Hérodote, IV, Gindanes et Lotophages de Tripolitaine, Coutumes des Machlyes et des Auséens de Gabès, leur sanctuaire d'Athéna du Triton, sud-tunisien, v. 450 av. n-è

176. Les Gindanes touchent aux Maces.

On dit que leurs femmes portent chacune, autour de la cheville du pied, autant de bandes de peaux qu’elles ont vu d’hommes ; celle qui en a davantage est la plus estimée, comme ayant été aimée d’un plus grand nombre d’hommes.

177. Les Lotophages habitent le rivage de la mer, qui est devant le pays des Gindanes. Ces peuples ne vivent que des fruits du lotos (42) : ce fruit est à peu près de la grosseur de celui du lentisque, et d’une douceur pareille à celle des dattes. Les Lotophages en font aussi du vin.

178. Ils confinent, le long de la mer, au Machlyes : ceux-ci font aussi usage du lotos, mais beaucoup moins que les Lotophages. Les Machlyes s’étendent jusqu’au Triton, fleuve considérable qui se jette dans un grand lac nommé Tritonis, où l’on voit l’île de Phia.
[…]
180. Immédiatement après les Machlyes, on trouve les Auséens. Ces deux nations habitent autour du lac Tritonis ; mais elles sont séparées par le fleuve Triton.

Les Machlyes laissent croître leurs cheveux sur le derrière de la tête, et les Auséens sur le devant. Dans une fête que ces peuples célèbrent tous les ans en l’honneur d’Athèna, les filles, partagées en deux troupes, se battent les unes contre les autres à coups de pierres et de bâtons. Elles disent que ces rites ont été institués par leurs pères en l’honneur de la déesse née dans leur pays, que nous appelons Athèna; et elles donnent le nom de fausses vierges à celles qui meurent de leurs blessures. Mais, avant que de cesser le combat, elles revêtent d’une armure complète à la grecque celle qui, de l’aveu de toutes, s’est le plus distinguée; et, lui ayant mis aussi sur la tête un casque à la corinthienne, elles la font monter sur un char, et la promènent autour du lac.

Je ne sais de quelle façon ils armaient autrefois leurs filles, avant que les Grecs eussent établi des colonies autour d’eux. Je pense cependant que c’était à la manière des Égyptiens. Je suis en effet d’avis que le bouclier et le casque sont venus d’Égypte chez les Grecs.

Ils prétendent qu’Athèna est fille de Neptune et de la nymphe du lac Tritonis, et qu’ayant eu quelque sujet de plainte contre son père, elle se donna à Jupiter, qui l’adopta pour sa fille.

Les femmes sont en commun chez ces peuples ; elles ne demeurent point avec les hommes, et ceux-ci les voient à la manière des bêtes. Les enfants sont élevés par leurs mères : quand ils sont grands, on les mène à l’assemblée que les hommes tiennent tous les trois mois. Celui à qui un enfant ressemble passe pour en être le père.

181. Tels sont les peuples nomades qui habitent les côtes maritimes de la Libye.