Ludovico Bartema, (Bologne), Description de Damas, 1506

Je me rendis à Halab, qui est à 8 jours à l’intérieur des terres (de tripoli), je dis que Halab est une cité magnifique, et est sous le pouvoir du Grand Sultan du Caire, et la Scala de la Turquie te de la Syrie, et tous y sont Muhammadans. C’est un pays à grand trafid ce marchandises, et en particulier avec les Persans et les ‘Ajâmî qui viennent aussi loin qu’ici. […]

Je me rendis alors à Damas qui est distante de 10 courtes Journées, à mi-chemin, il se trouve une cité appelée Hamâ, où poussent une quantité de coton et de très bons fruits ; et à côté de Damas, à 60 miles de distance, je découvris un autre district appelé Manîn, qui est situé au sommet d’une montagne, et est habitée par des Chrétiens de l’église grecque, et sont les sujets du Prince de Damas. A cet endroit se trouvent 2 magnifiques églises, qu’on dit avoir été érigées par Hélène, mère de Constantin. Des fruits excellents croissent ici, et les raisins les plus exceptionnels, et on y trouve de très beaux jardins et fontaines. […]

Il n’est vriament pas possible de décrire les beautés et l’excellence de Damas, en laquelle je résidais afin d’apprendre la langue Maure, car la cité es entièrement habitée de Maures, de Mamluks et de chrétiens grecs. Ici, je dois informer sur le gouvernement du Prince de la dite cité, qui est vassal du Grand Sultan du Caire. Tu dois savoir que dans cette cité de Damas se trouve un magnifique et puissant château, qu’on dit avoir été bâti sur ordre d’un Mamluk florentin à ses propres frais, alors qu’il était Seigneur de ladite cité.

Plus encore, à chaque angle de ce château, les arbres de Florence sont sculptées dans le marbre. Il est entouré fosses très profondes, et a 4 tours très fortes et des ponts levis et on y monte constamment une puissante artillerie. 50 Mamlûks au service du Grand Sultan sont constamment cantonnés avec le gouverneur du Château.

Ce florentin était un Mamluk du Grand Sultan, et on rapporte qu’à son époque, le sultan avait été empoisonné, et ne put trouver personne pour le soigner, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu que ce fut le florentin en question. Pour ce service, il lui confia la cité de Damas, puis construisit le château. Après se mort, le peuple le porta en grande vénération en tant qu’homme sacré, doté d’une grande science, et depuis lors le château est resté en possession du Sultan.

Lorsqu’un nouveau Sultan succède au trône, l’une de ses seigneurs, qu’on appelle Amîr, lui déclare : « Seigneur, j’ai été ton esclave tant de temps, donne moi Damas, je te donnerais 100 000 ou 200 000 sharafîn (ducats), puis le Prince lui accorde sa faveur.

Mais tu dois savoir , que si au cours de 2 années ledi seigneur ne lui envoie pas 25 000 ashrafîn, il cherche à le faire passer par les armes, de quelque panière que ce soit, mais s’il lui fait le présent du, il reste à son poste. Ledit seigneur a toujours avec lui 10 ou 12 seigneurs ou barons de ladite cité et lorsque le Sultan requiert 200 ou 300 000 ashrafîn des seigneurs ou des marchands de la cité, qui ne sont pas traité en justice, mais qui se combattent les uns les autres en se dérobant et en s’assassinant (car les maures qui vivent sous les Mamluks sont comme les agneaux sous les loups) , ledit sultan envoie deux lettres au gouverneur du château, l’une l’enjoignant simplement d’amener ensemble dans le château tels serigneurs ou marchands de la façon qui lui semble la plus appropriée. Lorsqu’ils sont assemblés, la seconde lettre est lue, dont l’objet est immédiatement effectué, pour le pire ou le meileur. Et de la sorte ledit seigneur demande de l’argent. Parfois il devient tellement puissant qu’il n’entre pas dans le château, ce sur quoi de nombreux barons et marchands, se sentant en danger, se retirent à Cheval en Turquie.

[…] Il ets impossible d’imaginer la richesse et l’élégance de l’industrie locale, Tu auras ici une abondance de grain et de viande, et le pays le plus prolifique de fruits qui seras jamais vu, et surtout en raisin à toutes saisons. […] Les grenades et les coings sont bons, les amandes et les grosses olives, extrêmement bons ; les plus magnifiques roseraies blanches et rouges qu’on ai jamais vu, il y a aussi de bonnes pommes, poires et pêches, mais avec un goût désagréable, la raison en étant que Damas abonde en eau.

Un cours d’eau coule autour de la cité, et un grand nombres de demeures ont de magnifiques fontaines de majoliques ouvrée. Les Maisons sont sales à l’extérieur, mais sont d’une grande beauté à l’intérieur, ornées de nombreux ouvrages de marbre et de prophyre.

Dans cette ville se trouvent de nombreuses mosquées, l’une d’elle, la principale est aussi vaste que St-Pierre de Rome, elle n’a nul toit au centre, mais les parties adjacentes le sont. On rapporte qu’ils y conservent le corps de Saint Zacharie le prophète, et qu’ils lui rendent beaucoup d’honneurs. Cette mosquée a 4 portails de métal, et possède plusieurs fontaines. A nouveau,on peut voir où se tenaient les canonica qui appartenaient formellement aux chrétiens, et dans ces canonica se trouvent beaucoup d’anciennes œuvres de mosaïque.

