Mujir ad-din, Personnages et chronique de Jerusalem des Fatimides aux Ayyubides, Histoire de Jerusalem et d'Hebron, v.1500

Mention de Quelques-uns des principaux personnages les plus distingués par leur science et leur dévotion, qui vinrent à Jérusalem.

Umm-al-Khayr Râbi’a bt. Ismâ’îL al-‘Adawiya de Al-Basra, affranchie de la famille ‘Aqîl, femme célèbre par sa piété. Elle fut une des personnes les plus remarquables de son époque ; on connaît une foule d’anecdotes touchant sa vertu et sa dévotion. ……

Elle mourut en l’année 135 ou 185. Son tombeau est situé sur le sommet du mont des Oliviers, à l’est de Jérusalem, à côté et au sud de l’endroit d’où le seigneur Jésus fit son ascension. Il se trouve dans une Zâwia vers laquelle on descend par des degrés. C’est un lieu révéré et visité par les pèlerins.

Ibrâhîm b. Adham Abû-Ishâq, de la province de Balkh. Il appartenait à une famille royale. Il fut un des disciples de l’Imâm Abû-Hanîfa ; il est célèbre par les prodiges qu’il opéra.

Il mourut dans la ville de Jabala une des dépendances de la Syrie. Son tombeau y est très-connu. L’auteur du Mutîr al gharâm dit qu’il mourut dans le pays de Rûm. Sa mort eut lieu en l’année 16? .

Muhammad b. Karrâm, le théologien scolastique. C’est de lui que tire son nom la secte des Karrâmîtes qui permet, dit-on, de composer des hadit de nature à inspirer le désir ou la crainte. Le nom entier de Karrâm est Abû-‘Abd-Allah as-Sijistânî. Quelques auteurs l’appellent Muhammad b. Karàm Il mourut à Jérusalem, pendant la nuit, et fut enterré à la Porte de Jéricho, auprès des tombeaux des prophètes ; il avait passé environ 20 ans à Jérusalem. Sa mort eut lieu en safar 255 (février 869)

La porte connue sous le nom de Porte de Jéricho a disparu et il n’en reste pas de trace. Selon toute apparence, elle se trouvait à l’extrémité des constructions voisines du mont des Oliviers. Il en est de même des tombeaux des prophètes, dont on ignore l’emplacement, par suite de la durée des temps et de l’occupation de la Terre-Sainte par les Francs.

Sâla b. Yûsuf Abû-Shu’ayb al Muqni’, originaire de Wâsat. On dit qu’il fit 90 fois le pèlerinage de la Mekke à pied Il mourut dans la ville de Ramla, l’année 282. On raconte qu’on faisait des prières auprès de son tombeau pour obtenir de Dieu de la pluie, et que les vœux qui y étaient formulés étaient exaucés; mais son tombeau est actuellement inconnu, à cause du long espace de temps écoulé et de l’occupation de ces territoires par les infidèles durant nombre d’années.

Le Chaykh-ul-Islam, l’Imam, le savant, le docteur Abû al-Faraj ‘Abd-al-Wâhid b. Muhammad b. ‘Alî b. Ahmad ach-Chirâzî al Muqaddasî Cheikh de la Syrie à son époque. Il fut un des disciples du qàdy Abû-Ya’la b. Al-Farrà,

Imâm des Hanbalîtes. Il vint en Syrie et habita Jérusalem. C’est lui qui répandit aux alentours de cette ville la doctrine de l’Imam Ahmad b. Hanbal. Il se fixa ensuite à Damas où il propagea également ce rite ; il eut des

adeptes et forma des élèves. On dit qu’il rencontra à deux reprises le Khidr. Il dogmatisait parfois sur le Khâter, dans les termes professés par Ibn al-Qazwîny al Zâhid. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, entre autres :

Al Mubhaj , Al Idâh et At-Tabséra, sur les principes fondamentaux de la religion, un abrégé sur les Définitions, ouvrage qui traite des éléments de la jurisprudence, et les Questions d’épreuve. On lui attribue aussi le Kitâb al Jawâher, sur l’interprétation du Qur’an. Il mourut à Damas dans la journée du dimanche 18 Dhu al-Hijja 486 (20 12 1093), et fut enterré dans le cimetière de Bâb as-Saghîr.

Le Cheikh, le savant par excellence Abûl-Fath Nasr b. Ibrahim b. Nasr al Muqaddasî an-Nabulusî, le Chàfé’îte, cheikh de ce rite en Syrie, et auteur de plusieurs ouvrages. Il fut en outre célèbre comme Zâhid et ‘Abed. Il suivit des leçons de hadith, fit des dictées et enseigna les traditions. Il demeura longtemps à Jérusalem dans la Zâwia qui est au dessus de la Porte de la Miséricorde, et qui fut connue sous le nom d’an-Nâsariya. Il est probable que cette appellation de « la Nâsariya » lui vient du cheikh Nasr.

Plus tard, elle fut connue sous le nom al-Ghazaliya parce qu’Al Ghazâlî y établit sa demeure Voici les noms de plusieurs ouvrages de Nasr : le Tahdîb , le Kitâb et-Taqb, le Kitâb al ???? le Kitâb al Kâfî.

