Al-Mas’udi, Murûj adh-dhahab, v. 930 n-è, Turks et Jayhun (Oxus)

Le fleuve de Balkh, ou Jayhun (Oxus), sort de différentes sources, traverse le pays de Tirmidh, Esferaïn et d’autres parties du Khoraçan, et entre dans le Kharezm. Là il se divise en plusieurs branches, qui arrosent le pays ; le surplus de ses eaux se jette dans le lac (lac d’Aral), sur les bords duquel est le bourg de Jurjania, au-dessous de la ville de Kharezm. C’est le plus grand lac de cette contrée, et, au dire de quelques-uns, du monde habité, car il ne faut pas moins d’un mois pour le parcourir en long et en large. Il est navigable, et reçoit le fleuve de Ferghana et de Chach qui traverse le pays de Farab, la ville de Jedis, et qui est accessible aux bâtiments jusqu’à son embouchure. Sur ses bords s’élève une ville turque nommée la Ville-Nouvelle (Yengi-Qent), où vivent plusieurs musulmans. La plupart des Turcs qui habitent cette contrée, tant nomades que citadins, appartiennent à la tribu des Ghuzz, qui se divisent en trois hordes nommées la grande, la petite et la moyenne. Ils se distinguent des autres Turcs par leur valeur, leurs yeux bridés et l’exiguïté de leur taille. Cependant l’auteur de la Logique (Aristote), dans le quatorzième et le dix-huitième livre de son Traité des animaux, parlant de l’oiseau nommé grue (geranos), dit qu’il y a des Turcs d’une stature encore plus petite. On trouvera d’autres détails sur les Turcs dans divers passages de notre livre, et dans le chapitre qui leur est consacré.

La ville de Balkh possède un Ribat (Poste Militaire) nommé Al-Akhshiban, et situé à vingt jours de marche environ. En face vivent deux tribus de Turcs infidèles, les Ukhan et les Tibétains, et à leur droite d’autres Turcs nommés Igan. C’est dans le territoire de ceux-ci qu’est la source d’un grand fleuve nommé aussi fleuve d’Igan. Plusieurs personnes instruites prennent ce fleuve pour le commencement du Jayhun, ou fleuve de Balkh. Le Jayhun a un parcours de cent cinquante parasanges, selon les uns, et de quatre cents parasanges selon ceux qui le confondent avec le fleuve des Turcs ou Igan. Quant aux auteurs qui avancent que le Jayhun se jette dans le Mehran (Indus), ils sont dans Terreur.

Nous ne parlerons ni de l’Aracht noir, ni de l’Aracht blanc, sur les bords duquel est le royaume des Kaimak-Bayghur (Uyghur?), tribu turque originaire du pays au-delà du fleuve de Balkh ou Jayhun. Une autre tribu turque, les Ghûrites, habitent les bords de ces deux fleuves, qui sont l’objet de récits détaillés. J’ignore et, par conséquent, je ne puis déterminer l’étendue de leur parcours.