Nasiri, Al-Istiqsa, Tome I : XVIIè et XVIIIè s.

KITÂB BLISTIQSÂ LI AKHBÂRI DODAL BLMÂGRIB EL1QSÂ

(Le livre de la recherche approfondie des événements des dynasties de l’extrême Maghrib)

OEuvre du très docte savant, de l’unique des temps, le seul du siècle

l’océan de science, le chroniqueur, le chéïkh ̃

 

Ahmad bn Khâléd ENNÂSIRI Esslâoui

 

Que Dieu conserve et perpétue sa grandeur! ‘̃̃

 

Amîn ,’̃;̃-

 

>- QUATRIÈME PARTIE

 

CHRONIQUE DE LA DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

;.̃’̃ K’ t. (1881 à 1 894) ,<c

Traduite par: Eugù- ne FUME Y

 

Premier Drogman de la Légation de France au Maroc

 

Publiée- par Noël GIROiV

 

TOME I

 

.̃̃J/PARIÇ- v-

ERNEST LEROUX;” ÉDITEUR

̃̃ 28, RUE’ BONAPARTE, VIe-

 

1906 w

 

‘£.. ̃̃•Vi; ‘̃ DÉCEMBRE 1906

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MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC

 

MEMBRES DE LA MISSION

 

M. E. Michaux-Bellaire, chef de Mission (à Tanger).

M. L. MERCIER.

 

M. L. Coufourier.

 

M. É. Amar (Publication du Fonds Salmon, à Paris).

m.N. ]̃̃•̃: ̃

:,M.,N. ̃ ?.’̃̃̃•• ̃̃-

Correspondants:

 

M. M. Besnier.

 

M. A. Joly. :’̃ j

M. N. Slousch. ‘̃

Secrétaire de la Rédaction dés. Archives Marocaines

M. N. Giron.

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~.1

 

ARCHIVES

 

^MAROCAINES

 

MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC

 

f 0)

 

PUBLICATION

DE LA

 

VOLUME IX

 

ERNEST LEROUX, ÉDITEUR

28, RUE BONAPARTE, Vl”

 

PARIS

1906

4343

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y Pages.

EUGÈNE FUMEY ix

CHRONIQUE DE LA DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

Dynastie des shurfas Sijilmâsis de la famille de ‘Ali Echchérif; leur

généalogie et leurs débuts 1

Arrivée, de Mawlay Elhasan bn Qàsém au Maghrib: il s’établit à

Sijilraàsa 3

Postérité de Mawlay Hasan bn Qâsém, son développement dans le

Maghrib, et quelques traits de Mawlay ‘Ali Echchérif. 7

Comment Mawlay Echchérif bn ‘Ali arriva au pouvoir lutte entre

lui et Boù Hassoùn Essémlâli surnommé Boù Dméï’a 10

Émirat de Mawlay Mhammed bn Echchérif sa proclamation à

Sijilmàsa causes de ces événements. 1»

Mawlay Mhammed conquiert le Drà’ et en chasse Aboù Hassoùn

Essém)â)i. ~0

Affaire d’Elqà’a qui survint entre Mawlay Mhammed bn Echchéril’et

les gens de la Zàouyat Eddilà ses conséquences. 21 1

Mawlay Mhammedben Echchôrîf prend Fâs,puis l’abandonne à la mort

de Sidi Moljammed EI`ayyàehi 25

Mawlay Mhammed bn Echchérlf prend Wujda et dirige des incur-

sions sur Tlemsèn et ses environs conséquences de ces actes. 26

‘Otsmàn Pacha, dey d’Alger, écrit à Mawlay Mhammed correspon-

dance échangée entre eux à cette occasion 28

Révolte du moqaddim Aboùl’abbàs Elkhaçlir Geïlân Elgorofti dans

la région d’Elhibt ne

Mort de Mawlay Echchérif bn ‘Ali 37

Incursion de Mawlay Mhammed bn Echchérîf chez les ‘Arabs

Elhayàïna des environs de Fâs, et ses conséquences 38

Révolte de.Mawlay Errechid bn Echchérîf contre son frère Mawlay

Mhammed ‘et meurtre de ce dernier. 3!i

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Errechid bn Echchérit’ 42

 

STABLE DU TOME IX

1

 

‘<\ (19O6)

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ARCHIVES MAROCAINES

Prise de Tâza et de Sijilmàsa, et faits qui se placent entre ces deux

événements 44

Siège et prise de Fâs châtiment infligé aux révoltés 45

Prise de la Zàouyat Eddilà exil de ses membres à Fâs événe-

ments qui en sont la suite 48

Conquête de Murrâkush et meurtre de le Commandeur Boù Bkeur Echchebâni

et de ses partisans 51

Construction du pont de l’Oued Sbou, près de Fâs 52

Conquête de Târoûdânt, d’Ilîg et de tout le Soùs 53

Constitution du Jaysh des Chrâga leur origine explication de

leur dénomination 51

Mort du Commandeur des Croyants Mawlay Errechîd 56

Règne du Commandeur des Croyants victorieuxpar Dieu Ahoùnnasr Mawlay

Ismà’il bn Echchérîf 5(1

Révolte de Mawlay Abûl’abbâs Ahmad bn Mahrèz bn Echchérîf,

et fin de ce dernier 60

Révolte des gens de Fâs, qui tuent leQâ’îd Zéidân et proclament Ben

Mahrèz siège de la ville par le Sultan. 61

Le Commandeur des Croyants, Mawlay Ismâ’il, reconstruit Méknâsét

Az-Zéïtoùn et en fait sa capitale. 63

Arrivée à Murrâkush de Mawlay Ahmad bn Mahrèz, qui prend la

ville; le Sultan se met en route pour aller l’y assiéger. 65

Formation du « Jaysh » Eloûdèya, ses diverses fractions et leurs

origines. 66

Révolte- des Berbers, partisans des Dilàïs qui se réunissent autour

d’un des membres de cette famille, Ahmad bn ‘Abdallah; le Sul-

tan les réduit 70

Reconstruction de la capitale de Méknâsét Az-Zéïtoùn 71

Création du Jaysh » des ‘Abids d’Elbokhâri son origine et expli-

cation des noms qui lui furent donnés 74

Expédition du Commandeur des Croyants, Mawlay Ismà’il, dans la région

du Cherg; conclusion de la paix entre lui et le gouvernement turc

d’Alger 78

Révolte des trois fils de Mawlay Echchérif bn ‘Ali, frères du Sultan,

dans le Sahara 79

Transport des Zirâra et des Chebânàt à Wujda construction de qas-

bas sur les frontières 81

Prise d’Elmehdiya combats contre bn Mahrèz au Soûs événe-

ments intermédiaires 83

Persécutions infligées aux Qâdis et leurs causes. 87

Expédition contre les Berbers et construction de qasbas à côté de

leurs forteresses. 87

Conquête de Tanger 8!)

Deuxième expédition contre les Berbers et construction de forts

sur les limites de leur territoire 90

 

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TABLE DES MATIÈRES

 

Meurtre de Mawlay Alimed bn Mahrèz prise de Tàroùdânt et Pagea.

événements qui s’y rattachent. 91

Expédition contre les Berbers de Fèzzâz et construction du fort

d’Adékhsân «2

Éducation des enfants des ‘Abîds du Diouân » conditions dans

lesquelles était opérée leur instruction. 94^

Conquête d’El’arêïch .97

Prise d’Aséïta 103

Siège de Ceuta. 104

Expédition du sultan Mawlay Ismà’il chez les Bràbér de Fèzzàz,

qu’il réduit à l’obéissance 105

Le sultan Mawlay Ismâ’îl ordonne aux ‘ulâma de Fâs d’écrire

leur avis approbatif sur le rôle des ‘Abids leur refus; consé-

quences de ces faits. 120

Le sultan Mawlay Ismà’îl partage les provinces du Maghrib entre

ses fils conséquences de ce partage 122

Rivalités entre les fils du Sultan. Révolte de Mawlay Mhammed

El’àlécn au Soùs: sa mort 123

Mauvais traitements infligés au fqîh Abû Muhammad ‘Abd As-Slâm

ben Hamdoûn Guessoûs 128

Révolte de Mawlay Bennser, fils du Sultan, dans le Sous sa mort. 131

Travaux opérés aux tombeaux des deux imâms Mawlay Idris l’aîné

et Mawlay Idris le jeune. 133

Mort du Prmce des Croyants, Mawlay Iamà’îl 135

Suite des événements qui eurent lieu sous le règne de Mawlay

Ismà’îl; monuments élevés par ce Commandeur, sa politique. 138

Premier règne du Commandeur des Croyants Mawlay Abûl’abbâs Ahmad

ben Ismâ’il, surnommé Eddéhébi. 156

Attaque de Tétouan par le Qâ’îd Abûl ‘abbûs Ahmad bn “Ali Errîfi

incidents survenus entre lui et le fqîhAboùHafs ‘Omar Elouaqqâch. 157

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Aboù Merouàn ‘Abdelmâlék

ben Ismà’îl 164

Deuxième règne du Commandeur des Croyants Mawlay Abûl’abbâs

Ahmad Eddéhébi 16?

Siège de Fâs par le Commandeur des Croyants, Mawlay Ahmad ses

causes » 168

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallàh bn Ismà’il. 171

Inimitié entre le Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah et les gens

de Fâs ses motifs 177

Siège de Fâs par Mawlay ‘Abdallah 179

Expédition du sultan Mawlay ‘Abdallah contre les Berbers, et leur

défaite 181

Le sultan Mawlay ‘Abdallàh commet des injustices néfastes pour

la bonne administration et des actes de nature à discréditer le

pouvoir 182

 

Pages.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

Le sultan Mawlay ‘Abdallah fait démolir Medinat Erriyàtl à Méknvs. 183

Le sultan Mawlay ‘Abdallah envoie le « Jaysh » des ‘Abîds contre

les gens du Fèzzàz qui le mettent en déroute 186

Révolte des ‘Abids contre Mawlay ‘Abdallah, qui s’enfuit à Oued

Noùl ses conséquences 18S (

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Aboùlljasan ‘Ali bn Isma’il,

surnommé Ela’réj 189

Révolte des gens de Fâs contre leur gouverneur Més’oùd Erroùsi

leur rupture avec le sultan AbûIJ.iasan 130

Expédition du sultan Aboùlhasan avec les ‘Abîds contre les habi-

tants du Jbal Fèzzaz sa défaite 192

Le sultan Mawlay ‘Abdallah quitte le Soûs le sultan Mawlay

Aboùlhasan se réfugie chez les AhlAf; ce qu’il fait jusqu’à ea

mort. 193

Deuxième règne du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah ben

Ismà’il 194

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Muhammad bn Ismà’il sur-

nommé bn ‘Arbiya ses causes 136

L’autorité du sultan Mawlay Muhammad bn ‘Arbiya commence à

diminuer: conséquences de cette décroissance 197

Attaque de l’écurie de Miknâs par le sultan Mawlay ‘Abdallah ses

conséquences 198

Derniers événements du règne du sultan Mawlay Muhammad ben

‘Arbiya troubles et misère qui les accompagnent. 199

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Elmostadi bn Ismâ’i! 202

Le sultan Mawlay Elmostadi commet des actes d’injustice qui

amènent des désordres 203

Le bâcha Aboùl’abbôs Ahmad bn ‘Ali Errifi réduit les habitants

de Tétouan 206

Révolte des ‘Abids contre Mawlay Elmostadi, qui s’enfuit à Mor-

râkch 207 s

Les ‘Abîds se rangent de nouveau sous l’autorité du sultan Mawlay

‘Abdallah et embrassent son parti 208-

Venue du sultan Mawlay ‘Abdallah à Miknâs: sa conduite envers

les habitants de cette ville 209

Abûl’abbàs Ahmad bn ‘AH Errifi met en déroute les tribus du

Garb autres événements de cette époque 210

Révolte des ‘Abids contre Mawlay ‘Abdallah, qui s’enfuit, pour la

seconde fois, chez les Berbers. 212

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Zin El’abidîn bn Ismà’il. 212

Suite des faits se rapportant à Mawlay Zin El’ftbidin, et décrois-

sance de son pouvoir 214

Troisième règne du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallàh. 215

Mawlay Elmostadi vient de Murrâkush et combat son frère Mawlay

‘Abdallâh; événements qui en sont la suite 216

 

Poires.

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TABLE DES MATIÈRES

 

Pressent du sultan Mawlay ‘Abdallah au sanctuaire du Prophète.. 218

Alliance du bâcha Aboùl’abbâs Errifi avec Mawlay Elmostali

contre Mawlay ‘Abdallah arrivée de ce bâcha à Fâs, et ce qui

s’en suivit 219

Nouvelle expédition de Ahmad Errifi contre Fâs ses démèlés avec

le sultan Mawlay ‘Abdallah jusqu’à sa mort. 223

Le sultan Mawlay ‘Abdallah se porte sur Tanger et s’en empare. 220

Mawlay Elmosladi suscite au sultan Mawlay ‘Abdallah des difficul-

tés dont il est victime carnage des Beni Hsen 227

Le sultan Mawlay ‘Abdallah part pour le Hawz et le subjugue

Mawlay Elmosta(li s’enfuit effrayé. 230

Les habitants de Murrâkush envoient une députation à Alzam auprès

du sultan Mawlay ‘Abdallah, qui leur donne comme khalifa son

fils Sidi Muhammad 232

Le sultan Mawlay ‘Abdallàh maltraite les notables Berbers, en tra-

hissant les engagements pris par Muhammad Ou ‘Azîz envers

eux il les remet ensuite en liberté. 234

Les Berbers viennent attaquer à Boù Fekrân le Sultan, qui s’en-

fuit à Miknâs 237

Révolte des ‘Abids contre le sultan Mawlay ‘Abdallah, qui se trans-

porte à Fâs tandis que les ‘Abîds du Diouân quittent Mechra’

Erremla pour se fixer à Miknâs 240~”

Complot de Muhammad Ou ‘Aziz contre le Sultan, qui est aban-

donné par les gens de Fâs et par les tribus. 242

Motifs pour lesquels le sultan Mawlay ‘Abdallah envoya des armées

contre les habitants du Garb, qui rentrèrent sous son obéissance. 244

Attaque des Udayaparles Berbers, soutenus par la population de

Fâs 215

Retour des gens de Fâs à l’obéissance du sultan Mawlay ‘Abdal-

lâh établissement de la paix entre eux et les Oùdeya 247

Les ‘Abîds se révoltent contre le sultan Mawlay ‘Abdallah et pro-

clament son fils Sidi Muhammad motifs de leur conduite. 248

Sidi Muhammad bn “Abdallah vient de Murrâkush à Miknâs et

intervient pour réconcilier les ‘Abids avec son père 250^

Les ‘Abids s’éloignent pour la seconde fois du sultan Mawlay

‘Abdallah et vont chercher protection auprès de son fils Sidi

Muhammad à Murrâkush motifs de leur conduite. 251-

Révolte des Ait Idrâsén et des Guerouân qui s’allient aux Udaya

motifs de ces événements £54

Mort du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallàh bn Ismâ’il. 256

Retour en arrière pour raconter l’histoire de la fin de Mawlay

Elmostadi 258

Retour en arrière pour raconter l’histoire des ‘Abids réunis par le

sultan Mawlay Ismâ’îl, depuis la mort de ce Commandeur jusqu’au

règne du sultan Sidi Muhammad. 261

Retour en arrière pour raconter, du commencement à la fin la

 

Pages.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

vice-royauté que Sidi Muhammad bn ‘Abdallàh exerça à

Murrâkush ̃ ̃ 265

Règne du Commandeur des Croyants Sidi Muhammad bn ‘Abdallah.. 270

De: la venue du sultan Sidi Muhammad à Fâs après la bay’a, et de

ce qui lui arriva en cette circonstance. 272

Établissements du meks à Fâs et dans les autres villes et opinions

exprimées à ce sujet 275

Mise à mort de Boùssekhoûr Elkhomsi ce qu’était ce personnage. 280

Voyage du sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah aux places fron-

tières, et inspection de leur situation 281

Répression par le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah de la

révolte des Udaya et ses causes 283

Nouveau voyage du sultan Sidi Muhammad de Murrâkush au Garb,

et incidents qui marquèrent ce déplacement 288

Le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah châtie la tribu de

Mesfîona motifs de cette répression 290

Construction de la ville d’Essouéïra 293

Les Français attaquent Salé et El’arêïch, et s’en éloignent après

avoir subi un échec 29û

Correspondance échangée entre le sultan Sîdi Muhammad ben

‘Abdallah et le despote d’Espagne ses résultats. 297

Intérêt porté par le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah à la place

d’El’arèïch, qu’il pourvoit de l’armement nécessaire pour la

guerre sainte 302

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah réduit les Ait Zemmoùr

du Tàdla et les transporte à Selfât motifs de cette expédition. 303

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallàh fait organiser une expédi-

tion contre les Aït Idrâsén: motifs de cette décision 301

Exécution de ‘Abdelhaqq Fennich Esslaoui et déchéance de sa

famille 305

Arrivée des présents envoyés par le sultan ottoman Moustafa au

sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah 309

Alliance entre le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah et le chérif

Seroùr, sultan de la Mekke 312

Le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah s’intéresse aux ‘Abîds du

Soùs et de la Qibla,et les fait venir dans l’Agdâl de Ribât al-Fath. 313

Prise d’Al-Jadîda .•̃ 314

Efforts déployés par le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah pour

obtenir la liberté des captifs musulmans ce que Dieu accorda

par son intermédiaire. 317

Le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah assiège la ville de

Melilla, place forte espagnole. 319

Expédition du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallâh contre les

Brâbér Ait Ou Mâlou ses motifs 321

Ce qu’il advint des Yégchêriya, que le Sultan avait fait entrer au

service et choisis dans les tribus du Hawz 326

 

Pages,

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TABLE DES MATIÈRES

 

Les ‘Abîds se révoltent contre le sultan Sidi Muhammad et pro-

clament son flls Mawlay Yazid ce qui en résulte %-it^

Remarquables mesures de répression prises par le sultan Sidi

Muhammad bn ‘Abdallah à l’encontre des ‘Abîds 330 o

Le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah réduit les Oulâd Besseba’

et les disperse dans le Sahara événements suivants. 334

Voyage du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah au Tûiilôlt, qu’il

pacifie motifs de cette expédition 3:>i;

Voyage que fit le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah à Essouéïra.

pour se distraire et se reposer, et ce qui lui arriva au cours de

ce déplacement 8S!i

Motif de la colère du sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah contre

son fils Mawlay Yazld 3-13

De ce qui eut lieu entre le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah et

les gens de la zàouya de Boûlja’d 34i>

Nombre des soldats des ports durant le règne du sultan Sidi

Muhammad hen ‘Abdallah, et montant de leur solde. 34N

Mawlay Yazîd revient d’Orient et se réfugie dans le mausolée du

chéïkh ‘Ahdesselftm bn Mechich. Motifs de sa conduite. 3-“l

Mort du Commandeur des Croyants Sidi Muhammad bn ‘Abdallah. 354

Derniers renseignements sur le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdal-

lâh ses œuvres sa politique. 354 t

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Yazid bn Muhammad ses

premières années, son développement 364

Prestation de serment au Commandeur des Croyants Mawlay Yazid ben

Muhammad 3fi!l

Transfert des Oùdeya de Miknâs à Fâs et des ‘Abids des ports à

Miknâs 37(;

Rupture de la paix avec les Espagnols; siège de Coûta. 377

Les gens du IJoùz abandonnent le sultan Mawlay Yazid ben

Muhammad et proclament son frère Mawlay Hichàm 37H

Révolution au Maghrib apparition de trois rois fils de Sîdi Moham-

med bn ‘Abdallah résultats de cette situation. 383

Règne du Commandeur des Croyants Aboùrrabî’ Mawlay bn Muhammad. 384

Le sultan Mawlay Slimàn combat son frère Mawlay Muslama et le

repousse dans le pays de l’Est. 390

Pillage par les ‘Arabs Angàd de la caravane du pèlerinage

m’ gribin et ses conséquences 394

Le sultan Mawlay Slimân envoie des troupes dans le Hawz il part

après elles pour Rabat Elfetl -i, puis revient à Fâs. 395

Révolte de Moliammed bn ‘Abd As-SlâmElkhojsrSîTTsTmiommé

Zaytân, dans le Jbal /Vjj’. j> 397′

 

Pages

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EUGÈNE FUMEY

L’auteur de cet ouvrage, trop vite enlevé aux siens et à

l’oeuvre de la France au Maroc, était un des fonction-

naires les plus appréciés de la Légation de France à Tan-

ger, où sa mort laissa un vide difficile à combler.

Diplômé de l’École des Langues orientales pour les

langues arabe, turque et persane, il débuta dans la car-

rière consulaire en qualité d’élève-drogman à Alep, en

1893 mais la Syrie ne l’attirait pas, et, l’année suivante,

il était, sur sa demande, envoyé à Tanger, où devait se

développer en lui une véritable vocation pour l’étude du

dialecte maghrebin et des choses du Maroc.

 

La question marocaine n’avait pas encore acquis l’im-

portance qu’elle a prise depuis lors; aussi, les fonction-

naires de la Légation et les consuls ne faisaient, à Tanger

ou dans les différentes villes de la côte, que des séjours

assez courts et se souciaient peu de se spécialiser les

ouvrages sérieux sur le Maroc étaient rares et le pays

fort peu étudié.

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EUGÈNE FUMEY

 

Doué d’une aptitude remarquable pour les langues.

M. Fumey acquit bientôt une connaissance approfondie

de l’arabe lilléraire et du dialecte maghrébin. Mais il avait

aussi, au plus haut degré, le sens de l’observation: ses ca-

marades se souviennent de l’intérêt avec lequel il s’entre-

tenait, non seulement avec les fonctionnaires chérifiens,

mais aussi avec les gens du peuple, cherchant à pénéLrer

leur psychologie, à s’enquérir de leurs idées particulières

sur l’Europe, saisissant dans ces existences, que côtoie

l’Européen sans les pénétrer, le trait révélateur de l’esprit

du pays et de la race. Il avait un goût particulier pour la

conversation des vieux Mokhazni, se faisait conter par eux

les « harka » auxquelles ils avaient assisté, les anecdotes

relatives aux campagnes de Mawlay Muhammad ou Moù-

lay Elhasan. Et ces Musulmans, habituellement si fermés,

causaient sans arrière-pensée avec ce jeune homme con-

naissant si bien leur langue et leur histoire, et qui savait

garder, avec la cordialité qui met à l’aise, la courtoisie a

laquelle l’indigène, à quelque classe qu’il appartienne, est

si sensible. Six mois passés à Fâs, comme gérant intéri-

maire du consulat, lui fournirent l’occasion d’achever ses

études de sociologie pratique, au milieu de la société

maure, où se recrutent la plupart des hauts fonctionnaires

du Makhzen.

 

Un pareil agent est une bonne fortune pour une Léga-

tion ses chefs le comprirent et il fut nommé premier drog-

man à Tanger, en 1897, à l’âge de vingt-sept ans, avance-

ment tout à fait exceptionnel dans la carrière. 11 fut, dès

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EUGÈNE FUMEY

 

lors, associé par une étroite et utile collahoration à nos mi-

nistres à Tanger, M. Revoil et M. Saint-René Taillandier.

Les événements allaient bientôt donner une singulière

importance aux choses du Maroc et ouvrir la « question

d’Occident». Le grand-vizir Bâ Ahmad, qui avait su main-

tenir son pays fermé aux intrigues européennes, mourait

le jeune Sultan, jusqu’alors tenu en lisières par une tutelle

étroite, laissait la gestion des affaires à son favori Mnebhi,

jeune caïd à l’esprit ouvert et d’agréable caractère, mais

insuffisamment préparé à tant de responsabilités. les im-

prudences qui furent alors commises pendant la dernière

année du séjour du Sultan à Marrakech sont encore à la

mémoire de tous ceux qui s’occupent des choses du Maroc.

Elles eurent d’abord, pour conséquence, une très vive ri-

valité entre les politiques française et anglaise – rivalité

à laquelle mit heureusement fin l’entente cordiale des

deux nations enfin l’insurrection de Boû Hamara, et

une situation intérieure de plus en plus anarchique.

Pendant toute cette période d’évolution politique du-

Gouvernement marocain, le rôle du premier drogman de la

Légation de France devait être très actif. M. Fumey fut

d’abord attaché à l’ambassade extraordinaire du ministre

des Affaires étrangères du Sultan, Si ‘Abdelkérîm bn Slî-

mân, à Paris, au cours de l’été 1900 puis fut envoyé en-

suite en mission spéciale auprès de la Cour chérifienne à

Marrakech. Ce fut l’année suivante que le Sultan quitta sa

capitale du Sud pour se rendre à Fâs. Selon l’usage, il

s’arrêta plusieurs mois à Rabat: la rivalité franco-anglaise

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EUGÈNE FUMEY

avait pris alors une tournure inquiétante pour nos intérêts

au Maroc. Le ministre de France fit encore une fois appel

à l’expérience de M. Fumeyet à sa connaissance des hom-

mes du Makhzen, pour lui confier une nouvelle mission

auprès de celui-ci.

 

Mais le travail qu’il fournissait sans compter avait déjà

usé sa santé il lui fallut tout son dévouement pour retour-

ner à Rabat quelques semaines plus tard, au mois de jan-

vier 1902, accompagnant l’ambassade extraordinaire de

M. Saint-René Taillandier. Ce fut alors qu’il contracta la

maladie dont il ne devait jamais complètement se remet-

tre. Après une convalescence précaire, le sentiment de sa

responsabilité lui fit reprendre trop tôt la direction de son

service à la Légation où il s’était rendu indispensable il

dut bientôt rentrer en France subir une opération. L’in-

tervention chirurgicale sembla, d’abord, avoir vaincu le

mal trop faible pour supporter, pendant l’hiver, les ri-

gueurs du climat de Besançon, sa ville natale, il se repô-

sait près de Toulon, à Samary, où le dévouement d’une

sœur l’avait suivi, quand il fut emporté le 27 mars 1903,

à l’âge de trente-trois ans, par une hémorragie consécu-

tive à la maladie de foie dont il souffrait. Il venait d’être

proposé pour la croix, mais ne devait pas avoir la satisfac-

tion de la recevoir avant sa mort.

 

Ce malheur, qui consterna ses amis de Tanger et ses

camarades de la Légation de France, fut aussi vivement

ressenti au Makhzen, où il avait su se faire apprécier, et

le ministre des Affaires étrangères du Sultan écrivit au

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EUGÈNE FUMEY

représentant de la France à Tanger, pour lui exprimer

les sentiments de condoléances de son maître et du Gou-

vernement marocain.

 

Pendant ses rares loisirs, M. Fumey avait pris une quan-

tité de notes et commencé plusieurs études, qu’il n’eut pas

le temps de compléter ou d’achever.

 

Les premiers travaux furent relatifs à la linguistique

vulgaire. De nombreux ouvrages de vulgarisation ont été

édités sur ce sujet en Algérie, mais avec les particularités

dialectiques du Maghreb central il voulait combler cette

lacune par un vocabulaire et un choix de contes. Ses étu-

des avaient surtout un caractère pratique et comprenaient’:

le dialecte parlé dans les milieux populaires et celui des

« fqîh », ce dernier usant abondamment de la terminologie

littéraire pour exprimer des idées abstraites puis la lan-

gue écrite, dans le style courant des lettres du Makhzen,

souvent rédigées par des secrétaires possédant fort bien

la langue littéraire. M. Fumey aimait à soutenir cette opi-

nion que, contrairement à l’idée généralement répandue,

le dialecte marocain n’est pas plus incorrect que celui d’Al-

gérie et d’Égypte. Les arabisants sont souvent frappés par

les mots espagnols que les indigènes de la côte introdui-

sent dans leur langage, mais ceux-ci ne sont pas plus

nombreux que les mots français, italiens et grecs em-

ployés dans les autres pays de langue arabe, l’immuabi-

lité de la vie sociale des Musulmans marocains ayant peu

favorisé, d’ailleurs, l’introduction des néologismes étran-

gers.

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EUGÈNE FUMEY

 

Absorbé par ses occupations professionnelles, M. Fu-

mey dut renoncer à ce travail absorbant et ingrat qu’est

la rédaction d’un vocabulaire. Il abandonna à ses jeunes

camarades de la Légation les contes qu’il avait recueillis

en dialecte tangérien.

 

Il se borna à publier son Choix de correspondances ma-

rocaines (1), recueil de cinquante lettres officielles du Makh-

zen, choisies dans les archives de la Légation de France

et reproduites en fac-similé. Ces lettres sont traduites et

accompagnées de notes instructives sur les termes em-

ployés, les coutumes du Makhzen et sa façon de traiter les

affaires rangées par ordre chronologique et présentant

ainsi un spécimen de toutes les époques, depuis Sîdi Mo-

hammed bn Abdallâh, petit-fils de Mawlay Ismâ’ïl, jus-

qu’à nos jours, elles montrent l’évolution survenue dans

les relations de la Cour chérifienne avec les représentants

étrangers au cours du dix-neuvième siècle.

 

Le dernier travail de M. Fumey, et celui auquel il s’in-

téressait le plus, fut sa traduction du Kitâb Elistiqsâ, pu-

bliée aujourd’hui par les Archives marocaines.

Le Kitâb Elistiqsâ est un long résumé de l’histoire du

Maroc depuis les débuts de l’Islam jusqu’à nos jours,

dont l’auteur, le fqîh Ahmad Ennâsiri Esslâouï, fonction-

naire du Gouvernement chérifien, remplit, à ce titre, dif-

férents emplois sous les règnes de Sîdi Muhammad et de

(1) Librairie orientale et américaine J. Maisonneuve, 26, rue Madame,

1903.

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EUGÈNE FUMEY

Il. GAILLARD.

 

Mawlay Elhasan. Les parties de l’ouvrage antérieures au

dernier siècle ne sont pas très intéressantes, Ennâsiri

n’ayant fait souvent que paraphraser ou même reproduire

le Boûd Elqarlas, le Nozhel Elhadi et Etlorjemân Elmou-

arib, ouvrages déjà traduits. Mais il n’en est pas de

même pour la période contemporaine, celle dont “SI. Fu-

mey entreprit la traduction là, l’auteur avait pu recueil-

lir de témoins oculaires les événements dont il se fait le

narrateur, ou y avait assisté lui-même. Son ouvrage, qui

permet de suivre la politique des derniers Sultans vis-à-

vis des tribus de leur empire et vis-à-vis des puissances

européennes, devient le plus intéressant des monuments

historiques. indispensable à qui veut bien saisir l’orga-

nisation de ce gouvernement rudimentaire que l’on nomme

le Makhzen, et pénétrer sa politique si simple dans son but

et si compliquée dans ses moyens.

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Dynastie des Shurfas Sijilmâsis de la famille de ‘Ali Echchérîf

leur généalogie et leurs débuts

 

La généalogie de cette dynastie chérifienne ‘Alaouie

est une des plus certaines, et sa filiation avec l’Envoyé de

Dieu (sur lui soient les prières de Dieu et le salut !) une

des plus solidement établies.

 

Le premier souverain de cette famille, comme nous

allons le voir, fut Mawlay Mhammed, fils d’Echchérîf, fils

de ‘Ali Echchérîf ËlMurrâkushi, fils de Mhammed, fils de

‘Ali, fils de Yoùsef, fils de ‘Ali Echchérîf Essijilmâsi,

fils d’Elhasan, fils de Mhammed, fils de Hasân Eddâkhil,

fils de Qâsém, fils de Muhammad, fils d’Aboùlqâsém, fils

de Muhammad, fils d’Elhasan, fils de ‘Abdallah, fils d’Abû

Muhammad, filsde’Arafa, fils d’Elhasan, fils d’Abû Bekr,

fils de ‘Ali, fils d’Elhasan, fils d’Ahmad, fils d’Isma ‘il, fils

de Qâsém, fils de Muhammad Ennéfs Az-Zakiva, fils de

‘Abdallah Elkâmel, fils de d’Elhasan II, fils d’Elhasan

Essibt, fils de ‘Ali et de Fâtima, la fille de l’Envoyé de

Dieu (sur lui soient les prières de Dieu et le salut !).

I. Texte arabe, IV’ partie, page 2.

 

DE LA DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux

 

ARCH. MAROC.

CHRONIQUE

1

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ARCHIVES MAROCAINES

 

Cette généalogie, qui a mérité d’être qualifiée de chaîne

d’or, a été ainsi donnée par nombre de savants, tels que le

chéïkh Aboùl’abbâs Ahmad bn Aboùlqâsém Essoùm’i,

le chéïkh Aboù “Abdallah Muhammad Al-’Arbî bn Yoûsef

Al-Fâsî et le très docte chérîf Aboù Muhammad ‘Abd As-Slâm

Elqâdiri dans son livre intitulé: Eddorr essani flman bi-Fâs

min ennasabi-lhasani Nous avons déjà dit, à propos de la

dynastie saadienne, qu’il convenait d’ajouter dans la ligne

directe de cette généalogie chérifienne, après le dernier

Qâsém fils d’Elhasan, fils de Muhammad, (ils de ‘Abdallah

Elachter, fils de Muhammad Ennéfs Az-Zakiya. etc.

Aboù ‘Abdallah Al-Fâsî dit dans Elmerâ’a que les « Ché-

rîfs, sur l’origine desquels il n’y a aucun doute, sont nom-

breux au Maghrib ce sont, entre autres, les Djoufls, qui

sont Hasanis Idrîsis, les Chorfa de Tâfilèlt qui sont flasa-

nis Mhammédis, les Sqallis, et les ‘Irâqis qui sont Ho-

séïnis. Il n’y a pas deux personnes qui soient en désac-

cord sur leur noblesse, ni parmi leurs compatriotes, ni

parmi les étrangers qui les connaissent. » Le Chéïkh

eljemâ ‘a, l’imâm Aboù Muhammad ‘Abd Al-QâdirAl-Fâsî (Dieu

lui fasse miséricorde qui partage les shurfas du Maghrib

en cinq groupes, suivant leur origine plus ou moins for-

tement établie, a classé les seigneurs Sijilmâsis dans le

premier groupe, parmi les familles dont la noblesse est

universellementconsidérée comme indiscutable. Le chéïkh

Abû ‘Ali Elyoùsi (Dieu lui fasse miséricorde !) dit à son

tour que la noblesse des seigneurs Sijilmâsis est une

chose dont il est aussi peu permis de douter que de la

clarté du soleil dans la matinée. Le chéïkh Aboùl’abbâs

Ahmad bn Ma’n Elandalousi disait, parait il, que, depuis

les Idrisis, le gouvernement du Maghrib n’avait pas appar-

tenu à une famille d’une origine aussi authentique que les

shurfas de Tâfilèlt.

 

En résumé, la noblesse de ces seigneurs Sijilmâsis est

pour tous les habitants du Maghrib un fait incontesté et dont

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

l’authenticité n’est contredite par personne, tant la généa-

logie ininterrompue sur laquelle elle est basée dépasse les

limites exigées. Dieu soit satisfait d’eux, et nous les rende

profitables, eux et leurs ancêtres Amîn

Arrivée de Mawlay Elhasan bn Qâsém au Maghrib il s’établit

à Sijilmâsa

 

On dit que les ancêtres de ces seigneurs (Dieu soit satis-

fait d’eux) étaient originaires de Yenboù ‘Ennkhal, dans

le Hedjâz. L’Envoyé de Dieu (sur lui soient les prières de

Dieu et le salut) avait, dit-on, donné le pays de YenboiV

en fief à leur aïeul ‘Ali bn Aboù Tàleb ses descendants

s’y étaient établis et s’y sont perpétués jusqu’à notre

époque.

 

Le premier de ces chérîfs qui vint dans le Maghrib fut

Mawlay Elhasan bn Qâsém. Le savant docteur Aboù

‘Abdallah Muhammad Elmergitsi, auteur de YArjoûza

intitulée Elmoqni, tenait, affirme-t-on, du chéïkh, de

l’imâm Mawlay Aboù Muhammad ‘Abdallâh bn ‘Ali ben

Tâhar Elhasani le renseignement suivant le premier

de leurs ancêtres qui pénétra dans le Maghrib fut Moû-

lay Elhasan bn Qâsém son arrivée eut lieu vers la fin du

septième siècle il devait avoir, à cette époque, près de

soixante ans et il mourut avant la fin du siècle; Dieu lui

fasse miséricorde L’assertion de bn Tâhar qui précède

est la plus sûre qu’on puisse rapporter en ce qui concerne

l’époque et les conditions de l’arrivée de ce chérîf au

Maroc suivant un autre auteur, bn Tâhar l’aurait fixée

à l’année 664. Selon le chéïkh Aboù Ishaq Brâhim ben

Hilâl qui l’affirme dans son Mensék, cet événement eut

lieu au début de la dynastie des Beni Merîn. Il en résulte

que l’arrivée du chérîf eut lieu sous le règne du sultan Ya-

1. Texte arabe, IV° partie, page 3.

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AltCHIViSS MAHOCAI.NKS

‘qoùb bn ‘Abdelhaqq Elmerîni nous avons déjà rapporté

cela en son lieu et place. Dans sa Bifrla, le très docte

Aboù Sâlém El’ayyâchi prétend que Mawlay Elhasan vint

au Maghrib dans le courant du septième siècle.

Elhasan habitait dans un village voisin de Yenboù’, ap-

pelé Beni Brâhîm.

 

En résumé, tous les auteurs que je viens de citer s’ac-

cordent à dire que l’arrivée du Ghérîf eut lieu dans le cours

du septième siècle c’est là sans doute, s’il plait à Dieu,

que doit être la vérité. D’autres prétendent bien que cet

événement arriva dans le sixième siècle, mais cette date

paraît bien reculée.

 

On n’est pas d’accord sur les motifs qui amenèrent ce

seigneur au Maghrib. L’auteur du livre intitulé Elanouâr

essaniga fîmâ bi-Sijilmâsa min ennisbat Elhasaniya fait à

cet égard le récit suivant La caravane du pèlerinage Ma-

gribin venait souvent en cet endroit visiter les chérîfs.

Le chef de la caravane, qui était à cette époque un habitant

de Sijilmâsa, probablement Sîdî Bon Brâhîm, rencontra le

Séyyid Hasan à la foire qui se tient après le pèlerinage.

Comme à cette époque il n’y avait aucun chérîf ni à Sijil-

mâsa ni dans toute la région, le chef de la caravane insista

tant sur les charmes du séjour du Maghrib et spécialement

de celui de Sijilmâsa, qu’Elhasan se laissa entraîner à reve-

nir avec la caravane. Boù Brâhîm ramena donc avec lui

le chérîf, qui s’installa à Sijilmâsa.

 

Son descendant Mawlay Abû Muhammad ‘Abdallah ben

‘Ali bn Tâhar affirme, suivant une note écrite d’après ses

dires, que les habitants de Sijilmâsa qui ramenèrent avec

eux le chérîf, appartenaient aux Oulâd el Bachir, aux Ou-

lâd el Menzâri, aux Oulâd el Mo’tasim et aux Oulâd ben

‘Aqila ceux avec lesquels il s’allia furent les Oulâd el

Menzâri. L’auteur de VArjoûza dit que le chéïkh Boit

Brâhim qui amena le chérîf était un descendant de ‘Omar

ben Elkhattâb Dieu soit satisfait de lui

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Suivantun autre auteur, les habitants de Sijilmâsa, voyant

que les dattes ne réussissaient point dans leur pays, se

rendirent dans le Hedjâz dans le dessein de ramener parmi

eux un membre de la famille du Prophète, dont la présence

serait pour eux une source de bénédictions ce fut ainsi

qu’ils ramenèrent Mawlay Elhasan. Dieu justifia leur espé-

rance, et bientôt les dattes furent si abondantes que leur

pays devint le Hadjer du Maghrib.

 

Un autre auteur donne encore la version suivante sur la

venue de ces shurfas au Maghrib Les shurfas de la famille

d’Idris (Dieu soit satisfait de lui !) s’étaient dispersés dans

tout le Maghrib, et comme ils avaient perdu toute cohésion,

ils avaient été persécutés par les émirs des Meknâsa qui

en avaient fait périr un certain nombre les chérîfs avaient

donc beaucoup diminué et plusieurs d’entre eux avaient

même renié leur origine pour échapper à la mort. Quand

l’astre de la dynastie Mérinide brilla sur le Maghrib, les

Commandeurs de cette famille honorèrent les shurfas, rétablirent

leur influence et les traitèrent avec de grands égards.

Comme à cette époque Sijilmâsa ne possédait pas un seul

membre de la noble famille, les chefs et les notables du

pays décidèrent d’aller chercher un descendant de cette

maison chérifienne qui leur apporterait sa bénédiction. On

dit que c’est dans les mines qu’il faut aller chercher l’or,

qu’il faut demander les rubis au pays qui les produit et

que le Hedjâz est la patrie des chérîfs, et en quelque sorte

le coquillage qui fait éclore cette perle précieuse. Les gens

de Sijilmâsa se rendirent donc au Hedjâz et en ramenèrent

Mawlay Elhasan, comme nous l’avons déjà dit. Depuis ce

moment, le soleil de la famille du Prophète brilla sur Sijil-

mâsa, éclaira cette contrée et lui procura l’ombre de l’arbre

aux précieux ombrages. Aussi a-t-on dit que le cimetière

de Sijilmâsa est le Baqî’ du Maghrib cet éloge suffit pour

établir la noblesse de ce pays, sa gloire, la faveur dont

il jouit et sa richesse.

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ARCHIVES MAROCAINES

Un auteur dit encore que les gens de Sijilmâsa s’étaient

adressés à Mawlay Qâsém bn Muhammad pour le prier de

leur envoyer un de ses fils, parce que ce personnage était,

à cette époque, le plus en renom et le plus dévot de tous

les chérîfs du Hedjâz. Mawlay Qâsém voulut éprouver ses

enfants, qui étaient, dit-on, au nombre de huit, avant de

désigner celui qui conviendrait le mieux à cette mission

il les interrogea donc successivement, en leur disant

« Comment vous conduiriez-vous à l’égard de quelqu’un

qui vous aurait fait du bien ? » Tous répondirent qu’ils lui

feraient du bien. « Et, ajouta-t-il alors, comment vous

conduiriez-vous envers celui qui vous aurait fait du mal ?»

Chacun des enfants, à qui cette question avait été posée,

ayant répondu qu’il rendrait le mal pour le mal, le père

leur avait dit de s’asseoir; mais arrivé à Mawlay Elhasan

Eddâkhil, et lui ayant adressé la même question, celui-ci

répondit « Je lui ferais du bien. » « Et s’il continue à

te faire du mal, répliqua le père. » « Je lui ferais encore

du bien, et je persévérerais jusqu’à ce que mes bontés

viennent à bout de sa méchanceté, reprit Mawlay Elhasan. »

En entendant cette réponse, le visage de Mawlay Qâsém

s’illumina, et se sentant pénétré par l’inspiration hâchimite,

il appela les bénédictions du ciel sur ce fils et ses descen-

dants. Dieu exauça sa prière.

 

Mawlay Elhasan Eddâkhil était un homme vertueux et

d’une grande piété, il était versé dans diverses sciences,

particulièrement dans celle de la logique qu’il possédait à

fond II venait de s’installer à Sijilmâsa et de prendre un

peu de repos dans sa nouvelle résidence, lorsque le chéïkh

Boû Brâhîm lui fit épouser sa fille il habitait dans cette

ville l’endroit appelé Elmeslah. Lorsqu’il mourut, une dis-

cussion, si vive qu’elle faillit dégénérer en lutte à main

armée, s’éleva entre les gens de Sijilmâsa au sujet de l’en-

droit où on l’enterrerait, on se mit d’accord pour partager,

à l’aidedecordes,lavilleen quatre partieségales eton fit sa

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

tombe au point d’intersection des deux cordes, de telle

façon qu’elle ne fût pas plus rapprochée d’un côté que de

l’autre.

 

On n’a pas conservé la date de sa mort l’assertion

d’Elyéfréni à cet égard manque tout à fait de fondement.

Dieu sait quelle est la vérité.

 

Postérité de Mawlay Hasan bn Qâsém, son développement dans

le Maghrib, et quelques traits de Mawlay ‘Ali Echchérîf L.

A sa mort, Mawlay Hasan (Dieu lui fasse miséricorde!) ne

laissa qu’un fils, Mawlay Muhammad, lequel, à son tour,

ne laissa également qu’un seul fils, Mawlay Elhasan, qui

porte le même nom que son grand-père, et dont le tom-

beau se trouve en dehors de la ville principale de Sijil-

màsa, en face de celui du chéïkh Aboù ‘Abdallah El-

kharrâz. Ce Mawlay Elhasan eut deux fils l’aîné, Moû-

lay ‘Abderrahmân, surnommé Abûlbarakât, de qui sont

issus les Oulâd Boû Houméïd, établis à El Qsar Al-Jadîd,

dans le district d’Oued Erreteb, à une étape environ de

Sijilmâsa, et les chérîfs qui habitent aux Beni Zerouâl

et le cadet, Mawlay ‘Ali, connu sous le nom d’Echhérîf, qui

est l’ancêtre des diverses et nombreuses branches de

Mkammédis.

 

Mawlay ‘Ali (Dieu lui fasse miséricorde !) était un saint

personnage dont les prières étaient exaucées il se répan-

dit en aumônes et multiplia les fondations pieuses; il fit le

pèlerinage et prit part à la guerre sainte; il avait une nature

élevée et tint toujours une belle conduite. A un certain

moment il se rendit à Fâs et y vécut longtemps. Il habi-

tait, dans le quartier appelé Gzà Ben’Amer (‘OdouatElqa-

rouiyin), une maison qui exista après lui. Il séjourna

1. Texte arabe, IV” partie, page 4.

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ARCHIVES MAROCAINES

aussi quelque temps dans le bourg de Sefroù, où il laissa,

dans sa succession, des terres et des fondations qui existent

encore aujourd’hui. Il en laissa également dans le pays de

Guers, à deux journées et demie de marche de Sijilmâsa,

où il vécut un certain temps.

 

Mawlay ‘Ali alla plusieurs fois en Andalousie, pour y

prendre part à la guerre sainte, et séjourna longtemps dans

la péninsule. Lorsqu’il l’eut quittée pour rentrer à Sijil-

mâsa, les Andalous lui écrivirent pour le supplier de revenir

dans leur pays et lui inspirer de l’intérêt pour les choses

de la guerre sainte; ils lui exposaient, en même temps,

que les habitants de l’Andalousie étaient trop faibles pour

résister à l’ennemi et qu’il leur fallait quelqu’un qui ralliât

toutes les sympathies. Durant son séjour en Andalousie,

ils l’avaient déjà pressé d’accepter leur serment de fidélité

et la royauté, lui promettant leur obéissance et leur appui,

mais Mawlay ‘Ali avait repoussé ces propositions par piété,

par modestie et aussi par indifférence pour les pompes de

ce monde.

 

« J’ai vu, dit Elyéfréni (Dieu lui fasse méricorde !), de

nombreuses lettres qui lui furent adressées par les ‘ulâma

de Grenade. Dans cette correspondance, ils engageaient

vivement Mawlay ‘Ali à passer la mer pour venir chez eux

et exciter les guerriersde la foi à prendre en main la défense

de leur drapeau. Ils lui disaient que tous les habitants

de Grenade, ‘ulâma, personnages religieux, et chefs de

partis, s’étaient imposés sur leurs biens particuliers, et en

dehors des impositions levées par le Sultan, une contribu-

tion considérable qui serait affectée aux troupes qu’il amè-

nerait avec lui du Maghrib. Voici comment ils s’adres-

saient à lui dans une de ces lettres « Au lion magnanime,

le pôle de tous les chevaliers de l’Islam, le brave auda-

cieux, le lion hardi, le grave, le pieux, l’éclaireur de la

milice des guerriers de la foi, le glorieux des glorieux,

celui qui apporte la victoire dans ces contrées, celui qui

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

s’empresse de déférer aux désirs du Maître des hommes,

notre seigneur Abûlhasan ‘Ali Echchérif. »

 

Les ‘ulâma de Grenade écrivirent de plus à leurs

collègues de Fâs pour les prier d’insister auprès de Moù-

lay’Ali afin qu’il passât en Andalousie. Les ‘ulâma de Fâs

lui écrivirent donc une lettre dans le même sens, où ils le

pressaient d’aller au plus vite au secours des Andalous, en

lui rappelant le mérite qu’il y avait à faire la guerre sainte

qui est considérée comme la meilleure des œuvres pies.

Comme une des raisons qui le déterminaient à refuser

d’aller porter secours aux gens de Grenade était le projet

qu’il avait formé de partir en pèlerinage, les ‘ulâma lui

dirent dans une de ces lettres « Remplacez ce projet de

pèlerinage, que vous aviez décidé et que vous étiez résolu

à exécuter, par la traversée de la mer en vue de la guerre

sainte, car la guerre sainte (Dieu vous donne la paix !) est

plus méritoire pour les gens du Maghrib que le pèlerinage;

c’est ce qu’a déclaré l’imâm Ibn Rouchd (Dieu lui fasse

miséricorde !) quand on l’a questionné sur le point, et il

s’en est expliqué avec de longs détails dans ses Ajouiba,

en indiquant de quelle façon il était arrivé à cette opi-

nion. »

 

Parmi les nombreux ‘ulâma de Grenade qui écrivirent

àMawlay ‘Ali, il y avait le docteur Aboù ‘Abdallah Moham-

med bn Serâj, professeur d’Elmouâq et grand qâdi de la

ville, et parmi les professeurs de Fâs qui entrèrent aussi

en correspondance avec lui à cette occasion, le docteur

Abû ‘Abdallah El’akermi, professeur de tous les pro-

fesseurs de l’imâm Ibn Gâzi, ‘Aboùl’abbâs Ahmad ben

Muhammad bn Mâouâs, et Aboù Zéïd ‘Abderahmân Er-

roq’i, auteur du célèbre poème en vers Béjéz, et bien

d’autres.

 

Une de ces lettres des habitants de l’Andalousie conte-

nait la qasîda suivante, en l’honneur de Mawlay ‘Ali et de

son éminent compagnon, Aboù ‘Abdallah Muhammad ben

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ARCHIVES MAROCAINES

Brâhim El’amri et pour les inviter aussi à accepter la pro-

position qui leur était faite. Elle fut composée par le doc-

teur Abû Fàrès bn Errabî ‘Elgarnàti

 

« O toi qui chevauches, dévWahrant les déserts et les soli-

tudes, puisses-tu être dans la bonne voie et arriver sain et

sauf.

 

« Va d’étape en étape, accélère ta course, la nuit, le jour,

marche, car tu te diriges vers un astre brillant qui se

lève.

 

« Emporte – que Dieu te protège – de ma part, vers

cet asile, le salut d’un homme enflammé de désirs que le

souvenir rend encore plus ardent;

 

« Le palais principal de Sijilmâsa, ce palais qui renferme

à la fois la puissance et la gloire;

 

« Salue-le, salue ses habitants du salut d’un ami qui ne

peut supporter la séparation;

 

« Car l’affection que j’ai pour eux court dans toutes mes

veines mes os, mon sang, mes cheveux, en sont im-

prégnés.

 

« C’est là le séjour de la religion, du bien et de l’ortho-

doxie, que d’hommes pieux se sont élevés dans son ciel

comme des pleines lunes

 

« Ce sont des hommes en compagnie desquels on

n’éprouve aucune peine, car des groupes de fleurs répan-

dent en se balançant leurs parfums au milieu d’eux.

« Dis-leur O famille de la Qibla, vous qui êtes toujours

les premiers à accourir au milieu du danger quand on vous

appelle au moment d’un grave événement;

 

« Toi surtout, descendant d’Elhâchmi, du rejeton de

son gendre ‘Ali dont le rang s’élève au-dessous de Saturne;

« Aboùlhasan Mawlay Echchérîf, qui a fait briller à

l’Occident le soleil de la victoire sur le Sahara;

« Lui dont les merveilleuses qualités ont brillé à l’ho-

rizon des cœurs, et qui, par elles, a mis les esprits dans un

tel ravissement qu’ils se croient enchantés.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« II est un faucon quand les braves brandissent leurs

armes, un lion chaque fois que l’on combat avec les dents

et les grilles.

 

« 11 est le sauveur quand la meule de la guerre roule

dans la mêlée; il est la pluie bienfaisante alors que le

nuage ne laisse tomber que quelques gouttes d’eau.

« 11 a lutté contre les chrétiens; il a anéanti leurs batail-

lons il a tué les uns et fait les autres prisonniers.

« A Tanger, la mort a été douce pour les quelques

hommes qui défendaient la ville et qui espèrent que Dieu

les en récompensera.

 

« II les avait appelés de l’extrémité du Soùs, ces héros

qui ont aussitôt sellé leurs coursiers au poil ras, sans plus

réfléchir.

 

« Alors les étriers des cavaliers ont résonné; le soleil a

brillé, et les soldats de Dieu ont infligé une défaite à l’en-

nemi.

 

« II n’y a rien d’étonnant à ce que ceux parmi lesquels

il se trouvait aient été les lions du pays du mont Jalma qui

ont mis à mort Marhab

 

« Viens au secours de ton voisin affligé par ses malheurs,

à Aboùlhasan; accours à la délivrance de ton Ile verte.

« Appelle à ton aide notre ami Aboù ‘Abdallah; grâce

à lui, tu apporteras la joie au milieu des calamités.

« II est le descendant cl’ Aboù Ishaq; en le secourant,

fais honneur à un père qui a laissé une postérité pure, hon-

nète et vertueuse.

 

« N’est-ce pas lui qui a répondu à l’appel des gens de

Tanger, qui en un instant a réuni toutes les populations de

Garb.

 

« Et qui a infligé aux infidèles une défaite, et quelle

défaite Ceux (lui n’ont pas péri par le glaive sont morts

de frayeur.

 

1. Marhab, nom du juif que tua ‘Ali (Dieu soit satisfait de lui!) à la

journée de Khéibar (Noie marginale de Fauleuv).

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ARCHIVES MAHOCAINES

« Aussitôt la citadelle de la religion a souri en montrant

ses blanches dents, tandis que la face de l’infidélité était

envahie par la tristesse et la terreur.

 

« Dieu lui a déjà accordé la félicité et la satisfaction, et

lui réserve les jardins de l’Eden pour le jour où il revien-

dra à lui.

 

« Ah parle, ô homme juste, que tous les hommes pieux

ont pris comme chef, et qui t’es élevé jusqu’aux hauteurs

où séjourne Sirius.

 

« Je vois tous ceux qui sont dans le Garb désespérés; ils

attendent votre venue pour secourir l’Andalousie.

« Grenade la brillante vous crie Venez tous deux, ap-

portez l’étendard blanc pour secourir l’Alhambra

« Ses habitants ont tous placé en vous leurs espérances,

les vieillards comme les enfants et les vierges aux seins

arrondis.

 

« Nous nous précipiterons avec ceux de notre pays, nous

les appuyerons, fantassins ou cavaliers, brillants sei-

gneurs,

 

« Protecteurs des opprimés, vaillants défenseurs, hommes

généreux qui rivalisent avec l’orage, le torrent et la mer.

« Allons sus aux infidèles leurs tyrans seront faits

prisonniers! les oiseaux de proie et les bêtes fauves se ras-

sasieront des cadavres de leurs morts.

 

« Ils ont voulu nous soumettre à leur domination et

ravager, sur nos terres, les récoltes et les moissons.

« Tout notre pays, places fortes et bourgades, vous

appellent pour les délivrer de cette amère infortune.

« Ah combien il y a ici d’êtres faibles dont le corps ne

peut se mouvoir, de vieillards qui ont dépassé cent dix ans,

« De filles brunes et blondes, belles comme des statues,

de jeunes enfants au berceau qui ne distinguent ni le bien,

ni le mal,

 

« De chaires réservées aux sermons et aux prières, de

mosquées pour la prière et l’enseignement,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« De chaires de la science où siègent de nobles esprits

pour enseigner les vérités qui illuminent les cœurs,

« De tombeaux de fils des compagnons du Prophète, sur

cette terre, de saints aux cheveux en désordres etcouverts

de guenilles

 

« Tout cela vous appelle et demande à Dieu de vous

envoyer à leurs secours en toute hâte, car déjà l’infidélité

a presque décimé ce pays.

 

« Hâtez-vous de vous mettre en marche, avec ceux qui

sont éloignés et ceux qui sont proches, pour nous délivrer

des embûches de ceux qui cachent l’injustice dans leurs

cœurs.

 

« Amenez-en ensuite une seconde troupe pareille à la

première, afin que cet Alphonse 1 connaisse un pouvoir

comme le vôtre.

 

« Vous savez, grâce à Dieu, ce que l’Elu a dit de la guerre

sainte.

 

« Rien n’est plus glorieux que ses paroles « Je voudrais

avoir été tué, puis revivre pour être tuéencore bravement. »

« Le livre de Dieu contient aussi, sur ce sujet, des ver-

sets qui brillent comme le soleil du matin en traversant le

ciel bleu.

 

« Accueillez cette requête comme une vierge dont la

tunique répand des parfums et qui dirige ses pas vers votre

demeure.

 

« Faites parvenir notre salut à ceux des hommes géné-

reux de l’Andalousie qui ont traversé la mer pour aller au

Garb.

 

« Aidez les hommes de Dieu, venez au secours d’un pays

que l’infortune accable et que le malheur désole.

« Vous serez pour nous la puissante armée; c’est vers

vous que se porte l’ardeur de nos désirs, hâtez-vous de

venir à nous

 

1. Alphonse V, roi d’Aragon.

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ARCIIIVES MAROCAINES

« Gloire à la meilleure des créatures, notre guide dans

la bonne voie, Muhammad, le messager de la bonne

religion.

 

« Gloire à sa famille, à ses compagnons, à tous ceux qui

suivent sa voie, et à ceux qui viennent apporter le secours

à leurs coreligionnaires de l’Islam. »

 

Par ces missives aux paroles suaves, et qui méritent

l’attention, on voit que Mawlay ‘Ali Echchérif (Dieu lui fasse

miséricorde !) jouissait, à son époque, d’une grande célé-

brité, et qu’il était regardé comme supérieur à tous les

autres habitants de son pays. On y voit encore qu’il était

l’objet de la plus grande considération, et que sa famille,

dont la construction et les murs sont sublimes, était

honorée de longue date, et qu’on lui reconnaissait la

noblesse et la suprématie.

 

Je crois que la hataille de Tanger à laquelle il est fait

allusion dans cette qastda est celle qui eut lieu dans

l’année 841, et dont il a été question en temps oppor-

tun.

 

Mawlay ‘Ali fit aussi la guerre sainte dans le district

d’Agdéj dans le Soudan, et ohtint la victoire. On peut voir

le récit détaillé de cette expédition dans la Nozha.

L’auteur du livre intitulé Elanouâr Essanya rapporte

que Mawlay ‘Ali, qui demeura quatorze ans sans avoir d’en-

fants, en eut deux au bout de ce temps

 

Mawlay Muhammad et Mawlay Aboirlmahnsin Yoûsef,

ce dernier plus jeune que le précédent. Mawlay Muhammad

laissa quatre enfants par ordre d’âge, Sîdi Elliasan, Sîdi

‘Abdallâh, Sîdi ‘Ali et Sîdi Qâsém. Tous ces chérîfs et

leurs descendants sont désignés sous le nom de Oulâd

Mhammed ils se divisent en branches nombreuses qu’il

serait trop long de suivre. Mawlay Yoûsef succéda à son

père dans la direction de la zâouya, et tout le monde s’ac-

corde à dire qu’il était le plus digne de tous de remplir ces

fonctions, à cause de son bon sens et de sa grande intelli-

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

genee. Toutefois, il n’obtint l’administration de la zàouya

qu’après une vive contestation. L’acte qui lui confirme cette

autorité est encore aujourd’hui entre les mains d’un de ses

arrière-petits-fils. Tout ceci se passait sous la dynastie

des Béni Merin.

 

« On prétend, dit l’auteur du livre intitulé Elanouâr,

que Mawlay Yoùsef n’eut pas d’enfants avant atteint

l’âge de quatre-vingts ans et qu’il en eut alors neuf.

Cinq étaient issus de la même mère, llalima, apparte-

nant à une famille de marabouts de Sijilmàsa; c’étaient,

par rang d’àges Sîdi ‘Ali, l’ancêtre des souverains (Dieu

maintienne leurs mérites!), Sidi Ahmad, Sidi ‘Abdel-

ouâhed, Sîdi Ettayyéb, Sidi “Abdelouàhed surnommé

Belgéïts, duquel sont issus les chérîfs Belgéïtsis, et

qui fut ainsi appelé à cause des grandes pluies consécu-

tives à une longue sécheresse qui tombèrent à l’époque de

sa naissance. Quatre autres fils de Mawlay Yoûsef étaient

issus d’une même mère, Tâhira, appartenant également

àune famille de marabouts de la contrée: ils se nommaient,

Sîdi Elhasan, Sidi Elhouséïn, Sidi ‘Abderrahman, et Sidi

Muhammad. Ces quatre chéri fs habitent actuellement le

district connu sous le nom d’Akhennoùs.

 

« II serait trop long de donner en détail la descendance

de tous ces chérîfs; nous nous bornerons à parler de la

postérité de Mawlay ‘Ali, deuxième du nom, qui rentre

directement dans notre sujet. » Mawlay ‘Ali, dirons-nous

donc, eut trois enfants Sidi Mhammed, Sîdi Mahrèz et

Sîdi Hâchem, ancêtre des shurfas Mrânis de la Zâouyat El-

mrâni. Tous ces fils laissèrent des descendants Mhamnied

eut pour fils Mawlay ‘Ali Echchérîf ElMurrâkushi, troisième

du nom, et plusieurs autres enfants. Mawlay ‘Ali est l’an-

cêtre de nos rois, il mourut à Murrâkush, et son petit-fils,

le Commandeur des Croyants, Mawlay Errechid, fit construire sur

son tombeau un mausolée magnifique qui fait face au céno-

taphe du qâdi ‘Ayyâd (Dieu lui fasse miséricorde !).

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ARCHIVES MAROCAINES

Mawlay ‘Ali eu neuf fils: Mawlay Echchérîf, né en 997,

ancêtre de nos rois; Mawlay Elhafid; Mawlay tiajjâj, Moû-

lay Mahrèz, Mawlay Harroùn, Mawlay Fd.il, Mawlay Boù

Zakariâ, Mawlay Mbârék, et Mawlay Sa ‘kl. De tous ces

enfants de Mawlay ‘Ali, Mawlay Echchérîf était le plus ver-

tueux et le plus éminent. Celui-ci (Dieu lui fasse miséri-

corde !) eut un grand nombre d’enfants, tous étoiles bril-

lantes, pleins de qualités remarquables, parmi lesquels

étaient Mawlay Mhammed l’aîné, Mawlay Errechîd, Mawlay

Ismâ’il, qui arrivèrent tous trois à la royauté du Maghrib,

Mawlay Elharrân dont nous parlerons plus tard, Mawlay

Mahrèz, Mawlay Yoûsef, Mawlay Ahmad, Mawlay Elkebîr,

Mawlay Hammâda, Mawlay ‘Abbâs, Mawlay Sa’îd, Mawlay

Hâchéni, Mawlay ‘Ali et Mawlay Mehdi, frère germain

d’Ismâ’îl. Voilà ce que nous pouvons rapporter de cette

famille chérifienne aux ombres étendues Dieu est le pro-

tecteur.

 

Comment Mawlay Echchérîf bn ‘Ali arriva au pouvoir lutte

entre lui et Boù Hassoûn Essemlâli, surnommé Boù Dméï’a

Comme nous l’avons précédemment rapporté, c’est

sous le règne du sultan Zéïdân bn Elmansoûr EssaVli

que s’était révélé Boû Hassoûn Essemlâli. Il avait d’abord

conquis le pays Soûsi, puis il avait étendu son autorité sur

les régions de Drâ’ et de Sijilmâsa. Il prit, dit-on, Sijilmâsa

en 1041 appelé par Mawlay Echchérîf bn ‘Ali, qui lui

demandait son appui contre ses ennemis les Beni Az-Zoûbér

de Tabou ‘asâmt, ainsi que le raconte le Boustân il s’y était

rendu, mais il avait pris possession du pays et était ensuite

retourné à sa résidence dans le Soûs, après avoir nommé

un gouverneur pour administrer la contrée en son nom.

1. Texte arabe, IVe partie, page 7.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCll. MAHOC.

 

2

 

« Aboùlamlàk Mawlay Echchérif bn ‘Ali, dit Elyéfréni

dans le Nozha, jouissait d’un grand prestige auprès des

habitants de Sijilmâsa et de tout le Maghrib on venait

s’adresser h lui pour les all’aires graves, on recours à

son intercession dans le malheur et on accourait vers lui

pour les grandes et les petites questions.

 

« Tout jeune encore, comme il passait un jour près de

l’imam Mawlay Aboù Muhammad Abdallah bn ‘Ali ben

Tàhar Elhasani, celui-ci, qui ne le connaissait pas encore,

demanda qui était cet enfant. « C’est le fils de Mawlay ‘Ali

Echchérif », lui répondit-on. Aboù Muhammad fit fête à

l’enfant, puis, lui caressant le dos, il s’écria « Ah comme

il en sortira des Commandeurs et des rois de ces reins » Le

peuple, qui connaissait la valeur des révélations d’Aboù

Muhammad et sa perspicacité divinatoire, fut persuadé

que cette prédiction allait se réaliser sans aucun doute.

Plus tard, Mawlay Echchérif, qui avait pris de l’âge et avait

un grand nombre d’enfants, répétait partout que cette pré-

diction se réaliserait certainement pour sa famille et que

celle-ci jouerait un rôle important, tant il avait foi dans les

visions d’Aboù Muhammad bn Tàhar (Dieu lui fasse misé-

ricorde !).

 

« Une très vive inimitié existait entre Mawlay Echchérif et

les habitants de Tabou ‘asàmt, une des fortes citadelles du

pays de Sijilmàsa. Il appela à son aide contre eux Boû

Hassoùn Essémlàli, maitre du Soùs, avec qui il avait des

relations d’amitié. De leur côté, les habitants de Tâbou-

‘asànit s’adressèrent aux gens de la Zâouyat Eddilâ. Des

deux parts, il fut répondu à leur appel, et les deux armées

se rencontrèrent en même temps à Sijilmâsa, mais elles se

séparèrent sans combattre pour éviter de répandre le sang

des musulmans. Cet événement eut lieu en 1043.

« En voyant l’amitié sincère et les liens intimes qui

s’étaient établis entre Mawlay Echchérif et Aboù Hassoùn,

les habitants de Tàbou’asàmt prirent tous parti pour ce

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AUCI1IVES MAROCAINES

 

dernier, se dévouant, eux et leurs enfants, cl son service, et

lui témoignant une amitié et un dévouement sans bornes;

ils espéraient ainsi arriver le brouiller avec MoTilay Ech-

chérif qu’il avait soutenu contre eux. Ils travaillèrent si

bien dans ce sens que bientôt les relations se tendirent

entre les deux Commandeurs, que l’inimitié s’établit entre eux et

que se multiplièrent les motifs de discorde.

 

« Quand il vit ce qui se passait, son fils îloûlay Mham-

med bn Echchérîf attendit la première occasion pour se

venger des habitants de Tabou ‘asâmt. l’ne nuit, il partit à

la tête de deux cents cavaliers environ, simulant un départ

pour une autre direction, puis tomba sur eux à l’improviste

et escalada leur citadelle. Les habitants n’étaient pas sur

leurs gardes: aussi Mawlay Mhammed et sa troupe leur

donnèrent du sabre et les égorgèrent sans qu’ils pussent

se défendre. Il se rendit maître d’eux et s’empara de leurs

trésors. Ce succès guérit le cœur de son père des senti-

ments de vengeance qu’il conservait contre eux.

« Lorsque cette nouvelle parvint à Boù Hassoûn, il en

fut mortifié et entra dans une violente colère. Il écrivit à

son gouverneur à Sijilmâsa, qui s’appelait Boû Bkeur, de

chercher un moyen de s’emparer de Mawlay Echchérîf, et

de le lui envoyer ensuite prisonnier. Le gouverneur exé-

cuta cet ordre. Il s’empara de Mawlay Echchérîf par trahi-

son, en faisant le malade et le priant de venir le visiter

pour recevoir sa bénédiction. Quand il l’eut pris, il l’en-

voya au Soùs, où Boù Ilassoûn le retint captif dans une

citadelle.

 

« Mawlay Echchérîf demeura prisonnier jusqu’au jour où

son fils acheta sa liberté par une somme d’argent con-

sidérable il revint ensuite à Sijilmâsa, mais il serait trop

long de relater les incidents de ce voyage. Ces événements

se passèrent dans le courant de l’année 1047.

 

« L’auteur du Boustân ajoute que Boù Hassoûn donna

à Mawlay Echchérîf, pour le servir pendant sa captivité,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

une esclave mulâtresse qui se trouvait parmi les captifs

des Mgâfra et qui devint la mère de Mawlay Isniâ’il et

de son frère Mawlay Mehdi. »

 

Je ne sais pas ce que cet auteur entend parla, car si cette

djària était apparentée aux Mgâfra, elle était de condition

libre, et les rapports de Mawlay Echchérîf avec elle n’ont

dû avoir lieu qu’après un acte de mariage c’est là l’opi-

nion la plus vraisemblable, elle est appuyée par ces paro-

les que le grand sultan Mawlay Ismâ’îl prononça quand il

réunit le Jaysh des Oudéya: « Vous êtes mes oncles

maternels » et dans lesquels il faisait allusion à cette

alliance. Si, au contraire, c’était une esclave des Mgâfra

qui appartint ensuite à Abû Hassoûn, les rapports ont eu

lieu en vertu du droit de butin. Dieu sait quelle est la

vérité.

 

L’auteur du Bonstân rapporte souvent des faits sans dis-

cernement et sans attention. Il convient de n’accepter

qu’avec réserve ce qu’il est seul à raconter Dieu nous

protège!

 

Emirat de Mawlay Mhammed bn Echchérîf sa proclamation

à Sijilmâsa causes de ces événements1.

 

Pendant que Mawlay Echchérîf était dans la prison où

l’avait mis Abû Hassoûn, son fils se préparait à extermi-

ner jusqu’au dernier les habitants de Tabou ‘asâmt et à

extirper cet ulcère. Renforcé en partie par les richesses

qu’il leur avait enlevées au cours de la première affaire, il

s’occupa, dès que son père fut éloigné du Soùs, à réunir

une armée, dans laquelle vinrent s’incorporer un certain

nombre de gens de Sijilmâsa et des environs (1045). Les

mauvais traitements des agents de Abû Hassoûn envers

1. Texte arabe, IV” partie, page 8.

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ARCHIVES MAROCAINES

les gens de Sijilmàsa et leur cupidité avaient outré la

population et fait germer dans tous les cœurs la haine de

la domination des Commandeurs du Soùs. L’oppression de ces

fonctionnaires était allée jusqu’à prélever le kharâdj dans

le pays de Sijilmâsa sur toutes choses et même jusqu’à taxer

les gens qu’ils trouvaient au soleil en hiver, et à l’ombre en

été. Ainsi opprimés, les habitants de Sijilmâsa mépri-

sèrent ces fonctionnaires et les prirent en dégoût. Aussi

quand Mawlay Mhammed se présenta, fort déjà des gens

qui s’étaient réunis à lui, et qu’il invita la population

à attaquer les habitants du Soùs, tous le suivirent, car ils

avaient des motifs pour cela ils se rallièrent à lui et réso-

lurent de faire disparaître de leur pays le parti de Aboù

Hassoim. Ils attaquèrent aussitôt leurs gouverneurs, et les

chassèrent de leur territoire après un combat acharné.

Ensuite ils tombèrent d’accord pour proclamer Mawlay

Mhammed et lui prêtèrent serment en 1050, son père étant

encore en vie. Tous les chefs de Sijilmâsa adhérèrent à

la béï a. Dès lors, le succès s’attacha à lui, la destinée le

protégea, la bonne fortune l’aida la porte du Maghrib

s’ouvrait pour lui. Dieu, quand il veut une chose, en pré-

pare les moyens.

 

Mawlay Mhammed conquiert le Drâ’ et en chasse Abû Hassoûn

Essémlâli l.

 

Après sa proclamation, Dieu réunit Mawlay Mhammed à

son père, comme nous l’avons vu ce Commandeur se hâta d’aï

1er serrer de près Aboù Hassoùn Essémlâli et les gens

du Sous, dans la province de Dra’, qui était soumise à l’au-

torité de ce dernier, comme nous l’avons vu. Il se rendit

auprès de lui à la tête de troupes très nombreuses. Les

1. Texte arabe, IV- partie, page 8.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

adversaires se livrèrent des batailles si terribles qu’elles

auraient fait blanchir les cheveux d’un enfant à la mamelle.

Enfin le nuage du désordre se dissipa Mawlay Mhammed

était victorieux et s’emparait de toute la province de Drâ*.

Abû Hassoûn était défait et s’enfuyait dans le Sous, son

pays natal. Le royaume de Moûlav Mhammed grandit, ses

troupes augmentèrent, les impôts devinrent considérables

et sa renommée s’étendit dans tout le Maghrib. Il advint

ensuite de lui ce que nous allons raconter.

 

Affaire d’Elqâ’a qui survint entre Mawlay Mhammed bn Ech-

chérîf et les gens de la Zâouyat Eddilâ; ses conséquences1. 1.

Quand Mawlay Mhammed bn Echchérîf en eut fini avec

les contrées de Sijilmâsa et de Drâ’, il songea à s’emparer

des régions de l’Ouest, qui étaient à cette époque le siège

de la prééminence et étaient au pouvoir du khalifa. Tant

que cette contrée n’était pas conquise, la royauté était tou-

jours exposée à disparaître, et le Commandeur, un tisserand sans

son métier.

 

En ce temps-là, le Réïs Abû ‘Abdallah Muhammad

Elhâddj Eddilâï était maître de Fâs, de Miknâs et des

régions environnantes depuis le meurtre de Abû ‘Abdal-

lâh El’ayyâchi, son autorité s’étendait même jusqu’à Salé.

Les victoires de Mawlay Mhammed dans le Sahâra, la force

de sa situation et la solidité de sa puissance, firent conce-

voir à Muhammad Elhâddj la crainte qu’il ne voulut atta-

quer Fâs. Il prit les devants pour lui faire la guerre et

franchit, pour se rendre auprès de lui, le fleuve Melouiya.

Comme il était plus fort que le chérîf et ses troupes plus

nombreuses, il put le harceler dans la région du Sahâra a

et attaquer plusieurs fois Sijilmâsa. Au cours de ces opé-

1. Texte arabe, IVe partie, page 9.

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ARCHIVES MAROCAINES

rations, eut lieu l’a flaire d’Elqà’a, dans la matinée du

samedi 12 rabîc Ier 1056. Le chérif fut vaincu et Moham-

med Elhâddj s’avança sur Sijilmâsa, y entra et s’en em-

para. Les Berbers se portèrent la à tous les excès. La paix

fut conclue ensuite aux conditions suivantes tout le terri-

toire qui s’étendait du Sahara au Jbal Beni Ayyâch était

dévolu à Mawlay Mhammed, et tout le territoire au delà de

cette montagne jusqu’à la région du Garb était attribué

aux gens d’Eddilà. Ceux-ci faisaient exception pour cinq

points qui se trouvaient sur le territoire de Mawlay Mham-

med et qui leur étaient abandonnés, savoir Echchéïkh

Mogfir dans les Oulâd ‘Isa; Sidi At-Tayib à Qsar Essoûq;

Ahmad bn ‘Ali à Qsar Beni ‘Otsniân Qsar Halîma, dans

le district de Gerîs, et Asrir, dans celui de Ferkla. Mawlay

Mhammed s’engagea à ne combattre aucun des habitants

de ces cinq enclaves, et la paix fut conclue à ces condi-

tions.

 

Les gens d’Eddilâ, emmenant leurs troupes, s’étaient à

peine éloignés que Mawlay Mhammed apprit des faits qui

l’obligèrent à attaquer le chéïkh Mogfir et quelques-uns

des autres personnages dont le maintien sur son territoire

avait été stipulé. Il leur enleva leurs biens. Dès qu’ils

eurent connaissance de ces faits, les gens d’Eddilâ

rassemblèrent leurs contingents et marchèrent sur

Sijilmâsa, résolus à exterminer Mawlay Mhammed et

ses partisans, et à le déposséder de tous ses biens. Ils

lui écrivirent une lettre où ils le menaçaient, l’accusaient

de trahison et lui disaient en propres termes, avec des

reproches grossiers, qu’il était « parjure et traître à sa

parole ». Mawlay Mhammed répondit par une lettre ainsi

conçue

 

« Au Séyyid Muhammad, surnommé Elhâddj, fils du

Séyyid Muhammad bn Boù Bkeur bn Sîdi Eloujjâri

Az-Zemmoùri, et à tous ses fils et frères qui revêtent le

manteau du conseil.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Salut à tous d’un salut affectueux et conforme à la

sounna.

 

« Nous vous écrivons de Sijilmàsa (Puisse Dieu lui

fournir contre votre méchanceté la plus profitable des

amulettes et la revêtir du plus haut turban pour lutter vic-

torieusement contre vous !) Salut

 

« Les feux de l’insurrection que vous avez rallumés alors

qu’ils étaient éteints, et vous n’en êtes pas dignes, car on

ne vous connait dans le Maghrib que par les grands plats

de ‘aslda que vous offrez à vos hôtes et par les mauvaises

qasîdas que vous vous lancez les uns-aux autres. Quant

aux sciences véritables, nous vous concéderions volontiers

que vous les possédez, si du moins en vous y livrant

vous recherchiez de bonnes actions et la récompense atta-

chée à leur enseignement. Mais grand Dieu si le Souve-

rain Juge nous accorde le pouvoir, vous verrez alors, vous

et vos fils, ce que recherchent pour nous nos enfants et

nos frères.

 

« Les maîtres dans l’art de la divination rapportent que,

dans votre lutte contre nous, vous éprouverez des vicis-

situdes terribles. Espéreriez-vous donc nous échapper,

vous qui avez jeté l’effroi parmi les shurfas et les chérîfas,

parmi les dévots et les dévotes ? Voyons, ne voulez-vous

pas plutôt faire la paix et saisir cette occasion de vous sau

ver pendant que la chance vous favorise encore, car la

guerre est un feu qui dévore, et on ne saurait l’éviter sans

déshonneur lorsqu’il a été allumé. Dieu sait d’ailleurs que

ces bravades de votre part ne sont ni redoutables, ni

effrayantes et qu’au moment de la lutte vous ne serez pas

plus terribles que les phalènes quand elles se précipitent

sur la flamme des lampes. Notre désir le plus vif est

d’étendre sur vous le manteau de votre protection, afin

que vous ne soyez point opprimés le jour où nous vous

attaquerons avec les serres de l’audace. Vous n’agissez

ainsi que pour dissimuler votre insigne faiblesse, mais

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AHCIIIVES MAROCAINES

nous serons impitoyables et n’accepterons aucune excuse.

Vous prêchez l’abstention des crimes et vos cœurs sont

remplis de mauvaises pensées quand on vous contraint à

ne point faire mal, vous dites « Pardon nous n’eu vou-

lions rien faire » mais quiconque a enfanté une chose

reste apparenté avec elle, quiconque a redouté un événe-

ment en devient la victime.

 

« Quant aux Berbers et aux ‘Arabs que contiennent

les plaines du Gai’b, nous espérons de Dieu qu’il les sou-

mettra à notre autorité, dès qu’il sera possible de nous

rendre auprès d’elles mais si nous ne parvenons pas à

nous en emparer, eh bien, cela sera réservé à nos fils et à

nos frères, car dans toutes les dynasties l’œuvre créée par

le premier est continuée par le second. Examinez ce qui

pourrait ramener le calme dans vos esprits, nous vous

l’accorderons de suite. Comme il a été bien inspiré par

Dieu le Dgoûgi, qui a fait connaître vos turpitudes dans

ces vers que nous a récités Mawlay Muhammad ben

Mbârék

 

« Sache que tu es un des antéchrists du Maghrib, que ta

« puissance périra sous les coups des disciples de Jésus

« Vous n’êtes tous que des bâtards rejetons d’une pros-

« tituée, tandis que votre aïeul Abû lsir était Djâloût.

« Vos jeunes gens sont des mignons et vos hommes des

« cornards, œuvre de votre chéïkh l’entremetteur.

« Les cieux de la gloire ont horreur de votre dynastie,

« et ni la terre, ni Elbehmoùt ne peuvent vous supporter. »

« Pour toi, tu n’es en réalité qu’un simple singe tu n’es

même que le tique collé dans les poils du chien galeux.

Vous nous déclarez que les traités de paix entre Commandeurs

ne sont que des pièges, mais le sultan Aboù Hainnio, Dieu

lui fasse miséricorde l’avait déjà dit bien avant nous.

« Maintenant, si vous désirez la paix, c’est également

mon désir et l’aimant de ma volonté si vous préférez

autre chose, je vous répondrai par ce vers d’Elinotanabbi.

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DYNASTIE ALAOUIE DU .MAROC

 

« Désormais c’est avec des piques et des lances que nous

« vous écrirons, et vous ne recevrez d’autre ambassadeur

« qu’une année innombrable. »

 

Mawlay Mhammed bn Echchérîf prend Fâs, puis l’abandonne

à la mort de Sidi Muhammad El’ayyâchi1. 1,

 

Comme nous l’avons dit, Muhammad Elhâddj Eddilâï

s’était emparé de Fâs, qui lui était tour à tour soumis ou

insoumis. Il y avait nommé comme gouverneur son Qâ’îd

Boù likeur Ettsàmli et l’avait intallé au palais princier de

Fâs Al-Jadîd. Une discussion étant survenue entre lui etles

gens de Fâs Elbàli, ce gouverneur les assiégea et leur

coupa l’eau. Les gens de Fâs écrivirent alors à Mawlay

Mhammed bn Echchérif pour lui demander son appui, lui

garantissant leur obéissance et le secours qu’il désirerait

en hommes et en armes, dès qu’il se présenterait auprès

d’eux. Les ‘Arabs du Garb, Elkhlot et autres se joignirent

à eux. Saisissant cette occasion, Mawlay Mhammed arriva

en toute hâte, enleva le palais princier, le dernier jour de

djoumàda II 1060, et s’empara du Qâ’îd Boù Bkeur Ettsàmli

qu’il mit en prison. La population de Fâs Al-Jadîd et celle de

Fâs Elbâli le proclamèrent, et se mirent d’accord pour lui

donner des secours et le soutenir. La bay’a fut rédigée à

Fâs le 7 rejeb.

 

Au bout de quarante jours, la nouvelle était parvenue à Mo-

hammed Elhâddj, qui réunit des troupes considérables pour

marcher contre Mawlay Mhammed. Ce Commandeur se porta

contre eux et les repoussa pendant un jour ou deux, mais

trop faible pour leur résister, il fut vaincu à Dhar Erremka,

près de Fâs, le mardi 10 cha’bâu 1060, dut abandonner la

ville et retourner à Sijilmâsa. Les gens de Fâs qui étaient

1. Texte arabe, IV- partie, page 10.

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ARCHIVES MAROCAINES

avec lui l’entrèrent chez eux et fermèrent les portes de la

ville. Ettsanili et ses hommes les assiégèrent et leur cou-

pèrent l’eau. Des événements graves se passèrent, au cours

desquels périrent nombre de notables de Fâs, comme ‘Ab-

delkérim Elliiini Elandalousi et Muhammad bn Slhnân

(derniers jours de safar 1061). Les gens d’Eddilâ finirent

par reprendre la ville, et Muhammad Elhâddj y nomma

comme gouverneur son fils Ahmad.

 

Quelque temps après, il demanda aux gens de Fâs de

faire sortir du mausolée de Mawlay Idris les malfaiteurs et

les chefs de la révolte, mais le chérif Aboùlhasan ‘Ali ben

Dris Eldjoùti voulut intervenir en leur faveur et prendre

leur défense, mais ce fut eu vain et il dut se cacher. Cou-

vert par Yamân, on le conduisit à la zâouya du quartier

d’Elmokhfivâ, d’où il quitta Fâs pour ne plus y revenir. La

révolte fut alors calmée (ramadan 1061).

 

Ahmad Eddilâï demeura émir de Fâs jusqu’à sa mort

(20 rabi’ Ier 1064) et fut remplacé par son frère Muhammad

qui mourut en 1070. Dieu leur fasse miséricorde à tous.

Plus tard, Fâs Al-Jadîd fut attaqué par Aboù ‘Abdallah Ed-

dridi, qui s’en empara.

 

Mawlay Mhammed bn Echchérif prend Wujda et dirige des incur-

sions sur Tlemsên et ses environs conséquences de ces

actes 1.

 

Voyant qu’il ne pouvait s’emparer de Fâs et du Maghrib,

Mawlay Mhammed lien Echchérif résolut d’étendre son

autorité sur les nombreuses tribus du Sahara et de la

région du Cherg. 11 parcourut les campements, les villages

et les bourgs, et atteignit la plaine de Angâd. Il fut pro-

clamé par les Ahlaf, qui sont formés de deux branches

1. Texte arabe, IV- partie, page 10.

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DYNASTIE ALAOL’IE DU MAROC

 

d”Arabs Ma’aqil, les ‘Amârna et les Muebbàt, et par les

Sgoûna, qui sont comptés aussi parmi les Angàd. Il partit

avec eux chez les Beni Yznàsén, qui étaient alors sous

l’autorité des Turcs; il les attaqua, leur enleva leurs

richesses et leurs bestiaux qui restèrent entre les mains des

‘Arabs. De là il revint à Wujda, dont la population était

divisée alors en deux partis, l’un favorable, l’autre défa-

vorable aux Turcs. Les ennemis des Turcs s’étant déclarés

pour lui, Mawlay Mhammed les lança contre le clan turc,

qu’ils dévalisèrent et chassèrent de la ville. Ainsi fut prise

Wujda, au cours des années postérieures ïi 1060.

Sur les indications des ‘Arabs, Mawlay Ml.iamined dirige

ensuite des incursions sur leurs voisins les Oulad Zekri,

les Oulâd ‘Ali et les Beni Snoùs, qu’il razzie et qui se sou-

mettent à son autorité. De là, il se rend dans le voisinage de

Nedroûma, d’où il harcelle les Mdagra, Gdîma, Trâra et

Oulhâsa, puis revient à Wujda. Au bout de quelque temps,

il partit pour Tlemsên, s’empare des troupeaux de la ville

et des bourgs des environs, et se rend maître de toute la

plaine. La garnison turque de la qasba et les gens de la ville

effectuent une sortie il les met en déroute et en tue un

grand nombre. Puis il rentre à Wujda, où il passe l’hiver.

Cette saison terminée, il reprend le chemin du Sahâra

et pille les Dja’âfra. Là, il reçoit la visite de Mahmoud,

chéïkh des Hamiyân, qui font partie du groupe des Beni

Yézid bn Zogba et qui sont comptés aujourd’hui parmi

les Beni ‘Amer bn Zogba. Ce chéïkh vient avec sa tribu

lui apporter son serment de fidélité et l’assurer de son

obéissance. Après eux, viennent les Dkhisa, qui reçoivent

le meilleur accueil et qui sont bien traités. Sur leurs indi-

cations, Mawlay Mhammed se jette sur Lagouât, ‘Ain Mâdi

Elgasoul et met toutes ces bourgades au pillage. Les tribus

arabes Beni Mâlék bn Zogba d’Elharits, de Souéïd et de

Hosaïn s’enfuient devant lui et se retranchent dans le

Jbal Râched, sans qu’il les poursuive.

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ARCIIIVES MAROCAINES

Le plus grand désordre régnait dans tout le Maghrib

moyen, et ses habitants étaient sur le point de se révolter

contre les Turcs. Le bey de Mascara s’empressa d’orga-

niser sa défense et prévint le dey d’Alger, Eddaola comme

ils l’appelaient, des pillages commis au détriment de ses

sujets par le Commandeur de Sijilmâsa. Le dey fit partir le plus

promptement possible des troupes et des canons, dans le

but de combattre Mawlay Mhammed, et en confia le com-

mandement à son représentant qui vint jusqu’à Tlemsên;

mais Mawlay Mhammed rentra à Wujda, renvoya les ‘Arabs

qui s’étaient alliés à lui, et leur donnant rendez-vous pour

le printemps suivant, il reprit le chemin de Sijilmâsa,

après avoir allumé le brandon de la guerre dans le pays

des Turcs, l’avoir ravagé et y avoir semé une révolte

générale.

 

Quant à l’armée turque, elle apprit seulement à

Tlemsèn le départ de Mawlay Mhammed pour le Tâfîlêlt.

Elle se repentit d’être venue, car elle avait trouvé le pays

désert; tous les habitants avaient quitté leurs demeures

pour se réfugier dans les montagnes, et personne ne lui

apporta ni moûna, ni impôts. A Tlemsên elle fut mal reçue

par les habitants qui avaient pris parti pour Mawlay Mham-

med et prononçaient la khotba en son nom, et bientôt elle

reprit le chemin d’Alger.

 

Les Turcs comprirent que leur pays ne leur appartenait

plus entièrement et que leur puissance était ébranlée.

Nous allons dire ce qui en résulta.

 

‘Otsmân Pacha, dey d’Alger, écrit à Mawlay Mhammed

correspondance échangée entre eux à cette occasion’.

Au retour de l’armée turque à Alger, le dey ‘Otsmân

Pacha Eddaola fut informé par elle de la situation des popu-

1. Texte arahe, IV’ partie, page 11.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

lations et des excès commis contre elles par le Commandeur de

Sijilmâsa. Il réunit son divan et ses conseillers, pour étu-

dier la question de Mawlay Mhammed et la façon de se

garantir contre sa puissance. Ils ne trouvèrent pas de meil-

leur parti à prendre que de lui envoyer deux des princi-

paux ‘ulâma d’Alger et deux hauts fonctionnaires turcs,

qui seraient chargés de lui présenter un message. Ils ne

pouvaient, en effet, songer à le combattre, car il attaquait,

vainquait et pillait, puis retournait dans le Sahara, et ils

n’auraient jamais pu le rejoindre, ni le suivre dans les

parasanges et les milles qu’il franchissait. Ils lui enver-

raient donc un message, qui fut dicté par le secrétaire

Aboussoûn Elmahjoùb Elhadri, et qui fut porté par cette

ambassade. En voici le texte

 

« Louange à Dieu qui a vivement recommandé de re-

pousser le voleur et l’envahisseur, qu’il soit noble ou plé-

béien, et qui a dicté, lui qui est sincère, l’obligation de

déchirer les vêtements de son origine, à celui qui en tire

vanité, qu’il soit ignoré ou connu.

 

« Les prières de Dieu soient sur notre seigneur et notre

maitre Muhammad, fils de ‘Abdallah, fils de ‘Abdelmot-

taleb, fils de Hâchém, sur les gens de sa famille qui sont

les diadèmes de la gloire, les voiles qui couvrent le front

et le nez, et sur ses compagnons qui sont les sabres des-

tinés à trancher la gorge des infidèles, les lances actives

et les épées destructrices.

 

« Après avoir rendu grâces à Dieu, il ne nous reste qu’à ~t

adresser la parole au Très Haut Chérif, dont la parole et le

cœur sont sincères, par lequel Dieu a réuni les éléments

épars de sa patrie et a préservé contre la vanité les mon-

tagnes de son pays et les plaines de son territoire, le petit

fils de notre Maître ‘Ali et de notre Dame Elbatoùl, le fils

de notre Maître Echchérif, fils de notre Maître ‘Ali.

« Que le salut soit sur vous, tant que les vaisseaux orne-

ront les routes des mers, et que les belles perles brilleront

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ARCHIVES MAROCAINES

sur la blancheur des gorges que la miséricorde et la béné-

diction du Très-Haut soient sur vous, tant qu’il laissera

se succéder l’immolation des victimes pures et licites.

« Ensuite

 

« Nousvousécrivonsde la ville d’Alger, demeure du gain

facile pour l’habitant, le voyageur et le visiteur, ribât du

Djerid,- que Dieu le protège sur mer et sur terre et pré-

serve son territoire des secousses des ouragans et des tem-

pêtes pour faire briller à vosyeux les trésors du pouvoir

et les satellites de la chiromancie, des horoscopes et de la

physiognomonie, et vous découvrir un ciel entièrement pur

de tout nuage, de toute poussière, une matinée dont la

lumière se répandrait après qu’on aurait déployé sur elle

les couleurs d’un parterre de verdure.

 

« La connaissance des choses de la royauté n’a certes

pas négligé de prendre place dans les arcanes de votre

science à vos festins n’ont manqué ni leur Zéïd, ni leur

‘Omar. Car le généreux (qu’il soit loué !) vous a gratifié de

la majesté, de la noblesse en vous donnant la générosité, la

clémence et la bravoure, et a choisi pour vous Sijilmâsa,

dont le nom seul indique la protection qu’elle donne dans

les plaines de la sécurité. Cependant les secrets d’une

politique avisée vous échappent et vous faites chevaucher

à votre fermeté le coursier rétif de l’ignWahrance et de la

légèreté. Mais c’est là, en vérité, le fait de tout fondateur

de gouvernement il n’arrive à le contenir que par les

crimes de la guerre et du combat.

 

« C’est ainsi que tu as déchiré le manteau de la force

nouvelle de l’Empire de ‘Otsmân, depuis Wujda la

Bigarrée jusqu’aux confins du Djérid.Tu as soulevé contre

nous les esprits de ces mauvais sujets d”Arabs, qui en

sont venus à nous refuser les moindres choses.

« Tu es venu faire une incursion chez les Beni Ya’qôb,

tu as fauché jusqu’aux vestiges de leur race en frappant

aux tendons du tibia et tu as fait une foule de malheureux

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DYNASTIE ALAOUIE DU 5IAROC

 

qui vont mendier par leurs familles un ziydni, une mou-

zoûna sur les marchés (le Mostaganem, et aux portes des

maisons de Mazoùna.

 

« Tu as couvert du vêtement de l’avilissement les confins

d’Elgâsoul et de Lagoûat, et tes partisans ont fondu sur

leurs habitants comme les oiseaux de proie sur tes chauve-

souris. Ce féroce barbare de Mahmoud des Hamiyân t’a

conduit à Aïn Mâdi, à Essouâné et aux Beni Itfiân. Les

Rigâh et les Souéïd s’enfuirent, et leurs héros secouent

maintenant leur poussière et leur argile sur le Jbal

Râched et dans le pays de Constantine. Mais nous ne nous

attendions guère à vous voir profaner le manteau de la

grâce du mers de Aboù Errabi’ Sîdi Slimân, car vous auriez

dû être les premiers à le respecter, à le vénérer, et à le

défendre, vous qui traitez les étrangers d’ignWahrants, de

grossiers et de barbares, et qui vous êtes substitués à eux.

Les soldats de notre qasba de Tlemsén, fantassins et cava-

liers, ont fait une sortie vous les avez mis en déroute sur-

le-champ et vous les avez tués d’une façon honteuse et

avilissante. Nous avons pensé alors que c’était le moindre

châtiment qui puisse être infligé au chien méprisé qui veut

mordre et qui s’offre à la vigueur du lion. Le malheur n’a

cependant atteint que les hadar presque exclusivement,

car dans les jardins on a cueilli à la fois les fruits verts et

les fruits murs.

