Jean de Nikiou, 119 : Guerre civile égyptienne et rivalité politique à Alexandrie, v. 700 n-è

L‘Egypte, de son côté, était en proie à Satan. Une grande discorde régnait parmi les habitants de la basse Egypte qui étaient divisés en deux partis, dont l’un était avec Théodore, tandis que l’autre voulait se joindre aux musulmans. Alors les partisans de l’un de ces partis se jetèrent sur ceux de l’autre, pillèrent leurs biens : et brûlèrent leur ville. Les musulmans redoutaient ces gens.

Amr dirigea sur Alexandrie un grand nombre de musulmans, qui s’emparèrent du faubourg de Kérioun, dont la garnison, commandée par Théodore, se retira à Alexandrie. Les musulmans se mirent à attaquer les habitants de la ville, mais ils ne purent en approcher, parce qu’on lançait sur eux des pierres ; du haut des murs, et on les repoussa loin de la ville.

Les habitants de Misr étaient en guerre avec ceux de la basse Egypte, et il y eut entre eux de nombreux actes d’hostilité. Peu de temps après, ils firent la paix. Cette discorde ayant cessé, Satan souleva-une autre discorde, dans la ville d’Alexandrie.

Domentianus le préfet et Menas le général étaient ennemis par ambition du commandement et pour d’autres motifs. Le général Théodore prenait parti pour Menas ; il était mécontent de Domentianus, parce que celui-ci s’était enfui de Nikious et avait abandonné l’armée. Menas était aussi très irrité contre Eudocianus, frère aîné de Domentianus, qui avait exercé des violences sur des chrétiens, pour la foi, pendant le temps de la sainte Passion,[365] au grand mécontentement de Menas. Domentianus ayant rassemblé une nombreuse troupe de partisans de la faction bleue, Menas enrôla beaucoup de gens de la faction-verte et de soldats qui se trouvaient dans la ville, et ils demeurèrent ainsi en hostilité. Ce fut alors que Philiadès, préfet d’Arcadie, arriva (à Alexandrie), Or, Domentianus était l’adversaire du patriarche ; Cyrus, auquel il ne témoignait aucune sorte d-égards et qu’il délestait sans motif, quoiqu’il fût son beau-frère et qu’auparavant il eût été lié d’amitié avec lui. Menas, de son côté, protégeait Philiadès, voulant faire acte de charité, et, plein de respect pour la dignité sacerdotale, comme Philiadès était frère du patriarche Georges, il l’invitait souvent ; car Menas était charitable et pieux et avait pitié des opprimés. Mais Philiadès ne fut pas fidèle à l’amitié ; il était d’une nature perverse, nourrissant, en secret, de mauvais desseins. Lorsque, au temps du commandement du général Théodore, on discutait la question d’un bourg nommé Mâmoûnâ, de la solde des troupes et des terres sur lesquelles elle était assignée, ce méchant homme prit la parole et dit : « Au lieu de douze hommes, il vaudrait mieux en avoir un, qui recevrait la solde de douze, et les dépenses en vivres et en solde seraient moindres. » Menas trouva dans cet incident un prétexte contre Domentianus. Il était aimé des soldats, qui avaient confiance en lui ; car il cherchait à être estimé de tout le monde, non par le désir d’une vaine gloire, mais par sagesse et modestie. Or, pendant qu’il se trouvait dans la grande église du Césarion, avec l’assemblée des fidèles, les habitants de la ville s’ameutèrent contre Philiadès, et voulurent le tuer. Philiadès prit la fuite et se cacha dans une maison. Alors les émeutiers se dirigèrent vers sa demeure, y mirent le feu et pillèrent tous ses biens, tout en épargnant les personnes qu’ils y rencontraient. A cette nouvelle, Domentianus envoya contre eux les partisans de la faction bleue. Une lutte acharnée s’engagea entre les deux partis, six hommes furent tués, et il y eut un grand nombre de blessés. C’est par de grands efforts que Théodore réussit à rétablir la paix entre eux. Il destitua le général Domentianus et nomma Artânâ décurion, c’est-à-dire chef de dix ordres. On rendit à Philiadès tout ce qui avait été enlevé dans sa maison. On dit (aussi) que cette émeute sanglante avait eu pour cause des dissensions religieuses.

Après la mort de Constantin, fils d’Heraclius, on fit monter sur le trône Heraclius, son frère d’un autre lit, qui était encore enfant et qui, comme Constantin, ne parvint pas à exercer le pouvoir. […] Ensuite l’empereur rétablit Cyrus et le renvoya à Alexandrie, ainsi que les prêtres qui l’accompagnaient, et lui donna plein pouvoir de conclure la paix avec les musulmans, de ne pas leur résister et de constituer une administration convenable pour l’Egypte. Le général de l’armée, Constantin, qui était maître de la milice, partit avec lui.

[…]