Il est aussi l’auteur d’un commentaire moyen sur brégé de son cheikh Salîm b. Ayyoub ar-Râzy, auquel il donna le nom d’Al Ichdra, ainsi que d’un autre ouvrage intitulé Kitâb al hujja ‘ala târiq al mahajja.

Il mourut le jour de ‘Achura 490 (18 11 1097), à Damas, et fut enterré à Bâb as-Saghir.

Le Cheikh, l’Imâm Abû al-Ma’âlî Al Musharraf b. Al-Marjâ b. Ibrahim al Maqdasy. Il fut un des plus grands savants de Jérusalem et l’auteur du livre intitulé Fadâïl al Bayt-al-Moqaddas rva as-Sakhra (les Mérites de Jérusalem et de la Sakhrah), dans lequel il traite de tout ce qui se rattache à ce sujet, en fait d’histoire et de monuments, et des mérites des sanctuaires de la Syrie ; c’est un ouvrage très-utile, à l’appui duquel il rapporte les traditions les plus authentiques.

Je n’ai pu découvrir aucune indication biographique sur Abû al-Ma’àlî, ni la date de sa mort. Toutefois, il mourut du vivant d’Abû’l-Qâsim dont le nom entier est :

Le Cheikh Abû al-Qâsem Makkî b. Abd-as-Salâm b. Al-Hasan b. Qâsem al Ansâry ar-Rumaylî, le Châfé’îte, le Hafid. Il naquit l’an 432.

Il entreprit une Histoire de Jérusalem et de ses mérites et y rassembla des faits nombreux. Quand les Francs s’emparèrent de la ville sainte, en l’année 492, ils le firent prisonnier et fixèrent sa rançon à mille dn ; personne ne s’étant présenté pour le racheter, ils l’assommèrent à coups de pierres à la Porte d’Antioche, jusqu’à ce que mort s’ensuivit. As-Subkî dit dans ses Catégories des Châféites qu’ils le tuèrent à Jérusalem le 12 de cha’bân 492 (4 juillet 1099 de J.-C.).

Al Ghazzâlî— l’Imâm Zayn ad-dîn Hujjat al islam, Abû-Hâmid Muhammad b. Muhammad b. Ahmad al Ghazzâlî at-Tûsî, le Châfé’îte. Il naquit l’année 450. La communauté Châfé’îte n’avait personne, vers la fin de son siècle, qui pût lui être comparé. Il commença à travailler à Tûs ; puis il vint à Nisâbur où il s’éleva au rang des personnages les plus marquants et acquit une haute position. Après avoir séjourné quelque temps à Damas, il se transporta à Jérusalem, brûlant du désir de se consacrer à la vie dévote et de visiter les tombeaux des martyrs et les lieux vénérés. C’est dans la ville sainte qu’il se mit à composer ses plus célèbres ouvrages; on dit que c’est là qu’il écrivit le livre intitulé Hiâ’ ‘Ulûm ad-dîn. Il établit sa demeure dans la Zâwiya qui est au dessus de la Porte de la Miséricorde, et qui était connue auparavant sous le nom d’an-Nâsiriya, à l’orient du Masjid de Jérusalem. Elle fut appelée de son nom, al Ghazzâliya ; aujourd’hui, elle est en ruines et les traces en ont disparu. Al Ghazzâlî mourut à Tûs dans la journée du lundi 14 Jumada II 5o5 (18 12 1183)

Aperçu succinct des événements dont Jérusalem fut le théâtre durant la période qui précéda la prise de la ville sainte par les Francs.

Dans le courant de l’année 398 2 12 994, le khalife Fâtémîte d’Egypte Al-Hâkim-bi-amr-Allah Abû-‘Alî Al-Mansûr b. Al-‘Azîz, ordonna de détruire l’église de Qumâma à Jérusalem et autorisa le pillage par la populace de tout ce qu’elle renfermait de richesses, de meubles et autres objets.

Cet ordre fut donné par suite d’un rapport adressé à ce prince sur l’acte auquel se livraient les chrétiens le jour de Pâques, en allumant du feu au moyen d’une supercherie ; de telle sorte que les gens d’un esprit faible s’imaginaient, dans leur ignorance, qu’il descendait du ciel. Ils l’obtenaient en imbibant de baume de Judée des fils de soie très-fins enduits, avec beaucoup d’art, de soufre et d’autres matières inflammables ; ces fils couraient avec facilité sur tout le monde, grands et petits.

Cette pratique est encore usitée à notre époque dans la Qumâma ; ce jour s’appelle chez eux le samedi de la lumière. Il s’y passe, sous les yeux des musulmans, des choses odieuses qu’il n’est pas licite d’entendre, ni de voir : manifestant publiquement leur infidélité, les chrétiens crient à haute voix : « Accourez à la religion de la croix ! » ils récitent leurs livres, élèvent leurs croix au dessus de leurs têtes et se livrent à d’autres abominations qui font frissonner d’horreur.

