Vie d’Ahudemmeh de Balad (v. 525-575), APOTRE ET MARTYR des ARABES en MESOPOTAMIE, v. 708, texte copié en 936

Par l’arrivée de Notre-Seigneur Jésus-Christ parmi les hommes et par la naissance glorieuse du Dieu puissant, notre Sauveur et notre Vivificateur Jesus le Messie, par sa venue du ciel sur la terre pour notre salut, la race de l’homme terrestre a été enrichie de beaucoup de dons que la bouche des mortels ne peut raconter, comme elle ne peut rendre grâce au donateur qui s’est réduit à néant, el a pris apparence d’un serviteur, Selon la parole du bienheureux Paul pour nous délivrer de la servitude de Satan. II s’incarna et naquit de la Sainte Vierge, pour nous orner de pureté et de sainteté. Il l’a enveloppé de langes et place dans une humble creche pour nous exalter et pour détruire l’orgueil des démons.

II grandit dans une pauvre maison pour nous enrichir — nous qui sommes pauvres — de sa pauvreté. II fut circoncis et offrit le sacrifice pour nous délivrer de la servitude de la chair et du péché. II fut baptisé dans le fleuve du Jourdain afin de sanctifier les eaux pour la rémission de nos fautes.

II fut tenté par le démon pour nous faire reposer en paix (loin) – des passions mauvaises et funestes. II monta providentiellement pour nous sur la croix, arracha ainsi radicalement le bois de la transgression d’Adam et planta, à sa place, la croix de la victoire. En dépouillant sa chair, il dévoila les chefs et les dominateurs de ce monde ténébreux. II entra chez les morts pour prêcher aussi une joyeuse espérance aux âmes qui s’y trouvaient. II ressuscita du tombeau le troisième jour et nous ressuscita avec lui dans la gloire. Il envoya son esprit dans les cœurs de tous les peuples pour les appeler à l’adoration de la croix, et voilà que depuis lors la terre entière se réjouit dans la connaissance de la vérité.

Le bon maitre ne nous abandonna pas ainsi, mais, de génération en génération, il nous suscita ses saints, hommes courageux, qui servirent

Dieu de tout leur cœur et chassèrent, par leurs actions remarquables, toute l‘obscurité de la nuit qui est l’œuvre du mal. Ils préparèrent devant nous la voie dans laquelle nous marcherons pour arriver au sentier de la justice; de corporels nous deviendrons spirituels, de terrestres nous serons enlevés aux cieux, notre service (notre cite) sera dans le ciel, selon la parole de l’Apôtre, et nous chercherons les choses d’en haut et non Celles de la terre. L’un de ceux-là, qui (préparaient) cette voie qui mène et conduit au ciel, est saint Mar Ahoudemmeh, dont je crains d’aborder l’histoire parce que sa conduite est élevée, sa beauté est grande et il est admirable par ses actions spirituelles et divines. Les paroles dites par le Dieu de l’univers à saint Moise me conviennent très bien : « Quitte tes souliers, parce que le lieu où tu es est saint ! »

Moi aussi, humble, faible et indigne, je crains et je tremble de m’approcher des illustres actions de cet homme remarquable. Et je n’entreprends pas, humble que je suis, d’énumérer et de raconter complètement une histoire illustre et divine, mais je veux seulement placer devant vous aujourd’hui une petite particule et quelques étincelles des grandes actions de Saint Mar Ahoudemmeh; surtout parce que j’ai vu l’empressement de votre piété et comment vous honorez avec grande diligence tous les saints de Dieu et cherchez à imiter leur vertu qui surpasse la nature. Vous accomplissez en cela le précepte apostolique : Souvenez-vous de vos chefs, (de) ceux-qui vous ont annoncé la parole de Dieu. Et moi, petit et pauvre, qui n’ai même pas l’une des qualités nécessaires à ce remarquable travail, je veux m’occuper devant vous de saint Mar Ahoudemmeh, qui a reçu comme Paul et Pierre la couronne de la vocation d’en haut, qui a été grand et louable par sa mortification et qui a place parmi les martyrs du Messie ; il surpasse par là tous les artifices de la rhétorique et il montre combien celui qui le loue est pauvre et dénué de qualités solides.

Car sa conduite aussi, comme (celle de) Paul qui était une arme, fit de ses membres une arme de justice pour Dieu et il s’écria aussi en apôtre :

Le monde est crueiße d man e(/anl el je le suis de la même manière à l’égard du monde-; et : ce n’est plus moi qui m vis, mais le Christ vit m moi, rette rie que nous vivons dans hi r/iuir, nous hi vivons dans la foi du Fits de Dieu \ Il marche, immuablc, dans la lumiere de la verite <iui est le Christ”, et il veut que uous moutrions aux hommes rcclat de ses actions, selon la parole magistrale du Christ qui dil : Quaiid votre lumiere hrillera devant les hommes, ils rerronl ros honnes artions el ils l„urront votre Vi’re qui est dans le eiel\ Mais au sujct de ce bienlicureux Mar Ahoudemmeh, dout nous racontons ccs porfcctions. il nous faut encore vous incliquer soii pays, sa famille et sa ville, afin que son moritc eii soit augmentc et que son Maitre soit loiie et exalte.

