- Introduction
- 1 : Qu’est-ce que l’Anti-Sémitisme
- 2 : L’Anti-Judaïsme chrétien
- 3 : L’Islam primitif et les judaïsants
- 4 : Un Anti-Judaïsme Musulman ?
- 5 : L’Anti-islamisme chrétien et l’anti-christianisme judéo-islamique
- 6 : La dérive inquisitoriale_les causes
- 7 : La dérive Inquisitoriale_disparition de l’altérité
- 8 : La civilisation judéo-islamique et la centralisation étatique
- 9 : L’Occident en expansion et le racisme bourgeois
- 10 : La constitution d’une communauté juive d’Occident et les prémices de l’anti-sémitisme
- 11 : L’Occident à la conquête de la civilisation judéo-islamique
- 12 : Racisme allemand et anti-sémitisme français
- 13 : Sionisme et Colonialisme : annihilation de la civilisation judéo-islamique
- 14 : La Construction de la “communauté juive de France (1) avant 1962
- 15 : La Construction de la communauté juive de France (2) l’époque post-coloniale
- 16 : Les juifs et l’anti-sémitisme actuel
- Conclusion : anti-sémitisme islamique/anti-islamisme judaïque ?
Le christianisme s’est constitué dans l’opposition au judaïsme, qui lui-même, par miroir s’est structuré dans son rejet du christianisme. Issues de la même source pharisienne et essénienne, les deux « religions » ont rapidement divergé sur la prophétie de Jean Baptiste et l’identité messianique de Jésus de Nazareth.
Pour le judaïsme rabbanite, le mouvement de Jésus est une hérésie, le nazaréen est lui-même un faux-messie, comme il y en eu de nombreux, et comme il y en aura de nombreux. Son élimination physique était donc un problème interne au royaume de Judée, et personne ne conteste la pertinence de sa condamnation pour blasphème. D’autant qu’il avait gravement mis en danger le peuple Judéen face à l’impérialisme romain.
Le christianisme, opte rapidement pour la conversion des « goyim » de culture hellénistique, bientôt définis par leur citoyenneté romaine. Lorsqu’il devient la doctrine des empereurs romains, au IVème siècle, il considère rapidement le judaïsme comme la religion des Autres. La secte de ceux qui ont tué le christ, et qui ont été maudits à jamais pour ce crime. Les pères de l’église développent une lecture particulière de l’ancien testament. D’abord parce que, greco-romains, les chrétiens ne peuvent observer facilement les commandements mosaïques. Ensuite, il apparaît que Jésus n’a établi aucune doctrine légale ou politique, et semble à de nombreuses reprises vouloir “restaurer la Torah”… en l’abolissant tout simplement. Enfin, la religion de Jésus est celle d’Isaïe et de Jacob, les chrétiens ne peuvent donc rejeter le pentateuque et les prophètes, mais cessent paradoxalement d’en observer les commandements et d’en écouter la lettre.
Les chrétiens considèrent donc le Pentateuque, les Prophètes et les Hagiographes, les Trois Livres comme “l’Ancien Testament”, qui ne peut être interprété qu’en fonction de sa finalité téléologique : le message christique. Ce dernier n’est lui-même compris que par l’entremise de la filiation apostolique et de la théologie des pères de l’église, de culture greco-romaine. Ce faisant, lorsque la Bible parle d’Israel, ils y voient la définition du troupeau chrétien, et dénient ainsi au judaïsme sa filiation biblique : le peuple chrétien étant le véritable héritier spirituel d’Abraham, Jacob, Moïse et Isaïe.
Pour le judaïsme rabbinique, c’est une véritable attaque contre les fondements même de son existence, contre son identité. le christianisme serait, pour parler familièrement, une sorte “d’OPA hostile”.
Le christianisme cherche alors rapidement, au Vème et VIème siècle, à se distinguer du judaïsme. Il imite son calendrier, y transposant sa propre liturgie calendaire, mais le modifie afin de se séparer des « déicides ».
Inversement, la théologie talmudique, qui se structure à cette même époque, nourrit une véritable obsession religieuse contre l’hérésiarque Jésus et ses affidés, responsables de cette perversion.
Au IVème siècle, les romains polythéistes considéraient le christianisme comme une sorte de « complot juif », une tentative de l’irrédentisme judéen de survivre en dépit de son échec politique, une vengeance également, qui par la judaisation, cherche à annihiler les fondements de la civilisation romaine. Lorsque l’empire devient chrétien, les romains continuent de voir dans le judaïsme l’ennemi héréditaire de la religion, devenue le socle idéologique de sa civilisation. Cette situation culmine au VIème siècle avec les fameux édits des conciles de Tolède, restreignant la conversion des « chrétiens » au judaïsme.
Cette conversion est un phénomène qui, hors des frontières chrétiennes, ne manque pas de se développer, dans les plaines turco-khazars comme dans les montagnes arabo-yemenites ou berbéro-africaines. Les “romains” étaient donc chrétiens tandis que les “barbares” étaient juifs (ou ariens, ce qui ne faisait pas de différence pour l’orthodoxie romaine)…
En 630 ou 631, l’empereur Heraclius, triomphant militairement de l’empire perse sassanide, lance une opération d’une hostilité sans précédents contre le judaïsme rabbinique, quelques décennies après la clôture du cycle de rédaction du Talmud. Il s’agit de convertir de force tous les judaïsants à la « vraie religion » ou de les expulser du domaine romain, car o les suspecte de fomenter un complot contre ce qu’ils nomment le « royaume d’Edom/Esaü » : l’empire des Césars.
On sait par diverses sources que cette politique a été imposée aussi à la Gaule mérovingienne sous Dagobert Ier, sans doute aussi dans l’Hispanie Gothique et indubitablement dans exarchat de Carthage, en Afrique du Nord, où les communautés syro-palestiniennes (donc pour partie judéennes) étaient nombreuses. Notons l’intéressante convergence avec le calendrier officiel de l’historiographie islamique : 632 est l’année de la mort du Prophète médinois… et le début de l’expansion islamique.