I : Les Banû Taghlib dans le Dîar Rabî‘a, christianisation et "Hijra" des tribus Arabes de Jazîra avant 71/692 : A : les Arabes du Dîâr Rabî'a

Arabes de Syrie et d'Iraq au VII° siècle

Arabâyê et Tayyâyê, l’identité arabe en question :

“It is not entirely clear, however, exactly what criteria beyond linguistic heritage, may have figured in deciding who was, or was not , an “Arab”. That is, it is not clear whether, strictly speaking, someone was included in the genealogies because he was considered an Arab, or whether one was considered an Arab, because he was included in the genealogies.Crucial test cases might be sought by examining the genealogies treatment of “Arabs” settled in regions beyond arabia and to some extent acculturated to thoses regions Aramaized settlers from Arabia in iraq, or Syria, for example […]”1

Celui qui recherche des traces d’Arabes en Mésopotamie à la veille de l’hégire peut échouer devant plusieurs embûches dont la première est terminologique. C’est pourquoi, il est nécessaire de s’y arrêter avant de décrire la Jazîra arabe du VIIème siècle.

a) ‘arab, A‘râb ou ‘arabâyê : peuple ou mode de vie ? :

Les sources syriaques tendent à désigner une certaine région située entre Nuçaîbîn et Ninawa (Nisibe et Mossoul) sous le nom de Bêth Arabâyê, le Arbâyêstân des sceaux sassanides2. Les savants de la première moitié du 20ème siècle, jusqu’aux épigraphistes célèbres comme R.DUSSAUD, ont pris cette appellation comme la preuve d’un peuplement « arabe » Mésopotamien ancien3.

En réalité, il n’en est rien. Il ne fait aucun doute que dans la langue sémitique ancienne, la racine ‘RB signifie « nomade » et ne désigne pas forcément un peuple, une ethnie, une tribu, voire une fédération culturelle ou politique4. Cette racine recèle toute la sémantique péjorative que peut attribuer l’homme de la terre ou de la ville, pour son remuant voisin bédouin, lequel ne paie pas l’impôt, ni ne se sent attaché à aucune fidélité. Sa mobilité est donc un danger, un facteur constant d’instabilité, et provoque immanquablement le rejet. La civilisation araméenne du croissant fertile désigne donc les nomades (quels qu’ils soient) sous ce nom. Les deux principales régions à avoir été communément reconnues comme « terre d’Arabie », de pastoralisme, sont la Transjordanie et la Haute Jazîra orientale.

Au tournant des Vème et IVème siècles avant l’ère commune, Xénophon raconte à ses concitoyens athéniens son long voyage qui semble l’avoir conduit jusqu’au Sawâd, où il mène une rude vie de mercenaire au service d’un prince achéménide. En traversant l’Assyrie orientale, il observe et nous rapporte la présence d’ « araboi »5 dans ce même Bêth ‘Arabâyê, qui a déjà un évêque en 325 de n-è, puisqu’il témoigne de sa présence au concile de Nicée6.
Mais la science géographique grecque oublia ce détail et nomma la terre transjordanienne du nom de Arabia, en souvenir de sa spécificité bédouine. A l’époque du célèbre client de Titus, Flavius Josephe, deux « peuples » vivaient ainsi dans deux « pays », la Iudaia et l’Arabia, éternels rivaux, mais dont l’opposition était plus politique que culturelle ou ethnique7.
Le repérage spatiale de l’époque se contentait de désigner du même nom les immenses contrées méconnues qui prolongent les pays d’Afrique (Tunisie), d’Asie (Anatolie) comme d’Arabie, jusqu’au Himîâr et au Hadr-Mawt, (Arabia Felix)8.
Rappelons à ce titre que les Yemenites ne sont pas « arabes », au sens classique du terme, la langue des inscriptions Musnad est un dialecte sémitique autonome des dialectes « nordarabiques » et « abyssiniens », et eux aussi ont leur propre terminologie ethnique pour désigner les nomades du nord, ce sont les ‘asser, c’est-à-dire les tribus (‘ashâ’ir en arabe classique)9.
Ainsi, tout au long de la basse antiquité, coexistent des toponymes « arabies » et des peuples nomades « ‘arab » sans jamais nécessairement désigner les mêmes réalités.
La première inscription « nord-arabique » en alphabet nabatéen (dérivé de l’araméen), le cénotaphe en l’honneur du roi Imru al-Qaîs, découverte à Namara et qui porte la date de 436 de la province d’Arabie, désigne son destinataire en tant que « MLK KL ‘RB », « roi de tous les Arabes »10. Il correspond donc au premier témoignage d’habitants des terres semi-arides de l’est du Jourdain se désignant de la sorte comme « habitants d’Arabie », ou comme « nomades ».