Ce saint Mar Ahoudemmeh était du Bêth ‘Arabayê de la ville de Balad et fils d’infideles. Des sa jeunesse, il fut nourri dans les livres divins ; quaud il arriva à l’âge mür, et qu’il fut accompli par l’esprit aussi bien que par le corps, le temps arriva pour lui de separer la lumiere de la vraie foi de l’obscurite et de l’erreur du mal, pour que la richesse fut tiree de la pauvrete et que le doux sortit de l’amer, et un agreable parfum de la corruption et de la puanteur diabolique, nous voulons dire de se separer de toute cette folie sans foi qui est un scandale theologique et enseigne deux natures apres l’union ; il oublia le passé et progressa devant lui. Son esprit s’illumina dans la doctrine du Seigneur, il préféra vivre dans la persecution avec Ig peuple de Dieu, plutot que de se delecter peu de temps dans le peché ; il pensait que la richesse de l’opprobre du Christ remportait siir Ics tresors passagers de ce inondé. Il se retira et méprisa ses parents, sa famille et en même temps le monde entier, il marcha allegrement à la suite du Messie parce qu’il aparrut clairement et vit que ce monde passager n’est rien, que sa richesse ne demeure pas, et que son pouvoir ne subsiste pas. Selon la parole de saint Paul, sa renommee parvint a toute cette terre Orientale ; pour la régularité de sa conduite, pour sa piété, pour son abondante charité envers tous les hommes, il fut appelé par la grâce de Dieu qui scrute les choses cachees, juge les choses futures et connait tout par avance, et il fut fait évêque dans le Bêth ‘Arabayê, et en meme temps metropolitain.

Oh! L’homme admirable ! Oh! la  beauté sans limite qui était cachée dans ce saint homme et qui resplendit et s’acheva par la descente du Saint-Esprit ! Quand il eut van le don de perfection (l’épiscopat) du pontife qui le consacra et du saint Evangile du Messie, il désira vivement souffrir pour le Messie et marcher sur les traces des saints Apôtres. Quand il eut scrute les préceptes du Christ, il trouva beaucoup de choses qu’il avait enseignees et recommandées à ses saints Apötres et surtout : Allez, enseignez et baptisez toutes les nations et cette sainte parole qui fut dite au chef des Apôtres : Pais mes brebis ; et quel est le serviteur fidèle et sage pour que son maître etablisse sur ses domestiques afin qu’il donne la nourriture en son temps à ses serviteurs ; et ces talents que le maitre a donnes à ses serviteurs et dont il leur a demande les interêts il prit sur lui la croix du Christ qui est une arme de victoire et il sortit à la recherche des brebis errantes qui servaient de nourriture aux animaux sauvages parce qu’elles n’étaient pas entrées dans le bercail du Christ et qu’elles étaient tombées dans la boue putride de l’adoration d’idoles sans vie.

Il y avait beaucoup de peuples entre le Tigre et l’Euphrate dans le pays qui est appelé Gezirtâ ; ils y demeuraient sous des tentes et etaient barbares et homicides ; ils avaient de nombreuses superstitions et étaient le plus ignorants de tous les peuples de la terre jusqu’au moment où la lumière du Messie vint à luire pour eux.

 Depuis longtemps, ce saint brûlait d’un divin zèle à leur egard et voulait jeter en eux le feu du Messie dont il est dit : Je suis venu jeter le feu sur la terre et je désire seulement qu’il s’allume, il vovait qu’ils étaient mauvais ; leur langue était diflicile ; ils étaient barbares et meurtriers.

Quand il fut rempli de la grâce de Dieu, de l’épiscopat qui lui fut conféré avec le saint Esprit, il se consacra complètement à suivre l’image divine pour ramener ce (peuple) de l’erreur des démons à la lumière admirable de la connaissance de la vérité. Lorsque le saint Mar Ahoudemmeh s’engagea dans cette voie apostolique, il appela Dieu à son aide, lui qui promet grande puissance aux êvangélisateurs. Il supplia aussi la troupe des Apôtres de prier Dieu avec

Lui pour (sa) prédication en rappelant le psaume lxvii, que le bienheureux David comme au nom d’un apôtre récitait ainsi Deus misereatur nostri avec le reste du psaume. C est avec à-propos et convenance que les saints Apôtres ont chanté ce saint cantique, pour demander ainsi à Dieu d’être avec eux et de les aider dans la prédication de l’Evangile, afin qu’ils connaissent les voies du Seigneur et que les nations soient délivrées des ennemis spirituels que Notre- Seigneur dévoila en livrant sa chair, selon la parole du bienheureux Paul

Quand il eut commencé ce psaume et qu’il eut versé une terre aride et affligée qui manquait d’eau les torrents spirituels de la prédication évangélique, l’esprit des (barbares) commença à s’éclairer par la remarquable doctrine de saint Mar Ahoudemmeh, qui était enchaîné dans le véritable amour divin.

Les démons qui étaient adorés par les peuples barbares comprirent aussitôt que leur puissance passait, que leur culte disparaissait, que la lumière régnait, que les ténèbres se dissipaient. Ils commencèrent à organiser la guerre contre saint Mar Ahoudemmeh avec puissance et force. Ils lui apparaissaient nuit et jour, se plaignaient de lui, lui disaient « Qu’y a-t-il entre nous et toi, ô saint de Dieu ? Tu n’as pas de pouvoir ici ».

Ce saint Mar Ahoudemmeh les chassait comme des mouches. Comme il chantait constamment des psaumes et plus particulièrement le lxviii et disait Que Dieu se lève et que tous ses ennemis soient dissipés, etc., il détruisait les temples de leurs sacrifices, et brisait les idoles qu’ils contenaient. Il y avait des campements arabes qui lui résistaient, ne le laissaient pas approcher et n’écoutaient pas sa parole. Eloigné d’eux, il priait Dieu avec instance, et les pierres auxquelles ils donnaient les noms de leurs dieux sourds étaient brisées.

Dieu opéra parmi eux beaucoup de signes et de prodiges par le moyen du saint il expulsait les diables, purifiait les lépreux, guérissait les malades, chassait par sa prière les verges de la colère (divine), mais ils fuyaient devant lui, comme devant un persécuteur.