Ensuite Al-Hâkim-bi-amr-Allah étant mort, en chawwâl 411 (1021), eut pour successeur son fils Ad-Dâhar-li-‘âz-dîn-Allah Abû al-Hasan ‘Alî, qui mourut l’année 427 dans le mois de cha’bân (1o36). Le trône passa après lui à son fils Al-Mustansar-billah Abû-Tamîm Ma’add ; ce khalife conclut une trêve avec le roi des Rûm, qui reçut, à la condition de mettre en liberté 5000 prisonniers l’autorisation de reconstruire l’église de Qumâma, qu’Al-Hâkim, aïeul d’Al-Mostanser, avait fait démolir durant son khalifat. Le roi des Rûm donna la liberté aux prisonniers et envoya rebâtir l’église; il dépensa pour cette construction des sommes considérables.

Il y a apparence que la destruction n’avait pas été complète ; toutefois, la plus grande partie avait été renversée. Dieu connaît mieux la vérité.

J’ai lu dans une Chronique qu’en l’année 407 (1016), la chapelle sépulcrale d’Al-Husayn b. ‘Alî, devint la proie des flammes, à la suite d’un incendie occasionné par une étincelle qu’un des gardiens chargés d’allumer les lampes laissa tomber sans s’en apercevoir. On aurait aussi reçu la nouvelle que le coin méridional du Masjid-al-Haràm s’était lézardé ; qu’un mur, devant le tombeau du Prophète, était tombé, et que la grande coupole qui recouvre la Sakhra, à Jérusalem, s’était écroulée

Je n’ai pu vérifier l’exactitude du fait concernant la chute de la coupole de la Sakhra et sa reconstruction ; mais il est probable qu’il ne s’en écroula qu’une partie et qu’elle ne tomba pas entièrement. Dieu connaît la vérité.

En l’année 425 , les tremblements de terre furent très-nombreux en Egypte et en Syrie; ils renversèrent une infinité de maisons, et une foule considérable de gens périrent sous les décombres. Le tiers de Ramla fut détruit; sa mosquée se sépara en morceaux Une partie des murs de Jérusalem s’écroula; il tomba également un gros fragment du Mihrâb de David, ainsi qu’un autre du Masjid d’Abraham Al-Khalîl.

En l’année 452, le lustre de la Coupole de la Sakhra à Jérusalem tomba; il contenait 500 lampes

Dans le mois de djoumâda premier de l’année 460 (1068), le territoire de Palestine éprouva un tremblement de terre qui ruina le pays de Ramla et renversa deux des créneaux du Masjid de l’apôtre de Dieu… La Sakhra de Jérusalem s’entrouvrit, puis elle reprit son premier état et se ressouda par la toute puissance de Dieu.

En l’année 463 (1070)pendant le règne d’Al-Mustansar-billah, l’Ubaydîte, khalife d’Egypte, Jérusalem et Ramla tombèrent au pouvoir d’Atsiz b. Auq le Khârezmien, seigneur de Damas.

En l’année 465, la suzeraineté ‘Abbàsîde fut proclamée à Jérusalem, et celle des Fâtemîtes y fut supprimée. Quelque temps après Atsiz s’empara de Damas, après s’être rendu maître de Jérusalem et de Ramla, et abolit à Damas la Khotba ‘Alîde; à partir de cette époque, le prône n’y fut plus célébré en l’honneur des Fàtémîtes.

Atsiz installa la Khotba ‘Abbâsîde le jour de vendredi 25 dhu al qa’da de 468 (3o 6 1076). Lorsqu’il eut été tué en l’année 471, l’émir Tâj ad-daula Tatach, fils du sultan Alb-Arslàn, le Seldjouqîde, s’empara de Damas; Jérusalem devint une annexe de cette principauté, suivant l’usage pratiqué par les prédécesseurs de ce prince. Il donna le gouvernement de la ville sainte à l’émir Ortoq b. Eksik, le Turkman, et l’aïeul des rois seigneurs de Màrédîn. Ortoq demeura en possession de Jérusalem jusqu’à ce qu’il mourut, en l’année 484. Il légua cet héritage à ses deux fils Al-Ghâzî et Soqmân, qui continuèrent à gouverner la ville sainte jusqu’à l’époque où Tatach fut tué, en l’année 488. Bientôt Al-Afdal b. Badr al-Jamâlî, le généralissime, partit de Mesr à la tête de l’armée du khalife ‘Alide Al-Musta’ly-bi-amr-Allah, et se rendit maître de Jérusalem par capitulation, en cha’bân 489 (août 1096). Soqmân et son frère Al-Ghâzî se retirèrent : le premier s’établit dans le pays d’Edesse, et son frère Al-Ghâzî poursuivit sa route vers l’Irâq. Jérusalem demeura ainsi aux mains des Egyptiens.

 Relation de la prise de Jérusalem par les Francs et de leur domination sur la ville sainte.

L’an 492, les Francs se dirigèrent vers Jérusalem, au nombre d’un million de combattants, (que Dieu les maudisse!). Ils assiégèrent la ville sainte pendant 40 et quelques jours, et s’en rendirent maîtres dans la matinée du vendredi 23 cha’bân 492 (15 7 1099).