Von GRUNENBAUM et après lui S. BASHEAR constatent bien que la littérature « arabe » des VIème et VIIème siècles ne mentionne pas les Arabes comme une ethnie. Les peuples de la péninsule, de Transjordanie et du Sawâd euphratésien préfèrent se désigner comme descendants (Abnâ/Banû) de Ma‘ad, de Nizar, de Qaîs ou de Mudar, ou encore, pour la région du golfe d’Aqaba, comme fils d’Ismâ‘îl11.
Certaines tribus sont également qualifiées en référence à un ensemble arabe qui peut parfois servir de témoin et de conscience collective et fixe des normes morales intertribales. Une aristocratie transtribale, les « shuyûkh al-‘arab », semble avoir tissé des liens dès la période préislamique12. Par exemple, le Ilâf de Quraîsh a intègré de nombreux clans par le biais des alliances matrimoniales, ainsi al-Khattâb, le père du deuxième calife, aurait épousé une certaine Umm al-Aswad, femme des Banî Taghlib13.

Le Coran ne comporte jamais le terme ‘arab, par contre il compte plusieurs mentions des A‘râb que la littérature classique désigne comme « bédouins », et avec lesquels le Livre de Dieu n’est pas tendre. Ils sont lâches, « les plus marqués par […] l’hypocrisie », cupides, et surtout, même s’étant soumis (Aslama), ils restent hermétiques à la foi (Imân)14. Mais « un Apôtre » a été envoyé à un Qawm (peuple) « auquel n’était venu nul avertisseur »15, pour réciter un « Qur’ân ‘arabî » dans une langue « ‘arabiya »16. Sans exagérer, il faudrait comprendre donc que cela désigne la langue nord-arabique utilisée pour se rendre compréhensible du peuple des Arabies. Jamais en tout cas le Coran ne présente cette spécificité comme une gloire ou un honneur ; gardons cela à l’esprit pour l’instant.

b) Les « nord-arabes » : les Tayyâyê :

On verra comment la construction d’un Etat, d’une nation, et d’une loi arabo-islamique a pu, à de rares occasions, entraîner la confusion dans l’esprit des auteurs syriaques eux-mêmes entre ‘arabâyê17 et le terme qu’ils emploient pour désigner les « nord-arabes », les Tayyâyê.

Ce dernier vocable est attesté dès leIVème siècle, et nous le retrouvons dans le synodicon oriental nestorien qui a conservé la lettre de l’évêque de Nisibe à son catholicos, en 486, attestant de graves problèmes entre deux groupes tribaux arabes ayant entraîné une rencontre diplomatique sur la frontière entre les deux empires, afin de trouver un accord. Le règlement des affaires tribales ne put être obtenu, et les deux forces en présence durent en venir à la solution militaire18.
Les Arabes qui se battaient aux côtés de la Perse sont ici appelés Tu‘âyê, terme que l’on retrouvera plus tard, dans l’histoire d’Ahûdemmeh, et dans la Dispute entre ‘Amr et Yôhanân à Antioche. Ils s’agit évidemment des noms donnés par les sources externes syriaque, et s’ils semblent tous deux venir du même groupe tribal des Tayy19. Il ne fait aucun doute que déjà au tournant des Vème et VIème siècles, ces termes désignent tous les « nord-arabes », au-delà de la Nisba tribale.

La preuve la plus évidente de ce que j’avance est que jamais les auteurs syriaques ne parlent de ‘arabâyê lorsqu’ils décrivent les grandes invasions des années 630/10, la chronique du prêtre Thomas20 comme la chronique maronite pour 42/663 (dernière année prise en compte), utilisent le terme de Tayyâyê21.

On doit attendre la chronique anonyme d’un nestorien du Khuzistan, (vers 680), pour voir enfin une description du territoire des Tayyâyê.
Celui-ci se compose d’une certaine « capitale des Royaumes » à Hasor, peut être le Yemen, de Yathrib-Madina pour le Hijâz central ; de Dumat al-Jandal pour le nord du Hijâz ; de Khatt et des îles du Qatar pour le Bahraîn ; et la région de Mazûn, sans doute le ‘Uman22.

Mais le territoire des Arabes ne se limite pas à la péninsule. Il décrit une région qu’il est assez facile de reconnaître comme étant la province d’Arabie, « le territoire du peuple de Hagar, qui est riche en eau, palmiers et bâtiments fortifiés ». Il est évident que ceux qui se revendiquent de la sorte comme les fils de Hajar, rattachant ainsi leur généalogie à celle des fils d’Israël, sont bien le peuple des Ismaélites décrit dans la Bible, lequel peut être lié de façon cohérente aux habitants de la province d’Arabie (Transjordanie). L’abondance de l’eau et des palmeraies, caractéristique des régions septentrionales, le laisse penser. La présence d’une concentration de fortifications peut être associée au limes de la Strata Diocletiana, qui est alors passé sous le contrôle des Sufîanides. La deuxième région qui « appartient aux Tayyâyê » est celle du « territoire de Tawf et de la cité de Hîra, capitale du roi Mundhir le Guerrier », qui est donc le Sawâd euphratésien. C’est à cette dernière région que sont encore rattachés les peuples qui s’installent dans la Jazîra Méridionale, les Iyâd et Rabî‘a, tous deux « fils de Nizar »23.

