Moulay Slimane, le Sultan-aventurier (1790-1822)

Le règne de Moulay Slimane est intervenu à un moment de rupture pour le Maroc, mais aussi pour l’Islam dans son ensemble et à l’époque des grands bouleversements économiques, politiques et idéologiques. Ses choix ont conditionnés l’identité même du Maroc actuel. Retour sur une grande aventure :

 Celui qui n’aurait pas du régner

Moulay Slimane, arrière petit fils de Moulay Ismail, arrière grand oncle de Hassan Ier, n’aurait jamais du succéder à son père Mohammed (III) Ben ‘Abdallah. En mars 1790, il n’avait même pas tenté de contester l’intronisation de son frère Moulay Yazîd. Influent dans le clan alaouite, respecté des bourgeois de Fès, il administre cette principauté dont il est le vice-roi (Khalifa). Moulay Yazîd, de son côté, entreprend de réaliser l’impossible : la reconquête de Sebta, dernier comptoir chrétien en terre d’Islam après la chute de Mazagan sous Mohammed III (1769). Cette campagne vaine et couteuse conduit ses gouverneurs (Amils) à de dures déprédations qui poussent les tribus du « Royaume de Marrakech » et les citoyens de la capitale du Sud à secouer le joug. Un des nombreux demi-frères de Slimane, Hicham, lui conteste le pouvoir et se fait introniser. C’est en se précipitant dans le Houz que le Sultan en titre, tout en remportant une victoire définitive, est grièvement blessé et succombe à l’automne 1792, à Marrakech.

 

« L’élection » de Moulay Slimane

Les fils de Yazîd ne sont guère appréciés, ni de la bourgeoise de Fès et ni des Qaids des Guichs arabes, ni des Abid al-Bukhari, la garde noire des alaouites, ni enfin du Diwân de Mohammed Ben Abdallah, limogé ou martyrisé sous Yazîd (notre source la plus précieuse, Az-Zayyani, aurait été littéralement martyrisé). Ces « grands électeurs » désignent unanimement Moulay Slimane, réputé subtil, lettré et modeste, par opposition à son brutal prédecesseur. Il reçoit rapidement la Baya (serment de fidélité) de toute la région du Saïs, du Zerhoun et des tribus voisines. Cependant, dans la république des « Deux Rives » (Rabat-Salé), il doit affronter une fronde menée par une partie de la bourgeoisie morisque (au premier plan les Merino et les Frèj), qui proclament l’ancien Vice-Roi des Ports, Muslama ben Mohammed III. Slimane envoie alors son frère et allié Moulay Tayeb, pour écraser cette rébellion politique. Il lui faut encore deux années pour reprendre en main le Jbal et la péninsule tingitane et « pacifier » le Tamesna contre les Chaouia, qui avaient pris goût à la liberté. En répression, il transporte les commerçants et les consulats chrétiens de la toute jeune Casablanca vers Rabat, premier pas du confinement du commerce extérieur. Le conflit européen mené par l’Angleterre contre les révolutionnaires parisiens explique cette méfiance soudaine de l’étranger. Moulay Slimane se rend finalement dans le sud afin de « réconcilier » Moulay Hichâm (réfugié à Safi) et deux autres de ses frères rivaux à Casablanca (à nouveau) et à Marrakech. Dès 1795, le pays est définitivement pacifié.

 

Les années de paix

Un terrible épisode de peste s’abat alors sur le royaume en 1797. Plus d’un tiers de la population succombe à ce fléau, parmi eux les principaux rivaux potentiels du Sultan. Il récupére également au passage les successions des nombreux morts sans héritiers… Ces fortunes considérables lui permettent de garantir la fidélité des Abids, des tribus arabes militaires, en particulier les turbulents Oudaya et de financer de nouvelles mosquées (Mosquée de Ar-Rseif à Fès, Mosquée de Tanger, mosquée Ali Ben Youssef à Marrakech). Il pourvoit à une foule de pauvres, étudiants, malades et, surtout, aux chorfas. La propagande makhzenienne met en évidence la figure du grand Sulayman, prophète homonyme du Sultan, et ses émission monétaires de Fulûs (monnaies de cuivre) portent l’emprunte du sceau magique du prophète, devenu protecteur symbolique de l’empire chérifien : l’étoile à six branches ! Le commerce reprend et la solide alliance avec la France, les Etats Unis et l’Empire Ottoman se renforce, dans le cadre d’un front commun contre l’Angleterre et la Russie, et dans le contexte de la rencontre de Bonaparte en 1798-99 avec l’Islam lors de l’aventure égyptienne.