Les Francs se livrèrent pendant toute une semaine au massacre des musulmans, à Jérusalem : plus de 70 000 personnes furent égorgées dans le Masjid-al-

Aqsa. Ils enlevèrent de la Sakhra 42 lampes en argent, pesant chacune 3600 dh, un tànnur (lustre) en argent du poids de 40 ratls de Syrie, et 23 lampes en or

Le conquérant de toutes ces villes, Jérusalem et autres, fut Bardouîl le Franc. Dans la suite, en l’année 511 ou 514, il se dirigea vers l’Egypte pour s’en emparer. Arrivé à Ghazza, il entra dans cette ville, la saccagea et en livra les mosquées aux flammes. Il en partit malade et périt en route avant d’atteindre Al-‘Arich. Ses compagnons lui ouvrirent le ventre et jetèrent là ses entrailles. De nos jours encore, on y lance des pierres. Ils emportèrent son cadavre et l’enterrèrent dans l’église de Qumâma, à Jérusalem

Conquête de Jérusalem.

Le Sultan partit ensuite d’Ascalon, se dirigeant vers Jérusalem. Ceux qui se trouvaient dans la ville sainte, en apprenant son approche, furent saisis de frayeur. Il y avait parmi les chefs des Francs Baliân, fils de Barzân, et le Grand Patriarche, ainsi que des guerriers de chacun des deux ordres des Hospitaliers et des Templiers. Se voyant réduits à l’extrémité, ils songèrent aux moyens de salut ; mais ils avaient perdu tout espoir ; ils ne savaient quel parti prendre et étaient en proie à la plus vive inquiétude.

Le Sultan s’avança à la tête des troupes de l’islam ; il était dans toute sa splendeur, et avait un aspect terrible. Il campa devant Jérusalem, du côté de l’ouest, le jour de dimanche 15 rajab 583 (20 9 1187). Jérusalem renfermait en ce moment 60 000 combattants ; ils s’étaient rangés devant la ville pour soutenir l’attaque, et combattirent vigoureusement. La bataille se prolongea entre les deux partis.

Le vendredi 20 rajab, le Sultan se transporta du côté du nord où il établit son camp. Il resserra les Francs, dressa ses machines et les lança contre la ville, jusqu’à ce que la plus grande partie de la muraille fut démolie. Ensuite les musulmans se mirent à miner les remparts dans la partie qui fait suite à la vallée de Juhannam. L’action fut des plus vives; les sectateurs de l’islam se réjouirent de la victoire. Ce fut pour les infidèles un jour d’angoisse et non une journée d’allégresse. Un des Francs, le fils de Barzân, se présenta pour demander l’amân au Sultan qui le lui refusa en disant :

« Je ne prendrai la ville qu’à la pointe du glaive comme ont fait les Francs, lorsqu’ils s’en sont emparés sur les musulmans. »

Les Francs recoururent aux supplications et lui réitérèrent leur demande d’amân : ils lui exposèrent combien leur nombre était grand, et que, s’ils perdaient l’espoir d’une capitulation, ils n’auraient plus qu’à combattre ; pour l’un d’eux qui serait blessé, ils en blesseraient dix ; ils détruiraient les maisons et la Coupole de la Sakhra ; ils tueraient tous les prisonniers musulmans qui étaient en leur pouvoir, au nombre de plusieurs milliers, et feraient périr leurs propres richesses, ainsi que leurs femmes et leurs enfants. Le Sultan réunit un conseil pour prendre son avis ; ayant fait venir les grands de sa Cour et les principaux de ses guerriers, il les consulta sur ce qu’il convenait de faire. Après que la question eut été agitée, ils se déclarèrent : unanimement pour la paix, avec la condition que tous ceux qui se trouvaient dans la ville paieraient, savoir : les hommes, 10 dn; les femmes, 5, et chaque enfant, 2. Quiconque ne pourrait s’acquitter demeurerait prisonnier. Les Francs acceptèrent cette convention; B. Barzân, le patriarche et les deux grands-maîtres des Templiers et des Hospitaliers demeurèrent garants. Le fils de Barzàn donna 3o,ooo dn au nom des pauvres. On livra la ville un vendredi, un peu avant midi, au moment de la prière, le 27 rajab (2 octobre), aux conditions stipulées…

 Récit du jour de la conquête.

Les Francs emportèrent ce que leurs églises renfermaient de vases en or et en argent et de tentures, et le patriarche recueillit toutes les feuilles d’or et d’argent qui recouvraient le tombeau et tout ce qu’il y avait dans Qumâma

Jamais les Francs, depuis le jour où ils étaient arrivés en Syrie, en l’année 490 (1097), jusqu’à cette époque, n’avaient éprouvé un plus grand désastre. Quelques-uns d’entre eux s’enfuirent jusqu’aux extrémités du pays des infidèles où ils représentèrent la figure du Messie et celle du Prophète ; ce dernier, tenant un bâton à la main, poursuivait, pour le frapper, le Messie qui prenait la fuite devant lui. Par ce spectacle, ils excitaient les populations et occasionnaient des rassemblements dans leur pays. Leurs souverains s’efforcèrent de se procurer des hommes et des munitions et expédièrent des troupes pour envahir les contrées de l’Islam et faire la guerre au roi Salâh ad-dîn.