2) Les peuples du Dîar Rabî‘a dans les sources arabes :

a) Les Banû Taghlib et leurs voisins :

Les Taghlib sont bien décrits par les Syriaques comme des « nord-arabes ». Ils sont les « Tayyâyê, vivant sous la tente, appelés Taglibâyê » selon les informations rapportées par Bar Hebraeus à propos de leur évêque, suffrageant de Marûtâ, métropolite jacobite de Takrît (v. 625-30/3-8)24. Et cela concorde avec leur place importante dans la poésie arabe et dans les introductions épiques aux déclamations de leurs shâ‘ir-s au cours des guerres de la « Jâhilîa et de l’Islâm».
Les Taghlib se qualifient d’enfants de Wâ’il b. Qasit, ce qui les associe à Bakr, son autre fils, lui-même serait l’arrière arrière arrière petit fils de Rabî‘a, et chaque échelon permet de les lier à d’autres clans et tribus présents en basse Jazîra à l’époque islamique classique. Les Rabî’a se rattacheraient ensuite à la lignée de Nizar, Ma‘ad, ‘Adnân, (les nord-arabes dans la généalogie classique)25. Il m’est impossible de déterminer le moment où ce lignage s’approprie la région par ce lignage étendu26. Le Dîâr Rabî‘a a une acception géographique mouvante, comme d’ailleurs le Dîâr Mudar, son voisin, car en réalité, avant de devenir des repérages spatiaux, il s’agissait d’une discontinuité de points de passage et d’oasis que se contestaient les deux grandes factions de la période umayyade. L’effort des géographes, louable, à lui trouver une capitale, qui se trouve être soit Nuçaîbîn, soit Mawçil27 nous induirait en erreur, puisqu’il se base sur les réalités du peuplement arabe en Jazîra des IXème et Xème siècles, avec des structuresadministratives complexes centrées sur les cités syriaques et les amçar28.

Il semble bien que parmi les trois groupes que l’historiographie arabe classique associe comme étant les « Arabes de Jazîra » qui ont rencontré les premiers Médinois, on puisse établir une répartition spatiale. Les Taghlib auraient été principalement installés sur le Khabûr et sur l’Euphrate moyen29. Les Iyâd b. Nizâr seraient positionnés entre Takrît et Anbar30. Les Namir b. Qasit, manifestement de fidèles vassaux des Taghlib parcourraient la région de Anbar, où se situerait leur évêque, lequel n’apparaît qu’une fois dans nos sources, en tant que collègue jacobite de Marûtâ, pour les années 65031. Il est bon de savoir à ce sujet, que la cité de ‘Ana et l’Euphrate moyen des Taghlib, constituaient un district du centre administratif sassanide de Shâdh Fîrûz Shâpûr (Anbar), et donc des Namir, ce qui pourrait indiquer une forte influence de ces derniers sur l’ensemble des Rabî‘a32. Néanmoins, les Iyâd ne sont pas considérés par les
généalogistes (nussâb) comme des Rabî‘a et Tabarî ne les place pas dans le même sub‘ (septième : secteur) de la Dâr al-Hijra de Kûfa, qui aurait été fondée, puis réorganisée par Sa‘d b. Abî Waqqâç, après la conquête de la Jazîra33. Les deux groupes ont néanmoins suivi un parcours migratoire comparable, ils possédaient un sanctuaire commun, dans le sud du Sawâd34. Bien qu’il soit très difficile d’évaluer la date de leur migration, si on ajoute foi à l’historiographie classique, à l’époque des conquêtes, ils sont déjà installés à l’entrée de la Jazîra, bien que Tabarî ait conservé une relation qui attribue à ‘Umar b. al-Khattâb leur installation dans la badîa qu’ils occupent à l’époque classique35. A ce sujet, les Iyâd b. Nizâr auraient immigré depuis le Yamama en transitant par Hîra et auraient été déportés à Takrît par « un des Chosroès »36.

b) La localisation des Banû Taghlib :

« Les localités des Taghlib étaient entre le Khabûr, l’Euphrate et le Tigre »37.

Tigre :

Khâlid b. al-Walîd, avant d’être appelé en Syrie au secours de Abû ‘Ubaîda, aurait fini sa razzia contre les Perses, en prenant contre les Taghlib, ‘Aîn Thamr, près de l’actuelle Baghdâd38.