Un jour qu’il les suivait et qu’ils ne le laissaient pas approcher de leur camp, mais allaient à sa rencontre avec des pierres et le chassaient pour ne pas le laisser approcher et ne pas entendre ses paroles, il fut rempli d’affliction à leur égard à cause de leur cruauté et de la dureté de leur cœur ; il y avait une semaine qu’il n’avait pas pris de nourriture; comme c’était le soir, il s’agenouilla devant Dieu et dit « Seigneur Dieu tout-puissant, miséricordieux, plein de bontés et de grâce, toi qui as étendu ton filet vivifiant sur tous les peuples et as arraché tout le monde à l’abîme des maux, ramène aussi, dans tes miséricordes, les âmes de ces barbares de l’erreur des mauvais démons à la connaissance de la vérité ». Quand le bienheureux eut termine sa prière, un ange du Seigneur lui apparut sous l’aspect d’un moine, il le releva et lui dit :

 « Prends confiance, Ahoudemmeh, et ne crains pas. L’œuvre que tu as commencée se terminera dans la joie, les barbares t’écouteront et ils travailleront comme des bœufs sous le joug doux et léger de Notre-Seigneur ».

Quand l’ange eut termine, saint Mar Ahoudemmeh fut rempli de joie et d’exultation; il se coucha à terre et reposa un peu. Cette même nuit, un malin démon s’empara de la fille du chef de ce campement et l’agita durant toute la nuit. Au matin, ils prirent la jeune fille et l’amenèrent à saint Mar Ahoudemmeh. Ils lui dirent « Si tu es en vérité le serviteur de Dieu, impose la main à cette jeune fille, et elle sera guérie ». Saint Ahoudemmeh se leva, lui imposa la main, et le démon sortit en criant et en murmurant contre lui, et il disait « Que te donnent ces barbares, pour que tu t’occupes ainsi d’eux? » Et ils furent dans l’admiration tous ceux qui avaient vu et entendu le prodige que Dieu avait fait par l’entremise de saint Mar Ahoudemmeh; ils furent saisis d’une grande crainte et dirent « C’est un ange que Dieu nous a envoyé, et nous ne le connaissions pas ».

 Ils se prosternèrent devant lui, le prièrent et lui dirent :

« Nous t’en prions, Seigneur, pardonne-nous la faute que nous avons commise contre toi en ce jour, nous ne savions pas ce que nous faisions entre dans le campement de tes serviteurs et accomplis la vo.lonté de Celui qui t’a envoyé vers nous ». Le saint ne cherchait, ne demandait et ne tendait qu’à les laver dans les saintes eaux du baptême et à les compter dans le troupeau du Messie. Il entra dans leur camp et il y eut joie en ce jour saint Mar Ahoudemmeh se réjouissait d’avoir trouvé la dixième pièce de monnaie qui était perdue et les autres étaient heureux d’être honorés de la vue de l’homme de Dieu. Comme il purifiait et délectait leurs pensées parles douces paroles du Saint-Esprit pour les rendre dignes du saint baptême, ils lui dirent, comme l’eunuque à Philippe.

« Voici de l’eau, qu’est-ce qui empêche de nous baptiser ? »

Il ouvrit aussitôt, au milieu de leur camp, la source de la vie nouvelle, c’est-à-dire le baptême symbolique, et il commença à baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, symbole de la Trinité sainte et adorable par-dessus tout.

Il s’appliquait, avec grande patience, à passer par tous leurs campements il les instruisait et les enseignait par de nombreux discours. Et ce n’est pas seulement les enseigner et les instruire qui était pénible à saint Mar Ahoudemmeh, mais il endurait et supportait de nombreuses souffrances de la part du froid, de la chaleur, des chemins difficiles et déserts et des eaux amères que l’on y trouvait; il ne cessait cependant pas son jeûne parfait, ses prières et ses veilles. Il réunit par son zèle et fit venir des prêtres de beaucoup de pays par de douces paroles et par ses dons il les suppliait et les flattait pour établir dans chaque tribu un prêtre et un diacre. Il fonda des églises et leur donna les noms des chefs de leurs tribus, afin qu’ils les aidassent dans toute chose ou affaire dont elles auraient besoin. Il consacra des autels, les mit dans les églises, il s’occupa de toute chose et affaire qu’il fallait pour l’église, il les acheta et les lit venir, ce qui est juste, beau et convenable pour un évêque de vérité.

 Il attacha ensuite leur cœur à toutes les perfections de la piété et plus spécialement aux dons envers les indigents; ce qui rend semblable à Dieu même qui aime (cette vertu) comme il est écrit Dieu aime le joyeux donateur et le Messie a dit dans l’Evangile Donnez et on vous donnera, et Soyez donc miséricordieux comme Vest votre Père céleste.

 Leurs aumônes se répandaient sur tous les hommes et en tout lieu. Mais plus particulièrement sur les saints monastères qui sont encore soutenus par eux jusque maintenant dans leurs nécessités corporelles le monastère saint et divin de Mar Mattaï et de Kôktâ et de Beit Mar Sergîs et la communauté des moines qui est dans la montagne de Shingar avec tous les autres saints monastères des fidèles qui sont dans le pays des Romains et des Perses; ils faisaient aussi de grands dons qui étaient vendus pour des prix élevés, et ils ne se bornaient pas à faire des dons aux églises, aux moines, aux pauvres et aux étrangers, mais ils aimaient le jeûne et la vie ascétique plus que tous les chrétiens, au point de commencer le saint jeûne des 40 jours une semaine de plus avant tous les chrétiens beaucoup de personnes chez eux ne mangent pas de pain (Lahmâ) durant tout le temps du jeûne, non seulement les hommes mais encore beaucoup de femmes ils étaient zélés et ardents dans la foi orthodoxe, et chaque fois que la sainte Église était persécutée,

c’est-à-dire poursuivie par les ennemis, ils donnaient leurs têtes pour l’Église du Christ, surtout les peuples choisis et nombreux des ‘Aqûlayê,  des Tanûkayê et des Tu‘ayê.

Quand ils furent parfaits dans toutes les coutumes du Christianisme, ce saint Mar Ahoudemmeh voulut les remettre à la grâce de Dieu et s’occuper des autres affaires auxquelles Dieu l’appelait. Il leur fit les recommandations suivantes « Mes enfants, n’abandonnez pas Dieu, de crainte qu’il ne vous abandonne et que vous ne tombiez dans un chemin plein de maux ».