 

Vers l’Algérie, au secours de son rival
Le Makhzen a réunifié les pays de plaine, traditionnellement sous son empire ; il se tourne vers le Sharq, envoie plusieurs corps expéditionnaire restaurer l’ordre à Oujda, alors administrée par le Bey d’Oran. La junte militaire algérienne est progressivement dévorée par une révolution menée par la jeune confrérie de Moulay al-Arbi Darqawi (m.1823) influencée par la révolution Wahhabite du Moyen-Orient. En 1807, le Dey d’Alger se retrouve assiégé dans les murs d’Oran. Il fait alors appel à son voisin et allié de son suzerain ottoman, pour appeler à la réconciliation. Moulay Slimane, khalife des malékites et patron d’une confrérie dont le grand Sheykh réside à Fès, se prend au jeu. Il exige la cessation des hostilités. Pour faire appliquer ses décisions, il envoie les Oudayas et un des maîtres de la Zaouia, officiellement pour assurer la sécurité des turcs. Seulement, les tribus en révolte et les bourgeois de Tlemcen prêtent la Baya à Moulay Slimane. Sur pression d’Istanbul, Moulay Slimane rappelle finalement ses troupes. Sans doute dans la crainte de représaille de la part des Janissaires, des centaines de milliers d’algériens en proie à la famine trouvent refuge au Maroc qui les accueille chalheureusement. Le Dey s’en émeut, mais les algériens rappellent que « subir les turcs passe encore, mais pas la faim en plus ! ».

La réforme wahhabite au maroc :

Cette décennie de paix est marquée par la contamination du mouvement wahhabite au sein du mouvement Tijanite de Fès. Ce dernier essaime lui aussi des antennes dans le pays algériens et jusqu’au Sénégal. Les contacts de Slimane avec Sidi Ahmad (m. 1815), le grand maître de l’ordre sont bien connus. Peut-être a-t-il tout d’abord voulu prévenir un mouvement analogue aux révolutions des provinces ottomanes, et, chemin faisant, aura-t-il prit goût à l’exigence de rigueur morale et de lutte contre l’apparat des réformateurs de l’Islam. Moulay Slimane entretient par le biais des pélerins « officiels » des relations intenses avec les familles Wahhabies et Saoudiennes, maîtresses de La Mekke pour quelques années. Le débat sur la légitimité du culte des saints oppose les maghrébins modérés aux wahhabites et leurs alliés radicaux, les premiers leur repprochant leurs nombreuses destructions sacrilèges ! Al-Nasiri, historien officiel de la dynastie à la fin du XIXème siècle s’efforce par un dialogue largement reconstruit de faire coincider les coutumes maghrébines avec la doctrine wahhabite apparemment partagée par le Sultan et fait passer ses excès pour pure propagande et désinformation ottomane et chrétienne !

 

L’isolationnisme idéologique et la question du commerce

Ajoutons qu’à partir de 1806, la guerre totale entre l’Angleterre et la France conduit à une interruption drastique du commerce dans le cadre des blocus. Avec le soutien de la première, Russie fomente une insurrection chrétienne dans les balkans et Istanbul demande à Moulay Slimane de fermer les détroits. Pour justifier l’hostilité aux commerçants britanniques, Moulay Slimane introduit donc une notion de moralisation religieuse. Vendre des produits alimentaires (la principale exportation du Maroc) fait grimper les prix et affaiblit l’autosuffisance du pays ; importer des produits de luxe ou manufacturés, tout en affaiblissant la balance commerciale, conduit à un abaissement des mœurs et à l’explosion de l’orgueil des riches. Au passage, le Sultan interdit l’usage du tabac, lui qui, en faisait usage réprime fortemment son commerce et sa consommation, tandis que le Kif, produit local, reste toléré ! Il prend ensuite la décision de s’isoler et s’abstient, durant toute la période du conflit napoléonien, de s’immiscer à nouveau dans le conflit européen. Il entame en 1808 une vaste tournée dans le Gharb et le Nord, à la rencontre de ses sujets commerçants, pour les convaincre du bien fondé de l’isolationnisme. De 1812 à 1814, pour faire respecter le blocus européen, Moulay Slimane lance ses corsaires à l’assaut des commerçants chrétiens tandis qu’il attaque les contrebandiers rifains. Moulay Slimane n’est cependant pas intégriste. Il déplace les consulats européens à Tanger, mais garde de bonnes relations avec eux.

