Procès à Tambacounda

Nous reprîmes alors notre route, et vers onze heures nous gagnâmes une ville murée, appelée Tambaconda, où nous fûmes bien reçus. Nous y passâmes quatre jours, à cause d’un procès dont je vais raconter le sujet.

Modi-Lemina, l’un des slatées qui faisaient partie de la caravane, avait précédemment épousé une femme de cette ville, dont il avait eu deux enfants ; il était allé ensuite dans le Manding et y avait passé huit ans, sans donner de ses nouvelles à la femme qu’il avait laissée. Celle-ci, n’espérant plus de le voir revenir, avait, au bout de trois ans, épousé un autre homme, dont elle avait eu pareillement deux enfants. Lemina, de retour, réclama sa femme ; mais le second mari refusa de la lui rendre, s’appuyant sur ce que, par les lois de l’Afrique, lorsqu’un homme avait été trois ans éloigné de sa femme sans lui faire dire s’il était vivant ou mort, la femme était libre de se remarier. Toutes les circonstances ayant été mûrement pesées par une assemblée des chefs, on décida que la femme aurait le choix de rester avec son second mari ou de retourner avec le premier, comme elle le jugerait à propos. Quelque favorable que fût à la dame ce jugement, elle trouva quelque difficulté à se décider et demanda du temps pour y réfléchir. Je crus remarquer que les premières amours auraient l’avantage. Lemina, il est vrai, était un peu plus âgé que son rival, mais il était aussi beaucoup plus riche. Je ne prétends pourtant pas déterminer de quel poids cette circonstance pouvait être dans l’affection de sa femme.