 Quand le saint eut terminé ces préceptes et achevé sa prière, il les quitta et alla bâtir la grande et belle maison des Pesîlotâ au milieu du Beit ‘Arabayê, dans un lieu appelé ‘Aïn Qenoyê, il y plaça un autel et des saints martyrs et appela cette maison du nom de saint Mar Sergîs, l’illustre martyr ; parce que ces peuples arabes (‘ammê Tayyayê) aimaient beaucoup son nom et y avaient recours plus que tous les autres hommes. Le saint s’efforça, par cette maison qu’il avait bâtie au nom de Mar Sergîs, de les détacher du temple de Mar Sergîs de Beit Resafâ de l’autre côté de l’Euphrate, parce qu’il était loin d’eux. Autant qu’il le put il le fit semblable à l’autre, afin que sa vue les empêchât d’aller à celui-ci. Près de ce temple qu’il bâtit, il construisit encore le grand et célèbre monastère appelé ‘Aïn Qenoyê il le rendit remarquable tant par sa construction que par tout ce qu’il contenait.

 Il y réunit une nombreuse communauté et il lui donna de belles règles qui purifiaient l’urne du tumulte de ce monde ; elle pratiquait la vie nouvelle et bienheureuse du Paradis, l’office continuel de nuit et de jour, la doxologie des saints livres, ce qui plaît à Dieu, la modestie, l’humilité, la belle discipline spirituelle, le jeûne continuel, les saintes prières, les pures veilles, le pieux ascétisme, l’exercice de la charité et l’accueil des pauvres et des étrangers. Une table abondante et chargée de tous les biens y était dressée pour tous ceux qui arrivaient à sa porte; c’était comme un jardin rempli de biens pour tout le pays où il était situé ; et tout ce dont les hommes de ce pays avaient besoin (leur) était fourni par lui.

Satan qui, dès le commencement, jalousa nos premiers pères, les fit choir du Paradis plein de vie et les rendit tributaires de la mort et du péché, jalousa aussi cet endroit. Il commença par souffler à l’oreille de ceux qui faisaient sa volonté, comme le serpent à l’oreille d’Eve ; il excita ceux qui étaient éloignés de Dieu et étaient hérétiques, et ils brûlèrent le monastère ; l’illustre communauté qu’il contenait fut dispersée, comme le groupe apostolique l’avait été au temps de la grande et spirituelle crucifixion. Mais Dieu, qui rendit à Adam sa première beauté et chassa Satan par un juste jugement, chassa aussi les adversaires de la foi orthodoxe et exalta la force de l’Église. Il plaça des intentions pacifiques dans le cœur du roi qui fit rebâtir ce monastère tel qu’il était auparavant. Par la prière de saint Mar Ahoudemmeh, tout ce qui y avait été se retrouva à sa place, à la confusion de Satan et de ses partisans, il abonda en moines et en beaux ornements plus que le premier la louange divine montait de son intérieur, et beaucoup y louaient Dieu.

Saint Mar Ahoudemmeh appela le supérieur avec toute la communauté, il lui parla et lui dit « Tiens tes frères avec soin dans une grande piété, prie constamment Dieu pour eux, et montre-toi en bel exemple, afin qu’ils imitent tes actions ».

Il dit encore aux frères « Mes enfants, aimez-vous les uns les autres, soyez constants dans la prière, recevez les étrangers d’un bon cœur, afin que votre travail ne soit pas vain ».

Après ces paroles, il fit sur eux le vénéré signe de la croix, les laissa et alla faire la divine visite qui lui avait été commise par la grâce de Dieu.

Quand il eut visité tous les peuples qu’il avait instruits, qu’il les eut dirigés, conduits et amenés à toute bonne action, il voulut encore construire un monastère dans un lieu éloigné, dans un pays difficile, desséché et sans eau, parce que ceux qui suivaient ce chemin et parcouraient ce pays souffraient beaucoup.

Il bâtit de grandes et belles constructions, fit de grandes et belles portes et creusa deux puits, l’un à l’intérieur du monastère, l’autre à l’extérieur.

Il le consacra et y rassembla une communauté de près de quarante hommes. Dès lors tous ceux qui passaient par là louaient Dieu et disaient « Dans une terre difficile comme celle-ci, a été bâti un tel lieu grand et accompli ». Ce monastère fut appelé de Ga‘tanî1, ou de saint Mar Ahoudemmeh Et quand, à cause de leur voisinage du monastère de Ga‘tanî, il connut encore les hommes d’Âqrountâ, camp (kastra) d’orthodoxes ami du Messie, et sut comme ils étaient zélés dans la foi et le culte des saints, il voulait les visiter constamment parce qu’ils étaient plus chers à ses yeux que tous les chrétiens, comme Jean aux yeux de notre Sauveur plus que tous les Apôtres ; aussi il (alla) jusqu’à les appeler « Le champ du Messie », à cause de la splendeur de leur foi et de leur piété.

Il voulait les regarder à toute heure, comme notre Sauveur regardait toujours Jean, à cause de sa beauté spirituelle.

Quand Dieu voulut donner un terme à sa longue course, lui qui, toute sa vie, avait travaillé vaillamment à la vigne du Messie, et avait amené beaucoup d’hommes au royaume du ciel par lui (le Messie), avec lui, et par ses propres mains, alors ce bienheureux Mar Ahoudemmeh désira terminer sa vie pour la gloire de Dieu et recevoir aussi la couronne du martyre comme ceux qui auparavant avaient été témoins et ministres de la prédication du Messie, qui furent tués, lapidés, sciés, et qui endurèrent beaucoup de souffrances pour lui. La grâce de Dieu disposa, elle qui donne à chaque homme selon la bonté de sa volonté et qui se complaît dans les belles actions des hommes et surtout dans la mort des saints.