Lorsque Jérusalem fut tombée au pouvoir des musulmans, et que Dieu l’eut purifiée de la souillure des polythéistes, les chrétiens demandèrent à y rester en payant la capitation, et à entrer dans la condition de dhimmi ; leur demande fut agréée. Après que le Sultan eut pris livraison de la ville sainte, il donna l’ordre de découvrir le Mihrâb ; les Templiers l’avaient muré sur le devant et laissé tomber en ruines ; on dit même qu’ils en avaient fait un lieu d’aisance. Ils avaient aussi construit à l’ouest de la qibla une vaste maison et une église. Les constructions élevées devant le Mihrâb furent démolies ; on installa la chaire ; le Mihrâb fut mis à découvert ; on détruisit toutes les bâtisses qu’ils avaient construites entre les piliers ; on couvrit la mosquée de tapis et on suspendit les lampes. Ce fut un jour solennel.

Al Malik al ‘Adal Nûr ad-dîn, le martyr, avait formé le projet de conquérir Jérusalem; dans cette pensée, il avait fait faire à Alep une chaire qui avait coûté plusieurs années de travail et qu’il destinait à la ville sainte.

Mais la mort vint le surprendre, et la prise de Jérusalem s’accomplit par les mains de celui que Dieu avait choisi : le Sultan Salâh ad-dîn fit apporter la chaire d’ Alep et la plaça dans la mosquée Al-Aqsa. C’est celle qu’on y voit actuellement.

Quant à la Sakhra, les Francs avaient construit au dessus une église et un autel, et y avaient placé des images et des statues. Le Sultan donna l’ordre de la découvrir et de détruire les constructions récentes qui l’obstruaient. L’ayant ainsi rendue à son premier état, il y établit un imam habile dans la lecture du Qur’àn, et la dota, à titre de waqf, d’une maison et d’un fonds déterre. Il y fit transporter, ainsi qu’au Mihrâb delà mosquée Al-Aqsa, des exemplaires du Qor’ân avec leurs étuis, et attacha un certain nombre de domestiques au service de la Sakhra et de la mosquée Al-Aqsa.

Les Francs avaient détaché des morceaux de la Roche; ils en avaient porté à Constantinople et en Sicile, et les avaient vendus, dit-on, à leur poids d’or.

Lorsque le Sultan fit la conquête de Jérusalem, il y avait, au sommet de la Coupole de la Sakhra, une grande croix en or. Plusieurs musulmans se hissèrent tout au haut et l’arrachèrent. A ce spectacle, on entendit les musulmans pousser un immense cri de joie et d’allégresse comme jamais il n’en retentit. Le Sultan s’occupa ensuite des restaurations nécessaires, il ordonna de recouvrir de marbre le Mihrâb de l’Aqsa, et y fit inscrire en mosaïques dorées cette inscription que j’ai lue :

« Au nom de Dieu clément, miséricordieux. Ce saint Mihrâb a été renouvelé et le Masjid-al-Aqsa, qui a pour fondement la crainte de Dieu, a été restauré par Vordre du serviteur de Dieu et son ami, Yûsuf b. Ayyub, Abû l-Mudaffar Al Malik an-Nâsir Salâh ad-dûnia-wa ad-dîn, lorsque Dieu l’eut reconquis par ses mains, dans le cours de l’année 583. Il demandée Dieu de lui inspirer la reconnaissance de ce bienfait et de lui accorder sa large part de pardon et de miséricorde. »

 Mihrâb de David et autres Machhad.

Le Mihrâb de David est situé hors du Masjid-al-Aqsa, dans un château-fort, à la porte de la ville ; c’est la citadelle. Le Wâlî demeurait dans ce château. La porte était connue autrefois sous le nom de Bâb al Mihrâb; on l’appelle maintenant Bâb Al-Khalîl (Porte d’Hébron). Le Sultan s’appliqua à

y faire faire les réparations nécessaires. Il y installa un imâm, des muadden et des surveillants. Il donna également l’ordre de restaurer tous les oratoires et chapelles funéraires. L’emplacement de cette citadelle était occupé anciennement par le palais de David.

Al Malik al-‘Adal logeait dans l’église de Sion, à la porte de laquelle étaient campés ses soldats, sous leurs tentes.