 

« Les Oulâd Talha, les Heddâj, et les Kherâdj avaient

toujours payé à cette capitale le kharâdj, qu’ilfùt pesant ou

léger de leurs contributions, pas un poil, pas une toison,

pas un petit chameau, pas un chevreau, pas un agneau ne

nous échappaient. Mais quand s’est élevée sur nous l’au-

rore de ton soleil fortuné, tous ceux qui étaient près de

nous se sont éloignés. Tu as été secondé par la discorde

de ces brutes d’habitants d’Wujda, dont tu as eu pour toi,

d’ailleurs, les meilleurs et les plus sérieux. Sans toi, les

gens de Tlemsên ne se seraient pas révoltés contre nous,

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ARCHIVES MAROCAINES

ils n’auraient pas oublié ce qu’ils doivent i notre bonté

très ancienne et à notre générosité envers eux, et ils t’au-

raient retiré le rideau et le tapis. Leur désir est que tu

déchaînes contre nous la violence du dragon. Nous sommes

bien certains pourtant que notre arbre ne sera pas ren-

versé par les tempêtes, ni ses traces détruites quand bien

même s’effondreraient sur lui les montagnes de Djaïàn, et

que la pierre ne se laisse pas broyer par le pisé. Ainsi

ton armée, par exemple, au départ et à l’arrivée, ne peut

résister aux foudres de la poudre, et les cottes de mailles

ne servent que dans les incursions contre les campements

des tribus. Quant aux murailles des grandes armées et des

forts escadrons, rien ne peut les frapper ni les détruire,

que les torrents de cavaliers et les archers solides. Ton

audace a fait goûter aux Beni ‘Amer les attraits de la fuite

sous l’égide de l’infidèle Satan et la ruine sont entrés dans

les montagnes de Trâra, de Mdagra et des Beni Snoûs. Les

sujets aiment que le lait gonfle leurs mamelles afin de

cacher dans la paille de leur imposture l’épi de leurs ré-

coltes aussi si tu acceptes leurs dires et leurs actes, leur

naturel les excitera de nouveau contre le gouvernement

et ils deviendront comme des ogres.

 

« Prends bien garde surtout de te laisser séduire par ce

que tu as vu dans le livre d’Elboùni, dans les notes d’Es-

sonyonti, de ‘Ali Bâdi et de bn Elhâddj, et dans la lettre

des gens de Ceuta à ‘Abdelhaqq bn Aboù Sa’id Elme-

rîni, et de te croire l’élu qui va gravir ces degrés. Tu en

es encore bien loin. Tu n’y arriveras pas en passant des

nuits au bivouac et en multipliant les pommeaux des poi-

gnées de sabre. Que les piquets des tentes des Chrétiens

et des Turcs disparaissent du sol du Maghrib, qu’il ne reste

plus personne pour vous le disputer en vous faisant la

guerre ou en vous livrant combats, il ne faudrait pas que

tu tentes de saisir cette occasion d’y arriver, ni ce moyen

de disperser ce qu’à groupé et réuni notre résolution. Tu

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UYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ABCH. MAROC.

 

3

 

es aveuglé par des songes incohérents tu es égaré par le

brouillard de l’inconnu et ta pensée est dans les ténèbres

les plus noires. Si tu nourris de tels projets, tu es sans

nul doute un parjure. Si vous avez la certitude de réussir,

eh bien ce ne sera que le quatrième de votre dynastie, ou

tout au plus le troisième, qui atteindra ce but. Le premier

de votre famille était un révolté; le second l’imitera et

marchera sur ses traces le troisième sera peut-être un

émir illustre qui sera ou juste ou oppresseur.

 

« Ne viens pas t’aventurer sur notre patrie, car tu aurais

à craindre les griffes puissantes de notre sultan.

« Quant au courage naturel, nous savons que tu en as

une large part et que tu es de ceux qui, s’ils frappent,

atteignent leur but avec une flèche bien dirigée. Mais la

bravoure peut servir tout au plus à se défendre quand la

guerre est allumée, surtout maintenant que sa valeur est

diminuée par l’emploi de la poudre et du plomb. Ce qui

t’a enhardi contre nous, c’est que tu es un vautour sur une

branche d’arbre, ou une reine d’abeilles dans une fissure

du rocher. Si tu avais vu les rois d’une des capitales de la

terre et de la mer, tu saurais que tu n’es qu’un pupille et

un incapable en tutelle tu aurais appris qu’entre les

Commandeurs il existe des relations et des égards, et que les

situations des États dépendent d’un jour, d’une heure, que

chacun d’eux redoute de perdre sa renommée, et brûle des

parfums pour dissimuler la puanteur des exhalaisons.

« Nous ne voulons, nous, que la tranquillité des ‘Arabs

sur leurs territoires afin qu’ils puissent à leur gré noma-

diser l’hiver et l’été, et que les riches ou les pauvres y

apportent ce qui peut leur servir à gagner quelque chose,

des vêtements, du henné, des peaux.

 

« Si c’est le pouvoir que ton âme recherche, à toi les

villes que la populace Berbère ne t’a pas laissé approcher,

et où l’on continue à prêcher en leur nom. Porte sur elles

tous tes eflbrts pour arriver à goûter la douceur du pou-

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ARCHIVES MAROCAINES

voir qui est pétrie de l’onguent du salut ou de la mort.

Mais renonce au pays des sables et de la poussière, et ne

t’aventure pas dans les déserts et les défilés. Par tes

grands-pères paternel et maternel, et par tous tes frères

et oncles paternels et maternels, écarte-toi du sol de Tlem-

sèn, et n’y viens pas amener la foule des archers et des

cavaliers. Si les ‘Arabs veulent se razzier les uns les autres,

laisse-les faire il en a toujours été ainsi sur tout le terri-

toire, et nous avons toujours pris ensuite au vainqueur le

cinquième de ses biens. Vous saurez par là qu’ils ne savent

pas ce qu’ils font, et qu’ils sont tous malfaisants et traîtres,

et que les gouvernements ne doivent pas avoir pour eux

plus de considération que pour les infidèles. De cette

façon la paix régnera toujours entre nous, et nous ne ferons

pas attention aux intrigues des tribus.

 

« Nous vous avons envoyé quatre de nos serviteurs,

dont la conversation réjouit les cœurs et les demeures

ce sont le fqih distingué, Si ‘Abdallâh Ennefzi et le fqîh

honorable Si Elhâddj Muhammad bn ‘Ali Elhadri Elmez-

gennâï ils sont accompagnés de deux braves Turcs mem-

bres de notre conseil et fonctionnaires de notre palais.

« Nous désirons une réponse favorable, sincère et

véridique.

 

« Dieu très haut nous conduise dans le chemin le plus

louable et, au jour de la résurrection, nous place auprès

de votre aïeul au nombre des élus Amîn.

« Salut.

 

« Écrit le 15 du mois sacré de rejeb l’unique 1064. »

Quand ces ambassadeurs lui eurent remis cette missive,

Mawlay Mhammed, après l’avoir lue, fut vivement irrité

des blâmes qu’elle contenait. Ayant fait venir les ambas-

sadeurs, il leur reprocha les paroles de leur maître et

ses bravades envers lui. Ils lui répondirent: « Nous sommes

ambassadeurs, nous t’avons apporté une lettre du bâchâ

d’Alger donne-nous la réponse, mais ne nous reçois pas

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DYNASTIE ALA0L1E DU )IAROC

 

avec des reproches. Vous avez raison, » dit le Commandeur,

qui leur écrivit une lettre commençant ainsi « Ensuite,

nous vous écrivons cette missive de l’étoile du front des

Sahâras, centre des contrées et des déserts du Maghrib, de

la résidence de Sijilmâsa, qui est la capitale des ‘Arabs

et des Jîerbers, et qui était appelée autrefois Ken- elba-

raka (le trésor de la bénédiction « Sa lettre se continuait

ainsi et repoussait la demande des Turcs. Les ambassa-

deurs retournèrent auprès du maître d’Alger. Aussitôt que

celui-ci eut lu, en présence de son Dîouân, la lettre qu’ils

lui rapportaient, il les renvoya sur-le-champ auprès de

Mawlay Mhammed sans leur remettre de lettre pour lui.

Ils dirent au Commandeur « Nous n’avions pas connaissance du

contenu de ta lettre, et si nous nous en étions contentés,

nous ne serions pas revenus auprès de toi. Nous sommes

venus à toi pour que tu suives vis-à-vis de nous les pré-

ceptes de la loi sainte de ton ancêtre, et que tu ne dépasses

pas tes limites. Ton ancêtre ne faisait pas la guerre aux

musulmans et n’ordonnait pas de piller les faibles. Si

c’est la guerre sainte que tu veux, va livrer combat aux

infidèles qui sont au milieu de ton territoire, mais si, au

contraire, tu projettes de subjuguer le gouvernement de

la famille d”Otsinàn, provoque-le et appelle à ton aide le

Clément, le Miséricordieux; tun’auras alors rien à te repro-

cher. Voilà ce que nous sommes venus te dire. Mais agiter

le brandon de la révolte au milieu des créatures n’est pas

le fait des nobles membres de la Famille du Prophète. Tu

n’ignores pas que ce que tu fais est illicite et n’est per-

mis par aucun des rites musulmans, par aucune des lois

des étrangers. Nous sommes deux docteurs, ‘oulaniâ d’Al-

ger, qui venons écouter ce que tu as à dire. Dieu et son

Prophète jugeront entre toi et nous. Notre commerce est

arrêté, nos sujets terrifiés se sont enfuis de leur pays. Que

répondras-tu devant Dieu quand tu seras interrogé sur ta

conduite actuelle dans notre pays, toi qui es un fils de

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ARCHIVES MAROCAINES

l’Envoyé de Dieu, sur lui soient les prières de Dieu et le

salut Ce que tu fais chez nous, nous serions capables de

le faire dans ton pays, sur tes sujets, nous qui sommes

considérés par vous comme nous livrant à l’injustice et à

la tyrannie, mais la dignité de notre Sultan s’élève contre

cette opinion. »

 

Ces paroles produisirent une profonde impression sur

Mawlay Mhammed qui en éprouva un frisson d’horreur. Le

Roi de la vérité releva son esprit et il comprit sa faute.

« Par Dieu dit-il aux ambassadeurs, ce sont ces diables

d”Arabs qui se servaient de moi pour triompher de leurs

ennemis et qui m’ont mis en état de révolte contre Dieu.

Et je les ai fait arriver à leurs fins Il n’y a de force et de

puissance qu’en Dieu Je vous promets devant le Très-

Haut que dorénavant je ne toucherai plus ni votre terri-

toire, ni vos sujets. Je m’engage par Dieu et par son Pro-

phète à ne pas dépasser la Tâfna pour me rendre chez

vous, sauf s’il s’agissait d’une œuvre agréable Dieu et à

son Prophète. »

 

Il écrivit cette promesse au Pacha d’Alger et se contenta

des conquêtes que Dieu lui avait fait faire de Sijilmâsa,

du Drâ* et de toutes leurs provinces. Il ne dirigea plus

d’expédition dans le Cherg, jusqu’au moment où Mawlay

Errechîd s’y révolta contre lui. Il advint alors ce que nous

allons rapporter s’il plaît à Dieu.

 

Révolte du moqaddim Abûl’abMs Elkhadir Géilân Elgorofti

dans la région d’Elhibt K

 

Aboùl’abbâs Elkhadir Géïlân, un des compagnons de

Abû ‘Abdallah El’ayyâchi, était moqaddim des combat-

tants dans la région d’Elhibt. Quand El’ayyâchi fut tué à

1. Texte arabe, IVe partie, page 14.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

la date déjà indiquée, il se déclara indépendant et prit le

commandement dans cette contrée. En 1063, il gouvernait

dans le Fahs, et s’avançait sur Qsar Ketâma. Les gens de

la ville firent une sortie contre lui, mais, battus après un

long combat, ils furent poursuivis par Elkhadir, qui prit

la ville de force et tua un grand nombre de notables. Les

autres s’enfuirent à Fâs, et parmi eux la famille du fqîh

Aboù ‘Abdallah Elqantari. Elkhadir resta maître de toute

la contrée.

 

Au mois de doùlheddja 1069, le Mrâbet, le réïs

Boû Selhâm bn Gueddar quitta Fâs. et vint rejoindre

Elkhadir Géïlân et se rangea dans son parti. Mais ce der-

nier lui en voulut d’avoir aidé les Dilâïs contre Sîdî

Muhammad El’ayyâchi, il partit contre lui il finit par

s’emparer de lui et le retint prisonnier à Aséïla. Peu (le

temps après, il le remit en liberté. C’est ce que dit le

Nachr Elmalsdni.

 

Mort de Mawlay Echchérîf bn ‘Ali (Dieu lui fasse miséricorde

Nous avons vu précédemment que Mawlay Echchérif ben

‘Ali avait acquis, depuis son adolescence, à Sijilmasa et

dans toute la région, la considération générale. 11 était le

maître et le chef, et chacun lui obéissait. Proclamé ensuite

parles habitants de Sijilmasa en 1041, il s’était vu dispu-

ter le pouvoir par les Beni Az-Zoubir de Tabou ‘asâmt.

Grâce à l’appui que lui avait prêté contre eux Boù Has-

soûn Essemlâli, il avait établi son autorité à Sijilmàsa.

Une fois délivré de sa captivité dans le Sous, il était

revenu à Sijilmàsa, et, trouvant son fils Mawlay Mham-

med en possession du pouvoir, il le lui avait abandonné.

Sa vie se passa dès lors à rechercher les faveurs de Dieu,

1. Texte arabe, IV« partie, page 14.

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ARCH1VUS MAROCAINES

jusqu’au moment où la vérité vint le surprendre le 1/| ra-

madan 10<ï9 à Sijilmâsa, son pays natal, qui avait été le

séjour de sa fortune, et <|ui fut le berceau de ses glorieux

descendants, et le point de départ des rois et des Commandeurs

issus de lui.

 

Moùlav Mhammed fut proclamé de nouveau, mais son

frère Moùlav Errechid se sépara de lui et se retira dans les

montagnes, où il ne cessa d’aller de tribus en tribus jus-

qu’au moment où survinrent les événements que nous

allons rapporter.

 

Incursion de Mawlay Mhammed bn Echchérîf chez les ‘Arabs

Elhayâïna des environs de Fâs, et ses conséquences 1.

A la fin de l’année 1073, Moùlav Mhammed lien Echché-

rîf fit une incursion sur les terrains de culture des Hayâïna,

dans le voisinage de Fâs, et les dévasta entièrement.

Une grande famine s’en suivit: les gens en furent réduits

à manger des cadavres d’animaux, des bêtes de somme

et même de la chair humaine. Les maisons furent aban-

données, les mosquées devinrent désertes, et les gens de

Fâs partirent pour demander secours à la famille d’Ed-

dilâ. Le chérif Abû ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdallah

ben ‘Ali bn Tâhar Elhasani, qui était venu à Fâs pour se

faire proclamer, mais sans succès, quoiqu’on ait dit qu’il

fût soutenu par quelques personnes, se mit en marche

avec les Hayâïna pour attaquer Mawlay Mhammed ben

Echchérîf, mais il ne put l’atteindre.

 

Dans les premiers jours de l’année 107/j, le roi d’Angle-

terre fut mis en possession de Tanger par les Portugais,

qui, suivant l’auteur d’Elboustân, étaient alors trop faibles

pour résister aux musulmans, car ceux-ci, au cours de

1. Texle arabe, IV- partie, page 34.

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DYNASTIE AIAOUIE DU MAROC

 

deux affaires successives, venaient de leur faire tuer

600, puis ‘i00 hommes. Manuel le Castillan, dans son his-

toire du Maroc, donne à cette cession une autre raison.

Selon lui, le roi de Portugal Juan VI (dont le nom se pro-

nonce indistinctement avec le r ou avec le t), voulant afl’er-

mir l’amitié qui le liait au roi d’Angleterre, Charles 11,

lui donna sa fille en mariage en lui remettant comme dot

les clefs de Tanger. Cette ville resta au pouvoir de celui-ci

pendant vingt-deux ans, puis il l’abandonna aux musul-

mans.

 

Révolte de Mawlay Errechîd bn Echchérîf contre son frère

Mawlay Mhammed et meurtre de ce dernier (Dieu lui fasse

miséricorde!)1. 1.

 

Nous avons vu que Mawlay Errechîd avait fui son frère

Mawlay Mhammed dès le jour de la mort de leur père. 11

se rendit alors à Toudga où il demeura quelque temps,

puis de là à Denunât, d’où, après un court séjour, il alla

à la zâouya des gens d’Eddilâ. Là il séjourna assez long-

temps. On dit qu’un des gens de cette zâouya lui conseilla

de s’en aller de peur qu’il ne fut trahi, parce que, suivant

une tradition conservée chez eux, les Dilâïs prétendaient

que la destruction de cette zâouya devait être opérée par

lui. Mawlay Errechid suivit ce conseil et partit pour la

montagne d’Azrou, d’où, peu de temps après, il alla à Fâs,

avec une escorte peu nombreuse. Il passa la nuit en

dehors de Fâs Al-Jadîd le chef de la ville, Abû ‘Abdal-

lâh Eddrîdi, lui donna une très large hospitalité. Le len-

demain il partit pour Tâza et de là chez les ‘Arabs Elah-

lâf. « II arriva à la suite de ses pérégrinations, dit le No-

1. Texte arabe, IV” partie, page 14. t.

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ARCHIVES MAROCAINES

zha, à la qasba de bn Mech’al. Ce Juif possédait d’im-

menses richesses et de précieux trésors il opprimait les

musulmans et tournait en dérision la religion et ses sec-

tateurs. Mawlay Errechîd chercha longtemps un moyen de

faire tomber ce Juif dans un guet-apens enfin Dieu lui

en fournit l’occasion, à la suite d’événements qu’il serait

trop long de rapporter ici. Mawlay Errechîd tua donc ce

Juif, s’empara de ses richesses et de ses trésors, qu’il

distribua à ceux qui l’avaient suivi et aux ‘Arabs Angâd,

et autres gens qui se joignirent à lui, ce qui accrut ses

forces et augmenta le nombre de ses partisans. »

Selon l’auteur du Nachr Elmatsdni, « Mawlay Errechîd,

en quittant Fâs, alla trouver le chéïkh Aboù ‘Abdallah

Ellouâti qui vivait dans le voisinage de Tâza. Ce person-

nage, qui professait l’ascétisme, et qui vénérait les gens

de la Famille du Prophète, lui fit une réception enthou-

siaste. Tandis que Mawlay Errechîd était chez lui, il vit

passer un jour un homme entouré d’esclaves, de suivants

et de cavaliers, qui chassait dans un appareil royal. Ayant

demandé qui il était, il apprit que c’était un Juif de Tâza,

nommé bn Mech’al. Il mit un couteau dans sa bouche et

se rendit auprès du chéïkh Ellouâti. En le voyant dans

cette attitude, le chéïkh fut enrayé et lui dit: « Ma fortune

et ma vie sont à toi, mais que t’est-il arrivé i’ – Ordonne

à un certain nombre de tes compagnons de partir avec

moi afin d’exterminer ce Juif, pour la défense de la reli-

gion, lui répondit Mawlay Errechîd. C’est chose faite,

dit le chéïkh, aucun d’entre eux ne te désobéira. » Mawlay

Errechid en choisit quelques-uns parmi eux et leur donna

rendez-vous pour attaquer le Juif la nuit et s’emparer de

sa maison, qui était clans la campagne à une étape environ

à l’est de Tâza. Lorsque la nuit fixée fut venue, Mawlay

Errechîd se présenta chez bn Mech’al, sous prétexte

de lui demander l’hospitalité. Celui-ci la lui accorda. Au

milieu de la nuit, la maison fut cernée par les gens de

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROf.

 

Mawlay Errechid, qui surprit le Juif clans un coin retiré

de sa demeure et le tua. Il introduisit ensuite ses compa-

gnons, et s’empara de la maison de bn Mech’al, après

avoir fait tuer ses serviteurs et ses gardiens. Il y décou-

vrit d’immenses richesses et de précieux trésors. »

Suivant une autre version, qui est répandue chez les

Beni Yznâsén, bn Mech’al demeurait au milieu d’eux et

s’était établi dans une forteresse dans une de leurs mon-

tagnes, où ils vivaient sous sa protection.

 

Mawlay Errechid se rendit auprès d’eux et les circon-

vint si bien au sujet de ce Juif que ses paroles finirent par

les influencer. Certains propos de ce genre furent rappor-

tés à bn Mech’al, qui se crut trahi par eux et qui vint

apporter de riches présents à Mawlay Errechid pour tâcher

de conquérir sa faveur, mais il était à peine arrivé près

de lui que ce Commandeur le saisit et le tua, puis, se rendant à

sa maison, s’en empara et enleva les richesses qui s’y

trouvaient.

 

Dieu seul sait laquelle de ces versions est authentique.

Après cela, Mawlay Errechîd voulut faire reconnaître

son autorité par les ‘Arabs du Cherg et, après avoir réuni

leur adhésion, s’installa à Wujda.

 

Aussitôt qu’il fut instruit de ces événements, Mawlay

Mhammed, Commandeur de Sijilmâsa, qui redoutait son frère

dont il connaissait le courage et l’énergie, partit pour le

combattre et tâcher de s’emparer de sa personne. Mais

quand la bataille s’engagea entre les deux armées dans la

plaine des Angàd, la première balle tirée atteignit à la

gorge Mawlay Mhammed, qui succomba immédiatement,

le vendredi 9 moharrem 1075, et qui fut enterré dans la

maison de bn Mech’al. Mawlay Errechid éprouva un vif

chagrin de la mort de son frère et en prit le deuil. Il lava

lui-mème son cadavre et le transporta chez les Beni Yznâ-

sén où il le cacha dans son tombeau. Que Dieu lui donne

sa miséricorde et son pardon

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ARCHIVES MAROCAINES

Mawlay Mhanimed était plein de courage et d’audace

dans les combats; il ne s’inquiétait pas du danger et ne

craignait rien de ses semblables. Il ne connaissait ni l’ad-

versité, ni la frayeur. Les gens de la Zâouyal Eddilà l’ont

ainsi dépeint C’était un véritable gerfaut aussi insensible

au simoun de la nuit qu’à l’ardeur accahlante du soleil de

l’été, et pareil à l’aigle fauve, il était constamment perché

sur la cime des rocs. La possession des richesses ne lui

suffisait que s’il coupait les tètes. Sa bravoure était célèbre,

et avec cela il était vigoureux et solidement membré on

ne pouvait jamais lui tenir tête dans le corps à corps, ni

lui faire lâcher pied dans la défense.

 

On raconte qu’un jour, pendant un des sièges de Tâbou-

‘asamt, il plava sa main dans un des trous pratiqués dans

le mur de la forteresse, et qu’un nombre incalculable de

guerriers purent monter sur son bras, aussi solide qu’une

poutre fichée dans un mur ou qu’une assise de briques.

Il était d’une nature généreuse il donna au littérateur

célèbre qui excella dans la poésie régulière et dans la

poésie vulgaire, Abû ‘Otsinân Sa’îd Ettlemsâni, auteur de

la Qasîda El’aqiqiya, environ vingt-cinq livres d’or pur,

en récompense d’un panégyrique qu’il avait fait de lui.

Les anecdotes de ce genre relatives à ce Commandeur sont,

d’ailleurs, bien connues

 

Lorsqu’il fut tué, son fils, Mawlay Mhammed Essegîr,

essaya de lui succéder à Sijilmâsa, mais sans succès.

Une partie de son histoire va suivre, s’il plaît à Dieu.

Règne du Commandeur des croyants Mawlay Errechid bn Echchérîf,

(Dieu lui fasse miséricorde !)

 

Mawlay Mhammed bn Echchérîf ayant été tué à la date

précitée, toutes ses troupes allèrent grossir l’armée de

1. Texte arabe, IV’ partie, page 16.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Mawlay Errechîd, et lui prêtèrent serment de fidélité. Les

Ahlâf, les Béni Yznâscn, etc., lui jurèrent obéissance. Il

envoya des émissaires chez les ‘Arabs et les Berbers de

cette région, pour les inviter à se soumettre et à s’unir à

lui. Leurs délégations lui apportèrent des présents. Il ins-

crivit sur les registres du Jaysh ceux qui avaient servi la

cause de son frère et leur donna des vêtements, des armes

et des chevaux. Sa situation devint considérable, et sa

puissance grandit.

 

Mais il avait besoin d’argent. Comme il avait emmené

le fils du Juif bn Mech’al le jour du meurtre de son père,

sa mère vint lui demander à le racheter. Il usa d’habileté

et d’atermoiements envers elle jusqu’au jour oit il lui dit

« Je ne délivrerai ton fils que si tu m’indiques où se trou-

vent les biens de ton mari, sinon je le tue. » Cette femme

accéda à sa demande, et il partit avec elle à la qasba, où

elle lui montra une armoire dans une chambre. Il la frac-

tura et y trouva des jarres pleines d’or et d’argent. Il

enleva ces richesses qui amélioraient sa position, et les

distribua aux ‘Arabs, aux Berbers et à toutes les troupes

qui se trouvaient avec lui. Sa situation et la leur deve-

naient meilleures, et il considéra cela comme un heureux

présage.

 

Dès qu’il eut organisé ses troupes, il envoya ses émis-

saires dans toutes les directions, auprès des populations

soumises et des populations révoltées, pour leur faire des

promesses, ou des menaces. Voulant faire la conquête du

Maghrib que son frère avait tentée sans succès, il partit

après eux, et s’installa sur les bords de l’Oued Melouiya,

où il resta quelques jours pour se reposer et attendre la

venue des gens de cette région, comme les gens du Gârét

et du Rif, mais personne ne se rendit auprès de lui.

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ARCHIVES MAROCAINES

Prise de Tâza et de Sijilmâsa, et faits qui se placent entre ces

deux événements l.

 

Mawlay Errechid, après avoir séjourné quelque temps

sur la Melouiya, et voyant que personne ne venait auprès

de lui, marcha sur Tàza. Après une longue lutte, il

réussit à emporter cette place. Les gens de la ville et les

tribus des environs lui prêtèrent serment de fidélité.

Quand la nouvelle leur en parvint, les gens de Fâs se

réunirent à leurs voisins les ‘Arabs Elhayâïna, aux Bhâ-

lil et aux gens de Sefroù ils s’engagèrent par serment à

faire la guerre à Mawlay Errechîd et à s’abstenir de

prendre aucune part à sa bay’a. Ils ne voulaient pas s’expo-

ser à être pillés et tués, comme l’avaient été les Hayâïna

par son frère Mawlay Mhammed. Les chefs de Fâs ordon-

nèrent à la population d’acheter des chevaux et des armes

en grande quantité chaque maison dut avoir son fusil,

et quiconque n’en possédait pas fut puni. On en acheta

donc bien plus qu’il n’en fallait, et on se réunit à Bâb

Elftôuh pour passer en revue les armes et les chevaux,

et on se livra au jeu connu sous le nom de Mîz (tir à la

cible). Une nouvelle réunion eut lieu avec les Hayâïna, et

on y renouvela le serment de faire la guerre à Mawlay

Errechid.

 

Quand il eut connaissance des dispositions des gens de

Fâs, Mawlay Errechîd les laissa de côté, et partit pour

Sijilmâsa. C’était tout à fait raisonnable de sa part de

commencer par le plus facile et de rechercher en premier

lieu les plus simples. Il attaqua Sijilmâsa et l’assiégea

pendant environ neuf mois. A la fin, son neveu, Mawlay

Mhammed Essegir, qui avait pris le pouvoir, à la mort de

son père, prit la fuite et s’échappa pendant la nuit. Moù-

1. Texte arabe, IVe partie, page 16.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

lay Errechîd entra dans la ville et s’en empara il res-

taura ensuite les remparts, organisa le service de garde,

calma la région, et retourna enfin à Tâza, où il s’installa.

Toute échéance suit sa destinée.

 

Siège et prise de Fâs châtiment infligé aux révoltés

Dès que Mawlay Errechid (Dieu lui fasse miséricorde !j,

venant de Sijilmâsa, fut arrivé à Tâza, les gens de Fâs

décidèrent avec leurs alliés les Hayâïna d’aller l’attaquer

où il se trouvait et de le provoquer afin d’abattre sa

puissance. Ils se préparèrent à la guerre et sortirent

de Fâs au mois de chaouàl 1075, mais ils étaient à

peine arrivés en présence de sa mhalla que, la division

étant survenue entre eux, Mawlay Errechîd les pour-

suivit jusqu’au pont de l’Oued Sbou, près de Fâs, et revint

ensuite sur ses pas. Ils sollicitèrent la paix, mais les

négociations n’aboutirent point avant que Mawlay Errechîd

fut devenu maître de tout le Maghrib. Il donnait là une

preuve de son habileté politique et de sa connaissance des

affaires.

 

Au mois de safar 1076, Mawlay Errechid vint camper

sous les murs de Fâs et assiégea la ville. Après un com-

bat de trois jours, une balle l’atteignit au bout de l’oreille,

mais il put se retirer sain et sauf. Au mois de rabî’F1’

suivant, le siège fut repris après avoir tué et pillé, Moû-

lay Errechid, qui n’avait pas encore l’intention de prendre

la ville, se replia sur Tâza. Il se dirigea alors vers le Rif

pour combattre le réïs révolté Abû Muhammad ‘Abdal-

lâh À ‘aras après un certain nombre de combats, il le

cerna dans une de ses citadelles et réussit à s’emparer de

lui en ramadan. Il lui pardonna ensuite et lui laissa la

1. Texle arabe, IV’ partie, page 16.

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ARCHIVAS MAROCAINES

vie sauve. 11 revint ensuite à Fâs et l’assiégea de nouveau,

à la lin du mois (le doulqa’ada. Après un combat (lui dura

jusqu’au 3 doùlheddja, il entrait dans Fâs Al-Jadîd par les

remparts du coté du Mellàh; le chef de la ville, Aboù

‘Abdallah Edclridi, avait pris la fuite.

 

Eddrkli était inscrit sur le Dîouân des Commandeurs Saadiens

avec tous les Beni Drîcl bn Atsbadj, qui étaient des

Hikllis. Il fit partie des troupes du réïs ‘Abdallah Moham-

med Elhâddj Eddilâï, quand celui-ci fut proclamé par la

population de Fâs. Mais dès que souffla un vent contraire

aux gens d’Eddilft dans le Garb, il les avait abandonnés

et s’était déclaré indépendant à Fâs Eljedîd; puis il avait

fait jurer aux habitants de Fâs le vieux de combattre les

Dilâïs, le 3 djoumâda II 107/|. Des liens l’unissaient au

chef de ‘Odouat Elandlous, Ahmad bn Sâlah, qui lui

avait demandé la main de sa fille pour son fils Sâlah ben

Ahmad et à qui il l’avait accordée. Eddridi s’était mis à

cette époque à faire des incursions chez les Berbers du

territoire de Miknâs et du voisinage, et quand il revenait

avec du butin, on le recevait au son du tambour jusqu’à

son entrée dans le palais princier. Il continua ses incur-

sions jusqu’au moment où Mawlay Errechîd s’empara de

Fâs il prit alors la fuite, comme nous l’avons rapporté.

L’auteur du Nozha dit qu’il fut tué.

 

Après avoir calmé la population de Fâs Al-Jadîd, Mawlay

Errechid attaqua dès le lendemain Fâs le vieux et l’assié-

gea. Les habitants ne purent lui résister. Le chef de

lemtis, bn Essegîr et son fils s’enfuirent pendant la

nuit au Bastion de Bâb Elguîsa; le surlendemain, Ahmad

ben Sâlah, chef de Odouat Elandlous, s’enfuit à son tour.

Se sentant trop faibles, et voyant la division régner parmi

eux, les habitants sortirent de la ville et vinrent prêter

serment de fidélité à Mawlay Errechid qu’ils reconnurent

à l’unanimité. Ce Commandeur fit aussitôt rechercher bn Sâlah,

on le trouva dans la banlieue de la ville, il fut pris et

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DYNASTIE ALAOl’IG DU MAROC

 

enfermé dans une prison, à la porte île Dàr lîen (Ihegra à

Fâs Eljedrd. Il fut mis ensuite à mort ainsi qu’un certain

nombre de ses compagnons. Uen Essegir et son lils furent

pris leur tour, et mis à mort sept jours après, sur

l’ordre du Sullan. Ainsi l’es rouira dans l’ordre cl la Iran

quillité.

 

« Moùlav Errechîd, dil l’auteur de Nozha, s’empara de

F es le vieux; il en passa tous les chefs au fil de

l’épée et bientôt le pays, redevenu calme, se soumit à son

autorité. Il était entré à Fâs le vieux dans la matinée de

lundi 1er doùll.iecldja 1076 et se fit prêter serment de fidé-

lité le même jour. La cérémonie terminée, il distribua des

sommes considérables aux oulanià et les combla de pré-

sents. 11 déploya la plus grande bienveillance à l’égard

des habitants de Fâs et montra un vif désir de faire

revivre la sounna en faisant respecter la loi religieuse

cette conduite le plaça bientôt haut dans l’esprit de la

population tout entière, qui lui voua une vive affection. »

Moîilay Errechid nomma Si llamdoùn Elmezouàr qàdi

de Fâs, puis il se rendit dans le Garb, la poursuite

d’Elkhadir Géïlân, qui était en révolte dans la région

d’Elhibt, et se trouvait alors à Qsar Ketama. Errechîd le

poursuivit, mais, Géïlân étant enfin en déroule à Agéïla,

le Sultan rentra à Fâs (premiers jours de rabi’ I’1′ 1077).

La bèï’a fut rédigée à Fâs et lue en sa présence le

samedi 18 rabi’ Ier avant midi.

 

Dans le mois de rabi’ II Moùlav Errechîd fit une expé-

dition dans les environs de Miknâs contre les Berbers

Ait Ouâllàl qui soutenaient Mhammed Elhâddj Edclilâï il

les razzia et revint ensuite à Fâs. A peine était-il de

retour, que Muhammad Elhâddj venait avec de nombreux

Berbers camper près de l’Oued Fâs, à IJoù Mzoùra, dans le

voisinage de la ville. Errechid engagea le combat, qui

dura trois jours et qui se termina par la retraite de

Mhammed Elhâddj il prit ensuite la route de Tâza le

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ARCHIVES MAROCAINES

11 rejeb, et, après avoir inspecté la ville et les environs,

il revint à Fâs dans le mois de chaouâl de la même année.

Il destitua ensuite El’aguîd, gouverneur de Miknâs. Le

second jour de l”aïd elkebir, il fit une expédition contre

les Beni Zerouâl, et s’empara d’Eclichérîf, chef des révol-

tés, qu’il envoya emprisonné à Fâs, où il revint le 2 mo-

harrem 1078. Moiilay Errechîd alla également à Tétouân,

là il fit arrêter AlioùTabbâs Enneqsîs,le chef de la ville, et

un certain nombre de notables de son parti, qu’il ramena

avec lui à Fâs, où il les emprisonna tous, les premiers

jours de rabî’F1′ 1078. Nous dirons plus loin ce qui leur

advint ensuite.

 

Prise de la Zâouyat Eddilà; exil de ses membres à Fâs

événements qui en sont la suite’.

 

Le matin du jeudi 12 doùkja’da 1078, le Commandeur des

Croyants Mawlay Errechîd partit en expédition contre la

Zâouyat Eddilâ, après avoir nommé comme moufti le juris-

consulte Aboù ‘Abdallah Muhammad bn Ahmad Al-Fâsî.

Il rencontra les troupes dilâïes, commandées par Ould

Mhammed Elhâddj, à Botn Erroummân, dans le Fêzzâz. A

la suite du combat qui fut livré, les Dilâïs, défaits, se

retirèrent à la zâouya.

 

Le chéïkh Elyoùsi, dans ses Mo hâdarât, dit ce qui suit

« Le réïs Aboù ‘Abdallah Muhammad Elhâddj Eddilâï

s’était emparé de tout le Garb, où il régna de longues

années, et la fortune lui sourit ainsi qu’à ses enfants, à ses

frères et à ses cousins. Quand le sultan Mawlay Errechîd

ben Echchérif eut attaqué et mis en déroute ses troupes à

Batn Erroummâm, nous nous rendîmes auprès de lui,

car il n’avait pas pu assister au combat à cause de sa débi-

1. Texte arabe, IV’ partie, page 17.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCIT. MAROC.

 

4

 

lité et de son grand ige. Quand ses enfants et ses frères

entrèrent chez lui, il vit leur grande faiblesse et leur

extrême angoisse, et leur dit « Qu’y a-t-il donc? Puis il

ajouta s’il vous dit « II vous suffit » Cela doit vous suffire,

voulant ainsi parler de Dieu. » Elvoùsi ajoute que « ces

paroles étaient merveilleusement appliquées;! l’événement

car elles signifiaient si Dieu vous dit vous avez eu une

part suffisante des biens de ce monde, aljslenez-vous main-

tenant et soyez résignes à sa volonté. »

 

La prise de la Zâouya eut lieu le 8 moharreni 1079.

Généreux et sage, Mawlay Errechid pardonna aux gens de

la Zâouya il ne leur infligea aucune molestation et ne fit

périr personne. Dieu lui fasse miséricorde

 

Suivant l’auteur du IVozha, « après avoir mis en dé-

route les gens d’Eddilà, Mawlay Errechid entra dans la

Zâouya, et ordonna le transfert de Muhammad Elhàddj, de

ses enfants et de ses parents à Eès, où ils demeurèrent

quelque temps. Puis ils reçurent l’ordre de partir pour

Tlemsèn, où ils furent envoyés en exil, et où ils restèrent

longtemps. »

 

On raconte qu’à son arrivé à Tlemsèn, Muhammad

Elhâddj tint le propos suivant « J’avais lu dans les livres

des destinées que j’entrerais un jour à Tlemsèn. J’avais

toujours pensé que j’entrerais en roi vous voyez dans

quel état j’arrive » 11 demeura là jusqu’à sa mort, qui sur-

vint au commencement de l’année 1082. Il fut enterré

auprès du tombeau de l’imâm Essnoùsi.

 

A la mort de Mawlay Errechid, ses enfants et ses

proches obtinrent du sultan victorieux Mawlay Ismft’il

l’autorisation de venir demeurer à Fâs.

 

Mawlay Errechid détruisit la Zàouya, dispersa ses habi-

tants, et effaça toutes traces de constructions, si bien

qu’elle devint comme un champ moissonné et qu’on

n’aurait pas cru habité la veille. Elle avait brillé de l’éclat

du soleil, mais les événements avaient éteint sa lumière.

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ARCHIVES MAROCAINES

Son ombre s’était enfuie. Pendant si longtemps elle avait

reflété l’éclat de la splendeur d’Abû liekr et de ses des-

cendants Pendant si longtemps elle avait été embaumée e

de leur parfum D’elle étaient sortis les nobles écrivains

dont le visage fait dissiper les ténèbres Ceux qui l’habi-

taient eH’açaient les traces des vents: ce sont maintenant les

vents qui effacent leurs traces. Les nuits ont emporté leurs

corps, mais elles maintiennent leur souvenir. Ce trône est

détruit aujourd’hui. Le temps a passé dés que la discorde a

été apaisée, sans que les lances, ni les épées n’aient pu être

reprises et sans que ces grâces incomparables aient pu

être utilisées Qu’il périsse le monde qui n’a pas respecté

leurs droits et n’a pas fait durer leur éclat Les jours

ne préservent pas contre les crimes qu’ils apportent à

peine les a-t-on rejoints ou approchés qu’ils s’enfuient.

C’est ainsi qu’ont été réduits en poussière les monu-

ments de Djoulaq, qu’a été éteint le feu d’Elmouhallaq,

abaissée la puissance du fils de Cheddâd et détruit le

château crénelé de Sindâd. L’heure de tout homme est

avancée ou retardée, et la destinée atteint un beau jour

son ternie.

 

Aussi faut-il admirer celui sur qui s’amoncelèrent leurs

bienfaits, celui qui reconnaît leur générosité et leur bien-

faisance, le Chéïkh de tous les chéïkhs du Maghrib, l’Imâm

dont la science et les oeuvres sont universellement louées,

Aboù Ali Elhasan bn Més’oûd, Elyoûsi (Dieu lui fasse

miséricorde !), qui pleura sur cette Zâouya et se lamenta

sur ses jours passés, dans sa célèbre et longue élégie en Zà

qui commence ainsi

 

« La paupière est-elle donc obligée de répandre des

perles, et si elle s’y reFuse, la cornaline doit-elle se trans-

former en vin ? »

 

Dans cette poésie, le chéïkh Elyoûsi ne prononce pas de

noms par égard pour le Sultan et pour observer les con-

venances. Dieu soit miséricordieux envers le chéïkh

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Elyoûsi Personne mieux que lui ne comprenait les néces-

sités des temps.

 

Conquête de Murrâkush et meurtre de le Commandeur Boû Bkeur Echchebâni

et de ses partisans

 

Quand Mawlay Errechîd (Dieu lui fasse miséricorde !) en

eut fini avec la Zâouya, il marcha, le 21 safar de cette

année-là (1079), sur Murrâkush et s’en empara il tua le

chef de la ville Bon Bkeur bn ‘Abdelkerîm Echchebâni,

ainsi qu’un grand nombre de ses parents. Suivant le

ATo^ha, « en apprenant la nouvelle de la venue de Mawlay

Errechîd, Boû Bkeur Echchebâni et ses partisans avaient

abandonné la ville Leur frayeur avait été telle qu’ils

avaient recherché un asile dans des montagnes inacces-

sibles. Entré à Murrâkush, Mawlay Errechîd fit périr tous

les Chebânât qu’il y trouva, mais il réussit à déloger de

sa retraite cette tribu puissante, et la maîtrisa vigoureu-

sement par la tète et par les pieds. » Il fit enlever de son

tombeau le cadavre d’ ‘Abdelkerîm et le fit brûler.

Après un séjour d’un mois à Murrâkush, le Sultan

retourna à Fâs, où il entra le 27 rabî’II.

 

Dans cette même année, Mawlay Mhammed Essegîr

quitta le Tâfîlêlt avec ses partisans et abandonna le pays.

Elkhadir Géïlân abandonna Aséïla et s’embarqua pour

Alger.

 

A son retour de Fâs, Mawlay Errechîd retira les fonc-

tions de moufti à Abû ‘Abdallâh Al-Fâsî, et destitua

également, le 29 djoumâda II, le qâdi Elmezouâr. Il

remplaça ce dernier par le fqîh Abû ‘Abdallâh Moham-

med bn Elhasan Elmeggâsi, et nomma comme prédica-

1. Texte arabe, IVe partie, page 18.

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ARCHIVES MAROCAINES

teur (le la mosquée d’Elqarouiyin, le fqîh Aboù ‘Abdallah

Muhammad Elboù’inàni.

 

Le 15 rejeb, Mawlay Errechid entreprit une campagne

contre les Châoudiya. Revenu à Fâs le 7 ramadan, il

pardonna aux Dilâïs et les renvoya dans leur pays il fit

exception pour Muhammad Elhaddj et ses enfants, qui

furent exilés à Tlemsên, ou ce personnage mourut. Plus

tard, Mawlay Ismâ’îl, cédant à des interventions en leur

faveur, permit le séjour de Fos à ses fils, comme nous

l’avons déjà rapporté.

 

Le 17 doûlheddja, Mawlay Errechid fit une expédition

contre les Ait ‘Ayyftch, qui sont des Berbers de la bran-

che Senhàdja.

 

La même année, il fit frapper la monnaie Rechîdiya et

prêta pour un an une somme de 1052 mitsqâls aux négo-

ciants de Fâs pour faire du commerce.

 

Ce fut à cette même époque que le roi d’Espagne reçut

Ceuta des Portugais, à la suite d’un traité qui fut conclu

entre eux à Lisbonne. Cette place est restée jusqu’à nos

jours au pouvoir des Espagnols.

 

Construction du pont de l’Oued Sbou, près de Fés

Le samedi 14 doûlqa’da 1079, Mawlay Errechid ordon-

na la construction de quatre arches du pont de l’Oued

Sbou, près de Fâs. On prépara aussitôt les matériaux et on

se mit à creuser les fondations. Le 15 djoumàda II, on com-

mença à construire le pont avec des briques et de la chaux

il fut bientôt terminé, dans les meilleures conditions.

Dans ses Mohâdarât, au cours de l’étude du Hadîts

suivant lequel « le plus vil des noms aux yeux de Dieu

serait celui d’un homme qui s’appellerait le Roi des Rois »,

1. Texte arabe, IV” partie, page 19.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

le chéi’kh Elyoùsi fait la remarque suivante « Un des

qualificatifs les plus fâcheux que j’aie vu employer à noire

époque est celui qui se trouve dans les vers suivants qu’un

auteur » (le qàdi Aboù ‘Abdallah Elmeggâsi) « composa

pour être gravés sur le pont de Sbou, que fit construire le

sultan Mawlay Errechîd bn Echchérîf

 

« Ce passage a été créé par le khalîfa, qui est un roi

véritable et non un roi dans le sens métaphorique. »

« Entraîné par la recherche de la rime, l’exagération

de l’éloge et le fou désir d’être apprécié, cet écrivain

donne à celui qu’il loue le titre roi véritable et non méta-

phorique. Or ce titre ne peut revenir qu’à Dieu seul tout

autre roi que lui, celui qui est loué ici ou un autre, ne

peut être appelé ainsi que par métaphore. »

 

Le lundi 22 rejeb de la même année, Mawlay Errechîd

fit une expédition contre Elabiod, dont il emprisonna les

neveux, qu’il fit mettre à mort en revenant à Tâza. Atteint

d’une grave maladie, et sur le point de succomber, le Sultan

donna l’ordre d’élargir les prisonniers et de répandre des

aumônes alors, grâce à Dieu, il recouvra la santé.

Le 15 doiilqa’da eut lieu le mariage de son frère Moû-

lay Ismâ’ îl les noces furent célébrées à Fâs Al-Jadîd à

Dâr bn Chegra Mawlay Errechid leur donna, suivant

Elyéfréni, un éclat inaccoutumé. La fiancée était une jeune

fille issue des Commandeurs saadiens.

 

En chaouâl. le pont d’Erresîf à Fâs fui reconstruit. Dieu

sait quelle est la vérité

 

Conquête de Târoûdânt, d’Ilîg et de tout le Soûs

Comme nous l’avons vu, Boû Hassoûn Essémlâli était

maître du pays de Sous, qu’il garda jusqu’à sa mort

1. Texte arabe, IV* partie, page t9.

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ARCHIVES MAROCAINES

(1070). Ce Commandeur était clément et répugnait à verser le

sang aussi était-il très aimé..V sa mort, son fils Aboù

‘Abdallah Muhammad bn Boù Hassoùn lui succéda.

En 1081, Mawlay Errechîd (Dieu lui fasse miséricorde ‘.)

fit une expédition dans le pays de Soùs. Il s’empara de

Târoùdàiit le 4 safar. 11 décima les Hestoùka, auxquels il

tua plus de 1.500 hommes il attaqua ensuite les gens du

Sâhel qui perdirent plus de 4.000 hommes enfin, il enleva

la forteresse d’Ilir, résidence de Bou Hassoùn, le lor rabî’ Ior

et tua plus de 200 hommes au pied de la montagne. Par

cette expédition, il se rendit maitre du Soùs.

 

Le 7 rabî’ Ier de la même année, Mawlay Ismâ’îl, qui

était représentant de son père à Fâs, mit à mort 60 cou-

peurs de routes des Oulàd Djània’, qu’il crucifia sur la

muraille du Bordj Al-Jadîd.

 

Dans le mois de djoumâda II, Mawlay Errechîd fit frapper

les flous de cuivre rond, qui remplacèrent la monnaie

carrée appelée Elouchqoubiya. Le Sultan décida qu’il y

aurait dorénavant 24 de ces flous pour une mouzoûna, au

lieu de 48.

 

Rentré à Fâs le 4 rejeb, Mawlay Errechîd fit entre-

prendre, le Ier cha’bân, la construction de la Mdersat

Echcherrâtîn, à Dâr Elbàcha ‘Azzoùz, à Fâs. Il avait déjà

ordonné de construire une grande mdersa à côté de la

mosquée du chéïkh Aboù ‘Abdallah Mhammed bn Sâlah

à Murrâkush.

 

Dieu ne prive pas de récompense celui qui a fait une

bonne œuvre.

 

Constitution du Jaysh des Chrâga leur origine explication

de leur dénomination1. i

 

Au cours des événements relatifs à la dynastie des

1. Texte arabe, IV’ partie, page 20.

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DYNASTIE ALAOLIE DU MAROC

 

Saadiens, nous avons fait remarquer que le nom de Chrûya

était appliqué aux ‘Arabs de la campagne de Tlenisèn et à

ceux qui s’étaient joints à eux, parce qu’ils se trouvaient

à l’est par rapport à l’Exlrènie-Magril). De même pourquoi

les gens de Tlemsén appellent Mâgrbà les gens de l’Ex-

tréme-Maghrib, et que ceux-ci les appellent au contraire

Mchârga. Cependant, dans la langue vulgaire, ce mot

devient Chrâga, par la suppression du techdid du j râ,

et la substitution du J au ,_s.

 

Les Saadiens avaient eu, comme nous l’avons vu, un

corps de troupes composé de ces ‘Arabs. Nous avons dit

qu’à l’avènement du Commandeur des Croyants, Mawlay Erre-

chîcl, les ‘Arabs d’Anjâd et ceux que nous avons déjà indi-

qués étaient venus se placer sous son autorité, ainsi qu’un

grand nombre de tribus de cette région, les unes arabes,

les autres berbères, qui étaient soumises aux Turcs. Comme

tribus arabes, il y avait des Cheja’, des Beni ‘Àniér, et

comme tribus berbères, des Medioùna, des Howâra et des

Beni Snoùs.

 

Mawlay Errechid, qui avait accepté la soumission de ces

tribus, ordonna la construction de la Qasbat Eljeclida à

Fâs, sur l’emplacement des maisons de Lemtoùn et de la

‘Arsat bn Sâlah. Il donna à ses gens et à ses Qâ’îds

1.000 mitsqâls pour l’édification de la muraille, et leur

prescrivit de construire des maisons à l’intérieur de la

qasba. Il fournit également aux Chràga 1.000 dinars pour

la construction de la Qasbat Elkhamis, où ils vinrent

habiter. Ils avaient été installés d’abord dans les envi-

rons de Fâs mais les gens de la ville ayant eu à se

plaindre des dommages qu’ils leur causaient, le Sultan leur

avait ordonné de transporter leur campement sur les ter-

ritoires de Saddina et de Fichtàla, entre le Sbou et le

Ouarga, dont il leur donna en fief les terrains. Il sépara

ceux d’entre eux qui étaient célibataires et leur fit cons-

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ARCHIVES MAROCAINES

tt’uire leurs maisons à part. Il réunit tous ces éléments en

une seule tribu, où l’on ne dislingue plus aujourd’hui les

‘Arabs des Berbers.

 

Le Ix ramadan, Mawlay Errechîd alla en pèlerinage au

tombeau du chéïlch Abû Ya’zzâ; de là il se rendit à

Salé, dont il visita les tombeaux de saints, et revint à Fâs

le 29 ramadan.

 

Dans l’année suivante (1082), au cours du mois de safar,

le Sultan envoya de la cavalerie pour combattre les infi-

dèles à Tanger, et un autre détachement, le 15 djoumâda II,

dans le Sous, sous la conduite de Abû Muhammad

‘Abdallah À ‘aras. Parti ensuite à la chasse à Tafrâtâst, il

apprit là que son neveu Moiïlay Mhammed bn Mham-

med s’était révolté à Murrâkush. 11 revint aussitôt à Fâs, où

il arriva le samedi 11 ramadan il en repartit le même

jour dans l’après-midi arrivé à Fzâza, il rencontra ses

gens qui lui amenaient son neveu prisonnier. Il le dirigea

sur Tâfilêlt et poursuivit sa route vers Murrâkush. Pendant

le mois de doùlqa’da il envoyait à Fâs son Qâ’îd Zéïdân

El’amri pour lui mener des troupes, en vue de les en-

voyer au Soûs mais les gens de ce pays étant venus

faire leur soumission, il n’y avait plus lieu de leur envoyer

une harka. Les troupes avaient déjà dressé leurs tentes sur

les bords de l’Oued Fâs.

 

Les capitales du royaume étaient dès lors entre les

mains de Mawlay Errechîd la dynastie était définitive-

ment établie.

 

Mort du Commandeur des Croyants Mawlay Errechîd

 

(Dieu lui fasse miséricorde !)

 

Le Commandeur des Croyants, Mawlay Errechîd (Dieu lui fasse

miséricorde !), resta à Murrâkush jusqu’à la fête des sacri-

1. Texte arabe, IVe partie, page 20.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

fices de l’année 1082 le second jour de la fête, il était

monté à cheval et fit galoper sa bête. Celle-ci s’emporta

dans le jardin d’Elmserra il ne put la maîtriser et fut atteint

par une branche d’Wahranger à la tète, ou, suivant une autre

version, à l’oreille, et mourut sur le coup. Dieu lui fasse

miséricorde Il fut enterré dans la qasba de Murrâkush

son cadavre fut transporté plus tard à Fâs, sur sa recom-

mandationdernière, dans le tombeau du chéïkh Abûlhasan

‘Ali bn Hirzihim.

 

Il était âgé de 42 ans il était né en 1040.

 

Un poète dit, à l’occasion de cette mort

 

« La branche de cet arbre n’a pas brisé le crâne de notre

imâm par cruauté, ni par méconnaissance des devoirs de

l’amitié

 

« C’est seulement par jalousie de sa taille svelte, car

parmi les arhres aussi il y a des envieux. »

 

Le panégyrique d’un Commandeur ne doit pas être fait dans

une poésie de ce genre le genre élégiaque convient

mieux dans ce cas que le genre léger.

 

Mawlay Errechid avait échangé des lettres avec le

chéïkh de l’époque, l’imâm Aboù ‘Abdallah Mhammed

ben Nâser Edder’î (Dieu soit satisfait de lui !) et dans l’une

d’elles lui avait adressé des menaces. Il mourut après cela

et ce fut le chéïkh qui eut le dernier mot.

 

Mawlay Errechîd a laissé certaines œuvres qui rappel-

lent son souvenir. Ainsi, au cours d’une de ses expédi-

tions, il fit construire dans le Dahra, dans la localité

appelée Echchott, un grand nombre de puits qu’on appelle

A bar Essoidtûn (les puits du Sultan) en souvenir de lui, et

qui servent à approvisionner d’eau la caravane du pèle-

rinage. Cette œuvre sera placée, s’il plaît a Dieu, dans la

balance de ses bonnes actions.

 

Ce Commandeur témoignait une grande affection aux savants

il les honorait, recherchait leur société et se montrait

généreux à leur égard partout où il les rencontrait. On

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ARCHIVAS MAROCAINES

 

raconte, comme fait curieux à cet égard, que le très docte

Abû ‘Abdallah Mhaniined Ehuràbet bn Mhainnied ben

Bot’t Bkeur Eddilâï se trouvait un jour en présence du

Sultan après la destruction de la Zàouya et l’exil de sa

famille a Fâs. Le Sultan, faisant allusion à ce savant, se

mit réciter ce vers d’Aboùttayyib Elmoutanabbi

« Une des ironies de ce monde est qu’un homme libre

voit son ennemi et ne peut pas s’empècher de l’aimer

sincèrement. »

 

Aboù ‘Abdallah Elmràbet comprit l’allusion et lui répon-

dit « Dieu fortifie le Commandeur des Croyants C’est une bonne

fortune pour un homme que d’avoir un adversaire intelli-

gent. » Cette réponse impromptue fut fort goûtée par les

assistants, qui admirèrent sa beauté et la délicatesse de

son auteur.

 

L’auteur du Kitâb Eljéïch raconte le fait suivant qui té-

moigne de la simplicité de Mawlay Errechid quand il se trou-

vait avec des savants. Il avait fait mander un savant de son

temps pour lire un ouvrage avec lui. Ce savant refusa de

revenir et répondit comme I’imâin Mâlék (Dieu soit satis-

fait de lui !j « On vient à la science, elle ne vient pas à

vous. » Mawlay Errechîd se rendit souvent à la maison de ce

savant et étudia sous sa direction. Selon l’auteur du Nachr

Elmalsdni, ce Commandeur assistait aux leçons du chélkh Elyoùsi

à l’Université d’Elqaroùiyîn. Sa vertu était glorieuse et les

souvenirs qu’il a laissés sont considérables, que Dieu ac-

corde sa miséricorde aux hommes généreux qui traitent la

science comme elle le mérite et qui en connaissent le prix.

« On raconte encore que, comme il était d’une grande

libéralité, on venait à lui de tous côtés, et même d’Orient

et d’ailleurs. Un tâléb d’Alger, qui s’était rendu auprès

de ce Commandeur, en fit l’éloge dans le distique suivant

« Le fleuve de l’Euphrate a débordé dans toutes les

« contrées, répandant par tes mains la générosité comme

« une onde douce et pure

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Tout le monde y a puisé, et la misère, impuissante à

« trouver son salut, a dû périr. »

 

« Mawlay Errechîd donna à ce [àléb une gratification

de 2.050 dinars. Il serait impossible, dit Elyéfréni, de

relever tous les actes de générosité de ce Commandeur d’ail-

leurs, les anecdotes à ce sujet sont connues. Sous son

règne, la science fut florissante les savants jouirent (le

grands honneurs et de considération, la paix et l’abondance

régnèrent partout. »

 

Les vivres étaient à très Las prix. On va jusqu’à dire

que le jour où il fut proclamé à Fâs, le moudd de blé valait

le matin 5 onces, tandis que, le soir, il ne valait plus qu’une

demi-once; son règne fut une époque heureuse pour la

population, qui la regretta. Dieu le sait mieux que nous.

Règne du Commandeur des Croyants victorieux par Dieu Abûnnasr

Mawlay Ismâ’îlben Echchérîf (Dieu lui fasse miséricorde!)1. 1.

La nouvelle de la mort de Mawlay Errechid (Dieu lui

fasse miséricorde), qui survint à la date précitée, fut appor-

tée à Méknâsct Az-Zéltoùn, à son frère, qui était sou khalîfa

pour la région du Garb. La population de la ville le

proclama souverain et fut d’accord pour son avènement.

Ensuite les notables, les savants et les cliérifs de Fâs

vinrent lui apporter leur serment de fidélité. Toutes les

villes et les campagnes du Garb lui envoyèrent des dépu-

tations, pour lui apporter leurs présents et leur bay’a, sauf

Murrâkush et la région environnante, qui n’envoyèrent pas

un seul délégué. Le Sultan demeura à Miknâs pour rece-

voir toutes les députations, et en profita pour y régler ses

affaires. Il décida même de s’y fixer d’une façon définitive,

séduit qu’il était par l’eau et le climat de cette ville. C’est

1. Texte arabe, IV’ partie, page 21.

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ARCIIIVES MAROCAINES

du moins ce que rapporte le Bouslân. D’après Abû

‘Abdallah Elyéfréni, dans le Nozha, et suivant le récit à

peu près semblable du Nachr Elmatsâni « la nouvelle de

la mort de Mawlay Errechîd fut apportée à Mawlay Ismâ’îl,

qui était alors lieutenant du Commandeur à Fâs Al-Jadîd, le mardi

soir 15 du mois de doùlheddja 1082. On prêta serment de

fidélité à Mawlay Ismâ’îl et tous les notables et saints per-

sonnages du Maghrib prirent part à cette cérémonie. Per-

sonne ne fit d’opposition à la proclamation du nouveau

souverain, car chacun reconnaissait que Mawlay Ismâ’îl

avait plus de droits et plus de titres que tous ceux qui

auraient pu être ses concurrents. » Le prestige de ce

Commandeur fut augmenté par la présence et l’adhésion à sa bê’Ca

des savants et des chérîfs, arbitres des destinées de l’Em-

pire, comme le chéïkh Abû Muhammad ‘Abd Al-Qâdirben

‘Ali Al-Fâsî, le chélkh Abû ‘Ali Elyoûsi, Abû ‘Abdallah

Muhammad bn ‘Ali Elfilâli, Aboùl’abbâs Ahmad bn Sa’îd

Elmguîldi, Abû ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdelqâder

Al-Fâsî, son frère Abû Zéïd auteur du Nadm EVamal, le

qâdi Boû Medien, et plusieurs autres hauts personnages.

La proclamation eut lieu à deux heures de l’après-midi,

le mercredi 16 doùlheddja précité, qui correspondait au 3

(vieux style). Le Commandeur avait alors 26 ans, car il était né en

avril l’année de la bataille d’Elqâ’a, qui eut lieu, selon des

historiens dignes de foi, en l’année 1056. La cérémonie du

serment terminée, Mawlay Ismâ’ilse mit aussitôt en devoir

d’exercer sa royauté et prit habilement la direction des

affaires politiques.

 

Révolte de Mawlay Abûl’abbâs Ahmad bn Mahrèz bn Echchérîf,

et fin de ce dernier

 

Quand la nouvelle de la mort de Mawlay Errechîd par-

1. Texte arabe, IV partie, page 22.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

vint aux habitants de Sijilmâsa, son neveu, Mawlay

Aboùl’abbas Ahmad bn Mahrèz partit en toute hâte pour

Murrâkush, dans le but de s’emparer du pouvoir et de se

faire proclamer. Des tribus, parmi lesquelles des groupes

de ‘Arabs du Soùs, se joignirent à lui et lui permirent de

s’emparer de cette contrée. Les habitants de Murrâkush

s’attachèrent aux rayons de son soleil c’est pourquoi ils

ne s’étaient pas rendus auprès du Commandeur des Croyants

Mawlay Ismâ’îl. Aussitôt qu’il fut certain des agissements

de bn Mahrèz, il se mit en marche le 29 doùlheddja sur

Murrâkush. Arrivé devant cette ville, les habitants, et avec

eux les tribus des environs, lui offrirent le combat; le

Sultan engagea alors la bataille, fut vainqueur et entra de

vive force dans Murrâkush, le vendredi 7 safar 1083. Il par-

donne aux habitants; quant à bn Mahrèz et à ses parti-

sans, ils s’enfuirent épouvantés. Mawlay Ismâ’îl, à peine

arrivé, fit transporter à Fâs le corps de son frère Mawlay

Errechîd, dans le cercueil où il avait été placé, et le fit en-

terrer dans le mausolée du chéïkh bn Hirzihim, comme

nous l’avons vu. Il revint ensuite à Miknâs, le 29 rabi Ier

1083.

 

Révolte des gens de Fâs, qui tuent le Qâ’îd Zéïdân et proclament

Ben Mahrèz; siège de la ville par le Sultan

 

De retour à Miknâs, le Commandeur des Croyants Ismâ’îl

venait d’entreprendre l’organisation de son empire et de

distribuer la solde aux troupes en vue d’une expédition

dans la région du Sahara, quand il apprit que les gens de

Fâs s’étaient soulevés et avaient tué le Qâ’îd du Jaysh,

Zéïdân bn ‘Obîd El’âmri, dans la nuit du jeudi au ven-

dredi 2 djoumâda Ier. Le Sultan vint aussitôt mettre le

1. Texte arabe, IVe partie, page 22.

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ARCHIVES MAROCAINES

siège devant la ville. Au bout de quelques jours de com-

bat, les gens de Fâs mandèrent à Mawlay Ahmad ben

Mahrèz de venir auprès d’eux, qu’ils le prendraient pour

maître. Celui-ci arriva à Debdou, campa au bord de l’Oued

Melouiya et envoya un courrier pour annoncer sa venue.

Il fut aussitôt acclamé, le jeudi 20 djoumâda II, et, à la

fin du mois, dix cavaliers furent envoyés à sa rencontre à

Tâza. En même temps arrivait à Fâs un courrier de Elkha-

dir Géïlân annonçant qu’il était venu d’Alger par mer et

avait débarqué à Tétouân, où la famille Ennaqsîs, qui était

maîtresse de la ville, avait embrassé son parti. Les avis

furent dès lors partagés, il en résulta de multiples causes

de désordre, et le pays fut considérablement divisé; la

révolution éclata. Un chérîf de la famille de Dâr Elguéï-

toùn, Mawlay Ahmad bn Dris, tua un des fils de Abûr-

rabî’ Slimân Az-Zerhoùni, le révolté dont nous avons parlé

précédemment. Ensuite, un individu du parti d’Az-Zerhoûni

tua à son tour Mawlay Hafîd bn Drîs, frère de ce chérîf;

bref, il se passa des événements que je ne saurais rap-

porter.

 

Mawlay Ismâ’îl, à la nouvelle de l’arrivée de bn Mahrèz,

avait marché sur Tâza avec ses troupes il assiégea pen-

dant des mois son compétiteur, qui s’enfuit jusqu’au Sahara.

Quand il connut sa fuite, Mawlay Ismâ’îl se dirigea sur le

pays d’EIhabt. pour aller combattre Elkhadir Géïlân, qu’il

atteignit et tua le lundi 20 djoumâda Ie1′ 1084- Il revint

ensuite à Fâs Al-Jadîd vers le milieu du mois suivant, et

cerna la ville, sans provoquer au combat. A la fin, les habi-

tants firent leur soumission, ouvrirent la ville et se ren-

dirent auprès du Sultan en lui manifestant leur repentir.

Celui-ci leur pardonna (17 rejeb 1084). Leur révolte avait

duré quatorze mois et huit jours. Le Qâ’îd Abûlbbâs

Ahmad EttlemsAni fut nommé gouverneur de la vieille

ville, et le vizir Aboii Zéïd ‘Abderrahmân Elmenzâri, gou-

verneur de Fâs Al-Jadîd.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAKOC

 

Le Sultan partit pour Miknâs, mais revint bientôt à Fâs,

où ses deux gouverneurs se livraient h toutes sortes d’in-

justices, et avaient terrorisé le pays par le meurtre et les

exactions. Il les destitua et retira également au fqîh Abû

‘Abdallah Elboû’inâni les fonctions de prédicateur d’Elqa-

rouiyîn, qu’il confia au qâdi Abû ‘Abdallah Elmeggâsi

(fin de rejeb).

 

Le Commandeur des Croyants, Mawlay Ismâ’îl, reconstruit Méknâsét

Az-Zéïtoûn et en fait sa capitale 1.

 

Méknâsét Az-Zéïtoûn est une des plus anciennes villes du

Maghrib elle fut construite par les Berbers avant l’Islam.

Dès le début de la dynastie des Moûwahhidin, les Commandeurs

de cette famille avaient assiégé cette ville, mais ils n’avaient

pu s’en emparer qu’au bout de sept ans, vers le milieu du

sixième siècle. Ils détruisirent la ville, puis édifièrent la

nouvelle Miknâs, appelée Tâgrârt, ce qui signifie le cam-

pement. Les Béni Mrîn, après eux, s’intéressèrent à cette

cité et y bâtirent la qasba. Ils y fondèrent également des

mosquées, des mdersas, des zâouyas et des caravansé-

rails. Elle était alors la résidence des vizirs, tandis que Fâs

Al-Jadîd était celle des émirs.

 

Miknâs est unique pour l’excellence de son terroir, la

douceur de son eau, la salubrité de son air; de plus, les

provisions ne s’y gâtent pas. Ibn Elkhatîb en a fait la des-

cription dans plusieurs passages de ses ouvrages, notam-

ment dans les livres intitulés Ennafûda et Elmaqâmât. Il

l’a chantée en vers et en prose, et a cité ces vers d’un de

ses habitants, Ibn ‘Abiloùn

 

« Si Fâs peut s’enorgueillir de ce qu’elle renferme et de

la beauté de son aspect,

 

1. Texte arabe, IV* partie, page 23.

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ARCHIVES MAROCAINES

« Miknâs et sa ceinture la valent bien, car elle possède

les deux choses les meilleures son air et son eau. »

Aussi le Commandeur (les Croyants, Mawlay Ismâ’îl (Dieu lui

fasse miséricorde !) ne voulait pas l’échanger contre une

autre ville, et, dès qu’il eut terminé les affaires de Fâs, il

vint s’y établir et entreprit aussitôt la construction de ses

palais. Il commença par abattre les maisons contiguës à la

qasba et contraignit les propriétaires à en transporter les

décombres et, ayant l’ait élever une muraille sur le côté

ouest de la ville, à bâtir leurs maisons à l’intérieur de

ladite muraille. La partie orientale de la medîna fut égale-

ment détruite, et l’emplacement ainsi obtenu servit à

agrandir l’ancienne qasba et à en dégager les abords. Le

tout fut transformé en une seule qasba. Il construisit la

muraille de la ville, qui fut séparée de la qasba. Il fit tra-

vailler sans interruption, aux constructions, des ouvriers

qu’il fit venir de toutes les villes du Maghrib mais, comme

il trouvait qu’il n’en avait pas encore assez, il obligea les

tribus à lui fournir à tour de rôle, chaque mois, un nombre

déterminé de travailleurs etde mules; les villes quidevaient

fournir également des ouvriers et des artisans spéciaux

envoyèrent de même un nombre déterminé de maçons, de

menuisiers, etc. Mawlay Ismâ’îl fit encore édifier la Grande

Mosquée qui se trouve à l’intérieur de la qasba et qui

avoisine le qasr ennsar, bâti par lui sous le règne de son

frère Mawlay Errechîd (Dieu lui fasse miséricorde !) Il fonda

ensuite Eddâr Elkoubra (grand Palais), qui se trouve près

du mausolée du Chéïkh Elmejdoùb.

 

Il continua à planter et à bâtir à Miknâs pendant plu-

sieurs années; nous rapporterons cela en son lieu et place,

si Dieu le veut.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC.

 

5

 

Arrivée à Murrâkush de Mawlay Ahmad bn Mahrèz, qui prend la

ville le Sultan se met en route pour aller l’y assiéger ».

Pendant que le sultan Mawlay Ismâ’il était à Miknâs, en

l’année 1085, il reçut la nouvelle de la prise de Murrâkush

par son neveu Mawlay Ahmad bn Mahrèz. Il se préparait

alors à se rendre dans le pays anjâd, où il avait appris que

les ‘Arabs de cette région se livraient au hrigandage et

coupaient les routes. Cette nouvelle ne l’empècha point de

marcher contre eux il revint victorieux et fortifié après

avoir surpris les Sgoùna, qu’il pilla, et auxquels il tua un

grand nombre d’hommes. Puis, après avoir terminé ses

préparatifs de guerre contre bn Mahrèz, il partit, à la tête

de ses troupes, par la route de Tâdla. Les deux armées se

rencontrèrent à Bon ‘Aqba, sur l’Oued El’abîd, où le

combat s’engagea. bn Mahrèz fut vaincu et s’enfuit à

Murrâkush; Hida Ettouiri, chef de ses troupes, fut tué. Le

sultan Mawlay Ismâ’il poursuivit son adversaire jusqu’à

Murrâkush, oùill’assiégeaau commencementdel’annéel086.

Là, ayant acquis la certitude de la trahison de certains

personnages de sa mhalla, comme le chéïkh ‘Omar Elbe-

toîii, et son fils, ‘Abdallah À’arâs et ses frères, qui étaient

les généraux de son armée, il les fit étrangler, et envoya

l’ordre d’arrêter et de mettre à mort les gens de leurs

familles qui étaient demeurés à Fâs; leurs maisons et leurs

biens furent confisqués.

 

Au mois de rabî’ II 1087, le siège de Murrâkush durait

encore; le Sultan le resserra davantage et s’approcha, avec

ses troupes, jusque sous les murs de la ville. Une grande

bataille fut livrée et les deux partis perdirent un nombre

d’hommes incalculable. bn Mahrèz, bloqué à l’intérieur

de la ville, dut continuer le combat du haut des murailles.

1. Texte arabe, IV» partie, page 23.

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AUCHIVES MAROCAINES

 

Mais le 2 rabi* II 1088, bn Mahrèz, qui se trouvait dans

l’impossibilité de soutenu* le siège plus longtemps, s’enfuit

de Mori-âkch, accompagné des quelques fidèles que la

guerre lui avait laissés, et le sultan Mawlay Ismà’il entra

de vive force dans la ville, qu’il livra au pillage sept des

principaux chefs furent mis à mort et trente d’entre eux

eurent les yeux brûlés.

 

La révolte était ainsi apaisée et les jours d’épreuves

étaient passés.

 

Formation du « Jaysh » ElUdaya, ses diverses fractions

et leurs origines

 

Ce Jaysh est un des plus importants de cette dynastie

chérifienne (Dieu maintienne ses mérites et étende sur le

pays et sur ses serviteurs sa fortune et sa justice !) Il se

divise en trois relias le reha des Ehl Sons le relia d’El-

mgâfra et celui d’ElUdaya. Le nom cl’Udaya est donné

collectivement à tout le Jaysh.

 

Les Ehl Soùs sont composés des tribus suivantes Ou-

lâd Jerrâr, Oulâd M ta’, Zirarà, Echchehànàt, qui sont

toutes des tribus de ‘Arabs Ma’qil et composaient autre-

fois l’armée de la dynastie saadienne. Les Commandeurs de cette

famille les convoquaient avec leurs campements quand ils

avaient des expéditions à effectuer, suivant une habitude

qu’ils avaient prise à l’époque où ils résidaient encore dans

le Sahara.

 

Ensuite, ils les installèrent dans la plaine d’Azgâr

c’était pour faire pièce aux ‘ArabsDjochém d’Elkhlotet de

Sefiân. Les Klilot avaient été les soutiens des Beni Mrîn

auxquels ils étaient unis par des alliances ils n’avaient

pas voulu reconnaître la dynastie saadienne, et avaient pro-

1. Texte arabe, IV0 partie, page 24.

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DYNASTIE ALA011U DU MAROC

 

fité des périodes de relâchement de son autorité, pour

tâcher de se soustraire à son pouvoir. Pour les contenir

sur leur territoire et les tenir toujours occupés, le sultan

Muhammad Echchéïkh Essa’di, leur avait envoyé ces tri-

bus Ma’aqil, avec lesquelles ils furent toujours en lutte,

ceux-ci triomphant de ceux-là, et réciproquement. Enfin,

Elmansoûr Essa’di porta au Khlot le dernier coup dans

l’affaire bien connue et les raya des registres de ses

troupes. Il transporta alors les Oulàd Mtà° à Zobéïda, près

de Tâdla.

 

Plus tard, quand la dynastie saadienne fut sur le point de

disparaitre, les Chebânât profitèrent de leur parenté col-

latérale avec les fils du sultan Zéldàn pour s’emparer du

pouvoir, et une fraction de cette tribu se déclara indépen-

dante à Murrâkush, connue nous l’avons vu une autre,

commandée par Aboù ‘Abdallah Eddoridi, se révolta à Fâs

Al-Jadîd et prit la ville.

 

Enfin, Mawlay Ismâ’il transporta les Chebànd à Wujda

comme nous allons le dire, et les mélangea avec les Mgà-

fra et les Udaya qui avaient la mème origine qu’eux,

pour en faire un seul Jaysh. Telle fut l’origine des Ehl

Sous.

 

Pour les Mgâfra, nous indiquerons plus loin dans

quelles conditions ils entrèrent en rapports avec Mawlay

Ismâ’îl, et devinrent ses alliés par le sang.

 

Quant aux Udaya, voici comment ce Commandeur les groupa

et les incorpora dans l’armée. Mawlay Ismà’il (Dieu lui

fasse miséricorde !) venait de prendre pour la seconde fois

Murrâkush d’où bn Mahrèz s’était enfui épouvanté. Il chas-

sait quelques jours après dans la plaine appelée Elbahira,

dans les environs de la ville, lorsqu’il remarqua un ‘Arab

qui paissait ses moutons, et qui, avec un couteau [chefra],

coupait des branches de jujubier pour donner leurs feuilles

à manger à son troupeau. « Amenez-moi l’homme au cou-

teau (Boûch-chefra) » dit-il à ses gardes. On s’empressa

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ARCHIVES MAROCAINES

 

d’aller le chercher cet homme, et. on l’amena en présence

du Sultan, qui se mit à l’interroger. Cet homme se déclara

originaire de Ouadi, tribu de la souche des ‘Arabs Ma’qil

du Sahara qui avait quitté le Sud, chassée par la disette.

« Nous sommes venus d’abord dans le Soùs, ajouta-t-il, en

très grand nombre, et là nous nous sommes dispersés

chaque groupe s’est dirigé vers une tribu et s’est installé

chez elle. Nous, nous habitons avec les Chebânât. »

« Comment, lui dit le Sultan, vous êtes mes oncles mater-

nels, vous avez entendu parler de moi et vous n’êtes pas

venus me voir Eh bien, désormais, toi, tu seras mon pro-

tégé Va reconduire tes moutons à ta tente et reviens me

voir à Murrâkush. » II recommanda à quelqu’un de l’intro-

duire auprès de lui quand il se présenterait.

 

Effectivement, quelques jours après, Boûch-chefra venait

voir le Sultan, qui lui fit cadeau d’un vêtement et d’une

monture, et envoya avec lui des cavaliers pour réunir ses

contribules dans toutes les tribus du Hawz.

 

Boûch-chefra groupa tous ceux qu’il put trouver, et les

amena au Sultan, qui les inscrivit dans les Dîouân et leur

donna des vêtements et des chevaux. Peu de temps après

il les envoya avec leurs familles pour résister à Méknâ-

sét Az-Zéïtoûn, résidence royale et siège du khalifat. Un

autre groupe vint ensuite Moîilay Ismâ’îl l’inscrivit éga-

lement dans le Dîouân et, après l’avoir traité avec la plus

grande générosité, lui assigna comme résidence le quar-

tier de Miknâs appelé Erriyâd, dans le voisinage de la

qasba. Il leur donna l’ordre d’y construire leurs maisons,

et gratifia leurs chefs et les principaux d’entre eux des

revenus des zâouyas qui n’ont pas à payer d’impôts comme

les tribus.

 

Un troisième groupe se présenta à son tour, venant du

Sud, il fut inscrit et traité comme ceux qui l’avaient pré-

cédé.

 

Quand Mawlay Ismâ’il déplaça plus tard les Zirâra et les

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DYNASTIE ALAOUIE DU MATtOC

 

Chebânât qui étaient à Fâs Al-Jadîd avec Eddoridi, il les fit

également venir à Miknâs pour rejoindre leurs contri-

bules.

 

Les Udaya d’Erriyâd furent ensuite parlâmes en deux

sections l’une fut envoyée pour tenir garnison à Fâs Elje-

dîd, sous le commandement du Qâ’îd Aboù ‘Abdallah Mo-

hammed bn ‘Atiya Eloùdèyi l’autre fut maintenue à

Miknâs, et placée sous l’auto? ité du Qâ’îd Aboi’ilhasan ‘Ali,

surnommé Boùch-chefra.

 

Ces deux chefs commandèrent tour à tour ces deux sec-

tions finalement, Boùch-chefra demeura à Fâs, et Ben

‘Atiya à Erriyâd.

 

Quant aux ‘Arabs Elkhlc.t, qui s’étaient dispersés dans

les tribus après avoir été décimés par Elmansoùr Essa’di,

et qui étaient devenus à charge aux autres, ils profitèrent

de la décadence de la dynastie saadienne pour se réunir et

revenir à Aziâr, dont ils s’emparèrent. Là, ils se rallerini-

rent, se repeuplèrent et s’enrichirent ils arrivèrent à pos-

séder des armes et des chevaux en grande quantité. Mais

Mawlay Isniâîl (Dieu luifasse miséricorde !) les leur enleva,

comme il fit à toutes les autres tribus du Maghrib, et les

frappa d’impositions. Sous le règne de feu le sultan Moù-

lay Muhammad bn ‘Abdallah, ils reprirent de l’impor-

tance. Ils lui fournissaient des soldats pour ses expé-

ditions, lui payaient les zekût et les ‘achour qui leur

revenaient il en fut ainsi pendant le règne de son fils,

Mawlay Slimân, et celui de son petit-fils, Mawlay ‘Abder-

rahmân bn Hichàm (Dieu lui fasse miséricorde !) De nos

jours, ils comptent parmi les tribus qui payent les contri-

butions, de même que les tribus du Hawz qui sont’ issues

des ‘Arabs Ma’qil.

 

Dieu dirige les affaires de ses serviteurs, ses juge-

ments sont sans appel; ses sentences doivent être exécu-

tées.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

Révolte des Berbers, partisans des Dilâïs qui se réunissent autour

d’un des membres de cette famille, Ahmad bn ‘Abdallah le

Sultan les réduit 1.

 

Pendant que le sultan Mawlay Ismâ’îl (Dieu lui fasse mi-

séricorde!) était encore à Murrâkush, après la fuite de Moù-

lay Ahmad bn Mahrèz, il apprit que les Berbers Scnhaja

s’étaient rassemblés autour de Ahmad bn ‘Abdallah Eil-

dilâï, et venaient attaquer les tribus arabes de leur voisi-

nage depuis le Tâdla jusqu’à Sais. 11 envoya une armée au

Tâdla pour soutenir les habitants de ce pays contre les

Berbers, mais ceux-ci les mirent en déroute, tuèrent

Ikhlef, se livrèrent au pillage et s’emparèrent du Tàdla.

Une seconde armée, composée de 3.000 cavaliers, et com-

mandée par Ikhléf, fut également défaite par les Berbers

qui mirent à mort Ikhléf et pillèrent son campement. Un

troisième corps de troupes eut le sort des deux pre-

miers.

 

Pendant ce temps, le sultan de Murrâkush, qui surveillait

Ben Mahrèz dans le Soùs, apprenait que son frère, Mawlay

Hammâda, s’était révolté dans le Sahâra et faisait la guerre

à un autre agitateur, son frère Mawlay Mahrèz, père de

Mawlay Ahmad du Soûs. Néanmoins, allant au plus pressé,

il vint faire la guerre aux Berbers du Tàdla, dans la

crainte que la plaie faite à la dynastie ne s’étendît. Il

trouva là son frère Mawlay Elharrân, qui venait lui deman-

der son secours contre Ilammâda. Il s’avança contre les

Berbers, les tailla en pièces et fit couper sept cents tètes

de vaincus qu’il envoya portera Fâs par ‘Abdallah bn Ham

doûn Erroùsi. Le Nachr Elmalsâni dit que 3.000 Berhers

furent tués ce jour-là. La ville fut pavoisée et on tira des

salves d’artillerie ce fut un jour de fête. Après la bataille,

1. Texte arabe, IV” partie, page 25.

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DYNASTIE ALAOLIi; DU -MAHOC

 

Mawlay Elharrân avait quitté le camp du Sultan, et s’était

enfui dans la direction du Sahara .Mawlay Ismâ’il retourna

à Miknâs et y arriva vers le milieu de chouwâl J08S.

Peu de jours le qâdi de Fâs, Aboù ‘Abdallah

Ehneggâsi, fut destitué et remplacé par le fqili scrupu-

leux Abû ‘Abdallah Mohannnel Al-’Arbî Bordala. ‘Abdal-

lah Ei-i-onai fut chargé de la perception des taxes et

des contributions, et son père Hamdoùn, des successions

vacantes.

 

Le Sultan ordonna également de mettre à mort les gens

de Tétouân, au nombre de vingt, qui étaient enfermés dans

la prison de Fâs leurs tètes furent tranchées et suspen-

dues aux murs de la ville. Ensuite Mawlay Elharrân, ayant

été ramené du Sahara, chargé de chaînes, fut conduit en

présence de Mawlay Ismâ’îl celui-ci eut pitié et le fit

mettre en liberté il lui donna des cavaliers et lui attribua

des villages du Sahara, afin qu’il pût subvenir à ses besoins,

et le congédia.

 

Reconstruction de la capitale de Méknâsét Az-Zéïtoûn1.

Le sultan Motilay Ismâ’il continua son séjour à Miknâs,

s’occupant de surveiller lui-même la construction de ses

palais; à peine en avait-il terminé un qu’il en commen-

çait un autre. Comme la mosquée de la qasba n’était plus

assez spacieuse, il en fit édifier une nouvelle, la mosquée

verte (Eljâma’ Elakhedar), dont les deux portes ouvraient,

l’une sur la qasba, l’autre sur la ville. Cette qasba fut per-

cée de vingt portes voûtées très larges et très élevées,

surmontées chacune d’une vaste batterie armée de canons

de bronze d’un fort calibre et de mortiers de guerre de

formes effrayantes, tout à fait surprenantes. A l’intérieur,

1. Texte arabe, IV0 partie, page 25.

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ARCHIVES MAROCAINES

il fit établir une immense pièce d’eau, sur laquelle pou

vaient circuler des canots et des embarcations de plai-

sance. Il ordonna également la construction dans la qasba

d’un grenier (heri) à provisions pour le blé et les autres

grains, dont les angles formaient voûte, et qui pouvait

contenir les grains de tous les habitants du Maghrib. Dans

le voisinage, étaient des conduites d’eau très profondes et

recouvertes de voûtes. Tout en haut de la qasba fut bâtie

une grande batterie circulaire, d’où les canons pouvaient

tirer dans toutes les directions.

 

Dans la qasba fut également construite une vaste écu-

rie (istabl) pour ses chevaux et ses mules elle avait une

parasange de longueur et de largeur. Les côtés suppor-

taient le toit, qui était en forme de berceau et reposait sur

des portiques et des arcs immenses, dans chacun desquels

il y avait place pour un cheval. Entre chaque animal il y

avait une largeur de 20 empans. Dans toute l’écurie, on

pouvait attacher, dit-on, 12.000 chevaux. Pour chaque bête,

il y avait un palefrenier musulman qui était servi par un

garçon d’écurie pris parmi les captifs chrétiens. Tout au-

tour de l’écurie, coulait une rigole d’eau recouverte de

maçonnerie, dans laquelle était pratiquée, devant chaque

cheval, une ouverture en forme de réservoir pour lui per-

mettre de boire. Au centre du bâtiment, se trouvaient

des constructions voûtées pour remiser les selles des che-

vaux. Un grand grenier carré et en forme de dôme, cons-

truit avec des portiques et des arcs, était destiné à rece-

voir les armes des cavaliers qui montaient les chevaux la

lumière y pénétrait par des grillages en fer établis sur les

quatre faces du bâtiment chaque grillage pesait plus d’un

quintal. Sur ce grenier était élevé un palais appelé Elman-

soùr, qui atteignait la hauteur d’au moins 100 coudées,

50 en bas et 50 en haut. Il contenait 20 pavillons, dans

chacun desquels était une fenètre munie d’un grillage de

fer d’où l’on avait vue sur la ville tout entière d’une col-

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DYNASTIE ALAOUIi; DU MAHOC

 

line à l’autre. Ces pavillons étaient voûtés en berceau et

couverts en tuiles. Ce palais possédait encore A pavillons

en faisant face et ayant 70 empans dans toutes leurs dimen-

sions les 20 autres étaient de 40 empans seulement. A

côté de cette écurie, était un jardin ayant à peu près la

même étendue, et dans lequel étaient plantés des oliviers

et des arbres fruitiers de toutes sortes: il avait une para-

sange de longueur et 2 milles de largeur. Entre ces palais

construits dans la qasba, s’entrecroisaient des rues lon-

gues et larges, et de grandes portes séparant les quar-

tiers entre eux; de plus, il y avait, de chaque côté, de

grandes places carrées, où le mechouar pouvait se tenir. Il

y avait encore bien d’autres choses, qu’on ne saurait dé-

crire.

 

« Nous avons visité, dit l’auteur iVElbousltin, les ruines

de l’Orient et de l’Occident, dans le pays des Turcs et

celui des Grecs nous n’avons jamais rien vu de pareil, ni

parmi leurs constructions actuelles, ni dans celles de

leur passé. Les constructions réunies des Commandeurs de dynas-

ties islamiques ne pourraient égaler celles qu’a édifiées le

glorieux sultan Mawlay Ismâ’îl ([ans la qasba de Miknâs,

sa capitale. Elles subsistent, malgré le temps, solides

comme des montagnes, sans avoir eu à soull’rir des vents

furieux, des pluies abondantes, de la neige ou des trem-

blements de terre qui détruisent les plus grands bâti-

ments et les temples les plus massifs. » Depuis la mort de

Mawlay Isinâ’îl, les rois, ses fils et ses petits-fils, détrui-

sent ces palais, dans la mesure du possible, et utilisent

encore jusqu’à nos jours les matériaux qu’ils en extraient,

comme le bois, les carreaux de faïence, le marbre, les

briques, les tuiles, les métaux, etc. Ces matériaux ontservi

à construire des mosquées, des mdersas et des casernes

dans toutes les villes du Maroc. En cent ans, on n’a pas

encore démoli la moitié des bâtiments. Quant aux murs

de ces palais, ils sont encore debout, tels d’altières înon-

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ARCHIVES MAROCAINES

tagnes, et Unis les ambassadeurs turcs ou chrétiens qui

errent dans ces ruines s’étonnent de leur grandeur; ils se

refusent n croire que ce soit une œuvre humaine, qu’on ne

pourrait pas évaluer en numéraire.

 

Création du « Jaysh » des ‘Abids d’Elbokhâri; son origine

et explication des noms qui lui furent donnés i.

 

Ce Jaysh est un des plus importants de cette dynastie

fortunée. Les raisons pour lesquelles il fut créé sont expli-

quées en détail dans un cahier du fqîh distingué Abûl-

‘abbâs Ahmad Elyahmédi, qui fut secrétaire et grand-vizir

de la dynastie isma’ilienne. « Lorsque, dit-il, le sultan

Mawlay Isinâ’îl hen Echchérif entra pour la première fois

à Murrâkush dont il venait de s’emparer, il choisit ses sol-

dats parmi les tribus libres, comme nous l’avons vu. Un

jour, le secrétaire Aboii Hafs ‘Omar bn Qâsém Elmor-

râkchi, surnommé Alilîch, vint le trouver. Il appartenait

à une ancienne famille de fonctionnaires, et son père avait

été secrétaire d’Elmansoûr Essa’di et de ses enfants.

Abû Hafs entra au service de Mawlay Ismâ’îl et lui pré-

senta un registre sur lequel figuraient les noms de tous

les esclaves noirs (Wbîds) qui avaient fait partie de l’armée

d’Elmansoûr. Le Sultan lui avant demandé s’il restait

encore quelques-uns de ces nègres, il lui répondit qu’il y

en avait encore beaucoup qui étaient disséminés avec leurs

enfants à Murrâkush, dans les environs, et dans les tribus

du Dîr, et proposa au Sultan de les lui réunir. Mawlay

Ismâ’îl le chargea de celte mission, et écrivit aux gouver-

neurs des tribus pour les inviter à le seconder et à lui

prêter leur appui dans l’œuvre qu’il allait entreprendre.

‘Alîlîch se mit à la recherche des nègres qui se trouvaient

1. Texte arabe, IVe partie, page 26.

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DYNASTIE AI.AOUIE nu MAROC.

 

dans la ville. Il se rendit ensuite dans les tribus du Dîr et

rassembla tous ceux qu’il découvrit. Il partit de là chez

les tribus du Hawz, s’enquil île tous les nègres qui vivaient

chez elles, et finit par ne pas y laisser un seul nègre, ni

un seul hartâni, esclave ou libre. Il remplitsi bien sa mis-

sion qu’en une seule année il avait réuni 3.000 nègres,

mariés ou célibataires. Il les inscrivit sur un registre qu’il

envoya au Sultan à Miknâs. Celui-ci compulsa ce regis-

tre, qui lui plut tellement qu’il écrivit à ‘Alilich d’ache-

ter des négresses pour les célibataires, de payer le prix

des esclaves à leurs maîtres, de les habiller sur le produit

des terres de Murrâkush et de les lui amener à Miknâs.

‘Alîlich se mit activement à cette tache, et acheta toutes

les négresses qu’il put trouver, et réunit toutes les femmes

hartânies qui étaient nécessaires, leur donna des vête-

ments et chargea les tribus de les transporter jusqu’à la

capitale. Elles furent ainsi conduites de tribu en tribu

jusqu’à Miknâs. Le Sultan donna des armes à tous ces

nègres et leur nomma des Qâ’îds, puis il les envoya dans

la localité appelée Elmhalla, près de Mechra’ Erremla,

dans la région de Salé.

 

« Ensuite il ordonna à son secrétaire Aboù ‘Abdallah

Muhammad bn Erayyâchi ElMiknâsi de se rendre dans

les tribus du Garb et des Beni Hsen, et d’en ramener

tous les nègres qu’il y trouverait. Il devait emmener ceux

qui n’avaient pas de maître, et prendre à leur maître ceux

qui étaient esclaves et lui en payer le prix. Ce secrétaire

se mit en route, et parcourut toutes les tribus en s’infor-

mant des nègres.

 

« Le Sultan avait écrit également aux gouverneurs de

toutes les villes, conimeFâs, Miknâs, etc.,de lui acheter les

nègres et les négresses à raison de 10 mitsqnls par homme

et de 10 mitsqûls par femme. Ces ordres furent exécutés,

si bien qu’il n’y eût plus personne qui possédât un nègre

ou une négresse. Les gouverneurs rassemblèrent ainsi

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ARCHIVES MAROCAINES

3.000 autres nègres, que le Sultan envoya, après les avoir

armés et habillés, à Elmhalla, sous le commandement de

leurs Qâ’îds.

 

« lien El’ayyàchi revint à son tour il rapportait un

registre ou étaient inscrits 2.000 ‘Abîds, mariés ou céliba-

taires. Des ordres furent également envoyés au qàïd

Aboùlhasan ‘Ali bn ‘Abdallah Errîfi, gouverneur de la

région d’Elhabt. Il devait acheter à Tétouan des né-

gresses pour les célibataires, les habiller, donner aux

hommes des armes, leur désigner des chefs, et enfin les

envoyer à Elmhalla. Les premiers ‘Abids qui se fixèrent à

cet endroit finirent par être au nombre de 8.000.

« Le Sultan obligea ensuite les tribus de Tâmesna et de

Doùkkâla à lui amener les ‘Abîds du Maklyen qui se trou-

vaient chez elles. Elles ne purent qu’obéir, réunirent tous

les esclaves qui vivaient au milieu d’elles, en achetèrent

d’autres, leur donnèrent des chevaux, des armes et des

vêtements, et les lui envoyèrent. Ces deux provinces four-

nirent chacune 2.000 ‘A bîds. Le Sultan les installa d’abord

à Oujéh ‘Aroùs, près de Miknâs plus tard, il fit cons-

truire la qasba d’Adékhsân, qu’il assigna comme rési-

dence aux ‘Abîds de Doùkkâla; quant aux ‘Abîds de Tà-

mesna, il les établit à la Zâouyat Eddilâ.

 

« Dans l’année 1089, Mawlay Ismâ’îl fit une expédition

dans le Sahâra de Sous, et s’avança par Aqqa, Tâta, Tassint

et Chenguît, jusqu’aux confins du Soudan. Il y reçut les

députations de toutes les tribus arabes Ma’qil de cette

région, du Sàhel et du Sud, Dlim, Barboùch, Elmgàfra,

Ouadi, M ta*, Jerrâr, qui lui apportèrent leur soumission.

A la tète de ces députations se trouvait le chéïkh Bekkàr

Elmgafri, père de la noble dame Khenâtsa, mère du sultan

Mawlay y ‘Abdallah bn Ismâ’îl. Ce chéïkh offrit sa fille au

Sultan elle était belle, instruite et bien élevée. Mawlay

Ismâ’îl l’épousa et en eut des enfants. Il ramena également

de son expédition dans ces régions 2.000 Harratîn avec

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

leurs enfants. Le Sultan, après les avoir habillés et armés à

Morràkch, leur donna des chefs et les envoya à Hlmhalla.

Puis rentra à son tour dans sa capitale de Miknâs.