A cette époque, au temps de Kosrau l’ancien, roi des Perses, le fils du roi s’enfuit pour abandonner le paganisme de ses pères et devenir chrétien. Quand il sortit du royaume et s’engagea dans cette sainte voie, Dieu qui dirige les pas de ses fidèles et veut sauver tous 1rs hommes et les amener à la connaissance de la vérité le conduisit vers Mar Ahoudemmeh pour qu’il le baptisât et que Dieu lui montrât la voie droite du christianisme. Car un grand danger de mort menaçait celui qui le baptiserait, et il n’y avait personne à cette époque qui haït complètement le monde et qui méprisât la vie transitoire, comme ce saint Mar Ahoudemmeh. Quand le saint vit le fils du roi et qu’il lui eut raconté la cause de sa visite, il fut rempli de joie et comprit que Dieu le lui envoyait pour qu’il délivrât son âme de la servitude diabolique du paganisme et pour que lui-môme reçût à cause de lui la couronne de la victoire.

Le saint appela le fils du roi à l’écart et purifia son esprit de la vétusté et de l’impureté du paganisme, il le délecta des paroles des saints Livres et lui montra la loi véritable du christianisme. Au matin il sanctifia les eaux et le baptisa dans le saint monastère d’Âpamrià, il le revêtit de la robe brillantedu saint baptrme, chaussa ses pieds de la préparation de l’Evangile de paix, lui signa le front de la croix victorieuse avec le saint Muron (confirmation), le dota des saintes prières et l’envoya au pays des Romains

 

VI. SON arrestation. Quand le roi apprit la fuite de son fils et aucun des serviteurs du royaume

ne savait où il était allé il manda des messagers légers et des chevaux rapides et les envoya dans toutes les provinces de son empire ; ils le cherchèrent et ne le trouvèrent pas.

Le roi fit rechercher de quel côté il était parti, quelle route il avait prise, qui l’avait reçu et par qui il avait été perverti. Les adversaires de toute justice et surtout de la sainte Eglise, qui cherchaient le lieu et le temps favorables pour accomplir leur volonté mauvaise et cruelle, coururent vite exciter le roi par de mauvaises paroles, et ils s’efforçaient, non seulement d’accuser et de mettre à mort le saint lui-même, mais encore d’opprimer toute la sainte Église. Ils ne se souvinrent pas de ce que notre Sauveur avait dit à ses disciples « Sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes du Schéol ne prévaudront pas contre elle.

Ils dirent au roi « Il y a un séducteur dans le pays des Arabes, il a séduit ton fils et l’a perdu en lui envoyant un message et une lettre il ne s’est pas borné à le décider à fuir, mais il l’a encore baptisé et l’a fait chrétien ».

Ils coururent annoncer cela au roi, et il en souffrait par-dessus tout, car il aurait préféré apprendre la mort de son fils que de le savoir chrétien. Par leurs mauvais récits, ils excitèrent le roi, qui lança des menaces contre saint Mar Ahoudemmeh il était enflammé comme une fournaise de feu, il rugissait comme un lion et préparait de grands supplices contre le saint. On envoya aussitôt des méchants messagers et des chevaux rapides contre saint Mar Ahoudemmeh, afin de l’amener, avec insultes et moqueries, à Mahôzâ, à la porte du roi cruel. Quand ils arrivèrent près de saint Mar Ahoudemmeh, Dieu, qui adoucit les eaux de Morath qui changea les eaux en un bon vin et adoucit le fiel du serpent spirituel, changea aussi de mal en bien les cœurs de ces messagers ils l’abordèrent avec le respect dû aux saints, ils tombèrent à ses pieds, les baisèrent et firent connaître l’ordre du roi avec égards et douceur.

Quand il les vit, il fut rempli de joie et d’exultation ; à cause de sa modestie et de son humilité, il ne se mit pas à rire aussitôt, mais il rit dans l’heure, car son esprit était fortifié contre la souffrance de la chair et contre la mort elle-même. Il se prépara de tout cœur à souffrir pour le Christ; il monta aussitôt sur son âne, avec courage et allégresse, et partit comme une brebis pour l’abattoir.

Quand les peuplesArabes qui avaient été instruits par lui et introduits dans la demouro divine, l’apprirent, ils en furent très affligés et tous furent saisis d’une grande douleur et de souffrance, parce qu’il était leur père en vérité ot ils souffraient beaucoup d’être privés de sa société. Avec grand zèle ils bouillonnaient, brûlaient comme un feu, et ils réfléchirent et complotèrent comment ils pourraient le délivrer. Quand ils eurent beaucoup réfléchi à son sujet, ils lui dirent

« Que ferons-nous? car nous n’avons personne comme toi. Comment nous laisses-tu orphelins ? »

Ils pleuraient devant lui comme un petit enfant qui est privé de sa mère ils le suppliaient et disaient « Nous donnerons au roi trois fois ton poids d’or, ou, s’il le demande, 20 hommes des nôtres seront mis à mort pour toi ; et toi, Maître, n’abandonne pas tes fils ».

Quand saint Mar Ahoudemmeh les vit très affligés de ce qu’il les quittait, au point de donner pour lui le sang de leurs cous, il les instruisit doucement, parla à leurs cœurs et les consola, pour qu’ils fussent sans tristesse et sans soucis. Il leur disait :

« II n’est pas convenable ni beau que je donne ma voie à d’autres et que j’en éprouve un dommage, puisque c’est moi que Dieu a choisi pour y marcher, je veux me donner moi-même pour le Christ qui nous a rachetés du péché de cette loi qui a été écrite à cause de la transgression de notre premier père Adam. De plus je lui rends grâces de m’avoir appelé à cela, bien que je n’en sois pas digne. Dieu, qui est plein de sollicitude et de miséricorde pour les hommes, aura soin de vous; il vous accordera de faire sa volonté tous les jours de votre vie il vous entourera d’une muraille élevée qui résistera à tous les efforts du démon et des hommes méchants ». Comme tous l’accompagnaient en foule, il pria sur eux, leur laissa sa paix et les fit le quitter.