Le Sultan, après avoir consulté les ‘Ulama de sa maison sur l’établissement d’une Madrasa pour les jurisconsultes Châfé’îtes et d’un hospice pour les vertueux personnages de l’ordre des Soufis, désigna pour la Madrasa l’église connue sous le nom de Sand Hanna. On dit, en effet, qu’elle renferme le tombeau d’Anne, mère de Marie. Elle est située auprès de la Porte des Tribus. Pour l’hospice (Khânqâh), il choisit le palais du patriarche, lequel est tout près de l’église de Qumâma, et dont une partie est même à cheval sur cet édifice. Il assigna à ces deux établissements des waqfs très-productifs. Il ordonna aussi de fermer l’église de Qumâma et en interdit la visite aux chrétiens. Un des personnages de sa suite lui donna même le conseil de la détruire; mais d’autres émirent un avis opposé, en s’appuyant sur ce que le Commandeur des Croyants ‘Umar b. Al-Khattâb, quand il fit la conquête de Jérusalem, avait confirmé les habitants dans la possession de cette église et ne l’avait pas démolie Le Sultan partit de Jérusalem le vendredi 25 cha’bàn

Le vendredi 23 dhu’l qa’da, le Sultan monta à cheval, malgré la pluie qui tombait, et marcha avec sa suite jusqu’à ce qu’il arriva à Jérusalem, avant l’Asr. Il descendit dans la maison des prêtres, voisine de l’église de la Qumâma, et s’occupa de fortifier la ville. Il célébra la prière du vendredi, dhu al-hijja (20 12 1191), dans le Dôme de la Sakhra. . ”

Relation du moyen employé par le Sultan pour la restauration de Jérusalem.

Il arriva de Mosoul, pour le fossé, une bande que le seigneur de cette ville avait expédiés sous la conduite d’un de ses chambellans, auquel il avait aussi remis de l’argent pour être distribué aux ouvriers au commencement de chaque mois ; ils employèrent la moitié d’une année à ce travail. Le Sultan ordonna de creuser un fossé profond et de construire un mur d’enceinte. S’étant fait amener près de deux mille prisonniers Francs, il les organisa pour cette opération. Il rétablit des tours de défense depuis la Porte de la Colonne (Bab-al-‘Amûd) jusqu’à celle du Mihrâb, connue aujourd’hui sous le nom de Bâb Al-Khalil, et dépensa pour cet objet des sommes considérables. Il les fil édifier en gros blocs; on taillait du fosse les pierres que l’on employait à la construction du mur d’enceinte. Il répartit la construction de la muraille entre ses fils, son frère Al ‘Adal et ses émirs. Chaque jour, montant à cheval, il venait inspecter lui-même les travaux, et portait des pierres sur l’arçon de sa selle; tout le monde sortait pour se conformer à ses désirs en transportant des matériaux aux lieux de construction. Il dirigeait la besogne, soit en personne, soit par l’intermédiaire de plusieurs de ses familiers et des émirs. ‘Ulamâ, qâdîs, Soufis, valets de l’armée, suivants, menu peuple, chacun prêtait à l’envi son concours. Aussi éleva-t-on, en très-peu de temps, des fortifications pour lesquelles des années auraient à peine suffi

Quand vint 588, le Sultan se trouvait encore à Jérusalem, dans la maison des prêtres, à côté de Qumàma, pour fortifier la ville et en relever les remparts. Il consacra ses efforts à protéger la Sakhra sainte et à achever complètement la muraille et le fossé. Le tout fut exécuté dans des conditions de solidité extrême, et les musulmans furent rassurés

Trêve générale

Ensuite, la paix fut conclue et une trêve arrêtée entre le Sultan et les Francs, par l’intermédiaire de plusieurs des principaux personnages de la suite du Sultan. On convint d’une trêve générale sur terre et sur mer; la durée en fut fixée à 3 ans et 8 mois, à partir du mardi 21 cha’bân 588, correspondant au 1/9/1192.

Les Francs avaient calculé que l’époque de l’expiration du traité coïnciderait avec celle de leur arrivée par mer. La trêve fut donc établie et on échangea les serments d’usage. Toutefois le roi d’Angleterre ne jura pas ; on se borna à lui prendre la main et à recevoir sa promesse ; il allégua que les rois ne prêtaient pas de serment ; le Sultan se contenta de cette excuse. Ceux qui jurèrent furent le comte Henry, son neveu et son successeur dans le gouvernement du Sâhal, et quelques autres d’entre les principaux seigneurs des Francs. Le fils de Honfroy et Bâliân vinrent présenter leurs hommages au Sultan, accompagnés de plusieurs chefs ; ils prirent la main du Sultan, en signe de confirmation de la paix, et reçurent le serment d’Al Malik al ‘Adil, son frère, d’Al Malik al Afdal et d’Al Malik ad-Dâhir, ses fils, d’Al Malik al Mansur, seigneur de Hamâh, Muhammad b. Taqî-ad-dîn ‘Umar, d’Al Malik al Mujâhid Chirkuh, seigneur de Huras, d’Al Malik al Amjad Bahrâm-Châh, seigneur de Ba’lbak, de l’émir Badr ad-dîn Dildérim al Yâruqî, seigneur de Tell-Bàcher, de l’émir Sâbiq-ad-dîn ‘Uthmân b. Ad-Dâya, seigneur de Chayzar, de l’émir Sayf ad-dîn ‘Alî b. Ahmad al Mashtub et de plusieurs autres grands officiers.

