Léon l’Africain, Mariage à Fez, v.1520 n-è

Coutumes observées à contracter et faire mariages :

Aux mariages telle coutume est observée, que si on veut prendre femme, on n’a pas plutôt la promesse du père et de la fille qu’on invite et réunit ses amis dans la Mosquée, accompagné de 2 ‘adûl qui passent le contrat en présence de l’époux et de l’épouse.
Les citoyens de moyenne condition donnent à leurs filles 30 ducats comptant ; à une esclave, 15 ducats ; et une pièce d’un certain drap de soie et de lin de diverses couleurs, en échiquier, et qq autres de soie pour porter sur la tête, puis lui présentent une paire d’escarpins, deux paires de pantoufles, le tout de très bon ouvrage, et prs autres menues besognes, comme peignes, parfums, et autres belles choses.

Etant fini, le contrat et promesses, selon qu’une partie et autre se trouve d’accord, l’époux convie tous ceux qui ont été présents au dîner avec soi, là où il leur fait servir de ce pain frit accompagné de miel, et rôti.
Le père de l’épouse fait de même un festin d’autre part, où il se doit d’inviter tous ses amis ; et au cas où il veuille parer sa fille de vêtements, il peut le faire par noblesse, car outre le douaire qu’il donne, il n’est pas tenu à autre chose si bon lui semble ; mais ce serait honte àlui de n’y vouloir rien ajouter du sien ; tellement que sans avoir égard aux 30 ducats ordinaires, le père, ou celui en charge d’accorder le mariage, emploie normalement 200 ou 300 ducats, tant en habits pour l’épouse qu’en ustensiles et pièces de ménage, sans qu’il soit question de ne donner ni maison, ni vignoble, ni bien immeuble.
La coutume est de faire 3 gonnelles de drap fin, 3 de taffetas, 3 de satin, et autant de damas, prs chemises ouvragées et draperies, avec des bandes de chaque côté, coussins embellis de jolis ouvrages, avec oreillers de même.

Ils donnent aussi 8 materas, 4 pour l’ornement sur les armoires des angles de chambres ; et pour mieux les réparer, ils en tiennent encore 2 autres de cuir pour les lits, en grosse laine. Ils font en plus de ce cadeau, un tapus à poil long de 20 coudées de long, et 3 couvertures de la longueur de 8 brasses, d’un côté en drap et toile, et de l’autre entièrement de laine, dont ils couvrent les lits, mettant une moitié au dessus et repliant l’autre au dessous ; en plus, ils en donnent 3 autres de soie, subtilement ouvragées d’un côté, et de l’autre fait de toile emplie de coton, mais légèrement, pour s’en aider en été ; puis un petit drap de toile fine divisé en 2 parties, ouvrées à la flamme, accompagné d’autre sorte d’ouvrage bordé de cuir, auquel pendent des houppes de soie de diverses couleurs, et sur chacune il y a un bouton de soie, pour l’attacher contre la muraille.

On donne souvent bien davantage encore, ce qui fait bien souvent d’un gentilhomme aisé d’être réduit à la pauvreté.

Certains sont d’une opinion contraire, et les hommes devraient porter leur douaire aux femmes ; mais ils s’éloignent certes autant de la vérité, puisque ce serait une chose hors des limites de la raison, et ils en parlent comme ceux qui sont totalement ignorant(sic). ( !!!)

Quand le temps vient que les noces doivent être célébrées, et que l’époux veut mener l’épouse en sa maison, il la fait tout d’abord entrer en un tabenacle de bois à 8 triangles, couvert de beaux draps d’or ou de soie, dans lequel elle est soutenue, et portée sur la tête de 8 porte-faix, accompagnée de ses père et mère et amis, avec trompettes, tambours, et nombre de torches.
Ceux qui sont du côté et parents du mari, la précèdent, et ceux du père, cheminant avec le même ordre, la suivent par le chemin de la grande place de la Mosquée, là où étant parvenus pompeusement, l’époux salue le père et parents de l’épouse, laquelle, sans plus attendre, se porte à la maison, attendant le mari en sa chambre, jusqu’à la porte de laquelle elle est accompagnée de ses pères, frères et oncles, qui, tous ensemble, la viennent présenter à la mère du mari, qui n’est pas plutôt entré dans sa chambre, qu’il écrase le pied de son épouse ; et l’ayant fait, ils s’enferment tous deux dans celle-ci, où ils demeurent pendant que le festin s’apprête, et y a une femme dehors, attendant jusqu’à tant que le mari, ayant défloré l’épouse, tend un petit linge tout teint et mouillé de son sang, à la femme qui les attend à la porte, qui, tenant ce drapeau entre ses mains, s’en va criant entre les invités, faisant entendre à haute voix que la fille était pucelle ; puis les parents du mari la font banqueter, et, accompagnée d’autre femmes, se transpote à la maison de la mère de l’épouse, qui, la recevant joyeusement lui fait un autre banquet.

Mais si par malheur, l’épouse n’est pas vierge, elle est rendue, par le mari, au père et à la mère, qui en reçoivent une grande honte et déshonneur, avec ce que les invités s’en retournent l’estomac creux, et sans donner un coup de dent.

La coutume est de faire 3 banquets quand la chose succède bien : le premier se fait le soir, en présence de l’épouse, le second le soir de sont départ, et seules les femmes s’y retrouvent, le troisème, le 7ème jour après les noces, auquel se trouvent la mère et tous les parents. Le père de l’épouse est alors tenu d’envoyer prs présents, comme de la confiture et des moutons, en la maison du mari, qui en sorte au bout de 7 jours, pour acheter une quantité de poisson, qu’il emporte, puis fait que sa mères et les autres femmes le jettent sur les pieds de sa feme, prenant de cela bon augure […].

On fait encore, en plus, 2 banquets à la maison du père, dans l’un il doit envoyer sa fille au mari, et y ayant invités toutes les amies de l’épouse, il leur fait passer la nuit en danses et joyeusetés.
La jour suivant, les femmes qui se mêlent de parer les épouses sont appelées, elles lui teignent les cheveux et colorent les joues, et noircissent les mains et les pieds avec de beau feuillages et entrelacs ; mais cela est de courte durée ; en ce jour même se fait le second banquet, où on fait faire bonne chère à celles qui ont décorées l’épouse, qu’on monte sur un échafaud pour être exposée à la vue des curieux ; et lorsqu’elle est arrivée à la maison, tous les plus proches parents et amis du mari lui envoient de grands vases pleins de pain frit en huile, et autant d’emmiellé, avec prs moutons rôtis et entiers, lesquelles choses sont distribuées par le mari à tous ses invités, et tiennent ensuite chanteurs et joueurs d’instruments au bal, qui dure toute la nuit, qui accordant le son avec le voix, rendent d’assez mélodieux accords. On ne danse pas en compagnie, mais seule à seul, au moyen de quoi