On trouve donc des Taghlib à 15 farsakh (60 km) au nord de Takrît (une centaine de km au sud de Mawçil), dans une région nommé Al-Makhûl39, une bataille s’y déroula en 70/690 entre les Taghlib et les ‘Abd al-Qaîs regroupés dans le Yawm al-Kuhaîl40. C’est à cet endroit que l’on trouve le petit quçaîr du Dijla (Tigre), à un peu plus de 10 farsakh au sud de Mawçil, lequel correspondrait au « village de Daqla » syriaque qui tient lieu de siège d’un des évêques Taghlib vers 200/80041. Peut être « l’église (bay‘a) Mar Sarjis des Taghlib » mentionnée par AL-BUHTURΠ(286/898) doit-elle lui être associée42.

Les Taghlib résident aussi à cette époque sur le Tharthâr, une rivière intermittente, parallèle au Tigre, à une quarantaine de km à l’ouest, et qui se jette dans le Umm Rahal, ce vaste réservoir naturel à l’entrée de la « Babylonie »43. Tabarî témoigne également de leur position prédominante dans la défense de la cité de Takrît, aux côtés des shahârijâ44. Plus au nord, il se trouve encore le village de al-Ma‘ârik, entre al-Hadr (Hatra) et al-‘Atîq, « du territoire de Mossoul ».

Les monastères fréquentés par les Arabes chrétiens dans l’histoire de Ahûdemmeh seraient « Mar Mattaî (à 50km au N/E de Mawçil), […] et Kôktâ (entrée du Sawâd=‘Aîn Thamr) ainsi que la communauté des moines qui étaient dans la montagne de Shingar »45, l’actuelle bourgade de Sinjâr au pied de la montagne du même nom, laquelle est abondamment citée comme ville taghlibîa46.

Un peu à l’ouest de ce site coule du nord vers le sud, l’affluent euphratésien du Khabûr.

Khabûr :

Cette rivière prend sa source dans le piémont du Dîâr Bakr et abreuve la cité épiscopale de Dara, laquelle, à en croire les auteurs syriaques, est à la tête du diocèse des villages de ce cours d’eau47. Peu après, il rencontre à Al-Hasaka un affluent venu de la cité de Râs al-‘Aîn qui est réputée appartenir aux Namir48 et qui fut le théâtre d’une bataille relatée par Wâqidî49. Il traverse une région semi-aride, ou un « système de vallée-étendue désertique » a du être mis en place avec la population autochtone, selon le modèle construit par Donner50. Il y avait aussi de petits villages (qurayyât) le long du Khâbûr, peuplés de Taghlib durant la deuxième Fitna51. Ils y sont dits Hâdir, et habitent les chefs lieux des cinq districts de la rivière ; al-Sukaîr, al-Shamsânîya, Al-Çûwar, Mâksîn52 puis al-Fudaîn, à 7 farsakh, (30 km) au nord du confluent53.

Bar Hebraeus, dans son histoire ecclésiastique, ne réussit pas à donner un emplacement certain aux monastères fondés par Ahûdemmeh à ‘Ain Qenâyê. Il se situerait « au milieu du Bêth ‘Arabâyê », peut être Balad54, ce qui serait étonnant, puisque Marûtâ y fait ses études « au bord du Tigre »55.

Euphrate :

Khâlid b. al-Walîd se serait rendu, après ‘Aîn Thamr, à ‘Aqlât Hawra, ou se situe l’actuel barrage de la Hadîtha puis il aurait encore rencontré des clans de Taghlib à Al-Duhâ56. ‘Ana et Rawa sont une seule et même cité constituée de différents villages, un complexe sédentaire prééminent dans l’implantation Taghlib57. Peut-être également, s’agit-il du centre de leur évêché, comme certains géogaphes arabes le précisent58. ‘Umaîr b. Sa‘d , selon Balâdhurî, associe dans sa conquête des « forteresses de l’Euphrate », aussi bien le complexe des « ‘Anât », que la cité de Sâ’ir59, dont semble traiter l’histoire de Marûtâ, comme principaux centres des « peuples » (‘ammê) qui apprécient la fondation du monastère de ‘Aîn Gagâ60.

Sur la rive intérieure (gauche) de l’Euphrate, entre Abû Kamâl et Qarqîsîa se situe un monastère taghlib. Selon les dires du poète Al-Akhtâl, Daîr Lubaba ou Lubna serait devenu un campement important61. Peut être le monastère consacré à Mar Sargis et fondé par Marûtâ au nom de ‘Aîn Gagâ lui correspond-il ; il affirme en effet qu’il profite surtout aux habitants des « castra qui sont au milieu de l’Euphrate »62, même s’il est aussi précisé près d’une source63).
De l’autre côté à 80 km à l’ouest du confluent, un hâdir Taghlib est mentionné par Al-Akhtâl, peu avant Al-Raqqa, et pourrait correspondre au site de Bishr, où se déroula une bataille décisive pour les Rabî‘a contre les Mudar de Al-Jahâf64.
Peu après, en descendant l’Euphrate, le voyageur traverse le site de Al-Faîyûm, dans le voisinage de Hit, où les Taghlib se virent capturer leur cheptel de chameaux65.

