X : Les Berbères dans l’Islam

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Ces berbères, réunis par dizaine de millier au gouvernement africain, dépossédés de leur territoire naturel d’expansion en Tunisie-Numidie, vont alors trouver, grâce aux péripéties politiques wisigoths, un pays où s’épandre : l’Espagne.

A : Les Berbères de Tariq, unis dans la conquête d’Al-Andalûs

C’est l’ancien pays des Vandales : al-Andalûs, la famille de Julien, gouverneur gotho-romain de Sebta les invite alors qu’il se réfugie dans le pays de Tlemcen, tandis que nombre de commerçants hispano-andalous soutiennent financièrement la campagne berbère.

L’expédition de 711 a eu des précédents, à l’époque carthaginoise déjà Numides et Maures participaient aux expéditions Barkides en Europe, à nouveau durant la guerre civile romaine du Ier siècle, des troupes maures sont engagées par l’un ou l’autre parti sur le territoire hispanique, on devine chez Claudien, la piraterie Maure en Espagne à la fin du IVème siècle et on discerne même pour la fin du VIème siècle (chez Marius d’Avenche) une tentative des maures de s’installer en « Provence ».

Mais cette fois, c’est à leur compte, indépendamment de toute présence arabe (qui viendra plus tard) que les « berbères » coalisés derrière le client du gouverneur de l’Afrique, conquièrent les grandes cités de Bétique, puis la capitale gothe de Tolède, et la côte ibère jusqu’au Rhônes, dans les sources latines locales, ils resteront à jamais les « maures », qui petit à petit, en viendra à désigner les « mahométans » de manière générale.

B : Les Peuples Berbères au VIIIème siècle

Ibn Khurdadbê nous donne pour le siècle suivant un état des lieux des groupements berbères. On note ce qui deviendront les 5 groupes principaux, les Zenata du plateau maghrébin central et les Sanhaja, répartis du désert à la méditerranée, deux groupes que la recherche contemporaine tend à assimiler aux Butr, berbères à tunique, maîtrisant la transhumance et la monte du chameau.
On connait également les cousins Luwata de Cyrénaïque, Huwara de Tripolitaine.
Ceux qui nous concernent plus sont les Ghomara, prototype des Barânis, vêtu de la cape mauro-romaine aristocratique, cavaliers et paysans de montagne, devenus peu à peu l’ethnie du Rif ; les Masmuda, descendant des Autololes et autres berbères montagnards pour l’Atlas, héritiers de la Macénnitide, les Massenides de certaines sources antiques, maître du royaume du Sous.
Les Huwarab sont le clan royal des Awraba, dont une partie est venu se fixer, avant ou après l’aventure de Quçayla en Afrique, dans la cité mauro-romaine de Volubilis. Ils y accueillirent le mythique My Idris. Les Darisa, dont le nom rappelle singulièrement la dynastie « idrisside » (adârisâ) et finalement, les Kutama, descendant de cette ethnie de Numidie, dont une partie migre alors vers le Rif.
Il ne note cependant ni les Maghrawa, descendants peut être des Machurebes de Maurétanie Orientale, variantes des Machures/Muhar, qui domineront contre les Zénètes le pays Orano-Tingitan, ni les Miknâsâ, prétendument descendants des Makennites, installés au VIII-IXème siècle aux cols du Rif et du Moyen-Atlas, avant de fonder Meknès proprement dite.