Quand il se fut éloigné de près de deux milles, voilà que deux hommes appartenant à d’autres campements vinrent en pleurant et se prosternèrent devant saint Mar Ahoudemmeh ils le suppliaient et lui disaient « Nous t’en prions, seigneur, aie pitié de nous, et viens dans nos camps, car un ange de mort nous écrase, nous ne restons plus qu’un petit nombre et, si tes prières ne nous aident pas et n’implorent pas Dieu pour nous, aucun de nous ne subsistera ». A ces paroles, le saint fut très affligé de ce que les messagers du roi ne lui permettaient pas d’aller avec eux et de prier pour eux selon leur foi. Mais, comme il savait que Dieu est partout, et qu’il entend celui qui l’invoque avec une vraie foi, il se fit aussitôt apporter un encensoir, le fit allumer et y plaça devant Dieu de l’encens, témoin odoriférant de sa prière, et la mortalité fut éloignée de ces campements.

 Il dit à ces messagers qui étaient venus pour lui

« Allez en paix, il vous sera fait selon votre foi ; ne vous affligez pas, car l’espérance des chrétiens est grande ».

Ils le quittèrent, pleins de douleur de ce qu’il ne les accompagnait pas. Ils avaient cependant l’espérance que donne la foi. Quand ils arrivèrent à leurs camps, ils n’y trouvèrent plus de mortalité. Ils furent très étonnés et demandèrent à quel moment elle avait cessé, on leur répondit

« Hier au milieu du jour, une sorte de fumée odoriférante couvrit nos campements et ils en furent remplis au même moment, la mortalité cessa et tous les malades qui respirèrent ce parfum furent guéris ».

Les messagers, remplis d’admiration, dirent

« Grand et sublime est le prodige que Dieu a opéré envers nous par l’entremise de saint Mar Ahoudemmeh ! car d’après ce que vous racontez, c’est au moment où il a mis l’encens et a prié Dieu pour nous, que le signe pacifique vous est apparu et que la mortalité a été arrêtée ».

Ils admirèrent combien Dieu aime ses saints et comment il leur donne promptement tout ce qu’ils lui demandent, comme il est écrit Dieu est proche de ceux- qui l’invoquent en vérité, et il fait la volonté de ceux qui le craignent Cependant saint Mar Ahoudemmeh avançait avec rapidité et diligence en compagnie des messagers du roi. II leur avait demandé de lui donner un peu de délai et ils l’avaient accordé en disant « Fais vite ce que tu as à faire, afin que nous ne recevions pas une punition du roi pour nous être attardés ».

Quand ils arrivèrent à la ville royale lui, ses disciples et les messagers envoyés contre lui, tous les serviteurs du roi qui le voyaient le menaçaient de supplices et disaient

« C’est celui-là qui a baptisé le fils du roi, l’a fait chrétien et a opéré un grand mal dans le royaume.

Malheur à lui car le roi le fera souffrir, il déliera de force le lien de son âme avec son corps et l’enlèvera à cette vie ». Le saint, entendant ces paroles, priait instamment et disait « Dieu miséricordieux et patient qui aides tous les hommes et nous as appelés dans cette vie par ta volonté, accorde-moi maintenant une victoire complète contre la tyrannie d’un roi impie et ennemi du bien ».

Comme il terminait sa prière, des messagers cruels le traînèrent et l’introduisirent devant le roi. Le saint se tint avec confiance devant lui ; il n’y avait ni frayeur ni crainte dans son esprit. Quand le roi leva les yeux et le vit, il lui dit :

« Quel est ton nom et de quelle ville es-tu ? »

Le saint répondit au roi « Mon nom est Ahoudemmeh. Par la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, je n’ai pas ici de pays, ni de ville, ni de famille parce que mon service est dans le ciel Par la grâce de Dieu qui enrichit les pauvres et fortifie les faibles, je suis évêque et chef des chrétiens ». Le roi admira sa prestance; combien il était majestueux et beau; et son langage qui était ciselé et savant puis il l’interrogea et lui dit « Tu as baptisé mon fils et tu l’as fait chrétien? » Le saint lui répondit courageusement « Je ne connais pas ton fils, mais je suis placé par Dieu et j’ai pour charge de baptiser les hommes et de les faire sortir des ténèbres vers la lumière de vérité, et de l’erreur païenne à la connaissance complète de la religion des chrétiens ». Après ces paroles, le roi fut très agité et irrité, il ordonna à ses soldats de ne pas lui infliger de supplices qui le feraient mourir en un jour ou deux, mais de le jeter dans cette prison d’où personne ne sortit vivant et de ne lui laisser porter ni vivres ni habits. Les serviteurs de l’inique le saisirent et l’y conduisirent. Il y entra avec ses disciples, on apporta un collier de fer qu’on lui passa au cou et qu’on scella avec le sceau du roi on lui attacha des fers aux pieds et on avertit à son sujet les gardiens de la prison

« Si quelqu’un des chrétiens d’ici entre près de lui et lui porte quelque chose pour subvenir à ses nécessités et à celles de ses disciples et que le roi l’apprenne, il vous punira fortement, vous fera périr et vous fera souffrir ».