3) Une identité arabe… ou syro-euphratésienne ? :

a) La question nomade :

Il est tentant d’associer l’organisation socio-politique, qualifiée de tribale, et l’activité
économique nomade, étant donnée la vision complémentaire des sources syriaques (qui en traitent de façon imprécise et externe), et des sources épiques arabes (qui les relient en exclusivité à la « kulturnation »66 arabe par le nasab). Pourtant, ils ne vivent pas en autarcie vis-à-vis de la population « autochtone » syrianophone67.
Tout d’abord, les évêques tribaux sont également souvent chasés dans une cité syriaque ou arabo-syriaque, des madînâtâ d-‘ammê/da-tayyâyê68. De plus, la structure d’une « vallée d’oasis étendue en milieu désertique » implique une complémentarité extrême avec la population locale. Car si l’élément nomade du groupe tribal reste attaché à des valeurs particulières, au gré des épisodes de sécheresse, une partie du groupe finit par s’installer et se mêle à la population locale. Inversement, les nabat de l’Euphrate sont eux-mêmes dépendants économiquement, et dans la situation du deuxième tiers du VIIème siècle, également politiquement, des « états tribaux »69.

Lorsque Khâlid b. Walîd obtint la reddition de la cité de Hîra, il aurait été surpris de constater cette fusion ethnique, et le khabar qui relate l’évènement, le met en scène interrogeant le seigneur de la ville, sur cette identité étrange : « Nous sommes des nabat arabisés, et des ‘arab « nabatisés » lui aurait-il répondu70. (Le terme nabat qualifie précisément la population syro-araméenne du croissant fertile et en aucune manière de quelconques « nabatéens »71).

Cet akhbar relève néanmoins d’un contexte marwânide et d’une tardive image de l’arabité72. On apprend au cours des Ayyâm Taghlib-Qaîs, que, lors de la bataille de Al-Hashshak, les Bâdîa (nomades) de Taghlib n’accompagnèrent pas les Hâdira73. Enfin, les informations juridiques collectées par Balâdhurî sur la question de la taxation des Arabes de Jazîra, précisent que les Taghlib sont « des gens de labour et de Mawâsh (transhumance) », ce qui implique évidemment que l’identité de la tribu est aussi bien agraire que pastorale. Ils avaient ainsi des champs (hurûth) autant que du bétail, les sources syriaques l’attestent également, ainsi que l’archéologie74. Et même si les deux communautés sont distinctes, elles sont désignées sous la même appellation tribale75. On les taxe ainsi sur la « terre (’ard) et le bétail (Sâ’ima) »76.

L’archéologie nous informe a contrario d’un évident mouvement de « bédouinisation »,
puisque entre les phases « Dubay‘a » (IIIème–Vième siècles) et « Câlih » (1er/7ème-3ème/IXème siècles), établies par Bernbeck dans son étude sur le complexe de rivières intermittentes du ‘Ajîj77, (parallèle au Khabûr, frontière irak-syrie). Il observe un doublement du nombre d’établissements intermittents (donc nomades) par village sédentaire (un rapport de 3,3 à 6), et une transformation de la vaisselle pour un usage plus « stationary »78. L’archéologue associe cette évolution à l’installation des Banû Taghlib dans la région79 ; les cartes qu’il établit ensuite révèlent également une modification sensible des emplacements de villages permanents80. Au sud des cités de Râs ‘Aîn, Dara et Nuçaîbîn, une autre étude révèle le désagrégation des structures sédentaires dans une région propice à l’agriculture extensive81.

b) Les liens avec la Kulturnation :

Les Taghlib sont toutefois liés aux tribus méridionales, non seulement dans le Sawâd, leur pays d’origine, mais également dans le Hijâz, puisqu’au moins un de leurs clans a conclu une alliance matrimoniale avec le clan de Al-Khattâb, père de ‘Umar, à l’époque de la « Jâhilîa »82. Selon le Kitâb Al-Açnâm de AL-KALBÎ (m. 204/819) les Taghlib, en dépit de leur conversion au christianisme, sont bien intégrés à la « kulturnation »
83 des Arabes. Ils respectent les lois d’Abraham (dîn Ibrâhîm), « comme les Quraîsh », et font le pèlerinage au Baît, observent le Minâsak84, pratiquent l’hospitalité et surtout respectent les mois Muharram, la trêve sacrée85.
Pourtant, il ne fait aucun doute que Ibn al-Kalbî écrit sous un double spectre, celui d’une société arabe unifiée, ce qui diverge totalement de la description de l’anonyme du Khûzistan, et celui également d’une acception abrahamique des Arabes, ce qui est loin d’être avéré, d’autant que les jacobites soucieux de leur conversion à la Loi Biblique n’y font jamais allusion.
Ainsi, Ibn Ishâq, dans ses Maghâzî signale un sanctuaire « païen » à Sindad appartenant aux Bakr et Taghlib b. Wâ’il86. Situé entre al-Hîra et al-Ubulla (Baçra), il pourrait aussi s’agir d’« un palais où les Arabes se rendaient en pèlerinage »87. Il pourrait correspondre à la Ka‘ba citée à Sindad pour les Iyâd qui serait, non pas un lieu de culte, mais une salle de majlis tribal, ou « d’un monument célèbre ». Al-Içfâhanî, parle lui d’une idole commune des Bakr et des Iyâd88. Mais pour Al-Ya‘qûbî, ce qui spécifiait les Rabî ‘a et les Iyâd, était qu’ils possédaient une Ka‘ba à Sindad89. Et le Dieu de ces Arabes de Mésopotamie était un certain Dhû al-Ka‘ba, « celui du sanctuaire ». Le peuple arabe du Sawâd avait sa propre structure liturgique et son propre Dieu unique ; il était ainsi, sinon monothéiste, au moins monolâtre, près à l’évangélisation.