« L’armée bokharie compta alors 14.000 hommes, dont

‘10.000 à Mechra’ Erremla, et A. 000 à Adékhsan et dans

les pays berhers voisins. Ces ‘Abîds se multiplièrent au

point qu’à la mort de Monlay Ismâ’il, ils étaient au nom-

bre de 150.000, comme nous le verrons plus loin, s’il

plait à Dieu. »

 

Au cours de ce récit, nous avons employé le mot de

flartâni, ^Q^p- qui signifie, dans la langue courante de

Maghrib, affranchi. Cette expression vient de ^M\ js-)\

{Elhorr Eltsâni) l’homme libre de deuxième catégorie, par

opposition à l’homme d’origine libre, qui serait l’homme

libre de première catégorie. Cet affranchi est donc un

Ift y- (horr lsdni): mais ces mots, en raison d’un long

usage, se sont transformés en ^LL^a- (hartâni), par sup-

pression du redoublement du râ.

 

Voici maintenant pourquoi ce corps a reçu le nom de

Jaysh des ‘Abîds d’Elbokhâri.

 

Quand il eut fini de réunir ces esclaves noirs, Mawlay

Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !) avait réussi dans

son projet qui était de les avoir connue soutien, au lieu

de se servir tour à tour d’une tribu pour triompher de

l’autre. Il rendit grâces à Dieu et lui rapporta ce succès.

Puis il convoqua les principaux chefs des ‘Abîds, et ayant

fait apporter un exemplaire du Sahîh d’Elbokhàri, il leur

dit « Vous et moi, nous sommes les esclaves (‘ Abîds) de la

loi traditionnelle du Prophète de Dieu (sur lui soient les

prières et le salut de Dieu!) et de sa loi sainte contenue

toute entière dans co livre. Tout ce qu’elle nous ordonne

nous le ferons, et tout ce qu’elle nous défend, nous nous

en abstiendrons c’est pour elle que nous combattrons, »

Les ‘Abîds lui prêtèrent serment d’observer les prescrip-

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ARCHIVES MAROCAINES

tions du livre ils reçurent l’ordre de conserver précieu-

sement cet exemplaire, de le transporter avec eux quand

ils monteraient à cheval et de le porter en avant dans

leurs guerres, comme l’arche d’alliance des fils d’Israël.

Cet usage est encore suivi de nos jours.

 

Voilà pourquoi on les a appelés les “Abîds d’Elbo-

khâri.

 

Mais, dit l’auteur d’ E Iboustân, il advint des troupes d’El-

bokhâri sous les successeurs de Mawlay Ismâ’il, ce qui

advint des Turcs, avec les successeurs d’Elmo’tasim ben

Errechîd El’abbàsi. Ils finirent par être les maîtres; ils

nommèrent les gouverneurs et répandirent le sang, jus-

qu’au jour ou, les desseins de Dieu à leur sujet s’exécu-

tant, ils se disloquèrent et se dispersèrent de tous côtés. Le

défunt Sultan, Mawlay Muhammad bn ‘Abdallah, les réu-

nira de nouveau, mais, dès qu’ils auront augmenté en

nombre, ils se révolteront contre Mawlay Yazîd, et se

livreront aux mêmes actes que par le passé, ainsi que

vous l’apprendrez bientôt, s’il plaît à Dieu.

 

Expédition du Commandeur des Croyants, Mawlay Ismâ’ il, dans la région

du Cherg; conclusion de la paix entre lui et le gouvernement

turc d’Alger*.

 

Le Commandeur des Croyants, Moîilay Ismâ’îl (Dieu lui fasse

miséricorde !), entreprit ensuite une campagne dans la

région du Cherg. Laissant à sa gauche Tlemsèn, il s’en-

gagea dans la direction du Sud. Il reçut là les députations

des Wrabs Doùi Ment”, Dkhîsa, Hamiyân, Elmhâya, El-

‘omoûr, Oulâd Djerir, Sgoûna, Beni ‘Amer, Elhachém, et

partit avec elles jusqu’à Elqouî’a, à la source de l’Oued

Chélif, appelé aujourd’hui l’Oued Zâ c’étaient les Beni

1. Texte arabe, IV’parUe, p. 28.

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DYNASTIE ALAOLIE DU MAROC

 

‘Amer bn Zog-ba (lui lui avaient conseillé cette expédition.

L’armée turque, qui était sortie d’Alger au grand com-

plet avec ses canons et ses mortiers, vint camper sur la

rive du fleuve en face du Sultan. Dès que la nuit fut tombée,

les Turcs se mirent à tirer avec leurs canons et leurs obu-

siers, dans le but d’eUrayer les ‘Arabs qui accompagnaient

le Sultan. Ce stratagème réussit, car il était à peine mi-

nuit que les Beni ‘Amer s’esquivaient sans bruit de la

Mhella du chérif. Le lendemain matin, il n’y en avait plus

un seul au camp, et les autres ‘Arabs, apprenant leur fuite,

se dispersaient sans combat et laissaient le Sultan seul

avec l’armée qu’il avait amenée avec lui du Mag-rib. Dans

ces conditions, il renonça à faire la guerre aux Turcs et

se disposa à revenir à sa capitale. Les Turcs lui écrivirent

de renoncer à leur pays, et de respecter la frontière éta-

blie par ses ancêtres et par les rois saadiens leurs prédé-

cesseurs, qui jamais n’étaient venus fouler leur territoire.

Ils lui envoyaient en même temps la lettre que leur avait

fait porter son frère Mawlay Mhammed bn Echchérif par

leurs ambassadeurs, comme nous l’avons déjà vu, ainsi

qu’une lettre de son frère Mawlay Errechid établissant une

frontière entre leur territoire et le sien. La paix fut conclue

en prenant l’Oued Tàfna comme frontière des deux pays.

En passant par Wujda, à son retour, le Sultan ordonna de

restaurer la ville et de reconstruire ce qui était démoli.

Puis il revint à Fâs et ensuite à sa capitale de Méknâsét

Az-Zéïtoûn. Ces faits se passèrent en l’année 1089.

Révolte des trois fils de Mawlay Echchérif bn Ali, frères

du Sultan dans le Sahâral.

 

Vers la fin de ramadan 1089, le Sultan, qui était encore à

1. Texte arabe, IV partie, p. 28.

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ARCHIVES MAROCAINES

Miknâs, la nouvelle du soulèvement de ses trois

frères Mawlay Elharràn, ]NIoùlay Ilàcliéni, et Mawlay

Ahmad, lils de Mawlay Eehcliérîf ])en ‘Ali, et de trois de

leurs cousins, autour desquels s’était confédérée la tribu

berbère des Ait ‘Attâ. Le Sultan se mit aussitôt en route

avec son armée et passa par la route de Tâfilôlt. La ren-

contre eut lieu au Jbal Sàgro le 20 doûlhijja. Une grande

bataille fut livrée entre son armée et celle des révoltés qui

étaient presque tous des Ait ‘Attà, et la victoire resta au

Sultan. Cependant, uu grand nombre d’hommes de son

armée périrent, principalement des hommes des combat-

tants de Kès au nombre de ‘i00. Le chef des troupes, Moûsa

ben Yoûsef, mourut aussi. Mais les trois frères furent vain

eus et obligés de s’enfuir jusqu’au Sahara. Comme cette

année là la peste régnait dans toutleMaghrib, le Sultan revint

par la route d’Elfâïja. Arrivée au col d’Elglâoui dans le Dje-

bel Deren, l’armée fut assaillie par une tourmente de neige;

un grand nombre de soldats périrent, les tentes et les

bagages furent perdus, et le reste de l’armée ne parvint

qu’à grand’peiue à passer. Quand ensuite ou campa à la

zâouya du chéïkh Aboùl’adiin Sîdi Rahhâl Elkoûch, les

soldats firent main basse sur les troupeaux, les grains des

habitants, tellement ils étaient tourmentés par la faim.

Les gens du pays ayant porté plainte au Sultan, celui-ci

donna l’ordre de mettre à mort quiconque serait trouvé

hors du camp ce jour-là, environ 300 hommes du Jaysh

furent tués. Le vizir Abû Zéïd ‘Abderrahmân Elman-

r zeri, contre lequel il avait une vengeance à exercer,

fut traîné à la queue d’un cheval jusqu’à Fâs et à

l Miknâs: il ne restait plus, à son arrivée dans cette ville,

i que des débris de son cadavre, qui furent jetés sur un

S fumier. Tous ses serviteurs furent tués à coups de

fusil. l.

 

Arrivé à Miknâs, le Sultan rentre dans son palais, et

s’assit sur son trône de gloire.

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DYNASTIE ALAOL’IE DU MAKOC

 

AltCH. MAROC.

 

6

 

Au mois de moharrem 1090, la peste éclata à Fâs et dans

toute la région environnante. Le Sultan fi poster des ‘Abîtls

sur les chemins près de l’Oued Sbou et dans la plaine de

Sais pour empêcher les gens d’entrer àMiknâs. Ils tuaient

tous ceux qui venaient d’Elqsar et de Fâs. Toutes les

communications furent interrompues et les vivres man-

quèrent.

 

A la fin de l’année, un corps de troupes musulman

attaqua les chrétiens de Tanger, leur tua près de 350 hom-

mes, et leur enleva une qasba à quatre tourelles. Environ

50 musulmans moururent en martyrs Dieu leur fasse mi-

séricorde.

 

Transport des Zirâra et des Chebânât à Wujda: construction

de qasbas sur les frontières

 

Dans cette même année 1090, le Commandeur des Croyants,

Mawlay Ismâ’il (Dieu lui fasse miséricorde !), fit transpor-

ter à Wujda les ‘Arabs Zirâra et Echchebânât, de Kerroùm

Elhâddj, qui étaient dans le Hawz où ils se livraient à toutes

sortes d’injustices et.de méfaits. Ils durent s’établir dans

cette ville, qui est la frontière du Maghrib, et furent inscrits

sur les registres du Jaysh. Le Sultan leur donna pour qâïcl

Aboùlbiqâ ETaj-yàchi bn Az-Zouî’ar Az-Ziràri, qu’il chargea

de harceler les Beni Yznâsén, qui s’étaient soustraits à

l’autorité de la dynastie pour se soumettre à celle des

Turcs. Les Chebânàt et les Zirâra faisaient des incursions

continuelles contre eux et les empêchaient de venir cultiver

leurs terres dans la plaine d’Angàcl. Le Sultan donna l’ordre

de construire, pour lutter contre eux, un fort analogue à

Wujda dans le voisinage de la côte, dans la localité appe-

lée Raqqàda, et enjoignit au qàïd El’ayyâchi d’y établir

1. Texte arabe, IV° parlie, p. 2!).

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ARCHIVES MAROCAINES

500 cavaliers Ziràra, avec mission de ne pas laisser les

Beni Yznàsén venir dans la plaine de Trîf’a, pour leurs

labours ou leurs approvisionnements. Il fit également

bâtir à El’oyoùn, sur les confins de leur territoire, un

autre fort où le même Qâ’îd installa aussi 500 cavaliers de

sa tribu. De même, il en fit construire un troisième à la

limite de leur pays sur la Melouiya, avec une garnison de

500 cavaliers. Ces trois qasbas furent placées sous la sur-

veillance du Qâ’îd El’ayyâchi qui résidait à Wujda avec

1.000 cavaliers. Il y avait donc 2.500 hommes inscrits sur

les registres.

 

Au mois de djoumâda II de l’année 1091 le Sultan quitta

la capitale à la tête de ses troupes, pour aller chez les Beni

Yznâsén qui persistaient dans leur insoumission il gravit t

la montagne occupée par cette tribu, détruisit les campe-

ments, ravagea les cultures, pilla les troupeaux, brûla les

bourgs, tua les combattants et emmena leurs enfants. Il

accorda ensuite à cette tribu Yamân qu’elle avait sollicité,

mais à condition qu’elle lui livrerait ses armes et ses che-

vaux, ce qu’elle fit sans retard, en affirmant malgré elle sa

soumission.

 

De là le Sultan descendit dans la plaine d’Angâd Les

tribus d’Elahlâf et de Sgoûna, qui vinrent auprès de lui,

durent livrer leurs armes et leurs chevaux qui leur furent

enlevés, et les chéïkhs furent invités à réunir tout ce qui

pouvait encore rester dans les campements. Même mesure

fut prise à l’égard des tribus d’Elmhâya et de Hamiyân. Le

Sultan reprit alors la route du Maghrib et, à son passage à

l’Oued Zâ, ordonna de restaurer la qasba de Taourîrt, qui

avait été édifiée par le sultan Yoûsef bn Ya’qoûb ben

‘Abdelhaqq Elmerîni il y établit une garnison de 500 ca-

valiers choisis parmi ses ‘Abids, accompagnés de leurs

femmes et de leurs enfants. A Oued Mesoûn, il fit cons-

truire une autre qasba, dans le voisinage de l’ancienne, et

y mit une garnison de 100 cavaliers ‘Àbîds. A Tâza, il laissa

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

une garnison de 2.500 ‘Abids avec leurs familles ils furent

placés sous le commandement du qàïd Mansoûr ben

Errânii qui avait également la surveillance des qasbas de

Tâza et de Oued Zâ. Toutes les tribus de cette région

reçurent l’indication de la qasba où elles devaient apporter

leur zekât et leur ‘achoûr pour l’entretien des ‘Abîds et la

nourriture de leurs chevaux. Les tribus furent chargées

de la garde de la route, et s’il arrivait quoique ce soit sur r

leur territoire, elles devaient être punies par le Qâ’îd de la

qasba voisine. AElgoùr, le Sultan ordonna la construction

d’un fort où il plaça 100 cavaliers ‘Abîds avec leurs familles.

Enfin, quand il arriva à Fâs, la qasba Elkgamis, dont la

muraille avait été construite par Mawlay Errechîd, reçut

une garnison de 500 cavaliers pris parmi les ‘Arabs et les

Berbers Chrâga, amenés par ce Sultan, dans les conditions

que nous avons rapportées. Puis il fit construire une qasba

à Ehnehdoùma, et une autre à Al-Jadîda, près de Miknâs

ces deux forts reçurent chacun 100 cavaliers ‘Abîds avec

leurs familles et étaient destinés à la garde des routes.

Dans chaque qasba était un fondaq, où les caravanes et les

voyageurs pouvaient passer la nuit.

 

Le 5 cha’bân 1091, le Sultan rentrait victorieux dans sa

capitale.

 

Prise d’Elmehdiya combats contre bn Mahrèz au Sons

événements intermédiaires1. i,

 

Nous avons raconté précédemment comment les Espa-

gnols s’étaient emparé d’Elma’moùra, appelée Elmehdiva,

vers l’année 1020, ainsi que les combats qu’ils avaient eu à

soutenir contre Aboù ‘Abdallah El’ayyâchi et les habitants

de Salé. Cette ville resta au pouvoir des Espagnols jus-

1. Texte arabe, IV. partie, p. 29.

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ARCHIVES MAROCAINES

qu’au jour où elle fut prise par l’armée du sultan Mawlay

Ismâ’îl en 1902. L’auteur de Nozha dit: « Un des princi-

titres de gloire du règne d’Isma’îl, c’est d’avoir dé-

barrassé le Maghrib de la souillure de l’infidélité et d’avoir

mis un terme aux agressions de l’ennemi chrétien. Moù-

lay Ismâ’îl a, en efl’et, conquis un certain nombre de villes

dont la possession entre les mains des chrétiens était une

cause de troubles pour le Maghrib et une source d’inquié-

tude pour les musulmans. Parmi ces villes, il faut citer

Elma’moûra, qui fut prise d’assaut après un assez long

siège, le jeudi 24 rabî’ II de l’année 1092; 300 infidèles

environ furent faits prisonniers dans cette ville. » L’auteur

du Nachr Elmatsâni dit « La conquête d’Elmehdiya eut

lieu de force pendant la prière du vendredi 15 rabi ‘II de

cette année. Suivant une autre version, elle aurait été prise

sans combat; les conduites d’eau ayant été coupées, les

chrétiens qui s’y trouvaient furent faits prisonniers et pas

un seul musulman ne périt. »

 

« Le sultan Ismâ’îl, dit l’auteur d’Elboustdn, apprit

en 1092 que son neveu Mawlay Ahmad bn Malirèz, qui

habitait le Soûs, s’était emparé du pays des Aït Zinéb

et voyait grandir sa puissance. Aussitôt il fit distribuer la

solde et préparer ses troupes qui devaient quitter Fâs pour

marcher contre lui. Son armée était déjà partie le 8 rabi’ Ier

quand on lui annonça que les soldats qui assiégeaient

Elmehdiya n’attendaient plus que son arrivée pour con-

quérir la ville. Il partit aussitôt et put assister à la prise

de cette place. Le commandant des chrétiens et 308 hommes

faits prisonniers reçurent l’amân. Quant au butin, il fut

réservé aux guerriers de la foi du Fahs et du Rif qui cer-

naient la ville sous les ordres du qàïd ‘Omar bn Haddo

Elbottoùi. » Cette expédition terminée, le Sultan rentra à

Miknâs, après avoir laissé à Elmehdiya, pour l’habiter, un

certain nombre de ‘Abîds du Soûs. Plusieurs combattants

volontaires de Salé prirent part à cette conquête parmi

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

eux se trouvait le saint pieux, Abûl’abbàs Sidi Ahmad

Hajji, l’un des saints personnages célèbres de cette ville.

Les fortifications qui existent encore de nos jours à

Elmehdiya ont été bâties par les Portugais à l’époque où

ils s’en emparèrent du temps de la dynastie des Ouattâsis

comme nous l’avons rapporté.

 

Aussitôt après la prise d’Elinehdiya, les guerriers de la

foi se retirèrent: leur chef, Omar bn Haddo, ayant suc-

combé à la peste en route, ce fut son frère, le qàïd Ahmad

ben Haddo qui prit leur commandement, qu’il partagea

avec le qàïd Abûlhasan ‘Ali bn ‘Abdallah Errîfi. La

famille Errîfi est aussi célèbre par son ardeur dans la

guerre sainte, sa bravoure et son habileté dans le combat

que les familles Ennaqsîs et Boû-llîf et autres guerriers

de la foi (Dieu leur fasse à tous miséricorde !)

En 1093, après une expédition dans la région du Cherg,

où il razzia les Beni ‘Amer, le Sultan revint à Mékiiès. Il

fit sortir les Juifs de la capitale et leur fit construire un

quartier spécial en dehors de la ville, à Berrîma. Il fit venir

à Miknâs les Filâla qui étaient à Fâs, et leur assigna comme

résidence l’ancien quartier des Juifs ils s’y installèrent

moyennant loyer, et finirent par le remplir.

 

Bientôt il reçut la nouvelle qu’une armée turque était

venue prendre possession des Beni Yznàsén et de Dâr

Ben Mech’al il apprit également qu’il y avait entente

entre les Turcs et bn Mahrèz, qu’il y avait eu de part et

d’autre envoi de messagers, et que l’accord s’était fait

entre eux pour le combattre. Cette nouvelle lui ayant été

confirmée par son représentant à Murrâkush, il envoya

l’ordre à ce dernier de surveiller la ville avec toute la vigi-

lance possible, et de tenir tête à bn Mahrèz jusqu’à ce

qu’il fut de retour de son expédition contre Tlemsên, Il

partit alors (Dieu lui fasse miséricorde !) pour lutter contre

les Turcs, mais il apprit bientôt que ceux-ci étaient

retournés dans leur pays, à la nouvelle que les chrétiens

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ARCHIVES MAROCAINES

étaient venus attaquer Cherchell ils avaient marché contre

eux et devaient remporter une brillante victoire. Le Sultan

revint donc sur ses pas.

 

En 1094, le moment était venu pour le Sultan de partir

pour Morrâkeh, d’où il se mit en route, après s’ôtre reposé,

pour le Soùs. La rencontre entre lui et son neveu Mawlay

Ahmad bn Mahrèz eut lieu à la fin de rabî’ II. Le combat

qui s’engagea dura environ vingt-cinq jours un nombre

incalculable d’hommes périrent de part et d’autre. Enfin

Ben Mahrèz se retira à Tàroùdânt et s’y fortifia. Les vivres

étaient chers à ce moment-là, et les hommes de la hark,

ne pouvant supporter cette situation, se mirent à déser-

ter. On dut les emprisonner et les battre pour leur faire

rejoindre leurs compagnons sur-le-champ. Un second

combat fut livré environ !>.000 hommes périrent, et le

Sultan, ainsi que bn Mahrèz, furent blessés, vers le

15 djoumâda II. Cette situation se prolongea jusqu’au

mois de ramadan.

 

Aboù ‘Abdallah Akensoùs rapporte qu’il « tient d’une

personne digne de foi que le sultan Mawlay Ismà ‘il était

fatigué de lutter contre son neveu. Il se leva un matin

effrayé et désolé, et raconta à son vizir le fqîh Aboùl’abbâs

Elyahmédi qu’il avait eu la nuit précédente un songe qui

l’avait rempli de tristesse. « Quel est ce songe ? lui dit le

vizir, peut-être est-il heureux ? J’ai vu en rêve, répon-

dit le Sultan, ces armées qui sont en ce moment avec

nous pas un seul homme n’en restait. Il n’y avait plus

que toi et moi, nous étions cachés dans une obscure ca-

verne. » Entendant ces mots, le vizir se jette à genoux,

remercie Dieu et reste longtemps prosterné. Enfin, rele-

vant la tête, il dit « Réjouissez-vous de la bonne nouvelle,

ô Notre Maître, car Dieu nous secourt contre cet homme.

Comment sais-tu cela ? demanda le Sultan. Je le sais

par cette parole de Dieu L’un des deux hommes qui sont

dans la caverne dit à son compagnon Ne sois pas triste

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Dieu est avec nous. Le Prophète a dit: « Que Pensez-

vous de deux personnes dont Dieu est la troisième ? »

« Le Sultan entra aussitôt dans une grande joie et son

chagrin se dissipa bientôt, car il sut que ses songes étaient

l’annonce d’une bonne nouvelle envoyée par Dieu. » A la

suite de cela, en eil’et, la paix fut conclue en ramadan, et

le Sultan se mit en route pour sa capitale, où il fit son

entrée à la fin du mois de doùlqada.

 

Persécutions infligées aux Qâdis et leurs causes1. l,

Le très docte Elqâdiri dit dans Elazhar Ennadiya que

« cette année-là, c’est-à-dire 1094, le Sultan fit arrêter tous

les qâdis, après leur avoir fait subir des mauvais traite-

ments et les avoir convaincus d’ignWahrance. Il les fit empri-

sonner dans le Mechouar de Fâs Eljedîd, pour y apprendre

ce qu’il leur était indispensable pour trancher les aflaires

confiées à leur jugement. Pendant la semaine du Moûloûd

on les fit partir pour Miknâs, où de nouvelles menaces

leur furent adressées, certains d’entre eux furent mis en

prison ou tués, enfin on leur donna la liberté après les avoir

destitués. » Akensoùs pense qu’il doit s’agir des qâdis de

la campagne et de ceux qui leur ressemblent. Je n’ai rien

trouvé à cet égard dans Elazhar peut-être l’exemplaire

original contient-il quelque chose, car il y a deux copies

de cet ouvrage dont l’une est plus courte que l’autre.

Expédition contre les Berbers et construction de qasbas à côté

de leurs forteresses7.

 

Année 1095.

 

Au cours de cette année, le Sultan partit à la tète de

1. Texte arabe, IV» partie, p. 31.

 

2. Texte arabe, IV’ partie, p. 31.

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ARCHIVES MAROCAINES

ses troupes pour les montagnes de Fèzzâzafin de combattre

les Brâbér Senhâdja de cette région. Dès que ceux-ci

connurent la venue du souverain, ils gagnèrent la Melo-

uiya. Le Sultan entra aussitôt sur leur territoire et lit l

construire un fort au pied de leur montagne, à \Aïn

Elloùh. II descendit aussi à Azrou, où il ordonna égale-

ment d’édifier un fort au pied de la montagne et de là,

suivant les traces de ces Berbers jusqu’au Jbal El’ayya-

chi, il resta en observation sur la Melouiya jusqu’à la sai-

son d’hiver, pour donner le temps d’achever les murailles

des deux forts. Quand il décida de s’en retourner, il laissa

au fort d’Azrou 1.000 cavaliers, et 500 au fort de ‘Aïn

Elloùh: ces deux garnisons prirent possession des défilés

de ces tribus, et la plaine de Sâïs fut débarrassée de leurs

brigandages. Privées de leurs terrains de culture, ne

pouvant plus recevoir de provisions, manquant de vivres,

ces tribus durent s’humilier et députèrent à Miknâs des

envoyés qui exprimèrent leur repentir au Sultan. Celui-ci

leur accorda l’amân à la condition qu’ils livreraient leurs

armes et leurs chevaux, et qu’ils ne s’occuperaient doréna-

vant que de leurs terres et de leurs troupeaux. Les Aït

Idrâsén (tel est le nom de ces tribus) acceptèrent humble-

ment ces conditions.

 

De son côté, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) remit

20.000 moutons, qu’ils avaient charge de paitre et de soi-

gner il les exonéra également d’impôts. Leur conduite

s’améliora plus tard, car, tous les ans, ils apportaient la

laine et le beurre de ces moutons au Sultan, qui leur remet-

tait toujours de nouveaux animaux, si bien que leur chiffre

atteignit 60.000. De cette façon, ils perdirent leur force et

furent désormais incapables de nuire.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Conquête de Tanger’. 1.

 

Nous avons déjà vu que Tanger avait été cédé par les

Portugais aux Anglais. En l’année 1095, le sultan Mawlay

Ismâ’il (Dieu lui fasse miséricorde!) confia le commande-

ment des troupes des guerriers de la foi à Abûlhasan ‘Ali

ben ‘Abdallah Errîfi, et l’envoya bloquer Tanger. Cette

armée ne cessa de harceler les chrétiens de la ville, et pro-

longea le siège pendant si longtemps que ceux-ci s’embar-

quèrent sur leurs vaisseaux et s’enfuirent par mer, laissant

la place ruinée de fond en comble. Cet événement eut lieu

au mois de rabi’ Ier de l’année 1095 c’est ainsi que le

raconte le Nozha.

 

L’auteur du Boustdn rapporte que les chrétiens de Tan-

ger, se voyant bloqués pendant aussi longtemps, détrui-

sirent la ville, démolirent les murs et les forts, puis s’em-

barquèrent sur leurs vaisseaux, abandonnant la place. Les

musulmans y entrèrent aussitôt sans coup férir, et, le

lcrdjoumâda Ier, le qûïd des Moujâhidîn, ‘Ali bn ‘Abdallah

Errîfi, entreprit la reconstruction des fortifications et des

mosquées qui avaient été démolies.

 

Il y a encore à Tanger, de nos jours, des descendants de

ce Qâ’îd ils sont souvent appelés à exercer les fonctions

de gouverneurs.

 

Sur ces entrefaites, un corsaire, chargé d’approvision-

nements pour la garnison de Ceuta, vint échouer sur la

côte, près de Tanger. Comme il était chargé de marchan-

dises et de richesses de toutes sorles, les musulmans livrè-

rent combat à l’équipage et s’emparèrent de lout ce qu’il

contenait. Le Sultan imposa à la tribu de Gomâra la corvée

de traîner jusqu’à Miknâs les canons de bronze dont ce

navire était armé, et les fit aider par des combattants de

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 31.

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ARCHIVES MAROCAINES

Fâs, qu’il leur envoya. Cette opération dura quarante jours.

Dieu triomphe toujours

 

Deuxième expédition contre les Berbers et constructions de forts

sur les limites de leur territoire’.

 

Dans l’année 1096, le Sultan partit en expédition pour la

région de la Melouiya et passa par la ville de Sefroù. Les

tribus berbères se réfugièrent sur les sommets de leurs

montagnes; ces tribus étaient les Aït Yoùsi, les AïtChegd-

rouchchen, Eyyoùb, ‘Alâhoum, les Qâdém, Hayyoùn et

Medioûna. Le Sultan fit construire des qasbas, l’une àA’Iil,

sur le cours inférieur de l’Oued Guîgo, l’autre sur l’Oued

Sekkoûra, et la troisième sur l’Oued ïàchouàkt. Quand il

se porta ensuite sur la Melouiya, les tribus s’enfuirent au

Jbal El’ayyâchi et se répandirent dans les ravins de cette

montagne. Il donna aussitôt l’ordre de construire des forts

à Dâr Ettema’, à Tabâboùst, à Qsar Beni M tir, à Aoutât et

à Elqsabi. Le Sultan demeura environ une année sur la

Melouiya, dirigeant des incursions contre les Berbers, pour

achever la construction des murailles de ces forts, dans

chacun desquels il installa une garnison de 400 cavaliers

‘Abîds avec leurs familles. Il reçut bientôt les députations

des Berbers, qui vinrent exprimer leur repentir et annon-

cer leur soumission il leur accorda Yamd’n, à condition

qu’ils livreraient leurs chevaux et leurs armes. Cette remise

assura la pacification de la région orientale du Jbal

Deren. C’est Dieu qui accorde la grâce de son assistance.

1. Texte arabe, IV” partie, p. 32.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Meurtre de Mawlay Ahmad bn Mahréz prise de Târoûdânt

et événements qui s’y rattachent

 

Le sultan Mawlay Ismâ’il (Dieu lui fasse miséricorde !)

était de retour à Miknâs cette année-là (1096), quand il

apprit que son frère, Mawlay Elharràn, et son neveu, Mawlay

Ahmad bn Mahrèz, avaient pris la qasba de Tàroùdânt et

s’étaient rendus maîtres de toute la région. Il se mit en

route aussitôt, à marches forcées, et vint à l’improviste

assiéger Tàroùdânt, où il les bloqua. Or, il arriva qu’un

jour bn Mahrèz, qui était sorti avec un certain nombre de

ses esclaves pour visiter un sanctuaire, fut rencontré par

un parti de Zirâra, soldats du Sultan, qui, ne le connaissant

pas et croyant avoir à faire à un de ses Qâ’îds, l’attaquèrent,

et, après une courte bataille, le tuèrent. Ils ne le recon-

nurent que quand il fut mort. Dès qu’il connut la nouvelle,

le Sultan vint voir le cadavre et le reconnut. Il ordonna

ensuite de célébrer ses funérailles et de l’enterrer avec

Elgarnâti, qui avait été tué ce jour-là. Ahmad bn Mahrèz

mourut donc au milieu de doûlqa’da 1096, après quatorze

années de lutte contre le Sultan. A quelque temps de là,

des gens de Târoûdânt sortirent la nuit de la ville, fouil-

lèrent la tombe de Mawlay Ahmad et celle d’Elgarnàti, pour

rechercher le cadavre du Commandeur, et, quand ils eurent retiré

les deux corps et reconnu celui de Mawlay Ahmad, ils

l’emportèrent dans son cercueil, laissant Elgarnâti sur le

bord de la fosse.

 

Mawlay Elharràn resta assiégé dans Tàroùdânt et la lutte

continua. Au cours d’un combat qui eut lieu en 1097, le

Qâ’îd Zéïtoûn, le bâcha Hamdân et d’autres chefs périrent

avec 600 hommes de leurs troupes. Un second, puis un

troisième combat eurent lieu ensuite, et coûtèrent la vie

1. Texte arabe, IV* partie, p. 32.

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ARCHIVES MAROCAINES

au Qâ’îd Abû Zéïd ‘Abderrahniûn Erroûsi, cj ui fut rem-

placé par le fils d’Elgarnâti. Le siège se prolongeait encore

quand enfin, au cours du mois de djoumâda Ie’1 1098, le

Sultan enleva la ville de vive force et s’en rendit maître

Mawlay Elharrân prit la fuite et se réfugia en lieu sûr.

Dès que la nouvelle de cette victoire fut connue à Fâs,

les habitants choisirent des députés parmi les principaux

personnages, les chérîfs et les ‘ulâma, pour aller porter

au Sultan leurs félicitations, sous la conduite de son fils,

Mawlay Muhammad bn Isinâ’îl. Cette députation fut aima-

blement reçue par le Sultan. Les membres de la famille

Ennaqsis, qui s’étaient réfugiés à Ceuta après le meurtre

d’Elkhadir Géïlân, vinrent aussi se présenter devant le

Sultan au milieu de son armée à Târoûdânt celui-ci les

renvoya à Tétouân, où il les fit mettre à mort, en même

temps que leurs parents qui étaient emprisonnés à Fâs

(Dieu lui fasse miséricorde!).

 

L’année suivante (1099), le Sultan quitta le Soùs et rentra

dans sa capitale de Miknâs, où il prit quelque repos. Il

envoya l’ordre au gouverneur de Fâs de faire partir les

Rifains de cette ville pour Târoûdânt, afin de la peupler,

car il n’y restait plus d’habitants. Le 5 djoumâda Ier, il

invita les savants de Fâs à assister à la fin de la lecture du

Tefsîr, par son qâdi Abû ‘Abdallah Elmeggâsi. Une grande

réception leur fut faite et des cadeaux leur furent distri-

bués.

 

Expédition contre les Berbers de Fêzzâz et construction du fort

d’Adékhsân

 

Dès qu’il eut terminé ses préparatifs d’expédition contre

les habitants du Jbal Fczzâz, le Sultan se mit en route et

franchit la montagne du côté de l’Ouest. Les premières

1. Texte arabe, IV0 partie, page 32.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

tri 1) us desJiràbér qui vinrent lui apporter leur soumission,

furent les Zerninoiïr et les Ueni llkim. Le Sultan confirma

leur chef, Bà Ichcho Elqebli, dans ses fonctions. Celui-ci

leur fit livrer leurs chevaux et leurs armes, et alla même

jusqu’à leur demander de lui remettre leur argent, ce qu’ils

firent. Il vint présenter tout cela au Sultan, qui se trouvait

alors dans la plaine d’Adékhsûn. Le souverain refusa de

l’accepter et lui demanda pour quelle raison il avait ainsi

agi sans avoir reçu d’ordre. « 0 notre Maître, lui répon-

dit-il, si vous voulez sauvegarder leurs intérèts et si vous

leur voulez du bien, je n’ai pas fait autre chose pour vous

et pour eux. Mais si vous vous conduisez autrement à leur

égard, ils vous lasseront et se lasseront eux-mêmes. Pour

moi, je me suis borné à les purifier des biens illicites afin

qu’ils s’occupent dorénavant de posséder les biens licites,

qui enrichissent et améliorent. » Le Sultan goûta ses paroles

et approuva sa conduite.

 

Moùlav Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !) resta à

Adékhsàn une année entière, pour combattre les Ait

Ou’Màlou et bâtir la nouvelle qasba d’Adékhsân sur l’em-

placement de l’ancienne qui était en ruines et qui avait été

construite par l’Emir des musulmans, Yoùséf bn Tâchfin

(Dieu lui fasse miséricorde!) Dans cette qasba, il installa,

dès que l’hiver fut venu, 2.500 cavaliers des ‘Abîds de

Doùkkâla, qui se trouvaient à Oujéh ‘Aroùs et qu’il fit venir

avec leurs familles. A la Zâouyat Eddilâ, il y établit aussi

une garnison de 2.500 cavaliers choisis parmi les ‘Abîds

d’Echchàouiya, qu’il fit aussi venir d’Oujéh Wroîis avec

leurs familles. Ces troupes reçurent pour mission de blo-

quer les Berbers, pour les empêcher de venir cultiver dans

la plaine ou faire paître leurs troupeaux. Le Sultan reprit

ensuite la route de Miknâs.

 

L’auteur du Houstdn, Belqâsém Az-Zayâni, raconte

« Dans ce voyage, le Sultan ramena avec lui à Miknâs mon

grand-père, le fqîh, le docteur, Aboùlhasan ‘Ali bn Bràhîm,

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AI1CH1VES MAROCAINES

 

accompagné de ses enfants. Lorsqu’il était campé à Adé-

khsân, ayant autour de lui tous les chérîfs d’Arko, il leur

demanda de lui indiquer un homme instruit et pieux qui

lui servit d’imam pour ses prières. Ils lui répondirent: « II

n’y a pas d’homme plus dévot que Sîdi ‘Ali hen Brâhîm. »

On lui amena mon grand-père, qui, depuis lors, lui servit

d’imâm pendant l’expédition, fut retenu par lui, quand il

retourna à Mélcnès. » « Voilà, ajoute cet auteur, comment

mon grand-père a quitté Arko pour venir s’établir à la

ville. »

 

Éducation des enfants des Abîds du « Diouân » conditions dans

lesquelles était opérée leur instruction

 

Nous avons déjà vu que le noyau des ‘Abîds d’Elbokhâri

était installé à Elmhalla, près de Mechra’ Erremla là, ils

s’étaient multipliés et étaient devenus excessivement nom-

breux. En ‘1106, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

ordonna à ces ‘Abîds de lui amener leurs enfants, garçons

et filles, au-dessus de dix ans. Les filles furent partagées

entre les divers pavillons de son palais et confiées à une

‘arîfa qui devait les élever et les instruire. Quant aux gar-

çons, ils furent répartis entre les maçons, les menuisiers

et les artisans de tout genre, pour apprendre leurs métiers,

travailler avec eux, conduire les ânes et s’exercer à les

monter. Au bout de la première année, ils étaient employés

à conduire les mulets chargés de briques, de zoulléïj, de

tuiles, de bois, etc. L’année suivante, ils devaient apprendre

à damer et à faire du pisé. La quatrième année, ils étaient

promus à la première classe dans l’armée on leur donnait

des vêtements et on leur confiait des armes, avec lesquelles

ils devaient s’exercer en vue du service militaire, et ap-

1. TexLe arabe, IV» partie, page 33.

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DYNASTIE ALAOUlli DU MAROC

 

prendre à tirei:. La cinquième année, on leur consignait t

des qu’ils devaient monter à cru sans selle et

amener sur le champ de manoeuvres pour s’exercer à

l’équilation. Si, à la fin de cette année-là, ils arrivaient à

être maîtres de leur cheval, on leur donnait des selles afin

d’apprendre l’attaque et la retraite, et d’acquérir de l’adresse

à la joute et au tir à cheval. Au bout d’un an, ils étaient

admis dans l’armée combattante. Le Sultan leur désignait

alors une des jeunes filles venues avec eux, la leur donnait

en mariage, et attribuait à l’homme 10 mitsqàls comme dot

de sa femme, et à la jeune fille 5 mitsqàls pour son trous-

seau. Puis on les plaçait sous le commandement de l’un de

leurs ancêtres, qui recevait le titre de cjâïcl et à qui on

donnait de quoi bâtir sa maison et construire pour ses

hommes les chaumières connues chez nous sous le nom

de noudïl, et on les envoyait résider à Elmhalla, après les

avoir inscrits sur le Dîouân de l’armée.

 

Depuis l’année 1100 jusqu’à la mort du Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde!) qui survint à la date que nous indique-

rons plus loin, ce système d’éducation reste en vigueur.

Chaque année, il venait d’Elmhalla un petit nombre

d’hommes, et le Sultan y en renvoyait un plus grand

nombre.

 

Le nombre de l’armée d’Elbokhâri atteignit le chiffre de

150.000 hommes, dont 70.000 résidaient à Elmhalla; le

reste était réparti entre les diverses forteresses du Maghrib,

où ils avaient été installés pour garder les routes.

Les forts que Mawlay Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséri-

corde !) fit élever dans le Maghrib sont au nombre de 76

ils subsistent encore aujourd’hui dans toutes les contrées,

et chacun les connaît.

 

Ces renseignements sont puisés dans les cahiers du fqîh

Abûrrabl’ Slîmân bn ‘Abd Al-QâdirAz-Zerhoûni, mort à

Târoûdânt en 1138, qui fut secrétaire de Mawlay Errechîd

et de Mawlay Isma’îl et qui possédait le registre de toute

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ARCHIVES MAROCAINES

l’armée, des troupes du groupe principal comme de celles

qui étaient réparties dans les forts du Maghrib.

 

« Et dire, s’écrie l’auteur d’Elbousiân, que les historiens

ont cité comme une chose surprenante les 18.000 esclaves

que le khalife Elmo’tasim bn Errechîd avait fait venir du

pays des Turcs, ou qu’il avait achetés Si ces forteresses

avaient été des bateaux, des navires pour la guerre sainte

et que le Commandeur des Croyants, Mawlay Ismâ’il, ait employé

ce nombre d’esclaves qu’il avait réunis à traverser la mer

pour aller en Andalousie, il en aurait certainement fait la

conquête. La protection vient de Dieu! »

 

Ces paroles sont justes mais l’homme est enserré dans

une règle inflexible, et le cours de toutes choses se trouve

entre les mains de Dieu seul. Aussi celui qui voudrait

entreprendre en son temps une chose différente de celle

que Dieu a décidée pour cette époque serait un ignWahrant

achevé. Un poète a dit

 

« Il n’y a pour bien connaître le désir ardent que celui

qui l’éprouve pour bien connaître l’affection profonde que

celui qui la ressent. »

 

Un autre poète a dit

 

« Ne blàmez pas de ses désirs celui qui désire ardem-

ment, tant que votre cœur n’aura pas pénétré dans le

sien. »

 

Un autre poète a dit encore

 

« Quand le poltron ne se trouve pas tout seul dans un

pays désert, il veut frapper et descendre dans l’arène tout 1

seul. »

 

II y a encore un proverbe courant qui dit

 

« Celui qui est assis sur le bord d’une rivière, sait tou-

jours bien nager. »

 

Les réflexions qui précèdent sont des faits d’observa-

tion, mais si l’on consulte la loi sainte, on y trouve cette

parole de Dieu Très-Haut « Préparez contre eux toutes

les forces que vous pourrez. etc. » En tous cas, ils ne

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DYNASTIi: ALAOUIE DU MAROC

 

1. Texte arabe, VJ partie^ -pîàge.&i.

.1RCF1. HAROC. 1

ARCH. MAROC. j – J

7

 

convient pas à l’homme de négliger la préparation dont il

s’agit, et qui lui est ordonnée par la loi, et de s’en remet-

tre à la destinée dans ce cas, il serait en faute et serait en

contradiction avec le droit sacré et la coutume. Le Pro-

phète (sur lui soient les prières de Dieu et le salut!) n’a-

t-il pas dit à l’Arabe qui laissait sa chamelle en liberté

« Attache-la et aie confiance ? »

 

Le poète a dit aussi

 

« L’homme doit rechercher ce qui doit lui être utile

et il ne dépend pas de lui que les circonstances le favo-

risent. »

 

0 mon Dieu, je te demande de nous préserver des arrêts

du destin, de nous en garantir, de nous protéger contre

eux et de les adoucir: tu es notre maître, tu es notre seul

appui!

 

Conquête d’El’arêïch

 

A la fin du mois de chouwâl de cette année-là (1100), le

Qâ’îd Abûl’abbâs Ahmad bn Haddo Elbottoûi partit avec

une troupe de guerriers de la foi pou;1 aller mettre le

siège devant El’arêïch, que les Espagnols, Dieu les aban-

donne avaient reçue des mains d’Echchéïkh, fils d’El

mansoûr Essa’di, comme nous l’avons vu. Le Qâ’îd Abûl-

‘abbâs vint camper devant cette ville, bloqua les infidèles

qui s’y trouvaient, et les assiégea, suivant le Nozha, pen-

dant près de trois mois et demi. L’historien Manuel dit que

le siège dura cinq mois. Il rapporte aussi que le roi de

Frr.nce, Louis XIV, aida Mawlay Ismâ’îl à conquérir El-

‘arêïch en assiégeant la ville par mer avec cinq frégates

qui empêchèrent pendant longtemps toute communication

avec la place. Elles s’éloignèrent^plus tard et la ville fut

.ü.l.

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ARCHIVES MAHOCAIMiS

 

prise postéi-ieureuioiil. L’auteur du JVozhaiYit que les mu-

sulmans ne s’emparèrent de la place qu’au prix d’énormes

difficultés. Ils creusèrent sous l’cgoùt, ouvrant dans les

murs de la ville à côté du port, des mines qu’ils remplirent

de poudre et qu’ils allumèrent. L’explosion qui s’en suivit

ayant fait tomber un pan de muraille, les musulmans se pré-

cipitèrent par cette brèche et se ruèrent sur les chrétiens

qui garnissaient les remparts. L’n sanglant combat s’enga-

gea alors et les autres chrétiens durent se réfugier dans la

citadelle d’Elqobibàt, construite autrefois par Elmansoùr

Essa’di, où ils soutinrent encore le siège pendant un jour

et une nuit; puis, saisis de terreur, ils demandèrent

l’amân, qui leur fut donné, sur l’ordre du Sultan, par le

Qâ’îd Abûl’abbâs. Tous les chrétiens furent faits prison-

niers leur chef seul fut épargné. La conquête de cette

ville fut terminée le mercredi 18 moharrem 1101. Le Bous-

iân et l’auteur du Djéïch, qui s’appuie sur lui, disent que

les chrétiens d’El’aréïch soutinrent le siège dans la cita-

delle d’Elqobîbàt pendant une année entière c’est une

erreur inadmissible avant la prise de la ville, El’arêïch

renfermait 3.200 chrétiens les musulmans firent 2.000 pri-

sonniers et tuèrent 1.200 hommes. On trouva dans la place

un immense approvisionnement de poudre et d’armes et

environ 180 canons, dont 22 en bronze et le reste en fer.

Parmi ces canons se trouvait celui qu’on appelait Elgassâb,

qui avait 35 pieds de long et dont le boulet pesait A5 livres

la culasse était de telles dimensions que quatre hommes

pouvaient à peine l’embrasser du moins, c’est ce qu’on a

entendu dire à des témoins oculaires qu’on avait interro-

gés sur ce sujet le 1N’ozha le rapporte également. Manuel

prétend que les chrétiens ne se rendirent pas avant d’avoir

stipulé un certain nombre de clauses importantes, que le

Sultan viola ensuite.

 

Le qâdi Belqâsém El’amiri raconte le fait suivant dans

la Fahrasa. Les chrétiens d’El’aréïch ayant prétendu que

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DYNASTIE ALA0L1K DU J1AIIOC

 

la prise de la ville eut lieu pacifiquement. Irauquilloinent

et de vive force, le Sultan, voyant la discussion se prolon-

ger, ordonna au qàdi de Miknâs, Aboù ‘Abdallah Moham-

med Boù Mcdien de trancher cette question. Ce magistrat

rendit une décision très longue, aussi conforme que pos-

sible à la loi mahométane, concluant a la captivité de ces

chrétiens. Cette décision est rapportée tout au long par

El’amîri dans sa Fahrasa, où on peut la trouver.

Sur l’ordre du Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !), ces

chrétiens qui, suivant le Boustân, étaient au nombre de

1800, furent envoyés à Méknasét Ez/.éïtoùn, où ils furent

employés, avec les autres prisonniers et captifs, à la cons-

truction des palais du Sultan. Ils travaillaient pendant le

jour, et la nuit, on les logeait dans les souterrains, qu’on

appelle, dans la langue commune des Maghribins, heri. Le

Sultan fit venir des gens du Rif pour habiter Erarèïch, et

ordonna à leur de leur construire deux mosquées

et un bain, et de bâtir lui-même sa maison dans la qasba.

A l’occasion de la prise d’El’arêïch, le prédicateur élo-

quent, le littérateur de Fâs, le moufti de cette ville, Abû

Muhammad ‘Abdelo.uâhed bn Muhammad Echchérîf El-

bou’inàni récita le poème suivant:

 

(c Allons! réjouissez-vous: celte conquête est brillante,

et, grâce à votre puissance, les affaires sont rétablies.

ce L’oiseau du bonheur a chanté très haut, et nos cœurs

se sont épanouis en apprenant votre victoire.

 

« L’éclat du triomphe nous illumine, et la clarté de la

gloire tourne vers nous.

 

« Tous les bonheurs vous accompagnent l’existence est

douce et la joie ne cesse pas.

 

« Vous avez protégé le drapeau de l’Islam lorsqu’il a

veillé sur les places de guerre avec l’œil de la vérité.

« Vous avez fait la guerre sainte, vous avez combattu

vous êtes pour la religion de Dieu les pleines lunes qui

brillent.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

« Vous avez fait briller vos glaives comme des étoiles

dans une mêlée avec les infidèles.

 

« Aux jours de paix, vous êtes la pleine lune dans toute

sa beauté et, au jour de la mêlée, vous êtes le lion ter-

rible.

 

« Et dans la place d’El’arêïch, votre gloire s’est élevée

au-dessus de Sirius.

 

« Les rois avaient voulu l’achètera des prix très élevés,

ils l’avaient convoitée, mais elle s’était reculée effrayée.

« Mais quand vous êtes venu, elle s’est rendue à vous

en disant « C’est vers vous, j’en jure par Notre Maître,

que j’irai. »

 

« Vous avez, en les civilisant, pris les rênes de sa puis-

sance vous ne devez vos succès ni au blocus ni au pas-

sage du fleuve.

 

« Vous avez vaincu, grâce à de vaillants héros qui, tous,

dans la mêlée, sont audacieux.

 

« Que d’infidèles, le soir, ont eu la tête séparée du tronc

et qui râlaient alors qu’on les traînait.

 

« A combien de gorges nos lances ont servi de collier,

que de pointes de lances se sont plantées dans leurs poi-

trines

 

« Que de captifs, que de morts gisant à terre que de

blessés dont le sang se répandait

 

« Les oiseaux de proie’ passaient et s’en abreuvaient;

pendant toute la nuit, les chacals s’en nourrissaient.

« Le matin, nos troupes étaient grisées et pleines

d’ivresse, sans avoir bu cependant de boissons fermen-

tées.

 

« Réjouissez-vous de cette brillante victoire. Réjouissez-

vous des faveurs accordées par le Dieu clément

« Grâce à ce succès, votre renommée s’est encore élevée,

et votre récompense future sera grande.

 

« Allons troupe d’infidèles, ce Commandeur vous anéantira,

car il ne faillira pas à sa tâche.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Allons, gens de Ceuta le Sultan redoutable va vous

apporter le glaive de Dieu.

 

« S’il vient à Ceuta le soir, le lendemain de bonne heure,

la ville l’appellera à elle.

 

« Wahran l’appelle et répète chaque jour « Quand viendra

l’Imam ? quand s’avancera-t-il » »

 

« Aussitôt qu’il apparaîtra, il conquerra la ville, et tous

les habitants de la cité seront anéantis.

 

« Il les mettra en fuite, il les tuera, il fera des prison-

niers le glaive de la vérité brillera à son poing.

« Allons, ô notre Maître, levez-vous, partez, allez vite

vers l’Andalousie, vous en serez le Commandeur.

 

« Faites la guerre sainte aux chrétiens, combattez-les,

dispersez-les Dieu vous donnera la victoire.

« Rien ne vous arrêtera, grâce à Dieu, ni la terre, ni les

mers, comme on le dit.

 

« Chaque jour, la renommée vous adresse son appel que

tous les coeurs savent comprendre.

 

« C’est à Cordoue que vous acquerrez toute votre gloire

là que vous trouverez la puissance et la royauté suprêmes.

« Avec l’aide de Dieu, cela vous sera facile, et grâce à

la faveur d’en haut dont vous jouissez, l’entreprise sera

peu de chose.

 

« 0 Mawlay Ismâ’il, votre humble serviteur, implWahrant

votre appui,

 

« Vous appelle, vous appelle et fait des vœux que la For-

tune ne dédaignera pas.

 

« 0 Maître des hommes, ô mon Dieu, ô Miséricordieux,

ô le meilleur des protecteurs,

 

« Répands sur ce Commandeur tous les bienfaits, fais que ses

entreprises ne périclitent point.

 

« Perpétue le pouvoir entre ses mains et entre celles de

ses fils, en dépit des Zéïd ou des ‘Omar.

 

« Nous sommes des sujets, nous comptons sur la félicité,

car par le Sultan s’organiseront toutes choses.

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ARCHIVES MAROCAINES

« Sur vous soit le salut de votre humble serviteur,

tant que le monde durera que ce salut parfumé

« Enveloppe Votre Majesté, tant qu’un amoureux par-

lera. Allons réjouissez-vous, car cette victoire est bril-

lante. »

 

Le savant et scrupuleux docteur, l’illustre Abou Moham-

med ‘Abdesselàm bn Hamdoùn Guessoùs a composé aussi

les vers suivants sur le même sujet

 

« Les habitants de Ceuta ont élevé la voix pour se plain-

dre à toi de la terreur qui les assaille.

 

« Avec elle, Bâdès et Brîja demandent pitié et s’éveil-

lent pour que tu prêtes l’oreille à leurs plaintes.

« 0 héritier du Prophète Mohammet Elhâchmi, ô Commandeur

des Croyants, dis-leur « Me voici »

 

« Tu as donné satisfaction à ETai-èi’cli etàTanger; don-

nez à leur tour à ces villes les satisfactions qu’elles es-

pèrent.

 

« C’est une honte pour toi qu’elles soient encore pri-

sonnières à côté de toi, près de tes troupes qui combattent

pour elles.

 

« Si tu ne les venges pas, qui viendra rompre leurs liens ?

« N’écoutez pas les ignWahrants, les obstructeurs, les cher-

cheurs de difficultés qui ne connaissent pas la situation de

ces places.

 

« Les aînés ont payé de leurs personnes et de leurs biens

dans la guerre sainte pour des villes placées dans la même

situation.

 

« Ils les ont reprises, se sont partagé les richesses et les

hommes qu’elles contenaient.

 

« Envoie-leur des braves en toute hâte tu les verras

bientôt installés sur les montagnes voisines.

 

« Secours ces guerriers avec des provisions et des armes,

afin de couper les communications par mer de ces places.

<• Relève la tète de ce Garb car il restera faible tant que

les troupes ennemies fouleront son sol.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Le Maître te maintiendra dans le khalifal pendant de

longues années, où tu pourras encore faire des actions

durables en veillant à l’application de la loi sacrée.

« Accepte le présent de celui qui, pour l’aire une bonne

œuvre, t’apporte un conseil: ne trouve pas trop humble

celui qui te l’exprime. »

 

Le Nachr Elmatsâni rapporte tout au long un poème que

vous pourrez trouver, si vous le désirez, dans cet ouvrage

et dont Fauteur fut le chérîf très cultivé, Aboù Muhammad

‘Abd As-Slâmhen At-Tayib Elqàdiri. En voici le début:

« Le trône de la religion de Dieu s’est élevé au-dessus

de tous les trônes, et la forteresse d’El arëïch a été détruite

avec le-secours de Dieu. »

 

Le 22 rabî’ Ier de cette année, le Sultan interdit le port des

chaussures noires et fit proclamer cette décision dans

toutes les villes du Maghrib. Depuis lors, on dut porter des

chaussures jaunes, parce qu’on prétendait que le port des

chaussures noires avait commencé lors de la prise d’El-

“arêïeh par les Espagnols secondés par Ehnanioùn Es-

sa’di.

 

Dans les premiers jours du mois de doûlheddja, le Sul-

tan fit tuer 68 hommes de la confrérie connue sous le nom

d’Efakâkza.

 

Prise d’Aséïla

 

Quand ils eurent pris El’arèïch, les Moujûhidîn vin-

rent attaquer la ville d’Aséïla. Ils bloquèrent pendant une

année entière les chrétiens qui s’y trouvaient et qui étaient,

je crois, des Espagnols. Ne pouvant supporter le siège

plus longtemps, ceux-ci se décidèrent, à la fin, à demander

Y aman, qui leur fut accordé sur l’assentiment du Sultan.

Mais peu confiants dans cet aman, ils profitèrent de la nuit

1 Texte arabe, lV-parlie, page u<».

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ARCHIVES MAROCAINES

pour s’embarquer sur leurs vaisseaux et s’enfuir vers leur

pays. Les musulmans entrèrent alors dans la ville et en

prirent possession (1102). Les gens du Rif vinrent la peu-

pler, et leur qàïd y construisit deux mosquées, une mdersa,

un bain ainsi que sa propre maison, qu’il fit édifier dans la

qasba. Dieu sait quelle est la vérité

 

Siège de Ceuta1. 1.

 

D’Aséïla, les champions de la foi partirent pour Ceuta.

Ils se présentèrent devant la place pour en faire le siège,

et se mirent à l’attaquer avec la plus grande énergie. Le

Sultan les appuya avec une armée tirée de ses ‘Abîds en

même temps, les tribus du Jbal et les habitants de Fâs

recevaient l’ordre d’envoyer leurs contingents respectifs,

pour venir former un rabat devantCeuta. Le nombre des

morâbet était de 25.000. Le Sultan vint prendre lui-même

le commandement des troupes, qu’il dirigea avec énergie

et ténacité. Le combat ne cessait ni le matin, ni le soir.

Comme la lutte se prolongeait, le Sultan soupçonna les

chefs des assiégeants de manquer de sincérité dans leurs

conseils qu’ils donnaient pour la prise de la place, de peur

qu’aussitôt après il ne les envoyât faire le siège d’Elbrija,

et ne fussent ainsi longtemps tenus éloignés de leur pays

cependant ces Qâ’îds avaient pris l’habitude des voyages

et des difficultés des expéditions. Et la même situation se

continua jusqu’au jour où mourut le Qâ’îd Abûlhasan ‘Ali

ben ‘Abdallâh Errîfi, qui fut remplacé par son fils le Qâ’îd

Aboùl’abbâs Ahmad bn ‘Ali. Et le combat durait toujours

sans que la situation changeât, et les troupes étaient re-

nouvelées chaque année. Pendant ce temps, le Sultan était

occupé à pacifier le Maghrib et à combattre les Bràbér du

1. Texte arabe, IV”. partie, page 37.

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DYNASTIE ALAOUIE DU 11AKOC

 

Jbal Fèzzâz. Dieu ne voulait pas lui accorder la prise de

Ceuta.

 

On peut encore voir, de nos jours, la mosquée que le

Qâ’îd Ahmad bn ‘Ali fit construire près de Ceuta pendant

le siège et sa maison.

 

Elgazzâl, dans sa Rihla, raconte qu’il a vu dans une des

portes de Ceuta un trou très ancien, qui n’avait pas été

réparé. Il en demanda l’explication aux habitants de la place,

qui lui répondirent que c’était un souvenir du siège de

la place par l’armée isma’îlienne un boulet avait percé la

porte et avait pénétré dans la ville. « Nous avons laissé la

chose telle quelle, ajoutèrent-ils, afin que cela serve

d’avertissement à nos successeurs et qu’ils redoublent de

circonspection et de fermeté. » Tel était du moins le sens

de leurs paroles. Dieu Très-Haut sait quelle est la vérité

Expédition du sultan Mawlay Ismâ’îl chez les Brâbér de Fêzzâz

qu’il réduit à l’obéissance;1.

 

Le sultan Mawlay Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !)

employa toute cette période à pacifier le Maghrib en délo-

geant les populations de leurs forteresses, il finit par se

rendre maître de tout le pays, et créa des postes fortifiés

où il installa des garnisons de défense. Il ne lui restait plus

à soumettre dans tout le Maghrib que les cimes du Jbal

Fêzzâz, qui étaient habitées par les Art Ou Màlou, les Aït

Yafelmâl et les Aït Isri. Décidé à marcher contre ces

tribus et à affronter les sommets où elles vivaient, il se

prépara à marcher contre elles et commença par laisser,

pour le représenter à Fâs Eljedîd, l’ainé de ses fils

Mawlay ‘Aboùl’oulà Mahrèz. Il laissa à Miknâs Mawlay

Muhammad surnommé Zéïdàn, qui était le plus brave des

1. Texte arabe, IV° partie, page 37.

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ARCHIVES MAROCAINES

enfants qu’il avait alors, et envoya à Murrâkush un autre de

ses fils, Mawlay Abûlyainn Elmânioùn, en ordonnant au

chef de cette capitale, le frjîh Aboùl’abbâs Ahmad Elyah-

médi, qui était chef des secrétaires, de lui remettre le pou-

voir et de lui faire les recommandations nécessaires. Moû-

lay Elmamoûii, quoique mal disposé pour ce vizir, se

rendit auprès de lui, à contre-cœur, et, pour obéir aux

ordres de son père, reçut de ses mains le pouvoir et écouta

ses conseils..Mais bientôt il revint auprès du Sultan et

lui dit: « 0 notre Maître, Elyahmédi te manque de res-

pect il prétend que c’est lui qui t’a enseigné la reli-

gion. » Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui répon-

dit « S’il a dit cela, il n’a dit que la vérité c’est lui, en

ell’et, qui m’a enseigné ma religion et qui m’a fait con-

naître mon Dieu. » Cette anecdote est rapportée par l’au-

teur du Boustân et par l’auteur du Djéïch, qui prétendent

tous deux l’avoir entendue de la bouche de feu le sultan

Mawlay Sliniàn bn Muhammad (Dieu lui fasse miséri-

corde !) Elle est, en tout cas, toute à la louange de Mawlay

Imnâ ‘il et elle indique qu’il s’inclinait devant la vérité, et

qu’il savait la reconnaître. Dieu leur fasse à tous miséri-

corde

 

Quand commença l’année 1103, le Sultan, bien que tou-

jours décidé à se rendre à Fèzzâz, envoya la solde et des

armes aux gens de Fâs, et leur ordonna de partir pour le

pays des Turcs sous le commandement de son fils Mawlay

Zéïdân. Cette troupe quitta la ville dans le mois de rama-

dan. Après la fête, le Sultan commença ses préparatifs

d’expédition pour Fèzzâz, mais, changeant d’idée, il se mit

en route pour rejoindre Mawlay Zéïdân qu’il atteignit sur

les confins du Maghrib moyen. Après avoir conclu la paix

avec les Turcs, il revint à Miknâs. C’est ainsi que l’auteur

du Boustân relate ces faits. Mais j’ai lu la version sui-

vante dans le Nachr Elmalsâni:

 

Le sultan Mawlay Ismâ’îl choisit pour conclure la paix

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DYNASTIE ALAOUIE DU JIABOC

 

avec les Turcs, après la bataille d’Elmchâré” qui eut lieu

avec eux, vers l’armée 1103, le fqîh Aboù ‘Abdallah Mo-

hammed At-Tayib Al-Fâsî, dont il connaissait la science et

l’habileté, ainsi que la famille à laquelle il appartenait.

Cet envoyé se mit en route pour Alger, accompagné

de JMawlay ‘Abdelmalék, fils du Sultan, du secrétaire

Aboù ‘Abdallah surnommé Elouzir et de plusieurs

autres hauts fonctionnaires de la cour isnia’ilieiuie. Ils

approchaient d’Alger quand le Commandeur de cette ville en

sortait avec ses troupes, répandant partout le meurtre et

le pillage. Le bruit courut bientôt à Fâs que tous ces am-

bassadeurs avaient été tués; la nouvelle arriva le jour

même de la fète de ‘Achoùrà. La tristesse fut si grande

que personne ne put se décidera à faire des dépenses, et les

objets qu’on a l’habitude d’acheter ce jour-là furent laissés

de côté, car chacun était rempli de chagrin. Mais peu de

temps après, on apprit qu’ils arrivaient sains et saufs et

qu’ils se trouvaient déjà à Tàza. La joie se répandit alors

dans la ville, et les gens se mirent à dépenser leur argent

comme au jour de ‘Achoûra.

 

Bâ Ichcho Elqebli. étant mort, le Sultan donna le com-

mandement des Zemmoùr et des Beni Hkimà son fils Aboîi-

lhasan ‘Ali bn Ichcho.

 

Bientôt, on fut en HOi. Le Sultan termina alors ses

préparatifs d’expédition contre les Berbers de Fèzzâz. Il

convoqua les tribus, réunit ses troupes, et, muni de tous

ses canons, mortiers, balistes et autres machines de siège,

il alla d’abord camper avec les ‘Abids dans la plaine d’Adé-

khsân. Après avoir réparti les soldats en divers groupes

qui devaient opérer dans toutes les directions contre les

Brâbér, il donna au bàchâ Msâhél 25.000 fantassins; ce

personnage devait monter de Tâdla à l’Oued ETabid, pour

prendre à revers les Ait Isri. ‘Ali bn Barakàt fut envoyé

avec les Aït Zemmoûr et les Aït Idràsèn pour occuper

Tigâllîn. ‘Ali bn Ichcho devait se tenir à ‘Ain Choù’a

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ARCHIVES MAROCAINES

avec les Zemmoûr et les Beni Hkim. Le Sultan envoya

ensuite aux habitants de Toudga, de Ferkla et de Geris, et

aux Sebbâh, l’ordre de venir avec leurs contingents

rejoindre ‘Ali bn Ichcho. Les artilleurs avaient aussi

l’ordre d’amener à celui-ci les canons, les mortiers et les

autres appareils de guerre, que les chrétiens de El’arèïch

devaient traîner par la route d’A ‘lîl, puis par Qsar Beni

Mtîr, pour faire leur jonction à ‘Aîn Chôu’a avec ‘Ali ben

Ichcho. Le Sultan donna aux chefs des corps de troupe

l’ordre de n’engager l’action qu’après un signal convenu.

« Telle nuit, au moment du ‘ackâ, leur dit-il, les artilleurs

commenceront à tirer le canon et les mortiers à lancer

des boulets et des bombes, et le feu durera toute la nuit

pour effrayer les Berbers. Le lendemain matin, chaque

Qâ’îd partira de l’endroit qui lui a été assigné, et engagera

l’action, de façon qu’au même moment le combat com-

mence de tous les côtés à la fois. » Ces ordres furent fidè-

lement exécutés. Quand le soir désigné fut venu, les Ber-

bers n’entendirent que le fracas des canons et des mortiers

qui éclatait dans les airs, tandis que leur feu perçait les

ténèbres de la nuit. L’écho de la canonnade se répercutait

de montagne en montagne dans toutes les directions.

Saisis d’effroi, ils pensèrent que la terre allait les englou-

tir, ils démontèrent leurs tentes, et chargèrent leurs fa-

milles sur des animaux pour s’enfuir, mais aucune ruse

n’était possible, car aucun chemin ne s’ouvrait devant

eux.

 

Le lendemain, le Sultan quitta son poste pour se porter

au-devant d’eux et les soldats se présentèrent de tous les

côtés. Après une lutte terrible, les Brâbér furent taillés

en pièces et se dispersèrent en déroute dans les ravins et

les vallées à tous les cols, à toutes les trouées, ils trou-

vaient des soldats qui leur barraient le chemin, et des

canons braqués sur eux. C’en fut fait d’eux et le malheur

s’acharna après eux comme il voulut. Les hommes furent

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

tués les femmes et les enfants faits prisonniers les effets

pillés les animaux, les bestiaux enlevés les chevaux et

les armes pris comme butin. Le combat et le pillage durè-

rent trois jours, pendant lesquels les soldats allaient recher-

cher les Brâbér çà et là dans les ravins et les vallées, et

les faire sortir des grottes et des cavernes. Le Sultan donna

l’ordre aux Qâ’îdsMsâhél, ‘Ali bn Ichcho, et ‘Ali bn Bara-

kât de réunir les têtes des morts, ainsi que les chevaux et

les armes, et de venir les lui apporter à Adékhsân. Ils

ramassèrent tout ce qu’ils purent trouver il y avait plus

de 12.000 têtes, plus de 10.000 chevaux et plus de 30.000

fusils.

 

Par cette victoire sur les Berbers, le sultan Mawlay

Ismâ ‘il terminait la conquête du Maghrib. Il l’avait soumis

tout entier, et plus une seule de ses artères ne battait.

Mille cavaliers des Aït Zeminoûr furent inscrits dans le

Dîouân, et formèrent, sous les ordres de ‘Ali bn Ichcho,

la garnison de la forteresse de Tigàllîn qui commandait la

région principale des Ait Ou Mâlou.

 

Le Sultan n’avait laissé à aucune tribu du Maghrib, ni

chevaux, ni armes. Seuls en possédaient les ‘Abîds, les

Udaya, les Aït Zemmoùr et les Rifains qui faisaient la

guerre sainte à Ceuta.

 

« En affaiblissant les tribus musulmanes, dit Abû ‘Ab-

dallâh Akensoûs (Dieu lui fasse miséricorde !), par la con-

fiscation de leurs chevaux et de leurs armes, le sultan

Mawlay Ismâ’îl avait paré au moins considérable des dan-

gers et au moindre des inconvénients, tandis que ce qu’il

faut rechercher avant tout,ce sont les moyens de renforcer

les tribus pour faire face à l’ennemi infidèle, conformé-

ment à la parole de Dieu « Préparez contre eux toutes les

forces que vous pourrez. » Mawlay Ismâ’îl, au contraire,

considéra qu’en organisant cette forte et puissante armée,

il avait rempli ses devoirs envers les musulmans, leur

avait assuré le nécessaire et les avait débarrassés du souci

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ARCHIVES MAROCAINES

de se procurer des chevaux et des armes. Il convient de

remarquer, il est vrai, que, dès que les tribus possèdent

des chevaux et des armes, on voit apparaître un mal plus

considérable elles coupent les routes, se livrent au pil-

lage et cherchent à se soustraire à l’obéissance. » Cet

auteur ajoute « Mes arguments en faveur du Sultan sont

aussi évidents que possible. Ils ont probablement échappé

au chéïkh Elyousi lorsqu’il lui écrivit sa lettre bien con-

nue. »

 

Je dirai à mon tour que la politique du sultan Mawlay

Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !) avait des avantages

très clairs, et chacun sait à quel point de vue elle est plau-

sible. Les gens raisonnables savent bien que les gens de

Fêzzâz et ceux qui leur ressemblent, n’ont pas des che-

vaux et des armes pour faire un jour la guerre sainte le

Sultan n’avait donc pas besoin d’être défendu à cet égard.

Il n’est pas exact, d’autre part, de prétendre que c-at argu-

ment ait échappé au chéïkh Elyoûsi car celui-ci n’a pas

parlé au Sultan de ces tribus et de celles qui leur ressem-

hlent. Il lui a fait envisager seulement trois questions

1° la perception et l’emploi réguliers des impôts 2° l’or-

ganisation de la guerre sainte et l’établissement de com-

battants et d’approvisionnements d’armes dans toutes les

places de guerre 3° l’équité en faveur des opprimés

contre les oppresseurs et la cessation des injustices dont

sont victimes les administrés.

 

Voici le texte de sa lettre

 

« Louange à Dieu.

 

« Les prières et le salut soient sur notre Seigneur Mo-

hammed, sur sa famille et sur tous ses compagnons.

« 0 pôle et centre de la gloire, asile et manteau de

l’honneur, fondement et source de la haute noblesse,

point de départ et siège de la vertu, sultan magnifique,

majestueux et glorieux, Notre Maître Isma’îl, fils de Notre

Maître Echchérîf

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fJYNASTIE AUOD1E DU MAROC

 

« Puissent ses étendards remporter toujours la victoire

et ses jours se passer seulement dans la puissance et la

bonne fortune

 

« Salut, miséricorde et bénédictions de Dieu sur Notre

Seigneur

 

« Ensuite il ne nie reste plus qu’à témoigner mon affec-

tion, mon respect et ma vénération sans bornes pour notre

Seigneur et à lui adresser mes vœux pour sa prospérité

c’est là une bien faible partie de ce que je dois à sa main

toujours ouverte vers moi pour la bienfaisance et la géné-

rosité, à sa vertu, à son énergie, à ses bienfaits et à ses

largesses; c’est encore bien peu en comparaison (le ce

que nous devons tous à sa dignité impériale et à son

rang puissant de descendant de Fâtima.

 

« Je vous écris cette lettre, car il ne m’est plus possible

de garder le silence. Depuis longtemps je vois que Notre

Seigneur recherche les exhortations et les conseils, et

qu’il désire voir s’ouvrir les portes de la prospérité et

du succès. Aussi j’ai voulu écrire à Notre Seigneur une

lettre qui, s’il veut en tenir compte, nie laissera espérer

pour lui les bienfaits de ce bas monde et ceux de l’éter-

nité, et l’élévation aux degrés les plus glorieux et si je

ne suis pas digne d’adresser des exhortations, j’espère

que Notre Seigneur sera digne de les recevoir et s abs-

tiendra de reproches.

 

« Que notre Seigneur sache donc que la terre avec tout

ce qu’elle contient est le royaume de Dieu Très-Haut qui

n’a pas d’associé, et que les créatures sont les esclaves de

Dieu et ses serviteurs. Notre Seigneur est l’un de ces

esclaves, à qui Dieu a donné le pouvoir sur ses esclaves

pour l’éprouver et le faire souffrir. S’il les administre

avec justice, avec miséricorde, avec équité et avec inté-

grité, il est le lieutenant de Dieu sur la terre et l’ombre de

Dieu sur ses esclaves il jouit auprès de Dieu d’un rang

élevé. Mais s’il les gouverne avec tyrannie, avec dureté,

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ARCHIVES MAROCAINES

avec orgueil, avec injustice et avec oppression, il se met

en révolte contre Son Maître dans son royaume, il n’est

qu’un usurpateur insolent et s’expose au plus terrible châ-

timent de la part de Son Maître et à sa colère. Or Notre

Seigneur sait ce qui est réservé à celui qui veut tyranniser

ses sujets sans le consentement du Maître et en faire des

esclaves, et le sort qui l’attend, le jour où il est entre ses

mains.

 

« Je dirai ensuite que sur le Sultan pèsent de nom-

breuses obligations que je ne pourrais pas indiquer entiè-

rement dans cette lettre. J’en citerai seulement trois, qui

sont le principe de toutes les autres La première est de

recueillir les impôts et de les dépenser d’une façon juste.

La seconde est d’organiser la guerre sainte pour faire

triompher la parole de Dieu, et, dans ce but, de munir les

places de guerre de tout ce qui leur est nécessaire en

hommes et en armes. La troisième consiste à faire rendre

justice à l’opprimé contre l’oppresseur, et, dans ce but,

à faire cesser les dénis de justice.

 

« Ces trois obligations restent lettre morte sous le

règne de Notre Seigneur, aussi suis-je obligé de lui signa-

ler cette situation, afin qu’il ne puisse pas s’excuser

ensuite de n’avoir pas été avisé et de n’avoir pas su. S’il

tient compte de cet avis et le met à profit, c’est le salut

pour lui c’est encore la sauvegarde des intérêts du mo-

ment, des intérêts de tous, c’est le bien-être et la pros-

périté. Dans le cas contraire, j’aurai la satisfaction d’avoir

fait mon devoir.

 

« Pour ce qui concerne le premier point, que Notre

Seigneur sache que les impôts qu’il perçoit sur les sujets

sont destinés à faire face aux œuvres utiles qui servent à

consolider la religion et à améliorer les choses de ce

monde. Ils doivent être dépensés pour les chérîfs, les

‘oulamft, les qâdis, les imâms, les guerriers de la foi, les

troupes, les mosquées, les ponts, etc. Ces gens sont

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

AFSCII. MAROC.

 

S

 

comme l’orphelin qui possède des créances et qui ne peut

se les faire payer qu’en prenant un mandataire. Les sujets

sont comme des créanciers, et c’est le Sultan qui est leur

mandataire. Si ce mandataire fait rentrer la créance dans

son intégrité, et s’il la remet aux orphelins en donnant à

chacun la part qui lui revient, il est à l’abri des reproches,

ni le débiteur, ni les orphelins ne peuvent plus rien lui

réclamer, et il aura deux récompenses, pour avoir fait

payer et pour avoir payé. Si, au contraire, il réclame plus

que la dette sans le consentement du débiteur, il commet

une injustice envers lui, et s’il diminue la part qui revient

à l’orphelin, il commet encore une injustice envers lui. De

même s’il se fait payer toutes les créances et qu’il les garde

pour lui sans les remettre aux ayants droit, il commet une

injustice. Que Notre Seigneur procède à un examen les

impositions de son gouvernement ont attiré la peur de l’in-

justice sur tous ses sujets ils ont mangé leur chair, bu

leur sang, rongé leurs os et sucé leur cerveau. Elles n’ont

rien laissé à personne, ni biens de ce monde, ni religion.

Les biens de ce monde, elles les leur ont enlevés la reli-

gion, elles les ont excités à la révolte contre elles. Ce n’est

pas là une opinion, c’est une chose que j’ai vue de mes

propres yeux. Ceux qui ont des droits à faire valoir les ont

perdus sans pouvoir les atteindre. Il faut donc que Notre

Seigneur surveille les collecteurs d’impôts, qu’il les pré-

vienne contre les injustices et qu’il ne se laisse pas égarer

par les tableaux séduisants qu’on peut lui faire de la situa-

tion, car presque tous les gens qui l’entourent ne recher-

chent que les bruits de ce monde, ils ne craignent pas Dieu,

et ne reculent pas devant la flatterie, l’hypocrisie et le

mensonge. L’amitié de Notre Seigneur, le Commandeur des

Croyants, notre Maître ‘Ali lien Aboù Tûléb (Dieu le glo-

rifie !) a dit d’un meilleur qu’eux « La dupe est celui que

« vous aurez dupé. » Notre Seigneur doit donner son at-

tention aux choses vraiment utiles et ouvrir sa main géné-

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ARCHIVES MAROCAINES

reuse aux gens d’élite, c’est-à-dire aux gens qui pratiquent

la vertu et la piété, aux gens de bien, afin de se concilier

leur amitié, leurs éloges et leur appui.

 

« Vos bienfaits vous ont fait gagner trois choses: ma

main, ma langue et mon cœur qui est caché », a dit le

poète.

 

« Les cœurs, en effet, sont remplis de l’afl’ection de ceux

qui sont généreux envers eux, et qui ne les négligent pas,

sans quoi, ils désirent le changement et appellent de tous

leurs vœux un autre règne.

 

« Si, sous un règne, l’homme est privé de deux choses

un peu d’avoir et du bonheur, il désire la fin de ce règne.

« Non pas par haine pour lui, mais plutôt parce qu’il en

veut un autre et qu’il aimerait un changement.

« Que Notre Seigneur sache aussi que si le Sultan prend

les biens du peuple, les distribue aux gens d’élite et les

dépense dans des œuvres d’utilité publique, le peuple lui

sera soumis, il saura qu’il a un vrai Sultan et son cœur se

tranquillisera quand il verra son argent dépensé dans des

œuvres qui lui profitent; sinon, ce sera le contraire et le

Sultan sera exposé aux traits agiles des imprécations des

sujets opprimés, tandis que s’il est généreux envers les

gens d’élite, ceux-ci souhaitent pour lui la prospérité, la

santé et une longue vie. Or les vœux attirent les vœux et

Dieu est le protecteur.

 

« Le second point est aussi gravement compromis.

« Dans les circonstances actuelles, une des premières

nécessités est d’affermir les places de guerre. Or Notre

Seigneur les ayant négligées, elles sont aujourd’hui dans

un état de faiblesse extrême. J’étais moi-même à Tétouân

du temps de Mawlay Errechîd (Dieu lui fasse miséri-

corde Dès que l’on entendait appeler au secours, la

terre tremblait sous les pieds des cavaliers et. des fantas-

sins. J’apprends maintenant qu’un jour on entendit un

appel de ce genre du côté de la mer, et que les habitants

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DYNASTIE ALAOLIE DU MAROC

 

sont aussitôt sortis marchant à pied à grand’peine, sans

autres armes que tles bâtons et des frondes. C’est une véri-

table faiblesse pour la religion, un véritable danger pour

les musulmans. Cette faiblesse à laquelle ils sont réduits

vient de ce qu’ils sont accablés d’impôts et ont à subir les

charges des expéditions et à fournir des armes comme

tous les autres administrés. Notre Seigneur doit examiner

toutes les côtes, depuis Qal’iya jusqu’à Massa, exhorter

leurs habitants à la guerre sainte et à une vigilance conti-

nuelle, et, dans ce but, répandre sur eux ses bienfaits, les

exonérer des charges qui pèsent sur les autres sujets, leur

laisser leurs chevaux et leurs armes, et même leur fournir

tout ce dont ils ont besoin, car ce sont eux qui protègent

les abords du territoire de l’Islam. Il doit choisir, pour le

gouvernement de ces régions, des hommes qui soient

animés de la plus vive ardeur pour la guerre sainte, qui

soient capables de sortir avec habileté des situations dif-

ficiles et qui prennent jalousement la défense de l’Islâm.

Il ne doit pas nommer dans ces pays-là des gens qui ne

cherchent qu’à satisfaire leurs appétits et à passer leur

temps allongés sur des coussins. Dieu est le protecteur

« La troisième question est, elle aussi, inexistante, car

ceux qui, dans les diverses contrées, sont chargés de

rendre la justice, c’est-à-dire les gouverneurs et leurs

subordonnés, ne font que commettre des injustices. Com-

ment pourraient faire cesser l’arbitraire ceux qui s’y livrent

eux-mêmes ? A peine quelqu’un veut-il se plaindre qu’ils

se précipitent à la porte pour le dénoncer et qu’ils le

chargent encore il n’est plus possible à personne de

porter ses doléances.

 

« Que Notre Seigneur craigne Dieu, qu’il craigne les ré-

criminations de l’opprimé, car entre elles et Dieu il n’y

a pas de voile qu’il s’efforce de répandre la justice, car il

est le chef de l’État c’est lui qui est chargé de soutenir les

intérêts de la religion et ceux de ce bas monde.

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ARCIIIVES MAROCAINES

« Dieu a dit « Dieu ordonne la justice et la bienfaisance,

la libéralité envers ses parents il défend la turpitude et

l’iniquité et l’injustice. » II a dit aussi « Dieu assistera

celui qui l’assiste Dieu est fort et puissant. » Il a indiqué

aussi ceux à qui il donne son appui et à quelles condi-

tions « II assistera ceux qui, mis en possession de pays,

observent exactement la prière, font l’aumône, comman-

dent le bien et interdisent le mal. »

 

« Dieu a donc promis aux rois son appui, mais aux quatre

conditions qui précèdent. Aussi quand ils voient leurs

sujets se livrer au désordre, qu’ils deviennent le jouet de

perturbateurs qui ébranlent le gouvernement, ils doivent

savoir que c’est l’inobservation de ces conditions vis-à-

vis de leurs sujets qui en estla cause et ils doivent revenir

à Dieu, examiner les ordres qu’il leur a donnés et tenir

compte des avertissements qu’il leur a envoyés.

« Les sages arabes et étrangers s’accordent à dire que

la tyrannie ne peut assurer la force d’un empire et sa

bonne organisation, mais que la justice, même chez les

infidèles, est la base de sa bonne organisation. On a vu,

en effet, les rois infidèles vivre des centaines d’années

dans un royaume bien administré, où leur parole est

écoutée et à l’abri de toute inquiétude, parce qu’ils fai-

saient rendre la justice parmi leurs sujets et veillaient à la

défense de leurs biens matériels. Comment n’en serait-il

pas ainsi pour un Commandeur qui voudrait défendre à la fois

les biens matériels et les biens spirituels ?

 

« Un sage a dit « Un royaume est une construction

l’armée en est le fondement. Si ce fondement est faible,

la construction s’écroule. Il n’y a pas de Sultan sans

armée, pas d’armée sans argent, pas d’argent sans impôt,

pas d’impôt sans prospérité, pas de prospérité sans jus-

tice la justice est donc la base de tout. » Le philosophe

Aristote fit pour le roi Alexandre une figure géométrique

circulaire sur laquelle il écrivit ceci « Le monde est un

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DYNASTIE ALAOUli; DU JlAIiOC

 

jardin dont le gouvernement est la haie, le gouvernement

est un Sullan (|iie soutient la loi la loi est, une hase admi-

nistrative que manœuvre le roi le roi est un berger (|ue

soutient l’armée; l’armée est un auxiliaire qu’assure l’ar-

gent l’argent est un bien que réunissent les sujets; les

sujets sont des esclaves que la justice conduit; la justice

est une synthèse qui régit le monde le monde est un

jardin, etc. »

 

« Le Prophète (sur lui soient les prières de Dieu et le

saluti a dit « Vous êtes tous des bergers et chaque berger

doit rendre compte de son troupeau. » « II y a des hommes

qui gaspillent injustement le bien de Dieu leur châtiment

le jour de la résurrection sera l’enter, » « Pas un seul l’onc-

tionnaire ne viendra le jour de la résurrection sans avoir

les mains liées: la justice le délivrera; l’injustice le fera

périr. »

 

« Notre Maître ‘Ali foen Abû Tâléb (Dieu soit satisfait de

lui !) a dit « J’ai vu, à Elabtah, ‘Omar monté à chameau

sur un bât je lui ai dit: « Où vas-tu ? ô Commandeur des

Croyants – Un des chameaux destinés aux aumônes, nie

répondit-il, a disparu je le recherche. Tu veux donc

rabaisser tous tes successeurs ? lui dis-je. Ne me fais

pas de reproche, répartit-il par celui qui a fait apporter la

vérité par Muhammad (que Dieu prie sur lui !) si la moindre

chevrette était perdue sur le bord de l’Euphrate, il en serait

demandé compte à Omar au jour du jugement dernier. Il

n’est digne d’aucun respect le Commandeur qui cause du tort au

musulman pas plus que l’impie qui jette le trouble parmi

les croyants. »

 

« ‘Ali vit aussi un vieux Juif qui mendiait aux portes

« Nous n’avons pas agi avec justice envers toi, lui dit-il

nous t’avons fait payer la djézia, tant que tu étais jeune, et

maintenant te voilà réduit à la misère par notre faute, » et

il lui fit payer par le Trésor de quoi le nourrir.

« Que Notre Seigneur sache qu’en fait de justice, il doit

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ARCHIVES MAROCAINES

d’abord être juste pour ce qui le concerne il ne doit s’at-

tribuer comme argent que ce à quoi il a droit. 11 consultera

les ‘oulaniâ sur ce qu’il aura à prendre et adonner. Chez les

Beni Israïl, le Commandeur était sous les ordres d’un prophète celui-

ci ordonnait et le Commandeurse bornait à exécuter. Comme ce peuple

disparu a vu s’éteindre chez lui la prophétie à la venue du

sceau des prophètes ^Dieu lui accorde ses bénédictions et lui

accorde le salut !), ce sont les ‘oulamà qu’ilfaut prendre pour

guides. Le Prophète a dit « Les ‘ulâma de mon peuple

sont comme les prophètes des Beni Israïl il est juste que

mon peuple leur obéisse et ne procède que par leur inter-

médiaire à la perception et au paiement. » Quand il mourut

(Dieu lui accorde ses bénédictions et son salut !) il désigna

pour son successeur Aboù Bekr (Dieu soit satisfait de lui !)

Celui-ci, jusqu’alors, se livrait au commerce sur le marché

pour entretenir sa famille. Quand il fut khalife, il prit l’ar-

gent qui servait à son négoce, et voulut aller au marché

suivant son habitude. Mais les ‘ulâma des compagnons

du Prophète l’en empêchèrent, en lui disant qu’il avait

suffisamment à faire avec le pouvoir sans aller au marché,

et lui attribuèrent les sommes nécessaires pour lui et sa

famille un amîn fut chargé des finances. L’égalité la plus

parfaite était établie pour tous il ne prenait, comme les

autres, que ce que lui attribuait la Loi sacrée. Telle fut la

règle à laquelle se conformèrent les khalifes ses succes-

seurs.

 

« Notre Seigneur doit prendre modèle sur ces saints

personnages, au lieu d’imiter ceux qui suivent leurs pas-

sions. Qu’il interroge à cet égard les docteurs de confiance

qu’il a auprès de lui, comme Sidi Muhammad bn Elhasan,

Sîdi Ahmad bn Sa’id et autres savants qui craignent Dieu

et qui ne redoutent pas ses reproches. Au nombre des

choses que j’ai indiquées et de celles dont je n’ai point

parlé, faites ce qu’ils ordonneront, et abstenez-vous de ce

qu’ils interdiront. Telle est la vie du salut, s’il plût à Dieu

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Je demande au Très-Haut de vouloir bien protéger

Notre Seigneur, le diriger et le fortifier, afin que, sous son.

égide, la prospérité règne dans le pays, et d’exterminer

de son glaive les tyrans et les obstinés.

 

« Amîn.

 

« Louange a Dieu, maître des mondes, »

 

Lorsque le Sultan en eut fini avec l’ad’aire de Fèzzâz et

avec les Ait Ou ‘Malou, comme les gens de la tribu de

Guerouân se livraient au brigandage à Oued Ziz, sur la

route de Sijilmâsa, et pillaient les caravanes, il convoqua

‘Ali bn Ichcho, lui donna 10.000 cavaliers, et lui dit « Je

ne veux plus te revoir tant que tu ne seras pas tombé sur

les Guerouân, et que tu ne m’auras pas rapporté autant de

têtes qu’il y en a ici. » Celui-ci partit aussitôt il alla piller

leurs campements et leurs troupeaux, et leur tua beau-

coup de monde. Ensuite il fit proclamer dans ces tribus

que quiconque lui apporterait une tète de Guerouàni rece-

vrait 10 mitsqàls. Tous les Guerouàni eurent la tête

coupée par ceux chez qui ils s’étaient réfugiés, et les têtes

furent apportées à ‘Ali bn Ichcho. Les recherches conti-

nuèrent dans les maisons et dans les tentes jusqu’à ce qu’il

eût atteint le nombre de crânes qu’il lui fallait. Il donna

seulement un mitsqâl aux gens qui lui apportaient une tète,

et en rapporta lui-même 12.000 au Sultan. C’était le chiffre

qui lui avait été demandé c’était aussi celui des tètes déjà

réunies à Adékhsan. Le Sultan lui adressa des éloges et

lui donna le commandement de tou’.es les tribus arabes

et berbères.

 

Dans l’année 1105, il ne se passa aucun événement digne

d’être rapporté.

 

Au mois de rabi’ de l’année suivante (1106), Mawlay

Zéïdan, fils du Sultan, partit pour Tlemsên après avoir mis

à mort le représentant du Commandeur à Fâs, AboùTabbâs

Ahmad Esslaoui. Il guerroya contre les Turcs, et revint

après avoir pris du butin.

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ARCHIVES MAROCAINES

Dans l’année 1107, il ne se passa aucun événenientdigne

d’être rapporté.

 

Le jour de de l’année 1108, dix personnages arri-

vèrent de Constantinople, porteurs d’une lettre que le

sultan ottoman Moustafa bn Muhammad envoyait au sul-

tan Mawlay Ismâ’îl, pour lui enjoindre de conclure la paix

avec les Algériens. Mawlay Ismâ’îl déféra à cette de-

mande.

 

Le sultan Mawlay Ismâ’îl ordonne aux ‘ulâma de Fâs décrire

leur avis approbatif sur le rôle des c Abîds leur refus consé-

quences de ces faits

 

Au mois de doùlqa’da 1108, le qâdi et les ‘ulâma de

Fâs reçurent du Sultan une lettre de blâmes et de repro-

ches, au sujet de leur refus de reconnaître la légitimité de

la possession des ‘Abîds inscrits sur le Dîouân. Dans une

lettre ultérieure, le Sultan faisait l’éloge du peuple, blâ-

mait, au contraire, les ‘ulâma, révoquait le qâdi et les

notaires. C’est du moins ce que rapporte l’auteur du

Bouslân.

 

« Les faits rapportés par l’auteur du Boustân, dit Abû

‘Abdallah Akensoûs, sur le sultan Mawlay Ismâ’îl deman-

dent examen. Ce qu’il dit est très vague. En effet, les

conditions dans lesquelles les ‘Abîds ont été réunis sont

rapportées en détail sur le grand registre de Mawlay

Ismâ’îl. Or, ce document établit une distinction entre les

esclaves qui ont été achetés moyennant paiement dans les

formes légales, et par actes d’adoùl de ceux-ci il ne peut

pas être question. Quant à ceux inscrits sur le Dîouân qui

ont été amenés des diverses tribus, le Sultan n’a jamais pré-

tendu en être le propriétaire la seule question à examiner

1. Texte arabe, IV” partie, p. 42.

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DYNASTIE ALAOUIE DU WAliOC

 

est celle de la légitimité de leur enrôlement force dans

l’armée. Or le Sultan avait demandé leuravis, à cet égard,

à des Vmlaniâ du Maghrib etde l’Orient, qui tous lui avaient

envoyé des réponses signées de leur main et concluant la

légitimité. Ces réponses sont transcrites en entier sur le

registre et il v en a un grand nombre. A Dieu ne plaise

qu’un sultan comme Moiîlay Ismâ’il ait prétendu posséder

des hommes de condition libre.

 

« D’ailleurs nous avons vu la lettre du chéïkh Elyoûsi où

se trouvent exposés tous les reproches qu’il adressait au

Sultan. Si celui-ci eut réellement agi comme le dit Az-Zayâni,

c’eût été un des premiers griefs dont eut parlé Elyoûsi,

qui n’aurait certes pas gardé le silence, puisqu’il reprocha

au Sultan des choses bien plus légères que celle-là.

« Toutefois, le registre porte diverses catégories de

nègres distinctes qui, aux yeux du Sultan, étaient indubita-

blement des esclaves d’Elmansoùr Essa’di, et qui s’étaient

dispersés dans les tribus, à la chute de la dynastie saadienne.

C’étaient les esclaves qui étaient inscrits sur le registre

de ‘Alilîch. Des enquêtes avaient été effectuées au sujet

de leur condition d’esclaves on avait interrogé à leur

égard les vieillards des tribus, qui avaient indiqué ceux

qui étaient esclaves et ceux qui ne l’étaient pas. Tout cela

était entièrement établi aux yeux du Sultan. ^Malgré cela,

il ne les comprit pas dans les esclaves ordinaires qui

avaient été achetés à prix d’argent, et les classa dans une

catégorie à part. Il y avait, en effet, trois catégories à part,

dans ce corps de troupes la première comprenait les

esclaves purs; la seconde, les hommes vraiment libres, et

la troisième était composée de gens oscillant entre ces

deux catégories. »

 

Dieu sait quelle est la vérité.

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ARCHIVES MAROCAINES

Le sultan Mawlay Ismâ’îl partage les provinces du Maghrib

entre ses fils conséquences de ce partage’.

 

En 11 11, le sultan Mawlay Ismâ’îl partagea les provinces

du Maghrib entre ses (ils.

 

Il donna à son fils Mawlay Ahmad Tàdlà, avec résidence

à la (jasba de cette province et un corps de 3.000 “Abîds.

Comme le Sultan avait ordonné à ce Commandeur d’agrandir

cette qasba, il en construisit une nouvelle, où il éleva son

palais, ainsi qu’une mosquée plus grande que celle qu’avait

bâtie son père dans la première. Il résida dans la nouvelle

qasba.

 

Mawlay ‘Abdelmâlék eut en partage la province de Dra’, `,

avec sa résidence dans la qasba de cette région et un

corps de 1.000 cavaliers.

 

Mawlay Muhammad, surnommé El’âlém, reçut le com-

mandement du Soùs, avec 3.000 cavaliers.

 

Mawlay Elmùmoùn, l’aîné, qui était à Murrâkush, fut en-

voyé à Sijilmâsa et dut résider dans la qasba que le Sul-

tan fit construire pour lui à Tîzînii. Il avait avec lui

500 cavaliers. Quand il mourut, deux ans après, le Sultan

le remplaça par un autre de ses fils, Mawlay Yoùsef.

Mawlay Zéïdân reçut le commandement du Cherg. Il ne

cessa de faire des incursions sur les sujets turcs, qu’il

finit par chasser des environs de Tlemsèn. Dans une de

ses courses il parvint même jusqu’à Mascara et, profitant

de l’absence du gouverneur, ‘Otsniân Bey, qui était en

expédition, il s’empara de la ville, pilla le palais du bey et

emporta tout ce qu’il y trouva, tapis et matelas, usten-

siles de ménage, beurre, etc. Cet acte, et principalement

le pillage du palais du bey, ne fut pas approuvé par le

Sultan, en raison de la paix qu’il avait conclue avec le sul-

1. Texte arabe, IV° parlie, p. 42.

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DYNASTIE ALAOLIE DU MAROC

 

tan ottoman Moustafa; aussi retira-t-il le gouvernement (tu

Cherg à Mawlay Zéïdàn, pour le donner à son frère Mawlay

Hafid.