Les gardiens de la prison le gardaient donc jour et nuit avec soin, et, quand saint Mar Ahoudemmeh eut passé en prison près de douze jours sans rien manger, ils entrèrent, parce qu’ils disaient « Il est déjà mort avec ses disciples, entrons, prenons le sceau du roi, puis jetons-les dehors ». Ils entrèrent  donc et les trouvèrent qui chantaient l’office du matin, et ils virent saint Mar Ahoudemmeh dont le visage brillait et dont la figure rayonnait comme le soleil quand il se lève au matin, et ses disciples avec lui ils n’avaient aucun mal et leurs corps étaient conservés comme au premier jour où ils étaient entrés en prison. Ils furent dans l’admiration et dirent, pleins d’étonnement et de crainte « Quelle est cette chose nouvelle que nous voyons aujourd’hui par cet homme ? Voilà longtemps que nous gardons cette prison et nous n’avons jamais vu ce que nous voyons aujourd’hui; car lorsqu’un homme a passé sept jours, ou au maximum huit jours, dans cette prison sans rien manger et que nous entrons près de lui, il y

en a à peine un sur mille qui conserve encore un peu de vie et on ne peut le sauver » Cela n’arrivait pas seulement à cause de la faim et de la soif, mais encore parce que cette prison était étroite et resserrée beaucoup, pour ainsi dire, mouraient de la voir.

On apprit ce prodige dans toute la ville royale, et chacun s’en étonnait les chrétiens, les païens et aussi les juifs, et on disait « Cet homme est un serviteur du Dieu (très) haut ». Ce bruit arriva jusqu’au roi et il ordonna que tous les chrétiens qui voudraient aller près de lui pourraient y aller sans en être empêchés, et, dans cette prison, il y eut beaucoup de prodiges par son entremise les malades étaient guéris et il chassait les démons des hommes.

Du matin au matin, les hommes se pressaient pour entrer dans la prison afin qu’il priât sur eux. Quand les fidèles de tous pays apprirent que le roi ordonnait de laisser entrer près de lui sans l’en empêcher quiconque le voudrait, ils vinrent de partout lui rendre visite en prison, et il était rempli de joie, non qu’il eût besoin de rien de ce qui leur appartenait, mais à cause de leur zèle pour la religion et de la chaleur de leur foi qui brûlait comme le feu. Ils passaient là un certain temps quelques-uns y restèrent jusqu’à leur mort et ils le servaient en toute piété et pureté.

II passa deux ans dans cette prison et beaucoup de prodiges furent opérés par ses mains ; beaucoup qui furent guéris de leurs maladies par sa prière crurent en Dieu. La nuit du jour où il devait dès l’aurore rendre son esprit à Dieu dans les mains duquel sont tous les esprits des justes, un ange du Seigneur lui apparut à sa droite en songe et lui dit

« Ce jour-ci, o saint de Dieu ! sera la fin de tes travaux, demande à Dieu tout ce que tu voudras et cela te sera donné ».

A ces paroles, saint Mar Ahoudemmeh depuis le milieu de la nuit jusqu’au matin, se mit à genoux, pria Dieu et dit :

« Ô roi céleste, dont la couronne est permanente et incorruptible et le pouvoir invariable ; lui qui est bon dans sa nature, riche dans les dons et ne refuse pas le bien à ceux qui le demandent de tout leur cœur avec une vraie foi, je prie et je supplie ta bonté de donner ta bénédiction et ta grâce à tous les hommes et surtout à ceux qui ont recours à ta miséricorde. Les prières de mon Humilité te demandent d’éloigner d’eux la verge de la colère et d’accomplir, à l’aide de ton trésor rempli et abondant, les belles demandes de tous les affligés et les opprimés qui te demanderont du secours en mon nom. A tous ceux qui feront des offrandes et des aumônes et feront mémoire de mon nom, rends-leur, pour ces biens périssables, ceux qui ne passent pas, et pour les biens temporels les biens éternels dès ce monde rends-leur cent pour un, soixante pour un et trente pour un. Enlève toutes les plaies et toutes les verges de colère des communautés et des maisons chrétiennes qui feront mémoire de moi et donneront l’aumône en mon nom qu’ils soient bénis en fils et en filles, en richesses et en possessions ; éloigne d’eux la famine, les mortalités, la dévastation, la captivité et tous les fléaux de la colère, qu’ils vivent dans la paix et la tranquillité jusqu’à la fin du monde. Amen »

Comme le saint prolongeait sa prière, ses disciples crurent que son âme l’avait quitté, et il prolongea sa prière jusqu’au lever du soleil. Quand il eut prié Dieu jusqu’à l’aurore, il se leva et s’assit, et ses disciples voulaient préparer les choses dont ils avaient besoin selon leur coutume de tous les jours, mais lui, sachant qu’il devait terminer sa vie transitoire au soir de ce jour, dit à ses disciples

« Vous n’avez pas besoin de cela, car nous ne passerons pas la nuit ici aujourd’hui ».

Le soir du vendredi, jour où le Messie supporta pour nous les souffrances et le crucifiement et triompha de la mort et de Satan, ce même jour le saint vainquit le roi impie et aussi Satan qui l’avait excité contre lui en cela. A la neuvième heure, le bienheureux Mar Ahoudemmeh comprit que l’heure approchait il laissa la paix à ses disciples et pria pour eux à cause des fatigues (qu’ils avaient supportées) pour lui. Il dit

« Dieu vous donnera pour moi une récompense et une rétribution dans le royaume du ciel qu’il a promis aux saints ». Et à la dernière heure, il étendit les mains vers le ciel et dit

« Seigneur Dieu, fais sortir mon âme d’ici, délivre-la des esprits mauvais qui jalousent notre salut ; fais-la entrer dans les chœurs des âmes qui t’ont aimé, qu’elle t’accueille avec elles à la dernière venue (au jugement dernier) ».

Après la neuvième heure de ce jour, le bienheureux Mar Ahoudemmeh expira le 2 Âb (août), un vendredi, l’année 886 (575) des Grecs.

 II y avait là beaucoup de fidèles qui désiraient prendre le corps du saint et craignaient le roi. Ils donnèrent un présent considérable aux gardiens de la prison pour recevoir son corps et l’enterrer; alors les gardes l’emportèrent en dehors des portes, lui coupèrent la tête et prirent le sceau du roi.

Je ne veux pas laisser passer cela comme un fait sans importance, car ce n’est pas un fait sans importance, que l’on coupa la tête du saint mais parce qu’il ressemblait à celui qui n’eut point de pareil parmi les enfants des femmes, je veux dire à Jean le baptiste un trait de la mort de celui-ci se retrouva dans cet homme admirable.