1. DONNER, Narratives, p. 108
2. R.GYSELEN, La géographie administrative de l’empire sassanide : les témoignages sigillographiques, Paris, 1989, p.69
3. R.DUSSAUD, La pénétration des Arabes en Syrie avant l’Islam, Paris, 1955, p. 234 ; p. 87-90 et p. 147-157
4. M. C. A.MAC DONALD, « « Les Arabes en Syrie », or « La pénétration des Arabes en Syrie » . A question of perceptions ? », in Topoi, supplément IV, La Syrie hellénistique, Paris, 1990, pp. 303-318 ; p. 30515
5. MAC DONALD, Les Arabes en Syrie, p. 308
6. TRIMINGHAM, Christianity, p. 150
7. C. FLAVIUS IOSEPHUS-A.D’ANDILLY-J.A.C. BUCHON, La guerre des juifs contre les romains, Paris, 1968, 320pp ; P ; 16-7, 23, 34-5, 42-3, 45, 49, 61, 83, 109, 226, 255, 304 // voir ce qu’en dit MAC DONALD, Les Arabes en Syrie, p. 314
8. Ce phénomène dépasse la géographie scientifique, en effet, C. Iulius Caesar, appela les territoires qui prolongeaient ce que les Romains avaient coutume d’appeler la Gaule (cisalpine et transalpine) du même nom ; et plus récemment, les francs de Gaule prirent l’habitude d’appeler l’ensemble des peuples de l’est germanophone du nom de leurs voisins les plus directs, les alamans d’Alsace et de Bade…
9. Chr. J. ROBIN, « Himyar et Israël », in Comptes rendus des Séances de l’année 2004, avril-juin, Paris, 2004, pp.831-908 ; p.853
10. Chr. ROBIN, « Les plus anciens monuments de la langue arabe », in RMMM, 61, L’Arabie Antique de Karîb’Il à Muhammad ; nouvelles données sur l’histoire des Arabes grâce aux inscriptions, p. 117, Paris, 1991
11. G.E. VON GRUNENBAUM, “The nature of arab unity before islam”, in Ashgate-Variorum, Arabs and Arabia on the eve of islam, n°3, 1999, pp. 1-17; p.16
12. ibid. p.17; ISFAHÂNÎ, K. Al-Aghânî, XII, p.47
13. M. SA‘ÎD, Al-Nasab ûa al-Quraba fî « al-mujtama‘ » al-‘arab qabal al-Islâm, dirâsa fî al-jadhûr al-tâ’rîkhîa li-l-Ilâf, Beyrouth, 2006, 622 p., p.426-8
14. CORAN , IX, 91, 121; IX, 98, 102; IX, 99 ; XLVIII, 11; XLIX, 14; voir aussi à ce sujet S.BASHEAR, arabs and others, p.8-9
15. CORAN, III, 158, XLVI, 3
16. ibid., XII, 2 XX, 113 ; XXVI, 195 ; XLIII, 2, XLI, 2, 44 ;XVI, 105 ; XIV, 2 ; XXXIX, 29 ; XLII, 5 ; XXXIV, 43 ; XLVI, 11 ; VI, 157 ; XIII, 37 ; IV, 50 ; XXII, 78 ; 17
17. HOYLAND, seeing, p.161 et p.122-3 (Jacques d’Edesse et Gabriel de Qartamîn)
18. J. B. CHABOT, Synodicon Orientale, Paris, 1902, p.532
19. …mais pourrait être également un qualificatif de mode de vie, puisque la racine TA’-TWY désigne en arabe le pâturage, ou le mouvement transhumant, un TÂ’Î au participe actif pourrait donc signifier “un bédouin”
20. A.W.BROOKS, éd. J-B CHABOT, chronicum miscellaneum ad annum 724 pertinens, in chronica minora, CSCO, III, 42, Paris 1904, pp.61-119; p.119
21. Chronicon Maroniticum, éd. E.W. BROOKS et trad. J. B. CHABOT, Paris, 1904;in Chronica Minora II, CSCO, 3-4, p.69-74 ; HOYLAND, Seeing, p. 136
22. Chronicon Anonymum, éd et trad I. GUIDI, in Chronica Minora, I, CSCO 1-2, Paris, 1903, p. 38
