16 : Les « juifs » et l’antisémitisme contemporain

Cette communauté hétérogène est nourrie, en France comme en Israel d’une souffrance et d’une paranoïa familiale héritée (les pogroms polonais, l’anti-sémitisme européen et finalement la Shoah) ; la majorité de cette communauté, nous venons de le voir, est étrangère à cette histoire mais s’inscrit par contre dans la concurrence communautaire avec les « arabes » c’est-à-dire les musulmans.

Ce mélange les conduit à percevoir Israel comme leur refuge face à toute la haine du monde, une haine matérialisée, au premier abord, par le conflit avec les « arabes ».

Comme Israel est en guerre avec les « arabes », la communauté « juive », se doit de soutenir la « patrie juive » contre les « arabes ».

Il ne s’agit pas d’islamophobie, qui n’est que le volet contemporain de l’anti-sémitisme structurel de l’Europe Occidental, il s’agit simplement de concurrence patriotique et communautaire, en France et au niveau international.

Il y aussi l’instinct de survie, qui dicte aux communautés nord-africaines de conserver leur statut supérieur à celui des indigènes/musulmans. Pour parvenir à ces deux fins, convaincre l’Occident de l’intérêt d’une guerre avec l’ennemi arabo-musulman et garantir son statut en France, ils peuvent par contre user de l’anti-sémitisme structurel.

Ils peuvent donc nourrir la phobie anti-sémite, en l’axant systématiquement sur les « musulmans », au risque qu’un Fillon pose la question du Kasher, au cœur d’une polémique sur le Halal, et au risque surtout (entrevue par des juifs assimilés et même sionistes radicaux, parfois même d’origine judéo-islamique), que la fermeture inquisitoriale sur les pratiques, coutumes et traditions islamiques n’aboutissent finalement à une fermeture inquisitoriale contre ces même « actes hérétiques »… lorsqu’ils sont pratiqués par des juifs…

Ils profitent également de la catégorisation raciale et anti-sémite, devenue philo-sémite, ce qui n’est que l’autre face de la même pièce. Car, il y a anti-sémitisme, ou tout au moins para-sémitisme, lorsqu’on essentialise les juifs en tant que peuple (c’est-à-dire race), lorsqu’on les met à part, puisqu’on interdit à leur égard la moquerie ou la critique, spécifiant ainsi leur alterité essentielle, lorsque le citoyen lambda se refuse d’exprimer son soutien à la Palestine ou son rejet d’éléments culturels judéo-islamiques, face à un « juif » (alors qu’il ne s’en privera pas face à une « arabe »).

Le pouvoir français ne cesse de manœuvrer des catégories issues du racialisme et a besoin de voir des noirs, des arabes, des jaunes… et des juifs, au lieu de voir des sujets… parce qu’il ne peut se résoudre à accepter l’altérité.

L’occident étant économiquement (et culturellement puisque la civilisation mondiale qu’il a engendré est désormais adolescente et se cherche en dehors de son géniteur) en perte de vitesse, il se replie sur son identité. Celle-ci n’est plus englobante ou assimilatrice, mais conservatrice et sur la défensive, et il considère Israel, à juste titre, comme un Etat Occidental, un allié par essence, commandé par des allemands ; tandis qu’il essentialise les juifs de France comme une communauté particulière, à protéger, au risque de la désigner à la vindicte populaire selon une catégorisation raciale officiellement crée pour la protéger.

Comme l’Allemagne pré-hitlerienne ou l’Espagne de l’inquisition, l’Occident, et la France pour ce qui nous intéresse se pose la question de sa subjectivité, se méfie de l’universalisme qu’il a instauré, se propose de revenir aux fondamentaux humains de la défense de soi par soi. Ce faisant, il ne peut pas le reprocher aux “autres” s’ils sont ses alliés (les judéo-sionistes), mais désire le combattre quand il s’agit de ses “ennemis de toujours” (les musulmans et les autres)…

La clef de cet errement réside nécessairement dans la prise de conscience par les français que leur culture est une culture d’homogénéité et d’intolérance, déguisée en hétérogénéité et en tolérance, mais sans base légale pour l’assurer.

Ce qui induit la seconde prise de conscience, que leur idéalisme chrétien du libre arbitre ne peut que se muer en servitude, car si Islam et le Judaisme connaissent la fatalité des éléments, les chrétiens croient avoir prise sur les choses et s’évitent tout cadre constitutionnel prenant en compte les tendances naturelles d’un être humain complexe aux identités multiples.

Cet idéalisme chrétien amène à la troisième prise de conscience nécessaire, celle d’une stabilisation légale, constitutionnelle, sur un principe de droit antique, conservé dans le judéo-islamisme : « on ne juge pas les opinions, on ne juge que les actes ».

Car à trop juger les opinions, on établit une doxa homogène, un dogme créé, inventé, pour couvrir sa xénophobie non assumée. Comme à Latran ou en Espagne au XVIème siècle, on en vient à condamner l’autre pour ce qu’on croit qu’il veut faire, plutôt que de condamner l’acte de l’autre pour ce qu’il a déjà fait. Et finalement, on juge l’autre comme ennemi, par essence et non par action, et même par opinion, et on exclut.

L’Europe Barbare et le Christianisme nourrissent les germes de ce comportement exclusif et ethnocentré, il ne cesse de se renouveler sans disparaître.

On ferait bien d’apprendre du judaïsme et de l’Islam, que la civilisation c’est la Loi, et que la Loi est le cadre du vivre ensemble, et que ça n’est qu’ainsi que diversité ethnique et confessionnelle se marient avec l’universalité humaine.