 

Comme la tête de saint Jean avait été coupée par l’ordre de l’impie Hérode, ils coupèrent aussi la tête de saint Mar Ahoudemmeh, puis ils jetèrent son corps avec ceux des hommes morts dans cette prison et les livrèrent aux chiens qui étaient accoutumés aussi à manger la chair des hommes. Des fidèles se tenaient au loin et veillaient à ce que sa chair ne fût pas déchirée par les oiseaux et par les chiens. Ils virent un prodige et furent dans l’admiration les chiens se tenaient près du cadavre du saint et aucun d’eux n’en approchait et ils ne laissaient même pas les oiseaux se poser sur lui. Ô prodige ! des chiens voraces étaient devenus gardiens. Ô dureté de cœur du roi tyran ! Il n’obéit même pas comme les chiens à l’ordre de Dieu. Quand le soleil se fut couché et que la nuit du samedi eut commencé, les fidèles prirent le corps du saint, le portèrent à Mahouzà et le placèrent dans une église de cette ville nommée des Rebîbê. 

(même miracle dans le martyr Nestorien du prêtre Georges, m.926/615 Cf. Histoire de Mar Jabulaha, et 3 autres patriarches éd. par P. Bedjan; Paris, 1, p. 556-557)

Ils le mirent dans cette église et retournèrent chacun à son travail. Une heure après que saint Mar Ahoudemmeh eut été déposé, le disciple du saint descendit, le prit et le porta au saint monastère de Beit Âsâ à côté du bourg à Âqrountâ castrum qui aimait le Messie, au temps de Mar Hou’ Zekâ supérieur de ce monastère il le plaça là et se rendit à Tagrit parce qu’il était de cette ville. Il désirait vivement devenir supérieur du monastère qui est dans cette ville, et comme il demandait aux habitants de la ville de Tagrit de le nommer, ils lui dirent « Si tu nous apprends où sont les ossements de saint Mar Ahoudemmeh, nous te ferons supérieur et nous te donnerons tout ce dont tu as besoin pour cela ». II le leur annonça et dit « Les os de saint Mar Ahoudemmeh sont dans le saint monastère de Beit Âsâ, et je sais que le supérieur ne me les donnerait pas, mais que plusieurs de vous viennent avec moi et nous pourrons peut-être les apporter ».

Il prit avec lui dix hommes illustres (de Tagrit), et partit. Quand ils arrivèrent au monastère de Beit Âsâ, ils implorèrent le supérieur qui ne consentit pas à le leur donner. Ils l’importunèrent un et deux jours et il le leur donna.

Ils se firent un radeau de roseaux et y montèrent avec les ossements du saint pour les porter dans la ville de Tagrit; quand ils arrivèrent en face d’Âqrountâ, un vent (violent) du sud s’éteva contre eux, par l’ordre de Dieu, agita le fleuve et ne les laissa pas dépasser Âqrountâ. Quand ils eurent passé tout un jour sur la rive du Tigre, comme le vent ne cessait pas, ils entrèrent, vers le soir de ce jour, dans une maison qui était proche du Tigre et y logèrent.

Personne ne savait qu’ils avaient avec eux les ossements de saint Mar Ahoudemmeh. Ils allèrent dans le bourg et y furent deux jours sans que le vent vînt à cesser, et ils ne pouvaient continuer leur voyage par eau, parce qu’une tempête violente s’était élevée contre eux, comme celle qui s’éleva contre Jonas en mer. Ils dirent alors

« C’est un prodige de Dieu, que le vent n’a pas cessé pour que nous puissions continuer notre droit chemin. Il nous semble donc que c’est ici que doivent être placés les ossements de saint Mar Ahoudemmeh et nous ne pouvons pas les emporter de ce bourg ».

Pendant qu’ils se demandaient ce qu’ils devaient faire, Dieu réréla aux habitants d’Âqrounta que ces hommes avaient avec eux les ossements de saint Mar Ahoudcmmch et que le vent les arrêtait et ne les laissait pas avancer parce que Dieu voulait que le saint lut place dans cet endroit. Quand les hommes à’Xqrountà l’apprirent, ils furent remplis d’une grande joie. Tous les habitants du bourg s’assemblèrent et vinrent à la maison où campaient ces hommes. Ils saisirent leurs bagages, leur enlevèrent les ossements de saint Mar Aljoudemmeh et les portèrent dans l’église avec l’honneur qui convient aux saints. Et voilà que bien des prodiges furent accomplis par le saint dans ce bourg béni et fidèle et en tout lieu où l’on invoqua son nom avec une foi véritable.

Les habitants de Tagrit demandèrent à ceux d’Âqrountà de leur donner quelque partie du saint et ils leur en donnèrent une petite partie. Ils allèrent la placer dans cette ville fidèle et beaucoup d’hommes, par ses prières, furent délivrés de la verge de la colère. Quiconque croit en son nom,

est secouru selon la foi qu’il a, car, sans la foi, aucun secours n’est accordé aux hommes et, selon la confiance que l’on a dans ses prières, on reçoit du secours. Si quelqu’un veut s’associer à la mémoire de saint Mar Ahoudemmeh et des saints ses compagnons, qu’il ne rougisse pas de sa pauvreté et ne s’éloigne pas de l’aumône’, mais qu’il donne ce qu’il pourra, car celui qui reçoit sait bien d’où l’offrande vient; c’est lui qui a reçu môme les deux oboles de la veuve et les a placées au-dessus de toutes les offrandes des riches ; afin de nous préparer les (biens) spirituels à l’aide de ces (biens temporels); car lorsque les saints sont honorés, les foules se réjouissent.

Que Dieu, par les prières de saint Mar Ahoudemmeh et des saints sescompagnons, nous délivre de toute plaie et de toute verge de colère pour toujours. Amen.