23 id.
24. BAR HEBRAEUS, Gregorius Abû-l-Farâj b. Al-‘Ibrî, Chronicon Ecclesiasticum, ed et trad. J. B. ABELOOS et T. J. LAMY, Paris-Louvain, 1872-7, III, p.123-4.
25. CASKEL, Gamharat al-Nasab, Das Genealogische Werk des Hisâm Ibn Muhammad al-Kalbî, Leiden, 1966, p.483
26. le débat est très intense parmi les islamisants.
27. AL-MUQADDASÎ, Ahsan al-Taqâsîm fî ma‘rifa al-Aqâlîm, Leiden, 1877, p.137
28. Ch. F. ROBINSON, Empire and elites after muslim conquest, the transfomation of northern mesopotamia, Oxford, CUP, 2000, XV-208, p.42
29. infra, p. 19-22
30. AL-YA’QÛBÎ, Ahmad b. Abî Ya‘qûb, Ta’rikh, Leiden, 1883, I, 258
31. MICHEL le SYRIEN, éd. et trad. J. B. CHABOT, Chronique de Michel le Syrien, patriarche jacobite d’Antioche, 1166-1199, Paris, 1901 ; II, p.416/ IV, p. 413;
32. A. NORTHEDGE, A.BAMBER, M.ROAF, « Excavation at ‘Âna”, in Archeological reports-1, Warminster, 1988, xi-145-XVI-18p.; p.8
33. AL-TABARÎ, Muhammad b. Jarîr, Ta’rîkh al-Rusul wa al-Muluk, Leiden, 1879-1901 ; I, 2495 : les Taghlib sont dans la cinquième section avec les Asad, Ghatfan, Muharib, Namir, et les Dubay`a et constitueraient un pur groupe « Rabî‘a » ; les Iyad quant à eux sont dans la sixième section avec les ‘Akk, ‘Abd al-Qays, Ahl al-Hajar, et les Hamrâ’ constituant un pur groupe « Nizar ».
34. YÂQÛT, Ibn ‘Abd Allah al-Rûmî, Mu‘jam al-Buldân, Leiden-Londres, 1907-13 ; III, p.582// IBN AL-KALBÎ, Hishâm b. Muhammad, Kitâb al-Açnâm, p. 39 // IBN HISHÂM, ‘Abd al-Malik, Al-Sîra al-Nabawîa, Beyrout, nombreuses rééditions ; I,p.57
35. TABARÎ, Ta’rîkh, I, 2483
36. AL-YA‘QÛBÎ, Ta’rîkh, I, 25820
37. IBN AL-ATHÎR, ‘Izz al-Dîn, Al-Kâmil fi-l-Ta’rîkh, Beyrout, 1965; p.IV, p.310
38. ABÛ YÛSUF YA‘QÛB, Ibn Ibrâhîm, Kitâb al-Kharâj, Beyrout-Le Caire, 1985; p.85-7 ; YA‘QÛBÎ, Ta’rîkh, II, 150, AL-BALÂDHURÎ, Ahmad b. Yahîa, Kitâb Futûh al-Buldân, Leiden, 1866, p.110
39. AL-ICFAHÂNÎ, Abû al-Farâj, Kitâb al-Aghânî, Le Caire, 1984 ; XI, p.58
40. IBN AL-ATHÎR, Al-Kâmil, IV, p.318-9
41. MICHEL-CHABOT, III, 451-2/753
42. AL-BUHTURÎ, Diwân, Le Caire, 1963, I, p.108
43. AL-ICFAHÂNÎ, Aghânî, XI, p.62
44. TABARÎ, Ta’rîkh, I, 2475
45. DENHA-NAU, Histoires, p.27-8
46. YÂQÛT, Ma‘jâm, IV, 491
47. MICHEL-CHABOT, III, 451-2/IV, 753 et IV, 273 et II, p.475
48. YÂQÛT, Ma‘jâm, V, p.300
49. AL-WÂQIDÎ, Muhammad b. ‘Umar, Futûh Al-Jazîra, (Libri Wakedii de Mesopotamiae expugntae historia, 1827), Damas, 1996 ; p. 49-64 et 135-6.
50. F. M. DONNER, « The role of nomads in the Near East in Late Antiquity (400-800) », in Tradition and innovation in Late Antiquity, éd. F. M. CLOVER et R. S. HUMPHREYS, Madison, 1989, p. 73-85; p.74-5
51. AL-ICFAHÂNÎ, Aghânî 1, XX, 127
52. IBN KHURDADHBÎ, ‘Ubaîd Allah b. ‘Abd Allah, Kitâb al-Mamâlîk wa-l-masâlîk, Leriden, 1889 ; p.74
53. IBN AL-ATHÎR, Al-Kâmil, IV, p. 256
