Point de vue sur les arabes chrétiens dans le Tafsîr de Tabarî (interprétation du verset V, 5)

L’exégèse rassemblée par Tabarî à propos du caractère Halâl des nourritures de “ceux qui ont reçu l’Ecriture par avant vous” (V, 5) comporte plusieurs volets :

1 : La question des “chrétiens arabes”

Il existe deux écoles. L’une a transmis des plaidoyers en faveur du partage de la nourriture avec les arabes chrétiens, on peut donc les considérer comme favorables à une solidarité arabe, quelque soit l’obédience (millat). L’autre a dénoncé la malveillance des arabes chrétiens, et leur mise à l’écart de la solidarité arabe.

A : Pour les ‘chrétiens arabes’ : La Mekke

On trouve une filiation mekkoise passée par le leader anti-omeyyade Ibn Jubayr (m. 714), disciple de ‘Abdullah b. ‘Abbas (m. 687), ensuite transmis par Layth, proche également de Mujahid ainsi que le Mawlâ’ berbère de Ibn ‘Abbâs : ‘Ikrama (m.723).

Un autre mekkois, disciple de Zuhri (m.742), le principal législateur du régime omeyyade, rallié après la chute des zubayrides, ainsi que Ibn Jurayj dans son Muçannaf (m.767), transmettent deux points de vue similaires , il n’ont apparemment pas été mis au courant de la question Taghlib.

B : Pour les ‘Chrétiens Banû Taghlib’ : Iraq

On retrouve la filiation mekkoise avec ‘Ikrima qui fait passer l’autorité hijazite vers l’Iraq (Kûfa essentiellement), notamment avec Hasan al-Baçri (m. 728) et son disciple Qatâda b. Di‘âma (m. 735) qui transmettent leurs deux points de vue, mais aussi celui de Sa‘îd b. al-Musayyib (m.715), leader medinois anti-clanique, mentor de ‘Umar II.

La question Taghlib semble donc se concentrer en Iraq avec ‘Amir ash-Sha‘bî (m. v. 727), qui maintient cette interprétation, ils sont rejoints par les kufites Al-Hakam et Hammad (m. v. 130), transmis dans l’ouvrage de l’irakien Shu‘ba b. al-Hajjâj (m.777).

Dans cette optique, on fait appel à Ibn ‘Abbas par son mawlâ qui rappelle tout de même qu’il faut éviter toute clientèle avec eux.

 C : Contre les ‘chrétiens arabes’ : Iraq

Abû-l-Bukhtarî, compagnon de ‘Alî b. Abî Talib (m. 661) affirme, dans une transmission de ‘Atâ’ b. as-Sâ’ib, dans un contexte irakien, qu’il la interdit de consommer leurs viandes, il rejoint ici Muhammad b. al-Hanifiya (m. 700), qui brandit le flambeau chiite durant le seconde Fitna, un des fils collatéraux, à qui son transmetteur assez faible Abû Hamza al-Qaççab ‘Imrân b. Abi-l-‘Atâ’ a sans doute ajouté les Banû Taghlib (voir ci-dessous) et les a également placé aussi dans l’ouvrage de Shu‘ba.

Un autre adversaire d’Al-Hajjaj, mekkois, peut être d’obédience zubayride, Sa‘îd b. Jubayr rapporte, dans ce contexte irakien, l’interdiction de Ibn ‘Abbas, qui y aurait accolé les arméniens. Peut-être a-t-on affaire ici à un positionnement anti-marwanide, dont les Taghlib sont de farouches partisans durant le IIè Fitna… Il est cependant contradictoire avec le premier positionnement (A).

D : Contre les ‘chrétiens Banû Taghlib’ : Muhammad b. Sîrîn

Un autre disciple de ‘Ali, ‘Ubayda, rapporté par Muhammad b. Sîrîn (m.731), savant irakien assez fantasque, né esclave dans la famille de Anas b. Mâlik, (issu d’un raid à ‘Ayn Thamr de Khâlid b. al-Walîd) a transmis tous les akhbar attribué au calife déchu sur les Banû Taghlib et leur penchant pour l’alcool…

Si on se réfère ici à Ibn Sîrîn, c’est notamment en raison de son origine Taghlibite supposée ; son adhésion au parti chiite n’en étant que plus désintéressée.

 2 : Interprétation brute du verset :

Mujâhid, élève de Ibn ‘Abbas, resté mekkois, transmis par deux chaînes différentes qui reviennent à Sufyân, soit par Layth, soit par le kufite al-Mughayra b. Maqsam (m. 755), disciple de Ibrahim b. Yazîd an-Nakhâ’i (m. 715), affirment que les victimes sont bien désignées ici comme ‘nourritures’.

Cet avis est confirmé par un certain Yûnus, disciple de Hasan al-Baçrî et l’irakien Sa‘îd b. Abî ‘Arûba (m. 774), à partir de Qatâda, D’autres chercheurs sont remonté au mekkois Mujahid ou au kufite Ibrahim.

On a aussi une école syrienne, d’origine omeyyade, implantée à Homs, avec ‘Ali b. Abî Talha (m. 760) qui rapporte la réponse de Ibn ‘Abbas et la transmet à Ibn Câlih (m. 788).

Des maîtres d’autorité, comme Abu Dardâ’ al-Khazraji transmettent l’idée que même une bête consacrée dans l’église St George (ou St Serge) au nom du saint, reste Halâl…