A nouveau, je vis l’endroit où ils rapportent que le Christ déclara à St-Paul : « Saule, cur me persequeris » qui ets for les murs, à environ 1 mile d’une de ses portes. Ils enterrent là tous les chrétiens qui meurent dans ladite cité. A nouveau, il existe cette tour dans la muraille du district où (à ce qu’ils disent) St paul fut emprisonné. Les Maures l’ont rebâtis à plsueirs reprises, mais au matin le trouvaient ruiné, comme l’ange qui avait conduit St-Paul hors de ladite tour l’avait alors détruite. J’ai aussi vu la maison où, à ce qu’ils disent, Cain occis Abel son frère, qui est à 1 mile for les murs dans la direction opposée, près d’une chaîne de montagne dans un large et profonde vallée. Nous allons décrire désormais à la liberté dont jouissent lesdits mamluks dans ladite cité de Damas.

Mamluks, leurs paie, leurs privilèges sexuels :

Les Mamluks sont des chrétiens renégats, qui furent rachetés par ledit seigneur. Il est certain que ces mamluks ne perdent jamais leur temps mais au contraire s’exercent constamment dans les armes et les lettres, afin d’accroître en excellence. Et tu dois savoir que chaque Mamluk, grand ou petit, a pour paiement 6 Ashrafîn par mois, et son entretien propre, celui de son cheval et de sa famille, et ils ont bien plus lorsqu’ils sont engagés dans des expéditions militaires.

Ces Mamluks lorsqu’ils vont en ville, sont toujours accompagnés de 2 ou 3 hommes, car il serait bien déshonorant de se déplacer seul. S’ils rencontre par accident 2 ou 3 dames, ils possèdent ce privilège _ou le prennent le cas échéant_ de leur donner rendez vous dans certains lieux, comme des grandes cours, appelées Khân, et alors que lesdites dames passent devant la porte, chaque Mamluk embarque sa Dame par la main et la conduit à l’intérieur et fait ce qui lui choit. Mais la dame réfuse à être reconnue, car toutes portent le visage couvert, afin qu’elles nous connaissent, sans que nous ne le puissions !

Le Mamluk lui déclare alors désirer la connaître, et elle réplique : « Mon frère, ne suffit-il pas que tu me fasses ce que tu désires, sans avoir à me connaître ? » et elle le supplie suffisamment pour qu’il renonce…

Et parfois ils supposent avoir pris la fille de leur seigneur, alors qu’en fait ils prennent leurs propres femmes, ceci est véridique et s’est passé lorsque j’y étais. Ces Dames vont magnifiquement vêtues de soie, avec par-dessus des toiles de laine blanche, mince et brillante comme de la soie, et elles portent toutes des brodequins blancs et des chaussures rouges ou pourpres et de nombreux joyaux autour de leurs têtes, dans leurs oreilles et sur leurs mains ; ces dames lorsqu’ ; ces dames lorsqu’elles sont mariées, pour leur propre plaisir et désir, c’est-à-dire lorsqu’elles ne veulent pas rester avec leur mari plus longtemps, vont chez le Qadi de leur Foi et plaide pour être Talaqer, c’est-à-dire d’être séparées de leurs époux ; et puis elles en prennent un autre, et il prend une autre femme. Bien qu’on dise que les Maures ont 5 ou 6 femmes, je n’ai, pour ma part, jamais vu aucun qui en avait plus de 2 ou 3 tout au plus.

Coutumes des « Maures » (Arabophones citadins) :

Ces Maures, pour la plus garde partie, mangent dans la rue, c’est-à-dire là où se vendent les vêtements, ils s’y font cuire leur nourriture et la mange là, et il se trouve aussi de nombreux chameaux, bœufs et moutons et chèvres. Il y a ici une abondance d’un délicieux fromage frais (jubna), et si tu désire te procurer du lait, près de 40 ou 50 chèvres traversent chaque jour le district, elles ont les oreilles longues d’un empan ou plus ! Le propriétaire de ces chèvres les fait monter dans ta maison, même si ce sont trois étages, et là, en ta présence, il trait autant que tu le souhaites dans une belle vaisselle d’étain ! […] Ici, à nouveau, on vend de grandes quantités de truffes, parfois 25 ou 30 chameaux arrivent chargés de ces produits, et elles sont vendues en 3 à 4 jours ; elles viennent des montagnes d’Arménie et de Turquie (rives de l’Euphrate et du Tigre).

Les dits Maures vont vêtus de certains longs et amples manteaux, sans gaines, faites de soie ou de tissu, et la majorité porte des culottes de laine et des chaussures blanches. Lorsqu’un Maure rencontre un Mamluk, bien qu’il puisse être le marchand principal du lieu, il est obligé d’honorer et de faire place au Mamluk, sans quoi il est vite bastonné. Les chrétiens ont de nombreux entrepôts qui contiennent des tissus, de la soie, du satin, du velours, des cuivres et toutes marchandises requises, mais ils sont mal traités.