54. DENHA-NAU, (anonyme de 936), trad. F. NAU, Histoires d’Ahûdemmeh et de Marûtâ, métropolitains jacobites de Tagrit et de l’Orient (VIème et VIIème siècles), in PO, III, Paris, 1909 ; pp. 29 // WRIGHT, Catalogue of Syr. Ins., p.51, 57-8 et 111 note des monastère de St Serge dans la région de Balad, voir aussi BAR HEBRAEUS, Ecclesiasticum, II p. 503.
55. ibid. p.64
56. ABÛ YÛSUF, Kharâj, p.85-7 ; YA‘QÛBÎ, Ta’rîkh, II, 150 ; AL-BALÂDHURÎ, Futûh, p.110
57. MUSIL, Middle Euphrate, p.301
58. NORTHEDGE, Excavation, p. 8
59. BALÂDHURÎ, Futûh, p. 250
60. DENHA-NAU, p.85, « au milieu » de « la Jazîra » « entre le Tigre et l’Euphrate »
61. YÂQÛT, Mu‘jâm, II, p. 599 et 690
62. DENHA-NAU, Histoires, 88 et Nau en note se demande s’il ne veut pas dire par là qu’il est situé dans ces îles, d’autant que Gozartê (la Jazîra) et Gozartâ (L’île) ont le même ductus
63. ibid. p.86 finalement peut être s’agit-il du même monastère que celui de Kôktâ mentionné p. 29
64. YÂQÛT, Mu‘jâm, I, p. 506
65. TABARÎ, Ta’rîkh, I, 2245
66. GRUNENBAUM, Arab unity, p.1
67. JALABERT, Hommes et Lieux dans l’Islamisation de l’espace syrien (Ier/VIIè-VIIè-XIIIè siècles), dir. Fr. MICHEAU, Paris, 2004, p. 497 ; p.48
68. MICHEL-CHABOT, III, p. 451-2 / IV, p.753 et déjà Anbar dans CHABOT, Synodicon, p. 321 en 544.
69. DONNER, Nomads in near east, p. 76 et 81-223
70. TRIMINGHAM, Christiannity, p. 147, AL-MAS‘ÛDÎ, Abû al-Hasan ‘Alî b. Al-Hûsaîn, Murûj al-Dhahab wa a‘adîn al-Jawahir, éd PELLAT, Paris, 1918 ; I, p.118, ABÛ YÛSUF, Kharâj p. 109 : nabat
71. TRIMINGHAM, Christianity, p.146, cité en particulier par Abû Iûsuf p. 109
72. infra, p. 58-64
73. ICFAHÂNÎ, Aghânî, XI, p. 62
74. On sait en particulier que les amphores à huiles, spécifiques du Shâm, ne se retrouvent guère dans les fouilles jazîriennes, ou le saman, beurre rance donc issu de l’élevage est conservé dans des outres en cuir ; voir à ce titre J.-P. SODINI, E. VILLENEUVE , “Le passage de la céramique byzantine à la céramique umayyade en syrie d Nord, en Palestine et en Transjordanie”, XIX, in . La Syrie de Byzance à l’ Islam ; pp. 195-213; p. 199
75. LECKER, EI : TAGLIB.
76. BALÂDHURÎ, Futûh, p. 182/p. 250 ; C. F. ROBINSON, “Tribes and nomads in early islamic northern Mesopotamia”, p.431
77. R.BERNBECK, “Settled and mobile population in the southern Gazira (3rd through 9th centuries a.d.)”, in Continuity and Change in Northern Mesopotamia from the Hellenistic to the Early Islamic Period, (colloque dirigé par Held de 1994, ed. Bartl, K et Hauser, S. R, in Berliner Beiträge zum Vorderen Orient, XVII, Berlin, 1996 p. xi-452-8 ; p.401-14 ; p.402
78. ibid. p.404
79. ibid. p.407
80. ibid. p.413-4
81. B. LYONNET, “Settlement pattern in the upper khabûr (N-E Syr.) from the achaemenids to the ‘abbâssid period : methods and preliminary results from a survey”, pp. 349-61, p. 361
82. SA’ÎD, Ilâf p. 426-8
83. GRUNENBAUM, arab unity, p. 1
84. rite et emplacement du sacrifice et de la piété
85. IBN AL-KALBÎ, Kitâb al-Açnâm, p. 45
86. IBN HISHÂM, Sîra, p. 57
87. YAQÛT, Ma‘jam, III, p. 582
88. ICFAHÂNÎ, Aghânî, XX, p. 23
89. TABARÎ, Ta’rikh, I, p. 254