 

L’année suivante le Sultan fit une expédition dans

la région du Cherg et profita de la rupture de la paix pro-

voquée par les incursions de Mawlay Zéïdàn pour atta-

quer les Turcs de cette contrée. Au retour, beaucoup de

ses soldats périrent de soif; les gens de Fâs furent les

plus éprouvés, 40 d’entre eux moururent.

 

La même année, le qàïd ‘Abdelkhâleq bn ‘Abdallah

Erroùsi ayant tué un des esclaves du palais du Sultan qui

avait pénétré chez lui sans son autorisation, .Mawlay Ismâ’il

l’envoya chercher par son fils Mawlay Hafid, qui fit pour

cela le voyage de Miknâs à Fâs. Sur la prière des ‘oulainà

et des chérîfs de la ville, ‘Abdelkhàleq ne fut pas enchaîné

et fut conduit librement à Miknâs. Quand il arriva auprès

du Sultan, il reçut son pardon et rentra à Fâs, sain et sauf.

L’année suivante (1113), le Sultan manda de nouveau

‘Abdelkhàleq Erroûsi et le fit mettre à mort dès son arri-

vée. Il envoya à Fâs son fils Mawlay Zéïdàn, en le faisant

accompagner par Hamdoun bn ‘Abdallah Erroùsi, qui

devait prendre le commandement de Fâs, en remplace-

ment de son frère qui venait d’être tué.

 

Rivalités entre les fils du Sultan. Révolte de Mawlay Mhammed

El’âlém au Soûs: sa mort

 

En 1114, Mawlay ‘Abdehnàlék, fils du Sultan et gou-

verneur du Drà’, arriva au mausolée de Mawlay Idris

Elakbar dans le Zerhoùn. 11 venait d’être mis en déroute

par son frère Mawlay Benneser, qui s’était emparé du Drà’

et avait pris possession de toute la région. Le Sultan

1. Texte arabe, IV» partie,, p. 43.

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ARCHIVES MAROCAINES

envoya aussitôt dans le Drà’ son fils Mawlay Ecliehérif,

connue gouverneur de cette province. En même temps,

Mawlay Mhamnied El’àlém se révoltait dans le Soùs, cher-

chait à se faire proclamer roi, et se dirigeait sur Murrâkush

qu’il se mit à assiéger en ramadan. Le 20 chouwal, il pre-

nait cette ville de vive force et la livrait au meurtre et au

pillage. Aussitôt que la nouvelle parvint au Sultan, il

envova Mawlay Zéïdàn avec des troupes pour lui faire la

guerre. Lorsque ce Commandeur arriva a Morrâlcch, Mawlay

Mhammed avait quitté la ville et était retourné à Târoû-

dant, niais ses soldats en profitèrent pour y commettre

toutes sortes d’excès. Il suivit son frère jusqu’au Sous et

vint camper sous les murs de Tàroùdânt. La guerre entre

les deux frères se poursuivit sans répit.

 

L’année suivante (1115), Mawlay Hafîd vint s’établira à

Fâs EljedJd et imposa une très lourde contribution aux

habitants de la ville. Az-Za’îm, qui était venu comme gou-

verneur de la cité, tut bientôt destitué et remplacé par Boû

‘Ali Erroûsi, qui fit mourir un grand nombre d’habitants

qui furent ensuite crucifiés. A la fin de chouwâl, Mawlay

Hafid mourut à Fâs Eljedîd. Pendant ce temps, la guerre

continuait entre Mawlay Zéïdân et Mawlay Mhammed

El’âlém.

 

Le 3 safar 1116, les habitants de Fâs reçurent l’ordre du

Sultan de fournir un arçon de selle par maison personne

ne fut exempté de cette contribution. Le 21 du même mois,

on apprit que Mawlay Zéïdân avait occupé Târoûdânt et

emprisonné son frère Mhammed El’âlém, à la suite d’une

guerre qui avait duré trois ans, et au cours de laquelle

avaient péri une foule de gens, des qàïds, des chefs, des

notables, dont la mention serait trop longue. Mawlay Zéï-

dân, selon le Boustân, avait, dès son entrée de vive force

dans la ville, tué tous les habitants qu’il y avait trou-

vés, même les femmes et les enfants. Mawlay Mhammed

El’âlém arriva emprisonné, le h rabî’ 1er, à Oued Beht. Le

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Sultan envoya quelqu’un pour lui couper un pied d’un coté

du corps et une main de l’autre, à ‘Aqbat Jiohl lo 15 du

même mois, il mourait en arrivant à Méknôs. Dieu Lui

fasse miséricorde

 

« Quand Mawlay Mhammed El’àlém fut mort, dit le qâdi

Abû ‘Abdallah Akensoùs, ce fut le qâdi Aboù ‘AbdalUih

‘Mhammed Al-’Arbî Bordala qui prononça les prières

d’usage. Des jaloux, voulant profiter de celte circonstance

pour se venger de lui, cherchèrent à indisposer le Sultan

contre lui. « Cet homme vous déteste », lui dirent-ils, « sans

quoi il n’aurait pas mis tant de hâte à prier sur votre ennemi

qui s’est révolté contre vous et qui voulait vous ravir la

royauté » Le Sultan ayant écrit au qâdi Bordala une lettre

de menaces et de reproches, il lui répondit qu’en priant sur

le défunt, il avait agi comme Elhasan Elbasri priant sur

Elhajjâj bn Yoùsef. Comme on lui reprochait sa conduite,

il répondit « Si j’avais trouvé trop grande la faute d’Elhajjaj,

j’aurais rougi devant le Très-Haut qui est si généreux et qui

est le clément, le miséricordieux par excellence. D’ailleurs,

je n’ai pas procédé à ces prières sans avoir été autorisé. La

permission m’est venue du palais seigneurial, et le fait est

si connu qu’il n’est plus possible d’en douter elle m’a été

apportée par un intermédiaire qui était l’interprète de l’ordre

émanantde Sa Majesté. Comment prétendre maintenant que

je l’ai inventée ? Mon devoir, au contraire, était de faire ces

prières, même sans autorisation, par égard et par respect

pour la personne de notre Maître (Dieu le secoure !).

Lorsque le Prophète (sur lui soient les prières et le salut !)

dit à ‘Ali bn Aboù Tâléb (Dieu soit satisfait de lui !) lors

de l’affaire d’Elhodéibiya « ElVace le mot d’Envoyé de

Dieu! » et qu”Ali répondit « Par Dieu je ne l’effacerai

pas » celui-ci, pris entre la nécessité d’obéir aux ordres

du Prophète qui lui disait d’elfacer, et celle de témoigner

des égards à son rang élevé, inclina pour ce dernier parti.

La vérité est qu’une faute punie est une faute expiée, car

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ARCHIVES MAROCAINES

on trouve dans le Sahîh ces paroles de ‘Obâda bn Essâ-

met (Dieu soit satisfait de lui !) « Si quelqu’un commet

une faute de ce genre et en est puni dans ce bas monde,

le châtiment lui est compté comme une expiation. »

Akensoiîs poursuit: « Cette affaire fut une de celles qui

troubla le plus le Maghrib sans la clémence de Dieu tous

les habitants du Soûs y eussent été impliqués, et même

les ‘ulâma qui étaient en rapport avec Mawlay Mhammed

El’âlém. Le chéïkh Aboù ‘Abdallah Elmesnâoui Eddilâï,

qui était un des intimes de ce Commandeur, fut accusé auprès du

Sultan, d’avoir eu avec lui des relations assez intimes pour

avoir eu connaissance de ce projet de révolte, et par suite

pour l’avoir encouragé. Heureusement, un des amis du

Sultan qui avait de la sympathie pour Elmesnâoui l’excusa,

en disant qu’il avait fait son possible pour détourner

Mawlay Mhammed de ses résolutions. Il récita en faveur

d’Elmesnàoui les vers suivants

 

« Attends, car tout a une fin. Le temps se charge de

déjouer les stratagèmes des rusés.

 

« Ni la pleine lune ni le soleil ne donnent tout d’un coup

leur lumière éclatante.

 

« Si elle se cache derrière un rideau, aussitôt commence

à se manifester une clarté qui grandit peu à peu en force

et en beauté. »

 

Le Sultan se rendit à ces raisons et fut convaincu de

l’innocence du chéïkh Elmesnâoui (Dieu fasse miséricorde

à tous !).

 

« J’ai dit, explique Akensoùs, que tous les habitants du

Soûs eussent été englobés dans cette affaire, parce que le

Soùs seul en fut le théâtre, et que tous les gens de cette

région qui faisaient profession de science et de piété

étaient d’accord avec Mawlay Mhammed El’âlém, et soute-

naient ses actes. »

 

« Mawlay Mhammed, dit leNachr Elmatsâni, possédait de

nombreuses sciences, comme la grammaire, la logique, la

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DYNASTIE AÏ.AOUIE DU MAROC

 

dialectique, la théologie dogmatique, et la méthode. Il

goûtait fort la poésie et était enclin à favoriser les lettres.

Son frère Moùlav Echchérîf, ayant commencé une mis-

sive qu’il lui écrivait par ces paroles qu’avait adressées

Séïf Eddaola bon Ilaindàn à son frère ÏS’àsir Eddaola

« J’ai consenti, bien que j’y eusse droit, à te laisser

occuper la première place, et j’ai déclaré qu’entre mon

frère et moi il y avait une différence.

 

« Ne consentirais-tu pas à ce que je sois le second à ta

course, si je consens moi-même à ce que tu sois le pre-

mier ? »

 

Moùlav Mhainmed chargea de la réponse le chéïkh Aboù

‘Abdallah Elmesnâoui, qui était venu alors auprès de lui.

Le chéïkh répondit

 

« Oui, je consens même à ce que tu sois le premier.

Celui qui possède l’avance chante aussi ta gloire.

« Pourquoi ne consentirais-je pas à ce que la gloire soit

tout entière pour toi, car tu es à la vérité mon frère de

sang.

 

« Mais les envieux ont fait cesser l’amitié entre nous;

leurs intrigues l’ont trahie et l’ont mélangée d’eau

trouble. »

 

A cette date-là, c’est-à-dire en 1117, les Anglais avec une

faible armée enlevèrent Gibraltar aux Espagnols, après un

siège de trois jours par mer et. par terre. Ils profitèrent

pour s’en emparer du moment où les Espagnols étaient

occupés par des révoltes intérieures. Les nations euro-

péennes, et particulièrement les Espagnols et les Fran-

çais, furent très attristés de la prise de cette place, qui

rendait les Anglais maîtres de la porte de l’Europe. Elles

tentèrent plusieurs fois de la reprendre, mais sans y

réussir. Cette place est restée jusqu’à nos jours au pou-

voir des Anglais.

 

En 11 19, on apprit la mort de Mawlay Zéïdân, fils du

Sultan, à Târoudânt il fut apporté dans son cercueil à

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ARCHIVES MAROCAINES

Miknâs et enterré nuitamment à côté de son frère Mawlay

Mhammed. La même année, le Sultan donna l’ordre de

démolir le palais d’Elbedi’, (lui avait été construit par

Elmansoûr Essa’di dans la qasba de Morràkch, et dont

nous avons parlé précédemment. Elyéfréni dans le Nozha

dit « qu’il n’v eut pas une seule ville du Maghrib qui ne

reçut quelques débris (TElbedf ».

 

L’année suivante ( 1 1 20 les Turcs prirent la ville d’Wahran

aux Espagnols qui la possédaient depuis longtemps. Dieu

la rendit alors aux musulmans. La même année, le Sultan

donna Tordre de lire, tous les vendredis, dans les mosquées

le Hacllls Elinsdl, au moment où le prédicateur entre et

s’assied dans la chaire.

 

Mauvais traitements infligés au fqîh Abû Muhammad

‘Abd As-Slâmben Hamdoûn Guessoûs *̃

Nous avons rapporté que le sultan Moùlav Ismà’îl (Dieu

lui fasse miséricorde !) avait donné aux ‘ulâma Tordre

d’approuver par écrit l’inscription des “Abids sur le Dîouân,

et que ces docteurs avaient refusé. La persécution recom-

mença en U20. Le gouverneur, Abû Muhammad ‘Abdal-

làh Erroùsi ordonna aux docteurs de Fâs d’écrire une

sentence favorable au sujet du Dîouûn ceux qui y

consentirent furent épargnés; ceux qui résistèrent furent

emprisonnés. Il fit ainsi arrêter les gens de la famille

Guessoûs et s’empara de leurs biens. Il força un doc-

teur de cette famille, le cheikh Abû Muhammad ‘Abdes-

selâm bn Hamdoûn Guessoûs, à s’asseoir enchaîné en

plein marché et à mendier sa rançon, puis il le fit trans-

porter à Miknâs, où il fut mis en prison.

 

L’année suivante (1121), le Sultan lui pardonna et lui ren-

1. Texte arabe, IVe partie, \>. H.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCII. MAROC.

 

9

 

dit la liberté. Il le lit partir pour l’es, avec mission d’expé-

dier à Miknâs les IJarrûtîn qui s’y trouvaient. Il les envoya

au mois de rabî’ Ier. Plus lard, ce docteur mourut, tué par

le Qâ’îd Boû ‘Ali Elhasan bn “Abdelkhâlcq Erroùsi, sur

l’ordre du Sultan, suivant les uns, sans son ordre, selon les

autres.

 

J’ai lu, dans une note écrite de la main de notre chéïkli

le fqîh Abû ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdel’azîz Mah-

boûba Esslaoui (Dieu lui fasse miséricorde !), qui était un

homme de sens rassis, que « l’épreuve à laquelle fut sou-

mis le docteur Muhammad ( juessoùs fut provoquée par son

refus d’approuver le Dîouûn des Ifarrâtîn que ‘Alilîch El-

Murrâkushi avait institué, pour le noble sultan Mot’ilay

Ismâ’il (Dieu lui fasse miséricorde !) Quelque mauvais sujet

tourna en ridicule ce Commandeur et tourna en ridicule la ville

de Fâs à cause de lui. Le Sultan reporta sa haine contre lui,

lui confisqua tous ses biens etlui infligea des tourments de

toute sorte. Tout fut vendu ses maisons, ses propriétés,

ses livres et tout ce qu’il possédait, lui, ses enfants et ses

femmes. On le promena dans les marchés en criant

« Qui est-ce qui veut racheter ce captif ? » et on lui jetait

de l’argent, des bijoux et bien d’autres choses précieuses.

Pendant plusieurs jours, ceux qui étaient chargés de lui

emportaient ce qu’on lui jetait à l’endroit où on avait trans-

porté ses richesses. Il en fut ainsi pendant près d’une

année c’était un véritable opprobre pour lui et pour tous

les musulmans. Quand le moment de sa mort approcha

(Dieu lui fasse miséricorde et qu’il se sentit perdu, il

écrivit sur un petit billet qu il jela dans la foule « Louange

à Dieu. Je soussigné déclare et prends a témoin Dieu

Très-Haut, ses anges et toutes ses créatures que je n’ai pas

refusé d’approuver la légitimité de la propriété des ‘Abids.

Mais je n’ai trouvé dans le Chera’ ni le moyen, ni la voie.

ni l’autorisation pour le faire. Si je l’avais approuvée spon-

tanément ou contre mon gré, j’aurais péché contre Dieu.

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ARCHIVES MAROCAINES

contre son Prophète et contre le Chera’.J’ai eu peur d’être

jeté en enfer pour celte raison. J’ai consulté également les

histoires des anciens Pères de la Loi quand ils n’ont pas

consenti à faire une chose qui ne leur paraissait pas con-

forme au Chera\ ils n’out pas élé inquiétés, ni dans leurs

personnes, ni dans leurs biens, pour leurs convictions reli-

gieuses on aurait craint par là d’atteindre la Loi sacrée et

de faire tomber les créatures dans l’erreur. Dieu jugera

entre moi et quiconque n’a pas pensé comme moi et m’a

attribué quelque chose que je n’ai ni dit ni fait. Dieu me

suffit: c’est le meilleur mandataire. Salut. Écrit par ‘Abdes-

selâm bn Ilamdoùn (ïuessoùs, Dieu lui pardonne ses

fautes et soit indulgent pour ses vices dans ce monde et

dans l’autre le mardi matin 23 rabî’ II de l’année 1121. »

Deux jours après, 15où ‘Ali Erroùsi le fit mettre à mort. Il

fut étranglé, vers le matin, dans la nuit du mercredi au

jeudi 25 rabî’ II de cette année-là, après avoir fait ses ablu-

tions et dit de nombreuses prières. Le qàïd IJoù ‘Ali Er-

roùsi le fit enterrer la nuit suivante. »

 

L’affaire du fqih Aboù Muhammad (Dieu lui fasse misé-

ricorde !) est une chose regrettable pour l’Islam. Les rai-

sons qui l’ont provoquée d’abord, et qui l’ont grossie en-

suite jusqu’au moment où les ordres de Dieu furent exécu-

tés, sont les unes très claires, les autres obscures. Dieu

sait quelle est la vérité dans cet incident. Cependant, l’on

sait du caractère de ce docteur, qu’il était intransigeant

dans les questions de religion et tout à fait scrupuleux.

D’ailleurs, sa déclaration qui vient d’être rapportée en

est une preuve. Cette afiaire a été l’objet de versions con-

tradictoires dans lesquelles la passion s’est mêlée aussi

on n’en connait pas le fin mot. La clémence de Dieu est ou-

verte à tous, il donne la force et le pardon.

 

Aboù ‘Abdallah Akensoûs dit: «On parla une fois en

présence de feu le sultan Moiilay Slimân bn Muhammad

de l’aflaire du fqîh Aboù Muhammad ‘Abdessclâm. Ce

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAIiOC

 

Commandeur prétendait qu’il pas été tué par Mawlay

Ismâ’il, mais ])ar la populace de Fâs. Je n’ai pas pu lui

demander quelle est la version exacte. »

 

Au mois de cha’bân de cette année, le Sultan enleva à Boû

‘Ali Erroùsi le gouvernement de Fâs et le donna à Ham-

doûn Erroùsi. Peu de temps après, celui-ci fut révoqué et

lioù ‘Ali rentra en fonctions. Dans le cours de celte même

année, ‘Abdallah Erroûsi arriva à Fâs, porteur d’ordres du

Sultan pour la vente des propriétés appartenant aux mou-

jdouir en Orient, c’est-à-dire dans les deux villes saintes.

Révolte de Mawlay Bennser, fils du Sultan, dans le Soûs sa mort

(Dieu lui fasse miséricorde!)1.

 

En 1123, Bennser, fils du sultan Mawlay Ismà’ïl, se souleva

dans le Soûs, et dirigea la révolte avec une grande activité.

L’année suivante (1124}, le Sultan fit sortir de prison son

secrétaire Elkhhayyât benMansoûr et lui donna le gouver-

nement du Drâ\

 

En 1125, le Sultan le fit mettre à mort en même temps

que son frère, ‘Abderrahmân le Sultan reçut aussi la nou-

velle que les Oulâd Délim, ‘Arabs du Soûs, avaient tué son

fils révolté Mawlay Bennser.

 

En 1126, le Sultan fit tuer le qàïd Boûddechîch et trois

autres Qâ’îds, avec dix-sept ‘Abîds à Mechra’ Erremla. Au

mois de djoumâda I01′ de l’année suivante (1127) mourut la

noble dame ‘Aïcha Mbârka, épouse du Sultan, qui était la

mère de Mawlay Abûlhasan ‘Ali, dont nous allons parler.

En 1129, Mawlay Boû Merouân, fils de Mawlay Ismâ’îl,

partit en pèlerinage pour le Hedjâz. Au mois de ramadan,

le gouverneur d’Wujda envoya à la Cour cent têtes de Beni

Yznâsén.

 

En 1130, on reçut à Fâs une lettre du Sultan suivant la-

1. Texte arabe, IV’ partie, page 45.

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ARCHIVES MAROCAINES

quelle les habitants de la ville devaient être exemples de

toute contribution. Cette lettre fut suivie bientôt d’un

autre message dans lequel le Sultan leur adressait des re-

proches et leur donnait, à choisir entre être guéïck ou nûîba.

Un individu nommé Ould Essahràoui, qui avait dit « Nous

ne parlerons que devant le Sultan », fut mis à mort et cru-

cifié le lendemain. Dès qu il apprit cela, le Sultan fit em-

prisonner Boù ‘Ali Erroùsi et ses gens, et le remplaça par

Hamdoùn Erroûsi. Peu de temps après, celui-ci arrêta

injustement ‘Abdelkhàleq bn Yoùsef et le fit mettre à

mort. Il fut aussitôt emprisonné, lui et son frère Més’oùd,

et Hammo Qassàra fut nommé gouverneur de Fâs. Au bout

de quelques jours, Hoù Ali Erroûsi rentrait à. Fâs comme

ijouverneur.

 

Dans le courant de la même année, la nouvelle arriva (le

la mort de Mawlay Hoù Merouàn en Orient. Le Sultan re-

tira à ses fils les gouvernements qu’il leur avait confiés,

sauf à l’héritier présomptif, Mawlay Ahmad, à qui il laissait

le Tàdlâ. Son fils Mawlay Abdelmalék fut envoyé à Mor-

ràkch comme gouverneur du Soùs les affaires s’arrangè-

rent, les populations s’apaisèrent, et le pays devint tran-

quille. Le Sultan s’occupa alors de la construction de ses

palais et de la plantation de ses jardins.

 

Le pays était parfaitement sûr une femme et un Juif

pouvaient aller d’Wujda à l’Oued Noùl sans rencontrer per-

sonne qui leur demandât d’où ils venaient et où ils allaient.

L’abondance régnait partout le blé, les animaux étaient à

vil prix. Les gouverneurs percevaient les contributions et

les administrés les payaient sans difficulté. Les habitants

du Maghrib devinrent comme les Fellahs d’Egypte: ils tra-

vaillaient et payaient des impôts toutes les semaines, tous

les mois, tous les ans. S’il leur naissait un poulain, ils l’éle-

vuient et, dès qu’on pouvait le monter, ils le remettaient au

gouverneur avec 10 mitsqâls pour acheter sa selle. Si c’était

une pouliche, il la gardait et ne donnait au gouverneur que

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

1 mitsr/dl. Dans tout le Maghrib, on n’aurait pas trouvé un

voleur ou un coupeur de roule. Quiconque se rendu it

coupable d’un acte de brigandage et s’enfuyait dans les

tribus était arrêté par la tribu chez laquelle il passait, ou

dans les bourgades où il aplaraiss,Lit: on le poursuivait

aussi partout où il avait pu Les inconnus qui pas-

saient la nuit dans un douar ou dans une bourgade étaient

gardés à vue jusqu’à ce qu’on sût qui ils étaient. Quiconque

les laissait partir, ou ne les surveillait pas, était responsable

de leurs crimes et payait ce qu’ils avaient volé ou le prix

du sang de leurs victimes.

 

Le règne de ce Commandeur (Dieu lui fasse miséricorde !) fut

abondant en pluies et en bénédictions. La culture et le

commerce étaient florissants, ainsi que tous les moyens de

gagner l’existence. La terre produisit beaucoup, et il y eut

une ahondance prolongée telle que tout resta à bon marché

pendant tout son règne, et ne renchérit qu’une seule fois.

Le blé était à 6 onces le moudd; l’orge à 3 onces. Un mou-

ton valait 3 onces, un bœuf de 1 à 2 mitsqûls on avait

2 livres de beurre pour l mouzoQna, livres d’huile pour

1 mouzoûna également. J’emprunte ce qui précède à l’au-

teur d’ Elhouslûn c’est en contradiction avec les événe-

ments qui vont suivre, et où l’on verra que la stérilité et la

disette avait atteint le dernier degré dans les années 1090

et suivantes. Ce que dit l’auteur iVElboustdn doit se rap-

porter aux dernières années du règne de Mawlay Ismâ’îl.

Telle est, en général, l’habitude de Dieu dans les choses

de ce genre. Dieu sait quelle est la vérité.

 

Travaux opérés aux tombeaux des deux imàms Mawlay Idrîs

l’aîné, et Mawlay Idris le jeune (Dieu soit satisfait d’eux !) 1

En 1132, le Sultan donna l’ordre de démolir la qouhba

1. Texte arabe, IV° partie, page 4′

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archives maroc\im;s

du mausolée de Mawlay Idris l’aîné (Dieu soit satisfait de

lui !) dans le Zàouva de Zerhoùn, et d’acheter les proprié-

tés l’avoisinant sur les quatre faces, pour les adjoindre au

mausolée après avoir détruit les constructions qui s’y trou-

vaient. La qoubba fut démolie et réédifiée d’une façon ma-

gnifique. Les travaux de construction de ce noble tom-

beau durèrent jusqu’en 1135, selon le Boustdn et d’autres

ouvrages.

 

On trouve dans le Nachr Elmatsâni

 

« En 1132, le sultan victorieux Mawlay Ismâ’il ordonna

la restauration du tombeau de notre Seigneur Idris le

jeune, dans la ville de Fâs qu’il avait fondée, et y fit cons-

truire la qoubba qui le recouvre aujourd’hui, avec tous les

ornements qui la rendent si précieuse. Il fit élargir la cour

de la mosquée, telle qu’on la voit aujourd’hui, et qui n’a

pas sa pareille à Fâs. Le toit de la qoubba fut terminé le

dernier jour de doùlheddja de cette année-là. Ensuite, le

Sultan ordonna la prière du vendredi dans ce mausolée,

usage qui est encore suivi à notre époque. Dieu place cet

acte dans la balance de celui qui l’a ordonné et de celui qui

l’a effectué Amîn »

 

En 1133, le Qâ’îd ‘Abdallah Erroùsi mourut à Fâs. Le Sul-

tan, irrité contre les gens de Fâs, leur envoya Hamdoùn

Erroùsi et son frère Boù ‘Ali, avec ordre de les maltraiter

et de les pressurer. Les chérîfs et les ‘ulâma de la ville

cherchèrent vainement à le fléchir, il resta sourd à leurs

sollicitations. Les gens de Fâs se mirent à payer cette

contribution dont on ne sait pas le chiffre, et personne ne

put s’y soustraire. La ville se dépeupla, car tous les gens

aisés l’abandonnèrent.

 

La même année, au mois de moharrem, l’armée espa-

gnole sortit de Ceuta et fondit à l’improviste sur les mu-

sulmans, dont elle prit le campement après l’avoir pillé.

Les Espagnols s’emparèrent aussi de la tente du Qâ’îd Aboùl-

hasan ‘Ali bn ‘Abdallâh Errîfi, se livrèrent au pillage et

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MADOC

 

au meurtre, occupèrent les retranchements et les ouvrages

de défense des musulmans, s’emparèrent de la qasba

d’Afrag, et firent près de 1.000 martyrs musulmans. Ils

rentrèrent ensuite à Ceuta, d’où ils s’embarquèrent pour

la Péninsule, ne laissant dans la place que la garnison

habituelle. Les musulmans prirent leur revanche dans la

suite environ 3.000 Espagnols restèrent entre leurs

mains.

 

Au mois de moharrem de l’année 1134, mourut à Wujda

le bâcha Gâzi bn Chàgra, gouverneur de Morràkch. Au

mois de safar, mourut également lia ‘Azîz hen Seddoùq,

gouverneur de Târoùdànt. Mawlay Abdelmalék transporta

à ce moment sa résidence à Târoùdànt, où il demeura jus-

qu’aux événements que nous rapporterons quand nous

arriverons à son règne, s’il plait à Dieu.

 

Mort du Commandeur des Croyants, Mawlay Ismâ il (Dieu lui fasse

miséricorde !) L

 

Le règne du Commandeur des Croyants, Mawlay Ismà’il (Dieu

lui fasse miséricorde !>, fut, comme nous l’avons dit, une

époque de sécurité, de tranquillité et d’ordre. Les malfai-

teurs et les perturbateurs ne savaient plus où s’abriter, où

chercher un refuge aucune terre ne voulait les porter,

aucun ciel ne consentait à les couvrir.

 

Ce Commandeur avait été khalifa et représentant de son frère

Mawlay Errechîd pendant sept ans son règne, comme

Sultan et comme souverain, dura cinquante-cinq ans. Les

‘Arabs ignWahrants étaient persuadés qu’il ne mourraitpas. On

dit même que certains de ses enfants, trouvant que sa mort

était lente à venir, l’appelaient le vivant éternel. Aucun

khalife de l’Islam n’avait eu un règne aussi long et une

1. Texte arabe, IVe partie, page 47.

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ARCHIVES MAROCAINES

aussi grande puissance, sauf Elmou.slansir El’abidi, sultan

d’Egypte, dont le khalifat dura soixante ans.

 

Cependant il y a une différence enl.ro ces deux Commandeurs

Mawlay Ismâ’îl put, pendant son règne, recueillir les fruits

du pouvoir et en goûter entièrement les délices. Il com-

mença à gouverner au moment où il en était capable, puis-

qu’il avait plus de vingt ans, et où il pouvait supporter le

poids de la royauté, aussi bien quand il fut khalifa que

quand il fut Sultan. Il n’eut pas de régence, et son règne

ne fut jamais troublé, que par la révolte de bn Mahrèz,

celle de son fils Mawlay Mhammed Erâlém et celle de ses

proches qui imitèrent leur exemple et encore ils avaient

semé le trouble aux extrémités de l’Empire, de sorte qu’ils

ne portèrent pas grand préjudice au pouvoir royal. Elmous-

tansir ETabîdi, au contraire, prit le pouvoir à l’âge de

sept ans, et son règne commença par une régence. Il fut

marqué par une affreuse disette. « On n’en avait jamais vu

de pareille en Egypte, dit Ibn Khallikân, depuis le temps

de Joseph, sur lui soient les prières et le salut Elle dura

sept ans. Les hommes se mangeaient entre eux. Un pain

se vendait cinquante dinars.

 

Dans cette détresse, Elmoustansir montait à cheval tout

seul et les gens de sa suite marchaient à pied derrière lui,

parce qu’ils n’avaient pas de bêtes à monter. Quand ils

allaient dans les rues, on les voyait tomber les uns après

les autres, mourant de faim. C’est pour cela que nous

disons que l’on ne peut comparer le règne de Mawlay

Ismâ’îl à celui d’Elmoustansir (Dieu leur fasse miséri-

corde !)

 

Le Commandeur des Croyants, Mawlay Ismà’ll, commença à

souffrir en 1139 du mal dont il devait mourir. On lit, dans

le Nachr Elmatsdni « qu’il tomba malade le 2 djoumâda Ier

de cette année-là. Dès qu’il sentit qu’il perdait ses forces,

il manda son fils, Mawlay Ahmad, qui commandait le Tâdlâ.

Ce Commandeur vint de suite, et, trois jours après son arrivée,

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DYNASTIE ALAOUIIÎ DU MAROC

 

la mort enlevait Mawlay Ismâ’il (Dieu lui fasse niiséri-

corde !) le samedi 28 rejeb 1139. Le docteur AboùTabbas

Ahmad bn Belqâsem El’amîri lava son cadavre et les

prières mortuaires furent dites par le docteur très savant

Aboù ‘Ali Elhasan bn Rahhâl Elma’dâni. Le Commandeur fut

enterré à Miknâs, dans le mausolée du chéïkh Elmejdoùb

(Dieu soit satisfait de lui »

 

L’auteur tVElboastân prétend que le sultan Mawlay IsmA’îl avait désigné, pour son successeur, son fils Mawlay Ahmad, et qu’il l’appelait l’héritier présomptif [ouali l’ahd). Mais Akensoùs nie que ce Sultan ait jamais désigné, pour le remplacer, un seul de ses enfants. « Le savant sultan Mawlay Slimân, rapporte-t-il, nous l’a dit souvent. Il affirmait, à ce sujet, que Mawlay Ismâ’îl, quand il sentit sa fin prochaine, appela son vizir, le savant de sa Cour, le secrétaire Aboùl’abbâs Elyahmédi, et lui dit « Je suis à mon dernier jour sur cette terre. Je veux que tu me dises auquel de mes fils je dois confier le pouvoir, car tu connais leur caractère mieux que moi. 0 notre Maître, répondit le vizir, vous me chargez d’une bien grave responsabilité, mais je vous dirai la vérité, vous n’avez pas un seul fils à qui vous puissiez confier les affaires des musulmans.

Vous en aviez trois, Mawlay Mahrèz, Mawlay Elmâmoùn et Mawlay Mhammed, Dieu les a rappelés à lui. Je te remercie », lui dit le Sultan, qui lui fit ses adieux et mourut, sans avoir désigné son héritier. C’étaient simplement les ‘Abîds qui nommaient et déposaient qui bon leur semblait. Le sultan Mawlay Slimân, Dieu lui fasse miséricorde! nous faisait souvent ce récit quand on venait à parler de ses propres enfants. Dieu sait quelle est la vérité

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ARCHIVES MAROCAINES

Suite des événements qui eurent lieu sous le règne de Mawlay

Ismâ’il monuments élevés par ce Commandeur sa politique1. 1,

Elyéfréni dit, dans le Nozha « Le Commandeur des Croyants

Ismà’il (Dieu lui fasse miséricorde!) ne cessa (le guerroyer

contre ses ennemis que lorsqu’il eut dompté tout le Maghrib,

et qu’il se fut emparé des plaines et des montagnes. Il éten-

ditson pouvoir jusqu’aux frontières du Soudan. Les parties

peuplées de son empire avaient atleint un développement

de surface que n’avait pas connu, avant lui, Elmansoùr

Essa’di. Du coté de l’Est, son royaume allait jusqu’à Biskra,

dans le Bilâd Eldjerîd, englobant tout le territoire dépen-

dant de Tlemsèn. Dieu sait à qui il confie ses missions. »

On lit, dans le Boustân « Mawlay Ismâ’il, suivant ce que

l’on rapporte, eut 500 enfants mâles et un nombre égal de

filles, ou peu s’en faut. Ceux de ses fils qui eurent des

enfants formèrent 105 familles, ainsi que je l’ai vu de mes

propres yeux dans le registre du sultan .Mawlay Muhammad

ben ‘Abdallah, qui leur faisait chaque année des présents,

qu’il m’envoyait leur distribuer à Sijilmâsa. Ceux qui

n’avaient pas eu de postérité, ou dont la postérité s’était

éteinte, ne figuraient pas sur le registre. Ses petits-fils et

leurs descendants étaient au nombre de 15(30, au temps du

sultan Mawlay Muhammad hen ‘Abdallah ce chiffre s’est

augmenté encore pendant le règne du sultan Mawlay Slî-

mân hen Muhammad, qui continue à faire les dons à ceux

qui sont inscrits sur les registres de son père, et à y ins-

crire ceux qui naissent. Personnellement, j’ai connu de

nom et de vue, pendant le règne du sultan Mawlay Moham-

med, 28 fils de Mawlay Ismâ’il et à peu près le même

nombre de ses filles; le sultan que je viens de nommer les

avait installées dans le palais de Hammo bn Bekka,etleur

1. Texte arabe, IV’ partie, page 48.

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

faisait donner régulièrement tous les ans leur nioùna, leurs

vêtements et des cadeaux, et faisait demeurer avec elles

leurs nièces qui n’étaient pas mariées. Chacune des cent

cinq maisons de Sijilmâsa appartenait aux propres fils de

Mawlay Ismâ’îl. Dès qu’arrivait la majorité un de ses fils,

qu’il ne voulait pas laisser vivre dans le Maghrib, il l’en-

voyait à Sijilmâsa, lui faisait construire une maison ou un

palais, lui donnait des palmiers, des terrains (le culture et

de labour, un certain nombre d’esclaves pour le servir l’

([ans sa maison et ses terres en été et en hiver. Ces

liefs variaient avec le rang que ce fils occupait auprès de

lui et la situation dont jouissait sa mère. Ses fils eurent à

leur tour des enfants et leurs familles se développèrent.

Dieu les rendit considérables et maintint leur organisa-

tion.

 

« Mawlay Ismâ’il (Dieu lui fasse miséricorde!,) fut bien

inspiré en faisant quitter Miknâs à ses fils et à leurs mères

pour aller habiter le Tâfîlêlt avec les shurfas, leurs cousins;

c’était le moyen de les habituer de bonne heure à l’exis-

tence qu’ils devaient toujours mener dans ce pays. De

plus, il les préservait contre les vicissitudes du temps et

les affronts de la pauvreté consécutifs à la mort de leur

père, pour le jour où la prospérité devait cesser, et où le

manteau de la royauté, qui les couvrait, devait être replié.

Aussi vécurent-ils heureux et prospères, tandis que leurs

frères, qui étaient restés à Miknâs, et qui y avaient vécu

jusqu’au jour oit mourut leur père, avaient pris leurs habi-

tudes et s’étaient accoutumés à satisfaire tous leurs ca-

prices. Leur postérité ne se développa pas comme celle de

ceux qui s’étaient fixés dans le Sahara.

 

« Voilà pour les descendants de Mawlay Ismâ’îl.

« Quant à ses constructions dans la citadelle de Miknâs,

ses palais, ses mosquées, ses mdersas, ses jardins, elles

forment un ensemble extraordinaire bien supérieur à celui

des dynasties anciennes et modernes (le la Perse, de la

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AIICHIVES MAROCAINE

 

(îrèce, des lîoinains, des Arabes et des Turcs, et leur

magnificence dépasse celle des constructions des Cosroés

à Klmedaïn, des Pharaons au Caire, des Commandeurs romains

à lîoine et à Constantinople, des Grecs à Antioche et à

Alexandrie, des rois et des grandes familles de l’Islam,

comme les Oinéyyades à Damas, les ‘Ahbâsides à Bagdad,

les ‘Ahîilites en Ifriqiya et en Égyple, les Almoravides,

les Almohades, les Mérinides et les Saadiens dans le

Mng-ril). Ou’esl lo BédV d’Elmansoùr à côté d’un de ses

palais? le Bouslân Elmserra à côté d’un de ses parcs? Dans

le seul parc de Djenân Hamriya, il y avait 100.000 pieds

d’oliviers, dont il avait attribué les revenus aux deux villes

saintes, et quoique, depuis sa mort, l’anarchie, les révo-

lutions, aient passé sur ce parc et qu’on y ait coupé du

bois, il n’en a pas apparemment souflert. Mawlay Moham-

med bn ‘Abdallah, à son avènement, restaura ce parc, y

fit établir des conduites d’eau et fit dresser l’inventaire

des arbres qu’il contenait il en restait encore 60.000, dont

le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) envoyait le produit

chaque année aux deux villes saintes, pour se conformer

aux volontés de son aïeul. Mawlay Slîmân, son fils, fit de

même. a L’auteur du Boustân dit encore « J’ai vu presque

tous les monuments laissés par les rois je n’en ai pas vu

qui fussent aussi considérables, aussi beaux et aussi nom-

breux que les palais construits par Mawlay Ismâ’îl. Les

autres rois qui s’étaient intéressés à la construction des

monuments avaient fait, tout au plus, édifier un seul palais

et avaient mis tout leur soin à le faire solide et beau. Notre

Sultan, au contraire, ne s’est pas borné à construire un

palais, ni dix, ni vingt; à l’intérieur de cette seule qasba

de Miknâs, il a élevé autant de monuments qu’il y en a sur

la surface du globe. Tout le gibier, dit le proverbe, est

réuni dans le ventre de l’onagre. »

 

Telles sont les paroles de l’auteur du Boustân, qui dit

« Ses prisons contenaient plus (le 25.000 captifs, qui tra-

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DYNASTIE ALAOLIE I1L’ MAItOC

 

vaillaient la conslruclion de ses palais; parmi eux se

trouvaient des marbriers, des sculpteurs, des menuisiers,

des forgerons, des astronomes, des ingénieurs et des méde-

cins jamais il ne consentit au rachat d’un seul captif. Dans

les prisons, il y avait aussi environ 30.000 criminels, tels

qu’assassins, révoltés et voleurs; le jour, ils travaillaient

avec les captifs infidèles, et la nuit, ils étaient enfermés

dans des cachots et des greniers souterrains. Dès que l’un

d’eux mourait, son cadavre était emmuré. De cette façon,

il n’y avait plus une seule artère qui battit chez les agita-

teu rs.

 

» L’éloge de Mawlay Ismâ’il (Dieu lui fasse miséricorde!

a été fait par le fqih, le littérateur, Aboù ‘Abdallah Moham-

med bn ‘Abdallah Elguezoûli, dans une qasida, donl

extrais les vers suivants

 

« 0 Mawlay Ismâ’îl, ô soleil des créatures, ô toi à qui

tout ce qui existe a été soumis,

 

« Tu n’es autre chose que l’épée de Dieu sortie de son

fourreau, agite-la sur les créatures.

 

« Celui qui ne croit pas devoir t’obéir, c’est Dieu qui l’a

rendu aveugle et qui l’égaré hors du bon chemin. »

Nous dirons maintenant les événements antérieurs à

cette époque.

 

En 1071 mourut le chéïkh Aboù ‘Abdallah Sidi Moham-

med Elmoufaddal, fils du chéïkh Aboùl’abbâs Ahmad

Elmoursi, lequel était fils de l’illustre chéïkh Aboù ‘Abdal-

lah Sîdi Mhammed Echcharqi. C’était un pieux person-

nage, un homme de bien, qui fut un des plus vertueux de

son temps. Il connaissait par cœur le (jorân et les sept

manières de le lire. Il jouissait d’une très grande réputa-

tion, mais cherchait à s’y soustraire, et si quelqu’un lui

demandait s’il voulait être son professeur, il répondait

Nous sommes tous frères en Dieu, et le dirhem complet

est fait pour qu’on le dépense. Il apprit les lectures (Qirâât1

du Qorân Aufqlh, du professeur, Aboù Zéïd ‘Abderrahmàn

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ARCHIVES 51AH0CWNES

ben Elqâdi, qui lui délivra un diplôme pour sa science.

En dehors des Oirdût, il possédait d’autres sciences. Il

faisait remonter sa généalogie spirituelle au saint pieux

Aboù ‘Abdallah Muhammad Elhefiân Errelebi Essijihaâsi,

qui élaitun des compagnons du chéïkh Boù’Obéïd Echchar-

<|i. Il forma nombre d’illustres étudiants, il qui il avait

enseigné les Qirââl. II nourrissait (Dieu lui fasse miséri-

corde !j beaucoup de gens dans la zâouya de son aïeul

Boù’Obéïd Echcharqi. Dans la suite, il vinl se fixer dans

la région de Salé, où il resta jusqu’à sa mort, qui survint

à la date susdite. Il fut enterré à la Tàl’a de cette ville,

auprès de la grande mosquée, où son tombeau attire beau-

coup de visiteurs. Il composa de nombreux dictons en

arabe vulgaire, qu’il adressa au réïs, Muhammad Elhâddj

Eddilâï, avec qui il s’était brouillé à la suite de calomnies

et avec qui il échangea des correspondances et des repro-

ches (Dieu leur fasse miséricorde à tous deux!)

En 1072 mourut le chéïkh transcendant, Aboù Ishaq

Brâhîni bn Ahmad, petit-fils de ‘Abdallah bn Houséïn

Elmeslôhi, dont le tombeau est. à Tàmeslôht, dans le voisi-

nage de Morrakch. Nous avons parlé précédemment de la

mort de son grand-père Aboù Muhammad ‘Abdallâh ben

Ilouséïn. Ce personnage avait une grande renommée. Il

commença par donner ses enseignements à un certain

nombre d’adej)tes(/b^a) à Morrakch, mais le sultan Zéïdân

ben Elmansour réprouva sa doctrine et ordonna de l’arrê-

ter. Le chéïkh prit la fuite et alla se fixer dans la tribu de

Sektâna, où il demeura jusqu’à sa mort c’est là que se

trouve son mausolée. Il avait coutume de dire « Ceux

que Dieu protège doivent seuls venir dans notre sanc-

tuaire, qui est le sanctuaire d’Ibrahim celui qui y entre

n’aura rien à craindre. » II disait aussi « Notre maison est

une maison de secret et non de science. » Dès que com-

mençait le mois de moharrem, il se laissait pousser la

barbe et les cheveux, et, si on le lui reprochait, il disait

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DYNASTIE AI.AOUIi; DU MAHOC

 

« Je ne fais cela qu’en signe de tristesse pour le meurtre

d’Elhouséïn (Dieu soit satisfait de lui !) el comme marque

de regret du malheur qui lui est arrivé. » II pratiquait le

samd’ avec ses compagnons, qui se réunissaient chez lui

eu séance (fiorfrà) dans la forme habituelle, et tombait aussi

probablement en extase avec eux. 11 connaissait diverses

sciences. Il fut le disciple du chéïkh Elmendjoùr, d’Aboù

Muhammad bn Tâhar Elhasani, d’Aboù Mehdi Essektâni

et d’autres professeurs. Il mourut à la date précitée, âgé,

dit-on, de plus de cent ans. Une belle qoubba fut bâtie sur

son tombeau, qui est une mzdra très fréquentée.

Arers la fin de l’année 1073, il éclata, dans le Maghrib, une

grande disette, qui se fit surtout sentir à Fâs et dans la

région environnante. Les gens durent manger des cha-

rognes, des bêtes de somme et même de la chair humaine.

Les maisons furent abandonnées, dans les mosquées on ne

voyait plus personne. Dieu, par sa grâce, répara ensuite

tout le mal fait à ses esclaves.

 

Le 10 ramadan 1075, un violent tremblement de terre se

fit sentir à Fâs et dans d’autres pays du Maghrib. « Le trem-

blement de terre, dit le docteur Aboùl’abbâs Ahmad ben

‘Abdelhâdi, chérif sijilmâsi, eut lieu à la date précitée, au

moment où nous assistions à une lecture d’Elbokhâri chez

le grand chéïkh l’Imâm Aboù Muhammad ‘Abdelqâder

Al-Fâsî (Dieu lui fasse miséricorde !) Chacun de nous se leva

et, avec nous, le chéïkh lui-même nous pensions que le

toit allait tomber surnous, car une poutre avait fait entendre

un craquement. Tout le monde sortait en courant, deman-

dant ce qu’il y avait; ceux qui étaient couchés, et ceux qui

étaient assis, sentirent la secousse ceux qui dormaient

furent eux-mêmes réveillés mais ceux qui marchaient ne

s’en aperçurent pas. Comme on demandait au chéïkh si

vraiment le tremblement de terre était produit, comme on

le prétend dans le peuple, par un mouvement du taureau

sur lequel repose le monde, ou par un mouvement du pois-

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AHCIIIVES MAROCAIN!»

son, il répondit que cette croyance élail. finisse cl sans fon-

dement, et il récita celte parole de Dieu « Nous n’en-

voyons les versets que pour eflrayer. » Il ajouta « L’a

sage dit que le tremblement de terre est produit par une

compression du vent dans l’intérieur de la terre. »

Le lundi 28 rejel) 1077 mourut l’innocent béni, Sidi

Qâsém bn Ahmad Hoù ‘Asriya, connu sous le nom de Ben

Elleiloûclia, dont le tombeau se trouve sur l’Oued Erdem,

dans le district d’A/gàr. Il ne s’était jamais marié et ne

laissa pas d’enfants. Ce fait est rapporté par le A’achr

Elmatsâni, mais c’est peut-être une erreur, II mourut exac-

tement, comme on le verra plus loin, en 1097. Dieu sait

quelle est la vérité!

 

En 1085, survint la mort du Chéïkh de.la Sounna guide

(Imârh) de la voie spirituelle, Aboù ‘Abdallah Sîdi Moham-

med bn Muhammad bn Ahmad bn Muhammad ben

Elhouséïn bn Nâser bn ‘A mai1 Edder’i Eliglâni, connu

sous le nom de bn Nâser, du nom de son aïeul. Son dis-

ciple le chéïkh Aboù Ali Elyoùsi dit de lui dans sa Fa-

hrasa « Le chéïkh (Dieu soit satisfait de lui !) était versé

dans les branches de la science le droit, la langue arabe,

la théologie dogmatique, l’interprétation du CWahran, les Tra-

ditions du Prophète iIladiLs), et le soufisme c’était un

dévot, un ascète, un homme scrupuleux, austère, connais-

sant Dieu, pratiquant la voie spirituelle et buvant a la

source de la Vérité. En même temps qu’il s’appliquait à

l’élude du soufisme et suivait le chemin de la voie spiri-

tuelle, il ne manquait pas de s’adonner à la science des

choses externes il enseignait, écrivait, annotait et corri-

geait. Ainsi il fut doublement bienfaisant.il eut pour com-

pagnons des orientaux et des occidentaux un grand

nombre de gens reçurent ses enseignements. Il enseignait

et conférait l’initiation (ouerd) a ces nouveaux adeptes par

sa parole et par ses actes. Il ajoutait encore à sa noblesse

par son génie élevé, sa science solide, sa clairvoyance des

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCII. MAROC.

 

10

 

choses cachées, son don de persuasion et la profonde im-

pression qu’il produisait. (x)uand il parlait, ses paroles se

gravaient dans le eii-ur, et s’il exhortait, il ramenait la paix

dans les endroits ulcérés. » Le chéïkh Elyoùsi donne sur

lui de nombreux détails biographiques, et cite plusieurs

faveurs surnaturelles dont il fut l’objet. Il a peint son

caractère et son portrait dans la célèbre qasîda Eddûinja

qu’il a composée en son honneur, où il apporte à ce cliéïkh

un tribut d’honneur et de glorification qui lui attira un

grand renom. Ce cheikh eut de nombreux maîtres et dis-

ciples qui sont indiqués dans les livres des Imams où ces

sujets sont traités. On connait aussi la voie spirituelle qu’il

a établie, el qui se rattache à l’Envoyé de Dieu ‘sur lui

soient les prières et le salut Son père Sidi Muhammad

ben Ahmad était un grand saint, qui reçut de nombreux

otierd et qui ne cessait pas de réciter des oraisons, comme

l’a rapporté plus d’un auteur (Dieu sait quelle est la vérité !)

Ici l’auteur (Dieu lui pardonne dit: « Ce chéïkh est mon

aïeul c’est à lui que je fais remonter ma généalogie. Je

m’appelle Ahmad, fils de Khùled, fils de Hammàd, fils de

Muhammad Elkébir, fils d’Ahmad, fils de Muhammad

Essegir, fils de Muhammad bn Nàser qui est le chéïkh,

Dieu nous soit par lui profitable et répande sur nous

son appui et celui de ses semblables. Au-delà de ce

chéïkh, mes ancêtres font remonter leur origine à Notre

Seigneur Dja’far bn Aboù Tàléb (Dieu soit satisfait de

lui \j Je n’en suis pas encore exactement sûr, mais peut-

être établirai-je l’authenticité de cette généalogie dans un

autre ouvrage, s’il plait à Dieu. »

 

Vers 1090, il y eut une sécheresse qui amena la disette.

Le chérît’ Aboîi ‘Abdallah Muhammad bn At-Tâyib Elqà-

diri dit, dans son ouvrage intitulé Elazhûr Ennadiya, qu’en

raison du manque de pluies, « le blé atteignit à cette

époque le prix de AO onces le moudd i[ui contient un sa’ et

demi. La population fit des prières, pour demander la

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ARCHIVES MAK0CA1XES

pluie. Le premier iinàm cjui dirigea cette prière fut le

qàdi Aboù Abdallah -Muhammad Kl’arhi Bordala. Il la

renouvela trois fois il tomba un peu de pluie, mais en

quantité insuffisante. On recommença une quatrième fois

les prières, qui furent dirigées alors par le docteur Aboù

‘Abdallah Muhammad Elboù’inàni la cinquième fois, elles

furent prononcées par le qàcli Bordala, et la sixième fois

par Aboù ‘Abdallah Muhammad Elmoràbel Eddiluï. A ce

moment-là le blé avait monté jusqu’à (30 onces jamais on

n’avait entendu parler d’une pareille hausse. On dit encore

les prières pour la septième fois, sous la direction de Aboù

‘Abdallah Elboù’inàni. Au bout de la huitième fois, le

chéïkh, le saint, l’austère Aboù ‘Abdallah Muhammad

Al-’Arbî Elfichtâli ayant servi de khetib, vers le soir, la

pluie commença à tomber, accompagnée d’éclairs et de

coups de tonnerre. Les musulmans se réjouirent et ren-

dirent grâces à Dieu. Pour la neuvième fois on recom-

mença la prière, sous la direction du qàdi Bordala. Ce jour-

là, dans le cortège, le chéïkh Elislàm, la bénédiction de la

nation, l’imàm Aboù Muhammad Sidi i ‘Abdelqader Al-Fâsî,

sortit monté sur son âne, faisant marcher devant lui les

shurfas de la Famille Pure, et demandant à Dieu de se lais-

ser fléchir à leur intercession. Au retour de la procession,

il tomba un peu de pluie. Le lendemain, une pluie bien-

faisante et abondante se mit à tomber. Le prix des denrées

haissa aussitôt, et le blé descendit à 30 onces. Les prières

avaient été répétées neuf fois. La dernière eut lieu le lundi

5 moharrem 1091.

 

Dans la nuit du jeudi au vendredi 12 cha’bàn de cette

année, mourut le célèbre chéïkh Mawlay Aboù Muhammad

‘Abdallah Echchérîf Elouazzàni, à l’âge de Sa ans. Son fils,

le chéïkh Mawlay Aboù ‘Abdallah Muhammad, mourut au

momentdu ‘achâ dans la nuit du jeudi au vendredi 28 mo-

harrem 1120, âgé de 80 ans. Le fils de celui-ci, le chéïkh,

le pôle (cjotb) Mawlay Ettahàmi bn Muhammad, mourut au

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DYNASTIE AI.AOUIE nu MAROC

 

lever du soleil le lundi 1er moharrem 1 127, ;’i l’Age de

66 ans. Le cliéïkli Moùlav Elfayvôb bn Muhammad mou-

rut le dimanche 18 i-abi TT 1181, âgé de plus de 80 ans.

Son fils, le chéïkh Moùlav Ahmad, mourut le samedi matin

18 safar 1196. Son fils, le chéïkh Mawlay ‘Ali bn Ahmad,

mourut le mardi dernier jour de rabi’ Ier 1226. Son fils, le

chéïkh Sîdi Elhâddj Al-’Arbî bn Ali, mourut le mercredi

premier jour de l’année 1269. Nous avons donné ici, pour

plus de commodité, et parce que l’occasion se présentait,

la généalogie toute entière de ces nobles chérîfs d’Ouâz-

zân dont l’origine se rattache à Mawlay Idris bn Idris Dieu

soit satisfait d’eux, nous fasse mourir, aimés par eux, et

nous place dans leur cortège !)

 

En 1090, survint la grande peste du Maghrib, dont nous

avons déjà parlé et pendant laquelle les ‘Abîds du Sultan

repoussaient sur toutes les routes les gens qui se rendaient

à Méknàsét Az-Zéïtoùn.

 

Le mercredi 8 ramadan 1091, au moment du tlohr, tré-

passa le chéïkh de la communauté musulmane de Fâs et

du Maghrib, le grand imam, le savant célèbre, le chéïkh

Abû Muhammad ‘Abdelqàderben ‘Ali bn Yoùsef Al-Fâsî,

qui est trop connu (Dieu soit satisfait (le lui!} pour qu’il

soit nécessaire de rappeler ici ses <ruvres. On a fait juste-

ment remarquer que, malgré l’étendue de son savoir et les

bienfaits dont il fit profiter les habitants des trois Maghribs,

il n’a pas composé le moindre ouvrage déterminé, ni le

moindre commentaire il se bornait à écrire des réponses

excellentes (Ajouiba) à des questions qui lui étaient posées,

et qui ont été réunies en un seul volume par un de ses

compagnons.

 

En 1095, mourut le saint vertueux Abû Muhammad

‘Abdallah El’aouni, dont le tombeau est à Salé, et qui

était un des compagnons du chéïkh Sîdi Muhammad El-

moufaçldal.

 

En 1096, mourut le chéïkh très docte versé dans toutes

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ARCHIVES MAROCAINES

les sciences, Abôû Zéïd AbderrahiiiiMi bon ‘Abdelqàder

Al-Fâsî, auteur de précieux ouvrages, notamment du poème

intitulé Nadm ‘A mal F”ès et du livre appelé Elouqnoûm fî

mabâdi l’ouloùm.

 

En 1097, mourut le chéïkh qui connut Dieu, qui eut

des extases, et qui fut doué de la connaissance divine, Bel-

qâsém bn Ahmad Elleîloûcha Essefiâni, surnommé 13où

‘Asriya, parce qu’il se servait de sa main gauche plus que

de sa droite. Il fut de ceux qui furent absorbés dans l’es-

sence de Dieu il avait des extases (Ahouâl) et proférait

alors des paroles mystiques [chathd). On raconle qu’encore

enfant, il fut porté au chéïkh Boû ‘Obéïd Echcharqi, qui

le bénit et, faisant apporter des outres d’eau, les versa sur

lui en disant « Si nous n’avions pas refroidi cet enfant,

les lumières l’auraient brûlé » C’est pourquoi Boû ‘Asriya

faisait toujours l’éloge de Boû ‘Obéïd, proclamait son nom

très fréquemment et attribuait tous ses actes à sa béné-

diction.

 

En 1101, le Sultan interdit le port des babouches noires,

qui ne devaient plus être portées que par les Juifs, comme

nous l’avons rapporté à la suite de la conquête d’El’arêïch.

En 1102, mourut le chéïkh, l’imâui, le dernier des ‘ou-

lamâ du Maghrib, sur la science et la piété duquel les airs

sont unanimes, Aboù ‘Ali Elhasan bn Més’oiitl Elyoûsi,

originaire de la tribu des Ait Yoûsi,Brâbér de la Melouiya.

Par son savoir, sa justesse d’esprit, son austérité et sa

crainte de Dieu, il était le Gazzâli de son époque. Dans sa

Fahrasa, il dit: « Tout ce que j’ai étudié, ou à peu près

tout, je l’ai appris par la faveur divine. J’ai reçu en par-

tage, grâce à Dieu, des aptitudes excellentes, et il me suf-

fisait d’entendre pour que Dieu me fît retenir. Si j’entends

une partie d’un livre, Dieu me fait la faveur de le con-

naître tout entier d’une façon palpable, et j’arrive, à cet

égard, à un degré auquel personne n’est, je crois, arrivé.

Il est advenu souvent que je ne connaissais pas un livre

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DYNASTIE ALAOUIK DL” MAROC

 

et qu’en entendant un peu des sciences dont il traite je

commençais à le connaître c’est de cette façon que, grâce

à la volonté de Dieu, j’ai appris ce que m’enseignaient

mes maîtres. Ne vous étonnez pas de ce que je viens de

dire. Vous croyez peut-être que le profil doit toujours être

proportionné au capital. Nous êtes dans l’erreur: un seul

dirhem peut rapporter mille milsqàls? et c’est peu pour

Dieu. » II lit la plupart (le ses études à la Zàouyat Eddilâ

où il demeura, «’appliquant à acquérir la science et à la

développer, jusqu’au moment où elle fut conquise par

Mawlay Errechid. Ce Commandeur l’envoya à l’es. Il y vécut un

certain temps, puis quitta cette ville pour aller vivre à la

campagne. Il finit par se fixer dans sa tribu où il mourut.

(Dieu lui lasse miséricorde !)

 

Le chéïkh Elyoùsi s’adonnait avec ardeur aux sciences

spéculatives et aux sciences pratiques. Il dit même, dans

son ouvrage intitulé Elqôl elf.yal ft-lfan/i béïna-lkhassûli

oua.-lfa.sl, qu’il était arrivé dans ces connaissances au même

degré que le chéïkh Sa d Eddin Ellelïàzàni, et (lue Sidi

Eldjordjàni et leurs émules. Quelqu’un lui ayant posé une

question au cours d’une de ses leçons, il répondit

« Écoute, ce que tu vas entendre, tu ne l’entendras de la

bouche d’aucun homme, lu ne le trouveras écrit dans aucun

recueil, et tu ne le verras tracé par aucune main, car

c’est un don du Clément. » Quand il arriva à Murrâkush,

il professa la science de l’interprétation du QWahran ifefsir)

à la mosquée des Chéri fs i Djùma’ Elachràfj, et passa près

de trois mois i enseigner l’interprétation de la Fûtiha.

Chaque jour il commençait une explication surprenante et

une thèse étonnante. L’abondance de son fonds scienti-

fique étonnait tout le monde, d’autant que, le plus sou-

vent, il passait la nuit dans le tombeau d’un saint avec

d’autres personnes, et le matin il s’asseyait dans sa chaire

et se mettait à discourir de façon à éblouir ses auditeurs,

sans avoir regardé un livre, ni consulté un auteur. La

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AHCHIVES MAROCAINES

 

poésie élait pour lui uno chose plus facile que la respira-

tion, et ses vers étaient tous des sentences et des pro-

verbes comparables aux poèmes des anciens Arabes. La

qasida Eddûliya qu’il composa en l’honneur de son maître

Ben Nâser donne la mesure de l’étendue de son talent et

de sa supériorité connue savant et comme érudif. Aussi

combien sont belles ces paroles de l’imam Abû Sâléni

Erayyàchi quand il dit:

 

« Celui qui n’a pas pu fréquenter Elhasan Elbasri, il lui

suffira de fréquenter Elhasan Elvoùsi. »

 

En résumé, ce personnage fut le dernier des profonds

savants; non, il fut le sceau des hommes à l’esprit péné-

trant. Un chéïkh a dit de lui que, par son savoir et par ses

actes, il était le réformateur du commencement du siècle,

l’irnâiu de son temps et l’ascète de son époque. Dieu lui

fasse miséricorde et soit satisfait de lui!

 

Dans la nuit du mardi au mercredi 7 rabî’ Ier 1103,

mourut le saint vertueux Aboùl’abbâs Sidi Ahmad Hàjji,

duquel le chéïkh Abûl’abbâs Sîdi Ahmad bn ‘Abdel-

qâder Ettestâouti a dit « Il était un homme de bien, un

homme vertueux; j’ai eu des relations avec lui à Miknâs

en 1096, et je n’ai vu de lui que du bien. » II fut remplacé

à sa mort par son fils, qui fut l’héritier de ses secrets. A

côté de lui est enterré, dans le même tombeau, le saint

vertueux Sîdi Aboù Muhammad ‘Abdallah Hajji, sur-

nommé ElguAz-Zâr leur mausolée à Salé est une mzâra

célèbre.

 

En 1109 ou 1110, mourut le fqîh, le notaire, le casuiste,

l’homme savant dans les préceptes divins, l’arithméticien

Abûlhasan ‘Ali bn Muhammad, surnomme Boù Cha’ra,

Esslaoui. 11 fut enterré près du tombeau du chéïkh Ben,

Acher (Dieu soit satisfait de lui !j

 

En 1115, au mois de djoumâda Ier, mourut l’imàni, le

fqîh, le littérateur, le poète, le prosateur Belqâsém ben

Elhouséïn Elgerisi Esslaoui, surnommé Boù Zâïda, qui

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DYNASTIE ALAOUIE ])I MAI1OC

 

fut enterré près du tombeau du cheikh lien ‘Àeher (Dieu

soit satisfait de lui

 

Le mercredi matin 28 moharreni 1118. il y eut une

éclipse totale du soleil cette année-là fut nommée ‘Âm

Edtjolêïma d’année des petites Iciichies

 

En 1119, le mardi 7 djouinàila I’1’, mourut le chéïkli,

l’iman AboùSerhan Sidi Més’oùd JoumoiV Eliesi Esslaoui,

le liés docle héros, auteur d’utiles ouvrages sur toutes

les sciences, l’argument l’ait homme, dont la bénédiction

était apparente pendant sa vie et l’a élé après sa mort. H

fut enterré à l’intérieur de la ville de Salé, dans la zâouya

du chéïlih Sidi Ahmad l.Iàjji.

 

Le lundi 3 djoumàda Il 1120, mourut le saint vertueux,

le pieux, le bon conseiller Aboiil’abbâs Ahmad bn ‘Ab-

dallâh Ma’n L’iandalousi, qui habitait le quartier d’Elmokh-

fiya à Fâs (Dieu la garde !)

 

Dans le courant de cette année-là, fut instituée la lec-

ture du lia dits où l’on ordonne le silence et où il est dit

trois fois de suite « Taisez-vous que Dieu vous fasse

miséricorde »

 

Cette lecture a lieu le vendredi, au moment où l’imâm

sort de la chambre de la mosquée et s’assied dans la chaire.

Le mardi 22 safar 1122, au moment du ‘a.v/ mourut

le saint vertueux, Sidi Aboù Muhammad ‘Abdallah, fils

de Sidi Ahmad Hàjji, surnommé ElguAz-Zâr, qui fut enterré

devant son père. comme nous venons de le rapporter.

Le mercredi 20 rabî” II de la même année, mourut le

fqîh très savant Aboù ‘Abdallah Muhammad, fils de

I’aniîn Elhâddj Muhammad Essobaïhi Esslaoui, sur lequel

le chéïkli Aboùl’abbàs Sidi Ahmad bn ‘Abd Al-QâdirEt-

testaouti lit l’élégie suivante

 

« Bien que nous sachions que, quand il a décidé une

chose, Dieu se hâte de l’exécuter, nous sommes affligés

par la mort de l’imAm choisi, du savant intègre, Essobaïhi.

qui était le meilleur de son époque.

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ARCHIVES MAROCAINES

« Celui que Dieu a élu est aussi celui que nous avons

choisi nous lui souhaitons une félicité générale et com-

plète. »

 

Il fui pleuré aussi dans un poème par son aimable ami

le cliéïkh Aboùl’abbâs Ahmad bn ‘Àcher Elhàfi Esslaoui

(Dieu leur fasse à tous miséricorde !)

 

Dans la nuit du mardi au mercredi Ier rejeb 1127,

mourut le saint vertueux, le savant qui fit de bonnes

œuvres, le célèbre chéïkh Aboulabbàs Ahmad bn ‘Ab-

delqâder Ettestàouti, l’un des principaux compagnons du

chéïkh bn Xfiser, descendant d’Aboù Abdallah Moham-

med bn Mbârék Az-Za’ri déjà cité. Les actes mémorables

de ce chéïkh sont trop connus pour que je les rapporte

ici ses zâouyas sont autant (le sources de profits et de

bénédictions dans le Maghrib. Il mourut à Méknâsét Ez-

zéïtoùn son tombeau célèbre se trouve dans le cimetière

de Sîdi ‘Abdallâh bn Hâmed (Dieu soit satisfait d’eux et

nous les rende profitables !)

 

Le 18 rabi’ Ier, mourut le chéïkh, le modèle, l’imâm

glorieux Sîdi Ahmad bn Mhammed Ben

Nâser Edder’i, fils du chéïkh bn Nâser déjà cité, son

khalîfa et l’héritier de son secret et de sa grâce (Dieu soit

satisfait de lui !) Il est trop célèbre pour qu’il faille insis-

ter à son sujet. Cependant, dans son ouvrage intitulé

Errôd elyani ‘elfâïh fi manûqib eehehèïkh Abû ‘Abdal-

lah Essûlià, le chéïkh Aboù ‘Ali Elhasan bn Muhammad

Elma’dani raconte l’anecdote suivante « Voici ce que

m’a rapporté un savant émérite Lorsque le chéïkh Aboùl-

‘abbâs Ahmad bn Nâser Edder’i alla à Médine lors de

son dernier pèlerinage, je le vis assis, dit ce savant,

devant le tombeau du Prophète. On se pressait autour de

lui pour recevoir l’initiation et l’ouerd, et il paraissait s’en

réjouir beaucoup. Je me dis en moi-même que cet homme

était aveuglé par sa vanité, pour se mettre ainsi en évi-

dence dans cet endroit où viennent s’humilier les rois et

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DYNASTIE ALAOUIE OU MAHOC

 

tous les hommes, les génies et les anges, et que, lorsque

le soleil se lève, on doit cacher les lampes. Il comprit ce

qui se passait en moi el, se tournant vers moi, il me dit

« Par Dieu je ne me suis assis ici qu’après en avoir reçu

« l’ordre du Prophète de Dieu (sur lui soient les prières

« de Dieu et le salut!) et je ne lui ai obéi que quand il

« m’a menacé de me renier, » Je me baissai aussitôt pour

lui baiser la main en disant « 0 mon Seigneur, je me

« repens devant Dieu! » 11 fit une prière pour moi et je

me retirai, »

 

Cet auteur dit encore « L’homme vertueux, le docteur

béni, le docteur de bon conseil, Sidi Muhammad ben

Bràhîm Elmeggàsi, raconte que le sullan Mawlay Ismà’il

ben Echchérif (Dieu lui fasse miséricorde !,) convoqua un

jour le chéïkh Sidi Ahmad bn Nâser, contre lequel il était

très fâché, dans l’intention de lui faire une méchanceté qu’on

ne connaissait pas, mais qui devait lui être très désagréable.

Nombre de savants et de compagnons du cheikh qui

vivaient avec lui en conçurent aussitôt de la crainte pour

lui et pour eux. Ils vinrent le trouver et lui demander

s’il savait quel secours Dieu donne habituellement à ses

saints et comment il les protège. Le chéïkh ne répondit

pas. Ils revinrent à la charge, mais finirent par avoir peur

de lui et se turent.

 

« Le cheikh se mit donc en route pour se rendre auprès

du Sultan. Arrivé à la qasba d’Agouràï, non loin de

Méknâsét Az-Zéïtoûn, il rencontra un Mejjàti nommé

Elhaiddj ‘Omar. Dès qu’il vit le chéïkh, il descendit de son

cheval pour le saluer, et le chéïkh lui dit « Quelles nou-

velles, mon fils – Quelles nouvelles mon Seigneur,

répondit l’homme, je voudrais que mon Seigneur ne i’ùt

pas venu jusqu’ici et ne i’ùt pas sorti de sa maison », ce

qui voulait dire qu’il y avait du danger. Mais le chéïkh lui

dit, dans un langage empreint de la protection divine

« Il n’y a rien à craindre. Celui sur lequel pèse une faute

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AIICI1IVES MAHOCAIMiS

 

d’un empan, ajoute-t-il on niellant sa main sur son cou,

doit l’allongor jusqu’à une coudée », et en même temps

il élendil son bras.

 

« Les ‘oulainà qui étaient avec lui se réjouirent de ces

paroles: ils furent convaincus que le ehéïkh et eux-mêmes

n’avaient rien à craindre, car ils savaient avec t| uelle

«•énérosilé Dieu avait l’habitude de le traiter. Ellecli-

veinent, le Sultan vint en personne auprès de lui au

moment où il se trouvait clans la Baôda du ehéïkh Aboù

‘Otsmàii Sa’îtl bn lioù Bekr. Il lui lénioigna beaucoup

d’amabilité, de respect, de vénéralion et d’honneurs il

lui donna la main et s’assit avec lui pendant quelque

temps à l’intérieur de la chapelle. En sortant, le Sultan

iDieu lui fasse miséricorde 11 se mit à crier à ses gens

« Visitez Sîdi Ahmad bn Naser Visitez Sîdi Ahmad Ben

Nàser » II répéta plusieurs fois ces paroles qui venaient

du fond de son cœur. « Quand le Sultan fui sorti de chez

le chéïkh, raconte Sîdi -Muhammad bn Brâhiin, j’entrai

auprès de lui et lui demandai s’il ne craignait pas que le

Sultan ne le fit installer, lui et ses compagnons, dans le

mausolée du chéïkh Sfdi Wbderrahniàn Elinejdoùb et ne

les y laissât longtemps. Le chéïkh répondit qu’il ne

bougerait pas de l’endroit où il était, et que le surlende-

main il s’en retournerait dans son pays. En-ellet, il reçut

du Sultan l’ordre de venir s’installer dans le mausolée du

chéïkh Elmejdoùb, il répondit qu’il ne resterait que là où

il était. Le Sultan lui envoya aussitôt après l’ordre de

retourner dans son pays, chargé de cadeaux et objet de

toutes sortes d’égards. »

 

Dans la nuit de la tête de la rupture du jeune de l’an-

née 1129, mourut le f<[îh savant, le qâdi Aboùl’abbàs

Ahmad, fils du très docte Aboùlhasan Ali Elmorràkchi

les prières funéraires furent diles le lendemain, et on

l’enterra à liabàl Elfeth, à l’endroit appelé Eleloù.

Dans la nuit du samedi au dimanche 18 moharrem 1131,

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DYNASTIE ALA0L1K DU MAKOC:

 

mourut le chéïkh vertueux Ahoi’i Ali Elhasan bn ‘Ab-

dallàh El’iUdi Essejiri il fut enlerré à Salé, dans sa

y.âouva du <|iiarlier d’Essouéïqa dont la (joubba fut ter-

minée au mois de rejel) do L’année suivante.

 

Le lundi 15 rejeb 1133 mourut le docteur très savant,

le dernier des savants consommés, le dernier (|âçli im-

partial de Fâs, le cliéïkh ‘Abdallah Muhammad El’arhiben

Ahmad Hoi-dala. A la même date mourut à Murrâkush le

chéïkh très docte el source de bénédictions Aboùl’abbâs

Ahmad bn Slîmàn, auteur de nombreux ouvrages, no-

tamment sur l’arithmétique i Dieu lui fasse miséricorde!) !)

En 1138, dans le mois de chaouàl, les Deux-Rives, Salé

et Rihàt Elfeth, et leurs enviions furent envahis par les

sauterelles. Après elles, les criquets, qu’on appelle dans

le langage du Maghrib Amred, se répandirent comme un tor-

rent et ne laissèrent pas une seule feuille verte sans la

dévorer.

 

Le mercredi 12 safari 139 mourut le cheikh qui connut

Dieu, Sidi Muhammad Essàlah, fils du cliéïkh qui connut

Dieu, Sîdi Muhammad Elma’ti, fils de Sidi ‘Abdelkhâleq,

fils de Sîdi ‘Abdelqâder, (ils du grand chéïkh Sidi Moham-

med Echcharqi. L’ouvrage inlilulé Errûd ‘elfûïh fi manâ-

qib echchéïkh ‘Abdallah Essâlih, de Ahoû ‘Ali Elma’dàni,

se charge de décrire ses vertus.

 

La même année, à l’auhe du samedi 8 doûlqa’da, mou-

rut le fqihlrès érudit, le savant consommé Sidi Hoù lîker

ben ‘Ali Elfarji Elmorràkchi Esslaoui. Toute la population

voulut faire cortège à son enterrement, et il y eut une telle

foule autour de la civière que des rixes furent sur le

point d’éclater. Il fut enterré non loin de sa maison dans

la zàouya de Sîdi Mgéïts, à la Tal’a de Salé Dieu le pro-

tège

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AI1CIIIVES SIAnOCAINES

 

Premier règne du Commandeur des Croyants Mawlay Abûl’abbâs

Ahmad bn Ismâ’îl, surnommé Eddéhébi (Dieu lui fasse misé-

ricorde I)1

 

la mort de Mawlay Ismà’il (Dieu lui fasse miséri-

corde les chefs de la milice d’Elbokhàri, les qàïds des

Udaya, les hauts fonctionnaires, secrétaires cL qadis du

gouvernement, se rêiinirenlot prêtèrent serment à .Mawlay

Aboùl’abbàs Ahmad bn Ismu’îl, qui était surnommé

Eddéhébi a cause de sa grande libéralité. Akensoùs dit que

cet acte était dû à un conseil des “Abids qui ressemblait à

un ordre et non pas à un engagement pris envers son père.

La bé’i fut envoyée dans toutes les contrées. Dès que la

nouvelle delà mort du Sultan fut connue à Fâs, la première

chose que firent les habitants fut de tuer leur qàïd Boù ‘Ali

Erroùsi. Ensuite ils proclamèrent le sultan Mawlay Ahmad,

et rédigèrent leur prestation de serment, qu’ils envoyèrent

à Miknâs par îles notables (le la ville. En présence du

sultan Mawlay Ahmad, ces délégués firent acte de fidélité

et d’obéissance. Celui-ci les reçut et, sans leur laisser

paraître de mauvaise pensée pour le meurtre de leur

qàïd qu’ils venaient de commettre, il donna aux oulainà et

aux chérîfs les cadeaux d’avènement et leur nomma comme

gouverneur le qàïd Ehnahjoùb El’eulj. Les gouverneurs

des tribus et des villes, les notables des cités et des cam-

pagnes vinrent apporter aussi leur serment et faire acte

d’obéissance. Le Sultan leur fit bon accueil et, après avoir

distribué à tous des cadeaux variant suivant leur rang, les

congédia.

 

Libre alors de s’occuper de ses allaires, il inaugura son

administration par l’exécution de ceux qui avaient été les

gouverneurs de son père et les colonnes de son empire.

C’est ainsi qu’il lit mettre à mort le chef des Herbe rs,

1. Texte arabe, IVe partie, page 54.

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DYNASTIE ALAOUIE 1>V MAROC

 

‘Ali bn lehcho Elqebli et le chef de la région de Fâs el

de la province voisine d’Elhabl, Ahmad beii ‘Ali. La vérité

esl que celui-ci étant incarcéré, au moment du l’avènement

de .Mawlay Ahmad, ‘Ali bn Ichclio avait persuadé au Sul-

tan de regorger dans sa prison. Dieu fit tomber cet intri-

gant dans les mains du Sultan qui le fit mettre n mort,

lui donnant ainsi une récompense analogue à sa conduite.

Le Sultan fit mettre aussi à mort le bâcha lien Elachqar

et Mordjân Elkebir, Qâ’îd des esclaves nègres du palais et

gardien des trésors, qui avait sous sa surveillance

2.200 eunuques, répartis entre les portes des apparte-

ments des palais. Chacun de ces eunuques avait pour les

servir plus de deux ou trois esclaves.

 

Mawlay Ahmad (Dieu lui fasse miséricorde !) était sous

la tutelle des ‘Abîds, qui, dans la plupart des questions,

n’avaient qu’à lui conseiller quelque chose pour qu’il le

fit c’est ainsi qu’ils l’engagèrent à tuer les principaux

chefs de l’empire qu’il mit à mort. Il fit tuer encore d’au-

tres Qâ’îds et d’autres secrétaires. Il fit ensuite l’inspection

des trésors, des magasins où se trouvaient les armes et

les vêtements, et ordonna de distribuer tout cela aux

‘Abids et aux Qâ’îds du Jaysh. Il donna plus qu il ne fallait.

Il fit des largesses aux ‘oulaniâ, aux chérîfs, aux tolba.

Il donna même des sommes importantes à de simples sol-

dats. Aussi on se prit d’afl’ection pour lui et on le vanta

beaucoup. Dieu lui fasse miséricorde

 

Attaque de Tétouan par le Qâ’îd Abûl’abbâs Ahmad bn ‘Ali

Errîfi incidents survenus entre lui et le fqîh Abû Hafs

‘Omar Elouaqqâch (Dieu lui fasse miséricorde !) 1

Le guerrier de la foi, le Qâ’îd AboùTabbàs Ahmad bn ‘Ali

Errifi, avait succédé à son père dans le commandement

1. Texte arabe, IVe partie, page 55.

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AIICIMVES MAH0CA1NES

 

des voIonLaircs tic la guerre sainte des places de In région

d’Elhabl, au leinj)s du sultan Moùlav Ismà il. Son père et

lui avaient joué le principal rôle dans la prise de Tanger

et d’El’arèïch, connue nous l’avons déjà vu en partie, cl.

il jouissait, pour cette raison, d’une grande influence

auprès du gouvernement et surtout dans la région d’El-

habt-

 

Il y avait alors comme gouverneur à Télouaii le fqïh, le

littérateur Aboù Hai’s Omar EIouac|<|âch. Il apparlenait à

une famille de celle ville qui avait été déjà au pouvoir. Il

avait rempli autrefois les fonctions de secrétaire auprès du

sultan .Mawlay Isinà’il, Dieu lui fasse miséricorde qui.

restituait beaucoup. Ce Commandeur lui avait donné le gouver-

nement de la ville et de la province de- Tétouan, quand

son âge ne lui avait plus permis de rester au service impé-

rial.

 

Une certaine animosité régnait entre Elouaqqàcli et le

Qâ’îd AboùTabbàs Errifi. Elle avait été provoquée par le

fait de leur voisinage et de leur conleinpWahraneilé et elle

était entretenue par les propos qui leur étaient rapportés

de chacun d’eux sur le compte de l’autre. Il en fut ainsi

jusqu’à la mort du sultan .Mawlay Isnià’il (Dieu lui fasse

miséricorde \). Quand Moùlav Ahmad arriva au pouvoir, il

laissa fléchir l’autorilé et négligea l’armée, si bien que le

Sultan n’avait plus de prestige auprès des gouverneurs des

diverses régions. Aboùl’abbâs Errifi voulut en profiter,

pour prendre sa revanche contre les habitants de Tétouan.

Il marcha contre la ville, accompagné d’une troupe nom-

breuse, et y entra par surprise. Mais quand il voulut user

de violence avec eux, le fqîh Aboù Hafs Elouaqqâch se

mit à la tête des habitants, lui livra combat et eut le des-

sus. 11 infligea à son ennemi une défaite plus sérieuse que

celle que celui-ci comptait lui faire subir il tua un grand

nombre de ses soldats, et le Qâ’îd Aboùl’abbàs lui-mème

eut grand’peine à s’échapper.

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DYNASTIE AI.AOIIK DO MAIlOC

 

Cette victoire, à laquelle Une s’attendait pas, remplit

de joie le fqih Aboù Hal’s. Dans l’ivresse de son triomphe,

il alla jusqu’à convoiter la rovaulé, et parla de ce qu’en

homme sensé il aurait, dû cacher. Il composa alors sa

r/axtda célèbre, dans laquelle il reprochait aux gens du

lîif leur conduite, abaissait leur gouvernement, se met-

tait au-dessus des gens de Fâs et de tous, et annonçait

la fortune à laquelle il arriverait. Malgré son grand

âge, celle altitude était indigne de lui, car t’était un

homme 1res lin. plein de science et d’autorité. Voici cette

qa.sîda

 

« J’ai atteint dans la gloire le point que j’avais espéré.

Ma vie est devenue meilleure, et l’oiseau y a chanté.

« L’annonciateur de la bonne nouvelle a proclamé en

termes éloquents et clairs, a crié Viens, ô Aboù I.Iafs la

première place t’attend.

 

« Je me suis levé pour répondre à cet appel, bondissant

de joie, et ni Zéïd, ni ‘Omar n’ont t’ait alors attention

à moi.

 

« Je me suis mis, grâce à Dieu, à rechercher la royauté,

et j’ai dit île Maître en soit loué et remercié !)

« C’est moi qui-suis l’illustre ‘Omar si tu ne me con-

nais pas, informe-loi tu sauras que je possède la préémi-

nence, et je ne me vante pas

 

« C’est moi qui suis ‘Omar qui se distingue par le cou-

rage et la générosité; c’est moi qui suis ‘Omar dont il est

question dans les prédictions.

 

« Je suis venu pour ranimer la religion en décadence.

Bonheur à celui qui voit le pouvoir venir à lui

« II ne reste plus dans notre Garb de roi sans vigueur;

c’est à moi que finissaient la science proclamée et les se-

crets.

 

« C’est moi qui suis l’illustre ‘Omar dans les com-

bats je suis le héros du premier rang je suis le grand

savant.

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ARCHIVES MAIIOCAIMiS

 

« J’ai dominé mon pays, el j’ai répondu à l’appel d’autres

régions. Dans peu de temps ma situation el mon rang

auront augmenté. n

 

« J’apporte la justice à l’exemple des deux Iinâms je

suis le troisième, qui a été annoncé, l’unique. »

(C’est-à-dire le troisième ‘Ornai’; il le déclarait lui-

même [Noie de ranlear’].)

 

« Fertôto, Erral.nnoùn et Elkot sont mes partisans.

Râgoùn est mon trésor, et Essegir mon agent d’exécution.

« Voilà mes auxiliaires, les membres de mon gouverne-

ment quant à ma famille et à mes alliés, ce sont les étoiles

qui brillent.

 

« L’écho de ma grandeur et de ma puissance se réper-

cute dans les nuages, et ma gloire commence partout

comme une aube.

 

« lion croissant a paru quand Ililâli a pris mon parti,

et ma fortune a grandi quand Géïlân m’a répondu.

« Le pouvoir des Rifains est définitivement miné et je

n’ai, en vérité, plus rien à faire contre lui.

 

« En voyant leurs barbes, notre courage a été si meur-

trier, qu’ils se sont enfuis en toute hâte et que les sabres

et les lances

 

« Ont fait voler leurs mains et leurs avant-bras. Bravo

on a raison d’être satisfait de moi

 

« Car leur chef est parti en cachette et tremblant il

n’a pas échappé à notre punition et à nos représailles.

« Qui donc voudrait se comparer à moi ? j’ai des biens

immenses, et mon nom remplit la terre et la mer »

Ce poème continue, mais il n’y a pas intérêt à le rap-

porter en entier. Le fqîh Abofi ‘Abdallâh Muhammad ben

Bejja Errifi Erarêïchi y répondit par une qasîda, dans

laquelle il disait

 

« Dans les pages de l’histoire, nous trouvons des ensei-

gnements nous apprenons, par exemple, que l’âne se

prétend un humain.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCII. MAROC.

 

11

 

« Celui qui a passé sa jeunesse sans avoir rien vu

d’étonnant n’a que la vieillesse pour l’instruire de la

merveille de son temps. »

 

Cette qasîda est longue, mais son auteur était un poète

médiocre c’est pourquoi nous ne la citons pas en en-

tier.

 

Quand la nouvelle de ces faits parvint au Commandeur des

Croyants Mawlay Ahmad (Dieu lui fasse miséricorde!) il

détourna les yeux de l’un et de l’autre, et rentra dans son

palais où il se livra entièrement aux plaisirs, sans s’occu-

per de ses sujets, ni de leurs affaires. Aussi de graves

désordres se produisirent, entre les tribus et les repré-

sentants du Makhzen, dans les régions du Garb et d’Elqsar

et dans les districts environnants.

 

Nombre de gens périrent dans ces troubles le khalifat

y perdit son prestige, et le bon ordre du royaume fut

rompu d’un seul coup, surtout par le meurtre des grands

chefs qui conduisaient les a flaires c’était le but que

poursuivaient les ‘Abîcls. En cfl’et, ‘Ali bn Ichcho était

le plus grand chef et commandait les Berbers et d’autres

tribus. Ahmad bn ‘Ali était chef des montagnes de Mer-

moùcha, de Béni Ouaruïn, des ‘Arabs Elhayâïna et des

Berbers de Gayyâtsa et des montagnes. Il était l’auxiliaire

de ‘Ali bn Ichcho et rivalisait avec lui pour conseiller le

gouvernement et lui fournir de l’argent. Ils avaient tous

deux comme auxiliaire bn Elachqar, qui était chef des

Zrâhna et était chargé en même temps du ‘achour, notam-

ment des tribus du Garb et de Béni Hsen. Enfin le Qâ’îd

Mordjân était le gardien des trésors et tenait le registre

des entrées et des sorties, de sorte qu’il connaissait les

sommes que les gouverneurs apportaient chaque année.

Aussi, dès qu’ils furent tués (Dieu leur fasse miséricorde !)

les sujets ne sentirent plus le poids de leur autorité, et

se virent débarrassés de ceux qui mettaient un obstacle

entre eux et les désordres, et qui les punissaient pour

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ARCHIVES MAROCAINES

leurs mauvaises actions. Les lîerbers surtout, sur les-

quels pesait un joug d’airain, le secouèrent dès que ‘Ali

ben Ichcho fut mort et, achetant des chevaux et des armes,

revinrent à leurs anciens égarements. Les autres tribus

arabes les imitèrent comme si c’eût été un mot d’ordre,

et les brigandages reprirent sur les routes. Les plaignants

affluèrent à la porte du Sultan, mais ils ne trouvaient per-

sonne à qui parler, du moins à Miknâs. A Fâs, ce furent

les Udaya qui se chargèrent d’y remplacer les Berbers,

dans le pillage la situation était de plus en plus cri-

tique.

 

Au mois de moharrem 11 40, les Udaya envahirent le

Soûq Elkhamîs à Fâs, s’y livrèrent au pillage et au meurtre,

et s’emparèrent d’un certain nombre de gens de la ville,

qu’ils jetèrent en prison à Fâs Al-Jadîd. Une députation de

chérîfs fut aussitôt envoyée par la population de cette

ville auprès du Sultan à Miknâs, pour porter plainte

contre les injustices des Udaya, mais, aux portes de la

capitale, les délégués furent attaqués par Muhammad ben

‘Ali bn Ichcho, qui les emprisonna avant qu’ils aient pu

être reçus par le Sultan. Quand ils apprirent le sort fait à

leurs envoyés à Miknâs, les gens de Fâs déclarèrent la

guerre aux Udaya et leur fermèrent les portes de la ville.

Aussitôt ceux-ci envoyèrent au Sultan un message pour

lui faire savoir que les habitants de cette cité avaient secoué

le joug de l’obéissance et s’étaient révoltés. Sur-le-champ

des renforts furent envoyés ils étaient armés de fers

tranchants et acérés, la situation s’aggrava, le chasseur

fut aux prises avec l’archer, et l’on dressa des canons, des

mortiers et des catapultes pour faire le siège de Fâs. Les

hostilités durèrent jusqu’au moment où le Sultan expédia

son frère Mawlay Elmostadi avec un groupe de chérîfs de

Miknâs accompagnés des chérîfs qu’a vait incarcérés Moham-

med bn “Ali hen Ichcho, afin d’arranger les choses et de

rétablir la paix entre les Udaya et les habitants de Fâs.

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DYNASTIE ALAOUIK DU MAROC

 

La paix fut conclue cl les soldats du Sultan retournèrent

à Miknâs, mais au bout d’un jour ou deux elle fut violée,

et les Udaya recommencèrent le siège de la ville et y

lancèrent des bombes et des boulets. La lutte reprit de

plus belle, jusqu’au moment où, envoyé par le Sultan, le

qàïd Abû ‘Annan Moùsa Eljerràri vint tâcher de rétablir la

paix et entra en pourparlers à cet efl’et avec les habitants

de Fâs. Ceux-ci se soumirent et, après avoir pris en otage

des compagnons d’Aboù ‘Aniran, envoyèrent avec lui une

délégation de notables ‘oulainâ et chérîfs, qui devait aller

trouver le Sultan et en finir avec cette affaire. Mais quand

ces envoyés arrivèrent à Miknâs, on ne les laissa pas

pénétrer auprès du Sultan, et ils durent revenir à Fâs sans

avoir accompli leur mission.

 

La situation resta la même jusqu’au jour où les ‘Abîds

leur firent porter une lettre où ils leur demandaient s’ils

approuveraient la déposition du sultan Mawlay Ahmad et

la proclamation de son frère Mawlay “Abdelmâlék, gou-

verneur du Soiis. Les gens de Fâs acquiescèrent à cette

proposition, et traitèrent généreusement leurs émissaires,

auxquels ils jurèrent fidélité. Les ‘Abîds retournèrent à

Miknâs satisfaits des pourparlers eurent lieu aussitôt

entre les Qâ’îds de l’armée qui étaient dans la ville. Ils

examinèrent les désordres auxquels s’était livrée la popula-

tion, l’insécurité des routes et l’arrêt des afl’aires, et se

rendirent compte qu’ils avaient fait une faute en favorisant

l’avènement de Mawlay Ahmad, qui faisait peu de faveurs

et était ignWahrant des devoirs du khalîfa. Il fut alors dé-

cidé de le déposer et de le remplacer par un autre.

Dès que l’accord fut complet, ils envoyèrent un groupe

de cavaliers à Mawlay ‘Abdelmâlék, pour lui remettre une

lettre où ils l’engageaient à venir et l’informaient de leur l’

décision. Ce Commandeur répondit à leur prière, et se mit rapi-

dement en route pour Miknâs. Dès qu’ils le surent arrivé

à l’Oued Béht, les ‘Abîds entrèrent auprès du sultan Moù-

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ARCHIVES MAROCAINES

lay Ahmad, s’en emparèrent, le chassèrent de son palais,

et l’internèrent dans la maison qu’il habitait en dehors

de la qasba avant son avènement. Ceci se passait au mois

de cha’bân 1140.

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Abû Merouân Abdelmàlék

ben Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde!) 1

 

Le lendemain du jour où le sultan Mawlay Ahmad (Dieu u

lui fasse miséricorde !) fut déposé et interné en dehors de

la qasba, tout le guëïch se réunit pour aller au-devant de

Mawlay Abû .Merouân ‘Abdelmàlék bn Ismâ’il. La ren-

contre eut lieu en dehors de Miknâs, le.s honneurs impé-

riaux lui furent rendus, et il cnlra dans la capitale avec

la pompe royale et les attributs du Sultan, sous l’escorte

des troupes. Les hauts fonctionnaires, les chefs, les

qâdis, les ‘ulâma et les shurfas du gouvernement vinrent

ensuite prêter serment de fidélité. La bêta fut envoyée

dans toutes les provinces. Le lendemain, une députation

de notables de Kès, composée de ‘ulâma et de shurfas

apportèrent leur serinent. ils furent introduits auprès du

Sultan et le reconnurent. Toutes les villes et les cam-

pagnes envoyèrent ensuite leurs délégués pour féliciter le

souverain. Celui-ci donna audience a toutes ces députa-

tions et les reçut avec toute l’amabilité nécessaire. Quand

il eut terminé ces réceptions, il songea à la question de

son frère Mawlay Ahmad qui avait été déposé, et ordonna

qu’il fût conduit à Fâs, pour y ètre emprisonné, puis il se

ravisa et l’envoya à Sijilmâsa.

 

L’auteur à^Ela^hûr Ennadiya dit qu’en envoyant son

frère Mawlay Ahmad au Tâfilêlt, le sultan Mawlay Abû

Merouân écrivit au gouverneur de cette province de lui

1. Texte arabe, IV’ partie, page r.7.

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DYXASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

crever les yeux dès son arrivée. Mawlay Ahmad fut pré-

venu de cet ordre et s’enfuit à la zâouya du chéïkh Aboù

“Otsmân SîdiSa’îd Ahensâl.Le modqaddemde cette zâouya,

Sidi Yoïisef, qui était alors le fils de ce chéïkh et qui sa-

vait prédire les événements, annonça à Mawlay Ahmad

qu’il rentrerait au pouvoir. Cette prophétie se réalisa.

On avait cru que le sultan Mawlay Abû Merouân ressem-

blerait à son père, qu’il continuerait sa politique et qu’il

saurait contenir le pays comme lui, mais cette espérance

fut déçue et les efforts qui avaient été déployés restèrent

inutiles.