Vers l’Arabie :

[…] Le 8 avril 1503, une caravane se préparait à partir pour Makka et j’étais désireux de voir différents paysages, sans savoir comme y parvenir, je concluais une belle amitié avec le capitaine desdits Mamluks de la caravane qui était un renégat, afin qu’il m’habnille comme un Mamluk et me donne un bon cheval, et me place dans la compagnie avec d’autres Mamluks, ce qui fut accomplis par le moyen de monnaie et d’autres présents que je lui fit et de cette sorte nous prîmes la route et voyageâmes 3 jours jusqu’à un endroit appelé Mazarîb ou nous stoppèrent 3 jours, pour laisser les marchands se procurer, par achat, autant de chevaux que nécessaire.

Arabes (Bédouins) :

Dans ce Mazarîb, il y a un seigneur appelé Az-Za‘âbî, seigneur du pays, c’est-à-dire des Arabes, ce Za‘abî a 3 frères et 4 fils et possède 40 000 chevaux et 10 000 juments reproductrices. Il possède aussi ici 300 000 chameaux, dont les zones de pâturage s’étendent sur 2 journées. Et ce seigneur, Za‘abî, lorsqu’il pense au profit, mène des guerres contre le Sultan du Caire, et le Seigneur de Damas et celui de Jerusalem, et, parfois, dans les temps de famine, lorsqu’ils pensent qu’il est à 100 miles, ils mène une incursion jusqu’aux greniers de ladite cité, et se procurer blé et orge bien empaqueté dans des sacs, et les emporte ! Parfois, il court un jouir et une nuit entière avec ses juments sans s’arrêter, et lorsqu’ils arrivent à la fin de ce parcours, ils leurs donnent du lait de chameau à boire car c’est très rafraîchissant  Il m’apparaît vraiment qu’ils ne courent pas, mais bien au contraire volent comme des faucons, parce que je les ai accompagné et tu dois savoir qu’ils montent, pour la plupart, sans elles et en chemise, à l’exception des quelques principaux. Leurs armes consistent en lance de canne indienne de 10 ou 12 pieds de long avec un morceau de fer au bout, lorsqu’ils sont en incursion, ils marchent de front comme des étourneaux.

Lesdits arabes sont de petits hommes, d’une couleur sombre, tannée, avec des voix féminines, et de long cheveux noirs et lisses, et ces arabes sont vraiment si nombreux qu’ils ne peuvent être dénombrés, et sont constamment en guerre les uns avec les autres. Ils habitent la montagne, et descendent lorsque la caravane traverse leur plaine vers Makka, et s’installent sur la route, à un point de passage, pour la dérober. Ils portent leurs femmes, enfants et de leur fournitures, ainsi que leurs maisons, qui sont comme des tentes de soldats, en laine noire de mauvaise apparence.

La caravane :

Le 11 avril, la caravane quitta Mazarîb, il y avait 35 000 chameaux, près de 40 000 personnes et nous étions 60 Mamluks pour la garder. Un tiers des Mamluks précédaient la caravane en avant-garde, un autre tiers au centre, un dernier tiers fermait la marche. […] De Damas à Makka, le Voyage est de 40 journées et 40 nuits. Ainsi, en sortant de Mazarîb, nous marchâmes 20 heures, à ce point un signal émis par le capitaine passa de groupe en groupe jusqu’à ce que toute la caravane stoppe là où elle était, et passe 24 heures à décharger, pour la nourriture des hommes et des chameaux. Puis ils firent le signal et els chameaux furent rechargés. Tu dois savoir qu’ils ne donnent aux chameaux que 5 doses d’orge cru, chacune de la taille d’une grenade ! avant de monter sur leurs chevaux et de voyager toute la nuit et tout le jour suivant, 22 heures, [etc…] Tous les 8 jours ils trouvent de l’eau, c’ets à dire en creusant dans le sable et la terre, on peut aussi trouver quelques puits et citernes, et on stoppe alors pour 1 ou 2 jours car les chameaux portent près de deux charges d emules, et et on ne donne à boire au pauvre animal qu’une fois tous les trois jours.

Lorsque nous faisions halte auxdits points d’eau, nous avions toujours à combattre une masse d’arabes, qui ne tuait jamais plus d’une homme et d’une femme, car tel est la base de leur esprit, que nos 60 mamluks étaient une défense suffisante contre 40 ou 50 arabes.

Mamluks :

Pour des païens, il n’existe pas de meilleurs hommes en arme dans leurs bandes que les Mamluks. J’ai eu de bons contacts avec ces Mamluks pendant ce voyage, parmi d’autres, je vis un Mamluk prendre un de ses esclaves et placer une grenade sur sa tête, et le laisser debout ainsi à 12 ou 15 pas de lui et tirer à l’arc et le fendre. J’en ai vu un autre Mamluk, courir au grand galop, enlever sa selle et la mettre au dessus de sa tête, puis la restituer à sa place, sans jamais tomber, toujours au grand galop. Leur selles sont d’ailleurs faites comme à notre usage.