C : La révolte berbère de 740

Ibn Khurdabê ne mentionne pas non plus du grand peuple des Barghwatta, souvent considéré, peut être à raison, comme les descendants des Baquates. Ils dominent le pays appelé Tamesna, au sud du fleuve Sala.
Les Barghwatta sont pourtant à l’origine d’un puissant royaume indépendant, réduisant le pouvoir effectif des Idrissides à la Tingitane historique, les coupant du Souss (sunnite et chiite), du Draa chitte et du Tafilalt kharijite.
La formation de leur entité politico-religieuse semble remonter, à en croire al-Bakri, aux grandes révoltes berbères de la fin du royaume omeyyade de Damas.
En effet, en suivant Nuwairi, on apprend que la Tingitane toute entière se soulève après la nomination d’un nouveau ‘Amil par le Wali d’Ifriqiya, un Mawla arabisé: « Il confia le commandement de Tanger et ses dépendances à ‘Umar b. ‘Abd Allah al-Muradi ; mais celui-ci se conduisit avec injustice et commit des illégalités dans la perception de la dîme aumônière et la répartition du butin. Il voulait prélever le quint sur les biens des Berbers, sous prétexte que les propriétés de ce peuple étaient un butin acquis aux musulmans, chose qu’aucun ‘Amil avant lui n’avait osé faire ; ce fut seulement sur ceux d’entre eux qui refusèrent d’adopter l’islam que les gouverneurs imposaient ce tribut. Cette conduite porta les Berbers de Tanger à la révolte, et ils se mirent tous en insurrection contre lui, en l’année 122/740. Ce fut la première fois que, dans la province d’Afrique, des troubles éclatèrent au sein de l’Islam. »

D : Suites de la Révolte et montée du Kharijisme

C’est un certain Maysira al-Mudari qui commande l’insurrection, à deux reprises les maures tingitans écrasent les arabes, notamment devant Sebta, tenue par les arabes mais assiégée par les rebelles ; suite à ces revers « Les Syriens passèrent en Espagne, et les Egyptiens ainsi que les habitants de la province d’Afrique se réfugièrent en Ifriqiya. »
ON voit alors apparaître un leader de la tribu des Zénètes, Khalid b. Humayd. En 742 la révolte atteint la Tunisie ou un leader Hawara s’empare avec ‘Ukasa al-Sofri, leader kharijite, du pays Tunisois…
En 745, les révoltes berbèro-kharijites se multiplient, tandis que les immigrés arabes eux-même se soulèvent contre le gouverneur, et c’est un roi Sanhaja qui va s’emparer de nombreux postes de l’antique Numidie.

Il semble que jamais les Arabes ne parviendront à reprendre pied dans l’ancienne Maurétanie…

E : Les royaumes berbero-kharijites

Le mythe fondateur des Barghwatta fut la succession à la tête de la révolte maure, après Maysira, d’un certain Tarif, dont le fils, Salih, établira une nouvelle religion, fortement inspirée de l’Islam, mais conservant des pratiques judéo-chrétiennes antérieures, ainsi que le culte des rois, puisqu’il s’instituera Prophète, et confectionnera pour son peuple un « Coran en langue Berbère ».

Ce sont aussi des membres du clan Miknasa qui établissent la cité de Sijilmasa en professant le kharijisme Sufrite.
Le clan des Ifren, lui aussi sufrite, issu du peuple des Zenata, adopte un certain ‘Abd ar-Rahmân b. Rustam b. Bahram, fils d’un Mawlâ persan, qui épouse la fille du « regulus » local et établit son gouvernement sur le poste mauro-romain de Tahert.
Un autre clan ifrenide s’empare de la cité mauro-romaine de Pomaria (Tilimsan en berbère) et en fait la capitale du « royaume de Tlemcen » en 778.

F : Le Royaume “chiite” de Volubilis

Il faut attendre 786, pour que finalement, le clan royal des Awraba, établi sur le cité mauro-romaine de Volubilis (prononcée Walili) accueille un réfugié issu de la famille Hashémite, Idris b. ‘Abd Allah b. al-Hasan, pour voir l’établissement d’un véritable Emirat capable de contrebalancer le royaume Barghwatta, et de s’imposer face à l’Espagne Omeyyade et à l’Ifriqiya Aghlabide.
Kenza, la fille du roi donne finalement naissance à Idris b. Idris, acclamé du titre de Ibn Rasûl Allah, il fait symboliquement la jonction entre civilisation maure et Islam, en 793.
Finalement, les Awraba établissent une nouvelle capitale au bord de l’Oued Fès, en 808 selon la chronologie officielle, où ils accueillent les commerçants syro-égyptiens, berbères et romains et où finalement, « l’Aguellid-Amir » installe son gouvernement, délaissant Walili.
Il parviendra à unifier la Tingitane historique, et à établir une relation diplomatique stable avec les royaumes de Sous, de Draa, de Tafilalt, de Tahert, de Tlemcen, de Nokour (dans le rif oriental) et la cité commerçante judéo-chrétienne d’Aghmat-Ourika, au pied de l’Atlas.

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