 

« Si le jeune chameau n’est pas accouplé avec un autre,

il ne peut arriver à posséder la force des grands cha-

meaux. »

 

Dieu empêcha sa main de donner pas un dirhem ne fut

remis aux soldats et aux députations. Ce fut une des prin-

cipales raisons de son impopularité et de la décomposition

de son empire. Le corps des Bokharis lui ayant réclamé,

selon l’usage, le don de joyeux avènement, il leur envoya

4-000 mitsqâls, tandis que, du temps de Mawlay Ismâ’îl,

leur solde était de 100.000 mitsqâls, et qu’en arrivant au

pouvoir, Mawlay Ahmad l’avait augmentée de 50.000 mils-

qâls. Quand ils virent le don que leur envoyait le Sultan,

ils commencèrent à se repentir de ce qu’ils avaient fait, et

comprirent qu’ils n’avaient rien gagné en mettant ce Commandeur

sur le trône. Ils résolurent de le déposer, mais ils gardè-

rent le secret, attendant qu’une occasion favorable se pré-

sentât. Prévenu de leurs projets, le Sultan prit ses précau-

tions. Pensant que les tribus arabes pourraient tenir tête

aux ‘Abîds, il leur envoya des messages, où il leur faisait

de belles promesses en éveillant leur convoitise, et les

engageait à rester unies, pour être en mesure de lui ser-

vir un jour. D’un autre côté, il écrivait aux Berbers pour les

exciter contre les ‘Abîds, et il excitait les ‘Abîds contre les

Berbers, en leur disant notamment que jamais la situation

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ARCIIIVES MAROCAINES

ne s’aplanirait si ces Berbers n’étaient pas subjugués. Il

les occupait même par des préparatifs d’expédition. Il écri-

vit, d’autre part, aux gens de Fâs de lui envoyer leurs ar-

chers à sa capitale pour marcher contre les Berbers. En-

fin, il cherchait à créer un antagonisme entre les soldats

et les Berbers. Mais les ‘Abîds se rendirent compte de ses

desseins et, s’écartant de lui avec la rapidité d’un onagre,

se mirent d’accord pour le déposer et pour remettre au

pouvoir son frère Mawlay Ahmad, qui était généreux et tou-

jours prêt à donner. C’était là une erreur de leur part, car

Mawlay Abû Merouân (Dieu lui fasse miséricorde !) était

plus digne du khalifat que Mawlay Ahmad il était habile

et énergique, et avait résolu de débarrasser la capitale et

le gouvernement des menées des ‘Abîds et de les réduire

dans leurs fourrés comme des bêtes fauves. Mais il avait

mal su s’y prendre, et les ‘Abîds l’avaient devancé.

Quand il connut, d’une façon certaine, le projet qu’avaient

formé les ‘Abîds de le déposer, il dépêcha auprès d’eux le

chéïkh béni Mawlay At-Tâyib bn Muhammad Elouaz-

zâni pour les sermonner. Ce saint personnage leur adressa

des exhortations, leur promit des récompenses s’ils renon-

çaient à leur entreprise, les invita à ne pas se révolter

contre le Sultan, en leur faisant craindre la colère de Dieu

pour une pareille action. Mais ces objurgations ne firent

qu’augmenter leur hardiesse, car ils envoyèrent peu après

une troupe de cavaliers à Sijilmâsa pour ramener Mawlay

Ahmad. En attendant, ils montèrent à cheval, quittèrent le

Dîouân et vinrent attaquer Miknâs. Après avoir razzié les

troupeaux, ils entrèrent dans la ville, et la mirent au pil-

lage ils ne respectèrent pas les choses les plus sacrées,

et firent périr tous les hauts personnages dont ils purent

s’emparer. Ils entrèrent ensuite dans le palais impérial,

pour arrêter le sultan Mawlay Abû Merouân, mais ils ne

l’y trouvèrent plus, car, dès qu’il avait appris ce qu’avaient

fait les ‘Abîds dans la ville, il s’était enfui à Fâs, accompa-

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

gné de quelques-uns de ses gens, et éLait allé se réfugier

dans l’enceinte sacrée de Mawlay Idrîs (Dieu soit satisfait

de lui !) Les gens de Fâs, à qui il demanda leur protection,

lui promirent de lui rester fidèles. Quand les ‘Abîds surent

dans quel endroit de Fâs Mawlay Aboù Merouân se trou-

vait, et connurent la promesse que les habitants de cette

ville lui avaient faite, ils s’emparèrent des archers Fâsis

qui étaient venus à Miknâs pour prendre part à l’expédi-

tion contre les Berbers, comme nous l’avons indiqué plus

haut, et les arrêtèrent en attendant l’arrivée du sultan Moû-

lay Ahmad de Sijilmâsa, qui déciderait de leur sort et de

celui de son frère. Ceci se passait au mois de doûlheddja

1140.

 

Deuxième règne du Commandeur des Croyants Mawlay Abûl’abbâs

Ahmad Eddehebi (Dieu lui fasse miséricorde!)1 1

 

Informé à Sijilmâsa par les ‘Abîds de la décision qu’ils

avaient prise de déposséder son frère du pouvoir pour le

lui rendre, Mawlay Ahmad bn Ismâ’îl se hâta de partir

pour Miknâs, où il arriva à la date précitée. Les grands de

l’Empire, Qâ’îds, qâdis et secrétaires le proclamèrent pour

la seconde fois et envoyèrent la bêta dans toutes les pro-

vinces.

 

Dès qu’il eut pris possession du palais impérial, il distri-

bua de l’argent et des vêtements aux soldats, aux ‘ulâma

et aux chérîfs il fut très généreux, car il se souvenait de

ce qui avait provoqué la vengeance des ‘Abîds contre son

frère. Cependant, la politique de son frère eut été plus

proche de la vérité, s’il avait su se maintenir dans un juste

milieu, et s’il avait dirigé ses affaires en homme éner-

gique. Mais ce que Dieu veut est, et ce qu’il ne veut pas

n’est pas

 

1. Texte arabe, IV’ partie, page 58.

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AHCIUVES SIAROCAINES

Siège de Fâs par le Commandeur des Croyants, Mawlay Ahmad;

ses causes’. 1.

 

Aussitôt après avoir été proclamé pour la seconde fois,

Mawlay Ahmad reçut les délégations des tribus et des

villes, auxquelles il fit un accueil généreux. Seule, la

ville de Fâs ne lui envoya aucun délégué. Comme, à son

arrivée de Sijilmâsa, dès qu’il avait eu connaissance du lieu

de refuge de son frère et de l’endroit où étaient retenus a

Miknâs les archers de Fâs, il avait ordonné d’emprisonner

ces derniers et d’user de rigueur à leur égard, les gens

de Fâs s’attendaient à être maltraités par ce Commandeur et

avaient évité de se rendre auprès de lui. De plus, sentant

peser sur eux le crime qu’ils avaient commis eu mettant à

mort Boù ‘Ali Erroîisi dont ils avaient pillé la maison et

les biens, en temps qu’ils s’étaient emparés de l’ar-

gent du Makhzen qui était entre ses mains. ils redoutaient

la colère de Mawlay Ahmad, qui, trop occupé de ses pro-

pres adàires au début de son règne, avait dit les laisser de

côté. Aussi, lorsque le pouvoir lui fit retour, ils se méfiè-

rent de lui et ne voulurent pas lui obéir. Ils allèrent, au

contraire, auprès de Mawlay ‘Abdelmàlék, à qui ils prêtè-

rent de nouveau serment, et annoncèrent qu’il avait été

proclamé souverain et qu’il fallait se soumettre à ses

ordres.

 

Mais bientôt ils recurent une lettre du sultan Mawlay

Ahmad qui les invitait à lui livrer son frère, ou à l’autori-

ser à aller le combattre. Se déclarant eu rébellion, ils fer-

mèrent les portes de la ville et se préparèrent à subir le

siège. Le Sultan leur envoya alors le Qâ’îd Ellirîni, chef

des archers emprisonnés à Miknâs, avec l’ordre de leur

proposer de se soumettre, en échange de quoi il donne-

1. Texte arabe, IV partie, page 58.

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DYNASTIE ALAOL’IE DU MAROC

 

rail la liberté à leurs frères prisonniers. Celui-ci avait à

poine terminé la lecture de la lettre du Sultan qu’il

avait été chargé de leur apporter, qu’ils se précipitèrent

sur lui, e t, après l’avoir tué, traînèrent son corps par un

pied, el le suspendirent au mûrier du quartier d’Kssefl’a-

rin. Hlkhayyat. ‘Adéyil fut également tué sur le seuil de

sa maison.

 

Le chérif Aboù Muhammad ‘Abdallah beu Dris Elidrisi

partit aussitôt à la tête de cavaliers et d’archers pour

Zouâga là, il fondit il riiuproviste sur les troupeaux des

Oùdéya et enleva un grand nombre de hu-ufs et de mou-

tous qu’il ramena à Fâs. On vendit ces animaux à vil prix

et on lit le partage on dit qu’une vache se vendit 6 mou~

zoûnas, et une brebis 1 mouzoûna. La guerre se trouvait

déclarée entre la ville de Fâs et les Udaya.

 

Le 1er nioharrem 1141, le sultan Mawlay Ahmad quitta

Miknâs à la tète des troupes ‘Abid et Udaya de sa capi-

tale et vint camper le lendemain sous les murs de Fâs. Des

canons, des mortiers et des machines de guerre furent

braqués contre la ville, et les soldats, envahissant les jar-

dins, pillèrent les fruits et ravagèrent les plantations. Le

Sultan ordonna ‘aux artilleurs de lancer sans interruption,

nuit et jour, contre la ville des boulets, des bombes et des

blocs de pierre. Le tir commença et bientôt il causa des

dégâts considérables et démolit une grande partie des

maisons. Le siège dura cinq mois, pendant lesquels nombre

de combattants périrent, les uns dans le combat, et les

autres sous les décombres et les pierres.

 

Au bout de ce temps, la situation était critique: les ha-

bitants, incapables de résister plus longtemps et voyant

les vivres diminuer et hors de prix, reconnurent Mawlay

Ahmad, qui fit la paix à condition qu’ils lui livreraient son

frère Mawlay ‘Abdelmâlék et qu’ils le lui remettraient

sous le couvert de Y aman. Le Sultan envoya donc deman-

der à celui-ci de choisir entre l’exil à Sijilmàsa et le séjour

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ARCHIVES MAKOCAINËS

dans le sanctuaire Idrîsi il préféra le séjour dans le

horm. Le Sultan ordonna alors aux habitants de Fâs de

ne plus avoir de rapports ni de communications avec son

frère, et de ne rien vendre ni acheter a ses serviteurs

quiconque enfreindrait ces prescriptions serait puni.

Voyant avec quelle rigueur son frère le traitait, Mawlay

Abdelmalék manda aussitôt son fils auprès des ‘Abîds

pour les prier de lui garantir la vie sauve etleur promettre

de les suivre partout où ils voudraient.

 

Le bâcha Sàlem Ecldoùkkâli se rendit alors auprès de

lui avec cinquante Qâ’îds, et tous lui jurèrent dans le sanc-

tuaire Idrîsi qu’aucun mal ne lui serait fait. Ils sortirent

du horm avec lui et l’amenèrent devant son frère qui or-

donna de le conduire enchaîné à Miknâs. Dès qu’il arriva

dans cette ville, il fut emprisonné dans la maison du bâ-

cha Msâhél.

 

Le sultan Mawlay Ahmad quitta Fâs pour rentrer à Mék-

nès et tomba malade à peine arrivé. Quand il sentit venir

la mort, il donna l’ordre d’étrangler son frère ‘Abdelmâ-

lék l’exécution eut lieu dans la nuit du lundi au mardi

lor cha’bân. Le samedi suivant, 5 cha’bân, le Sultan expi-

rait, trois jours après son frère. Dieu leur fasse miséri-

corde

 

Le récit que nous venons de faire est celui que l’on

trouve dans le Boastûn il a été reproduit fidèlement par

Aboù ‘Abdallah Akensoûs.

 

J’ai trouvé la note suivante écrite de la main de mon

grand-père paternel, le fqîh, le professeur Abû ‘Abdallah

Muhammad bn Qâsém Elidrîsi Elyahyâoui Eljébbâri,

connu sous le nom de bn Zerroûq, qui vivait à cette

époque-là « Mawlay Ahmad bn Ismâ’îl, surnommé

Eddehebi, fut proclamé le jour de la mort de son père

(Dieu lui fasse miséricorde !) Il se produisit à cette époque

dans le Maghrib, et notamment à Elqsar et dans les envi-

rons, entre les tribus et les agents du Makhzen, de graves

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

désordres au cours desquels nombre de gens trouvèrent

la mort. Ce Commandeur fut déposé après un an et six mois de

règne, et remplacé, le dernier jour de rejeh 1141, par son

frère, qui se trouvait alors à Târoûdânt, dans l’extrême-

Soûs. Celui-ci arriva au palais impérial de Miknâs dans

la nuit du 27 ramadan. Son frère Mawlay Ahmad £YmeM/oû

se révolta contre lui le 10 moharrem 1152 et lui enleva de

force le palais impérial, une forte sédition éclata dans la

ville de Miknâs un grand nombre d’hommes tombèrent

dans le combat, et plusieurs furent même tués après la

lutte. Mawlay ‘Abdelmâlék. s’enfuit à Fâs, il fut suivi par

Mawlay Ahmad qui vint l’y assiéger pendant près de quatre

mois, et dut se rendre à lui sous le couvert de l’amân. II

fut mis en prison à Miknâs, et fut étranglé dans les der-

niers jours de rejeb. » Là finit cette note. Dieu sait quelle

est la vérité.

 

Mawlay Ahmad (Dieu lui lasse miséricorde !) ressemblait

beaucoup, dit-on, à Elamîn, fils d’Errechîd Al-’Abbâsi, par

sa mise, par sa frivolité et son amour du plaisir, son

manque de droiture et de sérieux, qui furent la cause des

troubles et de l’anarchie qui se produisirent. Ses contem-

porains affirment qu’avant d’arriver au pouvoir il n’avait

jamais assisté à un combat, et qu’il était pourtant coura-

geux. Les choses allèrent avec lui comme nous l’avons

dit: Dieu seul ordonne avant et après.

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah bn Ismâ’il

(Dieu lui fasse misériccorde!) 1

 

Mawlay ‘Abdallah bn Ismâ’il, qui avait pour mère la

noble dame Khenâtsa, fille du cheikh Bekkar Elmgafri,

s’était joint, pendant le règne de son père, à son autre frère

1. Texte arabe, IV» partie, page 59.

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ARCHIVES MAROCAINES

Mawlay ‘Abclelniàlék et était demeuré avec lui dans le Soùs.

Quand celui-ci fut proclamé a la place de Mawlay Ahmad

qui venait d’être déposé, il vint avec lui à Miknâs et ne

le quitta pas. Lors de la révolte des ‘Abîds contre Mawlay

‘Abdelmàlék, quand celui-ci alla se réfugier dans le sanc-

tuaire de Mawlay Idrîs, Mawlay ‘Abdallah partit pour Sijil-

mâsa et y vécut dans sa maison jusqu’à la mort de Mawlay

Ahmad, à la date que nous avons indiquée.

 

Les grands de l’Empire, ‘Abid et Udaya, tous les qaïds

et les chefs, se réunirent alors et tombèrent d’accord pour

prêter sermentde fidélité à Mawlay ‘Abdallah bn Ismâ’îl

qui était à cette époque à Sijilmâsa. Après avoir proclamé

son nom, et annoncé son avènement à Elmhalla et à Mék-

nès, ils envoyèrent une troupe de cavaliers pour le rame-

ner. Ils écrivirent en même temps aux gens de Fâs, en

leur exprimant leurs regrets au sujet de ceux de leurs

concitoyens qui avaient péri pendant le siège et en les

invitant à adhérer à la bay’a de Mawlay ‘Abdallah ben

Ismâ’îl. Dès que leur lettre arriva à Fâs, elle fut lue dans

la chaire de la mosquée d’Elqarouiyîn, et la proposition

qu’elle contenait fut agréée par la population.

Pendant ce temps, les cavaliers arrivaient auprès de

Mawlay ‘Abdallah et lui faisaient part de l’accord qui s’était

établi à son sujet dans la population. Le Commandeur se mit

rapidement en marche et descendit à l’extérieur de Fâs

à l’endroit appelé Elmehrès. Les ‘oulainâ, les chérîfs et

les autres notables de la ville se portèrent à sa rencontre

et vinrent le saluer. Ils témoignèrent de la joie de le voir

arriver, et le Sultan lui-même leur fit un accueil aimable,

leur adressa des paroles affables, leur promit sa bien-

veillance, et leur annonça que le lendemain il entrerait

dans leur ville pour visiter Mawlay Idrîs (Dieu soit satis-

fait de lui !). Ils le quittèrent ravis et satisfaits, et le

lendemain, parés de leurs plus beaux vêtements et de

leurs armes, et précédés de leurs bannières, ils se trou-

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DYNASTIE ALA0L1E DU MAROC

 

vèrent au rendez-vous fixé par le Sultan. Mawlay ‘Abdal-

lâli monta aussitôt à cheval, entouré de sa cour et des

gens de sa suite, parmi lesquels se trouvait Hamdoùn

EiTinïsi, l’ennemi des habitants de Fâs. Il fit son entrée

dans la ville par Bàb Elfeloûh.

 

Lorsque le Sultan fut au milieu de Fâs Elbâli, certains

courtiers de révolte, les fils de Uen Yoùsef, reconnurent

IJanidoùn Krroùsi, qui avait tué leur père, et se dirigèrent

vers lui. Celui-ci, qui les avait remarqués, s’était d’abord

éloigné d’eux, mais quand il se vit suivi par eux, il com-

prit leur dessein, el, mettant son cheval au galop, il arriva

auprès du Sultan, lui fit part de l’altitude des fils de Ben

oùsef, et en profita pour médire de toute la population

de l-‘ès. Le Sultan qui se trouvait déjà au pont d’Errestf

changea de décision, et retournant parle chemin de Jâma”

‘Elhoùt et par Cza bn ‘Amer, sortit de la ville par Bâb

Elhadid, se dirigeant sur FâsEljedîd, sans avoir accompli

sa visite à Mawlayldris. Personne ne savait alors le motif

de cette détermination, mais bientôt on le connut partout.

Les ‘ulâma de Fâs et les chéril’s se rendirent auprès du

Sultan et lui apportèrent leur serment de fidélité. Un des

fqîhs qui étaient. là lui présenta des excuses en lui disant

que ce qui s’était passé au sujet de Hamdoùn n’était le

fait que de quelques mauvais sujets. Le Sultan feignit de

ne rien entendre et fit la sourde oreille.

 

La bêta que les délégués de Fâs avaient apportée au

Sultan avait été rédigée par le fqih, le savant distingué

Abûl’oulâ Drîs hen Elmehdi Elmechchât Elniouâfi (cet

ethnique indique la descendance de Wbd Manâf bn Qasi)

qui avait été désigné autrefois par Mawlay Ismà’il pour

se rendre à Tadla avec son fils Mawlay Ahmad lorsqu’il

confia à ce dernier le gouvernement de cette province,

comme nous l’avons vu. Voici le texte de ce docu-

ment.

 

« Louange à Dieu qui a établi la justice comme soutien

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AliUHIVIiS MAHOCAINES

de l’empire, des sujets et des créatures, et l’injustice

comme germe de mort pour la culture, les animaux et

tout le pays, qui dirige le juste de sa sollicitude et réserve

au tyran son châtiment pour le jour du jugement, qui

placera les justes dans les chaires lumineuses au jour de

la résurrection et jettera les oppresseurs dans les tour-

ments, les tristesses et les peines Le plus bienheureux

parmi les rois au jour du jugement dernier sera celui qui

aura suivi le droit chemin envers ses sujets, et qui aura

réparé les dégâts causés sur la terre par le tyran.

« Nous lui rendons grâces d’avoir daigné nous donner

un chef juste nous le remercions de nous faire adminis-

trer par un Commandeur qui devant le bon droit ne prêtera pas

l’oreille aux propos des calomniateurs, puisqu’il a choisi

pour nous gouverner un khalife de la descendance de notre

intercesseur au jour du jugement dernier.

 

« Nous attestons qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu

seul, qu’il n’a pas d’associé, qu’il ne doit pas compte de

ses actes, qu’il donne le pouvoir et le retire à qui bon lui

semble, au moment qui lui plaît.

 

« Nous attestons que notre Seigneur, notre Prophète et

notre Maître Muhammad est son esclave et son Envoyé,

qu’il sera l’intercesseur de tout son peuple, le jour où

aucune excuse ne pourra servir aux méchants, et où l’on

n’acceptera plus des tyrans une rançon en biens récents

ou anciens. Que Dieu prie sur lui et sur les membres de

sa famille qui ont apporté la Loi sainte et effacé l’injustice

d’un trait de plume

 

« Ensuite

 

« Nous commençons par louer Dieu qui a prescrit

l’obéissance au Souverain et a promis le triomphe avec

son appui à celui qui soutient la religion. En effet, le Pro-

phète (sur lui soit le salut !) a dit: « Celui qui mourra

sans porter à son cou la béVa mourra comme on mourait

au temps de l’erreur. » Dans le Sahîh de Moslim, on rap

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DYNASTIE ALA0U1E DU .MAROC

 

porte que le Prophète (Dieu prie sur lui et lui donne le

salut!] a dit: « Si quelqu’un veut diviser ce peuple, qui i

forme un tout complet, faites tomber sa tète d’un coup

d’épée. » Dans le Sahîh de Moslim, on rapporte aussi que

le Prophète (^Dieu prie sur lui et lui donne le salut !) a dit

« Si quelqu’un vient auprès de vous au moment où vous

ètes tous d’accord sur un seul homme, et veut répandre

la division parmi vous, tuez-le. » Dans le Sahîh, d’Elbo-

khâri, on rapporte que Ibn ‘Abbâs (Dieu soit salisfait de

lui !) a dit: « L’Envoyé de Dieu (Dieu prie sur lui et lui

donne le salut !) a dit « Celui qui aura à souffrir en quelque

chose de la part de son Commandeur devra patienter, car celui

qui s’écartera d’un seul empan du Sultan mourra comme

on mourait au temps de l’erreur, » Dans le même recueil,

on rapporte que Aboîi Horéïra (Dieu soit satisfait de lui U

a dit: « L’Envoyé de Dieu (Dieu prie sur lui et lui donne

le salut !) a dit « Quiconque m’obéira obéira à Dieu qui-

conque me désobéira désobéira à Dieu. Quiconque obéira

à mon souverain, m’obéira quiconque désobéira à mou

souverain, me désobéira. » Le Commandeur des Croyants, ‘Omar

ben Elkhattâb (Dieu soit satisfait de lui !) a dit à Ibn

‘Oqba « Tu ne me reverras peut-être plus à partir de ce

jour je te recommande de craindre Dieu et d’obéir au

Commandeur, fut-il même un noir abyssin. » Les Pères de la

religion s’accordent à dire que la constitution d’un chef

est obligatoire pour tous les musulmans, et que l’obser-

vation de cette obligation est un de leurs devoirs, ainsi

que le prouvent les textes des hadîts et des versets. Le

poète a dit

 

« A quoi sert un peuple d’égaux qui n’a pas de chef

II n’y a pas de chef si ce sont les sots qui sont les

maîtres. »

 

« Dieu ayant ordonné l’exécution de sa volonté et de ses

décrets en rappelant à lui son khalîfa et en l’envoyant dans

la tombe, les musulmans ont été efl’rayés et ont redouté la

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ARCHIVES MAROCAINES

continuation des guerres et des révoltes. Ils se sont adres-

sés à lui (qu’il soit glorifié !) pour qu’il fasse rentrer les

épées dans leurs fourreaux, et l’ont prié d’avoir la bien-

veillance d’écarter d’eux toutes sortes de persécutions et

de tourments. Le généreux a accédé à leurs prières il a

dissipé le chagrin et la tristesse; il a étendu sa miséri-

corde et oublié ses ressentiments; les cœurs qui étaient

dans l’adversité ont retrouvé le honheur les visages qui

étaient attristés sont devenus souriants les guerres et les

révoltes se sont enfuies les signes de la paix et de la tran-

quillité sont apparus. Dieu a dirigé vers les bonnes

rruvres les cohortes musulmanes et leur a inspiré une

détermination utile aux intérêts des affaires humaines, de

la religion, du pasteur et de ses brebis, leur avis bien

dirigé, leur jugement guidé et droit, a décidé de prêter

serment à celui qui s’est élevé dans le séjour de la félicité

dont la pleine lune s’est levée et est montée dans le firma-

ment de la gloire, à l’Imâm magnanime, issu de ‘Ali, issu

de Hâchem, qui est la justice même dans les jugements,

qui se distingue par sa générosité, sa bravoure, son éner-

gie, sa fermeté, sa vigueur et son audace, qui s’humilie

devant Dieu, et qui s’en remet à Dieu de toutes ses a flaires,

au Commandeur des Croyants, notre Maître ‘Abdallah, fils du

chérif glorieux, illustre et noble, du Commandeur des Croyants

notre Maître Ismâ’ll, fils de notre Maître Echchérif. Elles

lui ont prêté serment (Dieu le glorifie !) conformément au

Livre de Dieu et à la loi de son Prophète, et dans une pen-

sée de justice qui est leur plus cher désir leurs cœurs et

leurs bouches se sont engagés à respecter ce serment vers

lequel têtes et pieds se sont hâtés avec humilité et sou-

mission. Les musulmans ne cesseront pas de lui obéir,

et ne s’écarteront pas du chemin de la communauté. Ils

ont pris à témoin contre eux le monde invisible qui sait

tout ce qui est caché, en disant « Nous t’avons proclamé

nous t’avons pris pour chef, afin que tu nous gouvernes

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

ARCII. MAROC. 12 *-)

 

avec justice, bienveillance, fidélité à tes engagements et

sincérité etalin que tu tranches nos diflérends conformé-

ment à ta vérité, ainsi que l’a dit le Très-Haut au Prophète

à qui il inspirait la révélation « 0 David, nous t’avons

nommé notre lieutenant sur la terre pends la justice aux

hommes conformément à la vérité. » Dieu a dit encore et

sa parole est une parole de vérité: « Celui qui observera

la promesse qu’il aura faite envers Dieu, je lui réserverai

une immense récompense. » Le Très-Haut a dit aussi:

« Ne soutiens pas les traîtres. »

 

« Ces sujets demandent à leur Maître de soutenir et

d’aider leur souverain, de jeter la frayeur dans le cœur

de ceux qui voudraient lui résister, de lui faciliter ce qui

n’a pu être réalisé par un autre, et de lui donner l’appui

de son puissant secours. Il peut ce qu’il veut et sait exau-

cer les prières; il tient entre ses mains la force et le pou-

voir. Quel excellent maître quel excellent aide

« Témoignage est donné de ce qui précède en son

propre nom et au nom de ses compagnons par l’esclave

humble, criminel et méprisable, qui la dicte et écrit, Drîs

ben Elmehdi Elmechchât, en présence d’un tel et d’un

tel (suivent les noms des i’qihs et des notables,1 le lundi

7 ramadan de l’année 11A1. »

 

Le Sultan partit de suite pour Miknâs, comme nous

allons le rapporter.

 

Inimitié entre le Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallâh

et les gens de Fâs ses motifs

 

Nous venons de rapporter que, Haindoùn Erroùsi avait

indisposé le sultan Mawlay ‘Abdallah contre les gens de

Fâs et qu’un des fqîhs avait présenté des excuses à cet

1. Texte arabe, IV” partie, p. 61.

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ARCHIVES MAHOCAINES

égard au Sultan. A la suite de cela, celui-ci leur avait

ordonné de lui envoyer un contingent d’hommes qui

devraient raccompagner suivant usage. Ils lui fournirent

les 500 hommes qui prenaient pari aux expéditions avec

les souverains ses prédécesseurs; cette troupe partit avec

lui pour Mélcnès.

 

Quand le Sultan fut installé dans sa capitale, il recul les

notables du Diouûn, les gouverneurs des tribus et les

dépulalions des villes el des campagnes, et distribua de

Fargeii’ à tout le inonde, excepté aux gens de Fâs qu’il

exclut entièrement de ses libéralités. A la tête de la rup-

ture du jeûne, les délégations des villes vinrent assister

comme de coutume aux cérémonies avec le Sullan. Les

envoyés de Fâs vinrent aussi et accompagnèrent le Sul-

tan au Msallà pour la prière de la l’été. Au retour de la

prière, les gens apportèrent leurs cadeaux au Sultan, el t

parmi eux étaient les gens de Fâs, comme d’habitude. Des

présents furent distribués les délégués de Fâs ne reçu-

rent encore rien cette fois.

 

Je suis persuadé qu’un diable à l’orme humaine avait

pris possession de ce Sultan et l’excitait contre les gens

de Fâs pour faire naître l’inimitié entre eux et lui, sinon,

comment expliquer qu un grand roi ait ainsi de propos

délibéré cherché à irriter contre lui des sujets qui

forment l’élite, le noyau et le centre de la population, et à

semer la haine dans leurs coeurs? En supposant même

qu’ils aient manqué aux convenances à son égard, est-ce

qu’on ne ne doit pas autant que possible ne pas faire allen-

tion à pareille chose, un Sullan plus que tout autre. Les

mounûfïq molestaient à tout moment le Prophète de Dieu

^Dieu prie sur lui et lui donne le salut !) et ses compagnons,

mais il était indulgent envers eux. « Ne les tuerons-nous

pas? » lui dit un de ses compagnons. « Comment? L’on

pourrait dire que Muhammad tue ses compagnons ? » a

répondit le Prophète. Il y a une ancienne maxime qui dit

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

la cécité feinte écarte bien des ninnx. Un poète a dit aussi

Nul riche n’esl Commandeur sur ses compatriotes le véritable

maître dans son pays est celui qui feint l’imbécillité. »

Le lendemain, le Sultan lit venir les gens de Fâs du

Mechouar. 11 sortit pour les recevoir, et quand ils se

furent levés à son arrivée et lui eurent fait les saluts

d’usage, il leur dit « 0 gens de l’es, écrivez à vos frères

de me livrer les bastions et les qasbas de votre ville qui

appartiennent au Makhzen el rentrent sous son adminis-

tration s’ils s’y refusent, j’il’ai moi-même ruiner leur

misérable bourgade. » Les gens de Fâs se déclarèrent

prêts à obéir et rentrèrent dans leurs campements. Le

soir même, ils partirent, marchèrent toute la nuit, et le

lendemain ils étaient aux portes de Fâs. Ils s’entretinrent

aussitôt avec leurs concitoyens et leur firent part des dis-

cours du Sultan et des projets qu’il avait arrêtés contre eux.

Dans une réunion qu’ils tinrent, les notables examinèrent

l’attitude de la population et celle du Sultan, puis ayant

fait apporter une copie de la bay’a, ils déclarèrent, après

avoir revu ses clauses, qu’ils n’avaient pas juré fidélité

au Sultan pour qu’il les traitât de cette façon et procla-

mèrent sa déposition. Les décrets appartiennent à Dieu

seul

 

Siège de Fâs par Mawlay ‘Abdallah

 

Après avoir proclamé la destitution du sultan MoùIay

“Abdallah, les gens de Fâs, décidés à lui résister énergi-

quement, se préparèrent à subir le siège. Ils commencè-

rent par faire annoncer dans la ville que les étrangers qui

voulaient s’en retourner dans leur pays, ou se mettre en

lieu sur, avaient trois jours pour le faire, puis fermèrent

les portes, prêts à combattre.

 

1. Texte arabe, IV” partie, p. 62.

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ARCHIVES MAROCAINES

Des qu’il apprit ce qui se passait à Fâs, le Sultan pré-

para une expédition et prit dans ce but toutes les disposi-

tions nécessaires. Il quitta Miknâs le 25 ehouwàl 11/rl et

vint s’établir sous les murs de Fâs. 11 divisa toutes ses

troupes en petits détachements, qu’il posta tout autour de

la ville, et leur permit de dévasler les environs, de démo-

lir les constructions, de couper les arbres et de ravager

les terrains de culture. Il fit ensuite combler la rivière, de

telle sorte que la ville fut privée d’eau. Les soldats com-

mencèrent l’attaque. A toutes les portes de la ville, on

combattait pendant tout le jour; dès que le soir venait,

les artilleurs et les convertis lançaient sur la ville des

boulets et des bombes, et les catapultes envoyaient des

pierres. 11 n’y avait pas de repos pendant le jour: la nuit,

on ne dormait pas. Bientôt, l’inquiétude devint considé-

rable, et la population tomba dans le désespoir. On arriva

ainsi jusqu’à l’année 1142, et la détresse ne fit qu’aller en

augmentant. Le prix des denrées s’était élevé, les vivres

devenaient rares, et le désordre ne faisait qu’augmenter.

Les assiégés finirent par envoyer demander la paix au Sul-

tan, qui imposa comme condition l’abandon des bastions

et des qasbas. Mais ils ne voulurent pas y consentir et re-

commencèrent à lutter. Peu de temps après, la paix fut con-

clue par l’entremise du Qâ’îd Aboù ‘Abdallah Mhammed

Esslaoui, au mausolée de Mawlay Idris (Dieu soit satis-

fait de lui !) Des chérîfs et des de la ville accom-

pagnèrent ce Qâ’îd chez le Sultan qui était alors à Fâs El-

jedid celui-ci leur fit bon accueil et les gratifia de 1.000 di-

nars et de vêtements puis il leur donna comme gouver-

neur Elliâddj Aboùlhasan ‘Ali Esslaoui. Le nouveau qàïd

vint s’installer dans la qasba le 2 rabî’ II 1442 et établit

dans les bastions et les qasbas des combattants choisis

parmi ses hommes. Le premier acte de son administra-

tion fut de mettre à mort le chéïkh Dahinàn Elmenjdd, un

des chefs de Fâs. Quand il eut connaissance de cet acte,

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DYNASTIE ALAOUlli DU MAIIOC

 

le Sultan le destitua cl le remplaça par un des lils de Uam-

doûn Erroùsi, appelé Klbàdési. l’oit de temps après, ce-

lui-ci lui révoqué cl Abdennébi lien ‘Abdallah Erioùsi lut

nommé à sa place, puis destitué, avant le. départ du Sultan

pour Miknâs. Le Sultan (|iiitla Fâs le 20 ral>i’ I’1′, en y lais-

sant comme gouverneur llamdoùn Ei-roùsi, l’ennemi juvé

de la population.

 

dette année-ln, il enleva a;: Uedjà/ pour y accomplir le

pèlerinage, son lils Mawlay .Muhammad, qui était encore

impubère, et sa mère, la séyyidu KhemUsa. L’auteur du

Nachr Elmalsùni place ce pèlerinage en l’année 1 L/|3. Il

ajoute « La sêyyida Khenûtsa Klmgal’riva, lille du chéïkli

liekkàr, et mère du sultan Moùlav ‘Abdallah, supplia son

fils de la laisser partir pour l’Orient afin d’y accomplir le

pèlerinage à la maison sacrée de Dieu. Celui-ci accéda a

cette demande, et lui prépara tout ce dont elle pouvait

avoir besoin. 11 fit partir avec elle sou fils Sidi Muhammad

heu ‘Abdallah, par lequel Dieu a alïerini les alla ires de ce

monde et de l’autre. Il lit le pèlerinage avec elle en l’an-

née 1143. »

 

Expédition du sultan Mawlay ‘Abdallah contre les Berbers,

et leur défaite1. 1.

 

Rentré à Miknâs, Mawlay ‘Abdallah se préoccupa de la

situation des Berbers et constata qu’ils étaient revenus à

leurs anciens errements ils possédaient des chevaux et

des armes et se livraient au brigandage sur les routes. Il

ordonna alors aux ‘Abids de se préparer à entrer en cam-

pagne, afin de paciliei* le pavs et de mettre lin à leurs

crimes. Puis il partit pour le Tàdla, dans le but de réduire

les Ait Zemmoùr. Cette tribu était venue s’établir dans

1. Texte arubi-, IVe partie, p. (12.

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ARCHIVES .MAROCAIN liS

cette contrée après avoir élé chassée de son territoire, il

la source de la Melouiya, par les Ait Ou ‘Màlou (|iii s’en

étaient emparés. Ils enlisaient un grand préjudice aux habi-

tants de cette région, c| ni apportaient contre euxdes plaintes

continuelles à la porte du Sultan. Mawlay ‘Abdallah mar-

cha donc contre eux, mais dès qu’ils apprirent son arri-

vée, ils s’enfuirent devant lui, sur le territoire des Ait

Isri. Le Sultan les y poursuivit, et après les avoir battus

sur l’Oued El’abid, leur tua des milliers d’hommes et leur

enleva ce qu’ils possédaient. Après cette victoire, il revint

dans le Tàdla.

 

Le sultan Mawlay ‘Abdallah commet des injustices néfastes pour

la bonne administration et des actes de nature à discréditer

le pouvoir i.

 

Pendant son voyage au Tàdla, le sultan Mawlay ‘Abdal-

làh fit tuer vingt des principaux archers de Fâs, et écrivit

ensuite à leurs concitoyens, pour s excuser de leur meurtre

et leur demander de lui envoyer un nouveau contingent.

Ce contingent fut désigné et envoyé au Sultan, après

avoir été passé en revue par le qàïd Hamdoùu Erroûsi à

Râs Elniâ. Le lendemain, celui-ci mit à mort deux notables

de Fâs, ‘Abdelouàhéd Tibér et Muhammad bn Elachhab,

à la porte de la prison, et fit ensuite traîner leurs corps

à travers les rues de la ville. Le surlendemain, il passa

successivement devant les portes de Fâs et les fit détruire.

Il fit démolir ainsi Bàb Elmahroùq, Bâb Elfetôùh, Bàb

Elguisa, Bâb Beni Msâfcr et Bâb Elhadîd, et transporter

tous leurs vanleaux à Fâs Al-Jadîd. Puis, le lLr moharrem

1143, il fit commencer la démolition du mur d’enceinte de

la ville, dont les matériaux furent également emportés à

1.Texte arabe, IVe partie, p. 62.

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC:

 

Fâs Al-Jadîd. l’oinlant ce temps, le Sultan écrivit qu’il par-

donnait aux (jens de Fâs cl qu’il ne lour reprochait plus

rien: ce (|iic voyant, Ilnindoùn Krroùsi, inquicl du soit

qui l’attendait, s’enfuit au Zerhoùn.

 

.\u retour de son expédition dans le Tàdla, le Sultan

demeura peu de temps à Méluiès, puis dirigea une autre

campagne dans le Soùs. Il pacifia celle région et revint à

Miknâs victorieux.

 

La même année, il fit construire à Miknâs la porte appe-

lée lîàb Mansoùr El’eulj, remarquable par ses grandes

proportions et sa beauté. et termina dans les meilleures

conditions le mur de la qasba. Dieu sait quelle est la vérité

Le sultan Mawlay Abdallah fait démolir Me dînât Erriyâd

à Miknâs l.

 

Medinat Errivàd da ville des jardins) était la parure et

la beauté de Miknâs. Celait là que se trouvaient les cons-

tructions élevées par les grands de l’Empire du Commandeur

des Croyants, Mawlay Ismû’il (Dieu lui fasse miséricorde!,)

Elle renfermait les maisons des gouverneurs, des qàïds,

des secrétaires et de tous les hauts fonctionnaires de la

Cour isma’ilienne bref, quiconque possédait un emploi

au service du Sultan v avait fait élever son habitation. Les

grands et les hauts personnages avaient a Terni construit

de belles demeures, de beaux palais et avaient réussi. La

maison de ‘Ali bn Ichcho, par exemple, contenait vingt-

quatre enceintes commandées par une seule porte. Celle

du qàïd ‘Abdallah Erroùsi et de ses enfants était aussi

considérable, peut-être même plus vaste et plus élégante,

et formait à elle seule un véritable quartier. Les autres

Qâ’îds avaient des demeures du même genre, ou à peu

1. Texte arabe. IV’ partie, p. 63.

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ARCHIVES MAROCAINES

près: elles renfermaient des constructions immenses et

des bâtiments somptueux, et chaque c| A i’d avait édilié

une mosquée dans son quartier. Au milieu de cette ville,

se trouvaient la grande mosquée de Moùlav Ismà’il, sa

mdersa, son Iiammâm, ses fondarjs et ses marchés, dont

il avait fait des biens inaliénables et où affluaient des mar-

chandises qu’on n’aurait pas trouvées ailleurs. Mais, un

jour de malheur, le sultan Mawlay ‘Abdallah moula à che-

val dès le matin, et posté sur une colline élevée d’où il

dominait toute cette ville, il ordonna aux chrétiens et aux

Cha’ûbniya de la démolir. Ces ouvriers se mirent aussitôt

à lVuvre de tous côtés, pendant que les habitants étaient

endormis. Quand ils s’éveillèrent, ils virent leurs maisons

tomber les unes après les autres: ceux qui se hâtèrent

purent sauver leurs hiens et leurs ell’ets, mais ceux qui

n’avaient personne pour les aider, ou qui ne se pressèrent

pas d’emporter leurs hiens, furent enfouis sous les ruines.

Il y avait dans cette ville un certain nombre d’oncles du

Sultan et d’Udaya. Les Udaya furent transportés à l-‘ès

Eljedîd, où ils allèrent rejoindre ceux de leurs eontri-

hules qui y étaient déjà installés; les autres gens se dis-

persèrent dans Miknâs. Dix jours a peine s’étaient écou-

lés que Medînât Erriyâd n’était plus qu’un monceau de

décombres les murs seuls restaient encore debout et s’af-

faissaient à vue d’uvil. Les décrets appartiennent à Dieu

seul

 

On rapporte que cette année-là, le Sultan envoya en

expédition le Qâ’îd Abon ‘Amrân Moùsa Eljerrâri avec

trois cents hommes. Quand cette colonne revint, le Sul-

tan fit mettre à mort le chef et ses soldats. l’ne déléga-

tion, composée du même nombre d’hommes environ, qui

avait été envoyée au Sultan par le bâcha Ahmad bn ‘Ali

Errîfi pour lui apporter les présents de ce gouverneur, fut

également mise à mort. Ce meurtre décida ce dernier à se

révolter coutre le Sultan et à tenter de renverser son gou-

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DYNASTIE ALA0C1E DU MAROC

 

vernemeiit. Deux cents hommes de la tribu de Hajâoua

furent tués a cause d’une réclamation pour un vol à main

année qui s’était produit sur leur territoire. Ouaiul, leur

exécution ordonnée, ces gens furent conduits à l’endroit

où ils devaient être mis à mort, des curieux et des badauds

de la ville étaient allés voir ce spectacle à liàb Elbetioui.

Le Sultan sortit inopinément par cette porte et, voyant

cet attroupement, se dirigea de son côté. EH’rayés, ces

gens s’enfuirent vers une caverne proche de là et s’y ca-

chèrent. Le Sultan les suivit jusqu’à la porte de la caverne

près de laquelle se trouvaient des pierres qui avaient été

placées là pour y faire des constructions. Il ordonna aus-

sitôt aux msakhrîn qui l’accompagnaient de déposer leurs

armes, et de boucher l’entrée de la caverne avec les

pierres et de la terre. Cet ordre fut aussitôt exécuté, et

les nombreuses personnes qui étaient là moururent étouf-

fées on n’a jamais su ce qu’elles étaient devenues et on

n’a jamais connu leur nombre. Eu apprenant ces actes

ignobles (Dieu les lui pardonne !) les ‘Abids du Dîouân de

Médira’ Erremla écrivirent au Sultan pour lui faire part

de l’horreur que leur inspirait le meurtre immérité de ces

musulmans: Mofday ‘Abdallah leur répondit en leur en-

voyant leur solde et en leur donnant l’ordre de se préparer

à partir en expédition contre les habitants du FAz-Zàz, afin

de détourner leur attention.

 

Cette année-là, le Sultan envoya à Fâs Muhammad bon

‘Ali bn Tchcho Ez/eniinoùri Elqebli comme gouverneur,

en lui faisant la recommandation suivante « Prends l’ar-

gent de ces gens-là et jette-le dans l’Oued Boù Lkherà-

réb ne leur laisse rien: ce n’est que l’argent qui les a

rendus tellement orgueilleux qu’ils ont méprisé le pou-

voir. » Muhammad bn ‘Ali s’installa, à son arrivée, à Fâs,

dans la maison de Bou ‘Ali Erroùsi a Elma’adi. Il désigna

par chaque quartier des espions connaissant bien les gens

aisés, avec mission de les lui amener. Quand ils furent

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AltCllIVIiS MAIiOCAl.MiS

 

Ions réunis chez lui, il tes fit mettre en prison. lOnsiiilo,

il ini|)o.s;i à la population d’abord 000.000 nulsqdls cliacjue

négociant ou propriétaire dosait contribuer an paiement

de ce cliiil’i-e par des souimes variant entre 1.000 à 10.000

milsijdla. Oiuiud il .se mil apercevoir celle imposition,

ceux qui montrèrent peu d’empressement à payer furent

bàlonnés et mis en prison quant à ceux qui s’enfuirent, il

emprisonna soit leur lils, soit leur femme, soit leur frère

il arriva ainsi à se faire verser la somme tout entière. Ce

fut ensuite le tour tics artisans, des ouvriers d’industries

et des propriétaires de terrains en dehors de la ville, en-

tre autres des laboureurs: ceux-ci durent payer une forte

somme pour laquelle la pari contributive de chacun variait

de 100 à [.000 milsf/dls. De celte façon, il n’y eut personne

dans la ville qui n’eût été taxé. 11 se produisit. alors un grand

exode îles habitants vers les campagnes, les bourgades et

les montagnes des yens allèrent même jusqu’au Soudan,

à Tunis, en Kgyple et en Syrie. Il ne resta plus à l-‘èsque

les femmes, les enfants et les misérables. Ceux qui avaient

été emprisonnés s’enfuyaient eux-mêmes, des qu’ils avaient

recouvré la liberté, sans s’occuper de leur famille et de

leurs enfants. Muhammad bon ‘Ali se livra à ces actes

pendant treize mois au fur et à mesure qu’il recevait de

l’argent, il l’envoyait au Sultan, à Miknâs. Ces affaires se

passèrent entre l’année H/|3 ou ll/|/| et l’année 11/iij.

Le sultan Mawlay ‘Abdallah envoie le « Jaysh » des ‘Abîds contre

les gens de FAz-Zâz qui le mettent en déroute1

 

En ll/|6, le Sultan réunil un corps de troupe composé

de 15.000 hommes du gaéïcli des ‘Abîds commandés par le

bâcha Qdséin bn liéïsoùn, auquel il adjoignit 3.000 hom-

J. Texle .îrnljo, IV” partie, p. 64.

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DYNASTIE ALAOUUi DU MAROC

 

mes du yuéïch \lui\dù\ a, sous les ordres du qaïd ‘Abdel-

niàlék bon Hoù (ilicfra, uL l’envoya dans les montagnes

des Ait Ou ‘.Màlou. Oiinnd cette ai-inée eut Franchi l’Oued

Ouinin errabi” au pont d’Klbroùj et qu’elle se lût installée

dans la plaine d’Adùkhsàn, lc:s lierbers firent semblant de

s’enfuir devant elle et allèrent se cacher dans les mon-

tagnes.

 

Les ‘Abids les poursuivirent et s’engagèrent dans les

montagnes ils dévalaient dans les ravins et les lîerbers

s’enfuyaient devant eux de Ions côtés, tandis que la pour-

suite des ‘Abids continuait, Knlin, le soir, les lîerbers en-

voyèrent des gens pour barricader les cols et les passes

par lesquels était entrée l’armée du Sultan. Le lendemain

matin, quand toutes les ouvertures furent complètement

bouchées avec des troncs de cèdre et des blocs de rochers,

les Berbers fondirent de tous côtés sur le yuéïch et lui

livrèrent combat avec impétuosité. Les ‘Abids furent mis

en déroute, et quand ils arrivèrent aux cols par lesquels

ils étaient entrés, ils les trouvèrent, obstrués. l’ris de peur,

en pleine détresse, ils se poussèrent devant ces obstacles

et durent descendre de leurs chevaux et abandonner leurs

montures, leurs armes, leurs tentes et leurs bagages, qui

tombèrent au pouvoir des Berbers. Les autres soldats

furent dépouillés de leurs vêtements, mais pas un seul

homme ne fut tué par les Berbers. Les ‘Abids revinrent à

Miknâs à pietl et complètement nus. Cette délai te, jointe

aux exécutions sanglantes dont leurs chefs avaient été vic-

times, provoqua la haine des ‘Ahids contre le sultan Moù-

lay ‘Abdallah, à l’instigation duquel, disaient-ils, cette ex-

pédition avait été entreprise. Malgré cela, le Sultan leur

donna de l’argent et des vêtements et leur promit de répa-

rer toutes les pertes qu’ils avaient subies. Ils retournè-

rent ensuite à Mechra’ Erremla, irrités de sa conduite à

leur égard.

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AHCIUVIiS MAROCAINES

 

Révolte des ‘Abîds contre Mawlay ‘Abdallah, qui s’enfuit à Oued

Noûl ses conséquences1.

 

Eu l’année 1L47, les choses achevaient de se gâter entre

les ‘Abids et le sultan Mawlay ‘Abdallah (Dieu lui fasse

miséricorde ‘.) 1)11! avait tué presque tous leurs chefs pour

venge le meurtre qu’ils avaient commis de son frère

Mo.’ilav ‘Abdelmàlék, avec lequel il était en bons rapports.

Il lit ainsi disparaître tous ceux qui avaient combiné cet

assassinat, qui y avaientpris partou qui l’avaient approuvé:

plus de 10.000 ‘Abîds furent mis mort pour cette raison.

Il tut donc décidé entre eux qu’ils le déposeraient et le

tueraient. Informé de ce dessein par l’un d’eux, Moùlav

‘Abdallah s’enfuit de Miknâs, pendant la nuit; le lende-

main matin, il arriva au campement des Ait Idrâséii. Les

gens de cette tribu furent heureux de le recevoir et le

traitèrent avec déférence. Quand il voulut partir, ils l’ac-

compagnèrent jusqu’au Tâdla là ils lui firent leurs adieux

et retournèrent dans leur pays. Le Sultan continua sa

route jusqu’à Morràkch, et de là se rendit dans le Soùs où

il s’arrêta chez ses oncles maternels, les Mgàfra à Oued

Noùl. Il était accompagné de ses fils, Mawlay Ahmad qui

venait d’atteindre la puberté, et Mawlay Muhammad qui

devint plus tard Sultan et qui était encore enfant. Il resta

chez les Mgàfra plus de trois ans.

 

Quant au gouverneur de Fâs, Muhammad bn ‘Ali ben

Ichcho, il s’enfuit de Fâs pendant la nuit, dès qu’il apprit

la fuite du Sultan de Miknâs, et alla se réfugier dans le

Zerhoùn, où il arriva le lendemain matin.

 

1. Texte arabe, IV” pai-lie, p. 64.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Abûlhasan ‘Ali ben

Ismâ’îl, surnommé Ela ‘ré j (Dieu lui fasse miséricorde!)1 i

Après la fuite du Commandeur des Croyants, Mawlay ‘Abdal-

lâh hen Ismâ’lL de Miknâs vers l’Oued Noùl, tes ‘A))idsdu

Diouân se réunirent et se mirent d’accord pour mettre sur

le trône Mawlay Aboùlhasan bn Isnià’il, surnominé Ela-

réj. Comme ce Commandeur était alors à Sijilmasa, ils lui firent

part de cette nouvelle et lui envoyèrent leur lettre par

une troupe de cavaliers qui devaient le ramener. H se mit

en marche en toute hâte et trouva, eu arrivant à Sefroù,

une députation des notables de Fâs, composée de ché-

rifs et de ‘ulâma, qui était venue pour lui prêter ser-

ment de fidélité. Il fit un accueil aimable à ces envoyés et

leur témoigna de la bienveillance. Il arriva jusqu’à Fâs

Al-Jadîd, et leur donna comme gouverneur .Més’oùcl Er-

roûsi (rabî’ II Il/i7), à qui il recommanda de ne percevoir

sur les habitants que les sekats et ‘achours légaux et les

petites taxes habituelles de hêdiyas.

 

Ce Commandeur (Dieu lui fasse miséricorde !) était clément et

modéré, et n’avait aucun instinct sanguinaire Dieu le

protégea sur la fin de son règne et lui assura le salut.

De Fâs, il se rendit ensuite à Miknâs, où. dès son arri-

vée, il reçut le serment du Jaysh. Tel est le récit que

l’on trouve dans le Bouslûn. J’ai entre les mains la note

suivante écrite de la main de mon aïeul paternel, le ff/îh,

le professeur Aboù ‘Abdallah Muhammad bn Qàsém ben

Zerroùq Elhasani Elidrisi « Le I’ djoumàda lcl’ll/|7, les

“Abîds d’Erremel se révoltèrent contre le Commandeur des

Croyants Mawlay ‘Abdallah bn Isma’il et annulèrent sa

bêta. Ils proclamèrent a sa place son frère Mawlay ‘Ali,

dont la mère était ‘Aïcha Mbarka. Mawlay ‘Abdallah quitta

1. Texte arabe, IVe partie, p. fis.

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AIICIIIVES MAROCAINES

 

son palais de Miknâs, en emportant des chevaux, des

armes et de l’argent, sans qu’il y ait eu ni bataille, ni

combat, et son livre, Mmïlav ‘Ali, y outra le vendredi

djomnada II de la même année. Kent le 2 du même

mois, par .Muhammad bn Zerroùq, Dieu le protège de

sa grâce »

 

Arrivé à Mékuès, le Sultan reçut les députations de

toutes les provinces, qui lui apportaient leur .serment et

leurs présents il les en remercia, puis distribua au gaéïck

tout l’argent qu’il possédait. Il fil alors arrêter la noble

dame Ivhenâtsn, lille de Bekkàr et mère du sultan Mawlay

‘Abdallah, et lui enleva tons ses biens. Il la tortura ensuite

pour lui faire indiquer l’argent qu’elle pouvait avoir ca-

ché, mais sans résultat. Cet acte fut une de ses fautes.

Dieu la lui pardonne! Aboù ‘Abdallah Akensoùs dit que

cette Khenâtsa qui fut la mère des Sultans (Dieu les glo-

rifie !) était une femme vertueuse, dévote et savante, qui

avait reçu les enseignements de son père, le chéïkh Bek-

kâr. J’ai vu, dit-il, son écriture en marge d’un exemplaire

de Vfsâba de Ibn Ilajar, certiliée par quelqu’un qui avait

écrit: « Cette écriture est sans aucun doute celle de la

noble Khenâtsa, mère du sultan Mawlay ‘Abdallah. »

Révolte des gens de Fâs contre leur gouverneur Més’oûd Erroûsi

leur rupture avec le sultan Aboùlhasan (Dieu lui fasse miséri-

corde !)’ ¡

 

Més’oùd Erroùsi, gouverneur de Fâs, fit mettre à mort

injustement Elhatldj Ahmad Boûdi, chef des Leintiyîn, et

lit traîner son corps à I3àb Elfetoùh, pour le punir d’avoir

inspiré le meurtre de son frère Hou ‘Ali Erroûsi après la

mort du sultan Mawlay Isniâ’il: nous avons déjà parlé de

t. Texte arabe, IV” partie, p. 65.

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAIiOC

 

ce fa il.. (Ici acte de Més’oùd détermina les gens de Fâs à

se réunir cl à s’armer pour se rendre chez, le gouverneur,

qu’ils voulaient tuer afin de lui faire expier le nieurlre de

leur ami. Mais Més’oùd s’enfuit, sans qu’ils pussent lu re-

joindre. Ils marchèrent alors sur la prison, en fracturè-

rent les portes, tuèrent les gardiens et les geôliers qui

s’y trouvaient et mirent les prisonniers en liberté. Quand

le Sultan apprit cela, il feignit de n’en rien savoir et en-

voya à l’es son frère Moùlav EhnouliUuli, accompagné du

qàïd Gàném Klhâddji, et porteur d’une lettre annonçant

aux habitants la (destitution de Mcs’oùcl KiToùsi et la no-

ininalion de Gâném Elhàddji..Mais ils ne voulurent pas

accepter ce dernier, cjn i dut repnrlir le I<Midemain pour

Miknâs. Cependant, sur les observations de gens de bien,

ils changèrent bientôt d’opinion, et firent partir avec Moù-

lay Elmouhtadi une députation de ‘onlamà et de shurfas,

qui devaient présenter un cadeau considérable nu Sultan,

en réparation de leur inconduite. Dès qu’ils furent reçus

par le souverain, celui-ci prit leur cadeau, leur énuméra

leurs fautes, puis les fit mettre en prison. La nouvelle de

cette arrestation produisit a Fâs la révolution la popula-

tion ferma tes portes de la ville et se déclara en rébellion.

Les gens de Més’oûd Erroûsi et tous ceux qui avaient

quelques rapports avec lui subirent tous les genres de

mort. La guerre fut déclarée également aux Udaya sur

tous les points. Au mois de ramadan de l’année suivante,

le Sultan dépêcha à Fâs l’un des qâi’ds des ‘Abids, le qàïd

Aboù Muhammad ‘Abdallah Elhamri. Ce personnage réu-

nit les habitants de la ville, excuse le Sultan auprès d’eux

et leur demanda d’envoyer à leur souverain une députa-

tion pour renouer avec lui de bonnes relations. Ce con-

seil fut écouté la population fit partir aussitôt des ‘oulamà

et des chérîfs, qui portaient au Sultan un cadeau très pré-

cieux. ‘Abdallah Elhamri écrivit lui-même à Mawlay ‘Ali,

pour les disculper et plaider leur cause. Le Sultan reçut

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ARCHIVAS MAROCAINES

 

ces envoyés, et après leur avoir adresses des reprocher,

leur pardonna el. donna la liberté à leurs frères eniprison-

nés. Le qaïd Abdallah Elhamri fut iiomnié gouverneur cl

la ville, mais, l’année suivante (1 1/|S), il l’ut destitué et rem-

placé par ‘Abdallah bn Elaehqar. Le calme revint et les

choses rentreront à peu près dans l’ordre.

 

Expédition du sultan Abûlhasan avec les ‘Abîds contre les

habitants du Jbal FAz-Zâz sa défaite l.

 

A la fin de cette année 1 J/i7, le Sultan lit ses prépa-

ratifs de campagne contre les Ait ou Wlàlou il accédait

aux désirs des ‘Abîds qui voulaient prendre leur revanche

de la dernière défaite que leur avaient infligée les lîer-

bers, du temps du Sultan Mawlay ‘Abdallah. Le Sultan se

mit en route au mois de moharrem 1149, à la tète d’une

nombreuse armée de ‘Abîds. Avertis de ses projets, les

IJerbers firent semblant de fuir, à son approche, comme

ils l’avaient fait la première fois. A mesure qu’ils recu-

laient, le Sultan marchait derrière eux et faisait les mêmes

étapes qu’eux. Ils franchirent ainsi l’Oued Oiimm Errabi”

et s’engagèrent dans leurs montagnes. Le Sultan traversa

le fleuve derrière eux les ‘Abîds s’avancèrent à leur

tour et gravirent les montagnes et les pentes escarpées.

Quand ils furent en pleine montagne, les Berbers les as-

saillirent tous à la fois, et fondant sur eux de tous les

cols comme des aigles, ils les cernèrent de tous côtés. Les

Abîds, mis en déroute, s’enfuirent aussitôt et se pous-

sèrent auprès des gorges; là ils furent traités comme à

la défaite précédente, et durent abandonner leurs chevaux,

leurs armes, leurs tentes et leurs bagages. Ils ne purent

sauver que leur propre personne, car les Berbers les

1. Texte arabe, IV» parLie,p. 6l>.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. lu

 

dépouillèrent même de leurs habits. Seul le cortège du

Sultan et sa suite ne furent pas inquiétés: les Bevhers se

contentèrent de marcher derrière lui jusqu’à ce qu’il eût

franchi l’Oued Oumm Errabi’. En rentrant i Méknôs, les

‘Abids réclamèrent au Sultan leurs costumes, leurs armes

et leur solde, mais celui-ci n’avait rien. à leur donner, ce

qui provoqua leur mécontentement contre lui et leur

donna des velléités de révolte. L’auteur du Nadir Elmat-

sûni résume ces nouvelles de la façon suivante En 1149,

Dieu fit périr tous ceux qui s’étaient révoltés contre le

sultan Mawlay ‘Abdallah les séditions augmentèrent, le

prix des denrées monta, la pluie fut rare, et la population

eut beaucoup à souffrir de la cherté des vivres; la graisse

et la viande manquèrent; enfin, nombre de personnes

moururent, et, comme la situation empirait, les gens

émigrèrent ailleurs.

 

Le sultan Mawlay ‘Abdallâh quitte le Soûs le sultan Mawlay

Abûlhasan se réfugie chez les Ahlàf ce qu’il fait jusqu’à sa

mort1.

 

Au mois de doûlheddja 11.49, on apprit que le sultan

Mawlay ‘Abdallah avait quitté l’Oued Noùl, et était arrivé

dans le Tàdla. Une grande émotion se produisit aussitôt

chez les ‘Abids, et beaucoup d’entre eux parlaient de le

ramener au pouvoir. Mais Sàlém Eddoûkkàli et ses parti-

sans étaient d’un avis différent, et déclaraient qu’ils res-

teraient soumis à Mawlay ‘Ali. C’étaient eux, en efl’et, qui

avaient provoqué la déposition de Mawlay ‘Abdallah et

qui avaient fait monter son frère Mawlay ‘Ali sur le trône.

Mais le parti de Mawlay ‘Abdallah, s’afî’ei’inissant de plus

en plus, finit par l’emporter et proclama ce Commandeur. Sâlém

1. Texte arabe, IV’ partie, page GO.

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ARCHIVAS MMÎOCAINIÏS

elles qàïds qui étaient avec lui durent s’enfuir il la Zàouya

de Zerlioùu, où il se réfugia. Dès qu’il apprit ce qui

se passait, le sultan Mawlay Abûlhasan quitta .Miknâs et

s’enfuit à FâsEIjedkl; les Udaya lui ayant refusé l’entrée

de la ville, il descendit jusqu’au pont de l’Oued Shou, où

il demeura un jour, ou une demi-journée, pour régler

quelque all’aire, et prit le lendemain la route de Taza. De

cette ville, il se rendit chez les Wrabs Elahldf. Il s’ins-

talla chez eux, car ils lui avaient fait bon accueil et l’avaient

traité avec égards. Comme ils lui oll’rirent même une de

leurs filles en mariage, il resta plusieurs années dans

cette tribu, ne songeant plus à la royauté et ne faisant

aucun effort pour la reprendre. Plus tard il revint à

Miknâs, où il se fixa, sur l’ordre de son frère, le sultan

-Mawlay ‘Abdallah, qu’il était venu voir à Dâr Edclebîbag,

près de Fâs, en 1169, et qui lui avait donné de l’argent,

des jardins et des terrains de culture appartenant au

Makhzen à Miknâs. Il y vécut dans sa maison, mais au

bout de peu de temps, les ‘Abîds l’emprisonnèrent à l’im-

proviste et l’envoyèrent à son frère, le sultan Mawlay “Ab-

dallah, en lui disant que ce Commandeur leur avait gâté leur

pays. Le Sultan, après l’avoir maintenu auprès de lui,

l’envoya en liberté au Tàfilêlt, où il demeura jusqu’à sa

mort, que nous allons relater (Dieu lui fasse miséri-

corde !)

 

Deuxième règne du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah

ben Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !)

 

Quand le sultan Mawlay Aboùlhasan s’enfuit de Miknâs

chez les Ahlâf, les ‘Abids et les Udaya se mirent d’ac-

cord pour proclamer Sultan Mawlay ‘Abdallah et lui pré-

1. Texte arabe, IV’ partie, page C7.

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DYNASTIE ALAOUIE DU .MAROC

 

tèroat surinent de fidélité, au moment où il se trouvait

encore dans le Tàdla leur exemple fut suivi les gens

de Fâs eL pur toutes les tribus. Ensuite Salem Eddoùk-

kàli, qui était dans le Zerhoùn, écrivit à la population de

Fâs que le Dîouùn était unanime à décider la déposition

de .Moula y ‘Abdallah et à reconnaître comme souverain

Sidi i .Muhammad bn Isinà’il, surnomme bn ‘Arbiya, et

demandait conseil à ce sujet aux ‘oulainâ de cette ville.

Ceux-ci répondirent qu’ils régleraient leur attitude sur

celle du DîOLiân. Dès qu’ils apprirent la conduite de Sàlém

Eddoùkkàli et les propos qu’il leur avait attribués, les

‘Abids partirent d’Elmhalla pour le Zerhoùn, etaprès s’être

emparés de ce personnage et des qàïcls qui étaient avec

lui, ils les envoyèrent au Sultan dans le Tâdla. Mawlay

‘Abdallah demanda au qàdi Boù ‘Inàn, qui était alors avec

lui, quelle décision il convenait de prendre à leur égard

celui-ci ayant émis l’avis qu’il fallait les tuer, il les fit exé-

cuter. Mawlay Muhammad bn ‘Arbiya, qui était dans le

Tâfilêlt, eut connaissance des dires de Sâlém Eddoùkkàli.

Il les considéra comme répondant à la réalité des faits, et

s’empressa de se mettre en route. Mais quand il arriva à

Sefroù, il apprit que son frère Mawlay ‘Abdallah avait été

proclamé Sultan, et que la population s’était de nouveau

soumise à lui. Tout décontenancé par cette nouvelle, il se

rendit en cachette à Fâs, où il demeura dans la maison du

chéïkh Aboù Zéïd ‘Abderrahinâii Echchâmi. Celui-ci, qui

était son ami et en qui il avait confiance, lui promit qu’il

monterait sur le trône. A son arrivée du Tâdla, le sultan

Mawlay ‘Abdallah fut salué par les gens de Fâs, parmi

lesquels se trouvaient les ‘oulamà et les chérîfs, et aussi

par les habitants de Miknâs, à Qasbat Bon Fekrân. Quand

ces députations furent en sa présence, le Sultan leur

adressa des reproches, et après leur avoir rappelé tous les

crimes qu’ils avaient commis, il fit mettre à mort les

notables. Il agit de même envers les délégués de Miknâs,

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ARCIHVKS MAROCAINES

dont il confisqua les biens, et révoqua leur qfldi Helqasém

Les chérîfs et les ‘oulaniâ de F es s’en retour-

nèrent, efl’rayés du sort qui les attendait, car le Sultan

leur avait encore donné comme gouverneur .Muhammad

lien ‘Ali bn Ichclio. Mawlay ‘Abdallah resta encore

quelque temps il Qasbat lîoù Fekràn il ne voulut pas

venir à Fâs, car il n’avait aucune confiance dans ses habi-

tants.

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Muhammad bn Ismâ’îl

surnommé bn ‘Arbiya ses causes l

 

La conduite de Moùlav ‘Abdallah envers les notables

de Fâs et de Miknâs qu’il avait tués et dont il avait con-

fisqué les biens, et le séjour qu’il faisait à Qasbat Bou

Fekràn pour éviter d’entrer en rapport avec la ville,

enhardirent les meneurs des Udaya de Fâs Al-Jadîd, qui

se mirent à infester les routes de leurs brigandages. Un

jeudi, ils fondirent sur les troupeaux de la ville et sur

les animaux amenés au marché, et leur donnèrent la

chasse ils ne laissèrent aux gens de Fâs ni vaches, ni

moutons, ni mules. Voyant cela, la population se réunit et

s’engagea par serment à déposer le sultan Mawlay ‘Abdal-

lâh et à choisir pour souverain Mawlay Muhammad ben

‘Àrbiya. On se rendit aussitôt auprès de ce Commandeur, qui

était dans la maison du chéïkh Aboù Zéïd Echchami, on

le pria de sortir et on conclut un pacte avec lui. Le

10 djoumâda Iur 1150, il fut proclamé. Tout ce dont il avait

besoin en fait de chevaux, d’armes et d’appareils de

guerre, lui fut fourni on vint à l’envi se soumettre à lui

et le servir. La bèï’a fut écrite le 15 du même mois et

signée par tous les docteurs. Quelques-uns d’entre eux

I. Texte arabe, IVe partie, page G7.

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DYNASTIE ALAOUIE DU M.U1OC

 

ayant refusé (le ta signer en disant (|ue, la béï a de Mawlay

‘Abdallah étant encore obligatoire pour eux, ils ne pou-

vaient pas le déposer, furent révoqués de leurs fonctions

et soumis à des vexations. Les gens de Fâs écrivirent aux

‘Abîds du Diouàn pour les aviser de ce qu’ils avaient fait

et leur demander leur adhésion. Ceux-ci accueillirent

favorablement cette proposition et proclamèrent Mawlay

Muhammad bn ‘Arbiya. Voyant (|iie le succès de son

frère était complet, le sultan Mawlay ‘Abdallah s’enfuit

dans les montagnes des IJcrbers, et y demeura. Les portes

de Fâs furent ouvertes ensuite, et le Sultan se rendit à

Fâs Al-Jadîd. Il partit le lendemain pour Miknâs, où, dès

son arrivée, il reçut le serment de fidélité des ‘Abîds ce

fut la que les dépulatious de toutes les contrées vinrent

lui apporter leurs présents. La réception terminée, le

Sultan distribua aux ‘Abhls tout l’argent qu’il possédait.

L’autorité du sultan Mawlay Muhammad bn ‘Arbiya commence

à diminuer conséquences de cette décroissance1. 1,

 

Les ‘Abîds ne se contentèrent pas de l’argent que leur

avait distribué le sultan Mawlay Muhammad lien ‘Arbi}ra.,

qui leur avait cependant donné tout ce qu’il possédait, et

réclamèrent davantage. Il laissa alors (Dieu le lui par-

donne !) piller les biens des musulmans, et se mit lui-

même à faire enlever de force dans toutes les maisons de

Miknâs les grains et les provisions qui s’y trouvaient. Il

fit fouiller tous les greniers et les silos. Si on lui signa-

lait quelqu’un qui possédait du blé ou de l’orge, il le fai-

sait arrêter et ne le relâchait qu’après avoir obtenu la

remise de ce qu’il détenait. Il s’empara aussi des grains

que les gens de la campagne apportaient à la ville. Leraé-

1. Texte arabe, IV» partie, page 67.

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Anciuvrcs m.uiocaines

 

contentement devint: général, cl. l’agitation se propagea

partout. Los habitants do Mékncs tjuit Lôron I la ville. Qui-

conque sortait était pille les routes furent coupées, cl

la population se trouva dans une situation très difficile Les

décrets appartiennent a Dieu seul

 

Attaque de l’écurie de Miknâs par le sultan Mawlay ‘Abdallah

ses conséquences

 

Le sultan Mawlay ‘Abdallah, qui était chez les Berbers,

entra pendant une nuit a Miknâs, accompagné d’un cer-

tain nombre de ses gens il pénétra dans l’écurie, tua

tous les ‘Abîcls qu’il y trouva, et partit après avoir mis le

feu à leurs chaumières. Aussitôt qu’il apprit cela, le Sultan

Mawlay Muhammad hen ‘Arbiva fit sonner la trompette

pour mettre tout le monde sur pied, et montant à cheval,

accompagné de ses cavaliers et de ses fantassins, marcha

contre le sultan Mawlay ‘Abdallah qui était alors à Elhâjéb.

Quand celui-ci vit les soldats qui s’avançaient contre lui,

et les cavaliers qui se pressaient à sa poursuite, il aban-

donna ses tentes et tout ce qu’elles contenaient, et prit la

fuite. Les ‘Abîds se livrèrent au pillage de son campe-

ment, et le suivirent jusqu’à l’Oued Melouiya, mais là,

il s’engagea dans les montagnes et ils perdirent sa piste.

A leur retour, les Berbers leur barrèrent, la route, fon-

dirent sur eux comme des torrents de tous les ravins et de

tous les pics, et après les avoir mis en déroute, leur enle-

vèrent tous leurs bagages, si bien qu’ils durent se cacher

pour revenir. L’auteur du Boustân ajoute que, lorsqu’ils

arrivèrent aux environs de Sefroû, Mawlay Muhammad

hen ‘Arbiva envoya un détachement du Jaysh contre les

faibles habitants de la région, notamment entre ElmzAdég

1. Texlo nrabe, IV* partie, page t!8.

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DYNASTIE Al.AOUIE nu MAROC

 

et autres bourgades, pour couper des letes, qu il envoya

ensuite à Fâs on les faisant passer pour des tètes de Her-

bers. Dieu sait quolle esl la vérité 1

 

Derniers événements du règne du sultan Mawlay Muhammad

ben ‘Arbiya troubles et misère qui les accompagnent 1.

A son retour de l’expédition qu’il avait conduite à la

poursuite de son frère Mawlay Abdallah, le sultan Mawlay

Muhammad bn ‘Arbiya, qui était encore i l’endroit que

nous avons indiqué, envoya à Fâs son frère, Mawlay

Elouâlid hen Ismâ’il. Ce Commandeur avait pour mission d’im-

poser aux habitants de la ville l’envoi d’un contingent,

mais ce n’était qu’un moyen d’arriver à prendre leur

argent, car ceux qui donneraient de l’argent devaient

rester dans leur maison mais ceux qui refuseraient par-

tiraient avec le contingent. L’émoi fut grand dans la

ville dès que ‘Mawlay Elouâlîd y arriva. Il arrêta aussitôt

Elhâddj Bon Jîda Barrâda qui refusait de se soumettre, et

après l’avoir tué, s’empara de ses biens et vendit ses pro-

priétés. Il emprisonna aussiElhâddj ‘Abdelkhaleq ‘Adéyyil,

dont il prit également les biens. Il s’attaqua ensuite aux

gens des zâouyas, qu’il dépouilla, et à tous ceux qui lui

étaient signalés comme ayant quelque aisance. Sa mission

terminée, il se rendit à Miknâs, où il se livra aux mêmes

actes qu’à Fâs envers les habitants, dont un petit nombre

seulement échappèrent à ses exactions.

 

Avec cela, une autre épreuve non moins terrible était

imposée en ce moment à la population, par la famine,

les troubles et le pillage des maisons pendant la nuit. Les

gens aisés ne dormaient pas. Presque tout le monde

s’adonna au vol. Les Oûdêva passaient leur temps dans

1. Texte arabe, IV” partie, page fi8.

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ARCHIVES MAnOCAlNES

les jardins en de la ville ils attaquaient les fou-

lons an bord de l’Oued Kô.s, et quand ceux-ci se mirent ù

blanchir leurs toiles à Mesmoùda, ils les leur votèrent;

enfin ils allèrent jusqu’à s’emparer des caravanes dans les

fondaqs eux-mêmes. Le Sultan ne faisait rien pour em-

pêcher cela et n’en prenait nul souci.

 

Aussi que de monde mourut de faim dans le cours de

cette période. Le gardien du Màristûn a raconlé que pen-

dant les mois de rejeb, clia’hân et ramadan, il avait fait

enterrer plus de 80.000 personnes, sans compter celles

qui avaient été inhumées par les soins de leurs familles

et de leurs amis.

 

En résumé, le règne de ce Mawlay Muhammad ben

‘Arbiya fut une période néfaste et malheureuse pour les

musulmans, de même que celui de son frère Mawlay El-

mostadi, auquel notre récit va nous conduire. Tout cela

était dû, Dieu sait si c’est vrai, à ce que les ‘Àbîds s’étaient

emparés du gouvernement qu’ils menaient avec leurs

intrigues, et dont ils se servaient pour satisfaire leurs

passions et arriver à leurs fins. Il est bien certain, en effet,

que les dépositions fréquentes suivies de nouvelles pro-

clamations ne peuvent qu’amener un pareil résultat. Nous

demandons à Dieu sa bienveillance et la sauvegarde de

nos familles, de notre religion et de nos biens dans le pré-

sent et dans l’avenir.

 

En parlant de cette année-là (1150), l’auteur du Nachr

Elmatsâni la dépeint ainsi « Cette année-là, l’armée des

révoltés contre Mawlay ‘Abdallah (les ‘Abids) subirent une

défaite complète, après avoir provoqué des désordres

considérables. Cette défaite leur fut infligée par les Ber-

bers. Les prix des denrées atteignirent une hausse très

élevée; les voleurs venaient attaquer les gens, la nuit,

dans leurs maisons, et les tuer ils avaient beau appeler

au secours, personne ne leur répondait. Il y avait du dan-

ger même aux portes des maisons qui forment la lisière

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DYNASTIE ALAOIjIE DU MAROC

 

de Fôs ainsi personne n’osait dépasser ISàl) Mesmoùda,

dans El’odoùn, ni la porte do la vieille qasba, la TA l’a,

ni le quartier d’Elhalïàrin, à lîâb Elguisa. 17 n grand

nombre (le maisons Curent démolies pour prendre les

poutres il y cut des ruines en niasse des quartiers en-

tiers se vidèrent: un derb qui comptait plus de 20 mai-

sons était abandonné complètement. »

 

« Pendant cette période, le f/jîh très docte AboùT baqâ

l’ich Echch.ioui fut mis à mort dans sa maison du quar-

tier d’Eddoùh sa mort fut le signal de l’évacuation de ce

quartier. Des gens qui étaient considérés comme des

hommes de bien et de piété se couvrirent de déshonneur.

Tous ceux qui purent s’enfuir de Fâs, partirent, mais

bien peu restèrent sains et saufs après leur sortie de la

ville. Un grand nombre d’habitants partirent pour Tétouan

et les régions voisines, afin d’en rapporter des provisions

de grains. Dieu avait bien voulu charger l’ennemi infidèle

d’amener des vivres dans le pays des musulmans. Les

gens de Fâs leur avaient fait des achats considérables,

mais les chameliers refusèrent de les transporter et ne leur

firent à ce sujet que des promesses dilatoires. Le chef du

pays, qui était à cette époque le bâcha Ahmad bn ‘Ali

Errîfi, fut saisi de leur plainte, et tout en feignant de

prendre leur défense, les trompa parce qu’il était en rébel-

lion contre le Sultan et contre quiconque lui était attaché.

Les chameliers, qui appartenaient à la tribu de Bdâoua, ne

firent que s’enhardir dans leur refus et leur mauvais vou-

loir les gens de Fâs ne purent expédier leurs provi-

sions qu’au bout de cinq mois environ ce qui fit périr

de faim un grand nombre de gens, dont la mort pèse sur

Ahmad bn ‘Ali Errîfi. On ne pouvait se procurer des

vivres, ni avec de l’argent, ni avec d’autres biens, et si

Dieu n’avait pas chargé l’ennemi infidèle d’apporter des

approvisionnements de grains au Maghrib, je crois que la

population tout entière aurait succombé.

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ARCHIVES MAHOH.MNES

« Celle situation était le résultat des émoules et des

révolutions contre les rois. Les propriétés cl les mar-

chandises n ‘alléguaient ])as le dixième de leur prix habi-

tuel. Dieu ne fit revenir la Irnnrjiiillilé au Maghrib que le

jour ou il voulut bien rappeler au pouvoir le sultan Mou-

lay v ‘Abdallah. »

 

Ici s’arrête le récit de Tailleur du Nachr Elmat&ûnl, le

fqîh, l’historien Sîdi Muhammad bon Ellayyéb bon ‘Abdes-

selâm ElqAdiri. Cet éci’ivfiin a été témoin des faits qu’il

raconte, car il vivait a cette époque.

 

Le 2/i safar de l’année suivante l’ilôl.), alors que la popu-

lation était dans la plus grande misère, les ‘Abîds se révol-

tèrent contre le sultan Mawlay Muhammad hen ‘Arbiya

ils s’emparèrent tic ce Commandeur et de son Qâ’îd, le chérîf Aboù

Muhammad ‘Abdelméjid Elmchâmri, gouverneur de Fâs,

et leur mirent les fers aux pieds. Ils chassèrent ensuite

Ben Arbiya et sa famille du palais impérial et l’internè-

rent dans sa maison sur l’Oued Ouislén, à Djenân Ham-

riya, sous la surveillance d’un poste de ‘Abîds. En même

temps ils écrivirent à son frère Mawlay Elmostadi hen

IsmA’il, qui était au TAfilèlt, pour le prier de venir auprès

d’eux afin de recevoir le pouvoir.

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Elmostadi bn Ismâ’îl

(Dieu lui fasse miséricorde!)

 

Aussitôt après avoir emprisonné le sultan Mawlay

Muhammad hen ‘Arbiya, les ‘Abîds proclamèrent l’avène-

ment de son frère MoùlavElmostadi bn Isma’iletécrivirent

dans toutes les provinces pour faire par) de cet événe-

ment la population leur accorda son adhésion. Ils envoyè-

rent aussitôt, suivant leur habitude, une troupe de cava-

1. Texte arabe, IV’ partie page 6!).

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DYNASTIE A1.A0U1E DU MAP OC

 

liers pour ramoner le nouveau souverain, qui se mil en

route en toute hâte. A Selïoù, il reçut la députai ion de

chérîl’s eL ‘ulâma envoyée par la ville de Fâs, c|iii lui

remit la bêï’a et le ramena avec elle à Tes Al-Jadîd. Après

s’y être reposé, le Sultan donna comme gouverneur, aux

habitants de Fâs, le qnïd AboùTabbâs Ahmad Elga’idi,

qui lui-même désigna, pour lui servir d’intermédiaire au-

près d’eux, Cha’choù’Eliâzgi. Mais la situation ne changea

pas, et l’oppression continua. Le sultan Mawlay Elmos-

tadi se transporta ensuite à Miknâs, où il reçut le ser-

ment de Ikléliloi des ‘Aliîds. Les députations des tribus et

des villes apportèrent ensuite leurs cadeaux elles furent

bien accueillies. Le règne de ce Sultan commençait d’une

manière régulière.

 

Le sultan Mawlay Elmostadi commet des actes d’injustice

qui amènent des désordres1.

 

Une fois installé à Miknâs, le sultan Mawlay Elmostadi

commença par envoyer son frère Moîilay Muhammad hen

‘Arbiya enchaîné à Fâs et de là à Sijilmâsa, où il fut mis

en prison. Il envoya ensuite son qâïcl Sîdi Abdelméjîd

Elmchàniri et le chéïkh A bon Zéïd ‘AhdevrahmânEchehûmi

à Fâs Al-Jadîd, pour y être emprisonnés. La maison d’Elm-

chamri fut pillée, et lui-même subit la torture jusqu’à ce

qu’il expirât.

 

Le Sultan envoya ensuite aux habitants de Fâs une lettre

qui devait être lue à Fâs Eljedîd en présence des notables

de la ville. Mais, soupçonnant un piège, ceux-ci ne se

rendirent pas à la convocation qui avait été faite, sauf une

vingtaine d’entre eux, qui furent arrêtés et emprisonnés.

1. Texlc arabe, IVe partie page fi!).

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.\nciiivES marocaines

 

Une contribution très considérable leur fut ensuite impo-

sée, mais ils ne purent, pas la payer.

 

Pendant le règne de ce souverain, le gouvernement était

très pauvre et le Sultan avait besoin d’argent pour réduire

au silenceles ‘Abîds. Il se mit donc à fouiller les magasins

de Mawlay Ismâ’il, qu’aucun roi n’avait songé à toucher

avant lui. Il commença par vider le magasin du fer, et

vendit tout ce qu’il contenait. Puis il s’attaqua ensuite au

grand magasin qui renfermait. 1.000 quintaux de soufre et

une grande quantité de salpêtre, d’alun, de boqûm et autres

produits, qui avaient été apportés i la capitale et qui pro-

venaient du butin fait sur les nations européennes il ven-

dit tout cela. Il arracha ensuite les grillages (les feuètres

de la qoubba dite Echchatrendjiya qui étaient en cuivre

doré, les derboûz de fer choisi qui se trouvaient à droite

et à gauche de cette qoubba, depuis Bàb Errekham jus-

qu’au palais de Mawlay Yoùsef. Il fit acheter de force ces

matériaux aux Juifs moyennant un prix exagéré. Il fit dé-

monter après cela les canons de bronze des forts de la

capitale, les fit briser, et se servit du cuivre pour faire

frapper des flous. Mais il ne retira en réalité aucun béné-

fice de tout cela.

 

Durant cette période, le Sultan fit mourir plus de

80 ‘Arabs de la tribu des Béni flsen. II infligea la torture

aux prisonniers de Fâs pour leur faire verser de l’argent,

ceux-ci payèrent ce qu’ils purent. Après cela, il ordonna

l’arrestation des négociants de Fâs. pour les forcer à ache-

ter les propriétés de leurs prisonniers, et les fit torturer «.

ils ne purent payer qu’une partie de la somme. Les ‘ulâma

décidèrent que la vente de ces propriétés était valahle,

la sauvegarde des personnes devant passer avant celle des

biens.

 

Le Sultan arrêta ensuite un chérif ‘irâqi, de la famille

qui habite le quartier de Gnernîz, qu’il soupçonnait d’avoir

reçu un dépôt de la noble daine Khenâtsa, fille de Bekkâr.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Le chériî reçut la bastonnade et fut soumis à la tor-

ture.

 

Il nomma ensuite gouverneur de Kès, Mawlay Aboù

l.Ial’s ‘Omar Elmndani, C|iii était son compagnon et sou

commensal habituel. Celui-ci se fit représenter auprès des

habitants de la ville par un individu nommé l$en Ziyûn

El’aouar, à qui il recommanda de malinener les shurfas

de l”ès et de s’emparer île leurs biens. Ces ordres furent

strictement exécutés. La cause de tout cela était que Aboù

Hafs avait eu sa maison à Fâs pillée du temps de Mawlay

.Muhammad bon ‘Arbiya et que pas un habitant de Fâs ne

s’était opposé à cet acte. Il avait contenu son désir de

vengeance jusqu’au jour où les gens de Fâs furent en son

pouvoir. Quand bn Ziyan eut exécuté les ordres qu’il

avait reçus, le sultan Mawlay Elmostadi le fit arrêter: on

le promena par la ville sur un âne, et pendant qu’on lui

donnait des coups de fouet dans le dos, on le forçait à

dire « Telle est la punition de ceux qui maltraitent les

shurfas. » Après cette tournée, on lui coupa la tête, et on

la suspendit au-dessus de Bâb Elinaluoùq. Néanmoins,

la persécution contre les shurfas continua.

 

Après cela, le Sultan ordonna de lui envoyer tous les

prisonniers de Fâs, et quand ils furent arrivés en sa pré-

sence avec leurs chaînes et leurs carcans, il les fit tuer

jusqu’au dernier, à la porte de la qasba. IL donna aussi

l’ordre de chasser du Horin de Mawlay Idrîs Ould Màmi,

qu’il fit mettre à mort dès qu’on le lui eut amené. Le Sul-

tan ne cessait de tuer et de tyranniser il voulait qu’on

pût le comparer à son frère Mawlay ‘Abdallah qui avait tiré

le glaive, il est vrai, mais avait été très généreux, rache-

tant ainsi ses défauts par ses libéralités. Mais ce fut sans

succès, car Mawlay Elmostadi était, dit-on, très avare et

manquait de jugement. Que Dieu l’enveloppe de sa misé-

ricorde, de son pardon et de sa clémence, lui, nous et tous

les musulmans Le Sultan fit périr ensuite le qàïd Gi’mém

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AliCUIVHS MAROCAINES

Elhâddji, le qàid Sadot’in, gom erneur de Miknâs, six

personnes de la famille d’Az-Ziyati, gardiens delà prison.

Pendant ce temps, les Herbers, ù l’instigation du sultan

Mawlay ‘Abdallah qui était chez eux, firent des incursions

contre les Udaya et se livrèrent au brigandage sur les

routes de leur territoire. Les chemins étant coupés, il fut

difficile de se procurer des vivres. Mawlay Zin El’ûbidin

ben Ismâ’îl était emprisonné par son frère, le sultan Moù-

lay Elmostadi celui-ci le fit un jour sortir île prison pour

comparaître devant lui. Quand il fut en sa présence, il le

fit rouer de coups, au point qu’il en faillit mourir, il le

fit couvrir de chaînes et l’expédia à Tàfilèlt sous la con-

duite d’un chéi’if de ce pays qui devrait le mettre en prison.

Mais les ‘Abids envoyèrent des émissaires, qui enlevèrent

le prisonnier des mains de ses gardiens et le conduisirent

chez les Beni Yâzga, au Qâ’îd Aboùl’abbâs Ahmad Elga

“ici i lequel fut chargé de veiller à sa sécurité et de prendre

soin de lui.

 

Le bâcha Aboùrabbâs Ahmad bn ‘Ali Errîfi réduit

les habitants de Tétouan1.

 

Nous avons déjà rapporté que le bâcha Aboùl’abbâs

Ahmad hen ‘Ali Errîfi, gouverneur de Tanger, avait atta-

qué la population de Tétouan et que Aboùl Hafs Elouaq-

qâch lui avait infligé une défaite et tué ses gens. L’inimitié

n’avait fait qu’augmenter depuis cette époque entre ces

deux personnages, et Errîfi ne cessait de guetter l’occasion

favorable de prendre sa revanche contre Elouaqqàch. Sur

ces entrefaites, le sultan Mawlay Elmostadi fut proclamé

pas un habitant de Tétouan n’alla le saluer, et la ville tout

entière refusa de se soumettre à lui. Abûl’abbâs Errîfi

1. Texte arabe, IV* partie, page 70.

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DYNASTIE ALA0U1Ë DU .MM10C

 

pensa que le iiioiiieiit de prendre sa revanche était arrivé.

Excitant le Sultan contre les gens de Télouan, il lui insi-

uua <|ii’ils avaieut l’ait acte d’insoumission et qu’ils s’étaient

mis en état de rébellion. Ces propos et les rapports qui

lui avaient été l’aits sur cette qasida attribuée au fqîli Aboù

Hai’s, et oit il déclarait qu’il convoitait la royauté, Unirent

par influencer Mawlay Ehuosladi, qui écrivit à Errili pour

lui ordonner de fondre sur la population de Tétouan. Sai-

sissant aussitôt l’occasion, Aboùl’abbâs ErriPi vint à

l’improviste prendre cette ville avec ses troupes il la mit

au pillage, fit périr environ 800 notables, et imposa aux sur-

vivants une très lourde contribution. Après avoir démoli

les fortifications, il établit à Tétouan l’administration des

villes dont il avait fait la conquête, et y construisit le palais

du commandement, qui s’y trouve encore aujourd’hui.

Révolte des ‘Abids contre Mawlay Elmostadi, qui s’enfuit

à Murrâkush 1.

 

Vers le milieu du mois de doùlqa’da 1152, les ‘Abids de

Miknâs se soulevèrent contre le sultan Mawlay Elmostadi,

et décidèrent de le déposer et de se soumettre de nou-

veau à Mawlay ‘Abdallah. Dès qu’il pressentit leur décision,

Mawlay Elmostadi s’enfuit de Miknâs avec ses partisans

et ses auxiliaires, et prit la route du mausolée du chéïkh

Aboù Muhammad ‘Abdesselàm bn Mchîch (Dieu soit

satisfait de lui !). Mawlay ‘Abdallah se mit à sa poursuite

avec quelques ‘Abids et le rejoignit sur la route, mais il

fut attaqué par son frère et forcé de le laisser continuer

son chemin. Celui-ci finit par arriver a Tanger, où il sé-

journa près de deux mois chez Ahmad bn ‘Ali Errifi, et

partit ensuite pour Murrâkush la population de cette ville,

1. Texte arabe, IV partie, page 70.

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ARCHIVES MAHOCAINES

où son frère, Mawlay Hnnàser, le représentait, venait du le

proclamer. Dès qu’il s’y fut installé, il écrivit aux tribus

du IIoùz, pour leur demander leur appui contre Mawlay

‘Abdallah et les inviter à marcher avec lui contre son

frère, mais les tribus de ‘Abda et d’Errhaiunn, ainsi que

les gens du Sous, qui étaient partisans de ce dernier, ne

répondirent pas à son appel. Mawlay Elmoslacli, vovanl

qu’il n’avait plus pour lui que les ge us de Doùkkàia, ses

oncles maternels et les Béni Jlsen, ‘Arabs du Garb, puisque

les tribus du tloùz l’abandonnaient, demeura à Morrakch,

attendant les événements, jusqu’à l’année J.155. Nous ver-

rons plus loin, s’il plaît à Dieu, que le gouverneur de Tan-

ger, le bâcha Aboùl’abbas Hrrîîi, à force d’endoctriner les

‘Abîds, qui avaient prêté serment de fidélité àMawlay Zin

Elïibidîn, après avoir déposé le sultan Mawlay ‘Abdallah,

finirent par le décider à proclamer de nouveau Mawlay

Elmosladi.

 

Les Abids se rangent de nouveau sous l’autorité du sultan Mawlay

“Abdallah et embrassent son parti l

 

Nous avons vu que le sultan Mawlay ‘Abdallah, qui était

demeuré pendant tout ce temps chez les Berbers, avait

poursuivi Mawlay Elmostadi à sa sortie de Miknâs et avait

dû revenir sur ses pas. Quand il apprit que son frère était

en route pour Morràkch, il partit pour lui barrer le pas-

sage, mais, arrivé a la qâsba de Oued Alzéni et n’ayant

aucune nouvelle de lui, il séjourna dans cet endroit pour

guetter son arrivée. Pendant qu’il se trouvait dans cette

localité, les ‘Abîds décidèrentde le proclamer et lui jurèrent

fidélité au commencement de l’année 1153. Après avoir

rédigé leuv bay’a, ils la lui firent porter par une députation

1. Texte arabe, IV0 parLic, page 71.

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DYNASTIE ALA0U1B DU MAROC

 

ARCH. MAROC. H

 

de leur choix. Les habitants de Fâs et les Oûdèya, à qui

ils écrivirent aussitôt, leur donnèrent leur adhésion: ils

proclamèrent Sultan Mawlay ‘Abdallah, au nom duquel le

prône fut fait dans les mosquées, et pavoisèrent la ville. En

présence do cette situation, le vizir de Mawlay Elmostadi,

Aboùlhasan El’amii-i, s’enfuit de Miknâs, et son frère le

qàdi Belqâsém El’amiri se réfugia dans le mausolée d’un

saint de cette ville. La ville de Fâs envoya des shurfas et

des ‘ulâma pour porter sa bay’a au sultan Mawlay ‘Abdal-

lah ces délégués étaient accompagnés de négociants et

de pèlerins de la caravane du Iledjaz qui lui apportèrent

leurs présents. Le Sultan restait toujours à la qasba d’Al-

zém et les ‘Abîds, trouvant qu’il s’attardait trop, prirent le

commandement de Miknâs et agirent comme s’ils étaient

indépendants vis-à-vis du gouvernement. Ils envoyèrent

de leur propre autorité, à Fâs, le Qâ’îd Abû Muhammad

‘Abdallah Elhaniri, comme gouverneur de la ville, en décla-

rant que c’était par ordre du Dîouân. Les brigandages se

multiplièrent sur les routes et les voleurs pullulèrent dans

la ville. Les ‘Abkls étaient retombés dans leurs anciens

égarements.

 

Venue du sultan Mawlay ‘Abdallâh à Miknâs sa conduite

envers les habitants de cette ville’.

 

Le ’15 rejeb 1153, le sultan Mawlay ‘Abdallah quitta

Alzém et se rendit à Miknâs. 11 fit arrêter aussitôt le qàdi

de cette ville, le fqîh Belqâsém El’amîri, Si Aboùl’abbâs

Ahmad Echcheddâdi, Al-’Abbâs bn Rahhâl, et le fqih Elm-

lîti il leur arracha leurs turbans et les couvrit d’humilia-

tion en leur disant: « Comment avez-vous osé marier mes

femmes à mon frère, moi étant encore en vie ? » Puis,

1. Texte arabe, IV” partie, p. 71.

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ARCHIVAS MAROCAINES

après les avoir abreuvés d’outrages, il les fit jeter en pri-

son. Il donna ensuite la maison du qâdi El’amiri à un des

‘Abîds et dit à ces soldats que quiconque désirait une mai-

son à Méknôs n’avait qu’à la prendre. Les ‘Abîds se mirent

aussitôt à exercer leur cupidité sur la population ils ve-

naient à la porte des maisons et disaient au propriétaire

« Mon Seigneur m’a donné ta maison, » ou « Mon Seigneur

m’a donné ta fille, » et le propriétaire devait payer une

rançon. Un ne saurait décrire ce que les ‘Abîds firent sup-

porter aux habitants de la ville, qui étaient punis et empri-

sonnés s’ils portaient plainte. Le Sultan, pendant ce temps,

n’entrait pas dans la qasha où avait résidé Mawlay Elmos-

tadi il demeurait à Bâb Errîh.

 

Durant cette période, il nomma comme gouverneur de

Fâs Elhâddj ‘Abdelkhâleq ‘Adéyyil, chef de la caravane du

pèlerinage, et comme qâdi, le fqîh Abû Ya’qoiib Yoïisef

ben Boù ‘Inan il donna pour instructions à ce dernier de

destituer dans tout l’Empire les qâdis et les khetîbs qui

avaient fait la prière au nom de Mawlay Elmostadi.

