Henri IV de Bourbon, Ordonnance Concernant l’accueil et le transfert des Morisques d’Espagne, 22/02/1610

Le Roi, ayant été averti de l’Ordonnance naguères faire par le Roi d’Espagne, portant commandement expresse à tous Morisques, étant sur ses Etats et Pays d’Espagne, d’en sortir dans un bref temps, et iceux déshabiter sur de grandes peines, qu’il fait exécuter contre eux, et qu’à cette occasion grand nombre de familles desdits Morisques s’étant mis ensemble, s’acheminent sur la frontière de Biscaye, pays de Labourt et de la Ville de Bayonne. Et ayant sa Majesté toute bonne intention qu’il soit usé en leur endroit d’humanité pour les recueillir en ses Pays et Etats.
Et que pour ceux qui sont et voudront faire profession de la Religion Catholique, Apostolique, Romaine, ils y puissent demeurer en toute sûreté. Et pour les autres qui ne le voudront faire, il leur soit donné libre passage, jusqu’en ses ports de la mer de Levant, pour de là se faire transporter eu Barbarie, ou ailleurs, que bon leur semblera.
Sadite Majesté a ordonné & ordonne que lorsque lesdits Morisques apparaîtront sur ladite frontière il leur sera par le Commissaire, qui sera à cet effet envoyé par sa Majesté déclaré de la part d’icelle, que tout ceux des susdits Morisques qui voudront vivre en la Religion Catholique, Apostolique, Romaine, & faire profession d’icelle qu’ils aient à en faire promptement un Rôle contenant les Noms, Surnoms, Age et Sexe d’iceux, pour leur être assigné temps & lieu pour faire ladite profession par devant l’évêque dudit Bayonne, ou de ses grands Vicaires, en la forme qu’elle doit être faite, dont chacun d’eux retirera un acte de certification dudit Evêque ou desdits grands Vicaires. Lequel acte, ils seront tenus par même moyen faire enregistrer au Greffe de la Justice dudit Bayonne. Et cefaít s’étant tous lesdits Catholiques remis ensemble, seront conduits par lesdits Commissaires, jusques à ce qu’ils aient passé les rivières de la Garonne et Dordogne lesquelles passées ils pourront demeurer et habiter dans les villes ou plat-pays des terres de l’obéissance de sa Majesté, qu’ils voudront choisir. A la charge toutefois, qu’après l’élection faite du lieu de leur dire demeure, ils seront tenus de se représenter à l’Evêque du Diocèse dans lequel ils seront, auquel ils feront apparaître l’acte de leur dite profession de foi, faite par devant ledit Evêque de Bayonne, laquelle ils y confirmeront, & en retireront aussi un acte dudit Evêque, qu’ils feront enregistrer au Greffe du Bailliage d’où sera leurdite demeure, pour vivre dorénavant en ladite Religion Catholique, Apostolique et Romaine. Ce qui leur sera enjoint de faire à peine de la vie, & sera expressément porté par l’acte de leurdite profession de foi faite par devant ledit Evêque de Bayonne l’injonction qui leur aura été faite de vivre dorénavant en ladite Religion Catholique, Apostolique et Romaine, à peine de la vie, ??? est portée par la présente Ordonnance dont ils reconnaitront avoir eu entière connaissance. Et contiendra aussi ledit acte, qu’ils se sont aussi soumis de le représenter à l’Evêque au Diocèse duquel ils résoudront de faire leur résidence.

Et pour les autres desdits Morisques qui ne feront ladite profession de la Religion Catholique Apostolique et Romaine, leur sera fait commandement de la part de sadite Majesté par ledit Commissaire, de se mettre tous ensemble en un lieu qui leur sera pour ce assigné pour ce être au même temps confinés aux mains du Commissaire qui sera à ce député par sa Majesté, pour les conduire depuis ladite frontière par les plus courts & aisés chemins que faire se pourra, jusqu’aux ports de la mer du Levant, où leur seront fournis des vaisseaux pour les transporter sûrement en Barbarie ou autres lieux des terres du grand Seigneur qu’ils aviseront en payant par eux raisonnablement les frais du voyage de leurdit transport par mer.
A la charge que les Maîtres & Patrons des vaisseaux qui feront leurdit transportée chargeront au Greffe de la Justice du lieu d’où ils partiront, de la quantité des personnes & biens qu’ils transporteront avec eux ; leur défendant très expressément de leur faire aucun mauvais traitement ni exiger d’eux aucune chose outre le salaire de leursdits vaisseaux, à peina de la vie. Et rapporteront attestation de leur descente en terre, & qu’ils n’auront reçu d’eux en leurdit passage aucun mauvais traitement, en vertu de quoi ils en demeureront déchargés.
Ordonne sa Majesté aux susdits Commissaires qui auront charge de leur conduite , de les faire en leurs susdits voyages, loger par département dans les bourgs & villages qui seront sur le chemin de leurdit passage, & leur y faire administrer vivres en payant raisonnablement. Ordonne aussi sadite Majesté aux Gouverneurs & Lieutenants Généraux de ses Provinces d’ordonner & enjoindre, si requis en font par les susdits Commissaires ordonnés pour faire ladite conduite aux Prévôts des Maréchaux et Vice-Sénéchaux d’icelles, de conduire avec leurs troupes, chacun en ce qui sera de sa charge et ressort, lesdits Morisques : à ce qu’il ne leur soit fait à leur dit passage aucune injure, déplaisir ou empêchement, à la charge de payer par eux les salaires desdits Prévôts des Maréchaux, et leurs Archers, dont taxe leur sera faite par les Juges des lieux, comme il a accoutumé d’être fait en pareilles occasions.
Fait à Paris le 22 Février 1610.