 

L’ « affaire d’Azrou » : le début de la fin

Ces années de paix et de réforme idéologique vont subitement prendre fin. Les grandes confédérations berbères du Moyen-Atlas et des collines centrales se soulèvent. Moulay Slimane avait pourtant été adoubé en 1792 sans contestation par les Guerouanes et les Ait Ou Malou, principaux groupes de la région. Par une diplomatie habile et en exploitant les rivalités, il avait su imposer son gouverneur Ou Aziz et dégager la route directe entre le Says et le Tafilalt. Il écrasait avec eux, en 1803, à Alil, les Ait Idrasen qui pillaient les caravanes. En 1806, il avait garanti le passage du Tadla entre le Saïs et le Houz et en 1807, son général noir, Ben Mbarek avait éteint une contestation naissante. Ces opérations avaient été fiscalement lucratives, puisque les tribus avaient du payer le prix de leur liberté. La voix est ouverte à ses Amils pour lever l’impôt du Ouarzazate et du Sous dès 1801, du Tafilalt et du Draa en 1803, du Figuig et du Touat en 1807, du Rif en 1810.

Cependant, en 1811, au cours d’une tentative de règlement d’un nouveau conflit entre les Idrasen et les Ou Malou-Guérouanes, son général en chef, le Qaid Bou Chefra trouve la mort à Sefrou. Slimane apprend que les alliés berbères ont refusé le combat, et ont même noué une alliance tacite avec leurs anciens adversaires. La nouvelle se répand dans l’empire comme une trainée de poudre, et les berbères proclament leur indépendance. Sous le patronnage de leur saint marabout, le « Dejjal » Mehaouch, ils mènent des raids jusqu’aux portes de Fès et Meknès ! Après avoir battu lui-même le rappel des troupes du Houz, et appelé les tribus arabes du Gharb, le Sultan tente de reprendre le col d’Azrou, sans succès. Le voyant se replier, les berbères se ruent sur son arrière garde qui est laminée. La première conséquence de « l’affaire d’Azrou » est l’abandon de la route du Moyen Atlas et la formation pour plus d’un siècle d’un « pays Siba » au cœur du royaume. Mais le mal le plus grand est sans aucun doute l’irruption d’une problématique jusque là inexistante, et concommittante de l’explosion du nationalisme en Europe : l’explosion de haine entre berberophone et arabophone. Elle va s’amplifier.

 

L’effondrement : « l’affaire de Zayane »

Un cours répis permet à Slimane, flanqué de son aîné et de Ben Mbarek, de franchir la Moulouya et de rétablir l’ordre au Tafilalt en abattant l’orgueilleuse fédération des Ait Attas en 1816. Il distribue le butin aux étudiants, aux pauvres, mais surtout aux chorfas accroissant à cette occasion leur emprise sur les pays du sud. Il rentre à Marrakech par les cols du Tichka :c’est la dernière fois que le Makhzen itinérant empruntera cette route. En 1817, il saborde sa flotte de course et restaure de bonnes relations avec l’Europe en paix du Traité de Vienne. Le Sultan va cependant devoir affonter une succession de nouveaux fléaux. Tout d’abord, la paix en méditerrannée a apporté renforcée les comunication et une nouvelle épidémie de peste déferle sur le royaume de Fès. L’année suivante, les Ait Ou Malou et les Guérouanes n’ayant pas souhaité dialoguer avec le Makhzen, son fils aîné et prince héritier, Moulay Brahim accompagne le Qaid Ou Aziz des Idrasen pour reprendre pied dans la montagne. A nouveau le Commandeur des Croyants doit battre seul le rappel du Houz et convoque les arabes du Gharb et les berbères Zemmour. A Adekhsan, au col entre le Tadla et le pays Zayane, a lieu la rencontre fatidique : les Zemmour et les Idrasen, alliés du Sultan, abandonnent leur maître et rejoignent la rébellion. Moulay Brahim tombe au combat, compromettant la succession dynastique. Ce crime contre le « sang du prophète » va accroitre la haine anti-berbère. Quelques heures plus tard, le sultan est lui-même capturé, convoyé par un anonyme berbère, il passe trois jours dans un pauvre campement d’altitude avant d’être raccompagné à Meknès. Cet évènement, connu sous le nom « d’affaire de Zayane », provoqua un séisme politique et plongea le pays dans l’anarchie.