Aux termes du traité, les Francs devaient conserver en leur possession tout le territoire depuis Jaffa jusqu’à Cesarée, Acre et Sour ; Ascalon devait être rasée. Le Sultan exigea que le pays des Ismaéliens fût compris dans la

Trêve ; les Francs stipulèrent la même clause en faveur d’Antioche et de Tripoli. Ludd et Ramla demeuraient en commun par moitié entre eux et les musulmans. C’est sur ces bases que l’accord fut établi. On fit venir Al ‘Imàd al Kâteb (le secrétaire) pour en rédiger les articles qu’il mit par écrit. Un héraut proclama que la paix était faite et que les deux pays, musulman et Franc, n’en faisaient plus qu’un, sous le rapport de la sûreté et de la sécurité; qu’en conséquence, quiconque, appartenant à l’une ou à l’autre nation, voudrait se rendre sur le territoire de l’autre, pourrait le faire sans crainte et en toute liberté. Ce fut un jour de fête : les deux peuples s’y livrèrent à des transports d’allégresse immenses.

Récit de ce qui advint après la conclusion de la paix.

Le Sultan retourna à Jérusalem où il s’occupa de faire achever la muraille et le fossé, et accorda aux Francs les plus grandes facilités pour visiter la Qumâma. Ils vinrent s’acquitter de leur pèlerinage. « Ce n’était que dans ce but, disaient-ils, que nous combattions. » Le roi d’Angleterre avait envoyé prier le Sultan d’interdire la visite aux Francs qui ne se présenteraient pas munis d’une lettre de lui : il voulait, par ce moyen, les obliger à retourner dans leur patrie avec le regret de ne pas voir accompli le pèlerinage, afin qu’ils fussent animés d’un fureur plus grande pour combattre, quand ils reviendraient. Mais le Sultan, faisant valoir pour excuse la conclusion de la paix et de l’armistice :

« Il vaut mieux, répondit-il, que ce soit toi qui leur défendes et les empêches ; car quand ils viennent pour visiter leur église, il ne nous siérait pas de les repousser. »

Sur ces entrefaites, le roi d’Angleterre tomba malade et s’embarqua ; il mit à la voile, en laissant le commandement au comte Henry; ce prince était à la fois son neveu, par sa mère, et le neveu du roi de France, du chef de son père.

Le Sultan, qui avait conçu le projet de faire le pèlerinage de la Mekke, résolut de le mettre à exécution ; il écrivit à ce sujet en Egypte et dans l’Yaman pour en donner l’avis. Mais son entourage insista tellement auprès de lui qu’il finit par y renoncer. Il s’occupa alors d’organiser à Jérusalem les bases d’un gouvernement régulier et prospère. Le Wâlî de la ville sainte était, en ce moment, Husâm ad-dîn Siârukh, d’origine turque; homme religieux et plein de vertu, il avait eu une excellente conduite. Le Sultan remit le gouvernement de Jérusalem à ‘Azz ad-dîn Jurdîk, émir distingué et renommé pour sa bravoure, et institua ‘Alam ad-dîn Qaysar gouverneur des provinces d’Hébron, d’Ascalon, de Ghazza, d’Ad-Dàrum et de tout le territoire au-delà de ces places. Il s’enquit également auprès des Soufis de leur situation et augmenta les dotations de la Madrasa Salahiya et de la Khânqâh. Il transforma en hôpital pour les malades l’église attenante à la maison des Hospitaliers, près de Qumâma, lui constitua en waqf plusieurs endroits et y installa tous les médicaments et drogues nécessaires. Il donna la charge de juge et celle d’inspecteur de ce waqf au qâdî Bahâ ad-dîn Yûsuf b. Râfi ‘ b. Tamîm, célèbre sous le nom de Ibn Chaddàd, qu’il savait très-capable de remplir ces fonctions…

 Relation de la mort du Sultan.

La nuit du samedi 16 Safar 589/1193, le Sultan prit place dans sa salle d’audience, comme à l’ordinaire; autour de lui étaient rangés ses familiers, entre autres Al ‘Imâd al Kâtib. La conversation se prolongea jusqu’à ce que le tiers de la nuit fut écoulé. Il fit alors la prière et chacun se retira. Lorsqu’il fut couché, une lassitude extraordinaire le gagna, et, à minuit, il fut pris d’une fièvre bilieuse. Le samedi matin, on s’assit dans Diwân pour l’attendre. Un eunuque sortit et transmit à Al Malik al Afdal l’ordre d’occuper à table la place du Sultan. Cette circonstance parut de mauvais augure. Dans la nuit du dimanche, on entra chez le Sultan pour lui faire visite et s’informer de sa santé. La maladie commença bientôt à prendre un caractère plus grave. Le septième jour, il éprouva un tremblement général suivi de syncope. L’agitation fut extrême dans la ville : la population fit éclater un chagrin si violent et se répandit en sanglots tels que toute description serait impossible. Enfin, la douzième nuit de sa maladie, le Sultan se trouva au plus mal, et il mourut (que Dieu lui fasse miséricorde), dès le matin de cette nuit à laquelle succéda le jour de mercredi 27 safar de l’année 589 (4 mars 1193), après la prière de l’aurore. Son corps fut lavé par le faqîh Diâ ad-dîn Abû al Qàsim ‘Abd-al-Malik b. Yazîd ad-Daula’î, le Châfé’ite, Khâtîb de la mosquée de Damas, et porté, après la prière de midi du mercredi, dans un cercueil enveloppé d’une étoffe. Tout ce qui était nécessaire à son ensevelissement fut apporté par le qâdî Al-Fâdal et provenait d’un argent qu’il savait légitimement acquis. On célébra la prière funèbre; tout le monde était en proie à l’affliction, et le chagrin de se séparer de lui était extrême. Il fut inhumé dans la citadelle de Damas , dans la maison qu’il occupait durant sa maladie; on le descendit dans son tombeau au moment de la prière de l’Asr.

