Tite-Live, XXIV, Sufak (Syphax), roi des Ma-Sa-I-Sûl-n (Massaesyles) s’allie aux Romains et affronte M-A-Sniss- (Masinissa) fils de Gayi- (Gaïa) pour le contrôle de l’Afrique (et de la Bétique), v. -30

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Cette même année, les deux Scipions, après des succès brillants en Espagne, après avoir renoué beaucoup d’anciennes alliances et en avoir formé de nouvelles, portèrent leurs espérances jusque sur l’Afrique.

Syphax (Sûfak), roi des Numides, était devenu tout à coup l’ennemi de Carthage.

Ils envoyèrent auprès de lui 3 centurions pour faire avec lui un traité d’amitié et d’alliance, et lui promettre, s’il continuait à faire la guerre aux Carthaginois, que le sénat et le peuple romain lui en sauraient bon gré, et feraient dans l’occasion tous leurs efforts pour lui en témoigner largement leur reconnaissance.

Cette députation fut agréable au Barbare. II eut avec les envoyés une conversation sur les moyens de faire la guerre, et d’après ce que lui dirent ces vieux soldats, en comparant cette merveilleuse organisation des troupes romaines avec celle de ses propres troupes, il sentit combien de choses il ignorait aussi.

Il leur demanda, avant tout, que pour agir en bons et fidèles alliés,

« 2 des centurions seulement allassent rendre compte de leur ambassade à leurs généraux, et qu’un des trois restât auprès de lui pour enseigner aux Numides l’art militaire ; que sa nation était tout à fait inhabile aux combats d’infanterie, et ne savait se servir que de ses chevaux;  que, dès l’origine, leurs ancêtres avaient combattu à cheval, et qu’eux-mêmes, depuis leur enfance, n’avaient pas appris à combattre autrement; qu’ayant un ennemi dont  l’infanterie était excellente, pour ne pas lui être inférieur, il fallait qu’il organisât aussi une infanterie; que son royaume produisait des hommes en abondance, mais qu’il ignorait la manière de les armer, de les équiper, de les disposer en troupes; que son armée, comme toute multitude rassemblée au hasard, ne présentait que des masses en désordre. »

Les envoyés répondirent qu’ils allaient faire à l’instant même ce qu’il demandait, après avoir reçu la parole du roi qu’il renverrait leur collègue si les généraux n’approuvaient pas leur conduite. Celui qui resta auprès du roi se nommait Q. Statorius. Le Numide, avec les 2 autres Romains, envoya en Espagne des ambassadeurs qui devaient recevoir la parole des 2 généraux, et travailler en même temps à gagner au plus tôt les Numides auxiliaires qui faisaient partie des garnisons carthaginoises.

Statorius, dans cette nombreuse jeunesse, créa au roi une infanterie. D’après la méthode romaine, il leur apprit à se former en ligne, à courir en suivant leurs enseignes, à garder leurs rangs.

Enfin il les accoutuma tellement au travail et à tout ce qu’exige la discipline militaire, que bientôt le roi eut autant de confiance dans son infanterie que dans sa cavalerie. Il se rencontra avec les Carthaginois en plaine, et les défit dans une bataille régulière.

Les Romains, de leur côté, gagnèrent beaucoup en Espagne à l’arrivée des envoyés du roi. Car les Numides, dès qu’ils en furent informés, passèrent en grand nombre aux Romains.

Ainsi fut conclue l’alliance avec Syphax. À cette nouvelle, les Carthaginois envoyèrent une ambassade à Gaïa (A-Gâyi), lequel régnait sur une autre partie de la Numidie, dont les habitants sont appelés Massyliens (M-A-Sûl-n).

Gaïa avait un fils nommé Masinissa (M-A-Snis-), âgé de 17 ans, jeune homme dont le caractère annonçait déjà qu’il rendrait son royaume plus vaste et plus considérable qu’il ne l’aurait reçu de son père. Les députés annoncent à Gaïa « que, puisque Syphax s’était uni aux Romains pour devenir, à l’aide de leur alliance, plus puissant contre les rois et les peuples de l’Afrique, il était de l’intérêt de Gaïa de s’unir au plus tôt aux Carthaginois, avant que Syphax passât en Espagne ou les Romains en Afrique. Que l’on pourrait ainsi écraser Syphax, qui n’était encore allié de Rome que de nom. »

Gaïa se laissa facilement persuader d’envoyer une armée, car son fils désirait cette guerre. Le jeune homme, unissant ses troupes à celles des Carthaginois, défit Syphax dans une grande bataille. 30 000 hommes, dit-on, y furent tués.

Syphax, avec quelques cavaliers, s’échappa du champ de bataille, et se réfugia chez les Maures Numides, qui habitent tout à l’extrémité, sur le bord de l’océan, en face de Gadès. Au bruit de son nom, les barbares arrivèrent de tous côtés, et il en forma bientôt une immense armée.

Avant qu’il passât avec eux en Espagne, dont il n’était séparé que par un détroit, Masinissa arriva avec ses troupes victorieuses, et là, tout seul, sans aucun secours de Carthage, il soutint glorieusement la guerre contre Syphax.