 

L’anarchie à Fès

Les Abids, ulcérés par la fatigue, les morts et le manque de paie assassinent leur général, le bon Ben Mbarek. Apprenant ces deux nouvelles, à Fès, la population se souleve contre son gouverneur As-Saffar (il est connu pour son ambassade à Paris de 1846). Le Sultan marche sur Fès pour rétablir l’ordre au sein du Conseil de Ville, attaqué par des cavaliers berbère sur la route, il arrive furieux et laisse libre court à la hargne vengeresse de ses soldats contre les bourgeois et immigrés berbères. Ce véritable pogrom est vertement critiqué par les historiens maghrébins. Désormais, berbères et arabes seront irréconciliables, et les Hadaris (citadins arabophones), jusque là épargnés par la question, sont sommés de choisir leur camps. Moulay Slimane parcours la moitié du pays en tous sens pour étouffer les contestations, arrivé dans le Houz, il parvient à se réconcilier les Rehamna et citadins Marrakchis. C’est alors qu’il apprend le repli félon des Abids sur Meknès et le soulèvement des Oudaya dans une Fès assiégée par les berbères. Ils mettent le Mellah juif à sac et s’y livrent à des actes d’une rare violence. Ils dérobent les marchandises, sans épargner celles de la bonne société musulmane, ce qui ajoute naturellement à leur réprobation.

 

La révolution… et la réaction

Les notables tiennent conseil, sous la pression populaire, ils optent pour le parti berbère des qaids des Idrasen et des Zemmour (Ou Aziz et El-Ghazi). Contre les ravages des Oudayas ils soutiennent la motion d’un certain Benslimane et repoussent Moulay Ali, Khalifa et prince héritier, et élisent Moulay Brahim Ben Yazid, neveu du Sultan, à l’Emirat des Croyants. En 1819, l’armée berbère, devenue garde prétorienne de l’anti-sultan, évacue Fès comme convenu, mais c’est pour mieux se jeter sur Tetouan, la rivale du nord, où d’autres pogroms s’abattent sur le Mellah. Informé de la félonie de son neveu, Moulay Slimane se précipite à Rabat, puis dans le Gharb, avant d’apprendre que, terrorisé à l’idée de l’affronter, Ben Yazid, Benslimane et les berbères se sont repliés à Fès. C’est la course poursuite, et les deux troupes se rencontrent à la porte de la capitale, au « Pont du Sebou ». Ben Yazid se replie en ville tandis que Moulay Slimane occupe Fès Jdid et laisse aux Oudayas la charge du siège. Le Sultan décide de récupérer Tetouan, et lance ses généraux à son assaut. Devant l’enlisement d’un double siège, Moulay Slimane, convaincu de la faiblesse de son fils Moulay Ali qui s’est soumis sans coup férir au coup d’Etat de Benslimane, se résout à appeler Moulay Abderrahmane ben Hicham, le fils de son ancien rival, qu’il a nommé chef de sa famille au Tafilalt, et qui siége comme Wali du sud-ouest, à Essaouira.

 

L’isolement des derniers mois :

En 1820, le Sultan et son neveu signent un accord secret qui stipule peut être déjà le lègue de l’Emirat. Moulay Abderrahmane est le fils que Moulay Slimane n’a jamais eu : droit, pieux, courageux, modeste et sans son soutien, le Sultan n’aurait sans doute pas pu reprendre les villes rebelles. Il lui délègue en tout cas la Vice-Royauté de Fès dont le jeune prince obtient rapidement la rédition. En 1821, accordant son pardon à une Tétouan repentante, Moulay Slimane descend à Marrakech soumettre la tribu arabe Cherarda de Chichaoua. Abandonné par ses troupes, il est capturé et à nouveau reconduit sain et sauf à Marrakech, mais sa puissance et son prestige se sont définitivement évaporés ! Au cours de l’année qui suit, le pays Haha est ravagé par les Sahraouies Ida Ou Blal avec la complicité des Chiadma de Safi ce qui impacta sa santé déclinante, en dépis du climat et du calme réputé de la Ville du Sud. A la fin de l’hiver 1822, il rédige son testament, et justifie sa démarche de leg du pouvoir à Moulay Abderrahmane. Il rappelle qu’avant lui, en l’an 100 de l’hégire, son homonyme Sulaymân ibn ‘Abd al-Malik, prestigieux khalife ommeyyade, avait désigné pour lui succéder le grand Omar II, Mahdi et 12ème Imam, défavorisant volontairement ses propres héritiers au nom de la Oumma. Fidèle à ses principes, le vieu Sultan donne une justification morale à l’abandon de sa descendance : l’intérêt de l’empire de l’Islam !