Quant aux Udaya qui n’avaient pas envoyé un seul

d’entre eux auprès de Mawlay ‘Abdallah, ils ne lui prê-

tèrent pas serment de fidélité. Il en fut de même du bâcha

Ahmad bn ‘Ali Errîll, des gens du Rîf et du Fahs, et des

tribus du Jbal. Le Sultan en conçut un vif chagrin. Plus

tard, sur les prières de sa mère, la noble dame Khenâtsa,

il reçut une députalion de ses contribules, les Udaya,

que celle-ci lui envoya, et leur accorda son pardon.

Abûl’abbâs Ahmad bn ‘Ali Errîfi met en déroute les tribus

du Garb autres événements de cette époque1.

 

Bientôt après ce qui précède, le sultan Mawlay ‘Abdal-

1. Texte arabe, IVe partie, p. 72.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

lâh apprit que le qàïd Abûl’abbâs Ahmad bn ‘Ali Errîfi

était venu faire une incursion sur les territoires d’Elqsar

Elkébîr, et qu’il avait enlevé des richesses considérables

aux habitants du Garb et à tous ceux qui n’étaient pas,

comme lui, partisans d’un soulèvement contre le Sultan.

Mawlay ‘Abdallah envoya aussitôt un nombreux corps de

‘Abîds de Mechra’Erremla, pour tenir garnison à Elclsar

Elkébîr et protéger la ville et la contrée avoisinante. Dès

qu’il avait appris cela, Errîfi avait distribué de l’argent à

son armée et se préparaità marcher contre les ‘Abîds, quand

une troupe d’Udaya et de ‘Abîd de Miknâs vinrent lui

annoncer que cette armée avait rebroussé chemin, parce

que, « dans un pareil moment, on ne pouvait obéir à per-

sonne, ni parmi les sujets, ni parmi les soldats ».

Le gouverneur du Sulan, le Qâ’îd Aboùl’abbâs Ahmad

Elqa’îdi, qui avait été chargé du commandement des

‘Arabs Elhayâïna et des habitants du Jbal Az-Zebîb, pour

leur faire payer leurs zekâts et leurs ‘achoûrs, fut assailli

et tué chez les Hayâïna. Cette nouvelle causa une peine

profonde au sultan Mawlay ‘Abdallah, car ce Qâ’îd était le

soutien de son gouvernement. Sa mort fut, en effet, le

signal du désordre. Les routes furent infestées de brigands

et partout on se livra au pillage.

 

Dès le commencement de l’année 105/i, le Sultan or-

donna aux Msakhrtn qui l’accompagnaient de faire main

basse sur les céréales des habitants de Miknâs. Une grande

émeute s’en suivit, et le Sultan imposa aux gens de la ville

la lourde contribution de lui payer sa moûna et celle de

ses serviteurs et de lui fournir des manœuvres en vue de

constructions à Bâb Errîh. A plusieurs reprises, ils implo-

rèrent sa clémence, mais il fut inexorable. Dieu sait quelle

est la vérité.

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ARCHIVAS MAROCAINES

Révolte des ‘Abîds contre Mawlay Abdallah, qui s’enfuit

pour la seconde fois chez les Berbers

 

Au mois de rabi” Irr105/i, les ‘Abîds se soulevèrent contre

le sultan Mawlay ‘Abdallah, et songèrent à le déposséder

et à s’emparei” de sa personne. Avertie de leurs projets,

sa mère, la noble dame Klienàtsa, fille de Bekkâr, quitta

Miknâs et s’enfuit à Fâs Al-Jadîd. Le lendemain, son fils,

Mawlay ‘Abdallah partit pour la rejoindre et campa à lias

Elma là il reçut les Oûdéyaet les habitants de Fâs, venus

pour lui témoigner leur respect et leur joie à l’occasion de

sa venue. Le Sultan chercha à se les concilier et leur dit

« Vous êtes mes soldats et mes armes, ma main droite

et ma main gauche; je vous demande de mètre entière-

ment fidèles. » Après des promesses réciproques, ils ren-

trèrent en ville. Au même moment, le Sultan apprit que

Ahmad bn ‘Ali Errîfi, après un échange de correspon-

dances avec les ‘Abîds de Mechra’ Errernla, était tombé

d’accord avec eux pour le déposer et proclamer sa place

son frère Zin El’Abidin, qui était son hôte à Tanger. Le

Sultan en fut fort attristé, et, quand il vit ensuite le rapide

succès de la cause de Mawlay ZinEl’âbidîn, il s’enfuit dans

le pays des Berbers.

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Zîn Elâbidîn bn Ismâ’îl

(Dieu lui fasse miséricorde 1) 2.

 

La première fois qu’il fut question du sultan Mawlay Zin

El’âbidîn, ce fut au moment où il vint à Miknâs, sous le

règne de son frère Mawlay Elmostacli, qui, à peine informé

1. Texte arabe, IV” partie, p. 72.

 

2. Texte arabe, IV” partie, p. 72.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MMtOC

 

de son arrivée, le lil mettre •; prison avant de le recevoir.

Après un assez long emprisonnement, il le fil sortir un

jour de son cachot et le lit rouer de coups, au point qu’il

faillit en mourir; il était resté tout le temps enchaîné et

n avait pas prononcé une seule parole. Après l’avoir remis

en prison, le Sultan l’envoya, toujours enchaîné, à Sijilmasa

pour y être détenu avec d’autres cliérîfs déjà incarcérés là.

Des <|Aïds des ‘Abîds, qui avaient appris la nouvelle, avaient

envoyé aussitôt à sa suite des gens qui l’avaient rejoint à

Sel’roù cl l’avaient: ramené à Fâs, puis l’avaient fait con-

duire chez les Hem Yâ/.ga, auprès du qaïd AboiU’abbâs

Ahmad Elqa’idi, en recommandant à ce dernier de le

traiter avec égards et respect. Lorsque son frère, Mawlay

Elinostadi s étant enfui de Miknâs, les ‘Abîds s’étaient

somnis de nouveau au sultan Mawlay ‘Abdallah, Mawlay

Zîn El’âbidin était revenu à Fâs. La déposition de Mawlay

Elmosladi et le retour au pouvoir de Mawlay ‘Abdallah

l’avaient rempli de joie. Il était revenu à Miknâs, d’où,

après un séjour assez long, il était parti pour Tanger. Le

bâcha Ahmad bn ‘Ali Errifi, gouverneur de cette ville,

chez qui il s’était rendu, lui avait fait une brillante récep-

tion et lui avait accordé une large hospitalité. Il demeura

chez lui assez longtemps, jusqu’au jour où, ayant écrit à

son sujet aux ‘Abîds du Dîouân et ayant reçu leur adhésion

à sa proclamation, ce bâcha lui prêta serinent de fidélité,

et après lui, les populations de Tanger, de Tétouan, du

Fahs et des montagnes, qui firent la prière en son nom.

Le bâcha Ahmad lui prépara aussitôt une troupe de cava-

liers, formée notammentde ‘Abids du Dîouân, pour l’accom-

pagner jusqu’à Miknâs. 11 arriva dans cette ville au prin-

temps de l’année 1154. Là, il fut l’ohjet d’une proclama-

tion générale, et reçut les députations des tribus et des

villes, qu’il traita avec tous les égards nécessaires. Le

sultan Mawlay ‘Abdallah, en présence de son succès, quitta

aussitôt Ras Elmâ et s’enfuit dans le pays des lîerbers. Pas

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ARCHIVES MAROCAINES

 

un seul des Udaya, pas un seul habitant de Fâs, ne se

rendirent auprès du sultan Mawlay Zîn El’àbidin.

Ce Commandeur était doux et généreux. Il ne commit pas

d’injustice et ne dépouilla personne de son bien, mais,

comme il avait peu de ressources, il dut diminuer la solde

des ‘Abîds, ce qui les détacha de sa cause, comme nous le

verrons bientôt.

 

Suite des faits se rapportant à Mawlay Zin El’âMdîn,

et décroissance de son pouvoir

 

Après avoir séjourné près de deux mois dans la capitale

de Miknâs, le sultan Mawlay Zîn El’abidîn se prépara à

aller combattre les Udaya et les gens de Fâs qui n’avaient

pas participé à sa proclamation. Le 15 djoumikla Ier 1154,

il quitta Miknâs à la tête du Jaysh des ‘Abîds, qui vint

camper à Sidi ‘Ainéïra afin de mettre le siège devant Fâs.

Mais dans la nuit la discorde se mit parmi les ‘Abids, qui,

dès le lendemain matin, démontèrent leurs tentes et par-

tirent pour Miknâs, non sans avoir incendié les aires où

se trouvaient les grains des Oudéya au Khamês. Dieu pré-

serva contre eux les Udaya et les gens de Fâs. A peine

arrivés à Miknâs, ils pillèrent les fruits des jardins, et,

après avoir fait tous les ravages possibles dans la ville, ils

retournèrent à Mechra’ Erreinla. Ceux d’entre eux qui

entrèrent à Miknâs avec le Sultan, lui réclamèrent leur

solde avec une vive insistance, et comme il n’avait pas de

quoi les satisfaire, ils se soulevèrent contre lui et ne lui

obéirent presque plus.

 

Pendant ce temps, le sultan Mawlay ‘Abdallah était dans

les montagnes des Berbers, surveillant la capitale et prêt

à agir à la première occasion. Dès qu’il sut dans quelle

1. Texte arabe, IVe partie, p. 73.

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

situation chancelante se trouvait Mawlay Zin El’àbidin, il

descendit de la montagne et s’avança jusqu’à Fâs Al-Jadîd

oit il entra, le 16 djoumàda II, salué par les Oùdèva et les

habitants de la ville qui se réjouirent de son arrivée. Le

même jour, il alla s’installer h Dar Eddebibag. En appre-

nant cela, son frère Mawlay Zin El’àbidin, se sentant trop

faible, quitta dès le lendemain Miknâs, et alla se réfugier

en lieu sur, abandonnant le pouvoir et tout ce qui l’accom-

pagne. Il resta ignoré jusqu’à sa mort (Dieu lui fasse

miséricorde

 

Troisième règne du Commandeur des Croyants, Mawlay ‘Abdallâh

(Dieu lui fasse miséricorde l)1.

 

Après la fuite du sultan Mawlay Zin El’àbidin de Miknâs,

les ‘Abids se réunirent et décidèrent de se soumettre de

nouveau à Mawlay ‘Abdallah. Ils lui envoyèrent un déta-

chement de cavaliers, qui arrivèrent auprès de lui le

15 ramadan. Il était alors à Dàr Eddebibag. Après l’avoir

salué, ces délégués lui firent connaitre que leurs frères

d’armes l’avaient proclamé et qu’ils avaient déposé Moù-

lay Zin El’àbidin. Leur arrivée lit un grand plaisir à .Moù-

lay “Abdallah. Les Oùdôya se rendirent auprès des ‘Abîds,

et leur manifestèrent la joie que leur causait leur venue.

Ils firent galoper les chevaux dans le champ de la course

et du jeu de la poudre, et la ville fut pavoisée. On procéda

aussitôt à la bay’a générale qui fut prêtée par les Udaya,

les gens de Fâs et les tribus arabes et berbères. La situa-

tion ne change pas jusqu’au dernier jour de doùlqa’da il

advint alors ce que nous allons rapporter,

 

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 73,

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ARCHIVES MAROCAINES

Mawlay Elmostadi vient de Murrâkush et combat son frère

Mawlay ‘Abdallah; événements qui en sont la suite1.

Le sultan Mawlay ‘Abdallah, sous l’obéissance duquel

s’étaient rangés les Oûdèva et tous les habitants du Cari),

demeurait a Dar Eddebîbng, quand, à la fin du mois de

doûlqa da de l’année 115/i, les ‘Abîds s’inquiétèrent de le

voir séjourner là aussi longtemps au lieu de venir résider

au milieu d’eux à Miknâs, capitale de l’époque, et lui tour-

nant le dos impudemment, suivant leur habitude, ils firent

venir de Morrnkch Mawlay Elmosladi pour le proclamer..

Aussitôt avisé qu’ils avaient envoyé des cavaliers à ce der-

nier pour le ramener, Mawlay ‘Abdallah prit de suite les

dispositions que comportait la situation, et décida de

prendre des mesures énergiques. Il forma un parti avec

les tribus arabes et berbères du Garh, qu’il unit entre

elles, et leur fit faire cause commune avec les Udaya et

les habitants de Fâs. Il établit la fraternité entre tous ces

éléments, qui s’engagèrent sur leur foi à mourir pour lui.

Ses eflorts dans ce sens furent couronnés de succès.

Sur ces entrefaites, arriva à Fâs, venant de Murrâkush,

Elhâddj Ahmad Essoûsi. On prétendit qu’il incitait les

habitants de cette ville à se soumettre de nouveau à Moû-

lay Elmostadi et à embrasser son parti le sultan Mawlay

‘Abdallah vint à le savoir et ordonna de le mettre à mort.

Au mois de moharrem de l’année suivante (1 155), Elmos-

tadi quitta Murrâkush pour se rendre dans le Nord. Il entra

à Miknâs à la tête des ‘Abîds, des Béni Hsen et des autres

tribus. Il était accompagné également du vizir Abûlhasan

El’ainîri et de son frère le qftdi Belqâsém. A la fin du

mois, le qàïd Abûl’abbâs Ahmad Errifi écrivit aux habi-

tants de Fâs, pour les engager à reconnaître son maitre

1. Texte arabe, IV« partie, p. 73.

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DYNASTIE M.AOUIE DU MAIlOi:

 

M on la v Eliuosladi et à se ranger sous son obéissance, mais

comme ils restèrent fermés ces onverlures elles écar-

tèrent, Moùlav Klmosladi vin! au mois de rabi Ie’ camper

avec le Jaysh dos Abids à Dhar Kz/.âoùya, près de Fâs.

Mawlay Abdallah quitta aussilùl l)àr Eddebîbag pour se

réfugier chez les Ait Idràsén. Dès le lendemain, le combat

s’engagea entre les ‘Abids et lesOùdèva, les gens de Fâs,

les Havàïna, les Chràga eL les Oulàd Djâma’. De part et

d’autre, on perdit beaucoup de monde. Mais, le l\ rabî* II,

le sultan Mawlay ‘Abdallah arriva, amennnl à sa suite des

contingents berl)ères pris parmi les tribus de Zeinnioùr,

Béni llkim, (}uerouàn, i\ït Idràsén et Ait Ou ‘Mûlou, en

nombre si considérable que leur créateur seul aurait pu

les compter la richesse de leurs costumes et la force de

leurs armes étaient de nature à réjouir l’ami et à faire du

mal à l’ennemi. En présence de si nombreuses troupes,

Mawlay Elmosladi et ses ‘Abids, se rendant compte qu’ils

n’étaient pas de force à lutter contre eux, profitèrent de

la nuit pour s’enfuir en lieu sur, et le lendemain matin, il

ne restait là que la trace de leur campement. Tout le

monde s’en réjouit et remercia Dieu de ce que ces troupes

s’étaient dispersées sans combat.

 

Le G djounmda l1’1’, mourut la noble dame Khenâtsa

Elmgal’riya, fi Ile de Bekkâr et mère du Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde!) qui était une femme très versée dans

les sciences et les belles- lettres. Elle fut enterrée dans le

cimetière des chérîfs, à Fâs Eljcdid.

 

Au mois de djoumâda II, vin conflit s’éleva à Fâs entre

Elhâddj ‘Abdelklialeq ‘Adéyvil et le chérif Mawlay ‘Abdal-

lah Muhammad Elgali Elidrisi. Adéyvil se plaignit au

Sultan, qui ordonna d’arrêter le chérit’; mais celui-ci par-

vint à se réfugier dans le tombeau de son ancêtre (Dieu

soit satisfait de lui !) Le Sultan enjoignit alors aux gens de

Fâs de l’en faire sortir ceux-ci le tinrent si étroitement

bloqué, qu’il demanda Yamân. Ils le conduisirent alors,

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ARCHIVES MAROCAINES

sous le couvert de Vamdn, auprès du Sultan, qui, après lui

avoir ail rossé de vifs reproches, le lit bàtonner, puis mettre

en prison, et enfin donna l’ordre aux gens de Fâs de tuer

ses gens.

 

Présent du sultan Mawlay ‘Abdallah Dieu lui fasse miséricorde!)

au sanctuaire du Prophète (les prières et le salut soient sur

son noble habitant !)’.

 

Cette année-là (4155), le Commandeur des Croyants, Mawlay

‘Abdallah (Dieu lui i’asse miséricorde!; profita du départ de

la caravane maghribine pour les deux sanctuaires pour

envoyer un cadeau somptueux dans lequel figuraient vingt-

trois exemplaires du Qoràn de dimensions diverses, cou-

verts d’or et parsemés de rubis. Au nombre de ces Qoràns

se trouvait le grand Mous-haf EVoqbùnï que les Commandeurs

se transmettaient par héritage, en même temps que le

Motvthaf El’otsmâni, que possédaient les Béni Oniéyya de

l’Andalousie et qui avait été apporté sur cette rive magri-

bine par ‘Abdelmoùméri hen ‘Ali. Nous nous sommes déjà

longuement étendus sur ce livre. Le Moushaf EVoqbûni

avait appartenu à ‘Oqba bn ÎN’àfi” Elfihri, l’illustre con-

quérant du Maghrib. Il avait été copié à Qaïrouân, sur le

Moushaf El’olsmûni, dit-on, et avait appartenu à divers

personnages du Maghrib il était tombé enfin entre les

mains des chérîl’s saadiens. Ce fut sur ce Qorân que Elman-

soùr fit promettre à ses fils d’obéir à leur frère Echchéïkh.

Quand le sultan Mawlay ‘Abdallah en fut possesseur, il

lui lit quitter le Maghrib pour le noble sanctuaire ainsi la

perle revint à son pays d’origine, et l’or pur lit retour à sa

mine. Le chéïkh Aboù ‘Abdallah Elmesnàoui (Dieu lui

fasse miséricorde dit « J’ai pu voir ce Moushaf au mo-

1. Texte arabe, IVe partie, p. 74.

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riYiVASTIE ALXOU1E Du -HAIiOC

 

ment où Mawlay ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde !j le

sortit pour l’envoyer il la Noble Pierre il m’a semblé que

la date de sa copie à Qaïrouàn était discutable, en raisou

de la différence existant entre les deux exemplaires. » Eu

même temps, le Sultan envoya deux mille sept cents pierres

précieuses de diverses couleurs [jour la tombe du Pro-

phète (sur celui qui l’habite soient les meilleures prières

et le salut le plus pur!) Puisse Dieu agréer la hellc œuvre

du Sultan et lui accorder une largo récompense Ainsi

soit-il.

 

Alliance du bâcha Abûl’abbâs Errifi avec Mawlay Elmostadi

contre Mawlay ‘Abdallah arrivée de ce bâcha à Fâs, et ce qui

s’ensuivit1.

 

Dès le début de l’année 1156, le bâcha Aboùl’abbàs

Ahmad bn ‘Ali Errîfi, i la tète des contingents du Fahs,

du Jbal et du Hif, marcha sur Fâs et la région environ-

nante, et vint camper dans les champs de culture de cette

ville à El’assàl (21 moharrem). Il chercha à persuader les

habitants de secouer le joug de l’obéissance à Mawlay

‘Abdallah, mais sans succès. Le 22 safar, Mawlay Elmostadi

vint camper près de lui avec les ‘Abids qui étaient comman-

dés par le Qâ’îd Fatéh bn Ennouini. L’arrivée de ces deux

bandes provoqua une grande émotion dans la région, et la

population fut effrayée de voir venir ce lîîfi, à la tète de

troupes plus nombreuses que jamais. Les Hayûïna, les

Chraga et les Oulâd Djâma’ vinrent jusque sous les murs

de Fâs et établirent leurs campements à l’intérieur et à

l’extérieur de la ville. Leurs terrains de culture et leurs

jardins furent dévastés et leurs troupeaux pillés. Nombre

de gens moururent de faim et de misère. Le désordre res-

1. Texte arabe, IVe partie, p. 7i.

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ARCHIVES MAROCAINES

semblait aux values de la nier. Le prix dos denrées monta.

La population se trouva dans la plus grande détresse.

Malin et soir, le canon tonnait, et les tambours battaient

dans les m (ici II a.* de Mawlay Elniostadi et d’Errffi. Tout le

monde se préparait la guerre.

 

Quant au sultan Moùlny ‘Abdallah, il quitta Dâr Edde-

bîbag el, accompagné d’une di/aine de cavaliers, s’enfuit

eu toute bâte chez les Ail Idrâsén, clans la plaine de ‘Aebâr.

Arrivé aux campements de Abdallah bn Ichclio, il re-

tourna sa selle en présence des gens de cet endroit. Ceux

qui se trouvaient là se réunirent autour de lui et lui dirent

a Qu’cst-il arrivé a notre Maître ? – « Je suis venu, leur

répondit-il pour que vous me prêtiez votre appui contre ce

Jebli, qui était nioji serviteur et mon esclave. L’argent

qu’il a amassé à mon service l’a rendu arrogant. Il a voulu,

depuis lors, tue couvrir de honte, et mon frère Elmostadi

l’a excilé contre moi, parce qu’il veut s’emparer de mon

pays, qui est le vôtre en réalité. C’est vous qu’il veut insul-

ter vous serez les premiers a prêter votre appui aux des-

cendants du Prophète, pour empêcher le scandale. Le

salut soit sur vous. » Et remontant à cheval, il reprit sa

route et rentra le soir même à Dâr Eddebibag.

Le lendemain, Ahmad Errilî se dirigea vers le territoire

des Hayàïna pensant que cette tribu y était restée, mais

n’y ayant trouvé personne, il revint sur ses pas. Le jour

suivant, un combat sans importance eut lieu entre les

Udaya et leurs alliés, les Hayâïna, les Chrâga et les Oulad

Djâma’. Le troisième jour, Ahmad Errifi se mit eu route,

accompagné de ses archers, et vint se poster sur la colline

de Taniza/.ît, au-dessus du pont; ses troupes traversèrent

la rivière et s’établirent à Aroûrât. A son tour, Mawlay

Elmostadi, laissant à son camp les archers, les canons et

les bagages, franchit la rivière avec les ‘Abîdset échelonna

ses troupes dans la plaine. Les Udaya, les gens de Fâs,

les Hayâïna, les Clirâgaet les Oulâd Djama’,puis lesBerbers

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IÏYNAST11Ï ALA0UII3 DU MAHOC

 

en troupes nombreuses, s’établirent sur les bailleurs qui

dominaient leurs ennemis, depuis Kl’aïn Elmqaboùwa

jusqu’à Dàr bn Ainar. Apercevant dans la plaine les

troupes de Mawlay Elniostadi cl de son vizir Errîfi, les

partisans de Mawlay ‘Abdallah poussèrent de grands cris,

et fondant sur elles comme un seul homme, les mirent en

déroute, semant avec acharnement le meurtre et le pillage.

Celles-ci vinrent se presser sur le pont et nombre d’hom-

mes tombèrent dans la rivière où ils se noyèrent les Ber-

bers les suivirent et continuèrent à tuer et à piller. Quant

à Errîfi, lorsqu’il vit que la bataille allait être perdue, il

monta à cheval et se sauva « sur un coursier bridé » dans

l’état dépeint par Aboù At-Tayib, quand il dit:

« L’homme ne compte pas sur le maximum et il l’atteint.

Il veut s’emparer du minimum, mais il est pris au piège. »

Mais ni lui, ni aucun des vaincus, ne put atteindre la

mhalla avant les Berhers, qui, abandonnant leur poursuite,

se précipitèrent pour les devancer, et s’emparèrent des

tentes, des chevaux et des efl’ets. Ils n’y laissèrent que les

canons, les mortiers et les munitions de guerre, houlets,

bombes et poudre, qui furent pris par le qàïd lioi’i Wzza,

Sâheb EchcherbîL

 

Tous les partisans de Mawlay ‘Abdallah revenaient char-

gés de butin, quand ils furent assaillis par des Berbers

qui n’avaient pas pris part au combat, et qui leur enlevèrent

tout ce qu’ils rapportaient.

 

L’auteur du Boustân raconte à cet égard ce qui suit

Feu le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah m’a fait le

récit suivant, au sujet de cette affaire à laquelle il avait

assisté, encore adolescent « Mon père, dit ce Commandeur,

m’avait envoyé avec nos oncles maternels, les Oùdéya

Quand le vent de la victoire commença à souffler, et que

l’ennemi fut rapidement mis en déroute, nous allâmes de

suite à la mhalla. J’avais avec moi des Oùdéya et des gens

à mon service, en tout, cinquante cavaliers. Nous recon-

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ARCHIVES IIAROCAI.NKS

 

mimes la qoubba du bâcha Ahmad et nous nous en empa-

râmes. Je fis venir les muletiers, qui chargèrent vingt mules

de caisses pleines de douros. Je fis emporter du drap et

de la toile sur trente chameaux qui appartenaient aux cha-

meliers arabes lklâoua. Ils transportèrent aussi deuxqoub-

bas l’une était celle de Ahmad Errîfi, et l’autre était, je

crois, celle de Mawlay Elmostadi. Quant aux ‘Arabs, aux

Berbers, aux Oûdèya et aux gens de Kès, ils prirent, cha-

cun de leur côté, tout ce qu’ils purent emporter. Mais en

quittant la mhalla, nous fûmes assaillis par des troupes de

Berbers qui n’avaient pas pris part au combat. A peine

nous avaient-ils rejoints, qu’ils se précipitèrent sur notre

butin nous ne savions plus où étaient les mules et les

chameaux, car autour de chaque mule et de chaque cha-

meau il y avait plus de cinquante ou de soixante cavaliers.

Nous fûmes tous dispersés et nous revînmes comme nous

étions venus. Ce furent seulement ceux de nos partisans

qui se mirent du côté des Berbers qui purent rapporter

quelque chose du pillage. » Quand le pillage fut terminé,

les ‘Abîds du Sultan rassemblèrent les têtes des ennemis

il s’en trouva entre les noirs et les blancs, environ neuf

cents, parmi lesquelles la tête du bâcha Fâtéh hen En-

nouîni. Le sultan Mawlay ‘Abdallah envoya ensuite des

mulets pour traîner les canons et les mortiers, et charger

les boulets et les bombes tout cela fut amené à DarEdde-

bîbag. Il envoya ensuite d’autres muletiers pour chercher

la poudre on trouva trois cents barils, chacun d’un quin-

tal de poudre excellente. On les déposa au magasin de Fâs.

Feu le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse

miséricorde !) ajoute « Ce fut la première fois que mon

père m’envoya en expédition, et le premier combat auquel

j’assistai. J’avais atteint alors l’âge de l’adolescence. J’étais

passionné pour jouer et frapper de la lance, et je devins

ensuite très adroit. »

 

A leur passage au Jbal Az-Zebîb, les vaincus furent

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DYNASTIE ALAOniE OU MAROC

 

arrêtés par les gens de cette région, qui leur livrèrent com-

bat et tuèrent, cuire autres. Sfdi .Muhammad (ils d’Klnios-

tadi, qu’ils prirent, pour un Ril’ain. Errifi et ses gens

gagnèrent Tanger aveede grandes difficultés. Cette bataille

fut une victoire pour le Commandeur des Croyants Moûlny ‘Ab-

dallah et pour ses partisans. L’auteur du Nachr Elmnlsôni

dit: « Un grand nombre de ‘A bîds rentrèrent sous l’obéis-

sance de Moûlav ‘Abdallah et les I ri bus lui apportèrent

leurs présents de toutes parties du Maghrib. Il les reçut

avec douceur et amabilité. Il ordonna ensuite aux Abîdsde e

partir pour Tanger afin de combattre Errîfi. Mais ils revin-

rent bientôt sans avoir trouvé le moyen de l’atteindre. »

Nouvelle expédition de Ahmad Errîfi contre Fâs ses démêlés

avec le sultan Moulay ‘Abdallah jusqu’à sa mort’.

 

Arrivé à Tanger, Ahmad Errîfi s’occupa de réparer les

pertes que lui et ses troupes avaient subies en chevaux,

armes, tentes, etc. Après avoir remplacé au Jaysh des

‘Abids et aux gens du Kîf ce qu’ils avaient perdu, il se

prépara à faire une nouvelle expédition contre Fâs, et jura

de ne pas manger de viande ni de boire de lait caillé, tant

qu’il ne serait pas entré à Fâs et n’aurait pas pillé cette

ville, comme ses habitants avaient pillé sa mhalla. Il en-

voya à son sultan Mawlay Elmostadi deux cents chevaux,

deux cents tentes, mille fusils et cinquante mille mitsqâls

pour les distribuer aux ‘Àbîds, et lui fixa le lieu où l’on se

réunirait pour aller livrer combat au sultan Mawlay ‘Abdal-

liih et à ses partisans, les Oùdéya et les gens de Fâs. Il

advint des dépenses d’Errîfî ce qu’a dit Dieu Très-Haut:

« Ils dépenseront, puis subiront des revers et seront

vaincus. »

 

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 7(i.

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ARCHIVES MAROCAINES

Au mois de djoumada [“‘ Ilôfi, Ahmad Errifi quitta

Tanger. Il se dirigeait sur Fâs a la tôle d’une armée puis-

sante et aguerrie. Dès que le sultan Mawlay ‘Abdallah

apprit son tlépai-t, Une put tarder davantage à se porter à

sarencontre. Il écrivit aussi lût. aux ‘Aia]>sElhavàïna,Chràga

etOulàd Djània’, aux ‘Arabsdu Garb, Sefiàn et BeniMalék,

et à tous ses partisans, pour les appeler au combat et les

inviter à lui apporter leur appui. 11 distribua le raleb aux

‘Abids, aux Ondoya et aux Zirâra,el reçut de la population

de Fâs le contingent qu’elle fournissait habituellement.

Il prévint également les tribus des Ait Idrûsén et des

Guerouan de sa résolution d’attaquer Errîfi et de se porter

contre lui II ajoutait « Si vous voulez de l’argent et du

butin, préparez-vous à marcher contre Tanger. » Malgré

quelques délections, ces tribus envoyèrent 2.000 cava-

liers et un plus grand nombre de fantassins. Dans les

derniersjours de djoumada I01’, le Sultan sortit de Fâs, et

s’arrêta à l’Oued Sboù pour avoir le temps de passer en

revue ses troupes et de les organiser. Il forma un relia

avec les fantassins, Abids et un reha avec ceux de Fâs;

ces deux reha furent placés sous le commandement du

Qâ’îd Boû ‘Azza, l’homme au cherbîl. Il organisa, avec les

fantassins et les cavaliers dcsUdaya, des Zirâra et d’Ehl

Sous, un seul reha, à la tête duquel il mit son hâjéb, le

Qâ’îd ‘Abdclouahhàb Elyimmoùri. Il se mit en route avec

ce corps d’armée, et rencontra en chemin les Chrâga, les

Oulâd Djâma’ et les Oulâd’ Isa dont il fit un reha sous les

ordres du chéïkh Abûl’abbâs Ahmad bn Moùsa Ech-

chergui. Après avoir franchi l’Oued Ouarga, il trouva les

contingents du Garb qui l’attendaient ils campèrent la

nuit avec lui à ‘Aïn Gerouâch. Le lendemain, il fit un reha

des 15eni Màlek, avec leur Qâ’îd Boù Selhâm Elhammâdi

pour chef, et un autre des Sefiân avec leur Qâ’îd ‘Abdal-

lah Essefrâni pour chef. Il partit ensuite à la tête de toute

cette armée, à l’aube de la victoire et de la félicité.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 15

 

Quant à Mawlay Elinosladi, il était avec les ‘Abîds elles

Béni Hsen. Quand il apprit clue le sultan Mawlay ‘Abdallah

avait quitté l’es, il prit te chemin de la résidence royale de

Miknâs, et y pénétra à l’iniprovistc. Il se mit à piller et

à saccager les maisons, et les Béni Ilsen se livrèrent à des

actes monstrueux, comme d’enlever des femmes et des

enfants. Mais les gens de la ville se ressaisirent bientôt,

et, se groupant pour combattre leur ennemi, ils luttèrent

au milieu de la ville contre les Beni Ilsen, qu’ils mirent en

déroute et qu’ils chassèrent après leur avoir tué un nombre

considérable d’hommes.

 

Pendant ce temps Ahmad Errîfi était arrivé à Elqsar, où

il attendait son sultan Mawlay Elmostadi qui devait se

joindre à lui. Il avait avec lui des troupes innombrables,

formées de gens du Rîf, du Fahs, du Jbal, de Erarêïch,

d’Elqsar, et des tribus d’Elkhlot, de Tlîg et de Bdâoua. Ne

voyant pas venir son allié, et apprenant que le sultan

Mawlay ‘Abdallah s’était mis en marche contre lui, il quitta

Elqsar pour aller à la rencontre de son ennemi. Les deux

armées se trouvèrent en présence le soir même, à Dâr

Al-’Abbâs, sur le bord de l’Oued Loukkos. « La rencontre

eut lieu, ditl’auteuclur Nachr Elmatsâni, dans les environs

d’Elqsar, à l’endroit appelé Elmenzêh, le /i djoumâda II

1156. » Quand les deux partis se trouvèrent en présence,

l’armée du sultan Mawlay ‘Abdallah voulut mettre pied à

terre, mais il dit à ses hommes « Nous ne camperons

qu’après avoir pris du butin ou avoir été battus. » II fran-

chit ensuite la rivière avec ses troupes, et fondit avec ses

‘Abîds et les Oûdeya sur l’armée d’Ahmad Errîfi, avant

qu’elle n’ait pu mettre pied à terre. II défit d’abord l’avant-

garde qui se composait de gens du Fahs et des tribus de

Bdâoua, Tlig et Elkhlot. Quand se présenta ensuite le corps

des gens du Rîf qui formaient le cœur de l’armée ennemie

et où se trouvait le bâcha Ahmad bn ‘Ali, le Sultan char-

gea sur eux et leur fit subir le même sort qu’à l’avant-

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ARCHIVES MAROCAINES

garde. Les troupes d’Errifi se dispersèrent de tous côtés

et furent mises rapidement en déroute. Elles prirent la

fuite, et furent poursuivies par les soldats du Sultan, qui

leur tuèrent du monde et firent des prisonniers jusqu’à la

nuit. Errifi avait été tué dans le combat ses troupes

avaient laissé les tentes et les bagages au pouvoir du Sul-

tan, qui en profita pour installer son campement à Dar

Al-’Abbâs. Le soir, les soldats revinrent chargés de butin

et rapportant la tète du bâcha Ahmad bn ‘Ali Errifi. Le

cadavre de celui-ci avait été reconnu parmi les morts par

un soldat du Sultan, qui lui avait coupé la tète pour l’ap-

porter à son maître. Mawlay ‘Abdallah se réjouit en la

voyant, et l’expédia a Fâs, où elle fut suspendue à Bâb

Elmahroùq. Ainsi finit Ahmad Errîfi, dont les jours étaient

arrivés à leur terme. La vie est éphémère seul demeure

ton maître qui possède la gloire et la générosité.

Errîfi a laissé à Tanger, à Tétouan et dans la région de

ces villes, de nombreuses constructions, qui témoignent de

la grandeur de sa situation. Dieu lui fasse miséricorde

Le sultan Mawlay ‘Abdallàh se porte sur Tanger

 

et s’en empare 1.

 

Après s’être débarrassé des soucis que lui causait Errîfi,

le sultan Mawlay ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde !)

partit le lendemain matin pour Tanger. A peine était-il

en vue de la ville que la population alla à sa rencontre, les

hommes portant des CWahrans sur leurs tètes, et les enfants

tenant devant eux leurs planchettes, pour implorer son

pardon et exprimer leur repentir. Le Sultan leur pardonna,

sauf à ceux qui formaient, pour ainsi dire, la doublure

d’Errîfi. Il fit son entrée dans la ville et en prit possession.

1. Texte arabe, IV” partie, p. 77.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Et faisant établir une garde autour de la maison d’Errîfi et

de ses propriétés, il ordonna nu négociant ‘Adcyyil et à

un certain nombre de marchands de L’es de dresser l’in-

ventaire de ce (|ui s’y trouvait. Ils pénétrèrent dans sa

maison, rouillèrent tous les magasins, et rassemblèrent

tout ce qu’ils trouvèrent en fait d’argent, d’armes, de

selles, de vêtements, de draps, de toile, de matelas, d’us-

tensiles de ménage et d’elle ts mobiliers. Il y en avait une

quantité considérable. Il fit. l’inventaire de tout, et dressa

également une liste des esclaves, des négresses, des che-

vaux, des mules, et de tout le bétail, chameaux, bœufs et

moutons. Le tout atteignait un chiffre élevé. Le bétail fut

donné aux Berbers. Quant aux mers, ils furent abandonnés

au Jaysh les soldats s’emparèrent de tout le blé et l’orge

qu’ils y trouvèrent. Le Sultan s’occupa ensuite des qàïds,

des secrétaires et de tous les gens qui avaient des liens

avec Errîfi, et leur enleva leur argent et leurs trésors. Ce

Rîfi avait l’ait de Tanger et de toute la région le siège de la

gloire. Son influence avait grandi du fait de l’appui que son

père et lui, dans la suite, avaient donné au gouvernement,

après la conquête. En s’emparant de ses magasins, le Sultan

fit une capture comparable à celle des trésors de Qâroûn.

Pendant ce temps, le Sultan reçut des députations des

tribus de la région, auxqueiies ii pardonna en leur donnant

Y aman. Il resta quarante jours à Tanger, et partit ensuite

pour Fâs, victorieux et plus fort car la protection vient de

Dieu.

 

Mawlay Elmostadi suscite au sultan Mawlay ‘Abdallâh

des difficultés dont il est victime; carnage des Beni Hsen

Mawlay Elmostadi, qui, après avoir bataillé contre les

1. Texte arabe, IVe partie, p. 77.

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ARCHIVES MAROCAINES

gens de Miknâs, avait été ensuite battu, se rendit aux

campements des Béni Hsen, et vécut dans cette tribu. Il

apprit la mort d’Ahmad Errîfi, son auxiliaire, et de son

vizir cette nouvelle affaiblissait son bras et détruisait

tout l’édifice qu’il avait élevé. Quand il sut ensuite que

Tanger avait été pris, et que le Sultan s’en était emparé,

il s’arma de décision, et pressa les Beni Hsen et les ‘Abîds

de fournir de nouveaux contingents, afin d’aller couper la

route à son frère, le sultan Mawlay “Abdallah, à son retour

de Tanger. Le chef des Beni Hsen, qui était alors Qâsém

Boù ‘Eurîf, se mit à parcourir la tribu, pour réunir des

combattants en vue de la guerre. Mawlay Elmostadi, accom-

pagné d’une partie des principaux chefs des ‘Abîds, se ren-

dit à Machra’ Erremel, et y réunit un contingent de 10.000

cavaliers. Qâsém Boû ‘Eurif alla l’y rejoindre avec un nom-

lire égal de Beni Hsen. Ses troupes formaient donc un total

de 20.000 hommes, sans compter les renforts qui vinrent

ensuite se joindre à eux. Ils se mirent aussitôt en marche

pour aller barrer le passage au Sultan, qui ignorait la

venue de ses adversaires. Mawlay Elmostadi envoya devant

lui des espions, qui revinrent avec la nouvelle que le

Sultan devait passer cette nuit-là à Dâr Al-’Abbâs. Il se porta

aussitôt au-devant de lui avec ses troupes pour le sur-

prendre. Dès que Mawlay ‘Abdallah vit s’avancer l’avant-

garde des cavaliers, il disposa son armée à la hâte et fit

garder tout le pourtour de la Mhalla par les fantassins.

Puis, marchant contre ses adversaires avec sa cavalerie, il

leur livra combat au bout d’une heure, les Beni Hsen,

qui formaient l’aile droite, étaient battus et se repliaient

en arrière. Il attaqua ensuite Mawlay Elmostadi, qui tenait

bon avec son aile gauche formée des ‘Abîds, et lui livra

combat. Le vent de la victoire commença à souffler, et,

mis en déroute, Mawlay Elmostadi et ses ‘Abîds prirent la

fuite en toute hâte, sans avoir remporté le moindre avan-

tage. Le Sultan envoya aussitôt à leur poursuite le Qâ’îd

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Boù Wzza, l’intendant du cherbîl, avec une troupe de

cavaliers, en leur recommandant de ne pas tuer un seul

des ‘Abîds, mais seulement de les dépouiller. Pas un seul

homme des ‘Abîds ne fut tué dans cette afiàire tout l’effort

fut dirigé contre les Beni Hsen, qui perdirent plus de

1.000 hommes tués et se virent enlever environ 5.000 che-

vaux et un nombre d’armes aussi considérable. Cette

bataille anéantit la puissance des Beni Hsen. Mawlay El-

mostadi parvint i s’échapper dans la déroute et alla s’éta-

blir dans leur campement, attendant un revirement de la

fortune. Chez cette tribu qui, avec les gens de Doùkkàla

et de Murrâkush, formait son parti, nous avons déjà vu que

son frère Mawlay Ennàser était son khalifa dans cette

ville.

 

Le sultan Mawlay ‘Abdallah prit la route de Fâs Eljedîd,

où il ne tarda pas à entrer. Après avoir distribué de l’ar-

gent à ses oncles maternels et à ses ‘Abîds, ainsi qu’aux

gens de Fâs, il alla s’installer à Dâr Eddebîbag. Il y reçut,

au mois de rabi’ II de l’année 1157, une députation de

Qâ’îds des Wbids, qui vinrent lui exprimer leur repen-

tir et réprouver leurs actes en faisant leur soumission.

Il leur adressa de vifs reproches et leur dit « Je n’ai

rien à vous dire aujourd’hui il faut avant tout que

j’extermine les Beni Hsen et tous les autres partisans de

Mawlay Elmostadi. » Il leur pardonna ensuite et leur

distribua leur solde, puis leur ordonna de venir le re-

joindre à Miknâs pour aller combattre les Beni Hsen.

Tandis que les ‘Abîds retournaient à Mechra’ Erremla,

avec le projet de se conformer aux ordres du Sultan,

celui-ci commença des préparatifs d’entrée en campagne.

Il quitta Fâs, à la tête du Jaysh des ‘Abîds, des Udaya,

des gens de Fâs, des Hayâïna, des Chrâga, des Oulâd

Djâma’ et des tribus arabes du Garb. En arrivant à

Miknâs, il y trouva les ‘Abids de Mechra’ Erremla, qui

étaient venus avec leurs chefs et leurs principaux nota-

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ARCHIVAS MAROCAINES

bles ceux-ci lui renouvelèrent, l’expression de leur

repentir et jurèrent fidélité, en présence des cjàdis et des

‘ulâma, lui promettant tous obéissance. Dieu finit tou-

jours par remporter.

 

Le [sultan Mawlay ‘Abdallah part pour le Hawz et le subjugue;

Mawlay Elmostadi s’enfuit effrayé 1.

 

Mawlay Elmostadi était chez les Béni Hsen, comme

nous l’avons dit, pendant que les ‘Abîds juraient fidélité

au sultan Mawlay “Abdallah. Celui-ci partit à la poursuite

de son frère et de ses partisans les Beni Hsen. Il suivit la

route du défilé, de façon à couper aux Béni Hsen le chemin

de la montagne. L’armée les surprit ainsi dans la plaine de

Zbéïda, au moment où ils faisaient la sieste Mawlay El-

mostadi était avec eux. Avant qu’ils eussent eu le temps de

se reconnaître, les cavaliers fouillèrent leurs tentes, chassè-

rent devant eux leurs bestiaux et leurs moutons, et pillè-

rent leurs effets et tout ce qu’ils possédaient. Les Beni

Hsen se dispersèrent dans toutes les directions, Mawlay

Elmostadi eut lui-même grand’ peine à s’enfuir. Les sol-

dats se partagèrent les prisonniers. Alors les Beni Hsen

revinrent en toute hâte demander pardon au Sultan, qui

ordonna de les laisser tranquilles, leur rendit leurs pri-

sonniers et leur laissa leurs chevaux.

 

De là, le Sultan se rendit, chez les tribus de Doùkkâla,

chez lesquelles il avait appris que Mawlay Elmostadi s’était

réfugié. A peine eut-il installé son campement à Qasbat

Boùl’aouân, et celui de ses troupes devant lui dans cette

plaine de Doùkkâla, que les habitants s’enfuirent avec

Mawlay Elmostadi du côté des montagnes, et allèrent

1. Texte arabe, IV partie, p. 78.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

camper près de Demnàt. Les soldats se mirent alors à

retirer les grains des mers, à enlever les trésors de la terre,

à détruire les villages et à couper les arbres. Ils restèrent

environ une année dans cette plaine quand ils avaient

fini de dévaster un endroit, ils allaient dans un autre. Le

Sultan demeurait pendant ce temps à la qasba. Quand il

eut fini de raser complètement la région de Doùkkâla,

qu’il laissa plus dénudée que la paume de la main, car un

oiseau n’aurait pu y trouver de quoi manger, ni un égaré

de quoi s’abriter, il se transporta dans le pays de Serâgna.

A peine était-il arrivé au milieu de ce territoire, que les

délégations de ce pays et des autres tribus de ces mon-

tagnes vinrent lui apporter leurs moûnaa et leurs hédiyas.

Le Sultan les accepta et leur pardonna. De là, il alla à

Demnât Mawlay Elmostadi et les gens de Doùkkâla s’en-

fuirent devant lui et se fortifièrent dans les montagnes des

Mesfîoua, qui avaient proclamé Mawlay Elmostadi et em-

brassé son parti. Le Sultan s’avança jusqu’à Oued Az-Zât où

il établit son campement. Les ‘Arabs Errliâmna, Zemrân

et tous les gens du Hawz qui lui obéissaient, vinrent cam-

per auprès de lui. Les soldats ravagèrent le pays des Mes-

fîoua, où ils semèrent le pillage et la destruction. La lutte

continua avec tant d’acharnement contre Moiïlav Elmos-

il

 

tadi que Oued Az-Zàt devint plus pelé que le ventre d’un

âne. De là le Sultan transporta son campement à Oued

Kigui les soldats y recommencèrent leur œuvre de des-

truction, et les gens du pays ne purent les repousser

leurs forteresses furent démolies, leurs villages brûlés et

leurs arbres coupés. Oued Kigui devint plus dévasté que

Oued Az-Zât. Les habitants finirent par demander l’amân

ils proclamèrent leur soumission et amenèrent leurs en-

fants pour intercéder en leur faveur. Le Sultan leur ayant

déclaré qu’il leur pardonnerait s’ils lui livraient Mawlay

Elmostadi, ils lui répondirent qu’il s’était enfui la veille,

sans quoi ils le lui auraient amené. Le Sultan leur accorda

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ARCHIVES MAROCAINES

 

néanmoins son pardon. Les gens de Doùkkàla vinrent

ensuite, avec leurs femmes et leurs enfants

 

« Voici nos femmes et nos enfants, lui dirent-ils. Nous

n’avons plus d’argent, nous n’avons même plus de quoi

nous nourrir. Faites de nous ce que vous voudrez. »

Le Sultan leur accorda sa grâce et leur permit de re-

tourner dans leur pays. Ces événements se passaient vers

la fin de l’année 1157.

 

L’année suivante (1158), le Sultan quitta le pays des

Mesfîoua et vint camper à Qasbat Alzam, où il reçut,

comme nous allons le voir, une députation de Mor-

râkch.

 

Quant à Mawlay Elmostadi, après s’être enfui de chez

les Mesfîoua, il avait tenté d’entrer à Morràkch, mais les

gens de la ville, qui avaient abandonné son parti, lui avaient

fermés leurs portes et avaient proclamé leur soumission au

sultan Mawlay ‘Abdallah. Comme il n’avait plus rien à

faire à Murrâkush, car son frère Mawlay Ennàser venait de

mourir, on lui envoya les effets laissés par ce dernier.

Après en avoir pris possession, il reprit le chemin du Fahs.

Il fut repoussé de contrée en contrée, jusqu’à son arrivée

à Tanger, se contentant de son exil grâce à la santé de son

corps. Nous verrons bientôt, s’il plait à Dieu, le reste de

son histoire.

 

Les habitants de Murrâkush envoient une députation à Alzam

auprès du sultan Mawlay ‘Abdallah, qui leur donne comme

khalifa son fils Sidi Muhammad l.

 

Après avoir chassé de leur pays Mawlay Elmostadi, les

habitants de Murrâkush s’étaient consultés et avaient décidé

de se soumettre au sultan Mawlay ‘Abdallah. Ils désignè-

1. Texte arabe, IV- partie, p. 7H.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

rent un certain nombre de notables pour les envoyer au

Sultan, qui était à Qnsbat Al/.ain; celle députa tion se ren-

dit auprès de lui et lui apporta le serment de fidélité de

la ville, en lui faisant part du sort subi parMawlay Hlmos-

tadi et de la façon dont ils l’avaient éloigné. Le Sultan

leur ayant pardonné, après leur avoir adressé des repro-

ches, ils le prièrent, eux et toutes les tribus du Hawz, de

venir sur leur territoire et d’entrer dans leur ville. Le Sul-

tan le leur promit. 11 reçut également les délégations de

toutes les tribus du Dîr, qui vinrent le saluer lorsqu’il était

à son campement.

 

Mais, quand il voulut se rendre compte de l’état de l’ar-

mée avec laquelle il avait quitté Miknâs, il s’aperçut qu’il

n’avait plus que la moitié des troupes du Makhzen, et que,

sur les contingents des tribus, il n’avait plus avec lui que

les notables qui étaient restés avec leurs tentes le reste

avait déserté, à cause de la longueur de l’expédition, des

nombreux combats qu’il avait fallu livrer, et du manque de

provisions. Dans ces conditions, il lui était impossible

d’entrer à Morrftkch, mais, pour témoigner de ses bonnes

dispositions envers les habitants de cette ville, il leur laissa

son fils Sîdi Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde !) en leur

disant qu’il l’avait désigné pour être son mandataire auprès

d’eux; ils en furent satisfaits et s’en réjouirent. L’arbre de

la dynastie ‘Àlaouie était planté pour la première fois à

Murrâkush, qui devint capitale et résidence royale aupara-

vant, les Sultans n’avaient, voulu rien changer à la situation

de Miknâs.

 

Le Sultan envoya ensuite son autre fils, Mawlay Ahmad,

qui était plus âgé que Sîdi Muhammad, comme khalîfa à

Rabât Elfelh, en plaçant sous son commandement les tri-

bus d’Echchâouiya et de Beni Hsen.

 

Peu de temps après, il autorisa ‘Abdelkhàleq ‘Adéyyil,

gouverneur de Fâs, à retourner à son poste, mais celui-ci

tomha malade en route et mourut après son arrivée à

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ARCHIVES MAROCAINES

Yèfi il fut enterré dans fa zàouya de Sîdi Wbdelqâder

Al-Fâsî.

 

Le Sultan prit ensuite le chemin de Miknâs par le Tàclla,

après un séjour de près d’une année dans le Hawz. Il arriva

à sa capitale dans le mois de rabi’ Il 1158. Quand il fut en

vue de ^Tékiiès, il ne voulut pas y entrer, et établit son

campement à Qasbat Bon Fekran. Là, il reçut une députa-

tion de guerriers de la foi venue de Tanger et composée

de plus de cent Rifains avec eux se trouvaient la veuve du

bâcha Ahmad Errîfi et ses deux enfants. Le Sultan accepta

le présent considérable que lui apportait cette députation,

mais mit à mort les deux enfants et tous les Rifains venus

avec eux. Il fit tuer en même temps trois cents Beni Hsen,

qui étaient venus le féliciter de son retour. Ces actes de

cruauté détachèrent de lui la population, et provoquèrent

de fâcheux commentaires de la part de son armée et de ses

sujets, qui ne craignaient pas de les proférer en plein mar-

ché. Toute la population et les gensde Fâs eux-mêmes, sans

compter les autres, se montrèrent très froids à son égard.

Le sultan Mawlay ‘Abdallah maltraite les notables Berbers, en

trahissant les engagements pris par Muhammad Ou rAzîz envers

eux il les remet ensuite en liberté1. `.

 

Le meurtre des Rifains et des Béni Hsen provoqua même

chez les Berbers un refroidissement vis-à-vis du sultan

Moiïlay ‘Abdallah pas un d’entre eux ne vint le saluer.

Aussi, comme ils possédaient des terrains de culture dans

les environs de Miknâs, le Sultan ordonna aux ‘Abîds de

les saccager, quand la récolte serait mûre. Les \Abids pro-

cédèrent à la moisson et au battage de leurs grains, et se les

approprièrent. Cette attitude n’ayant fait qu’augmenter les

1. Texte arabe. IV- partie, p. 79.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

velléités de révolte des Berbers contre lui, le Sultan, qui

s’apercevait de leur froideur à sou égard, s’adressa à leur

chef Muhammad Ou W/.îz. Ce personnage avait des rapports

très amicaux avec le Sultan, qui l’appelait son père. ^Moham-

med Ou Wzîz avait en ellet réuni, pour l’appuyer, les con-

tingents berbers et avait pris son parti contre son ennemi

Ahmad Errîfi, qui avait fini par être tué. Le Sultan lui écri-

vit pour lui reprocher sa réserve vis-à-vis de lui et le retard

apporté par ses adeptes à venir se présenter à son poste,

puisqu’ils étaient ses partisans et ses affranchis. En rece-

vant cette lettre, Muhammad Ou Wziz se vit dans l’obliga-

tion d’y répondre; il consulta cependant à ce sujet les

gens de son clan. Ceux-ci ne partagèrent pas son avis.

Comme il insistait, ils lui répondirent « N’as-tu donc pas

vu ce qui est arrivé à ceux qui se sont rendus auprès de

lui ? – Mais tout ira bien », répondit Muhammad, qui les

pressa tant qu’ils finirent par accéder à son désir et se sé-

parèrent pour aller réunir leurs cadeaux et désigner les

membres de la délégation. Quand ils eurent rassemblé ce

qu’ils purent, ils revinrent auprès de Muhammad et lui firent

part une seconde fois de leur crainte de guet-apens. « Cela

ne sera pas, leur dit celui-ci; vous n’êtes point dans les

mêmes conditions que les autres. » Ils durent se rendre à

cette raison et se mirent en route avec Muhammad Ou ‘Aziz

pour la Qasbat Bovi Fekrân, où se trouvait le Sultan. Ils

eurent d’abord une entrevue avec le hdjéb, Aboù Moham-

med ‘Abdelouahhâb Elyimnioûri. En les voyant arriver,

celui-ci n’en put croire ses yeux, et se sentit pris de com-

passion pour ses frères berbers mais il était trop tard

pour les l’envoyer. Ils étaient une centaine environ, tous

notables. Ils descendirent de cheval, et après avoir déposé

leurs armes, ils furent introduits auprès du Sultan. Celui-

ci était assis sur son trône au milieu de la citadelle. Quand

ils eurent terminé leurs salutations, le Sultan leur répon-

dit qu’ils étaient les bienvenus, et les invita à s’asseoir

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ARCHiVES MAROCAINES

devant lui. Aussitôt les gardes et les sbires du Sultan vin-

rent se poster derrière eux et les entourèrent. Le Sultan

se mit alors à leur reprocher de se livrer au brigandage

sur les roules, de faire des incursions sur les faillies tri-

bus, arabes et autres, de voler les marchandises des négo-

ciants il leur reprocha aussi la façon dont ils avaient traité

les soldats des souverains qu’ils avaient dévalisés et enle-

vés. Après leur avoir rappelé les anciennes inimitiés et

tous leurs méfaits, il ordonna à ses gardes de saisir les

envoyés ceux-là fondirent aussitôt sur eux comme des

oiseaux de proie, et, en un clin d’œil, ils furent présentés

au Sultan liés avec des cordes. Muhammad Ou W/.îz seul

ne fut pas arrêté « Sire, s’écria-t-il, si c’est une trahison

après Yamûn, je ne l’ai pas méritée Ces gens, répondit

le Sultan, ont désobéi à la religion il est donc licite de

prendre leurs biens et leur vie. Ils se sont soustraits à

l’obéissance et sont révoltés. Je suis fatigué d’eux. Si je

reviens maintenant à d’anciens errements, la faute en

est à eux seuls. Je veux mettre face à face ce bouc noir (les

‘Abîds) et ce bélier hlanc (les Berbers) l’un des deux périra

et alors je serai débarrassé de ses fureurs quant à l’autre,

je saurai le tenir dans ma main. Si tu n’étais pour moi

comme un père, je ne t’aurais pas dévoilé le secret de mon

cœur. Va-t’en, maintenant, sous la protection de Dieu

aucun mal ne te sera fait. -Je ne partirai pas d’ici, répondit

Muhammad je veux rester avec mes frères partout où ils

seront s’ils meurent, je mourrai avec eux et votre trahi-

son sera complète s’ils restent sains et saufs, je serai

sauvé avec eux. On ne pourra pas dire que je les ai amenés

ici pour les faire égorger, et que moi je suis resté sain et

sauf. Comment puis-je maintenant m’en retourner auprès

de leurs enfants? Quel pays pourra me protéger contre

leurs familles ? Où pourrai-je aller ? Si leur meurtre est iné-

vitable, il vaut mieux pour moi que vous me tuiez avec

eux. Il n’y aura pas de faute, ni de honte pour vous à le

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

faire, puisque c’est moi qui vous les ai amenés, qui les ai

poussés devant vous, quoiqu’ils m’eussent prévenu de tout

ce qui allait arriver, et que je ne les aie pas écoutés. » Eu

entendant ces paroles magnanimes, le Sultan fut saisi par

la force de leur vérité et se mit à y réfléchir. Puis se tour-

nant vers le hâjéb ‘Abdelouahhàb, il lui dit « 0 ‘Abdel-

ouahhâb, il n’y a pas de bien à espérer d’un homme qui en

appelle un autre son père, et qui refuse d’accueillir son

intercession en faveur de ses gens mettez-les en liberté! » »

Ces Berbers furent élargis ils sortaient pour ainsi dire

de leurs tombeaux. Reprenant aussitôt leurs chevaux, ils

rentrèrent dans leurs campements. Ils auraient pu dire ces

paroles de l’Arabe qui avait été M tonné et emprisonné par

Elhaddjâdj pour avoir uriné à Ouàsit, puis mis en liberté:

« Quand nous aurons dépassé la ville de Ouâsit, nouspour-

rons c. et uriner, nous n’aurons plus rien à craindre. »

Les Berbers viennent attaquer à Boû Fekrân le Sultan,

qui s’enfuit à Méknés

 

Une fois arrivés à leurs campements, les Berbers allè-

rent trouver Muhammad Ou ‘Azîz, et lui reprochèrent de

les avoir exhortés à se rendre auprès du Sultan et à se rap-

procher de lui, puisqu’ils avaient été traités ainsi, alors

qu’ils auraient pu se passer de cette démarche. « Nous

étions morts et nous voici ressuscités, lui dirent-ils main-

tenant, il faut que nous nous vengions Faites comme

il vous plaira, répondit Muhammad Ou ‘Azîz. » Après avoir

délibéré et s’être concertés sur ce qu’il y avait à faire, ils

convinrent de se mettre en campagne contre le Sultan

trois jours après et de brûler la tente de quiconque dans la

tribu refuserait de marcher. Muhammad Ou ‘Azîz leur dit

‘1. Texte arabe, IV’ partie, p. 80.

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AHCIlIVIiS MAROCAINES

« (ïardcz-voiis d’aLl;u|iior sur les foutes; pour le reste,

faites ce que vous voudrez. » Après cette délibération, cha-

cun rentra dans son douwai’ pour se préparer au combat.

Le quatrième jour, tous, jeunes et vieux, J’urent exacts au

rendez-vous. Le Sultan, qui était à J J o ù Kekràn, fut. loutsur-

pris quand il vit des étendards apparaître du côté d’Elhâ-

jéJj, et avec eux des cavaliers descendant les vallées et les

ravins, Il n’eut que le temps de faire charger ses bagages,

de faire monter ses femmes sur des mules et de les expé-

dier devant lui avec un relja de msakhrin à pied, qu’il fit

suivie d’un reha de msakhrîn à cheval. Il par-lit ensuite

avec son cortège, et un troisième reha de ‘Abids à cheval,

qui venait derrière lui. Il marcha dans le lit de la rivière

les troupes le flanquaient à droite et à gauche en côtoyant

la rivière, et chaque fois que les cavaliers berbers

venaient charger les msakhrîn, le reha des cavaliers et le

cortège du Sultan, ils recevaient une grêle de plomb, qui

abattait de /|0 a 50 hommes. Ce combat ne cessa qu’au

moment où la colonne arriva à JMb Elqasdir et entra à

Miknâs. Les ‘Abids avaient perdu environ 300 hommes et

les Berbers près de 500, à ce que l’on dit. Ceux-ci ramas-

sèrent leurs morts et les enterrèrent après les avoir

enveloppés dans les tentes des ‘Abids, qui étaient entre

leurs mains (ils n’avaientpu s’emparer d’autre chose;. Cette

affaire eut lieu dans le milieu de l’année 1159.

Nous avons dû employer ici différents vocables, entre

autres reha et msakhrîn. Ces mots servent à désigner des

portions de l’armée de cette dynastie fortunée. Il est néces-

saire d’en indiquer ici la signification usuelle.

L’armée impériale de la dynastie chérifienne se divise

actuellement en trois groupes, qui sont les ashdb, les

msakhrîn, et le Jaysh.

 

Les ashâb sont cette partie des troupes qui accompa-

gnent le Sultan dans ses séjours à la capitale et dans ses

voyages, et ne l’abandonnent jamais. Ce sont ceux qui

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DYNASTIE AI.AOUE DU MAROC

 

remplissent les diverses fonctions makhzéniennes. Parmi

les ashàb, il y aies secrétaires koutlnh) qui sont placés

sous la surveillance du grand-vizir eluu-ir ela’danv, el les

diverses catégories de serviteurs, qu’if serait trop long

d’indiquer, et qui ont chacune leur clief nous citerons

cependant les gens chargés du lit (ferrùcli) du Sultan, les

intendants qui s’occupent de la nourriture et de la boisson,

les gens de l’ablution, etc.

 

Les msakhi’în demeurent également auprès du Sultan,

quand il séjourne à la capitale, oui quand il voyage. Ils sont

le plus souvent montés, mais il y en a aussi qui sont à

pied. Puissants et avantagés, ce sont eux qui sont envoyés

pour s’occuper des affaires importantes, car ils sont experts

dans les questions qui touchent le Makh/en, ainsi que l’in-

dique leur nom de msakhrîn. Lorsque le Sultan sort ache-

val, ou fait une expédition, ils se séparent en deux groupes:

l’un, dans lequel se trouvent des ‘Abîds, marche derrière

lui, parce que ce sont des affranchis, et l’autre, qui com-

prend des Udaya et des Chràga, marche devant lui.

Le Jaysh, comme l’indique son nom, est la pépinière

du tout c’est dans son sein que sont choisis les groupes

(tâïfa) précédents. Il forme l’armée du Sultan et son Diouân.

La majorité des hommes qui le composent sont dispersés

dans des campements ou dans des villes spéciaux, et quand

le Sultan veut faire une expédition, il les convoque en tota-

lité ou en fractions, à tour de rôle, suivant une règle éta-

blie entre eux.

 

Le reha est le nom appliqué à un groupe de mille

hommes du Jaysh, à cheval ou à pied. Ce chiffre peut être

augmenté ou diminué suivant les cas. Dieu sait quelle est

la vérité

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ARCHIVES .MAROCAINES

Révolte des ‘Abîds contre le sultan Mawlay ‘Abdallâh qui se trans-

porte à Fâs, tandis que les ‘Abîds du Dîouûn quittent Mechra’

Erremla pour se fixer à Miknâs

 

En revenant il Miknâs, les ‘Abîds qui étaient à Boû

Fekrân avec le sultan Mawlay ‘Abdallah retrouvèrent leurs

frères qui étaient restés dans In capitale, et leur commu-

niquèrent leurs ressentiments contre le Sultan. Exhalant

toute la haine qu’il leur avait inspirée, ils leur rapportèrent

les paroles qu’il avait dites à Muhammad Ou ‘Azîz « Je

veux mettre aux prises ce bouc noir et ce bélier blanc. »

Ces mots, passés de bouche en houche, causèrent parmi

eux une grande émotion. « Nous ne pouvons plus douter,

dirent-ils, que cet homme n’a d’autre désir que de nous

exterminer examinez ce que vous avez à faire, ou bien

laissez-le agir. » Ils écrivirent ensuite au Dîouân, pour

annoncer à leurs coutribules les propos tenus à leur sujet

par le Sultan et les consulter sur la décision à prendre à

son sujet. Prévenu par un des ‘Abîds de Miknâs, espion du

Sultan, des conciliabules qui avaient eu lieu entre les sol-

dats, et de leur lettre aux hommes du Dîouân, le Sultan

écrivit en toute hâte aux Oûtlêya de Fâs Al-Jadîd, en leur

disant que s’ils tenaient au fils de leur sœur, ‘Abdallah,

ils devaient immédiatement se rendre auprès de lui. Puis

il fit réunir ses efl’ets mobiliers, ses matelas, charger son

argent, seller ses chevaux et réunir son infanterie, et dit

à ses ashdb que le lendemain on retournerait à Boû

Fekrân. Au moment du ‘achâ, 400 cavaliers du Jaysh

des Oûdéya arrivaient à Bàb Elqasdîr. Il leur confia

ses bagages, son argent et ses femmes, et monta à cheval

avec ses fidèles. On marcha toute la nuit le soleil n’était

1. Texte arabe, IVe partie, p. 81.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 16

 

pas encore levé quand on arriva à Fâs Al-Jadîd. Le Sultan

se rendit à sa maison et s’v mit à l’abri.

 

Quant aux ‘Abîcls du Dîouân, en recevant la lettre de leurs

camarades de Miknâs, ils se dirent après l’avoir lue « Il

ne convient pas que nous demeurions au milieu des Beni

Hsen nous ne servons de rien à nos camarades, qui, eux,

ne nous servent pas davantage. » Us résolurent alors de

décamper et d’aller s’établir à Miknâs. Trois jours après,

ils se mettaient en route, ahandonnant Mechra’ Erremla,

pour le grand repos des habitants de cette contrée, et prin-

cipalement de Salé et de ses environs, qui avaient à se

plaindre de leur oppression et avaient subi plusieurs

affronts de leur part. Arrivés à Miknâs, ils s’établirent

dans la ville, à la qasba dans l’écurie (stabl), à Berrîma,

à Hedrâch, et dans toutes les places étendues, et retrou-

vèrent leurs contribules.

 

Le jour de la fète de la rupture du jeune de l’année 1159,

ils envoyèrent auprès du Sultan, à Fâs, une députation

composée de leurs Qâ’îds, accompagnés du qàdi, des savants

et des chérîfs de Miknâs. Après avoir assisté à la fête selon

l’usage, ils lui demandèrent de revenir à Miknâs et s’excu-

sèrent en lui demandant grâce. Le Sultan le leur promit

et leur distribua de l’argent puis ils retournèrent à

Miknâs. Arrivés à Al-Jadîda, près de la ville, ils furent

assaillis par les Berbers, qui les dépouillèrent entièrement

et ne respectèrent que le qâdi Belqâsém, auquel ils lais-

sèrent sa mule. Le matin, toute la députation était à la

porte de Miknâs ils étaient complètement nus les uns en

présence des autres.

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ARCHIVES MAKOCAINKS

 

Complot de Muhammad Ou ‘Aziz contre le Sultan, qui est aban-

donné par les gens de Fés et par les tribus

 

Quand les Berbers furent revenus dans leur pays après

l’aflàire de Bon Fekran, Muhammad Ou ‘Azîz écrivit aux

gens de Fés, pour se plaindre de la tyrannie du sultan

Mawlay ‘Abdallah et leurfaire part de la façon dont il avait

trahi les engagements qu’il avait pris envers ses contri-

bules en les faisant tomber dans un guet-apens. Il leur

demandait de plus de s’allier à lui. Les gens de Fâs accep-

tèrent et entrèrent dans le clan des Berbers. Ou ‘Azîz

écrivit dans le même sens aux ‘Arabs du Garb, Sofiûn et

Beni Mâlék, dont le chef était alors Habib Elmâlki ils lui

répondirent « Nous vous suivrons nous ferons la guerre

et la paix avec vous. » De tous côtés, la rupture fut com-

plète et la lutte commença entre les Udaya et les gens de

Fâs. Peu de jours après, on apprit que la caravane des

pèlerins était arrivée à Tâza et qu’elle s’y trouvait retenue.

Les gens de Fâs demandèrent aussitôt assistance aux Ber-

bers, qui leur envoyèrent de suite cinq cents cavaliers pour

marcher sur Tâza. Ils passèrent par le pays des ‘Arabs

Elhayâïna, qui se joignirent à eux et entrèrent dans leur

clan. Ils partirent tous pour Taza et délivrèrent les pèlerins

qu’ils ramenèrent à Fâs. La caravane fit son entrée dans la

ville par Bâb Elfetoûh, et les Berbers campèrent avec les

yayâïna dans les oliviers. Un certain nombre d’entre eux

entrèrent en ville pour y faire des achats. Les Udaya en

profitèrent pour les disperser et en tuèrent un certain

nombre. Le Sultan ordonna de suspendre les têtes des

morts au mur de la qasba des Ghrâga.

 

Peu après, les gens de Fâs commencèrent à obéir de

nouveau au Sultan et firent effectuer une démarche auprès

1. Texte arabe, IV* partie, p. 82.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

de lui. Moûlav ‘Abdallah leur fit répondre de venir le

trouver. Les ‘ulâma, les chérîfs et les notables se ren-

dirent auprès de lui après les avoir reçus, il leur retraça

leurs méfaits, leur adressa des reproches et leur imposa

diverses conditions, parmi lesquelles, celle de lui remettre

les grains appartenant aux gens du Garb qui étaient emma-

gasinés chez eux, de détruire leurs maisons, de construire

avec les matériaux de démolition Dâr Eddebîbag, et de

choisir entre être Jaysh ou nûïha. Ils lui répondirent qu’ils

allaient conférer de ces propositions avec leurs conci-

toyens, et qu’ils lui feraient connaître ensuite leur déci-

sion. Mais aussitôt arrivés en ville, ils fermèrent les portes

et dirent qu’ils n’accepteraient rien de tout cela. La guerre

recommença une nouvelle fois, le prix des denrées aug-

menta, et les calamités s’appesantirent sur la population.

Le 7 doûlheddja 1159, la populace de Fâs s’empare des

caftans appartenant au Makhzen qui étaient au Fondaq

Ennejjàrîn, et dont l’amîn Elhâdclj Elkhayyât ‘Adéyyil avait

la garde. On voulut le contraindre à livrer l’argent appar-

tenant au Makhzen qu’il avait entre les mains il se débar-

rassa de cette exigence moyennant 3.000 milsqâls, et fut

relâché ensuite, car il avait été emprisonné. Il y avait

3.000 caftans, que l’on distribua aux soldats de la ville, qui

les revêtirent pour la fête des victimes.

 

La guerre continuait entre les gens de Fâs et les Udaya

qui avaient avec eux tous les partisans du Sultan. Dans les

premiers jours du mois de djoumâda Ier 1160, les tribus

berbères et les tribus du Garb vinrent participer avec les

gens de Fâs à la lutte contre le Sultan. Muhammad Ou ‘Azîz

et les Berbers installèrent leur campement au Jbal Tgât,

tandis que Habib Elmâlki, avec les gens du Garb, les Tlig

et Elkhlot, s’établissait à Dâr Eddiyâf Les Udaya se reti-

rèrent à Fâs Al-Jadîd et les ‘Abîds à la Qasba des Chrâga.

Le Sultan était à Dâr Eddebîbag. La situation était critique

pour lui et pour son parti.

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ARCIIIVES MAROCAINES

Dès le lendemain matin, Habib monta à cheval avec ses

‘Arabs et alla attaquer le Sultan à Dàr Eddebîbag, suivi par

les Berbers. En arrivant au fossé qui entoure cette rési-

dence, il apprit que les Berbers se livraient au pillage de

sa Mhalla. Il revint aussitôt sur ses pas, traversa la rivière

et retourna dans son pays. Quant aux Berbers, lorsqu’ils

eurent fini de piller la Mhalla des gens du Garb, ils s’en

fuirent dans la direction de Sâïs. On prétend que le Sultan

avait, pendant la nuit, soudoyé à prix d’argent Muhammad

Ou ‘Azîz pour qu’il préparât la défection de ces troupes et

les dispersât. Il y réussit en faisant piller la Mhalla des

gens du Garb. Avec une tête d’àne on peut racheter le sabot

d’un cheval.

 

Après la dispersion de toutes ces troupes qui retour-

nèrent dans leur pays, les gens de Fâs combattirent encore

pendant plus de deux ans, comme nous le verrons. Dans

l’intervalle, ils envoyèrent des émissaires auprès de Mawlay

Elmostadi qui était dans les environs de Tanger, pour lui

dire que, s’il venait chez eux, ils le proclameraient et lui

obéiraient tous. Mais ce Commandeur renvoya ces délégués avec

la moelle des jarrets et avec une promesse de ‘Oarqoab.

Motifs pour lesquels le sultan Mawlay ‘Abdallah envoya des

armées contre les habitants du Garb, qui rentrèrent sous son

obéissance1.

 

Dans l’année 1160, tandis que les Udaya faisaient la

guerre aux gens de Fâs, une députation de ‘Arabs Beni

Hsen vint se plaindre au sultan Mawlay ‘Abdallâh de ce

que les gens du Garb, en s’en retournant avec tous leurs

contingents dans leur pays, avaient passé par leurs cam-

pements et les avaient attaqués et pillés. Le Sultan,

1. Texte arabe, IVe partie, p. 83.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

oubliant les ressentiments qu’il nourrissait contre eux, leur

envoya une armée nombreuse, composée de soldats des

‘Abîds et des Oîidêya, avec mission de se jeter sur les gens

du Garb, de piller leurs biens et de ne leur rien laisser.

Quand ils apprirent que l’armée se mettait en marche

contre leur pays, les habitants du Garb s’enfuirent rapide-

ment de leur territoire et, suivis par les tribus de Tlig et

d’Elkhlot, se sauvèrent à El’arèïch, où ils se fortifièrent.

L’armée suivit leurs traces et vint investir la ville, qu’elle

assiégea pendant trois mois, durant lesquels périrent de

faim tous les troupeaux des habitants. Un détachement

d’Udaya vinrent après cela leur apporter X aman du Sul-

tan, en même temps que son CWahran et son chapelet, et con-

clurent la paix avec les assiégés. L’armée se retira et les tri-

bus se rendirent avec les Udaya auprès du Sultan, qui,

après avoir accepté leurs hédiyas, leur pardonne et leur

donne comme gouverneur leur chef Habib Elmâlki, auquel

fut également confié le commandement des tribus du

Jbal.

 

L’armée d’ETarêich alla camper devant Qsar Kelama

les habitants de la ville lui donnèrent toute l’hospitalité

possihle, en pourvoyant à la nourriture des hommes et des

animaux. Malgré cela, le lendemain, les troupes péné-

traient dans la ville et la mirent à sac elles se livrèrent

au pillage, à des enlèvements et à des meurtres, et com-

mirent pendant six jours les plus graves excès. La popu-

lation tout entière fut attristée de ces actes et les désap-

prouva (moharrem 1161).

 

Attaque des Udaya par les Berbers, soutenus par la population

de Fâs 1.

 

Au mois de djoumâda II 1161, le Sultan décida une expé-

1. Texte arabe, IV” partie, p. 83.

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ARCHIVES MAROCAINES

ditioii contre les lierbers, et se rendit à lioù Fekran ou il

étaljlil son campement. Il espérait que ses soldats vien-

draient l’y rejoindre comme d’habitude, mais personne ne

répondit à son appel. Il fit convoquer les ‘Abîds, qui lui

répondirent qu’ils ne se rendraient auprès de lui que

lorsque les Udaya et les tribus seraient allés se joindre

à lui. En présence de la résistance générale, il rentra dans

son palais et abandonna son projet. En apprenant son

départ, les Berbers réunirent une expédition pour tenter

de s’emparer de sa personne. Sur les conseils de Moham-

med Ou “Azîz qui leur dit « Mon avis est que nous devons

descendre dans la plaine de Sais, et couper les communi-

cations entre le Sultan et les ‘Abids », ils s’avancèrent jus-

qu’à la plaine de Sais et y établirent leur campement. Ils

vinrent jusqu’auprès de F es Eljedîd saccager les cultures

et attaquer les Udaya, dont ils pillèrent les troupeaux et

les grains, et qu’ils tinrent étroitement bloqués. Ils arri-

vèrent ainsi à rejoindre les gens de Fâs et entrèrent dans

la ville, où ils se mirent à faire du commerce, vendant et

achetant, pendant dix jours après quoi ils s’en retournè-

rent, pleins de joie, dans leurs tribus.

 

Le !’̃’ rejeb, on reçut la nouvelle que les Rifains de

Tanger avaient arrêté Mawlay Elmostadi, qui vivait dans

leur pays, lui avaient enlevé ses chevaux, ses effets et son

argent, en attendant le moment de le remettre à son frère

Mawlay Abdallah. Ils avaient ainsi agi envers lui parce

qu’il opprimait la population du Fahs et de Tanger, et

parce qu’il avait lait arrêter le qaïd Abdelkérlrn bn ‘Ali

Errid, frère de Ahmad bn Ali dont nous avons parlé, lui

avait pris son argent et lui avait crevé les yeux. Quant

aux gens de Télouan, ils ne lui avaient pas juré fidélité et

n’avaient pas fait un seul pas vers lui.

 

Au mois de cha’bân, les Oùclêya vinrent brûler les

battants de Bâb Elmahroùq pendant la nuit, mais les gar-

diens s’enaperçurentà temps et les empêchèrent de fran-

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

chir la porte. Le lendemain, on plaça deux nouveaux bat-

tants.

 

Retour des gens de Fâs à l’obéissance du sultan Mawlay ‘Abdal-

lâh établissement de la paix entre eux et les Udaya1. t.

Las de ce siège qui durait depuis si longtemps, ruinés

par l’hostilité de leurs voisins les Ondoya, et fatigués de

la guerre, les gens de Fâs se rendirent compte qu’il fallait

faire la paix et obéir au Sultan. Comme parmi eux se trou-

vait un chérîf du Tàfilèlt, ils l’envoyèrent auprès du Sul-

tan en qualité de négociateur, et le chargèrent d’une lettre

où ils présentaient leurs excuses et exprimaient leur repen-

tir. Le Sultan s’en montra satisfait et heureux, et leur écri-

vit une lettre destinée à écarter leurs appréhensions et

calmer leurs haines. Il leur jura que jamais il n’avait donné

l’ordre de les combattre, ni de leur faire du mal, et que

tout cela provenaitdes Udaya, qui l’avaient fait spontané-

ment. A la réception de la lettre du Sultan, le calme se fit

dans leurs cœurs et ils furent remplis de joie. Ils dési-

gnèrent aussitôt un certain nombre de docteurs, de ché-

rîfs et de gens respectables pour se rendre auprès du

Sultan à Miknâs. Cette députation arriva dans la capitale

au mois de chouwâl. Le Sultan leur fit un accueil aimable

et leur distribua des cadeaux il leur déclara qu’il leur

pardonnait et était satisfait d’eux. Cette réception leur fut

agréable, et ils retournaient auprès de leurs compatriotes,

pour leur apprendre la bonne nouvelle.

 

Puis la paix fut faite entre eux et les Udaya au tom-

beau de Mawlay Idris (Dieu soit satisfait de lui !) Les portes

de la ville furent alors ouvertes, après un siège qui avait

duré deux ans et trois mois. Ces faits se passaient pen-

1. Texte arabe, IV” partie, p. 83.

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ARCHIVES MAROCAINES

dant le mois de doûlqa’da 1161. Lors de la fête, les gens

de Fâs voulurent aller porter cette nouvelle au Sultan qui

était à Miknâs, mais rebroussèrent chemin, parce qu’ils

avaient peur des Berbers.

 

Les ‘Abîds se révoltent contre le sultan Mawlay ‘Abdallah et

proclament son fils Sîdi Muhammad motifs de leur conduite

Les Berbers avaient vu d’un mauvais œil les habitants

de Fâs obéir de nouveau au sultan Mawlay ‘Abdallah et se

réconcilier avec les Udaya, parce que le désordre cessait.

Quand ils apprirent en outre que le Sultan convoquait les

‘Abîds en vue d’une expédition contre eux, ils cherchèrent

un moyen de semer la division parmi leurs ennemis. Ils

commencèrent à se livrer à des incursions sur les ‘Abîds

de Miknâs, à les bloquer dans la ville, et à voler leurs

enfants dans les potagers et les vergers. Les ‘Abîds leur

écrivirent pour leur demander à vivre en paix et en bonne

harmonie avec eux ils leur répondirent qu’ils agissaient

ainsi d’après les ordres du Sultan. Les ‘Abîds ne conçurent

aucun doute sur leur sincérité ils crurent aussitôt que

le Sultan voulait les punir de leur conduite envers lui et du

peu d’empressement qu’ils avaient mis à se rendre auprès

de lui pour combattre les Berbers, lorsqu’il était campé

à Boù Fekrân, ce qui l’avait forcé à rentrer à Miknâs.

Tous furent d’avis de se saisir du Sultan et de le déposer.

Mais le Sultan, informé de leur résolution, s’enfuit de

Méknés à Dâr Eddebîbag, où il était en lieu sûr. Ceci se

passait au mois de safar 1162.

 

Se sentant impuissants contre les Berbers, les ‘Abîds

leur proposèrent la paix. Les Berhers accueillirent favo-

rablement leur proposition, à condition qu’ils proclame-

1. Texte arabe, IV” partie, p. S+.

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

raient Sidi Muhammad bn ‘Abdallah. Les ‘Abîds jurèrent

aussitôt fidélité à ce Commandeur à Miknâs et lui firent porter

leur bay’a à Murrâkush, où il se trouvait alors, par un

groupe de notables d’entre eux; ils firent en même temps

prononcer la khotba en son nom à Miknâs et dans le

Zerhoùn. Le Sultan était pendant ce temps, à Dâr Eddebî-

bag, réduit à l’impuissance. Quand la députation des

‘Abîds arriva, Sidi Muhammad Jjeu ‘Abdallah repoussa

leur bay’a et leur reprocha leur conduite envers son père.

Il les concilia en leur donnant un peu d’argent, mais

refusa de prêter la moindre attention à leur serment, car

il avait une grande piété filiale et faisait tous ses efl’orts

pour faire plaisir à son père, à qui il envoya en cadeau,

dans le mois de safar de cette année-là, une somme d’ar-

gent s’élevant, dit-on, à 30.000 mitsqàls. La députation

des ‘Abkls revint, désespérée de la réponse que leur avait

faite Sîdi Muhammad. Malgré cela, on continua à pronon-

cer la khotba au nom du Commandeur à Miknâs et dans le

Zerhoûn.

 

Se voyant abandonné, tandis que les ‘Abîds et les Ber-

bers tournaient leurs regards vers son fils Sîdi Moham-

med en qui ils plaçaient leurs espérances, le sultan Moù-

lay ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde!) voulut sauver

sa situation, et chercha à se réconcilier avec ses sujets et

à les attirer à lui. Dès le mois decha’bân, il fit proclamer

dans les marchés de Fâs que les ‘Abîds qui ne se ren-

draient pas auprès de lui à Dâr Eddebîbag, à un moment

donné, n’auraient à faire des reproches qu’à eux-mêmes.

Les ‘Abîds qui étaient à Fâs se présentèrent tous le

Sultan donna cinq dinars à chacun d’eux en lui disant

Faites prévenir vos frères de Miknâs tous ceux d’entre

eux qui viendront à moi recevront la même chose que

vous. » Mais ces propositions ne firent qu’augmenter leur

aversion pour le Sultan, car ils écrivirent aux Berbers

qui étaient à Sâïs pour leur dire de tuer tous les ‘Abids

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ARCHIVES MAROCAINES

qu’ils rencontreraient sur le chemin de Fâs, et procla-

mèrent la déposition du Sukan. Mawlay ‘Abdallah con-

voqua alors Muhammad Ou ‘Azîz, chef des lîerbers. Séduit

par .ses promesses, celui-ci se rendit avec une dépiitation

de ses conlribules, dans le mois de ramadan, auprès du

Sultan, qui leur donna 10.000 dinars, et leur fit encore

remettre pareille somme lorsqu’ils vinrent assister à la

fête. Les Oùdéya et les gens de Fâs reçurent, également

10.000 dinars. Les ‘Abids persistèrent dans leur rébellion

contre le Sultan, mettant autant d’impétuosité à s’éloigner

de lui qu’à s’en rapprocher.

 

Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah vient de Murrâkush à Mèknès et

intervient pour réconcilier les ‘Abîds avec son père (Dieu leur

fasse miséricorde à tous deux!)1 1

 

Dans les derniers jours de djomnada Ier 11 63, Mawlay

Muhammad, fils du sultan Mawlay ‘Abdallah, partit de

Murrâkush et vint à Miknâs comme les Abids faisaient

encore prêcher en son nom, il leur adressa des reproches

à ce sujet et leur dit « Je n’ai rien à voir avec vous, et

je ne suis pas responsable de ce que vous faites, car je

ne suis qu’un serviteur de mon père. » Ils cessèrent de

faire la prière en son nom et, revenant de leur égare-

ment, renouvelèrent leur serment de fidélité au Sultan.

En se soumettant de nouveau à lui, ils sauvaient leur situa-

tion. Celait la septième fois que les ‘Abids juraient fidé-

lité à Mawlay ‘Abdallah ils l’avaient déjà déposé six fois,

comme nous l’avons rapporté.

 

Quand Sidi Muhammad eut accompli la mission qu’il

s’était donnée de faire rentrer les ‘Abids dans l’obéissance

à son père, il quitta Miknâs à la tète de l’armée qu’il avait

1. Texlc arabe, IV0 partie, p. 84.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

amenée avec lui de Morrâkeh et qui se composait d’environ

A. 000 hommes, sans compter les délégués des ‘Abids (|iii

étaient revenus avec lui. Il se rendit auprès de son père

à Dur Eddebîbag. Les Udaya et les gens de Fâs allèrent

à sa rencontre et se réjouirent de son arrivée. En arrivant

auprès du Sultan, il le salua et, après lui avoir oll’ert un

présent somptueux, intercéda en faveur des ‘Abids. Le

Sultan leur accorda leur grâce, niais lui demanda de ne

pas passer la nuit à Dàr Eddebibag. Sidi Muhammad obéit

respectueusement et alla camper il lias Elmâ le lende-

main, il se mettait en roulede bonne heure pour Monâkch.

Les ‘Abkls se présentèrent alors. En même temps le Sul-

tan reçut une députation envoyée par les Guerouàn et

les Beni Mtir, auxquels il donna une gratification de

20.000 mitsqâls. Quand il reçut les Qâ’îds des ‘Abids de

Miknâs, il ne leur fit aucun don.

 

Cette année-là, mourut à Fâs Mawlay ‘Ahmad, fils du

sultan Mawlay ‘Abdallah il fut enterré dans le cimetière

des chérîl’s. (Dieu lui fasse miséricorde !)

 

Les c Abids s’éloignent pour la seconde fois du sultan Mawlay ‘Ab-

dallâh et vont chercher protection auprès de son fils Sîdi

Muhammad à Murrâkush motifs de leur conduite

 

Mécontents de voir que le sultan Mawlay ‘Abdallah, qui

avait gratifié les Beni Mtir et les Guerouân de 20.000 mils-

qûls, ne leur avait rien distribué, les ‘Abids se révoltèrent

comme d’habitude contre lui et prirent à son égard une atti-

tude insolente. Ils convinrentde se rendre auprès de son fils

Sidi Muhammad à Murrâkush. Arrivés dans le mois de doùl-

qa’da de l’année 1164, ils tinrent à ce Commandeur le langage

suivant « Vous serez notre Sultan, sinon nous proclame-

1. Texte arabe, IV* partie, p. 85.

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ARCHIVES MAROCAINES

rons votre oncle Moiïlay Elmosladi. » Puis ils se plaigni-

rent de l’attitude indi/lérente de son père qui les tenait à

distance, réservant toute sa générosité pour les Berbers,

pour les ennemis du gouvernement. Sîdi Muhammad, pour

les calmer, leur distribua un peu d’argent, puis leur remit

pour son père une lettre, dans laquelle il les recommandait

à sa bienveillance. Ils s’en retournèrent satisfaits. Pendant

ce temps, le Sultan, àla nouvelle du départ des ‘Abîds pour

Murrâkush, avait donné 10.000 douros aux Udaya et

3.000 douros aux ‘Abîds qui étaient avec lui. Lorsque les

‘Abîds de Miknâs lui apportèrent la lettre de son fils, il

leur pardonna et leur distribua 20.000 douros. La réconci-

liation ainsi effectuée entre le Sultan et les ‘Abîds,

ceux-ci partirent pour Miknâs entièrement gagnés à sa

cause.

 

Dans cette même année, Sidi Muhammad envoya de

Murrâkush à son père un présent, qu’il lui fit apporter par

un certain nombre de ses serviteurs. Le Sultan fit à cette

occasion l’éloge de son fils et prononça des vœux pour

lui.

 

On apprit aussi dans le courant de cette année que les

gens de Tétouan avaient assassiné leur gouverneur,

Elhâddj Muhammad Atmîm. « Vous aviez vous-même

choisi cet liomme pour gouverneur, dit le Sultan aux habi-

tants de cette ville qui vinrent lui demander pardon de cet

acte, et vous l’avez tué. Désignez maintenant qui vous

voudrez. » Leur choix s’élant porté sur Abû ‘Abdallah

Elhâddj Muhammad beri ‘Omar Elouaqqâch, celui-ci

fut nommé gouverneur, et ils s’en retournèrent dans

leur pays.

 

En 1165, les gens de Tétouan vinrent auprès du sultan

Mawlay ‘Abdallah pour assister à la fête du Mouloûd glo-

rieux, et lui apportèrent une kédiyade 30.000 milsqâls. Ils

étaient accompagnés de l’ambassadeur d’Espagne, qui venait

demander la liberté des captifs de sa nation et qui ofl’rit au

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Sultan un présent de 100.000 douros et des pièces de soie,

de drap et de toile en rapport avec cette somme. Le Sultan

accepta l’argent, mais répondit à l’ambassadeur qu’il n’ac-

cèderait à sa demande que lorsqu’il lui amènerait leurs

captifs musulmans. Il distribua une partie de cet argent

aux Wbîds et à leurs femmes, à raison de 2 douros par

tête ils étaient 2.200.

 

Dans l’année 1166, les Wbîds de Miknâs étant venus

célébrer la fête avec le Sultan, celui-ci leur donna

10.000 douros.

 

Les gens de Fâs se mirent à acheter des chevaux et des

armes en très grande quantité.

 

Dans cette année-là, un traité fut conclu entre le Sultan

et la nation des Estados, qui sont formés de sept tribus

flamandes. Ce traité comprend vingt-deux articles, qui

stipulent la conclusion de la paix et de la sécurité entre les

deux pays, à la faculté pour la nation des Estados d’établir

où ils voudront, dans notre pays, des consuls qui doivent

donner leur signature, appelée passeport à nos bateaux qui

se rendront dans leur pays, la réciprocité des mêmes avan-

tages en notre faveur, etc.

 

Dans la même année approximativement, les chrétiens

d’Eljedîda attaquèrent Azemmoûr et pénétrèrent pendant

la nuit dans le mausolée du cheikh Boû Clia’i’b, où ils

tuèrent près de 50 habitants de la ville. Ceci eut lieu dans

la nuit du vendredi, que les habitants d’Azemmoûr ont

l’habitude de passer dans le mausolée de ce chéïkh. Les

chrétiens d’Eljedîda étaient au courant de cet usage, c’est

ainsi qu’ils purent pénétrer à l’improviste avec leurs

armes; après avoir éteint les lampes, ils se mirent à tuer;

et comme on était dans l’obscurité, les musulmans eux-

mêmes se tuèrent entre eux. Les chrétiens partirent en-

suite. Luiz Maria, historien d’Eljedîda, rapporte ainsi cet

incident « Dans la nuit du 12 novembre de l’année! 752 de

l’ère chrétienne, 10 Portugais d’Al-Jadîda allèrent à Azem-

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ARCHIVES MAROCAINES

moùr et pénétrèrent dans le tombeau du chéïkh Boû Cha’îb

et y tuèrent Z|0 nnisulninns. L’épouvante se répandit dans la

ville et. bon gré mal gré, chacun courut aux armes. Les

chrétiens s’en retournèrent aussitôt, mais rejoints en route

par les musulmans, les uns furent blessés et les autres

purent se sauver, mais avec beaucoup de peine. » Luiz

prétend que les chrétiens étaient au nombre de 10 mais

les gens d’A/emmoùr assurent qu’ils étaient heaucoup

plus nombreux. Dieu sait quelle est la vérité.

Dans l’année 1167, il ne se passa rien dans le gouverne-

ment. L’année suivante (1168) mourut Muhammad Ou’Azîz,

chef des tribus des Aït Idrfisén, qui obéissaient à ses

ordres et dont toutes les affaires étaient conduites sui-

vant ses indications.

 

Révolte des Aït Idrâsén et des Guerouân qui s’allient aux Udaya:

motifs de ces événements

 

Muhammad Ou’Azîz mort, il n’y avait plus personne

chez les Aït Idrâsén pour lui succéder. La discorde éclata

aussitôt entre ces tribus et celle de Guerouân. Les Aït

Idrâsén attaquèrent les gens de Guerouân, qui s’enfuirent

en déroute et allèrent se réfugier à Dâr Eddebîbag, où ils

demandèrent protection au Sultan. Ne sachant plus où vivre

et n’ayant plus de pâturages, ils se mirent à vendre leurs

animaux sur le marché de Fâs, les vaches se vendaient

5 onces, et les brebis I once. Le sultan Mawlay ‘Abdallah

ordonna alors aux Udaya de leur venir en aide, et établit

entre eux une alliance fraternelle. Les Oîidêya les prirent

aussitôt sous leur protection et leur défense, et livrèrent

combat à leurs ennemis. Les Aït Idrâsén furent battus

leurs cavaliers s’enfuirent détruits et, de tous côtés, leurs

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 86.

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DYNASTIE Al.AOUIE DU MAROC

 

combattants furent tués; ils perdirent environ cinq cents

hommes dans celle aflaire. Ceux qui purent s échapper

allèrent chercher asile dans le pays des Chràga. Telle fut

l’origine de l’alliance entre les Où (leva et les (luerouân.

En 1169, les Wbîds de Miknâs vinrent demander au

Sultan de revenir avec eux dans cette ville, qui était sa

résidence royale, après avoir été celle de son père. « Com-

ment puis-je partir avec vous, leur répondit le Sultan,

alors que parmi vous se trouvent un tel et un tel » et il

leur nomma un certain nombre d’entre eux qui lui refu-

saient leur soumission. En rentrant dans leurs campe-

ments, les ‘Abîds, la nuit venue, assaillirent dans leurs

tentes tous ceux que le Sultan leur avait désignés et leurs

semblables, et les mirent à mort pour être agréables à

Mawlay ‘Abdallah et le gagner. Parmi les morts, étaient

le Qâ’îd Muhammad Esslaoui, le Qâ’îd Slîmân bn El’asri

et le qaïcl Za’boùl. Quand il sut cela, le Sultan leur fit

porter ZiO.OOO mitsqâls de solde, et les renvoya à Miknâs

en leur promettant que, dès qu’il aurait terminé ses affaires,

il irait les rejoindre.

