Al-Nuwairi, 670 : Fondation de Qayrwan par ‘Uqba b. Nâfi, v. 1325 n-è

L’historien dit : En l’an 50 (670 de J.C.), Mu‘awia ibn Abi Sufyan envoya en Afrique ‘Uqba b Nafî de la tribu Fihr, lequel était resté à Barqa et Zawîla pendant que ‘Amr ibn al-‘Aç était gouverneur.

‘Uqba rassembla alors les Mawalî Berbers, et les incorpora dans l’armée que Mu‘awia venait de lui envoyer, et dans laquelle se trouvaient 10 000 cavaliers musulmans.

Il marcha aussitôt contre l’Ifriqiya, et, y ayant pénétré, il passa tout au fil de l’épée et extermina les chrétiens qui y restaient.

Il dit alors :

« Quand un imâm entre en Afrique, les habitants de ce pays mettent leurs vies et leurs biens à l’abri du danger en faisant profession de l’islamisme, mais aussitôt que l’imam s’en retire, ces gens-là se rejettent dans l’infidélité. Je suis donc d’avis, ô musulmans ! de fonder une ville qui puisse servir de camp et d’appui à l’islamisme jusqu’à la fin des temps. Ce conseil fut adopté. »

[…]

Il y avait aussi dans l’armée 18 des compagnons du prophète ; les ayant réunis, il cria à haute voix :

« Serpents et bêtes féroces ! nous sommes les compagnons du prophète béni ; ainsi retirez-vous, car nous allons nous établir ici, et nous tuerons quiconque de vous s’y trouvera après cet avertissement. »

Alors on vit, en ce jour-là, les animaux féroces et les serpents emporter leurs petits, et à ce spectacle, beaucoup de Berbers se convertirent. ‘Uqba ordonna, par proclamation, de les laisser partir sans leur faire injure, et quand ils se furent retirés, il marcha, accompagné de ses principaux officiers, autour du lieu qu’il avait choisi, et adressa cette prière à Dieu : O mon Dieu ! remplis cette ville de science et de la connaissance de ta loi. Fais qu’elle soit habitée par des hommes pieux et dévoués à ton service, et protège-nous contre les puissants de la terre. Il descendit alors en suivant le cours du ruisseau, et ordonna à ses hommes de tracer les fondations de la ville et d’arracher les arbrisseaux.

[…]

Alors un différend s’éleva parmi le peuple au sujet de la Qibla ; ils disaient que les Arabes se régleraient d’après la Qibla de cette mosquée quand ils en construiraient d’autres, et qu’ainsi le commandant ne devait s’épargner aucun effort pour en déterminer la vraie position.

On laissa donc écouler un temps considérable afin d’observer les levers des étoiles dans l’hiver et dans l’été, et de prendre les azimuts du soleil à son lever. Cette incertitude fut pour ‘Uqba une cause de soucis, et s’étant adressé au Dieu tout-puissant, il vit, pendant son sommeil, une figure qui vint à lui et lui dit :

« Favori du maître de l’univers ! quand le jour se lèvera, prends ton étendard et mets-le sur ton épaule ; tu entendras alors devant toi des cris d’Allah Akbar et nul autre ne les entendra ; à l’endroit où ces cris cesseront, là sera la Qibla et le Mihrab de ta mosquée.