‘Abd ar-Razâq As-Samarqandî, 1450 : Lettre en Arabe de Shah-Rukh Ibn Timûr au Roi Ming :

Lorsque les députés du Khatay eurent terminé les affaires qui les avaient amenés, ils obtinrent la permission de partir. Shaykh-Muhammad-Bakhshi les accompagna avec le titre d’ambassadeur. Comme les souverains du Khatay n’ont pas jusqu’à présent adopté la religion de l’islamisme et n’en suivent pas les lois, le Khaqan heureux, par un motif d’affection, chargea son envoyé de 2 lettres remplies d’avis utiles, et écrites, l’une en langue arabe, l’autre en langue persane, espérant que peut-être les habitants de cette contrée seraient amenés à embrasser la véritable foi.

La lettre arabe était conçue en ces termes :

« Bismillah al-Rahmân al-Rahîm, Lpa Ilah Ilâ Allah; Muhammad Rasûl Allah. L’apôtre de Dieu, Muhammad, a dit :

Ma nation ne cessera pas d’être un peuple fidèle à exécuter les ordres de Dieu. Ceux qui la trahiront ou se mettront en hostilité avec elles n’obtiendront jamais la victoire, jusqu’au moment où l’ordre divin se réalisera et les surprendra dans ces dispositions.

Lorsque le Dieu très haut voulut créer Adam et sa race, il dit :

J’étais un trésor caché, je veux être connu ; c’est pour être connu que j’ai produit les créatures.

Il fut démontré que la sagesse de l’Être divin, dont la puissance est irrésistible, dont la parole est souveraine, en créant l’espèce humaine, eut pour but de se faire connaître et d’arborer les étendards de la direction et de la foi.

Il a envoyé son Apôtre, en lui confiant les principes de la direction et de la religion véritable, afin de le faire triompher de toutes les religions malgré la résistance des infidèles, afin qu’il annonçât les lois, les dogmes, les règles qui concernent les choses licites et illicites.

Il lui a donné le livre excellent et miraculeux du Coran, afin qu’il pût ainsi réduire au silence les incrédules et faire taire leur langue au moment de la discussion et de la dispute. Par suite de sa faveur complète, de sa protection universelle, il laisse des monuments qui se perpétueront jusqu’au jour de la résurrection.

Par sa puissance, il a, dans tous les temps et à toutes les époques, établi sur chaque contrée des mondes, à l’E, à l’W, dans la Chine, un monarque puissant, respectable, commandant de nombreuses armées, investi d’une haute autorité, afin de faire fleurir les marchés de la justice et de la bienfaisance, et d’étendre sur les têtes des créatures les ailes de la tranquillité et de la sécurité ; de leur prescrire le bien, et de leur défendre les actions illicites et la rébellion, et d’arborer, par leur moyen, les drapeaux de la loi excellente.

Il a fait disparaître du milieu d’eux, grâce à la reconnaissance de l’unité divine, l’idolâtrie et l’incrédulité.

Dieu, par les actes antérieurs de sa bonté, par ses bienfaits subséquents, nous a fait la grâce de nous appeler à travailler activement pour établir les principes de la religion auguste et affermir les fondements de cette loi admirable ; il nous a commandé, dans toutes les circonstances, dans toutes les contestations qui s’élèveraient entre les créatures, entre nos sujets,

de juger constamment d’après la loi du prophète, d’après les principes établis par l’élu de Dieu ;

-de construire, dans tous les cantons, des Jâmi‘, des Madrasa, des Khaniqa, des Ribât, des Masjid, afin d’empêcher que les drapeaux et les monuments des sciences ne viennent à disparaître, que les pratiques et les préceptes de la religion ne tombent en désuétude.

En effet, la durée de ce monde méprisable et de sa puissance, la perpétuité des attributs du pouvoir et de la grandeur dépendent du zèle que l’on met à défendre la vérité et la justice, à effacer de la terre les maux causés par l’idolâtrie et l’incrédulité : et cela dans l’espérance des biens et des récompenses.

 Nous osons nous flatter que Sa Majesté et les grands officiers de son empire nous seconderont dans tout ce que nous venons de dire, et s’uniront à nous pour affermir les fondements de la loi sainte ; qu’ils enverront des ambassadeurs, des courriers, et qu’ils laisseront un libre passage aux voyageurs et aux marchands : afin que l’on voie s’affermir les bases constitutives de l’affection et de l’amitié; que toutes les causes qui peuvent contribuer à rattachement et à l’union se prêtent un secours mutuel ; que toutes les classes d’hommes, dans les différentes contrées, jouissent du repos ; que les moyens qui produisent l’aisance de la vie s’organisent au milieu des diverses espèces d’hommes religieux, de serviteurs de Dieu ; que le salut repose sur ceux qui obéissent à la direction divine.

Dieu est miséricordieux pour les hommes. »