 

Cette année-là, le Qâ’îd Abû ‘Abdallah Muhammad

Elouaqqâch vint, accompagné de gens de Tétouan, appor-

ter au Sultan un cadeau de 1.000 douros, ainsi que des

captifs et des marchandises que ses corsaires avaient enle-

vés aux chrétiens. Le Sultan reçut ce Qâ’îd avec généro-

sité et lui fit don de deux djârias il s’en retourna plein

de joie auprès de ses compatriotes.

 

Cette année-là, le Sultan reçut également à Dâr Edde-

bîbag la visite de son frère Mawlay Abonlhasan ‘Ali qui

avait été déposé. Après lui avoir donné de l’argent et des

objets mobiliers pour une valeur de 10.000 mitsqâls, il

lui offrit le choix entre la résidence de Tâfîlèlt et celle de

Miknâs. Mawlay ‘Ali ayant choisi Meknès, le Sultan lui

concéda les revenus du meks de cette ville et ceux des

jardins du Makhzen, ainsi que des terrains de culture.

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ARCIIIVES MAROCAINES

Mawlay Aboùlhasan alla se fixer à Miknâs et trouva cette

ville agréable à habiter. Lors de la saison du labour, il fit

labourer ses terres, mais les ‘Abîds l’attaquèrent, et, après

lui avoir mis les fei’s aux pieds, l’envoyèrent au Sultan en

lui disant « Cet homme a gâté notre pays; décide entre

lui et nous. » Le Sultan lui donna la liberté et l’envoya à

Sijilmâsa.

 

Les Berbers volèrent, cette année-là, tous les trou-

peaux des Udaya, et leurs champs et leurs

potagers.

 

Dans l’année 1170, une guerre sanglante éclata entre

les Ait Idrâsén et la tribu de Guerouân, qui fut soutenue

par les Udaya. Les Ait Idrâsén furent battus dans la

plaine d’Ennkhila, qui fait partie de la plaine de Sâïs.

Dieu sait quelle est la vérité.

 

Mort du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah bn Ismâ’îl

(Dieu lui fasse miséricorde!)’.

 

Le Commandeur des Croyants, Mawlay ‘Abdallah bn Ismâ’îl

(Dieu lui fasse miséricorde !) mourut à Dâr Eddebîbag, le

jeudi 27 du mois de safar béni de l’année 11 71. Il fut en-

terré à Fâs Al-Jadîd, au cimetière des chérîfs où était en-

seveli son fils Mawlay Ahmad (Dieu leur fasse à tous deux

miséricorde !). « Le Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah,

dit l’auteur du Boustân, était dur et violent c’est pour-

quoi il était détesté de l’armée et de la population. Il

demeura plusieurs années dans l’abandon à Dâr Eddebî-

bag, sans que personne se rendît auprès de lui les habi-

tants du pays avaient sa béta suspendue à leur cou et ils

le fuyaient, à cause du sang qu’il versait sans raison appa-

rente. Il demeura dans cette situation pendant douze ans,

1. Texte arabe, IV” partie, p. 86.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

AI1CII. MAROC. 17

 

de 1159 à 1171. Dieu lui fasse miséricorde et lui accorde

son pardon, ainsi qu’à tous les musulmans »

 

Parmi les panégyriques qui ont été faits de ce Sultan,

nous citerons le suivant

 

« Salut à toi, ô lumière de l’univers, ô gloire des ché-

rîfs de la famille de Hâchem

 

« 0 toi qui t’es élevé pour abattre tous les ignWahrants

toi par qui chaque inonde s’est réveillé enchanté;

« Toi qui, ombre de Dieu sur la terre, est venu regar-

der les malheureux d’un œil charitable

 

« Toi que Dieu a revêtu d’un respect mêlé de crainte

pour humilier les étrangers

 

« Toi qui possèdes l’énergie, la résolution et la force

qui écrase sous l’effroi les cœurs des lions.

 

« Il doit suffire à ta gloire de posséder une puissance

évidente et une générosité qui fait oublier celle de Hâtém

« Et d’avoir les qualités naturelles dont la bonne odeur

s’est répandue, et qui font les rois glorieux et généreux.

« J’en jure par ma vie Toutes les grandeurs l’ont

tendu leurs rênes pour les conduire, car tu es le résolu

des résolus

 

« Tu es monté sur le trône aux angles solides, vers

lequel on est chassé par les épées et les lances.

« Le Dieu des hommes a dispensé de réunir des sol-

dats en te donnant un jugement droit qui met les armées

en déroute

 

« Au moment où tu es venu, le mal dans le Garb avait

dépassé toutes les limites les marchés étaient des foires

de crimes

 

« Le feu de la discorde brûlait dans tous les défilés, et

les mauvais sujets pouvaient à leur aise profaner les choses

sacrées.

 

« Tu l’as subjugué, au moment où le plus petit oiseau

de proie pouvait devenir un aigle, et où de simples pas-

teurs de troupeaux devenaient les maîtres.

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ARCIIIVES MAROCAINES

« Tu nous as donné la sécurité contre les agresseurs,

et tu nous as protégés contre les astucieux assaillants. »

Retour en arrière pour raconter l’histoire de la fin de Mawlay

Elmostadi (Dieu lui fasse miséricorde!)1.

 

Nous avons déjà raconté que le sultan Mawlay ‘Abdallah

était parti, en 1157, à la poursuite de son frère Mawlay

Elmostadi; qu’il avait ravagé les pays du Hawz à cause de

lui, qu’il l’avait forcé à s’enfuir des montagnes de Mesfîoua,

que celui-ci s’était sauvé à Murrâkush, dont les habitants

l’avaient repoussé que, ne trouvant pas d’abri sûr dans le

Hawz, il avait poursuivi sa route à travers les campagnes

et les bourgs, obligé de voyager la nuit, qu’il avait tra-

versé le Doûkkâla, le Tâmema, les Beni Hsen qui n’avaient

pas voulu l’accueillir, et qu’il était enfin parvenu à Tanger,

où il avait fixé sa résidence, et où, après avoir opprimé la

population pendant longtemps, il avait fini par s’emparer

du Qâ’îd ‘Abdelkerlm Errîfi, l’avait emprisonné, lui avait

crevé les yeux et s’était emparé de ses biens. Nous avons

vu que les Rifains l’avaient arrêté, lui avaient pris ses

chevaux, ses matelas et ses effets, et avaient dévalisé ses

gens, qu’ils l’avaient soumis à la torture, et voulaient

l’envoyer à son frère Mawlay ‘Abdallah, et qu’enfin, chan-

geant d’idée, ils l’avaient mis en liberté. Alors, débarrassé

de leurs persécutions, il écrivit à son frère Mawlay

‘Abdallâh, qui était à Fâs, pour s’excuser sur sa conduite

passée et demanda de lui assigner un endroit où il pour-

rait s’établir. Le sultan Mawlay ‘Abdallâh lui répondit

« Tu n’as commis aucune faute envers moi, et tu ne m’as

fait aucun mal car tu n’as cherché, comme moi, qu’à recou-

vrer le trône de ton père. Si maintenant tu veux, comme

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 87.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC.

 

moi, vivre sans éclat, établis-toi à Aséïla, cela vaudra mieux

que Dâr Eddebîbag où je suis. Repose-toi comme moi. Si,

au contraire, tu recherches le pouvoir, c’est ton affaire, et

quant à moi, je ne te le diputerai pas. » Quand il reçut

la lettre de son frère, Mawlay Elmostadi se mit en route

pour Aséïla. Il s’y établit, s’occupa d’y faire les améliora-

tions nécessaires, et, après l’avoir fait réparer, s’installa

dans la maison d’Elkhadir Geïlan, qui se trouve dans la

qasba. Cédant ensuite aux instigations de certains aven-

turiers cupides qui l’entouraient, il se mit à embarquer

des grains pour les infidèles. Ces aventuriers lui servirent

d’intermédiaires pour s’entendre à ce sujet avec un négo-

ciant chrétien de Tanger, et conclurent un traité avec ce

dernier. Ce négociant vint en personne à Aséïla il chargea

des grains sur son bateau et paya la s-ûka afférente à cette

marchandise, c’est-à-dire les droits. Mawlay Elmostadi,

voyant que cette opération était avantageuse, voulut gagner

davantage, et chercha à faire le commerce des grains avec

tous les négociants qui se présentaient. Les chrétiens

furent bientôt tous informés qu’on pouvait embarquer des

grains dans le port d’ Aséïla, et au bout de peu de jours

leurs bateaux vinrent de tous côtés mouiller dans le port,

qui se remplit de vaisseaux. Les ‘Arabs de la région appor-

tèrent leur blé et leur orge Mawlay Elmostadi les leur

achetait et les revendait aux chrétiens, de sorte que les

bateaux embarquaient tout ce qu’ils pouvaient. De cette

façon, le Commandeur avait un bénéfice double, celui qu’il réa-

lisait sur les prix et la sâka. La situation devint bientôt

très florissante il s’enrichit et le nombre de ses partisans

augmenta. Il se mit alors à acheter des armes à Tétouan,

pour armer ses gens et les rendre puissants.

 

Apprenant ce qui se passait, le sultan Mawlay ‘Abdallah

se repentit d’avoir autorisé son frère à résider à Aséïla.

Il écrivit au Qâ’îd Aboiî Muhammad ‘Abdallâh Essefîâni,

pour l’inviter à aller assiéger Mawlay Elmostadi dans

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ARCHIVES MAROCAINES

Aséïla el. l’eu expulser. Il manda en même temps a son

fils Sidi Muhammad à Murrâkush, d’envoyer quelqu’un pour

le chasser de cette ville, de concert avec le Qâ’îd ‘Abdallah

Essefiûui, qui aurait avec lui cinq cents cavaliers. Sîdi

Muhammad fit partir avec cent cavaliers son cousin et

ami, Moûlav Idris heu Elmontasir, et lui donna ordre de

rejoindre d’abord en chemin “Abdallah Essefiâni et ses

cinq cents cavaliers, conformément au plan établi par son

père, puis d’aller bloquer Mawlay Elmostacli dans Aséïla

jusqu’à ce qu’ils l’en fissent sortir. Mawlay Idrîs etEssefiàni

vinrent, donc camper devant la ville et assiégèrent Mawlay

Elniosladi. Celui-ci se rendit auprès d’eux et chercha a

persuader son cousin Mawlay Idris de lever le siège et de

le laisser en paix. Il s’excusa en disant que le Sultan lui

avait permis de demeurer à Aséïla et lui avait permis de

percevoir à son profit les revenus du port. Mais Mawlay

Idrîs resta inflexible et finit par faire sortir de la ville

Mawlay Elmostadi. Il s’empara de tout ce qu’il trouva dans>

sa maison, argent, armes, poudre, etc., et le porta à son

oncle .Mawlay ‘Abdallah.

 

Mawlay Elmostadi, en quittant Aséïla, partit pour Fâs,

où il demeura dans le mausolée du chéïkh Boû Bkeur

ben El’arabi (Dieu soit satisfait de lui !) Il envoya son

fils auprès du sultan Mawlay ‘Abdallah, pour se plaindre

de la conduite à son égard de son fils Sîdi Muhammad

ben ‘Abdallah, qui avait levé des troupes pour marcher

contre lui et l’avait expulsé d’ Aséïla. Le Sultan répondit

« Dis à ton père que je n’ai aucun pouvoir sur mon fils,

car il esl plus puissant que lui et moi. Que ton père aille

donc au pays de son père et de ses ancêtres, et qu’il ne

se donne pas tant de peine, car ni lui, ni moi n’avons plus

longtemps à vivre. »

 

Quand les paroles du Sultan lui furent rapportées, Moû-

lay Ehnostadi partit pour Sefroû, où il s’installa dans la

maison du gouverneur de cette ville. Il laissa sa famille à

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Fâs, dans la maison du chérît’ Mawlay Ettahâmi, dans le

quartier d’Eldjoùtiyîn. Lorsque Mawlay Idris l>on Elmon-

tasir apporta les elï’ets et l’argent, de Mawlay Elmosladi

au Sultan, celui-ci conserva pour lui la poudre et les

armes, et pour le reste il manda au Gouverneur de Fés

d’écrire au Commandeur, pour l’inviter à envoyer un délégué de

sa part pour prendre possession de son avoir. Mawlay

Elmostadi expédia aussitôt quelqu’un, qui prit livraison de

son argent et de ses e flots, et les remit à ses femmes, qui

étaient dans la maison de .Mawlay Ettahâmi.

 

Après avoir séjourné quelque temps à Sel’roù, Mawlay

Elmostadi convoqua les notables de la tribu d’AïtYoùsi,

qui vinrent le trouver. 11 leur proposa de le proclamer et

de prendre sa cause en mains, mais ils ne lui montrèrent

aucun empressement et lui répondirent qu’il fallait d’abord”

qu’il se rendît chez les Aït Idrâsén et les Guerouân, et que

si ceux-ci accédaient à ses propositions, ils régleraient leur

attitude sur la leur. Voyant qu’il n’obtenait aucun résultat

à Sefroù, Mawlay Elmostadi envoya quelqu’un à Fâs pour

lui ramener sa famille et ses effets, et partit pour Sijil-

mâsa, où il se fixa (1106). Il resta désormais à l’écart du

pouvoir et cessa de le rechercher. Il demeura au Tâl’îlêlt

jusqu’à sa mort, qui survint en 1173. Dieu lui fasse miséri-

corde et lui pardonne

 

Retour en arrière pour raconter l’histoire des ‘Abîds réunis par

le sultan Mawlay Ismâ’îl, depuis la mort de ce Commandeur jusqu’au

règne du sultan Sidi Muhammad’.

 

Nous avons rapporté avec quel soin le sultan Mawlay

Ismà’îl avait réuni les ‘Abîds, dont le nombre avait atteint

le chiffre de 150.000, et les avait fait instruire et entraîner.

1. Texte arabe, IV” partie, p. 88.

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ARCHIVES MAROCAINES

Sous le règne de ce Commandeur, leur puissance et leur richesse,

la grandeur de leurs maisons et de leurs palais, le nombre

de leurs chevaux de race, le choix de leurs armes, l’éten-

due de leur fortune et la beauté de leurs costumes, avaient

atteint un degré auquel personne n’était parvenu avant

eux.

 

A la Mlialla de Mechra’ Erremla, il y en avait 70.000,

tant cavaliers que fantassins. Les gégchâriga, qui étaient

sous les ordres du bâcha Msâhél, étaient au nombre de

25.000 ils étaient tous à pied, et leurs Qâ’îds seuls étaient

montés. A Tânoût et à Oujéh ‘Aroûs, il y avait 5.000 ‘Abîds

qui avaient tous le titre de Qâ’îd et étaient montés. Les

50.000 autres étaient fractionnés dans les qasbas, dont ils

formaient les garnisons et où ils veillaient à la garde des

routes et à la défense des places. Ils jouissaient d’une

très grande aisance, car chaque tribu venait apporter ses

‘achour à la qasba bâtie sur son territoire, où ils servaient

à nourrir la garnison et les chevaux.

 

Cet état de choses se maintint jusqu’à la mort de Moù-

lay Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !). Après lui, les

garnisons des qasbas cessèrent de recevoir ces vivres

nécessaires à leur entretien. Ses fils, au cours des discus-

sions qui se produisirent entre eux, négligèrent de s’oc-

cuper des ‘Abîds et ne firent pas attention à eux, si bien

que leurs ressources diminuèrent, que leur situation

s’affaiblit beaucoup, et qu’ils finirent par se répandre dans

les tribus voisines de leurs garnisons, où ils se mirent à

posséder pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs

enfants. Dès qu’ils eurent abandonné ces qasbas, les tribus

arabes et berbères, sur le territoire desquelles elles se

trouvaient, se mirent à les piller et à les démolir, enlevè-

rent les portes et les poutres de bois, ainsi que tous les

matériaux légers qu’ils y trouvèrent, et les laissèrent en-

tièrement vides. Les murailles seules restèrent debout.

Il en fut de même à la Mlialla de Mechra ‘Erremla.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Dès que les ‘Abîds l’eurent quittée pour aller se fixer

à Miknâs, sous le règne du sultan Mawlay ‘Abdallah,

les Beni Hsen se mirent à piller et à démolir. Ils

dévalisèrent entièrement tous les retardataires qu’ils trou-

vèrent et s’emparèrent des objets pesants que les ‘Abîds

y avaient laissés dans l’espoir de les retrouver quand ils

reviendraient de nouveau à Mechra’ Erremla. Les Beni

Hsen allèrent même jusqu’à démolir les maisons et les

palais et à transporter i Salé les portes et les poutres de

bois, qu’ils vendirent à vil prix. Il y avait, en effet, à la

Mhalla des maisons et des palais comme on n’en voyait pas

dans les grandes villes. Les Qâ’îds rivalisaient entre eux de

magnificence en construisant des maisons plus solides,

mieux ornementées et plus brillamment peintes que celles

de leurs collègues. Mais les Beni Hsen saccagèrent toutes

ces constructions, les renversèrent de fond en comble et

les anéantirent en moins de temps qu’il n’en faut à un

chien pour se lécher le nez. Ils ne laissèrent debout que les

murailles, qu’ils démolirent dans la suite petit à petit. Ils

pratiquèrent même des fouilles dans le sol, pour chercher

des trésors, et en découvrirent une très grande quantité.

Lorsque les ‘Abîds de Elmhalla se transportèrent à Mék-

nès, il en arriva jusqu’à la ville moins de la moitié les

autres se dispersèrent dans les tribus au momentdu départ,

retournant les uns à leur tribu, les autres à leur village

d’origine. Ceux qui s’établirent à Miknâs n’y demeurèrent

pas longtemps. Leurs ressources étaient modiques, le prix

des denrées très élevé, et les famines et les troubles très

fréquents dans cette période. Il ne resta plus à Miknâs

que les Qâ’îds qui étaient dans l’aisance, et les artisans qui

pouvaient gagner leur vie en travaillant. De plus, leur

séjour dans la ville devint plus dangereux encore, à cause

des incursions des Berbers, plus forts qu’eux, qui vinrent

plus d’une fois leur voler leurs enfants dans les potagers

et les vergers. La plupart allèrent petit à petit chercher de

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ARCIIIVES MAROCAINES

quoi vivre dans les bourgades et les tribus, et finirent par

oublier le service militaire et la manœuvre individuelle et

en groupes nombreux. Ainsi se dispersa cette forte troupe.

A Dieu revient la fin de toutes choses. Un grand nombre

de ‘Abîds (on en compte 5.000) périrent dans le tremble-

ment de terre qui se produisit à Miknâs en 1169, et dont

nous parlerons dans les faits divers.

 

C’est ainsi qu’ils allèrent toujours en diminuant et en

s’affaiblissant jusqu’au règne du grand sultan Mawlay

Muhammad bn ‘Abdallâh (Dieu lui fasse miséricorde !)

qui, les ayant trouvés réduits à néant etformant une misé-

rable troupe, s’intéressa à eux, les rappela des tribus où

ils s’étaient dispersés, leur donna de la vigueur, leur ren-

dit l’importance qu’ils avaient perdue, les monta avec des

chevaux de prix, releva leurs drapeaux et leurs étendards,

et en fit une légion des plus puissantes. Ce fut lui d’ailleurs

qui, par sa bonne administration et son intelligence for-

tunée, sut restaurer et vivifier ce gouvernement isma’îlien

qui était tombé, qui avait perdu son éclat, et dont toutes

les franges s’étaient déchirées. Dieu Très-Haut lui fasse

miséricorde et soit satisfait de lui

 

Ici finit ce que nous avons à dire sur les nobles chérîfs,

fils de Mawlay Ismâ’îl (Dieu leur fasse miséricorde !) Aken-

soûs dit « II est hors de doute que ceux des fils de ce

Commandeur qui se sont emparés du pouvoir après la prestation

de serment au sultan Mawlay ‘Abdallâh doivent être consi-

dérés comme des révoltés sans qualité d’Imâm. Leur his-

toire doit être comprise dans celle du règne de Mawlay

‘Abdallah. » Il faut porter le même jugement en ce qui

concerne le sultan Mawlay Ahmad bn Ismâ’îl, qui fut un

imâm remarquable, et Mawlay ‘Abdelmâlék qui se révolta

contre lui, car on sait par les théories des Ach’ariyâ que

le fait de libertinage ne suffit pas pour provoquer la dé-

chéance de l’imâm. Dieu sait quelle est la vérité, et est le

meilleur juge

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Retour en arrière pour raconter, du commencement à la fin, la

vice royauté que Sidi Muhammad bn ‘Abdallâh exerça à

Murrâkush1.

 

Nous avons dit précédemment que le sultan Mawlay

‘Abdallah était parti en l’année 1057 à la poursuite de son

frère Mawlay Elmostadi et finalement l’avait chassé du

territoire de Mesfioua. Les habitants de Murrâkush s’étaient

alors rendus auprès de lui et l’avaient sollicité de venir

dans leur ville, mais les circonstances ne le lui avaient pas

permis. Décidé à rentrer dans le Garb, il avait envoyé

Mawlay Ahmad, son fils aîné, à Ribât al-Fath pour l’y repré-

senter, et avait placé sous son autorité les tribus d’Ech-

Shâwiya, de Beni Hsen et les tribus intermédiaires. Puis

il avait dirigé son jeune fils, Sîdi Muhammad, avec les

gens de Murrâkush, avec mission de le représenter dans

cette ville par cet acte commença la plantation à Murrâkush

de l’arbre de la dynastie ‘alaouie et le choix de cette ville

comme capitale de la famille impériale.

 

En arrivant à Murrâkush, Sidi Muhammad s’installa dans

la qasba, qui tombait en ruines. On n’y trouvait plus que

quelques vestiges des constructions des Saadiens et des

Almohades, démolies par l’action du temps et servant de

nids aux chouettes et aux hiboux. Il dressa ses tentes au

milieu de ces ruines, et fit creuser les fondements de sa

demeure dans un vaste emplacement éloigné des palais

détruits, en dedans de la muraille. A peine avait-on com-

mencé les travaux, que les ‘Arabs Errhâman, qui depuis

longtemps répandaient la terreur autour de Murrâkush et

qui ne voulaient pas y voir s’installer un gouvernement

susceptible de les contenir, se mirent d’accord pour faire

obstacle à ses projets. Une troupe de mauvais sujets de

1. Texte arabe, IVe partie, p. 89.

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ARCHIVES MAROCAINES

celle tribu marchèrent contre Sidi Muhammad et, le sur-

prenant à l’improviste, le chassèrent de la qasba. Sîdi

Muhammad se rendit alors à Asfi.

 

Quant à Mawlay Ahmad, gouverneur des Deux-Rives, il

s’était établi dans la qasba de Rabât, ayant sous ses ordres

les ‘Abîds de la qasba. Il exerça ses fonctions de khalifa

dans cette ville, jusqu’au jour où les habitants des Deux-

Rives, ayant appris la façon dont les Rhâmna avaient traité

le khalîfa, de Murrâkush, convinrent de le chasser de leur

pays. Ils lui déclarèrent la guerre, assiégèrent la qasba où

il se trouvait avec les ‘Abîds Foullân qui y tenaient garnison

depuis l’époque du sultan Mawlay Ismâ’îl; ils leur cou-

pèrent les vivres et l’eau, si bien que, exténués et ravagés

le siège, les assiégés durent demander Yamûn pour

leurs personnes et l’obtinrent. Mawlay Ahmad se rendit à

Asfi où il rejoignit son frère Sîdi Muhammad. On a vu pré-

cédemment ce qu’il advint de lui il mourut à Fâs en 1160.

Dès qu’il fut parti, les gens de Rabat se précipitèrent sur

les ‘Abids de la qasba, les en chassèrent et les dispersèrent

dans la ville, afin d’annihiler leur force et leur cohésion.

Ainsi se passa le khalifat de Mawlay Ahmad.

Quant à Sîdi Muhammad, pendant son voyage de Mor-

râkch à Asfi, il avait été salué par les tribus de ‘Abda et

de Hmar, qui lui avaient donné l’hospitalité sur leur terri-

toire, lui avaient offert des présents, avaient exécuté des

fantasias en son honneur, avaient joué le jeu de la poudre

pour marquer la joie que leur causait sa venue et le

respect qu’ils professaient pour sa personne, et l’avaient

accompagné jusqu’à Asfi. Arrivé là, il fut bien reçu par la

population et s’établit dans la qasba. Sa bonne étoile le

suivait partout.

 

Aussitôt qu’il fut installé, les gens d’Asfi lui présentèrent

leurs cadeaux. Les négociants chrétiens et juifs firent de

même, rivalisant entre eux et redoublant d’empressement.

Les ‘Arabs de ‘Abda, notables et simples particuliers,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

arrivèrent, en foule auprès de lui, lui oflïant leurs enfants

pour qu’il les prit à son service, et lui apportant tout ce

qu’ils pouvaient. Il accorda aux négociants l’exportation

des marchandises par le port. Aussi nombre de navires

vinrent y débarquer des marchandises du pays des chré-

tiens, et les négociants affluèrent de tous côtés avec des

cargaisons, pour vendre et acheter. Le bien-être augmenta

et les richesses s’accrurent. La situation de Sidi Moham-

med grossit ainsi, et sa renommée s’étondit dans tout le

Hawz. Les tribus d’Echchiâdhama et de Hàha se rangèrent

alors sous son autorité et se mirent avec empressement

à son service. Six mois ne s’étaient pas écoulés qu’il sortait

déjà avec une escorte d’environ mille cavaliers. A leur

tour, les Rhâmna, apprenant le résultat qu’avaient obtenu

leurs adversaires de ‘Abda et de Hmar en lui servant

d’auxiliaires et en venant le servir, leur portèrent envie

et changèrent d’attitude. Un certain nombre de leurs

notables se rendirent à Asfi, et envoyèrent des présents à

Sidi Muhammad, pour chercher à rentrer en grâce auprès

de lui. Quand ils furent introduits devant lui, ils s’excu-

sèrent de leur conduite, et rejetant toute la responsabilité

de leurs actes sur quelques mauvais sujets de la tribu, ils

déclarèrent qu’ils n’avaient rien ordonné, ni approuvé de

ce genre, et finirent par jurer que, dussent-ils rester à sa

porte une année entière, ils ne quitteraient pas Asfi, sans

l’emmener avec eux à Murrâkush. Le khalîfa céda à leurs

instances et partit avec eux. Il fut accompagné par un

millier de cavaliers de ‘Abda. Quant à ses gens et à ses

serviteurs, ils formaient un cortège d’environ 500 per-

sonnes, tous montés sur des chevaux de prix, magnifique-

ment habillés et armés de pied en cap.

 

Arrivé à Murrâkush, Sîdi Muhammad s’établit dans la

qasba, où les gens de la ville, les tribus du Hawz, puis

celles cluDîr, lui apportèrent leurs présents. Les Rhâmna,

rivalisant de zèle avec les ‘Abda et les Hmar, lui amenèrent

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ARCHIVES MAROCAINES

leurs enfants pour qu’il les prit nu service impérial. Les

gens du IIoûz firent tous do même. Après cela, il reçut

les ‘Abîds de Doùkkala qui s’étaient établis à Salé, et qui

furent très bien traités. Apprenant cela, les ‘Abîds de

Miknâs s’enfuirent à Morràkch, où ils furent employés aux

constructions et élevèrent des maisons pour eux-mêmes.

Sîdi Muhammad fit construire de suite son grand palais

dans la qasba et l’habita dès qu’il fut terminé. Puis il fit

restaurer la partie de la muraille de la qasba qui était en

mauvais état, y établit des portes, et la sépara du reste de

la ville. Il emplanta également un grand parc attenant à son

grand palais du côté de l’ouest et l’appela Ennîl. A l’extré-

mité ouest de ce parc, il construisit un autre palais qu’il

nomma Elqsar Rlaklidar, et qui s’appelle aujourd’hui

Elmansoùr. A chacun des coins de ce parc, il édifia quatre

portes (il n’y en a plus que trois actuellement) et en éleva

deux autres, l’une à l’est conduisant au grand palais, et

l’autre à l’ouest, conduisant au Osar Elakhdar. Au milieu

il fit construire un pavillon isolé, des quatre faces duquel

partaient des allées conduisant à d’autres pavillons égale-

ment isolés. La dimension de ce parc est d’environ 200 pas

en longueur et en largeur. La même distance sépare les

deux palais, Eddâr Elkoubra et Elqsar Elakhdar.

Le khalîfa restaura ensuite la mosquée d’Elmansoûr

qui se trouve dans la qasba et qui était alors en ruine. Il

fonda pour la khotba à proximité de son palais une autre

mosquée, qu’on appelle aujourd’hui la mosquée de Berrîma.

Il fit construire également dans la qasba deux mdersas

pour les tolba et d’autres mosquées pour les affranchis et

les esclaves. Il distribua à ceux de ces derniers qui s’étaient

attachés à lui, de l’argent pour édifier leurs habitations et

construire en pierres leurs maisons, qui étaient aupa-

ravant en terre et en roseaux. Il organisa de petits et de

grands corps de troupes, et vit ainsi se réunir autour de

lui 1.500 ‘Abîds, tous montés et armés, autant de cavaliers

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

(le Abda et de Hniar, i’l 1.000 cavaliers des Rhftinna et dos

tribus du Hawz.

 

Quand les ‘Abids de Miknâs, qui s’étaient révoltés contre

son père, vinrent, lui prêter serment, il leur adressa de

vifs reproches, se rendit dans cette ville et les réconcilia

avec son père, comme nous l’avons vu précédemment.

En 1169, il fit une expédition dans le Sous qu’il subjugua

et dont il calma les diverses régions. Il laissa une garni-

son à Târoûdànt. De là il se rendit à Agadir, où il arrêta

le tâléb Sâlah qui s’était révolté et s’était approprié les

revenus du port. Il l’arrêta, lui enleva tous les bénéfices

que le port lui avait procurés, et établit également une

garnison à Agadir. Plus tard, le tâléb Sûlali se coupa le

cou dans sa prison. Il est resté très célèbre dans la région du

Soùs c’est son sceau qu’on trouve encore sur les fusils,.

sabres et poignards fabriqués dans ce pays, et qui y sont

très recherchés.

 

Le khalifa Sîdi Muhammad rentra à Murrâkush, victorieux

et plus fort. Au bout de quelques jours, il se mit en route

cette même année pour la région d’Echchâouiya, dont les

habitants étaient en révolte, coupaient les routes et se

livraient au pillage. Il tua plusieurs notables et envoya les

autres enchaînés à Murrâkush. Puis il se rendit dans la

région de Salé, et passa d’abord la nuit à Rabât Elfeth,

dont les habitants allèrent au-devant de lui, lui apportant

la moûna et des cadeaux, et se réjouirent de son arrivée.

Mais pas un habitant de Salé ne se porta au-devant de lui

le gouverneur de cette ville, ‘Abdelhaqq bn ‘Abdel’azîz,

Feimîch lui ferma les portes de la ville. Sîdi Muhammad

laissa de côté Salé et traversa la rivière à un gué plus haut

que les deux villes. Il se rendit à Qsar Relâma, dans la

région d’Elhabt, où il fut rejoint par les ‘Abîds de Miknâs.

venus avec leur chef, le bâcha Az-Ziyâni. Le jpur même,

ceux-ci mirent à mort leur bâcha et tuèrent également le

Qâ’îd Yoûsef Essellôh ils leur reprochaient de les avoir

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ARCHIVES MAROCAINES

empêchés de se rendre à Murrâkush auprès de Sidi

Muhammad. II leur donna pour chef le Qâ’îd Sa’id hen

El’ayyâchi. Le lendemain, il se mit enroule pour Tétouan.

Il y fut bien reçu par la population et par le gouverneur

Muhammad bn ‘Omar Elouaqqâch, qu’il mit d’abord en

prison pour l’effrayer, et qu’il relâcha ensuite. De là il

partit dans la direction de Ceuta, et après avoir considéré

la ville, depuis les hauteurs, il alla à Tanger, d’où il se

rendit à Murrâkush en passant par ETarôïcli et par Salé,

où, ‘Abdelhaqq ayant persisté dans son attitude à son

égard à lui, il remit à plus tard sa décision. C’est à Moi1-

ràkch que vint le trouver la royauté, après la mort de son

père.

 

Bègne du Commandeur des Croyants Sidi Muhammad bn ‘Abdallah

(Dieu lui fasse miséricorde!)1.

 

Lors de la mort du Commandeur des Croyants Mawlay ‘Abdallah

ben Ismâ’îl, à la date précitée, c’est-à-dire le 27 safar

béni 1171, les populations étaient saturées du désordre et

des séditions, fatiguées des difficultés et des troubles, et

désiraient la fin de la guerre. Le règne de ce Commandeur, sur-

tout pendant la dernière période, avait été comme une

époque d’interrègne où il n’y a pas de souverain les

sujets étaient plongés dans l’anarchie.

 

Ce fut la plus grande cause du mouvement qui entraîna

les habitants du Maghrib à proclamer Sultan Sidi Moham-

med et à s’accorder sur son choix. De plus, pendant son

khalifat, ce Commandeur s’était signalé comme un habile poli-

tique, un homme énergique et intelligent, possédant un

sens exact de la direction des affaires et les ‘conduisant

comme il convenait. On l’aimait, on mettait son espoir en

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 1)2.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAHOC

 

lui. On lui reconnaissait des qualités que ne possédaient t

pas ses frères. Aussi fut-il proclamé à la fois par les

bouches et par les cœurs.

 

Dès que son père fut mort, les gens de Fâs s’empres-

sèrent de rédiger leur béï’â ils n’y mirent ni hésitation,

ni lenteur. « Notre maître, notre père, le glorieux sultan

Sidi Muhammad hen ‘Abdallah, dit, dans son ouvrage

intitulé Dourral Essouloûk, son fils, le fqih Aboù Moham-

med Mawlay ‘Abdesselfim bn Muhammad bn ‘Abdallah,

reçut un serment de fidélité unanime valable et complet.

Il fut prêté par un grand nombre de savants, comme

Si Sa’îd Eramîri, qâdi-l-jamd’a de Miknâs Si ‘Abdel-

qâder Boù Kherîs, qûdi-l jamaa de Fâs Si Muhammad ben

Qâsém Guessoûs, cheikh eljamâ’ade Fâs; l’Imâm reconnu

celui qui porte l’étendard des sciences spéculatives et des

sciences pratiques, le chéïkh Abû Hafs ‘Omar Al-Fâsî le

cousin de ce dernier, Si Boù Médién Al-Fâsî, qui écrivit

lui-même la bay’a le professeur Mawlay ‘Abderrahmân

Elmendjra, imâm de la mosquée des Chorfa à Fâs le

chéïkh très docte Si At-Tâwudîben Souda Elmourri Si

‘Abdallah Essoûsi, imâm de la grande mosquée de Fâs

Eljedîd; l’imâm, le hâfîd Sîdi Aboiil’oulâ Drîs El’irâqi et

une foule d’autres personnages qu’il serait trop long d’énu-

mérer. » Le qâdi de Miknâs n’était pas Si Sa’id El’aniiri,

mais son fils, Belqâsém ETamiri.

 

La nouvelle de la mort de son père vint trouver Sidi

Muhammad à Murrâkush il en fut très attristé.

Les gens de Murrâkush, les tribus du Hawz et du Dir le

proclamèrent en foule; des députations vinrent du Soùs

et de Hâha lui apporter des cadeaux. Puis ce fut le tour

des ‘Abîds, des Udaya, des ‘ulâma, des shurfas et des

notables de Fâs, des tribus arabes et berbères, des tribus

des montagnes et des habitants des ports tous apportèrent

leur bay’a et leurs cadeaux. Pas une seule population du

Maghrib ne manqua. Sîdi Muhammad reçut toutes ces dépu-

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ARCHIVE» MAROCAINES

tations jusqu’à la dernière, puis les autorisa à partir. Tou-

tefois, pour témoigner de la place qu’il leur attribuait dans

le gouvernement, il donna beaucoup de chevaux et d’armes

aux ‘Abids qui s’en retournèrent satisfaits et pleins de

dévouement à sa cause.

 

De la venue du sultan Sidi Muhammad à Fâs après la héï’a

et de ce qui lui arriva en cette circonstance

 

Les préparatifs de départ pour le Garh commencèrent

dès que Sidi Muhammad eut fini de recevoir les délégations.

Accompagné des soldats et des notables du Hawz, il quitta

Murrâkush et s’arrêta à Miknâs. Il s’y installa dans le palais

impérial. Son premier soin fut de distribuer des chevaux,

des armes et de l’argent aux que les excès des

Berhers avaient mis dans un état de grande détresse et

de faiblesse, car ils venaient leur voler leurs enfants dans

les jardins et les vergers, pour les vendre dans leurs tri-

bus, ainsi que nous l’avons déjà dit.

 

Dieu mit un terme à cette situation en élevant au pou-

voir ce noble Empereur. Ses affaires terminées à Miknâs,

il partit pour Fâs. Il s’arrêta avec ses soldats à Essefsâfa,

où il reçut la visite des Udaya et des gens de la ville. Il

fut aimable pour tous et se mêla à la foule chacun l’en-

tourait et baisait les pans de ses vêtements, en toute

liberté. Il distribua de l’argent, des vêtements et des armes

aux Udaya et aux ‘Abîds d’Essloûqiya. Il fit des dons aux

fqîhs, aux shurfas, aux tolba, aux élèves des mdersas et

des écoles, aux imâms, aux moueddins, aux pauvres et aux

malheureux. Il satisfit tout le monde et ne négligea per-

sonne. Le vendredi, il quitta la Mhalla, dans un cortège

brillant et magnifique et, escorté des habitants des deux

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 92.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 18

 

villes venus pour le voir, au milieu d’une foule de soldats

et de spectateurs, il entra à Fâs s Eljedîd où il fit sa prière.

Il reçut ensuite les fqîhs de l’époque et se les fit présenter

les uns après les autres. Puis il alla visiter le mausolée de

son père, et ordonna d’y répandre des aumônes et d’y

établir des lecteurs. Il entra ensuite dans le palais des

femmes, où il trouva ses sœurs. Il chercha à les consoler

de la mort de leur père et les encouragea à la résignation.

Le soir même, il rentra à la Mhalla, où il passa la nuit.

Le lendemain, il alla à Dâr Eddebibag, pour s’occuper

de ce qu’avait laissé son père en fait d’argent, d’efl’ets,

d’armes et de chevaux. Il examina tous ces biens, en fit

l’inventaire et les laissa entre les mains des serviteurs de

son père à qui ils étaient déjà confiés. Il leur recommanda

d’en prendre garde et chargea de la surveillance le hûjéb

Abû Muhammad ‘Abdelouahhâb Elyimmoûri. II fut bien-

veillant envers les serviteurs de son père, les prit sous sa

protection, leur parla avec beaucoup de douceur, et leur

remit une somme d’argent qu’ils se partagèrent. Plus tard

il se fit rendre par eux le dépôt qu’ils détenaient. La for-

tune laissée par son père consistait en grande partie en or

elle était contenue dans mille sacs (les Marocains appellent

ces sacs semât; ils sont en cuir de Tâfîlêlt) fermés, de

2.000 dinars chacun. Ces sacs étaient portés sur les selles

de ses chevaux dans les voyages dès l’arrivée de l’armée

au campement, et aussitôt que les tentes étaient dres-

sées, les hommes préposés à ce service enlevaient chacun

le sac dont ils avaient la consigne, et le portaient à la qoubba

du Sultan. Au départ il en était de même, et les sacs ne

leur étaient remis qu’après que leur contenu avait été

compté et pris en note.

 

Parmi ces biens se trouvaient aussi 100 cistres d’or

pur, semblables à des rondelles de cire, du poids de

4.000 douros chacun. On les portait en voyage sur des

mules, dans des paniers de charge recouverts de tapis

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AHCIIIVES MAROCAINES

(les les appellent hénâbèl) serrés avec des

cordes comme dans chaque panier double on plaçait

quatre disques, le tout était porté sur 25 mules qui mai’-

chaient devant. Mawlay ‘Abdallah, et quand la colonne

arrivait au camp, on le déposait dans la tente impériale,

dans les mêmes conditions que les sacs. Mawlay ‘Abdallâh

ben Ismâ’il considérait comme très prudent de porter son

argent avec lui partout où il allait, sans jamais s’en sépa-

rer. Dans l’héritage de son père, Sîdi Muhammad trouva

aussi 225.000 douros et environ 20.000 mouzoûnas minces

de la frappe qu’il avait fait effectuer.

 

Voilà ce que laissa Mawlay ‘Abdallah comme biens « ina-

nimés » il les confiait toujours à la surveillance d’un de

ses oasîfs, le Qâ’îd ‘Allai bn Més’oûd. Le Commandeur des

Croyants prit possession de ces richesses, les transporta à

la Mhalla, où il les confia à ses gardiens. Il recommanda à

ses gens de traiter avec égards les serviteurs de son père

qu’il enrôla à son service. Ceux d’entre eux qui se distin-

guèrent, il les rapprocha de lui quant aux autres, il les

éloigna bientôt.

 

Il reçut ensuite une députation de toutes les tribus du

Garb, qui vinrent lui apporter des cadeaux et des présents

il fut généreux, comme il convenait, envers chacun des

délégués.

 

Au début de son règne, Sîdi Muhammad était d’un

accès facile.

 

Il maintint en fonctions tous les Qâ’îds des tribus et les

gouverneurs des villes, qui pendant le règne de son père

étaient pour ainsi dire indépendants. Il leur laissa leurs

commandements et n’en écarta aucun sans avoir pris à son

sujet des informations complètes. Seul, le gouverneur de

Tétouan, Aboù ‘Abdallah Muhammad bn ‘Omar Elouaq-

qâch, fut révoqué. Il n’avait pas voulu lui obéir quand il

était khalifa à Murrâkush, et s’il recevait une lettre de lui

contenant un ordre, il la jetait derrière son dos et disait

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

à l’envoyé « Une femme ne se marie pas avec deux

hommes » ou tenait d’autres propos de ce genre. Ce qui

signifiait qu’il lui suffisait d’obéir déjà au sultan Mawlay

‘Abdallah. Aussi quand Sîdi Muhammad fut proclamé Sultan

et se rendit à Fâs, Elouaqqâch, redoutant sa punition pour

ses méfaits précédents, resta sur la réserve et alla se

réfugier au mausolée du chéïkh ‘Abd As-Slâmben Mechîch,

emmenant avec lui sa famille et emportant son argent. Les

habitants de Tétouan se rendirent auprès du Sultan, pro-

testèrent de leur soumission et de leur innocence des’

actes de leur gouverneur, et lui donnèrent des détails sur

son compte. Le Sultan leur désigna comme gouverneur

le fqih Abû Muhammad ‘Abdelkerîm bn Zâkoûr, l’un

de ses secrétaires, qu’il avait déjà nommé gouverneur

d’EFarêlch et qui avait déjà quitté Murrâkush. Il le donna

néanmoins aux gens de Tétouan, car c’était comme eux

un hadari raffiné.

 

Le sultan Sidi Muhammad prolongea encore son séjour

à Fâs de deux mois, et retourna ensuite à Miknâs.

Établissements du meks à Fâs et dans les autres villes,

et opinions exprimées à ce sujet 1.

 

Lors du séjour que le sultan Sidi Muhammad ben

‘Abdallah fit dans la capitale de Fâs après son avènement,

les habitants de cette ville lui présentèrent leurs doléances

au sujet des taxes qu’ils payaient à son père Mawlay

‘Abdallah et qui frappaient les balances, comme celles de

Sîdi Fréj, du marché au beurre fondu, du marché aux

huiles, etc. Ces taxes formaient un total de 300 mitsqâls

par mois, soit 3.600 mitsqâls par an. Lorsque les juriscon-

sultes de Fâs se rendirent auprès de lui, le Sultan les

1. Texte arabe, IV” partie, p. 93.

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ARCHIVES MAROCAINES

entretint de ces taxes et de son désir (le baser sur leur

fetoua la décision qu’il prendrait à ce sujet. Ceux-ci décla-

rèrent que si le Sultan n’avait pas d’argent, il avait le

droit de percevoir sur ses sujets les sommes nécessaires

pour payer la solde de l’armée. Le Sultan les ayant priés

de lui donner cette réponse par écrit, ils établirent un

rapport qui servit de hase au Sultan pour taxer les portes,

les produits de la terre et les marchandises. Le très docte

professeur At-Tâwudîben Souda, le très docte chéïkh Aboii

‘Abdallâh Muhammad bn Qâsém Guessoûs, le mai Ire

Abû Hafs ‘Omar Elt’èsi, le l’qih, le jurisconsulte Aboii

Zéïcl “Abderrahinân Elmendjra, le jurisconsulte Abû

“Abdallah Muhammad bn ‘Abdessâdeq Ktt.râbelsi, et le

jurisconsulte et qâdi Abû Muhammad ‘Abdelqàder Boù

Kheris furent parmi ceux qui rédigèrent ce rapport.

Le meks a toujours été une source de calamités dans

tous les pays, sous toutes les dynasties, et depuis les temps

les plus reculés. Il n’est donc pas sans intérêt de rap-

porter ce que les savants ont écrit à ce sujet.

Voici quelle est en cette matière l’opinion de l’Imâm,

argument de l’Islam, Abû Hâmed Elgazzàli (Dieu soit

satisfait de lui !) dans son livre intitulé Chi fâ Elgalîl

« La thèse que l’on soutiendra peut-être est la sui-

vante L’imposition du kharâdj et la taxatioi des

immeubles sont une nécessité évidente. Sans elles les

gouvernements n’ont pas de quoi subvenir à l’entretien

de l’armée et ne peuvent ni profiter de son assistance, ni

établir la puissance de l’Islam. Aussi le kharâdj a-t-il

existé à toutes les époques, et les souverains, quels que

fussent leur politique ou leur caractère, l’ont tous imposé

et n’ont pas pu y échapper. C’est que les intérêts spiri-

tuels et matériels ne peuvent être défendus avec fruit que

par un Commandeur obéi, un gouvernement respecté, qui réunit

les éléments épars de la foi, qui assure l’autorité de la reli-

gion et la pureté de l’lslâm, qui défend le bien (les musul-

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DYNASTIli ALAOUIE DU MAROC

 

mans et veille à leur prospérité. Il n’arrive à ce résultat

que par l’énergie, l’autorité et l’armée. Celle-ci lui sert

à combattre les infidèles, défendre les places frontières,

contenir les impies révoltés, et les empêcher de porter

atteinte aux richesses, aux choses sacrées et aux épouses.

Elle est la gardienne de la religion elle préserve ses

colonnes de la ruine et l’empêche de se dissoudre sous

l’effet de l’invasion des infidèles dans les pays musulmans.

Elle protège le pouvoir temporel contre le désordre qui

naît de la révolte et du pillage suscités par les mauvais

sujets. Or l’on sait quelles dépenses considérables

entrainent la nourriture des soldats, leur entretien et

celui de leurs familles. Ceux-ci ont droit au dixième du

butin et du tribut, mais cela ne suffit pas le plus souvent

à couvrir leurs dépenses et à subvenir à tous leurs besoins.

On ne saurait y faire face qu’en taxant les riches. Donc,

si vous voulez faire face aux nécessités, vous devez admettre

que cet impôt est permis dès que la nécessité se mani-

feste.

 

« Voici votre réponse à cette thèse L’impôt dont il s’agit

est légitime quand il est réclamé par la nécessité. Or en

quoi consiste cette nécessité ?

 

« Nous dirons, en premier lieu, qu’à l’époque actuelle,

le caractère de l’imposition et son application en font une

pure injustice que rien ne légitime. En effet, si toute leur

solde était versée à la plupart des soldats et qu’elle fût

répartie également entre tous, elle leur suffirait pendant

un certain temps. Mais combien en a-t-on vu qui ont pris

des habitudes de bien-être et de fainéantise, et qui gas-

pillent leur superflu pour s’élever par la popularité et le

luxe au-dessus des Chosroès Dans ces conditions comment

évaluer leurs besoins, pour calculer la quotité du kharâdj

qui doit les entretenir et les soutenir, puisque tous les

riches eux-mêmes sont pauvres par rapport à eux. Mais, si

nous envisageons l’hypothèse d’un Commandeur obéi, qui aurait

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ARCHIVES MAROCAINES

besoin d’augmenter le nombre de ses troupes pour forti-

fier les places frontières et protéger un royaume agrandi i

et étendu, mais dont le trésor serait vide, et dont les

troupes n’auraient ni ce qui leur serait suffisant, ni même

ce qui leur est indispensable, nous pensons que ce Commandeur

devrait imposer aux riches ce qu’il jugerait suffisant tem-

porairement, en attendant que l’argent revienne au Tré-*

sor. Ensuite il apprécierait l’opportunité de faire rendre

cet impôt aux produits de la terre et aux denrées, de façon

que le fait de rejeter les charges sur une minorité ne

provoquât pas de mécontentement, ni de récriminations.

De cette façon le peu viendrait du superflu, aucun dommage

ne serait causé, et le résultat proposé serait atteint. »

Le chéïkh Aboù Hâmed appuie cette opinion sur des

-arguments scientifiques et philosophiques, qu’il serait trop

long de rapporter.

 

Dans son livre intitulé Elmoslasfâ, il dit encore

« L’imposition de kharâdj étant une question d’intérêt

public, par quel moyen l’établir, dira-t-on ? Je répondrai

par aucun, si les troupes sont dans une grande aisance.

Mais si elles ne possèdent rien, que le Trésor ne contienne

pas de quoi payer la solde des soldats, alors même que

ceux-ci ne sont pas licenciés et occupés à gagner de

l’argent, et si l’on craint l’invasion des infidèles dans le

pays de l’Islâm, il est permis au Commandeur de faire supporter

aux riches les sommes suffisantes pour l’armée. Ensuite,

s’il le juge possible, il n’y a pas d’inconvénient dans la

répartition à imposer uniquement les terres. Nous savons,

en effet, qu’en présence de deux maux, il faut écarter le pire

or la part payée par les contribuables sera peu de chose

en comparaison du danger que courront leurs personnes

et leurs biens. Tandis que si le gouvernement de l’Islam

est dépourvu d’un Commandeur qui par sa puissance fasse respec-

ter le bon ordre des choses et coupe le mal dans sa

racine, c’est la perte du pays et de ses habitants. » Notre

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DYNASTIE ALA001E DU MAROC

 

auteur veut dire par les riches, ceux qui ont la possibilité

et les moyens de payer quelque chose sans en souffrir.

Le qâdi Ahoù ‘Omar bn Mansoùr indique, dans une

réponse, que, dans l’établissement du kharâdj et dans

son application aux denrées, il faut observer certaines

conditions

 

1° Il faut que le Trésor public soit vide et qu’il soit

nécessaire d’avoir des troupes. En effet, si le Trésor est

en mesure d’assurer cette dépense, il n’est pas légal

d’imposer quoi que ce soit aux sujets. Le Prophète (que

Dieu prie sur lui et lui donne le salut !) a dit « Celui qui

aura établi le meks n’entrera pas au paradis, car il aura

fait payer de l’argent injustement. »

 

2° Le Commandeur doit employer les fonds d’une façon juste

il lui est interdit de les dépenser pour d’autres que pour

les musulmans, de les gaspiller, de les donner à ceux

qui n’y ont pas droit, ou de donner à quelqu’un plus que

sa part.

 

3° Il doit baser l’emploi de ces fonds sur l’utilité et les

besoins, et non sur l’arbitraire ou sur l’intérêt (cette

troisième condition rentre dans la seconde).

 

4° La taxe doit être imposée à ceux qui sont à même de

la payer sans en souffrir ceux qui ne possèdent rien, ou

n’ont que de faibles ressources, doivent en être exempts.

5° L’Imâm doit exercer une vigilance constante, car le

moment peut arriver où il n’est plus nécessaire de rien

ajouter aux revenus habituels du Trésor.

 

De même si le bien public réclame l’assistance corpo-

relle, et que les ressources pécunières soient insuffisantes,

les gens seront contraints de la fournir personnellement

en vue de l’objet qui la rend nécessaire, mais à condition

que leurs forces le leur permettent, que le bien public

la réclame et que ce soit une nécessité. Dieu sait quelle

est la vérité.

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ARCHIVES MAROCAINES

Mise à mort de Boû.sekhoûr Elkhomsi ce qu’était ce personnage l

A son retour de Vc&, le sultan Muhammad bn ‘Abdallah

demeura quelque temps à Miknâs. Puis il se mit en route

pour les montagnes de Gomâra, où on lui avait annoncé

que le mrûbet, Aboù ‘Abdallah Muhammad EFarbi

Elkhomsi, surnommé Boùssekhoùr, qui jouissait d’une

influence et d’une renommée considérables parmi les

tribus de ces montagnes, annonçait la fin prochaine de

son rogne. Ce personnage se faisait remarquer par son

ascétisme et sa piété il prétendait se faire servir par les

djinns, et les paysans avaient en lui la plus grande

croyance. Le Sultan se saisit de lui, le tua et envoya sa

tête à Fâs le bâcha ErayyAchi fut nommé gouverneur

des tribus de Gomâra, d’Klkhemâs et de toute la région

environnante, avec Chefchâoun pour résidence.

Le Sultan retourna à Miknâs il y arriva malade

(! moharrem 1172). Les perturbateurs disaient que sa

maladie était la punition du meurtre de Boûssekhoûr et la

réalisation de la prédiction de ce mrûbet sur la fin pro-

chaine du règne du Sultan. Mais Dieu le guérit bientôt, à

la confusion des mauvais sujets.

 

Après avoir séjourné à Miknâs pendant tout le mois de

nioI.iaiTcm, au cours duquel il fit transporter dans cette

capitale les Wbkls d’Essloùqiya qu’il réunit à leurs contri-

bules, il se mit en route pour Murrâkush en safar, accom-

pagné de 1.000 cavaliers pris parmi eux. Aussitôt arrivé

à Murrâkush, il les renvoya à Miknâs, après les avoir

habillés, armés et montés. 1.000 autres Wbfcls, revinrent

les remplacer, et furent à leur tour pourvus d’armes, de

chevaux et de costumes. Il continua ainsi jusqu’à ce qu’ils

fussent tous pourvus de chevaux, d’armes et de vêtements,

1. Texte arabe, IVe partie, p. 9-t.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

et ne leur demanda pas compte de ce qu’ils possédaient

aux jours de la révolte

 

Voyage du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallâh aux places

frontières, et inspection de leur situation’.

 

Le Commandeur des Croyants quitta Murrâkush dès le début de

l’année 1173 et se rendit à Miknâs. Là il distribua aux

‘Abîds leur râleb, cl envoya le leur aux Udaya, qu’il

invita à se mettre en route avec lui pour une tournée

dans les places maritimes du Maghrib. Il alla d’abord à

Tétouan, où il séjourna. Il y fit construire le bordj de

Martîl et distribua de l’argent aux VAbîds qui y tenaient

garnison depuis l’époque du sultan Mawlay Isma’il. Ces

nègres étaient les derniers ‘Àbîds de Ceuta, c’est-à-dire de

ceux qui avaient fait le siège de cette ville. A la mort de

ce Commandeur, l’empire était livré à l’anarchie, les ‘Abîds

qui assiégeaient Ceuta s’étaient dispersés et avaient

gagné leurs tribus respectives. Comme il en restait un

millier qui n’avait pas de tribu, ils avaient été transportés

à Martîl par Abû Hafs Elouaqqâeh, qui avait été généreux

pour eux et les. avait employés à tenir en respect les

tribus du voisinage.

 

Le Sultan se mit ensuite en route pour Tanger, en

passant par Ceuta qu’il voulait reconnaître. Il vit que

cette place était forte et inaccessible, et se rendit compte

que ce serait une sérieuse affaire que de la convoiter. Sur

son ordre, les soldats qui étaient auprès de lui firent

avec leurs fusils le feu de salve, qu’on appelle communé-

ment hàdroun. Les chrétiens répondirent par une salve

de canons et de mortiers, qui fit trembler les montagnes.

Le Sultan en fut charmé.

 

1. Texte arabe, IVe partie, p. 95.

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ARCHIVES MAROCAINES

Son voyage a Ceuta n’avait eu d’autre but que de

reconnaître cette place, qu’il n’avait pu étudier d’une

façon complète lors de son premier voyage. Après cet

examen, il remit cette affaire à plus tard.

 

Il ne partit pas sans avoir recommandé aux gens d’And-

jera de désigner un certain nombre d’hommes armés,

pour garder les abords de Ceuta et surveiller la frontière,

et sans leur avoir donné de l’argent pour leur permettre

d’assurer ce service.

 

Le Sultan campa dans le voisinage de Tanger. Les

notables et les principaux Rifains de la ville vinrent

auprès de lui, sous la conduite de leur bâcha ‘Abdessâdeq

ben Ahmad bn ‘Ali Errîfi, qui s’était déjà rendu auprès

de lui à Murrâkush quand il était khalîfa. Après les avoir

reçus, cette fois, le Sultan leur fit des cadeaux, et leur

distribua de l’argent et des vêtements. Le bâcha ‘Abdessâ-

deq reçut l’ordre d’envoyer son frère ‘Abdelhâdi à ïétouan,

pour y surveiller la construction des galiotes.

A El’arèïch, le Sultan trouva la ville déserte, il n’y res-

tait pas plus de deux cents Rifains environ, qui étaient

sous la protection des gens du Garb. ‘Abd As-Slâmben

\AIi Ou ‘Addi fut nommé gouverneur de la ville, où le

Sultan fit venir cent ‘Abîds de Miknâs.

 

De là il alla à Salé, franchit la rivière et campa à Rabât

Elfeth, où il demeura quelques jours. Il ordonna au gou-

verneur, Abûlhasan ‘Ali Mârsîl, de bâtir une sqâla, c’est-

à-dire un grand fort dominant la mer il ordonna égale-

ment au gouverneur de Salé, ‘Abdelhaqq Fennîch, d’en

élever un second à Salé, en face de celui de Rabat.

L’ordre fut également donné de construire deux vaisseaux,

l’un pour les gens de Salé, l’autre pour les habitants de

.Rabat. Jusqu’alors, ces deux villes n’avaient possédé qu’un

seul navire, qu’elles avaient construit pour leur usage

commun lors de l’interrègne. Il leur avait servi à se rendre

à la place d’Agadir, d’où leur députation était allée

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

saluer Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah au moment où il l

était khalîfa à Morrûkch celui-ci les avait bien reçus et

leur avait remis de fortes sommes d’argent pour les

moujûhidîn des Deux-Rives. Pendant son séjour à Rabat,

le Sultan renvoya dans leurs foyers le Jaysh des ‘Abîds et

les Oûdèya.

 

Reparti pour Murrâkush, il écrivit, dès son arrivée, aux

négociants chrétiens d’Asfi pour les i nviter à lui acheter les

agrès nécessaires aux bateaux corsaires, comme des mâts,

des câbles, des ancres, des cordages, des voiles, des ba-

rils, etc. Les marchands rivalisèrent entre eux pour ces

achats et s’empressèrent de faire venir ces agrès et de les

choisir pour le Sultan.

 

Sîdi Muhammad convoqua ensuite les Harrâtîn du Sahara

des tribus d’Eljebâbra, Elma’ârka et Oulâd Boù Ahmad,

qui vivaient à Errôteb et à Tâfîlêlt il avait appris qu’ils

prêtaient leur appui à son oncle Mawlay Elhasan pour

faire la guerre aux chérîfs de cette région. Il les trans-

porta à Miknâs, les habilla, leur donna des armes et les

inscrivit sur le Dlouân du Jaysh.

 

Cette année-là, le Sultan reçut la nouvelle de la mort de

Mawlay Elmostadi bn Ismâ’il au Tâfilêlt, comme nous

l’avons déjà vu.

 

Répression par le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah

de la révolte des Udaya et ses causes

 

Les Udaya étaient un des corps les plus importants de

l’armée isma’îlienne, comme nous l’avons rapporté pré-

cédemment. Mawlay Ismâ’îl s’était intéressé à eux et s’en

était servi. Il les avait groupés et enrichis, et leur avait

assigné comme résidence Fâs Al-Jadîd et les environs. Ils

1. Texte arabe, IVe partie, p. 96.

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ARCHIVAS MAROCAINES

y vécurent et s’y habituèrent si Lien, qu’ils devinrent plu-

tôt que les autres troupes les véritables habitants de cette

ville. Ils se distinguaient par leur grande! richesse. Ils

habitaient des palais. Chaque mois, chaque année, leur

apportait plus de force, plus de fierté arrogante.

A sa mort (Dieu lui fasse miséricorde !) ils étaient par-

venus, à Fâs Eljedîd, au faîte de la puissance et de la

cohésion, étaient en mesure de résister au gouverne-

ment, et leur force se montra dans toute sa rigueur

envers ceux qui, étant au pouvoir, voulaient leur nuire.

Aussi ils n’obéissaient pas aux ordres des fils de Mawlay

Ismâ’il, surtout quand ils purent se glorifier d’être deve-

nus les oncles du sultan Mawlay ‘Abdallah, qui fut le plus

puissant et le plus populaire de ces Commandeurs. Celui-ci, néan-

moins, tantôt se servait d’eux, et tantôt les faisait atta-

quer.

 

Les désordres furent continuels pendant cette période

nous les avons déjà exposés en détail.

 

A la fin du règne du sultan Mawlay ‘Abdallah, la discorde

était survenue, après la mort de Muhammad Ou ‘Àzîz,

entre les Ait Idrâsén et les (Juerouân.

 

La lutte avait éclaté entre eux par deux fois, et les gens

de Guerouân, soutenus par les Oûclêya, avaient harcelé

les Ait Idrâsén, qu’ils tuaient et pillaient, et les avaient

chassés de ce pays. Quand le sultan Sidi Muhammad fut

proclamé, les Aït Idrâsén vinrent se réfugier auprès de

lui, car ils avaient été les partisans de son père, au temps

de Muhammad Ou ‘Azîz. II leur donna comme gouverneur

le fils de celui-ci et leur assigna comme résidence la

hanlieue de Miknâs. Le Sultan n’ignorait pas comment

les Guerouân et les’Oûdèya s’étaient comportés vis-à-vis

d’eux, la façon dont ils les avaient hattus. Il savait de plus

que ces derniers attaquaient les voyageurs sur les routes

et leur faisaient payer de l’argent pour obtenir leur pro-

tection. Ils avaient, à ce moment, pour chef un individu

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

nommé Jobboùr, qui était un brigand consommé. Le sullan

Sîtli Mohainmecl établit une alliance entre les Ait Idràséu

et les Ait Zemmoûr, dont il forma un clan, et les recom-

manda au gouverneur’ de Miknâs. En même temps, il

invita les Guerouân à cesser de tourmenter les Ait Idrâsén,

mais, loin de changer d’attitude, ceux-ci ne firent que les

combattre de nouveau, soutenus par les Udaya, qui vou-

laient continuer à les traiter comme du temps du sultan

Mawlay ‘Abdallah ils pensaient pouvoir arriver a leurs

fins avec son fils Sîdi Muhammad, et cependant

« Si le lion montre ses dents, ne crois pas que le lion

sourie. »

 

Quand il apprit ce qui se passait, le Sultan donna l’ordre

au Qâ’îd des ‘Abîds et à celui des Ait Zeinmoûr de prêter

leur appui aux Aït Idrâsén, et d’aller les secourir contre

les Guerouân, puisque ceux-ci étaient soutenus par les

Udaya.

 

La guerre commença avec impétuosité, découvrant ses

dents et relevant son manteau au-dessus de ses cuisses.

Les Udaya vinrent au complet camper sur l’Oued Fâs, le

1er ramadan, et demeurèrent là, sans jeûner, profanant le

respect dû au jeune par ce voyage illicite.

 

Après avoir opéré leur jonction avec les Guerouân, ils

marchèrent dans la direction de Miknâs. Les Ait Idrâsén

s’avancèrent contre eux avec les ‘Abids etles Ait Zemmoûr,

leurs alliés. La rencontre eut lieu sur les bords de l’Oued

Ouîslén, où une bataille fut livrée. Les Aït Idrâsén furent

victorieux et mirent leur ennemi en déroute. Ils pillèrent

les campements des Guerouân et la Mlaalla des Udaya;

près de 500 de ces derniers furent tués et les têtes des

notables furent coupées et suspendues à Miknâs, au-dessus

de Bâb Eljedîd. Les Udaya revinrent à Fâs en déroute i

ils n’avaient jamais essuyé une pareille défaite.

Quand il apprit cela, le Sultan fut très irrité contre les

Udaya, qui lui avaient désobéi et avaient violé les droits

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ARCHIVES MAROCAINES

de leurs voisins, et conçut le projet de se venger d’eux,

mais il dissimula cette résolution.

 

Le Sultan demeura à Murrâkush jusqu’à l’année 1174. A

cette époque il quitta cette ville pour se rendre à Miknâs,

avec l’intention cachée de réduire les Udaya. Ceux-ci se

doutaient de ses dispositions, et quand il arriva à Miknâs,

ils lui envoyèrent leurs femmes âgées, pour intercéder en

leur faveur et lui présenter leurs excuses. Elles le rejoi-

gnirent en route, et firent appel à leurs liens de famille

et à leur parenté avec lui. Le Sultan leur témoigna de la

hienveillance et leur distribua des vêtements et de l’argent.

Elles revinrent avec lui à Fâs. Le Sultan établit son cam-

pement et celui de ses soldats à Essefsâfà. Les gens de

Fâs et les Udaya allèrent le saluer il leur adressa des

paroles aimables et leur fit bon accueil. Le lendemain, il

donna l’ordre de tenir le Mechouar à Dâr Eddebîbag. Les

gens de Fâs lui apportèrent, suivant l’usage, les victuailles

de l’hospitalité, que le Sultan fit porter à l’intérieur de

Dâr Eddebîbag. Après la prière du ‘oser, il se rendit au-

Mechouar pour la réception et se tint là pour recevoir les

députations qui lui apportaient leurs présents. Il avait

posté dans un coin de la place un millier de Msakhrin, qui

devaient s’emparer des notables Udaya. Quand ceux-ci

entrèrent, les portes furent fermées et les Msakhrîn se

précipitèrent sur eux, leur enlevèrent leurs armes, les

ligottèrent et les couchèrent par terre. Lorsque le Jaysh

et toutes les autres personnes eurent terminé leur repas,

le Sultan envoya des cavaliers pour attaquer le campement

des Udaya et des Mgâfra, à Lemta. Ces cavaliers se

mirent en route, et le Sultan, accompagné de son cortège,

ne tarda pas à les suivre. Avant le coucher du soleil, au

moment où il passait à l’est de Fâs Al-Jadîd, les Udaya

lancèrent des boulets sur lui du haut des borjs, mais sans

résultats. A peine était-il arrivé à l’endroit appelé Dâr

Errekhà, qu’il vit s’avancer les soldats qui ramenaient des

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

prisonniers, des bagages et des tentes, car ils avaient onluu;

rement dévalisé le campement des Udaya. Les notables

d’entre eux qui étaient à Fâs Eljedîd profitèrent de la nuit

pour se sauver, chacun de leur côté les uns allèrent se

réfugier au mausolée du chéïkh Abûl’abbâs Ahmad

Echchâoui, les autres à la zâouya du chéïkh Elyoùsi,

d’autres enfin au mausolée de Sîdi Boû Sergîn à Sefroû.

Il ne restait plus à Fâs Al-Jadîd que les plus misérables

d’entre eux, qui demeurèrent sur la muraille de la ville,

demandant Y aman. Attendri par les liens de famille, le

Sultan se montra hienveillant et leur pardonna. Il les

envoya à Fâs-le-Vieux et mit à leur place, à Fâs Al-Jadîd,

1.000 familles de ‘Abîds, qui vinrent y tenir garnison. C’est

ainsi que le Sultan se débarrassa des Oûdèya, qui avaient

été pendant si longtemps ses favoris.

 

Bientôt le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde fit mettre

en liberté quatre prisonniers Udaya. L’un d’entre eux

était le célèbre Qâ’îd Qaddoûr bn Elkhadir. Il leur donna

l’ordre de faire une enquête au sujet de leurs camarades

emprisonnés, de déterminer ceux d’entre eux qui étaient

des mauvais sujets et de lui en apporter la liste il leur

recommanda en même temps de faire ce travail avec sin-

cérité. Ils désignèrent cinquante prisonniers, comme étant

des batailleurs et des mauvais sujets. Le Sultan leur fit

mettre les kebâl aux pieds et ordonna de les accoupler

deux à deux avec une chaîne. Il les envoya ensuite à

Murrâkush, hissés par couple sur des chevaux. Le pays fut

ainsi purifié de leurs diableries.

 

Peu de temps après, le Sultan (Dieu lui fasse miséri-

corde !) ordonna au Qâ’îd Qaddoûr bn Elkhadir de mettre

en liberté ses autres contribules encore prisonniers, d’en

prendre un certain nombre pour compléter, avec les

Udaya et les Mgâfra, le chiffre de 1.000 et de renvoyer

les autres dans leurs tribus et leurs campements. Ces

mille hommes furent ensuite envoyés à l’écurie de Mékilès

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ARCHIVES MAPOCAINES

qui devait leur servir de qasba. Ils transportèrent leurs

familles à Miknâs et s’y fixèrent avec les ‘Abîds ils étaient

toutefois seuls à habiter l’écurie.

 

Le Qâ’îd Qaddoùr bn Elkhadir reçut du Sultan le com-

mandement de cette troupe bien que le plus jeune de

tous, il était le plus intelligent et le serviteur le plus

dévoué. Il eut pour mission de les instruire et de les

administrer. Ils finirent par s’habituer à l’obéissance au

gouvernement et se soumirent à ses ordres, observant ses

prescriptions et ses défenses. Le Sultan leur fournit peu

à peu des chevaux, des armes et des vêtements, et finit

par leur donner à tous des montures. Leur situation devint

prospère, et ils se développèrent par la suite. Ils demeu-

rèrent à Miknâs et furent transportés de nouveau à Fâs

Eljedîd par Moîilay Yazîd bn Muhammad, au début du

règne de ce Commandeur, comme nous le verrons, s’il plaît à

Dieu.

 

Cette année-là (1174), le Sultan vendit les meks de Fâs,

pour une somme annuelle de 12.000 mitsqâls, au gouver-

neur de cette ville, Elhâddj Muhammad Esseflar. Il se

rendit ensuite à Murrâkush nous allons rapporter ce qu’il

fit après son entrée dans cette ville.

 

Nouveau voyage du sultan Sidi Muhammad de Murrâkush au Garb

et incidents qui marquèrent ce déplacement

 

En 1175, le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah, Dieu

lui fasse miséricorde quitta Murrâkush pour se rendre

dans le Garb. Mais il se détourna de sa route pour passer

chez quelques tribus qui se livraient encore à des méfaits,

les réduisit et les désunit. En arrivant chez les Châouiya,

il livra les habitants au pillage, leur enleva tous leurs

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 97.

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DYNASTIE AI.AOUIH DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 19

 

biens, en tua un certain nombre, et fit de nombreux pri-

sonniers, qu’il envoya enchaînés à Morràkch. Il s’écarta

ensuite de son chemin pour aller du côté de Tadla. Il

passa par le pays des Brâbér Chqirén, qui font jKii-tic des

Ait Ou ‘Màlou, les livra au pillage et tua tous ceux qu’il

put saisir. Puis il se mit en route pour les pays du Garb.

dans le but de soumettre les Hayâïna, qui cominelhiient

des méfaits et s’étaient révoltés. Il commença d’abord par

piller les Ait Skâto, puis les Hcni Sàddén, et enfin les

Ilayâïna, qui s’enfuirent devant lui vers les montagnes des

Gayyâtsa, où ils se fortifièrent. Le Sultan laissa ses troupes

dans leur pays pour ravager leurs cultures, et se rendit à

Taza. Il attaqua les Hayâïna dans les montagnes des

Gayyâtsa, leur tua un certain nombre de gens et les mit

en déroute, tandis que ses soldats ravageaient leurs cul-

tures, brûlaient leurs douwars et fouillaient le sol pour

trouver leurs trésors. Quand ils eurent entièrement rnsé

leur territoire, le Sultan revint à Miknâs.

 

Pendant le séjour qu’il fit dans cette ville, il fit arrêter

le chéïkh Mahmoud Echchenguîti, qui faisait profession de

soufisme et agitait la population de Fâs. Ce personnage

était venu de’ son pays se fixer dans la sacristie de la

mosquée d’Elqarouiyin et ad’ectait une grande piété. Les

notables de Fâs et les négociants se réunissaient autour

de lui et avaient foi en lui. « 11 ne se hornait pas, dit l’au-

teur du Boustân, à recevoir les gens, ce qui était son

a flaire, mais il se mit à parler du gouvernement, à corres-

pondre avec les Berhers et à prétendre que le Sultan

d’alors n’était pas légitime, puisque pas un seul person-

nage saint ne l’avait reconnu. Le Sultan fut informé de

ces propos et le fit emprisonner. Il le fit envoyer à la pri-

son de Murrâkush. Plus tard il fut soumis à la torture et

mourut, sans que ni la terre, ni le ciel ne le pleurassent. »

« Il disait, raconte Akensoûs, que le Sultan mourrait au

bout d’un mois. Ses paroles se répandirent parmi les

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ARCHIVES MAROCAINES

gens du peuple, qui se mirent à acheter du charbon et du

bois et à faire des provisions, lue émeute ayant éclaté à

la suite de cela à Fâs, le Sultan écrivit aussitôt au gouver-

neur de cette ville d’arrêter ce personnage et de l’en-

voyer à Morràkch. »

 

Pendant qu’il était encore à Miknâs, le Sultan fit aussi

emprisonner l’amîn Elhâddj Elkhayvât ‘Adéyvil et ses

frères, qui lui devaient de 1 argent. Une partie des sommes

qu’il leur réclamait était duo par leur père. A la lin de

l’année, il les fît mettre en liberté. L’un d’entre eux,

Elhâddj Elkhayvât, et St Ettâhar Bennâni Errebâti furent

envoyés comme ambassadeurs auprès du Sultan de Cons-

tantinople, Moustai’a bn Ahmad Elotsmâui.

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) nomma son cou-

sin Mawlay Idrîs bn Elmontasir, khalifa à Fâs, et lui

donna le commandement de toutes les tribus du Jbal.

Dans la même année, il donna l’ordre de constituer en

habous, en faveur de toutes les mosquées du Maghrib, les

livres de la Bibliothèque Ismaélienne, qui se trouvait à la

Doueïrat Elkoutoub à .Miknâs, et qui contenait plus de

12.000 volumes. Les bibliothèques des mosquées sont,

encore de nos jours, remplies de ces livres, sur lesquels est

inscrit l’acte établissant leur constitution en habous au

nom de ce Sultan.

 

Sidi Muhammad retourna ensuite à Miknâs. Cette

année-là, le gouverneur de Fâs, Elhâddj Muhammad

EssefFàr acheta les meks de la ville pour une somme

annuelle de 23.000 mitsqdls.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah châtie la tribu

de Mesfioua motifs de cette répression

 

Les Mesfioua avaient embrassé, comme nous l’avons vu,

1.Texte arabe, IV» partie, p. 98.

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DYNASTIE ALAOU1E DU MAROC

 

le parti de Mawlay Elmosladi, mais ils avaient l’ait leur

soumission à .Yloùlav ‘Abdallah, t| uniicl celui-ci, an cours

tle l’expédition qu’il avait conduite dans le IJoùz, avait

obligé Moula y Elmosladi à s’enfuir de chez eux, et leur

avait infligé la répression que nous avons rapportée.

Cependant leur soumission au Sultan n’était qu’apparente,

leurs ressentiments couvaient toujours dans leurs cirurs,

et l’obéissance qu’ils avaient manifestée n’était qu’un

armistice conclu avec une arrière-pensée. Aussi, quand

commença le règne du sultan Sidi Muhammad (Dieu lui

fasse miséricorde !) ils recommencèrent leurs méfaits.

« Ces Mesfîoua, dit l’auteur du Boustdn, étaient d’auda-

cieux rebelles, qui manifestèrent pour le gouvernement,

dès le jour où Sîdi Muhammad fut nommé khaliia à

Morrûkch, un dédain qui atteignit un degré inouï. Ce

Commandeur employa, pour guérir leur maladie, tous les remèdes

possibles aucun antidote ne réussit. Quand il vint à

Morrakch, lors de ce voyage, il reçut une députalion de

cent cinquante notables de cette tribu. Il saisit l’occasion

qui se présentait et mit à mort tous ces délégués, a

l’exception du qàdi. En même temps, des cavaliers furent

envoyés pour attaquer leurs campements, les saccagèrent

et leur causèrent des dommages considérables. Cette opé-

ration anéantit leurs forces; dans la suite, leur soumission

fut réelle, et leur situation devint normale. »

 

En 1176, le Sultan quitta Morrakch et se mit en route

pour le G-arb. Sur son passage, il pilla les Ait Sibér, qui

font partie des Zemmoùr Echchleuh, et les dissémina.

Arrivé à Miknâs, il ordonna aux tribus de payer leurs

zekûts et leurs ‘achours. Les Hayàïna, les Chràga et toutes

les tribus du Hoi’iz vinrent remettre leurs contributions

au heri de Fâs, et les gens du G-arb, les lîeni Hsen et

les Herbers les apportèrent au heri de Miknâs. Le Sultan

partit ensuite en expédition contre les Mermoùcha ses

soldats ayant subi un premier échec, il prit lui-même

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ARCHIVES MAROCAINES

(Dieu lui fasse miséricorde !) le commandement des

troupes et, accompagné de ses Msaklwîn des Wbîds, il

battit cette tribu, pilla ses biens, s’empara de ses qasbas

et lui tua un grand nombre d’hommes. Les ayant ainsi

défaits et mis en déroute, il partit pour Tâza, dont il

rétablit les aflaires, et pacifia les environs, puis rentra

victorieux et sain et sauf.

 

Cette année-là, mourut le Qâ’îd des Qâ’îds, qui jouissait

auprès du Sultan du rang do vizir, Abû ‘Abdallah

Muhammad bn Haddo Eddoûkkâli. Sîdi Muhammad

avait d’abord donné à ce personnage le commandement

de Doùkkâla, au début de son règne; plus tard il adjoignit

à son commandement celui du Tàmesna et du Tâdla, en

remplacement d’Elboûzirâri Eljâbri, qui fut une des

colonnes du règne de ce Commandeur (Dieu lui fasse miséri-

corde !) Le Sultan nomma à sa place son cousin, le Qâ’îd

Aboù ‘Abdallah Muhammad bn Ahmad.

L’année suivante (1177), le Sultan fit construire la

qoubba du chéïkh Abûlhasan ‘Ali bn rlirziliim, à Fâs.

A la même époque, eut lieu, dans le Sahara de Fîguîg,

la révolte d’un individu appelé Ahmad Elkhadir, qui pré-

tendait être Mawlay ‘Abdelmâlék et déclara ensuite qu’il

était son agent. Il répandit le désordre parmi les popu-

lations de cette région et fut la cause de nombreux com-

bats. Le Sultan manda aux ‘Arabs de cette contrée de le

tuer ils lui envoyèrent sa tête à Miknâs. Il se trouvait

encore dans cette ville retenu par la maladie, mais Dieu

le guérit.

 

Il se mie en route ensuite pour Murrâkush. A son passage

à Ribât al-Fath, il envoya le réïs Elhâddj Ettahâmi Mdou-

war Errebâti comme ambassadeur en Suède, pour lui

rapporter les agrès de navires et de la poudre. Il fit partir

également comme ambassadeur en Angleterre le réïs

Abû “Abdallah Muhammad Al-’Arbî Elmestîri Errebâti,

pour réparer ses corsaires et les gréer à neuf. Ce per-

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

sonnage partit, répara sos corsaires et revint avant la fin

de l’année, rapportant des agrès pour deux vaisseaux, (les

canons de bronze, etc.

 

Au cours de l’année 1178, furent célébrées à Murrâkush les

noces de Mawlay ‘Ali, fils (lui Sultan, avec la fille de son

oncle Mawlay Ahmad bn “Abdallah, et celles du fils de son

frère, Sidi Muhammad bn Ahmad, avec la fille du Sultan. Il l

y eut un repas somptueux, auquel assistèrent tous lesgens

du Maghrib, qui apportèrent leurs cadeaux les plus riches.

Tout alla bien, dès lors, pour le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !)

 

Construction de la ville d’Essouéïra (Dieu la garde !) s

Après avoir terminé la célébration des noces de ses

enfants, le sultan Sîdi Muhammad hen ‘Abdallah (Dieu lui

fasse miséricorde !) se mit en route pour le pays où se

trouve Essouéïra, afin de construire cette ville et de la

peupler. Il s’occupa de la tracer et de faire creuser les

fondations, et laissa au travail les maçons et les divers

artisans. Il donna l’ordre à ses gouverneurs et à ses Qâ’îds

d’y construire leurs maisons. Il retourna ensuite à Mor-

râkch. Dans sa JRihla, le secrétaire AbûTabbâs Ahmad

ben Elmehdi Elgazzâl dit, en résumé, que le motif de ln

fondation d’Essouéïra fut le suivant Le sultan Sidi

Muhammad heu ‘Abdallah était passionné pour la guerre

sainte. Dans cette pensée, il avait fait construire des cor-

saires de guerre qui, le plus souvent, étaient ancrés dans

le port des Deux-Rives et dans celui d’El’arèïch. Pendant

deux mois de l’année, au moment de la saison des pluies,

ces navires ne pouvaient pas prendre la mer, parce que

ces ports ne faisaient qu’un avec les rivières. Dans

1. Texte arabe. IVe partie, p. 99.

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ARCHIVES MAROCAINES

les autres saisons, il y avait trop peu d’eau et le sable

obstruait l’embouchure des rivières, de telle sorte que les

bateaux ne pouvaient les franchir. Le Sultan (Dieu lui

lasse miséricorde!), après avoir réfléchi aux moyens sus-

ceptibles d’assurer le voyage de ses corsaires a n’importe

quel moment de l’année, s’appliqua à construire Kssouéïra,

dont le port ne présentait pas de pareils inconvénients.

l’n antre auteur qu’EJgazzâl prétend que le Sultan

décida la fondation d’Kssouéïra pour une autre raison. La

place d’Agadir était le refuge de révoltés du Soùs, comme.

Inléb Sàlah, entre autres, qui laissaient faire par là une

exportation clandestine des marchandises et conservaient

pour eux les bénéfices réalisés. Le Sultan pensa qu’il ne

pouvait y avoir d’autre moyen de mettre fin à celte situa-

tion que de créer un autre port, également rapproché de

cette région et du centre de l’Empire, afin de diminuer

petit à petit les gains qu’Agadir procurait à ces rebelles,

car personne n’avait plus intérêt à s rendre. Il fonda

donc Essouéïra, la construisit solidement et s’appliqua à

en faire une ville bien bâtie. Il arma de canons les deux

iles, la grande et la petite, qui forment comme l’enceinte

du port, et fit élever un fort bien armé sur le rocher qui

avance dans la mer, de telle sorte qu’on ne peut entrer

dans le port sans être à portée des canons à la fois de l’île

et du fort.

 

Quand la ville fut terminée, le Sultan y fit venir des

négociants chrétiens pour faire du commerce et, pour les

attirer, les dispensa de toute taxe douanière. Les com-

merçants affluèrent bientôt de tous côtés et vinrent s’éta-

blir dans ce port, qui fut peuple en peu de temps. L’aban-

don des droits de douane dans ce te ville dura encore

nombre d’années plus tard, les droits de sâka et autres

contributions y furent établis comme dans les autres

ports. La même situation existe encore de nos jours.

Dieu sait quelle est la vérité

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DYNASTIE ALAOL’Ii; DU J1AKOC

 

Les Français attaquent Salé et El’arêïch et s’en éloignent

après avoir subi un échec

 

Nous avons rapporté précédemment que le Sultan était

passionné pour les choses maritimes et pour la guerre

sainte sur mer. Ses corsaires allaient et venaient le lour-

de toutes les côtes, et surveillaient les abords des places

de l’infidélité, pour tuer, faire des captifs et prendre du

butin, lîientôt, les infidèles ne surent plus où naviguer,

et peu s’en fallut qu’on fut complètement débarrassé d’eux.

Il v en eut parmi eux qui, efl’rayés, demandèrent la paixet

des relations de bon voisinage, et d’autres qui, s’illusion-

naut sur leur sort, voulurent prendre leur revanche.

Parmi ces derniers se trouvaient les Français. Les corsaires

du Su l Uni (Dieu lui fasse miséricorde !) avaient capturé un

de leurs bateaux et l’avaient amené dans le port d’El’arèïch

ce n’était pas d’ailleurs la seule capture qu’ils leur avaient

faite il y en avait eu beaucoup d’autres. Cette dernière

les détermina à venir attaquer Salé vers la fin de l’an-

née 1178. Dans sa Rihla, Elga/.zàl dit « Les Français

lancèrent sur Salé des obus et des bombes, avec lesquelles

ils pensèrent produire un résultat effectif, mais on leur

en renvoya le double, et il ne se passa pas beaucoup de

temps avant que leurs bateaux m: prennent la fuite, les

derniers retardant la marche des premiers l’ennemi

s’échappa eu déroute, amenant son pavillon et couvert de

honte. » Le fqili très docte Aboùl’abbàs Ahmad ben

Elmékki Essedrâti Esslaoui fDieu lui fasse miséricorde!)

raconte cette ail’aire de la façon suivante, dans une note

écrite de sa main qui m’a été communiquée « Les Fran-

çais vinrent mouiller devant la ville de Salé, le vendredi

11 doùlheddja 1178. Ils restèrent en vue, sans rien faire

]. Texte arabe, IVe partie, p. 9!).

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ARCHIVES MAROCAINES

le vendredi et le samedi. Le dimanche, leurs vaisseaux se

rapprochèrent et lancèrent 178 bombes. Des maisons

furent démolies; les femmes et les enfants se sauvèrent

en dehors de la ville où il ne resta que peu de monde. Ce

fut une journée mémorable. Le lundi matin, Dieu fit

souffler contre eux un vent qui dissipa leurs bateaux; et

le Très-Haut soulagea les musulmans. Les Français revin-

rent le samedi suivant et lancèrent encore 120 bombes: le

mardi, 23 doùlheddja, ils en jetèrent encore plus de 130.

Un seul musulman périt pendant toute cette période. »

« Après avoir réparé les avaries faites à leurs navires

pendant le bombardement de Salé, les Français, dit

Elgazzâl, allèrent attaquer la place d’Erarèïch. » « Ils

lancèrent sur cette place, dit Esseddrâti, d’après ce que

l’on raconte, plus de 4.030 obus, qui démolirent les mai-

sons et la mosquée. » Cette attaque eut lieu le premier

jour de l’année 1.179. Le jeudi 2moharrem, et suivant une

autre version le 9, dans la nuit de ‘achoùra, ils entrèrent

dans le port avec 15 canots, montés par environ mille

hommes et armés d’un grand nombre de soldats et d’offi-

ciers. Puis, remontant le cours de la rivière, ils s’avan-

cèrent vers les bateaux du Sultan qui étaient à l’ancre,

et mirent le feu à l’un d’eux, qui était précisément celui

que les musulmans leur avaient capturé. Ils s’attaquèrent

ensuite à un autre vaisseau avec des barres de fer et des

haches. Mais bientôt les musulmans les entourèrent les

Beni Gorfet et les gens du Sâhel leur livrèrent combat et les

forcèrent à se retirer. Au moment où ils retournaient vers

leurs bateaux, ils trouvèrent devant eux les ‘Arabs du Garb,

commandés par leur Qâ’îd Habib Elmâlki, qui leur barraient

le passage, à l’entrée du port où ils s’étaient postés sur les

rochers. Dieu envoya du côté de la mer un vent qui fit

enfler les vagues et les empêcha de sortir du port, de

telle sorte que, lorsqu’ils allaient au milieu de la rivière

pour le vent les repoussait, et que, s’ils vou-

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DYNASTIE ALAOUIlî DU MAROC

 

laient suivre l’une des deux rives, les musulmans leur

lançaient des balles. Ils furent tous extermines, car les

musulmans abordèrent ensuite leurs barques à la nage

et s’emparèrent de onze canots quatre seulement purent

se sauver. Les musulmans se partagèrent les morts et les

prisonniers, qui furent dispersés chez les ‘Arabs et dans la

campagne. Plus tard, le Sultan ordonna de les réunir et

donna à quiconque lui en amenait un de l’argent et un

vêtement. Ilen réunit ainsi une cinquantaine, qui demeu-

rèrent en captivité jusqu’au jour où le despote d’Espagne

s’entremit dans cette affaire et les racheta moyennant une

somme considérable.

 

Environ quatre-vingts têtes de ceux qui avaient été tués

furent, sur l’ordre du Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

envoyées à Salé et suspendues à la sqâla voisine du mauso-

lée du chéïkh bn ‘Acher (Dieu soit satisfait de lui Dans

la suite, la paix fut faite avec les Français, et un traité fut

conclu, comme nous allons le raconter, s’il plaît i Dieu.

Après cette affaire, le Sultan (Dieu lui fasse miséri-

corde !) se rendit à Erarêïch, où il demeura un mois, pour

y faire construire des forts et des batteries cette place

devint une des plus fortes de l’Empire. Les changements

de la destinée sont entre les mains de Dieu

 

Correspondance échangée entre le sultan Sîdi Muhammad ben

‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde!)et le despote d’Espagne

ses résultats1.

 

La correspondance qui fut envoyée par le sultan Sidi

Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde !)

au despote d’Espagne fut motivée par de nombreuses

lettres que lui avaient envoyées un certain nombre de

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 100.

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AnCIIIVES MAROCAINES

 

captifs musulmans qui se trouvaient en Espagne, pour

lui faire connaître la détresse où les avait réduits leur

captivité, et les traitements insultants et avilissauts que

leur faisaient subir les infidèles. Parmi eux se trouvaient

des gens de science et qui récitaient le Qoràn. Leurs

lettres avaient été lues au Sultan, qui en avait été vive-

ment impressionné. Il lit aussitôt écrire au despote

d’Espagne, en lui disant « 11 n’est pas permis dans

notre religion de négliger les captifs et de les abandonner

aux liens de la captivité. Celui qui a reçu de Dieu le pou-

voir n’a pas le droit de les laisser de côté. Nous pensons

qu’il en est de même dans votre religion. » II lui recom-

mandait aussi d’avoir des égards principalement pour les

musulmans qui, parmi eux, étaient adonnés à la science

et avaient entre leurs mains le Qoràn, et de ne pas les

traiter comme des captifs ordinaires. « C’est ainsi, ajou-

tait-il, que nous agissons envers les religieux qui se

trouvent parmi vos captifs. Nous ne leur imposons aucun

travail, et nous ne leur faisons payer aucun tribut. »

En recevant cette lettre, le despote d’Espagne, tout en

témoignant sa vénération, faillit bondir de joie. Il ordonna

sur-le-champ de rendre la liberté aux captifs qui se trou-

vaient dans sa capitale et les envoya au Sultan, en lui

promettant de lui mander bientôt ceux qui se trouvaient

dans les autres pays. Le Sultan (Dieu lui fasse miséri-

corde !) fut très satisfait de ce résultat, qu’il regarda comme

très important, et comme il avait l’âme généreuse et qu’il

ne voulait pas se laisser surpasser en générosité, il accorda

au despote d’Espagne la liberté de tous les captifs de sa

nation qui se trouvaient auprès de lui, et y joignit de plus

des captifs d’autres nations, pour lui permettre de r ecueillir

tous les avantages de cette mesure vis-à-vis des autres

pays. Il les lui fit conduire par l’intermédiaire du gouver-

neur de Ceuta, en même temps qu’un présent, dans lequel

figuraient un certain nombre de lions.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Egaré par la joie qui le saisit en recevant cet envoi, le

despote prépara en toute haie un cadeau aussi riche qu’il

lui fut possible, et le fit porter au Sultan par des religieux

et des officiers d’un rang élevé, cjiii furent chargés de

remettre au Sultan une lettre où il lui exprimait toute son

amitié, reconnaissait sa générosité et sa bienveillance, et

lui demandait de vouloir bien lui envoyer un des grands

de son Empire, pour honorer son pays de sa visite et con-

sacrer aux yeux des nations européennes ces bonnes rela-

tions et ces rapports bienveillants, ce qui grossirait son

prestige et mettrait le comble à sa gloire. Le, Sultan (Dieu u

lui fasse miséricorde !j accéda à son désir. Il lui envoya

deux de ses oncles les Oùdévu, les réïs Aboù Va la

‘Amâra bn Moùsa et Aboù ‘Abdallah Muhammad ben

Taser, auxquels il se borna à adjoindre, en qualité de secré-

taire, son kûtéb AbûTahMs Ahmad Elgazzûl. Lorsque

cette ambassade fut arrivée à Gibraltar, Elgazzâl écrivit a

un des vizirs du Sultan pour le prier de prévenir le Commandeur

des Croyants clue, ces deux envoyés n’ayant aucune con-

naissance des usages des chrétiens, il redoutait les consé-

quences de leur façon d’envisager les choses, et que le

Commandeur des Croyants ne devrait pas lui faire supporter la

responsabilité de ce qui pourrait arriver.

 

Le vizir donna connaissance de ce message au Sultan,

qui répondit « Il a raison j’ai déjà regretté de leur

avoir donné le pas sur lui, mais je n’avais envisagé que

leur rang hiérarchique. Ecrivez de suite au despote, dites-

lui que je lui ai envoyé mon secrétaire Ahmad Elgazzâl,

en qualité d’ambassadeur, et faites parvenir la lettre à

celui-ci, qui devra s’en saisir, se faire remettre la première

lettre qui est entre les mains de mes oncles, et prendre

lui-même la direction de l’ambassade. » En recevant la

lettre du Sultan, Elgazzâl se conforma à ces instructions

et régla les affaires dans les conditions désirées, laissant

ainsi une bonne renommée (Dieu lui fasse miséricorde !).

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ARCHIVES MAROCAINES

Cette année-là (1179), le Sultan invita les gens de Fâs à

fournir pour Essouéïra une garnison, (le cin-

quante hommes à pied, avec un Qâ’îd, un ff]îh pour leur

enseigner la religion, un mououfffjil, un moueddin et deux

notaires, et les dispensa à l’avenir du contingent de 500 fan-

tassins qu’ils avaient dû donner à ses prédécesseurs.- Les

gens de Fâs, après beaucoup de tergiversations, dési-

gnèrent ce contingent et l’envoyèrent à Morràkch au Sultan,

qui les fit partir pour Essouéïra, où il leur assigna leur

moâna et divers bénéfices. Ils assurèrent le service du

port et eurent une part dans ses revenus. Leur situation

devenant prospère, ils s’attachèrent à ce pays. Ils s’y

trouvent restés encore dans les mêmes conditions.

Dans la même année, le Sultan envoya en France le réi’s

Aboùlhasan ‘Ali Mûrsîl Errcbâti, pour rédiger la paix avec

les Français, se faire payer la rançon des prisonniers

d’ETaièt’cli et acheter des agrès. Les Français se son-

mirent à donner l’argent et les agrès.

 

Le Sultan fit partir également, comme ambassadeurs

auprès du sultan ottoman Moustafa, souverain de Constan-

tinople, les fqîhs Si Ettâhar bn ‘Abdesselûm Esslaoui et

Si Ettûhar Bcnnâni Errebâti. Ces envoyés emmenèrent

avec eux des présents somptueux, consistant en chevaux

de race dont les selles étaient surchargées d’or et rehaus-

sées de perles, de rubis et de pierres précieuses, des

sabres ornés d’or et garnis de pierres de diverses couleurs,

et des bijoux à la façon du Maghrib. Le sultan ottoman

accepta ce cadeau avec joie et, en échange, envoya un

bateau chargé de tous les appareils de guerre, canons,

mortiers, poudre, et d’une grande quantité de tous les

agrès nécessaires aux navires corsaires.

