326).

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– 111 – ”

disposait en trois corps d’armée, chacun commandé par
un officier différent, et leur donna Tordre de ravager la
région vers laquelle il envoyait chacun d’çux. Ses ordres
furent exécutés, et les nôtres, après avoir pillé et commis
tous les excès, revinrent victqrieux et chargés de butin.
Ensuite une nouvelle invasion fut organisée, et nos trou-
pes eurent à franchir une suite de canaux, où la marée se
faisait sentir, que les ennemis avaient préparés pour leur
servir de défense, et au-dedans desquels ils avaient
emmené leurs familles, leurs bêtes et leurs biens. Mais
les musulmans néanmoins ravagèrent tout et, après
avoir fait main-basse sur tout ce qu’ils trouvèrent, ils
regagnèrent notre territoire sains et saufs en ramenant
leur butin (*).

En 181 (5 mars 797), Behloûl beri Merzoûk, connu sous
le nom d’Aboû’l-H’addjâdj, se révolta dans la région
frontière contre l’émir El-H’akam et pénétra à Sara-
gosse, dont il devint maître! 2 ). c Abd Allah, fils de l’émir
f Abd er-Rahmân ben Mo c âwiya, qui se dirigeait vers la
France, s’installa auprès de lui.

En la même année, une autre révolte fut suscitée à
Tolède par c Obeyda ben H’omeyd ( 3 ), contre qui El-H’akam
fit marcher c Amroûs ben Yoûsof alors àTalavera. Celui-ci
commença son mouvement en avant, puis entra en
correspondance avec quelques Tolédans et sut par ses
manières habiles se les concilier, si bien qu’il leur_
demanda de tenter un mouvement contre c Obeyda et de

(1) Cf. Annales, p. 154 ; Dozy, Recherches, t, 148; 3 e éd., 136.

(2) Voir Annales, 160,

(3) On lit ben ‘Omeyr dans Ibn Khaldoûn (éd. Boulak, iv, 126) ;
ci. Annales, 160 ; Mus. d’Esp., n, 63.

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,”^f»ç*^r-

— 112 —

le débarrasser de lui ; il ne leur ménagea d’ailleurs pas
les promesses d’une récompense magnifique de la part
de l’émir. Ces propositions furent écoutées, et la tête
d’ e Obeyda fut apportée à Talavera à c Amroûs, qui donna
l’hospitalité aux porteurs du funèbre convoi. Mais quel-
ques Berbères de cette ville, qui avaient à venger des
meurtres commis par ces hommes, assaillirent pendant
la nuit la demeure où ils étaient logés et les massa-
crèrent. c Amroûs fit parvenir à Cordoue la tête d’ ‘Obeyda
en même temps que celles des autres, c’est-à-dire des
Benoû Makhchi, tout en adressant à El-H’akam la relation
de ce qui s’était passé. Ce chef ensuite consacra tousses
efforts à des négociations écrites dans le but de se
rapprocher des Tolédans, et il obtint d’être appelé dans
cette ville : alors il construisit le château près la porte
du pont, l’installa dans les meilleures conditions de
solidité et prit ses mesures pour se débarrasser des
habitants principaux de cette ville de manière à en finir
avec leurs mauvais desseins et à consolider l’empire en
extirpant cet ulcère. Pour cela il eut recours à la ruse, et
feignit de donner un festin dont des bœufs devaient faire
les frais; on faisait entrer [P. 72] les invités par une
porte pour les faire soi-disant sortir par une autre; mais
tous ceux qui franchissaient la première porte étaient
égorgés, et sept cents nobles perdirent ainsi la vie (*).

En 182 (22 fév. 798) eut lieu la grande inondation qui,
à Cordoue, ravagea le faubourg du pont et n’y laissa
d’au