Al Malik al Afdal envoya des lettres, pour annoncer la mort de son père, à son frère Al ‘Azîz ‘Uthmân, à Mesr, à son frère Ad-Dâher Ghâzî^ à Alep, et à son oncle Al ‘Adel, à Al-Karak. Al Malik al Afdal lui construisit dans la

suite une Teurba (monument funéraire) près de la mosquée Omayyade, sur l’emplacement d’une maison qui appartenait à un homme pieux. Le Sultan y fut transporté le jour ‘Achourâ de l’année 592; Al Afdal marcha devant son cercueil. On le sortit par la porte de la Citadelle, qui est au dessus de l’Hôtel de la tradition ; arrivé à Bab al-Barîd, on l’introduisit dans la mosquée et on le posa devant l’Aigle. Les prières furent célébrées par le qâdî Zakî ad-dîn ; après quoi il fut inhumé Il laissa, en mourant, 17 fils, et une fille encore en bas-àge. On ne trouva dans son trésor qu’un seul dn et 36 dh Nâsirîs

Evénements qui suivirent la mort de Saladin.

Dans cet intervalle (593-594), Sonqor l’aîné étant mort, Al Malik Al ‘Adal donna le gouvernement de la ville sainte à Sârim ad-dîn Qôtlu, mamlouk de ‘Azz ad-dîn Farrukh-Châh b. Châhan-châh b. Ayyub

Destruction des murailles de Jérusalem.

Quand Al Malik al ‘Adal fut mort, les Francs retournèrent dans la direction du Caire et s’emparèrent de Damiette qu’ils prirent d’assaut le 10 ramadan 616 (19 11 1219); ils réduisirent en captivité tous ceux qui s’y trouvaient et convertirent la mosquée en église. Ils convoitèrent dès lors plus vivement la possession de l’Egypte entière. Voyant ce qui se passait, Al Malik al Mu’addam ‘Isa craignit qu’ils ne se portassent contre Jérusalem qu’il était hors d’état de défendre, et expédia des carriers et des mineurs, qui commencèrent à la détruire en l’année 616. Ses remparts, qui avaient été extrêmement fortifiés, furent démolis. Beaucoup de monde abandonna la ville, et les habitants s’enfuirent dans la crainte que les Francs ne fondissent sur eux de nuit ou de jour ; ils abandonnèrent leurs biens et ceux de leurs effets trop lourds à transporter, et se dispersèrent en tous sens dans le pays. C’est au point que le qantâr d’huile se vendit, dit-on, à raison de 10 dh, et le ratl de cuivre, 0,5 dh. Toute la population, poussant des cris de terreur, courait implorer Dieu auprès de la Sakhra et dans l’Aqsa.

Al Malik al Mu’addam était un savant éminent ; il était très-attaché à la secte Hanafite, qu’il professait contrairement aux autres membres de sa famille qui étaient tous Châfé’îtes. C’est lui qui fit construire à Jérusalem une Madrasa pour les Hanafîtes, auprès de la porte du Masjid-al-Aqsa connue aujourd’hui sous le nom de Porte ad-Dawîdâriya ; il bâtit aussi, à l’extrémité de la plate-forme de la Sakhra, du côté du sud, un endroit nommé an-Nahwiya, pour l’étude de la langue arabe, et dota cet établissement d’excellents Waqfs. Sous son règne, les arcades qui se trouvent au haut de l’escalier méridional de la Sakhra, auprès de la oupole d’At-Tumâr, furent reconstruites; on fit également d’autres travaux dans le Masjid-al-Aqsa. La plupart des portes en bois qui ferment les entrées du Masjid furent confectionnées de son temps ; son nom s’y trouve gravé. Il restaura encore le Masjid d’Hébron et lui constitua en waqf les deux bourgs de Durâ et de Kafr-Burayk.

Al Malik al Mu’addam ‘Isa mourut cette année même, le jour de vendredi commencement de dhu al-hijja 624 (12 11 1227). Il fut enterré dans la citadelle de Damas, puis transporté à la colline de la Sàlahiya où il fut enterré dans sa Madrasa, connue sous le nom de Mu’addamiya. Cette translation s’accomplit la nuit du mardi 11 muharram 625. Il avait été souverain de Damas durant 9 ans et quelques mois.

A la mort d’Al Malik al Mu’addam, son fils Al Malik en-Nâsir Salâh ad-dîn Dâwud fut placé sur le trône. . .