 

L’héritage paradoxal de Moulay Slimane

Moulay Slimane fut le sultan le plus nomade de sa dynastie, avec au bas mot 15 000 kilomètres parcourus ! Son règne intervient à mi-parcours de l’histoire alaouite pré-coloniale. Il est déterminant pour l’évolution du Maroc contemporain puisqu’il conditionne ce qu’on a pu qualifier, à l’aune de l’idéologie libérale du XIXème siècle comme un « repli sur soi » contraire à l’intérêt du commerce, de l’intellect, en un mot : de la Civilisation. Et on peut aussi considérer que Moulay Slimane a consacré la « civilisation marocaine », celle qui fascinera les voyageurs et expatriés de Tanger, les romantiques attardés comme Pierre Loti, désespérés du mimétisme occidentalisant des pays ottomans. C’est ce pays faussement figé dans la tradition qui permettra au Maréchal Lyautey de « protéger » ses valeurs aristocratiques et morales des méfaits de l’idéologie démocratique et républicaine de son pays. Il est aussi le dernier sultan d’une époque d’illusion, celle d’un Islam assiégé mais indépendant de l’expansion occidentale. A l’inverse de son grand contemporain Mohammad Ali, il refuse son emprise culturelle et commerciale en se refusant à toute révolution industrielle et politique.

 

Huit petites années après son décès, son successeur Moulay Abderrahmane contemplera le tragique démentellement de l’Etat turc d’Algérie sous les coups de la flotte française. 22 années après son avènement, son héritier sera écrasé à Isli, et le monde entier décrouvrira la faiblesse et le retard de l’empire chérifien. Ce dernier sera désormais  condamner à attendre, dans l’angoisse, le jour ou les puissances coloniales s’accorderont pour le partage du monde, et à finalement disparaître sous l’invasion européenne.

 

Encadré : Les Lumières au Maghreb :

Moulay Slimane est auss un homme des lumières. A la cour de Mohammed III, il fréquente de nombreux chrétiens et convertis, souvent français et conserve dans els premières années de son règne d’excellente relations avec certain d’entre eux. Plus tard, dans son soucis de protéger le « Pays d’Islam » des néfastes influences étrangères, il prendra l’initiative de cesser la guerre de course, ce qui le conduit, après quelques années de moratoire, à se séparer de sa flotte et à punir les récalcitrant. Le refus de l’esclavage est un point important de la réforme morale d’influence wahhabite. En effet, la guerre de course occasionne des pertes dans le camp de l’Islam, puisque les puissances chrétiennes pratiquent la réciproque sans égard à leur prétendu « lutte contre la traite ». En second lieu, cette guerre est motivée par l’argent, alors qu’ele devrait être motivée par le Jihad personnel, ce qui apparait alors comme contradictoire. Ensuite, elle conduit parfois à des pertes sèches lorsque le Makhzen doit racheter des captifs ressortissant d’un pays allié à qui il ne peut donc exiger de rançons. Enfin, la contamination chrétienne en terre d’islam est ainsi définitivement éradiquée tandis que l’arrêt de la course permet de favoriser le Hajj, dont le transport s’effectue de plus en plus sur les navires européens. Ali Bey, pseudonyme d’un espion espagnol au service des britanniques, décrit une cour qui ignore le faste au point qu’on ne distingue pas l’aristocratie du petit peuple. Moulay Slimane, enveloppé dans un Jellaba grossière s’intéresse vivement aux progrès de l’électricité et aux nombreux instruments du pédant voyageur. L’austère chérif est néanmoins connu pour son amour de la gente féminine, le seul désir entièrement hallal, et semble avoir surpassé la moyenne en la matière. Parmi ses favorites figure notamment Davia Franceschini, dont le frère reçoit le titre de vice-consul de France à Larache, ceci a du sans doute continuer de l’imprégner des valeurs de son occidentales de son temps.