Michel le Syrien, Eléments de l’historiographie syriaque établissant le positionnement religieux des Tayyayê (Arabes) lors de la soumission de la Mésopotamie (v. 638-9), v. 1175

Cependant le général Jean, qui était à Urha (Edesse), vint trouver Omar à Génshri et lui paya 10.000 tahégan pour le tribut d’une année, afin qu’il n’entrât pas dans la Mésopotamie vers l’orient. Héraclius informé de la conduite de Jean se mit en fureur contre lui, et avant ordonné de l’arrêter, le fit jeter en prison. C’est Dieu lui-même qui voulait la ruine de ce monarque et qui lui inspirait un esprit hautain et cruel. Aussi, dans le cours de cette année, les Arabes ayant fondu sur la Mésopotamie, s’en emparèrent et s’y établirent et en maître .

La ville d’Urha éloigna avec prudence les troupes grecques qui s’y trouvaient, et qui se retirèrent tranquillement. Omar imposa ure capitation aux chrétiens qui étaient sous sa domination.
A cette époque Amru, émir des Taiyayê, défendit que les croix parussent, même aux fêtes et aux rogations. Cela réjouit les Juifs, et ils se mirent à enle­ver les croix des églises. Alors, un chré­tien, connu de l’émir, voyant un juif qui courait au-dessus de l’église de Jean-Baptiste pour en arracher la croix, fut enflammé de zèle, alla trouver Amru et lui :
« O émir juste ! il n’est pas juste que tu permettes aux Juifs de tourner nos mystères en dérision. »
Alors, Dieu ayant changé son cœur, il dit :
« Je n’ai pas prescrit d’arracher les croix, si ce n’est celles qui sont marquées dans les rues, sur les murs. » (ce qui est la doctrine iconoclaste byzantine)
Il ordonna à l’un de ceux qui étaient présents d’al­ler à la rencontre du Juif qui descendait en emportant la croix ; il enleva la croix au Juif et le frappa a la tète : sa cervelle se répandit et il mourut.
Ce fut une consolation pour les chrétiens, car les Juifs furent couverts de confusion, et la prescription tomba en désuétude ; les chrétiens recommencèrent à porter les croix aux rogations, aux fêtes et aux en­terrements. Cependant, à Homs et à Damas, ils n’ont jamais eu cette faculté depuis que cet édit fut porté par l’émir Amru.

[…] par exemples tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament et par des arguments naturels. Le chrétien montra l’étendue de leur science, Amru fut dans l’étonnement. Alors il lui donna cet ordre :
« Traduis-moi votre Evangile dans la langue sarrasine, c’est-à-dire des Taiyayê. Seule­ment, tu ne parleras ni de la divinité du Christ, ni du baptême, ni de la croix. »
Le bienheureux, fortifié par le Sei­gneur, répondit :
« A Dieu ne plaise que je retranche un seul Yod ou un seul point de l’Evangile, alors même que tous les traits et toutes les lances qui sont dans ton camp me transperceraient. »
Voyant qu’il ne pourrait le convaincre, Amru lui dit :
« Va ; écris comme tu voudras. » .
Le patriarche réunit les évêques et fit venir des Tanukayê, des ‘Aqulayè, des Tu’ayè, qui connaissaient les lan­gues arabe et syriaque, et il leur com­manda de traduire l’Evangile en langue arabe. Il avait ordonné que chaque sen­tence qu’ils traduisaient passât sous les yeux de tous les interprètes. C’est ainsi que l’Evangile fut traduit et présenté au roi.

[…]

En ces années, les ‘Aqulayê, c’est-à-dire les gens de Bagdad, passèrent de Harran à Mabbug (Manbij) et de Mabboug à Hamâ(t).