 

La même année, le Sultan fit un voyage dans le Pîf, il

passa par Tétouan, puis par le pays de Gomara et se rendit

de là dans le Gârét et dans le Rif. Il pacifia toute cette

région et revint par la route de Tâza. Mawlay ‘Ali, fils et

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DYNASTIE ALAOUIE I)U MAROC

 

khalifa (lui Sultan, vint voir soit pèi’O il s’établit à l’os

Al-Jadîd et reçut, en plus de son commandement, celui des

li-ilms (lu Jbal et du Rîf.

 

Cette année-là, la maîtresse du palais impérial, la Moù-

lât Fâtma, fille de Soliman, vint de Moriâkch à Fâs pour

y faire des visites pieuses. Dans une seule nuit, elle se

rendit successivement, sur s;\ monture, aux mausolées de

Mawlay Idrîs (Dieu soit satisfait de lui !), du chéïkh

Aboùlhasan ‘Ali bn Ilir/ihim et du chéïkh Aboù

‘Abdallâh Ettàoudi. Elle y fit ses dévotions, immola plus

de cent taureaux et répandit de nombreuses aumônes.

Après cela, elle alla à Sel’roù, y visita les tombeaux du

chéïkh Sîdi Boù Sergîn et de Sîdi Aboù ‘Ali, immola des

victimes et fit des aumônes, puis revint à Fâs. Puis elle

partit en pèlerinage au chéïkh ‘Abd As-Slâmben Mechîch

(Dieu soit satisfait de lui !) accompagnée des notables, des

shurfas et des ‘ulâma de Fâs. Elle fut saluée en route

par les gouverneurs du Garb, qui vinrent au-devant d’elle

avec leurs présents et dans leurs plus beaux costumes.

Les qâîds des villes la rejoignirent au mausolée du chéïkh

‘Abd As-Slâm, entourés de leur cortège, de leurs cavaliers

et de leurs hommes à pied. Le Sultan leur avait donné

des instructions à cet effet. « J’étais, à cette époque, dit

l’auteur du Boustân, gouverneur cl’El’arêïch et je me

trouvais là avec mes collègues. » Lorsqu’elle eut terminé

son pèlerinage, elle distribua de l’argent aux shurfas du

Jbal ETalam et prodigua ses dons à tout le monde.

De là elle se rendit à Elqsar, puis à ETarôïch, où elle

demeura trois jours. A ce moment les Qâ’îds rejoignirent

leur poste, tandis qu’elle se remettait en route pour ren-

trer à Murrâkush, avec une escorte de 1.000 cavaliers ‘Abîds

qui l’avaient accompagnée dans tout son voyage et qui

étaient commandés par le Qâ’îd Mesbâh. Ses actes peuvent

être cités parmi les grandes œuvres et les faits glorieux.

Dieu lui fasse miséricorde

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ARCHIVES MAROCAINES

 

Intérêt porté par le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah à la

place d’El’arêïch, qu’il pourvoit de l’armement nécessaire pour

la guerre sainte

 

Nous avons vu cjue le sultan Sîili Muhammad bon

‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde!) s’était rendu à

ETarè-icli après l’all’aire des Français, s’était occupé de

cette place à laquelle il s’intéressait, et y avait l’ail construire

<les forts, des batteries et des murailles. Dans la suite, sou

lils, Mawlay Yazîd, arriva à cette date à Fâs, amenant avec

lui un certain nombre de capitaines de bateaux et d’ar-

tilleurs expérimentés dans le tir. Il avait été convoqué par

le Sultan pour présider au transport des canons et des

mortiers de bronze qui étaient à Kès Eljedîd et à Miknâs

et qui devaient être traînés à ETat-èVcli. Les tribus placées

sur la route reçurent l’ordre d’assurer la traction de ces

canons, et chacune d’elles les traîna sur son territoire

jusqu’au territoire voisin. Les canons parvinrent ainsi au

gué de Alsi’ida (Seboù). « Je reçus, dit l’auteur du Boustûn,

l’ordre du Sultan de quitter Erarèïch et d’aller au-devant

de ces canons avec les troupes et les tribus du Hawz »,

c’est-à-dire du Hawz d’El’ai’éîch « je les trouvai au Seboù.

Les gens du Garb traînèrent ces canons et ces mortiers

jusqu’à l’Oued Edderdàr, près de Taguâout. Puis les gens

d’ETarêrch et les tribus des environs les traînèrent jusqu’à

la ville. Le jour où ils arrivèrent, ce fut une grande fête.

Des coups de canon et des coups de fusil furent tirés. Les

tribus firent des courses de chevaux et se livrèrent au

jeu de la poudre jusqu’au soir. Mawlay Yazîd retourna

ensuite auprès du Sultan à Miknâs, accompagné des chefs

̃de la marine et de l’artillerie, après avoir terminé cette

opération.

 

1. Texte arabe, IV” partie, p. 102.

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DYNASTIE ALAOUIIi DO MAROC

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah réduit les Aït Zem-

moûr du Tâdla et les transporte à Selfât motifs de cette expé-

dition’. J

 

Une fois débarrassé des affaires d’El’arèi’cli, le Sultan

eut le loisir de régler les dernières questions ayant trait

à ses sujets. Il quitta Miknâs et se rendit dans le Tadla,

sans laisser voir qu’il voulait châtier les Ait Zennnoiir,

dont les méfaits lui avaient été rapportés. Arrivé au Tàdla,

il usa de ruse envers eux, en leur envoyant demander de

lui fournir leurs cavaliers et leurs fantassins, comme s’il

avait t résolu de préparer secrètement une expédition contre

les Ait Ou ‘MAlou. Dès qu’ils se présentèrent devant lui, il

ordonna une revue de toutes les troupes. Il se tint près

de la qasba et lit défilei” devant lui les soldats de l’armée,

puis les tribus les unes après les autres. Dès qu’une tribu

avait défilé, il la faisait placer dans un endroit qu’il indi-

quait. Il fit de même avec le r/uéïch, de telle sorte que la

place était couverte de cavaliers et de fantassins et cernée

de tous côtés. Quand les Ait Zeminoùr, qui restaient les

derniers, eurent défilé, il ordonna à son rcha de tirer sur

eux un feu de salve, qui en fit tomber un grand nombre.

Les troupes qui les cernaient avaient l’ordre de tirer des

qu’ils s’approcheraient d’eux, dans n’importe quelle direc-

tion. Aussi chaque fois qu’ils s’avançaient pour se sauver,

ils recevaient des coups de fusils de la troupe voisine. Un

nombre considérable fut tué successivement les autres

finirent par s’échapper du côté des gens de Doùkkâla. Il

en mourut ainsi plus de 800. Le Sultan fit couper les têtes

des morts et les envoya Fâs, où elles furent suspendues

au-dessus des murailles. Les soldats pillèrent leurs cam-

pements et firent une soûfa de leurs bestiaux, de leurs

1. Texte arabe, IV’ parlie, p. 102.

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ARCHIVES MAROCAINES

tentes et de leurs ellels. Ceux qui parvinrent à s’échappor

s’enfuirent dans la montagne des Ait Isri.

 

Le Sultan se remit ensuite en route et, peu de jours

après son arrivée à Morràkch, il reçut une députation des

Ait Zcmmoiir, qui venaient humblement lui exprimer leur

repentir. Il leur pardonna et les transporta au Jbal

Sellât, dans les environs de Fâs, où ils s’établirent pen-

dant un certain temps.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallâh fait organiser une

expédition contre les Aït Idrâsén motifs de cette décision

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah avait témoigné

beaucoup de bienveillance aux Ait Idrâsén, car il avait

châtié à cause d’eux les Oùdëya, qui étaient cependant le

noyau de l’armée et l’appui du gouvernement. Mais sa

bonté les avait encouragés au mal et ils en avaient abusé.

Comme ils avaient commis nombre d’actes répréhensibles,

le Sultan se vit obligé de les punir. Pendant son séjour à

Morrâkcli, il écrivit aux Udaya de leur faire la guerre, et

enjoignit en même temps aux ‘Abîds et aux Guerouftudo

se joindre à eux, pour combattre les Ait Idrâsén et les

réduire. Les Oûdèya n’avaient pas de plus grand désir

aidés de leurs auxiliaires, ils les attaquèrent sur leur terri-

toire et leur livrèrent de sanglants combats. Les Ait

Idrâsén finirent par être battus, leurs campements furent

pillés, et nombre d’entre eux furent tués ou faits prison-

niers et envoyés enchaînés auprès du Sultan à Morrftkch.

Cette année-là (1179), le Sultan ordonna la formation du

corps des Yéychêriya, qui devait être composé de gens

des tribus du Hawz. Le Qâ’îd ‘Abdennébi Elmnébbébi reçut

mission de réunir les contingents et de les inscrire dans

1. Texte arabe, IV° partie, p. 102.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

AI1CII. MAROC. 20

 

le Dîouûn de l’infanterie. Il devait également inscrire tous

les célibataires qui voudraient s’engager dans l’armée. Il

réunit ainsi A. 500 hommes. Le Sultan leur donna des vête-

ments et des armes et les utilisa pendant un certain temps.

Mais ils finirent par retourner dans leurs tribus et auprès de

leurs contribules, et furent, comme eux, soumis aux contri-

butions.

 

Dans le courant de cette année-là, mourut Elhâddj

Muhammad Esse flar, gouverneur de Fâs le Sultan dési-

gna, pour le remplacer, son fils, Al-’Arbî bn Muhammad

Esseffâr.

 

L’année suivante (1180), le Sultan vint à Miknâs, il fit

arrêter le Qâ’îd ‘Abdessâdeq bn Ahmad Errtfi, gouverneur

de Tanger, et une centaine de ses proches et des gens de

sa famille, et les jeta en prison. Il alla ensuite à Tanger,

pilla la maison de ‘AbdessAdeq, et transporta les gens de

sa tribu et leurs enfants à Elmehdiya, où ils demeurèrent

sous les ordres d’un des leurs, Muhammad bn Wbdel-

mâlék. Il ne laissa en fait de Rifains, à Tanger, que ceux

qui étaient honnêtes et sérieux, et établit à côté d’eux

1.500 ‘Abitls d’Elmehdiya, qui, se trouvant ainsi en nombre

égal à celui des Rifains restés dans cette ville, ôtèrent à

ceux-ci toute velléité de révolte.

 

Suivant une note écrite de la main du fqih Aboùl’abbâs

Ahmad Esseddrâti, le transfert des Rifains à Elmehdiya

aurait eu lieu quatre ans plus tard. Dieu sait quelle est la

vérité

 

Exécution de ‘Abdelhaqq Fennîch Esslaoui et déchéance

de sa famille 1.

 

Nous avons parlé, à la fin du règne du sultan Mawlay

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 103.

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ARCHIVES MAROCAINES

‘Abdallah, des troubles qui s’étaient produits dans les villes

et les campagnes du Maghrib, et qui avaient permis à cer-

tains Qâ’îds et gouverneurs des villes de se déclarer indé-

pendants. Parmi eux était ‘Abdelhaqq bn ‘Abdel ‘azîz

Fennîch, gouverneur de Salé. Il avait fini par gouverner

pour son propre compte à Salé et dans la légion environ-

nante, grâce a ses compagnons et à ses partisans. Lorsque

Sidi Muhammad avait passé par Salé, en allant de Murrâkush

à du temps de son père, ‘Abdelliaqq lui avait fermé

les portes de la ville et ne lui avait témoigné aucun égard,

ni à l’aller, ni au retour. Quand Dieu l’eut nommé, plus

tard, Commandeur des musulmans, Sîdi Muhammad voulut

oublier les fautes passées de ‘Abdelhaqq et lui laissa le

commandement de sa ville. Mais, au bout d’un certain

temps ‘Abdelhaqq, qui était un homme cruel et barbare,

fit mettre à mort un des notables de Salé. Les uns disent

que la victime était un de ses proches, les autres que

c’était une personne de la famille Znîbir. Les parents du

mort allèrent se plaindre au Sultan à Miknâs, ‘Abdelhaqq

comparut avec eux, et il fut établi que la mise à mort de

cet homme était injuste. Le Sultan, qui ne put retenir la

haine qu’il nourrissait contre ‘Abdelhaqq, le fit arrêter et

le livra aux parents de la victime, pour qu’ils le missent

eux-mêmes à mort. Mais ceux-ci n’ayant pas osé com-

mettre un pareil acte, le Sultan le fit exécuter en leur pré-

sence par ses sbires, qui le firent périr, dit-on, à coups de

manches de haches. Le Sultan envoya ensuite quelqu’un

pour s’emparer des biens de ‘Abdelhaqq et de tous les

Fennîch, et fit vendre leurs propriétés, après avoir fait

établir des actes constatant que les Fennîch étaient perdus

de dettes, que tout leur avoir avait été acquis au moyen

de rapts et par d’autres procédés illicites, car ils impo-

saient des taxes aux pauvres et aux malheureux, même à

l’occasion de leurs mariages. Toutes les propriétés de

‘Abdelhaqq et de ses familiers, qui étaient au nombre de

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

plus clo cent maisons ou terrains, furent vendues aux

Béni Ilsen (1180).

 

Le Sultan les exila ensuite à Erarêi’ch, où ils demeu-

rèrent en prison pendant assez longtemps. Plus tard, quel-

ques-uns d’entre eux furent envoyés à Essouéïra. Le Sul-

tan leur pardonna dans la suite et les rapprocha de lui. Il

leur confia le commandement du tir au mortier et au canon

connu sous le nom de commandement des tobdjiija, et les

nomma dans les diverses places. Ils furent ainsi envoyés

à Elai’ôicli, à Tanger, à llabât Elfethetà Essouéïra. Il leur l’

donna de belles maisons et des immeubles de rapport, et

leur attribua des traitements élevés. Ils acquirent dès lors

par leur richesse, leur puissance et leur influence, une

situation qu’aucun d’eux n’avait atteinte sous son règne

(Dieu lui fasse miséricorde !). Ces renseignements sont

puisés dans le Boustûn.

 

Parmi les Qâ’îds qui s’étaient rendus indépendants

sous le règne du sultan Mawlay ‘Abdallah, et qui furent

poursuivis au bout de peu de temps par le sultan Sidi

Muhammad, il y eut aussi le qâîd Abûihasan Elhaddj ‘Ali

ben Eraroûsi Eddoûkkâli Elboùzirâri. Ce personnage

avait été nommé par Moijlay Elmostadi après son avène-

ment. Lorsque Sidi Muhammad prit le pouvoir, il le fit

arrêter et emprisonner dans un souterrain pendant plu-

sieurs années. Il lui rendit ensuite la liberté et le nomma

gouverneur de la ville de Chefchâoun. Ses fils lui succé-

dèrent plus tard. Ils ont laissé des constructions dans la

place d’Eljedîda, entre autres la mosquée, sur laquelle est

encore inscrit le nom de celui qui l’édifia.

 

Au nombre de ces Qâ’îds, il y eut aussi le gouverneur de

Tâmesna, nommé Ould Elmejjâtiya et celui de Tâdla,

Erradi Elourdîgi. Le sultan Sîdi Muhammad les destitua

et donna le commandement de Tàdla au Qâ’îd Muhammad

ben Haddo Eddoûkkâli, dont nous avons déjà parlé. Il y

eut encore Boû ‘Eurîf, Qâ’îd des Beni Ilsen, qui fut destitué

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ARCHIVES MAROCAINES

par le Sultan et remplacé par Aboù ‘Abdallah Muhammad

Elqastàli, et le I)ûcha IJabil) Elmâiki, gouverneur du Garb.

Ce dernier était le plus grand chef du temps de Mawlay

‘Abdallah. Sidi Muhammad l’emprisonna dans un souter-

rain, fit démolir son palais, dont les matériaux furent

transportés à El’arèïch, et s’empara de son argent et de

ses troupeaux. Quand il fut jeté dans le souterrain, le

bâcha Elhabîb ne voulut ni manger ni hoire, et finit par

mourir d’une mort de païen. Dieu nous en préserve!

Ces gouverneurs avaient entre les mains les tribus. Le

Sultan poursuivit leurs partisans l’un après l’autre, jus-

qu’à ce qu’il eût entièrement débarrassé le gouvernement

du préjudice qu’ils lui causaient. Dieu sait quelle est la

vérité

 

Cette année-là (1180), un traité fut conclu entre le sul-

tan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah et la nation des Fran-

çais. Il contenait 20 articles, qui étaient relatifs à la conclu-

sion de la trêve et de la paix et aux relations commerciales.

Il stipulait des égards et des marques de respect réci-

proques. Si un de leurs bateaux quittait un de leurs

ports pour venir dans notre pays, il devait être muni d’un

papier, nommé passeport, délivré par le grand-amiral

établi dans chacun de leurs ports, indiquant le nom du

bateau, celui du capitaine, la nature des marchandises

chargées sur lui, le port de départ et celui de destina-

tion, et portant le sceau du grand-amiral, c’est-à-dire le

sceau du gouvernement. De même, si un de nos bateaux

partait d’un de nos ports pour aller dans leur pays, il

devait également emporter un certificat signé du consul

de cette nation dans le port de départ, scellé du cachet

de son gouvernement, et indiquant le nom du bateau,

celui du capitaine et son chargement. La règle était

que leurs bateaux devaient posséder notre cachet et

notre signature pour être respectés, et que nous devions

être munis de leur cachet et de leur signature, pour

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DYNASTIE ALAOUIE OU MAROC

 

être respectés pur eux. Mais comme nous n’avions pas

l’habitude d’établir des agents consulaires dans leurs

ports, leur cachet fut bientôt reconnu suffisant pour

les deux pays, car le résultat était le même. Les capi-

taines de bateaux savent, en effet, distinguer les uns

des autres les sceaux des nations, et, lorsque deux

bateaux se rencontrent, ils savent, par la production de

leurs papiers, quelle est leur nationalité respective et

sont traités en conséquence.

 

Arrivée des présents envoyés par le sultan ottoman Moustafa au

sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséri-

corde !) 1

 

Dans cette même année (1180) le sultan Sîdi Muhammad

ben ‘Abdallah envoya son serviteur, le réïs ‘Abdelkerîni

RAgoùn Ettétâouni, en qualité d’ambassadeur, auprès du

sultan ottoman Moustafa. 11 le chargea de porter à ce

Commandeur des présents somptueux, en échange des cadeaux

qu’il lui avait envoyés par Sî Ettàhar bn ‘Abdesselàm

Esslaoui et Si Ettâhar Bennâni Errebâti, ainsi que nous

l’avons rapporté. Elhâddj ‘Abdelkerîm Iîâgoûn revint

de sou ambassade auprès du Sultan Ottoman en 1181

il ramenait un cadeau plus considérable que le précé-

dent. Il consistait en un navire chargé de canons

et de mortiers de bronze avec leurs munitions, et de tous

les agrès nécessaires pour les bateaux corsaires, comme

mâts, ancres, voiles, câbles, cordages, barils et autre

matériel naval. Ce bateau amenait également des maîtres

très experts dans la fonte des canons et des mortiers,

bombes et boulets, et dans la construction des navires.

Parmi eux se trouvait un maître des plus expérimentés

1. Texte arabe, IVe partie, p. 104.

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AHUHIVIiS MAROCAINES

dans le tir au mortier. Ils dél)arquèrent i El’arèïch.

« J’étais alors, dit l’auteur du Boustûn, gouverneur de

cette ville. Je reçus du Sultan l’ordre d’envover ces maîtres

à Fâs, où ils devaient attendre l’arrivée du Sultan deMor-

râkch et aller le rejoindre à Miknâs. » Lorsque le Sultan

arriva à Miknâs, ils se rendirent auprès de lui. Il s’entre-

tint avec eux des travaux à effectuer, car il avait l’inten-

tion de rétablir l’arsenal de construction de navires de

guerre sainte qui avait existé à Salé du temps des Almo-

hades et des Beni Mrîn. « II faudrait nous construire, lui

dirent-ils, un arsenal de telle et telle forme et dans telles

et telles conditions. » Et ils lui dressèrent sur le papier

le plan de cet arsenal. Le Sultan se rendit compte qu’il

fallait vingt ans au moins pour terminer ces travaux, et

que de très fortes sommes seraient à peine suffisantes. Il

abandonna donc son projet. Il envoya les maîtres pour les

bombes à Tétouan l’un d’eux pouvait fondre des bombes

de deux quintaux. Il expédia les maîtres constructeurs de

navires à Salé, où ils établirent trois escadrilles. Quant

au maître artilleur, il fut envoyé à Ribât al-Fath et fut chargé

de l’instruction des canonniers de Salé et de Rabat. Il l

forma de très bons élèves. Les gens d’Erodouatéïn

se transmirent la connaissance de ce métier pendant long-

temps, mais aujourd’hui il ne leur en reste plus que le nom.

Les fondeurs de canons et de mortiers furent renvoyés à

Fâs, où ils demeurèrent jusqu’à leur mort. Dieu leur fasse

miséricorde

 

Cette année-là, le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah

conclut un traité avec le Danemark. Il contenait vingt arti-

cles, stipulant également l’établissement de la paix et de

la sécurité entre les deux puissances. Le premier article

stipulait que l’administration des ports marocains cesse-

rait d’appartenir désormais aux négociants danois, en rai-

son de la dissolution de la compagnie qui avait le mono-

pole des ports, que le consul de cette nation s’enga-

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

geait à payer 12.500 douros, qui restaient dus de ce fait

par les négociants de son pays, et que désormais les ports

ne pourraient en aucune façon retourner entre leurs mains.

Le dernier article contenait pour le despote de Danemark

l’obligation de fournir annuellement au Sultan vingt

canons de fer, dont les boulets devaient peser de 18 à

2/i livres, trente câbles, deux mille panneaux de bois de

« Roubli » de diverses dimensions, et 6.500 douros, le

tout livrable à l’endroit que voudrait le Sultan. Le des-

pote de Danemark avait la faculté de se libérer de cette

obligation moyennant 25.000 douros.

 

Le même traité fut conclu avec la Suède, sauf toutefois

que la somme annuelle qu’elle devait payer n’était que de

20.000 douros. D’autres traités furent passés avec d’autres

nations, moyennant d’autres charges.

 

Ces dispositions restèrent en vigueur jusqu’à l’an-

née 1361 elles cessèrent d’être appliquées sous le règne

du sultan Mawlay ‘Abderrahmân hen Hichâm (Dieu lui

fasse miséricorde) dans les conditions que nous rappor-

terons en temps utile.

 

La même année (1180) eut lieu l’insurrection de l’impos-

teur Kelkh à Morràkch. Cet individu était un gueux

nommé ‘Omar, qui se prétendait disciple du chéïkh

Abûl’azm Sidi Rahhàl. Il opérait devant la populace des

miracles simulés, et s’était formé un parti considérable de

campagnards ignWahrants, en leur promettant de leur ouvrir

le Trésor où ils pourraient prendre à leur aise l’or et l’ar-

gent qu’il contenait. La population accourut auprès de cet

imposteur, qui rentra un beau jour à Murrâkush, à la tète

d’une foule de mauvais sujets. Leur cri de ralliement

était ces deux mots « Kellekh, Chellekh! » qu’ils criaient

à tue-tête. Ils étaient comme un torrent se précipitant des

hauteurs. Un grand tumulte se produisit dans la ville et les

marchés furent fermés. Averti aussitôt, le Sultan, qui

était dans son palais, fit partir les hommes de sa garde et

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les ‘Abîds qui se saisirent de Kelkh, au moment où il allait

entrer dans la qasha. Dès qu’il fut entre leurs mains, les

émeutiers prirent immédiatement la fuite il fut amené au

Sultan, qui le fit mettre à mort. Le désordre fut calmé sur-

le-champ.

 

Alliance entre le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah et le

chérîf Seroûr, sultan de la Mekke (Dieu lui fasse miséricorde )’

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah aimait et

recherchait la renommée il désirait faire le bien et avait du

penchant pour ceux qui le faisaient. Ses yeux se portaient

sur le lieu que Dieu avait attribué comme résidence et

comme territoire au chérîf Seroûr, sultan de la Mekke,

(Dieu lui fasse miséricorde !) Il voulut s’unir à lui par une

alliance et accorda sa noble fille. En 1182, lorsque la cara-

vane du pèlerinage maghribin se disposa à se mettre en

route pour le IJedjâz, le Sultan envoya sa fille avec les

pèlerins auprès de son mari. Il fit partir en même temps

son fils aîné et khalîfa, Mawlay ‘Ali bn Muhammad, pour

accomplir l’obligation du pèlerinage, et le fit accompagner l’

par son frère Mawlay ‘Abd As-Slâm, qui n’était pas encore

pubère et qui devait tenir compagnie à sa sœur. Il les

chargea en même temps d’un cadeau pour le Commandeur de

Tripoli, pour le Commandeur d’Egypte et de Syrie, de présents

considérables pour les deux nobles sanctuaires, de fortes

sommes d’argent destinées à être distribuées entre les

chérîfs du Hedjâz et du Yémen, et de dons très riches pour

les ‘oulainâ, les liaqîbs et les fonctionnaires de la Mekke

et de Médine. Enfin le Sultan envoya avec eux des per-

sonnages importants du Maghrib, des fils de gouverneurs

et de cheikhs de tribus, et un grand nombre de ses servi-

1. Texte arabe, IV” partie, p. 103.

 

ARCHIVES MAROCAINES

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Leurs et de ses gens, montés sur des chevaux de prix,

armés de pied en cap et portant de beaux costumes. Dans

tout l’Orient, on en parla pendant un certain temps. Le

trousseau de la fille du Sultan était composé de bijoux,

de pierres précieuses et de perles valant plus de 100.000 di-

nars. Le jour de son entrée à la Mekke fut une journée

mémorable, tous les pèlerins venus de toutes les contrées

y assistèrent les caravanes et les voyageurs s’en trans-

mirent le récit.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallâh s’intéresse aux ‘Abids

du Soûs et de la Oibla, et les fait venir dans l’Agdâl de Rabât

ElfetbA

 

Cette année-là (1182) le sultan Sidi Muhammad ben

‘Abdallah envoya dans le Soûs son cousin Mawlay ‘Ali hen

Elfclîl et son secrétaire, Aboù ‘Otsmân Sa’îd Echchlih

Elguezoûli, pourréunir les ‘Abids duMakhzen qui s’y trou-

vaient. En même temps, il envoya son ou.sîf Elmahjoùb,

fils d’un qâi’d sans commandement, dans les régions de

Tâta, Aqqa et Tîchît, qui font partie des pays de la Oibla,

pour y réunir également les ‘Abîds. Ils ramenèrent 2.000

‘Abîds du Soûs avec leurs enfants et 2.000 de la _UiGla avec

leurs enfants également. Le Sultan les fit camper à l’ex-

térieur de Murrâkush, leur donna des armes et des vête-

ments, mit à leur tète le qàïd Elmahjoùb, et quand il

partit pour Rabât Elfeth, il ordonna de raser les jardins

d’Agdal qui se trouvaient en dehors de la ville pour y

installer les ‘Abîds. Il leur fit construire des maisons, une

mosquée, une école, un bain et un marché, et établit avec

eux 2.500 Oûclêya qu’il fit venir des tribus. Tous ces

hommes furent inscrits dans le Dtouûn ils faisaient pen-

1. Texte arabe, IVe partie, p. 105.

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ARCHIVES MAROCAINES

dant aux ‘Abids et aux Ondoya deMiknâs. Il leur distribua

beaucoup d’argent, pour qu’ils s’établissent dans cet avant-

poste de l’Islam.

 

Prise d’Eljedîda

 

Luiz .Maria a raconté cette conquête nous résumerons

le récit qu’il en a fait

 

Depuis son avènement à l’Empire du Maghrib, le sultan

Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah ne se sentait pas en repos,

à cause du voisinage du Portugal qui détenait une parcelle

de son territoire. C’était un homme énergique, plein

d’initiative et d’orgueil. Il consulta les conseillers du gou-

vernement sur les conditions dans lesquelles il pourrait

diriger une expédition contre Eljedîda et en faire la

conquête. «Que notre Seigneur, répondirent-ils, ne s’ima-

gine pas qu’il pourrait s’emparer de cette ville en dirigeant

contre elle un seul efl’ort des musulmans. Ce moyen

n’amènerait d’autre résultat que de faire tuer des hommes,

comme cela a eu lieu du temps du sultan Elgâlib billâh

Essa’di. Il n’arrivera à en faire la conquête qu’en orga-

nisant un siège prolongé par terre et par mer. » Le Sul-

tan adopta cette manière de voir, qu’il avait repoussée au

début.

 

Quand il eut décidé de marcher contre Eljedîda, il

forma une armée nombreuse, formée de contingents de

diverses tribus, notamment des tribus de Murrâkush, du

Hawz et du Sous. Selon Luiz, il aurait réuni ainsi environ

70.000 combattants, mais il y a lieu de croire que c’est là

une des exagérations habituelles de cet auteur. Cette

armée vint camper devant Eljedîda le à mars du calendrier

étranger de l’année 1768 de J.-C. Les histoires islamiques

1. Texte arabe, IV” partie, p. 106.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

fixent cet événement au 1er ramadan de Tannée arabe 1182.

Le Sultan commença par faire creuser tout autour de la

ville des fondements de redoutes, sur lesquelles furent

établis 35 canons de divers calibres. Pendant plusieurs

jours de suite, il fit lancer des boulets et des bombes il

en tomha dans la place plus de 2.000, qui détruisirent un

grand nombre de constructions et tuèrent des quantités

de gens. Parmi les habitants de cette ville, se trouvait un

soldat âgé de plus de 70 ans, qui avait femme et enfants.

Il n’avait pas pu prendre part au combat. Quand il vit les

bombes tomber les unes après les autres comme la pluie,

il voulut se sauver lui et sa famille, et alla se cacher dans

un magasin, au-dessus duquel étaient des dépôts de blé.

D’autres personnes s’y cachèrent avec lui. Ils pensaient

que les bombes ne pourraient pas traverser le dépôt de blé,

percer son plancher et arriver jusqu’au magasin. Mais Dieu

décréta qu’une bombe pénétrât à travers le blé et le plancher

et vint tomber sur le vieillard qu’elle tua. Les autres per-

sonnes qui étaient avec lui furent atteintes également

neuf d’entre elles furent tuées, et les autres blessées.

Voyant que le siège se prolongeait, les habitants d’Elje-

dida écrivirent à leur despote, qui leur donna l’ordre

d’évacuer la place s’ils étaient impuissants à la défendre.

Cette lettre avait été envoyée à l’insu de la population, qui

vit un beau jour arriver un bateau venant de Lisbonne.

Tout le monde pensait qu’il amenait des renforts, tandis

qu’il n’apportait qu’une lettre du despote ordonnant aux

habitants d’évacuer la ville, de s’embarquer avec leurs

enfants et leurs femmes dans ses navires, et de livrer la

place aux musulmans. Quand la populace sut la vérité, elle

refusa de se soumettre et se mit à insulter la lettre et celui

qui l’envoyait. « Nous ne quitterons pas la place, dirent les

gens du peuple, nous mourrons jusqu’au dernier, car ce

sol nous a été légué par nos ancètres, il a été arrosé de

leur sang nos chefs et nos nobles ont donné leur vie pour

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ARCHIVES MAROCAINES

lui. » Mais, grâce à l’intervention de leurs religieux entre

la populace et le gouverneur, la conciliation se fit et le

peuple se laissa convaincre. Le gouverneur de la place

écrivit au sultan Skli Muhammad bn ‘Abdallah pour lui

demander de cesser le feu et de lui accorder un délai de

trois jours pour lui livrer la ville. Le Sultan accéda à cette

demande, en imposant comme condition que les habitants

emporteraient seulement avec eux les vêlements qu’ils

avaient sur le dos, et rien d’autre. Les Portugais accep-

tèrent cette condition. « Un soldat portugais, dit Luiz,

avait emporté un second vêtement qu’il ne voulait pas

abandonner. Le gouverneur s’en aperçut au moment où il

allait s’embarquer, lui enleva son costume et le jeta à la

mer. Comme ils ne pouvaient rien emporter avec eux, ils

brûlèrent leurs effets et leurs meubles, coupèrent le jarret

à leurs chevaux, tuèrent leurs troupeaux, brisèrent leur

vaisselle et leurs armes, etmirenthors d’usage plus de cent

canons. » A la fin, ils creusèrent dans tous les quartiers de

la ville des mines qui contenaient chacune plus de 40 barils

de poudre, et laissèrent un forgeron, nommé Petros, qui,

dit-on, mit le feu à la mine au moment où les musulmans

entrèrent dans la ville. Cinq mille personnes périrent et

la muraille septentrionale de la ville fut démolie.

Quand les Portugais arrivèrent à Lisbonne, leur despote

les envoya dans une petite ville, nommée Baylen, où plus

de trois cents d’entre eux moururent d’ennui. Ils partirent

ensuite pour le Brésil et y fondèrent une ville, à laquelle

ils donnèrent le nom de Nouvelle-Mazagan, en souvenir

d’Al-Jadîda.

 

Tel est le résumé du récit de Luiz.

 

Suivant une note écrite de la main du très docte fqih

AboùTabbâs Ahmad Esseddrâti,la prise d’Eljedîda eut lieu

le samedi matin 2 dowlqa’da 1182, qui correspond au

28 février du calendrier étranger et qui était le troisième

jour du délai fixé.

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DYNASTIE ALAOL’IE DU MAROC

 

Parmi les personnes qui assistèrent à la prise (le cette

ville, il y eut le maître Elhâddj Slîmûn Ettourki, (lui était

très habile au tir du mortier et qui fit des prodiges de

valeur, et un certain nombre de gens de la famille Fennîch

de Salé, qui se distinguèrent par leur bravoure.

Le Sultan repeupla la ville avec des gens de Doùkkâla,

puisqu’elle était située clans leur territoire, etleur adjoignit

une garnison recrutée parmi les Yégchériya de son armée.

Leurs descendants se trouvent encore de nos jours à

Eljeclîda. Dieu sait quelle est la vérité

 

Efforts déployés par le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallâh

pour obtenir la liberté des captifs musulmans ce que Dieu

accorda par son intermédiaire

 

Nous avons rapporté précédemment que le Sultan avait

envoyé auprès du tyran d’Espagne ses oncles les Udaya,

‘Amâra bn Moùsa et Muhammad bn Nàser, accompagnés

de son secrétaire Aboùrabbâs Elgazzâl, que ce dernier

avait négocié la paix et avait accompli heureusement sa

mission. Au cours de cette ambassade eut lieu, comme

nous l’avons vu, l’échange des captifs entre le Sultan et

le despote.

 

Dans le courant de cette année-là (1182), le despote

d’Espagne écrivit au Sultan qu’il ne restait plus dans son

pays un seul captif musulman et que les seuls captifs qu’il

possédait encore étaient des gens d’Alger, où se trouvaient

encore des captifs espagnols, et lui demanda d’intercéder

auprès du possesseur d’Alger pour le décider à un échange

or les captifs espagnols étaient de beaucoup plus nombreux

que ceux d’Alger le roi d’Espagne exprimait le désir que

l’échange eut lieu par son intermédiaire un capitaine

1. Texte arabe, IV. partie, p. 107.

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ARCHIVES MAROCAINES

serait échangé contre un capitaine, un pilote contre un

pilote, un commissaire contre un commissaire, un marin

contre un marin, un soldat contre un soldat, et si l’un ou

l’autre possédaient encore des captifs, un marin serait

racheté moyennant 500 douros et un capitaine de bateau

pour 1.000 douros. Le Sultan consentit à cette démarche

et déploya ses eflorts pour délivrer les musulmans des.

mains des infidèles, afin de plaire à Dieu, dans l’espoir

d’en être récompensé. Bien qu’il eut écrit aux Espagnols

par l’intermédiaire d’Elgazzâl et de ses deux compagnons

pour demander la liberté de tous les captifs musulmans,

le roi d’Espagne ne lui envoya que les Maghribins, disant

qu’il gardait encore les captifs algériens pour les échanger

contre les captifs espagnols. Le Sultan correspondit alors

avec les gens d’Alger, pour leur faire part de la demande

du despote d’Espagne. Comme on lui répondit par un

refus, il écrivit de nouveau au bey d’Alger, qui repoussa

encore sa demande. Il lui écrivit une troisième fois, pour

l’exhorter à sauver les captifs musulmans, en lui faisant

craindre le châtiment de Dieu et en lui donnant l’espoir

d’une récompense céleste. Les Algériens finirent par se

soumettre et demandèrent au Sultande leur envoyer, pour

présider au rachat, une personne de son entourage à qui

ils livreraient leurs prisonniers, et qui se ferait remettre

un nombre égal de leurs compatriotes. Dès qu’il reçut la

réponse des habitants d’Alger, le Sultan écrivit au despote

pour lui donner l’ordre de faire conduire à Alger, dans un

bateau, les captifs musulmans qui se trouvaient chez lui.

De son côté, il désigna, pour remplir cette mission, son

secrétaire AboùTabbâs Elgazzàl et ses deux compagnons.

Au moment même de l’arrivée de ces délégués à Alger, le

bateau espagnol vint mouiller en vue du port, et plus de

1.600 captifs musulmans en furent débarqués. Les Algé-

riens remirent à leur tour plus de 1.600 captifs chrétiens,

et comme il leur restait encore des captifs, les Espagnols

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

les rachetèrent et se retirèrent ensuite. L’ambassadeur et

ses compagnons s’en retournèrent, à la Cour du Sultan.

Dieu a écrit sur les pages du livre de Sîdi Muhammad la

récompense de cette œuvre.

 

En 1183, le Sultan dirigea une expédition contre les

tribus de Tadla, qui avaient commis des méfaits et luttaient

constamment entre elles il pilla leurs biens, les dispersa

de tous côtés et leur donna pour gouverneur le Qâ’îd Sàlah

hen Erradi Elourdîgi. Celui-ci les pressura, si bien qu’il

les réduisit à une misère telle qu’ils ne pouvaient môme

plus se rendre d’un lieu à un autre, faute d’animaux.

En 1184, il fit une expédition contre les Brâbcr Gue-

rouân, qui avaient commis des méfaits et qui, réunis autour

de Muhammad Ou Nâser, surnommé Mhâouch, le chef de

la révolte, et tout dévoués à son service, avaient encouragé

son fils Moulay Yazîd à convoiter le pouvoir. Venu de

Murrâkush, il les attaqua à Oued Gourîgra, les tailla en

pièces, les pilla et leur tua environ 500 hommes. Réduits

à mendier à Fâs et àMiknâs, ils furent ensuite transportés

dans la plaine d’Azgâr au milieu des ‘Arabs. Le mal qu’ils

faisaient fut ainsi coupé dans sa racine.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn Abdallah assiège la ville

de Melilla, place forte espagnole 1.

 

A la fin de l’année 1184, le sultan Sidi Muhammad ben

‘Abdallah dirigea une expédition contre la ville de Melilla,

qui était au pouvoir des chrétiens d’Espagne. Il fit cerner

la ville par ses troupes et dressa contre elle ses canons

et ses mortiers. Le siège commença le premier jour du

mois de moharrem 1185 et dura plusieurs jours. Le despote

d’Espagne adressa des représentations au Sultan au sujet

1. Texte arabe, IVe partie, p. 108.

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ARCHIVES S1AK0CAINES

de ce siège, en lui rappelant la trêve et la paix conclue

entre eux « Voici, disait-il, la signature de votre secré-

taire Elgazzâl, qui a servi d’intermédiaire entre vous et

moi pour la conclusion de la paix. » (Dieu lui fasse misé-

ricorde !) Le Sultan répondit « La paix que j’ai faite avec

vous ne concerne que la mer en ce qui concerne les

villes que vous possédez sur notre territoire, il n’y a pas

de paix entre nous à ce sujet. Si la paix avait englobé ces

villes, vous seriez venus auprès de nous et nous serions

entrés chez vous. Comment pouvez-vous invoquer la paix

quand vous recourez à une pareille tromperie ? » Le despote

d’Espagneayantenvoyé l’original du traité, qui s’appliquait,

en effet, aussi bien à la terre qu’à la mer, le Sultan fit cesser

l’attaque et lever le siège, et laissa sur place tout son

matériel de guerre, canons, mortiers, chariots, bombes,

boulets et poudre. Comme les musulmans auraient eu

beaucoup de peine à transporter tout ce matériel par la

voie de terre, il posa comme condition de son départ au

despote d’Espagne qu’il le ferait remporter sur ses bateaux

dans les ports d’où il avait été amené. Celui-ci lui accorda

cette faveur et expédia ses navires, qui conduisirent ce

matériel, partie à Tétonan, partie à Essouéïra, d’où il était

venu.

 

A la suite de cette affaire, Elgazzâl perdit ses fonctions

de secrétaire. Resté sans emploi, il mourut après avoir

perdu la vue. (Dieu lui fasse miséricorde !)

 

Dans une conversation sur les conditions dans lesquelles

cette paix était intervenue, j’ai entendu un fqîh contem-

porain dire « En signant la paix, Elgazzâl (Dieu lui fasse

miséricorde !) écrivit ces mots sur le traité la paix con-

clue entre nous est sur « mer et non sur terre » [bahran

lâ berran). Quand ils eurent sa signature entre les mains,

les chrétiens grattèrent le lâm-aléf (là) et écrivirent à sa

place un ouâou (oua), ce qui fit « sur mer et sur terre »

(bahran oua berran). Le Sultan (Dieu lui fasse miséri-

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCIl. MAROC. 21

 

corde 1} no disgracia son secrétaire que parce qu’il avait

adopté un texte trop concis, ce qui avait permis aux Chré-

tiens de l’altérer. Il aurait dû rédiger une phrase longue

et détaillée qui n’aurait pas pu être modifiée, et dire par

exemple la paix conclue entre nous ne sera que sur mer

quant à la terre, il n’y régnera pas de paix entre nous et

vous, ou toute autre phrase qu’il n’eût pas été possihle

de changer. Les gens expérimentés dans la science de la

rédaction des actes disent, en effet « Celui qui écrit une

convention doit détailler autant que possible, et éviter une

concision dangereuse et tout ce qui peut y conduire d’une

façon quelconque. » Dieu sait quelle est la vérilé.

Expédition du sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah contre les

Brâber Ait Ou Mâlou ses motifs

 

En 1187, le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah partit

en expédition dans les montagnes des Ait Ou Mâlou. Il

décida cette campagne pour soutenir son Qâ’îd, Belqàsém

̃Az-Zenimoûri. Celui-ci avait reçu le gouvernement de ces

tribus, mais avait été repoussé par elles. Il avait demandé

des renforts au Sultan, qui lui avait donné 3.000 cavaliers,

en plus de ses contribules des Zemmoûr et des Beni Hkim.

Il s’était mis en route, quand, arrivé à l’Oued Oumm

Errabî’ près de Tâdla, il fut attaqué par les Ait Ou Mâlou

et obligé de se replier sans avoir pu prendre sa revanche.

La nouvelle de sa défaite était parvenue au Sultan, qui,

vivement irrité contre les Ait Ou Mâlou, se prépara à

marcher contre eux et lit sortir ses soldats en dehors de

Miknâs. Les chefs des tribus arabes et berbères auxquelles

il envoya l’ordre de participer a la campagne, vinrent le

1. Texte arabe, IV» partie, p. 10J.

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ARCHIVES MAROCAINES

rejoindre a Miknâs, bon gré, mal gré, et quand ses

troupes furent toutes réunies, il se mit en route.

L’auteur du Boustân, le secrétaire Belqàsém Az-Zayâni

(dont le nom s’écrit avec un çâd prononcé comme un

zû palatal, comme le mot Sirât, suivant la prononcia-

tion de Hamza), qui faisait partie de cette expédition, a

dit au cours de son récit « Je me trouvais avec le Sultan

qui me tenait à l’écart à cette époque, au point que chaque

jour je craignais qu’il ne me fit mettre à mort, à cause

des lettres que lui avait écrites à mon sujet ce Qâ’îd Helqâ-

sém Az-Zemmoûri, qui prétendait que c’était moi qui avait

soulevé ses administrés contre lui. » Le Sultan ayant

rejoint la Mhalla de Belqàsém et ayant fait camper ses

troupes dans la plaine de Gourigra, ce dernier lui con-

seilla de diviser ses forces en trois groupes l’un d’eux

s’installerait à Tâsmâkt, sur les derrières des ennemis

le second à Zâouyat Eddilâ, sur la route qui conduit dans

leur pays et le troisième irait avec lui sur la route de

Tiqit. Quant au Sultan, il marcherait avec ses soldats jus-

qu’à Adékhsân, où il camperait. De cette façon l’ennemi

devait être cerné de tous côtés. Az-Zemmoùdû représenta

au Sultan comme étant très proches des points très éloi-

gnés, car il ne connaissait point le pays.

 

Le lendemain, les troupes se disloquèrent et chaque

groupe marcha dans la direction qui lui avait été indiquée.

Le Sultan s’avança dans la direction d’Aclékhsân. Arrivé

à l’Oued Oumm Errabî’, il envoya devant lui les Guerouân

pour faire une attaque contre les Aït Ou Mâlou. Les

Guerouân partirent arrivés à Qasbat Adékhsân, ils n’y

trouvèrent pas le moindre réchaud et y attendirent l’arrivée

du Sultan. « Où sont-ils ? demanda celui-ci. Nous

n’avons vu personne, répondirent-ils, et nous sommes

pourtant à Qasbat Adékhsân. » Le Sultan ordonna aux

troupes de mettre pied à terre et demeura seul à cheval

en proie à ses réflexions. Il fit appeler Belqàsém Az-Zayâni.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAHOC

 

« Je m’empressai, dit celui-ci, d’arriver auprès du Sultan,

qui me dit « Connais-tu ce pays

 

– Je le connais parfaitement.

 

– Où sont ses habitants

 

– Dans leur montagne.

 

– Mais leur montagne n’est-elle pas là ? Ne sommes-

nous pas à Adékhsân.

 

Nous sommes, en effet, à la Qasbatdu Makhzen, mais

leur montagne se trouve au delà de ces cols si noirs, lui

dis-je en lui montrant les cols.

 

Où est la Zâouya par laquelle le Jaysh est parti avec

Qaddoûr bn Elkhadir et Mesroûr ? a

 

Elle est à droite des cols dans la plaine.

 

Où est Tâsmâkt, que doivent gagner les Berbers avec

Ould Muhammad Ou ‘Azîz ? P

 

Tâsmâkt est au delà des cols d’ici il faut deux étapes

pour y arriver.

 

D’où doit venir le Qâ’îd Belqàsém ?

 

« Lui montrant le col par lequel il devait remonter, je

lui dis

 

« Il ne peut être ici que demain, s’il ne lui arrive pas

malheur.

 

Et qu’avons-nous fait, nous ?

 

Nous avons donné des coups sur du fer à froid ceux

qui sont à la Zâouya ne serviront à rien, pas plus que ceux

qui sont à Tâsmâkt, et pendant ce temps les Aït Ou Mâ-

lou sont fortifiés dans leur montagne. Belqàsém est un

homme qui porte malheur. Dieu préserve notre Maître de

l’adversité qu’il fait naître »

 

« Le Sultan se rendit alors compte que Belqàsém était tout

autre qu’on le lui avait dépeint, et fut convaincu du mauvais

conseil qu’il lui avait donné il ne douta plus qu’il s’était

rendu coupable d’avoir conduit aveuglément les Musulmans

à une défaite. Je lui expliquai les raisons pour lesquelles

les Aït Ou Mâlou évitaient Belqàsém, et il les comprit.

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AllCIUVJ» MAROCAINES

« Ecris aux Zayân tes contribules, me dit le Sultan, de

venir auprès de moi. Je leur pardonne. »

 

« Je leur écrivis aussitôt et leur envoyai ma lettre

d’Adékhsân par un chérîf et deux hommes du Sultan. Ils

marchèrent toute la nuit et arrivèrent chez les Zayân assez

tùt pour que quatre hommes de cette tribu puissent se pré-

senter le lendemain matin avec leurs cadeaux. Je les intro-

duisis auprès du Sultan, qui les accueillit aimablement et

accepta leurs cadeaux en leur disant «Je vous fais grâce en

considération de mon secrétaire un tel. » Puis il les ren-

voya, remplis de joie, auprès de leurs contribules. Cette

nuit-la, les soldats n’eurent ni orge, ni paille.

 

« Le lendemain, on vit paraître la Mhalla de Belqâsém,

accompagné de Mokhtâr et des ‘Abîds, qui avaient passé

toute la nuit à combattre. Quand ils arrivèrent, le Sultan

fit camper les ‘Abîds à côté de lui, et ordonna à Belqâsém,

auquel il ne témoignait aucune attention, de camper avec

ses tribus, Zemmoûr et Beni Hkim. Il lui donna ensuite

l’ordre de renvoyer ses contribules dans leurs pays, et

autorisa les tribus à s’en retourner. Une fois ces troupes

disloquées, il se mit en route pour rentrer dans le Tâdla. »

Ceux qui étaient allés camper à Tâsmâkt avec Ould

Muhammad Ou ‘Azîz furent attaqués pendant la nuit et

dispersés dans toutes les directions par les Ait Ou Mâlou,

qui pillèrent leur camp et leur tuèrent un grand nombre

d’hommes. Ils retournèrent en déroute à Miknâs.

Quand le Sultan arriva à Az-Zerhoûniya pour y passer

la nuit, des gens de Qaddoùr bn Elkhadir vinrent lui

apporter une lettre, où ce dernier disait « Les Berbers

nous cernent de tous côtés: si notre Seigneur ne vient pas

nous rejoindre, nous sommes perdus. » « Le Sultan m’or-

donna, di Az-Zayâni, de me rendre auprès d’eux et de

trouver un moyen quelconque pour les sauver. Avec cent

cavaliers qu’il m’avait donnés, j’atteignis la Zâouyat Eddi-

lâïya, où je trouvai les Berbers réunis autour de nos

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

troupes. J’eus une entrevue avec les Ait Isi-i et je leur

promis que le Sultan leur ferait un riche cadeau s’ils ou-

vraient une issue à son armée et la faisaient passer par

leur pays. Ils y consentirent, et, dès l’aube, l’armée leva le

camp; nous nous éloignâmes avec elle des Ait Ou Mfilou

et, après avoir traversé la rivière, nous entràmes sur le

territoire des Ait Isri, accompagnés de cent notables de

cette tribu qui nous escortèrent jusqu’à l’Oued Tfiqbûlt

dans le Tàdla. Arrivés là, ils s’en retournèrent. Je me

rendis alors auprès du Sultan, et lui annonçai que l’année

était sauvée et qu’elle était arrivée à l’Oued Tâqbâlt. IL

s’en réjouit et me remercia, puis, m’ordonnant de retour-

ner auprès de l’armée, il me donna de l’argent pou le dis-

tribuer aux hommes, et me chargea de leur indiquer les

étapes qu’ils auraient à faire pour rentrer à Miknâs, où

ils devraient attendre le Sultan. Je retournai aussitôt au-

près d’eux et leur appris que le Sultan ordonnait la mise

en marche sur Miknâs. Je leur désignai leurs étapes,

comme j’en avais reçu l’ordre, et le lendemain, après que

je leur eus distribué l’argent, ils levèrent le camp pour

rentrer à ‘.Miknâs. Je revins vers le Sultan, que je trouvai

à Qasbat Tadia, malade de la fièvre. Il était soigné par le

médecin Aboùl’abbâs Ahmad Aderràq seuls, ce dernier,

Elhâddj ‘Abdallah, son officier de bouche et moi, nous en-

trions auprès du Sultan. Quand il fut guéri, il fit cadeau

au médecin de 1.000 dinars. Il rentra ensuite à Miknâs. A

peine arrivé, il fit arrêter Belqâsém Az-Zemmoùri ,et lui

confisqua ses biens. Il nomma Ould Muhammad Ou ‘Azîz

gouverneur des Zenimoùr et des Beni Hkim.

 

« Depuis cette époque, le Sultan me donna le pas sur

mes collègues, et me chargea, dans la suite, des missions

importantes. »

 

L’année suivante (1187), un traité fut conclu entre le Sul-

tan et le Portugal. Ce traité renferme vingt-deux articles sti-

pulant, comme les traités précédents, la paix et la sécurité.

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ARCHIVES MAROCAINES

Ce qu’il advint des Yégchêriya, que le Sultan avait fait entrer

au service et choisis dans les tribus du Hawz

 

Nous avons vu que le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdal-

lâh (Dieu lui fasse miséricorde !) avait restauré le corps

d’infanterie du guéïck, appelé les Yégchêriya (du nom de

celui qui l’avait précédé), et qu’il en avait chargé le qàïd

‘Abdennebi Elmnebbehi. Mais cette troupe causait un tort

considérable aux populations, qui en souffraient dans leurs

femmes et dans leurs biens. Quand ils étaient en cam-

pagne, ils détruisaient les récoltes des vergers partout où

ils passaient. Ces méfaits étaient devenus chez eux une

telle habitude, que, partout où ils campaient une nuit, ils

imposaient aux habitants de l’endroit des exigences que

ceux-ci étaient impuissants à satisfaire, et si les notables

du pays les invitaient à plus de douceur, ils répondaient

que c’était chez eux une habitude à laquelle ils resteraient

fidèles et qui était une des règles du gouvernement.

Quand le Sultan fut informé de la tyrannie qu’ils exer-

çaient, il les raya de l’armée, leur enleva leurs armes, et

les envoya auprès de leurs contribules, où ils durent

comme eux payer des impôts. Le pays fut ainsi débarrassé

de leurs méfaits.

 

En 1188, le Sultan enleva au Qâ’îd Muhammad bn Ahmad

Elboûzirâri le commandement des tribus de Tâmesna,

de Tâdla et des régions voisines, et ne lui laissa que celui

des Doûkkâla, ses contribules. Il nomma Abû ‘Abdallah

Muhammad, surnommé Essegîr, gouverneur des Serâgna,

Sâlah hen Erradi Elourdîgi, gouverneur des habitants de

Tâdla, le Qâ’îd Sâheb Ettâba’ Elmzâbi, gouverneur des

Ouled Boû Rzeg, et ‘Omar bn Boû Selhâm Elmzâbi,

gouverneur des Ouled Boû ‘Atiya. Il donna l’ordre à

1. Texte arabe, IV partie, p. 110.

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DYNASTIK ALAOUIE DU MAROC

 

Muhammad bn Ahmad de faire restituer à ceux de ses

contribules qui avaient été gouverneurs de ces tribus les

sommes qu’ils avaient volées pendant qu’ils étaient en

fonctions il leur fit payer ainsi 150.000 douros.

Les ‘Abîds se révoltent contre le sultan Sidi Muhammad et

proclament son fils Mawlay Yazîd ce qui en résulte

En 1 189, eut lieu la grande insurrection ce fut la

révolte des ‘Abîds contre le sultan Sîdi Muhammad ben

‘Abdallah et la proclamation de son fils Mawlay Yazîd.

Voici l’origine de ces événements

 

Le Sultan, se trouvant à Murrâkush, leur avait envoyé

l’ordre de désigner parmi eux mille familles, pour se trans-

porter à Tanger où elles habiteraient. Il leur avait fait por-

ter la lettre contenant cet ordre par le Qâ’îd Echchâhéd, qui

devait les prendre sous son commandement. Ce fut lui qui

fut la cause de la révolte, car, lorsqu’il apporta la lettre

aux ‘Abîds, il leur dit

 

« Je n’emmènerai avec moi que les notables parmi

vous, ceux qui possèdent une maison, des terres et des

propriétés, et je ne partirai qu’avec les gens de mon rang. »

En apprenant ses prétentions arbitraires, ces ignWahrants

se lancèrent tête basse dans l’opposition, et le démon les

appela à son aide, si bien que, revenant à leurs anciens

errements et imitant la conduite honteuse de leurs pères,

ils déclarèrent qu’ils déposaient le Sultan. Quand cette

nouvelle parvint au Sultan, il leur envoya son fils Mawlay

Yazîd qui était auprès de lui à Murrâkush, avec mission de

rétablir l’ordre parmi eux, mais leur mauvaise conduite ne

fit qu’augmenter et leur opposition que s’aggraver.

« J’étais alors, dit l’auteur du Boustân, à Rabât Elfeth.

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 110.

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ABCHIVES MAROCAINES

 

En nie rendant à Murrâkush, je rencontrai Mawlay Yazîd à

Essânia, à une demi-journée environ de cette ville. Comme

il me demandait des nouvelles des ‘Abîds, je lui racontai

ce que je savais. Il s’en réjouit et pressa sa marche. Je

compris aussitôt ses intentions, et je sus ce qui allait se

passer. » Cet auteur prétend, que lorsqu’il fut reçu par le

Sultan, il le blâma d’avoir fait partir Mawlay Yazîd, et que

Sîdi Muhammad reconnut son erreur.

 

Quand Mawlay Yazid atteignit Miknâs, la première

chose que firent les ‘Abîds fut de le proclamer et de pro-

noncer la khotba en son nom. Il ouvrit le trésor public et

leur donna tout l’argent qu’ils purent désirer. Ensuite il

ouvrit les magasins où se trouvaient les armes et la poudre,

et leur en fit une distribution. Les tribus arabes et ber-

bères du voisinage le reconnurent, à l’exceptiondesUdaya,

des Aït Idrâsén et des Guerouân, qui refusèrent de se

joindre à lui, parce qu’ils étaient les partisans du Sultan.

« Trois jours après, raconte l’auteur du Boastân, Sîdi

Muhammad me chargea de me rendre auprès des Udaya

et de leurs alliés pour leur remettre des lettres ce que je

fis. Je restai auprès d’eux jusqu’au moment oii Mawlay

Yazîd, à la tête des ‘Abîds, marcha contre eux. Les ‘Abîds

se trouvaient à Erroua. Les Ait Idrâsén et les Guerouân

étaient entrés dans la ville avec les Udaya pour les sou-

tenir contre leurs adversaires. Un combat eut lieu à El-

mechtehi, à l’intérieur de la qasba. Les ‘Abids et leur Sul-

tan furent battus et mis en déroute, perdant 500 hommes

tués, sans compter un nombre incalculable de blessés. »

A la nouvelle de ces événements, le Sultan quitta Mor-

râkch à la tête de ses troupes et des tribus du Hawz, pour

se rendre à Miknâs. A peine était-il parvenu à Salé que

Mawlay Yazîd, apprenant son arrivée, s’enfuit au mausolée

du chéïkh Abûlhasan ‘Ali bn Hamdoûch, puis à celui de

Mawlay Idrîs l’aîné (Dieu doit être satisfait de lui !) dans

le Zerhoûn. Le Sultan se rendit au Zerhoùn, et quand il

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

entra dans le noble mausolée, les shurfas de Zerhoùn lui

amenèrent son fils Mawlay Yazid, à qui il fit grâce. Il le

ramena ensuite avec lui à Miknâs. Au moment où il allait

entrer dans la ville, une centaine de ‘Abîds des plus hauts

placés, suivis de leurs enfants et de leurs femmes, vinrent,

au devant de lui, accompagnés des shurfas et des mara-

bouts. Il leur pardonna, mais à la condition de quitter

Miknâs ils se soumirent à cette condition. Le Sultan

demeura dans cette ville pour régler le sort des ‘Abîds et

les répartit dans les ports. Il en envoya deux rehas à Tan-

ger, deux à El’arèïch et un à Rabât Elfeth. En les disper-

sant ainsi, il voulait se garantir contre le retour de leurs

méfaits et affaiblir leur esprit de corps. Plus tard, il sépara

encore les ‘Abîds du Ribât al-Fath et en envoya 1.000 dans

le Sous, tout en maintenant 2.000 d’entre eux dans cette

ville auprès des ‘Abîds de Miknâs qui y étaient en exil.

Le gouvernement fut ainsi débarrassé de leurs iniquités

pour quelque temps.

 

Ensuite, les ‘Abîds de Tanger se révoltèrent contre leur

gouverneur, le Qâ’îd Echchéïkh, et contre le Qâ’îd des

Rifains, Muhammad bn ‘Abdelmâlék, et voulurent les

mettre à mort; ces derniers s’enfuirent à Aséïla. A cette

nouvelle, le Sultan, qui était encore à Miknâs, écrivit

une lettre de menaces aux notables des ‘Abîds, qui arrê-

tèrent les instigateurs de cette mutinerie et les lui envoyè-

rent, pour témoigner de leur innocence. Le Sultan fit

couper une main et un pied alternés à chacun des cou-

pables. Les ‘Abîds étant revenus à une attitude plus paci-

fique, les deux Qâ’îds rentrèrent à Tanger.

 

Le Sultan se rendit ensuite à Murrâkush et emmena avec

lui les ‘Abîds de Miknâs. 11 installa à Elmansoûriya, près de

l’Oued Ennefîfékh, les ‘Abîds de la Qasba, qui étaient les

principaux rebelles, et conduisit les autres avec lui à Mor”

râkch. Il leur assigna cette ville comme résidence, des-

titua ceux de leurs Qâ’îds qui avaient pris part à l’affaire de

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ARCHIVES MAROCAINES

Moîilay Yazîd, et les laissa à l’écart, puis leur donna des

Qâ’îds choisis en dehors des ‘Abîds.

 

Remarquables mesures de répression prises par le sultan Sidi

Muhammad bn ‘Abdallah à l’encontre des ‘Abîds. 1

Dans les ports, les ‘Abîds se livrèrent au brigandage, et

firent beaucoup de tort à la population, en portant atteinte

aux jardins des gens, à leurs biens et à leur honneur.

Prévenu de leur conduite, le Sultan, las de leurs excès et

voyant qu’il n’avait obtenu aucun résultat en les disper-

sant pour les punir, recourut à un autre genre de châti-

ment tout nouveau, qui fut comme un antidote pour couper

la maladie, et comme un cautère pour faire disparaître la

racine même du mal. Voici à quel procédé il recourut.

Quand ilappri Là quel degré étaient parvenues leur tyrannie

et leur audace, il quitta Murrâkush, décidé à les exterminer.

Arrivé à Ribât al-Fath, il écrivit aux ‘Abîds de Tanger et

d’El’arêïch la lettre suivante: « Je suis satisfait de vous,

et je suis revenu sur le serment que j’avais fait de vous

éloigner de Miknâs dans les ports. Maintenant, dès qu’ar-

riveront auprès de vous les chameaux et les mules que je

vous envoie, ceux d’entre vous qui sont à Tanger doivent

charger sur ces animaux leurs familles et leurs bagages,

et se rendre à Dàr ‘Arbi, dans le pays de Sefian, où ils

s’installeront. Ils renverront ensuite les chameaux et les

mules à ceux d’entre vous qui sont à El’arêïch, et qui

devront charger leurs enfants et leurs bagages et se ren-

dre également à Dâr ‘Arbi. Quand vous serez tous réunis,,–

je vous enverrai mes mulets, dont vous vous servirez pour

revenir tous à Miknâs. » Quand ils reçurent cette lettre,

ils bondirent de joie, car ils désiraient vivement retour-

1. Texte arabe, IV” partie, p. 111.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ner à Miknâs. Dès que les chameaux et les mules furent

arrivés, ils quittèrent Tanger. Dans l’intervalle, le Sultan

envoya le Qâ’îd Sa’id bn El’ayyâchî, qu’ils avaient déposé

pendant leur révolte, à Dàr ‘Arbi avec mission de demeurer

là et d’y attendre les ‘Abîds de Tanger et d’El’arêtcli. Il

était déjà arrivé quand se présentèrent les ‘Abîds de Tan-

ger, qui vinrent camper près de lui. Lorsque les chameaux

et les mules furent arrivés à El’arêïch, les Abîds de cette

ville vinrent à leur tour et campèrent à côté de leurs com-

pagnons, comme l’avait ordonné le Sultan.

 

Celui-ci (Dieu lui fasse miséricorde !) quitta alors Rabât

Elfeth il franchit l’Oued Sbou au gué de Msî’îda et vint

jusqu’au Soûq Elarba’a, dans le pays de Sefiân. Il ordonna

alors aux tribus du Garb et aux Beni Hsen de marcher

contre les ‘Abîds et de camper autour d’eux, de façon à les

cerner de tous côtés. Quand les tribus eurent formé un

cercle autour des ‘Abîds et les eurent entourés d’aussi près

que le blanc de l’œil est proche de la prunelle, le Sultan

arriva et convoqua les chefs des tribus. Dès qu’ils furent

réunis, il leur dit « Je vous fais cadeau de ces ‘Abîds, de

leurs enfants, de leurs chevaux, de leurs armes et de tout

ce qu’ils possèdent. Partagez le tout entre vous. Chacun

de vous prendra un homme, une femme et leurs enfants

le mari lahourera, la femme pétrira, et l’enfant gardera

les troupeaux. Prenez-les, ceignez-vous de leurs armes,

montez sur leurs chevaux et revêtez-vous de leurs habits:

que Dieu les fasse ainsi servir à votre prospérité Ce ne

sont plus eux qui sont mes soldats et mon armée. Mes sol-

dats et mon armée, c’est vous. » Aussitôt après avoir

entendu ces paroles du Sultan, les tribus du Garb et les

Béni Hsen se ruèrent sur les ‘Abîds sans la moindre hésita-

tion, et se les partagèrent avec plus de rapidité que le

chien ne se lèche le museau ils en firent un exemple pour

ceux qui s’instruisent par des exemples.

 

Le Sultan regagna ensuite Ribât al-Fath et, à peine arrivé

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ARCHIVES MAROCAINES

dans cette ville, expédia à Morràkch des ‘Abîds qui s’y

trouvaient, après avoir révoqué leurs rjâïds et les avoir

remplacés par d’autres.

 

Les ‘Abids de Tanger et d’ETai-èi’cli restèrent dispersés

dans les tribus pendant quatre ans. Le Sultan leur par-

donna ensuite et les fit revenir des tribus pour les réin-

tégrer dans l’armée. Il leur donna alors des chevaux, des

vêtements et des armes, mais sans les réunir. Il les

groupa toutefois par tribus. Ceux des tribus d’Elkhlot et

de ‘l’lîg durent résider à Qsar Ketâma ceux des tribus de

Sefiân et de Beni Mâlék à Msî’îda ceux des iieni Hsen à

Sidi Qâséin et ceux des Hayâïna et des tribus du Jbal

à Tamdart, dans la région de Fâs. Ils demeurèrent dans

ces postes pendant de nombreuses années, envoyant leurs

contingents dans les expéditions et faisant colonne avec

le Sultan quand celui-ci avait besoin d’eux. Après cela, le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) les réunit de nouveau

et les transporta à Murrâkush où il leur fit beaucoup de lar-

gesses ils devinrent meilleurs qu’ils ne l’avaient jamais

été. Changeant ensuite d’idée, il envoya les ‘Abîds du Soùs

à Târoûdûnt, ceux de Hâha et d’Echchebânât à Essouéïra,

ceux des Serâgna, de Tâdla et de Demnâtà Tit Elfitr, ceux

de Doûkkâla à Azeimnoûr, ceux de Châouiya à ceux

de Za’ir et d’Eddogmâ à Elmansoùriya, et ceux des Béni

Hsen à Elmehdiya. Il ne conserva avec lui à Murrâkush que

les ‘Abîds des tribus de Sefiân, Beni Mâlék, Elkhlot et Tlîg

et les Msakhrîn commandés par Al-’Abbâs.

 

La révolte de ces ‘Abîds avait amené la désorganisation

de l’empire du Maghrib et la division: leurs méfaits avaient

donné le mauvais exemple à toutes les tribus, berbères et

arabes, et les insurrections étaient nombreuses.

Le manque de pluies occasionna une disette qui dura

près de sept ans, depuis l’année 1190 jusqu’à l’année 1196.

La famine fut si grande que les gens en furent réduits à

manger des animaux morts, du sanglier et même de la

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

chair humaine. La majeure partie de la population mourut

de faim. Pendant tout ce temps, le Sultan avait à lutter

contre les plus grandes difficultés. Il dépensa pour l’armée

(les sommes considérables, donnant aux soldats solde sur

solde et cadeaux sur cadeaux; il les sauva ainsi de la.

famine et travailla en même temps au bien général. Dans

toutes les villes, il fixa pour chaque quartier une certaine

somme qui devait être distribuée aux malheureux. Il prêta

beaucoup d’argent aux tribus, qui le répartirent entre les

pauvres elles devaient le rendre au Sultan quand l’abon-

dance serait revenue. Mais quand les gens furent sauvés

de la famine et voulurent lui rembourser cet argent, il

leur en fit grâce, en disant « Je ne vous l’ai pas donné

dans l’intention de vous le réclamer. Je vous ai dit que

c’était un prêt, uniquement pour que cet argent ne fut pas

accaparé par vos chéïkhs et vos notables, ce qu’ils eussent

fait s’ils avaient su que c’était un don de ma part. »

Il dégreva aussi (Dieu lui fasse miséricorde !), pendant

tout ce temps, les tribus du Maghrib de toutes leurs con-

tributions et redevances, jusqu’au moment où elles purent

revivre et s’enrichir. Il donna de l’argent aux négociants

pour faire venir des vivres de chez les Chrétiens quand

ces provisions arrivaient, il leur faisait vendre au prix

d’achat, par bienfaisance envers les Musulmans, et par

charité envers les pauvres et les malheureux. Enfin, en

1197, la pluie tomba au Maghrib; les populations se sen-

tirent revivre les terres furent labourées, le grain semé

arriva à maturité les prix baissèrent et tout fut à bon

marché. Les impôts furent abondants, et le Commandeur des

Croyants (Dieu lui fasse miséricorde !) se remit, pour la

seconde fois, à rétablir l’ordre dans le Maghrib et recom-

mença ses travaux avec le plus grand soin.

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ARCHIYES MAROCAINES

Le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallâh réduit les Ouled Bes-

sebâ’ et les disperse dans le Sahara événements suivants

Tandis qu’avait lieu au Maghrib la révolte que nous

avons rapportée, et que le Sultan était trop occupé à faire

vivre les malheureux pour tenir fermement les districts

éloignés et en punir les perturbateurs, les fauteurs de

troubles semèrent la sédition dans certaines tribus, qui

revinrent à leurs anciens égarements. Parmi ces tribus

était celle des Ouled Bessebâ ‘dans la région de Morrâkeh.

Depuis longtemps, ces gens commettaient les crimes les

plus odieux en révolte à chaque instant, ils attaquaient

leurs voisins et venaient les piller jusque sur leurs terri-

toires, et même dans leurs demeures. Aussi, cette année-

là (1197), le Sultan dirigea une expédition contre eux: on

leur livra combat, et quand on en eut tué un certain

nombre et qu’on leur eut pillé leurs biens, on les repoussa

en déroute dans le Soûs. Le Sultan arrêta un grand

nombre de leurs notables, les jeta en prison à Miknâs,

où ils restèrent jusqu’à leur mort. Il prescrivit aux tribus

du Soûs de chasser les derniers survivants de cette tribu

et de les repousser jusque dans les contrées du Sud, leur

terre natale, d’où était sortie leur puissance avec leur mal-

faisance. Ses ordres furent exécutés. Après avoir battu la

tribu de Zemrân, il la transporta dans le pays des Ouled

Bessebâ’, pour le repeupler. Il fit ensuite partir pour le

nord, où elles vinrent résider à Fâs Al-Jadîd et dans les

environs, les tribus de Tekna, Mejjât et Doûi Blâl qui

étaient dans le Hapz, à Choûchâoua. Il lit revenir, après

cela, les Ait Yimmoûr du Jbal Selfât au Tâdla, tandis

qu’il renvoyait dans le Garb les Gtâïa, Semket et Mejjât,

1. Texte arabe, IV partie, p. 112.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

qui étaient dans le Tâdla. Les Gueiouàn furent rappelés

de Azgàr, pour rentrer dans leur montagne.

 

Ce fut aussi dans cette année-là qu’eut lieu l’allaire de

l’imposteur Muhammad Ou lhâddj Elyimmoùri. Ce per-

sonnage se prétendait un saint; il parlait des choses du

monde invisible et déclarait qu’il attendait le Maître de

l’heure. Le mal provoqué par lui se répandit d’abord dans

toute sa tribu, puis gagna les autres tribus. De tous côtés,

les ignWahrants Berbers se rendirent auprès de lui. Il excita

contre les ‘Arabs des tribus voisines les Ait Yimmoùr, qui

étaient encore à Selfât à cette époque. Le gouverneur de

la tribu de Sefîân, Abû ‘Abdallah Muhammad Elhâchmi

Essefiâni, voulut marcher contre eux et, accompagné de

nombreux contingents fournis par les tribus du Garb,

partit pour attaquer l’imposteur qui était dans sa tribu,

les Ait Yimmoûr. Il franchit le Shou et organisa l’attaque

contre cette tribu, mais il fut vaincu, et les troupes du

Garb furent mises en défaite. Le qàïd Elhâchmi ainsi

qu’un grand nombre de notables de sa tribu furent tués.

Leur Mhalla resta au pouvoir des Berbers, avec tout ce

qu’elle contenait. La renommée de l’imposteur ne fit

qu’augmenter les gens de sa tribu n’en devinrent que

plus arrogants et la contagion de leur égarement se répan-

dit. Dès que le Sultan arriva à Méloiès, il envoya quelqu’un

pour arrêter l’imposteur et le lui ramener. Il le fit alors

mettre à mort, débarrassant ainsi la population de ses

suggestions diaboliques.

 

Cette année-là, le Sultan envoya aussi son fils Mawlay

‘Abd As-Slâmaccomplir l’obligation du pèlerinage il

n’était pas arrivé à l’âge de la puberté lorsqu’il avait

accompagné son frère Mawlay ‘Ali.

 

En 1198, le Sultan fit une expédition contre les Zem-

moùret les Beni Hkim. A son approche, ils se réfugièrent

dans les défilés de Tâfoûdâït, où ils se fortifièrent. Il usa

de ruse avec eux il leva le camp et invita les Ait Idrâsén

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ARCHIVES MAltOCAINKS

et les Guerouàn à les guetter et à les razzier au moment

oit ils descendraient dans la plaine. Dès qu’il se mit en

route pour regagner Murrâkush, les Zemmoùr sortirent de

leurs retraites aussitôt les Beni Idrâsén et les Guerouân

les entourèrent et leur enlevèrent tous leurs biens, qu’ils

se partagèrent. Ils en furent réduits à aller tendre la

main.

 

Voyage du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah au Tâfîlêlt,

qu’il pacifie motifs de cette expédition

 

Soutenu par les Berbcrs du Sahara, Ait ‘Atta et Ait

Yafelmâl, le chérîf Mawlay Hasan bn Ismâ’îl, oncle du

Sultan, qui résidait au Tâi’îlêlt, se servait de ces tribus

pour combattre les shurfas de Sijilmâsa, dès qu’un diffé-

rend survenait entre ces derniers et lui. Il aurait même

tué l’un d’eux. Le Sultan, qui savait un peu ce qui se pas-

sait, en était très affligé et il lui eut été pénible d’user de

rigueur vis-à-vis de son oncle, d’autant plus qu’il était

retenu par des afl’aires plus graves. Mais bientôt il reçut

des chérîfs de Sijilmâsa des plaintes si nombreuses contre

son oncle, qu’il ne put faire autrement que de l’éloigner

du pays et de dégager les chérîfs de ses partisans ber-

bers. Il résolut donc de se rendre lui-même il Sijilmâsa.

Mais ne voulant pas laisser derrière lui son fils Mawlay

Yazîd qui était alors dans le Garb, de peur qu’il ne sou-

levât quelque révolte, il l’éloigna en l’envoyant au Hedjâz

accomplir l’obligation du pèlerinage. Pour éviter ses

intrigues, il le fit partir seul, en dehors de la caravane du

pèlerinage, accompagné seulement d’un amin, qui devait

subvenir à ses dépenses, et de quelques personnes pour le

servir. Le Sultan se mit ensuite en route pour Sijilmâsa,

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 113.

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DYNASTIE ALAOUIU DU MAROC

 

ARCII. MAROC. 22

 

pour aller visiter la patrie de son ancêtre Mawlay ‘Ali

Echchérif (Dieu soit satisfait de lui !) et pour mettre un

terme aux agissements coupables de son oncle Mawlay

Hasan et de ses partisans. Quand il fut en vue de ïdfîlêlt,

il envoya en avant Belqâsém Az-Zayàni, pour expulser les

Berbers de leurs qsoûr sous le couvert de l’amân, et leur

payer, le cas échéant, leurs grains et leurs dattes, s’ils

prétendaient ne pouvoir les abandonner, afin qu’ils ne

puissent pas invoquer pareille excuse. Il devait les préve-

nir que s’ils restaient dans leurs qsoûr jusqu’à ce que le

Sultan vînt les y chercher, ils n’auraient à s’en prendre

qu’à eux-mêmes. Les Berbers se soumirent à cet ordre et

vinrent dans le Sahâra; il ne restait plus un seul homme

dans leurs qsoûr quand le Sultan arriva, à l’exception de

Mawlay Hasan, dont la puissance était ainsi détruite. Le

Sultan lui envoya alors Belqâsém Az-Zayâni, pour lui pro-

poser de résider à Miknâs, auquel cas il recevrait les ani-

maux nécessaires pour transporter sa familleetses bagages.

« Je me rendis auprès de lui, dit Az-Zayàni, et l’entretins

de cette proposition, qu’il finit par accepter. Le lende-

main, je partis avec lui pour Miknâs, où le Sultan m’avait

donné l’ordre de lui donner une maison pour son habita-

tion et de lui fixer une somme de 300 mitsqâls par mois

pour ses besoins et ceux de sa famille. J’avais l’ordre éga-

lement, dès que j’aurais accompli ma mission relative à

son oncle, de lui ramener ses trois enfants, Mawlay Slî-

mân, Mawlay Hasan et Mawlay Houséïn, de lui rapporter

de l’argent, et en même temps de revenir avec un certain

nombre de canons, de mortiers et de bombes, que je

devais faire traîner par une troupe de canonniers renégats

allemands et un millier de bons soldats des ports. Je

m’acquittai convenablement de cette mission, et je rejoi-

gnis le Sultan à Sijilmâsa, ayant avec moi tout ce que j’avais

charge de lui amener. En route, nous apprîmes la mort de

Mawlay ‘Ali bn Muhammad, fils du Sultan et son khalîfa

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ARCHIVES MAROCAINES

à Fâs. » Ce Commandeur fut un des Alaouis les plus marquants.

C’était un homme de bien et qui était cité pour son intel-

ligence, sa science, ses connaissances littéraires, sa géné-

rosité et sa noblesse de caractère. L’auteur du Bouslûn

ajoute « Sa salle de réception était le rendez-vous des

gens vertueux, des littérateurs et des personnages de dis-

tinction. Par sa générosité et son instruction littéraire, il

rappelait le caractère de Mawlay Muhammad El’além,

fils de Aloûlay Ismû’îl. Il aimait à copier les livres de

sciences rares et les ouvrages de littérature. Il envoyait

souvent ses poésies et ses discours aux gens de son temps

et aux lettrés de son époque, comme les Fâsiyin, les

Bekriyîn et les Qâdiriyin, de même que Mawlay Moham-

med El’âlém était passionné pour les poésies des descen-

dants du sultan Salâh Eddîn bn Eyyoùb Elkourdi. Dieu

leur fasse à tous miséricorde »

 

Quand les enfants du Sultan furent arrivés dans les

environs de Sijilmâsa, ils en avisèrent leur père et lui

demandèrent la permission de se rendre auprès de lui. Le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde se porta à leur ren-

contre et ordonna à tous les shurfas et à tous les gens du

pays d’aller les saluer, pour voir des appareils de guerre

inconnus dans leurs contrées. Le Sultan était au milieu de

son cortège, suivi de ses soldats à cheval dans leurs plus

beaux costumes et en ordre parfait. Cette journée fut un

jour de fète.

 

Après avoir terminé ce qu’il avait à faire à Sijilmâsa,

contenu les abords de cette région, pacifié les ‘Arabs et

les Berbers et mis fin aux actes malfaisants des Aït ‘Atta

et des AïtYafelmâl, auxquels il donna comme gouverneur

un de ses principaux Qâ’îds et un des grands de son gou-

vernement, le Qâ’îd ‘Ali bn Hamîda Az-Zirâri, le Sultan se

mit en route pour Murrâkush, après un séjour d’un mois à

Sijilmâsa, en passant par le chemin d’Elfâïja.

 

« Le Sultan, dit l’auteur du Boustân, m’avait envoyé de

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DYNASTIB ALAOUIE DU MAHOC

 

nouveau dans le Garb, pour former un Jaysh composé des

enfants des ‘Abids des ports. Je devais le lui ramener à

Murrâkush, où ils devaient être incorporés dans son armée

et recevoir leurs armes et leurs vêtements. »

 

Arrivé au col d’EIglaoui, le Sultan fut arrêté par une

tourmente de neige qui ohstruait le chemin. L’armée fut

dispersée de tous côtés, et la neige l’empêcha de rejoindre

ses tentes et ses bagages. Le Sultan passa la nuit loin de

ses matelas et de ses tentes, sans manger ni boire. Pas un

seul groupe de l’armée ne put retrouver son chef. Quand

le soleil s’éleva sur l’horizon, Dieu les débarrassa de la

neige: c’était le matin de la fête des victimes. La khotba

fut prononcée au nom du Sultan, qui exprima ses vœux

pour le sultan ottoman ‘Abdelhamîd bn Ahmad.

Le Sultan arriva à Murrâkush, sain et sauf. Dieu délivra

l’armée de cette neige pas un seul homme ne mourut.

Dieu soit loué 1

 

Voyage que fit le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah à

Essouéïra pour se distraire et se reposer, et ce qui lui arriva

au cours de ce déplacement 1.

 

A son retour de Sijilmâsa, le sultan Sîdi Muhammad ben

‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde !) demeura à Mor-

râkch jusqu’au printemps. Il résolut alors d’aller à Es-

souéïra, pour se rendre compte de son état et voir ses cons-

tructions, car il aimait cette ville qu’il avait fondée et en

était satisfait. Il voulait en profiter pour visiter les saints

de Ilegràga dans le Sahel et recueillir la bénédiction de

leurs tombeaux. Il effectuait ce voyage pour son agrément,

pour le repos de son esprit et pour sa distraction. Il

emmena avec lui un certain nombre de ‘ulâma et d’imâms

1. ïcxlc arabe, IV” partie, p. 114.

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AUCIIIVIÎS MAROCAINES

 

de l’époque, auxquels il devait dicter des extraits des

hadils du Prophète, et qui devaient les réunir suivant ses

indications. Parmi eux, étaient le fqih très docte et uni-

versel, Aboù ‘Abdallah Muhammad, fils de l’imum Sidi

‘Abdallah Elgarbi Errebâti, le fqih très docte; le scru-

tateur Aboù ‘Abdallah Muhammad Elndr Esslâoui le fqih

très perspicace Aboù ‘Abdallah Muhammad Elkâmél

Errechidi et le fqih très docte Aboù Zéïd ‘Abderrahmân

Boù Kheris. Ces personnages lui tenaient compagnie: ils

rédigeaient pour lui et mettaient en ordre tous les extraits

qu’il tirait des livres de hadîls qu’il avait fait venir

d’Orient, entre autres le Mesned de l’imam Ahmad, le

Mesned de Aboù Hanifa. Il avait également avec lui un

très grand nombre de secrétaires habiles dans la rédaction

et la correspondance, comme Si Elmehdi Elhakkâk Elmor-

râkchi, Si ‘Abderrahmân bn Elkâmel ElMurrâkushi, Si

Ahmad bn ‘Otsmân Elnièknêsi, Si Ahmad Elgazzàl Al-Fâsî,

Si Muhammad Skîréj Al-Fâsî, Si Ettâhar Bennâni Errebàii,

Si Ettàhar bn ‘Abd As-SlâmEsslâoui, Si Sa’id Echchlih

Elguezoùli, Si Bràhim Agbîl Essoùsi, Belqâsém Az-Zayâni,

auteur du Boustân, et plusieurs autres.

 

Il sortit de Morràkch pour cette excursion au prin-

temps de l’année 1198. Au préalable, il fit dresser ses

tentes autour de la ville, et les entoura du mur d’enceinte

appelé Afrâg. Au centre de toutes ces tentes, était la

grande {qoubba que lui avait donné le despote des Frendj;.

Elle était doublée de brocart; les panneaux muraux, décou-

pés en forme de mihrâbs. étaient de velours fin de diverses

couleurs, ses garnitures en galon d’or, et les cordes qui

la tendaient, de soie pure. On prétend que le despote avait

dépensé, pour la faire fabriquer, près de 25.000 dinars. La

preuve en est que la pomme qui surmontait le poteau

central, et qu’on appelle communément djâtnoûr, était en

or pur et pesait 4.000 miisqâls or. Le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) s’en servit à cette occasion pour s’en réjouir

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

la vue. Les Qâ’îds, les secrétaires et tous ceux qui par-

tirent avec lui emportèrent leurs tentes les plus belles et

les plus riches. Dans ce cortège merveilleux, il visita les

contrées pittoresques et les beaux sites qui sont agréables

à la vue, qu’on est impuissant à décrire, qui dilatent l’âme

et tiennent compagnie. Après une excursion de deux mois

employés à parcourir ces plaines, à satisfaire toutes les

délices, à se promener dans ces contrées, et à chasser le

gibier de plume et de poil, il arriva à Essouéïra. Quand il

eut examiné la ville et réalisé entièrement le but qu’il

s’était proposé, il reprit la route de sa capitale. Il passa

par Ribât Châkér, qui est une des mzdra les plus célèbres

du Maghrib, et qui est, depuis les anciens temps, le ren-

dez-vous des saints. Dans le Tachawouf, Châkér, qui a

donné son nom à ce ribât, est indiqué comme ayant été

un compagnon de ‘Oqba bn Nâfi’ Elfihri, conquérant

du Maghrib, et c’est là que se trouve son tombeau. A son

passage dans cette localité, lors de ce voyage, le sultan

Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah ordonna de restaurer la

mosquée et de faire des fondations et des murs nou-

veaux.

 

En revenant, il remonte le cours de l’Oued Neffîs, jus-

qu’à la ville d’Agmftt, où il visita le mausolée du chéïkh

Aboù “Abdallah Elhezmîri et les autres saints de cette

cité. Sa mhalla était installée en dessous de la ville.

Lorsque son campement fut établi, un certain nombre

d’habitants du pays vinrent, avec leur qâdi, lui apporter

un superbe bélier et des vases contenant des rayons de

miel. Le qâdi fut introduit auprès du Sultan, qui se mit à

parler avec lui, et lui demanda quels avaient été ses pro-

fesseurs. Celui-ci lui fit des réponses extravagantes. Se

tournant alors vers le Hâjib, le Sultan lui dit « Conduis

ce qâdi à la tente du qâdi Abû Zéïd ‘Abderrahmân ben

Elkamél c’est lui qui s’en ira comme qâdi avec la mhalla

au Sous, s’il plaît à Dieu Fais-le installer dans sa tente

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ARCHIVES MAROCAINES

et remets-lui ce bélier et ce miel. » Le flâjib conduisit le

clâdi à la tente du qâdi de l’armée Aboù Zéïd benElkâmél,

emmenant en même temps le bélier et le miel. Il recom-

manda à ce dernier de bien traiter le qâdi pendant la nuit

qu’il passerait chez lui.

 

Le lendemain, le Sultan se mit en route pour regagner

Murrâkush. Arrivé à l’Oued Neffis vers le milieu de la jour-

née, il lil dresser le pavillon de repos au bord de la

rivière et convoqua le qâdi Abû Zéïd et tous les secré-

taires. Quand ils furent tous assis devant lui, il se mit à

interroger le qâdi pour plaisanter « Comment as-tu traité

ton hôte pour le remercier de son bélier et de son miel ? »

lui dit-il. Le qâdi balbutia une réponse quelconque il

comprit que le Sultan voulait le mettre dans l’embarras

en lui posant une pareille question, bien qu’il n’eût cepen-

dant pas négligé son hôte d’une nuit. Le voyant embar-

rassé, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui dit « Je

crois que tu ne l’as pas traité comme il fallait. Si tu lui

avais fait au moins son éloge pour son bélier et son miel,

tu aurais réalisé ce qu’on attendait de toi, et ta responsa-

bilité eût été dégagée, car je ne t’ai envoyé ce qâdi qu’à

cause de ce bélier et de ce miel. J’ai passé toute la nuit

sans dormir, me rappelant ce qui s’était passé entre

Elmansoûr, Essa’di et ses secrétaires, à propos d’un inci-

dent semblable. Je vois bien qu’aujourd’hui il n’y a plus

de secrétaires, plus de fins lettrés ni de Commandeurs. Je vais

vous faire entendre ce qu’il survint à Elmansoûr lors de

sa visite dans ce bourg d’Agmât. » Il fit alors lire par son

secrétaire bn Elmbârek le récit donné par Elfichtâli,

dans les Menahîl Essa fâ, du voyage que fit Elmansoûr

Essa’di à Agmât pour y faire un pèlerinage et se distraire.

les poésies qui furent échangées entre le qâdi Abû

Mâlék ‘Abdelouâhed Elhamîdi et celui qui lui fit cadeau

du bélier et du miel, enfin tout ce que les secrétaires du

gouvernement lui attribuent à ce sujet. Nous avons réuni

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

toutes les informations relatives à ce voyage d’Elmansoiu’ l’

en traitant précédemment de son règne. L’auteur du Nozlia

cite les vers d’Elhamîdi: celui qui désire les lire doit se

reporter à cet ouvrage. Quand le secrétaire eut fini de

lire le récit contenu dans le livre d’EIfichtali, le Sultan

leur reprocha l’insuffisance dont ils avaient fait preuve

dans un incident semblable à celui dont il venait de leur

être donné lecture. Je crois que le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) leur ordonna de copier ce récit et de l’étu-

dier, pour leur servir de leçon. Dieu sait quelle est la

vérité

 

Motif de la colère du sultan Sîdi Muhammad bn Abdallah

contre son fils Mawlay Yazid (Dieu lui fasse miséricorde !)

En 1199, Mawlay ‘Abd As-Slâm, fils du Sultan, revint du

Hedjâz il reçut alors de son père le commandement de

Târoûdânt, du Soùs et des régions adjacentes. Puis, quand

vint le moment du départ de la caravane du Hedjâz, le

Sultan fit partir son neveu et son gendre Mawlay ‘Abclel-

mâlék bn Drîs, ses secrétaires Abû ‘Abdallah Moham-

med bn ‘Otsmân Elméknâsi et Abû Hafs ‘Omar Elouzi-

req, ainsi que le Chéïkh Errekb Abû Muhammad ‘Abdel-

kérîm bn Yahya, et leur confia une somme de 350.000 dou-

ros pour être remise aux chérîfs de la Mekke, de Médine,

du Hedjâz et du Yémen. Il les chargea de porter également,

pour différentes personnes, des cadeaux qui étaient conte-

nus dans des cassettes cachetées sur chacune d’elle était

écrit le nom du destinataire. Il leur ordonna de se rendre

d’abord à Constantinople, d’où ils devaient se mettre en

route pour le Hedjâz avec VAmtn Essourra, envoyé chaque

année par le Sultan ottoman aux deux sanctuaires. Toutes

1. Texte arabe, IVe partie, p. 115.

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ARCHIVES MAROCAINES

ces précautions furent prises à cause de Mawlay Yazîd qui

aurait pu couper la route à la caravane et la dépouiller de

son argent. Le Sultan envoya les voyageurs par mer sur

un corsaire du sultan ‘Abdelhamîd, à qui il écrivit pour lui

demander de les faire partir avec son Amin Essourra. Mais

lorsqu’ils arrivèrent à Constantinople, YAmîn Essourra

était déjà parti avec la caravane pour le Hedjâz, et ils res-

tèrent dans cette ville. Ils n’effectuèrent leur voyage que

l’année suivante, en compagnie de la caravane. Dès leur

arrivée à Médine l’éclatante, ils distribuèrent aux gens de

cette ville et à tous les chérîfs du Hedjâz l’argent qui leur

était réservé. Quand ils arrivèrent à la Mekke, Mawlay

Yazîd était là, guettant leur venue. Ils remirent de suite

aux gens de cette ville leurs cadeaux, ne conservant que

les présents destinés aux chérîfs du Yémen et les cassettes

d’or. Mais, profitant de l’heure de la sieste, Mawlay Yazid,

accompagné de plusieurs de ses gens, s’introduisit auprès

des voyageurs dans la maison de ‘Abdelkérîm bn Yahya,

Cheikh Errekb; il prit tout ce qu’il put emporter, s’em-

para des cassettes et partit. Le Cheikh Errekb, Mawlay

‘Abdelmâlék et les deux secrétaires allèrent aussitôt trou-

ver le chérîf Seroûr, émir de la Mekke et lui firent part de

ce qui s’était passé. Celui-ci envoya immédiatement ses

gardes chercher Mawlay Yazîd, et quand on l’eut amené, il

l’invita à rendre l’argent et lui adressa des menaces. Le

coupable rendit une partie de ce qu’il avait pris, et nia

s’être emparé du reste. Telle fut, dit-on, la cause de la

colère contre lui du Sultan, qui renia Mawlay Yazid, et fit

part de ce reniement dans des manifestes qu’il envoya

dans toutes les contrées, et qui furent suspendus à la

Ka’ba, à la pierre du Prophète, à Jérusalem, au mausolée

de Mawlay ‘Ali Echchérîf à Tâfilêlt, au mausolée de Moû-

lay Idrîs dans le Zerhoûn et à celui de Mawlay Idrîs à Fâs.

Le Sultan écrivit de plus au sultan ‘Abdelhamîd de ne pas

donner asile à son fils s’il se réfugiait chez lui. Moû.lay

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DYNASTIE AIAOIJIE DU MAROC

 

Yazid, qui ne pouvait plus se présenter devant son père

après sa mauvaise action, demeura en Orient jusqu’à Tan-

née 1203, comme nous allons le rapporter s’il plaît à

Dieu.

 

La même année (11.69), les gens d’Alger enlevèrent une

chrétienne, parente du despote d’Espagne qui allait, dans

son bateau, d’Espagne à Naples pour visiter son cousin,

possesseur de cette ville. Les Algériens refusèrent de la

rendre contre n’importe quelle rançon, lorsqu’ils surent

quel était son rang parmi les siens. Le despote d’Es-

pagne écrivit alors au Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

pour le prier de s’occuper de son rachat au prix que

demanderaient les Algériens. Le possesseur d’Alger

repoussa les prières du Sultan. Celui-ci fit part de ce qui

se passait au sultan ‘Abdelhamîd, qui adressa (Dieu lui

fasse miséricorde !) au possesseur d’Alger des remon-

trances énergiques pour n’avoir pas accédé aux demandes

du Sultan. « Il faut, lui écrivit-il, que vous accordiez au

Sultan sa liberté sans argent. Quel que soit le prix de

cette chrétienne, si le Sultan du Maghrib me demandait

mille chrétiennes, je les lui enverrais. Maintenant, je vous

ordonne de lui envoyer cette chrétienne, même si c’est

une reine, et je vous défends de vous faire payer quoi que

ce soit pour sa rançon. Vous repoussez les demandes du

roi du Maghrib en faveur d’une chrétienne sans importance

vous avez donc oublié qu’il a fait rendre la liberté aux

captifs turcs de toute origine, si bien qu’il n’y a plus un

seul Musulman qui soit captif chez les infidèles. Ne com-

mettez pas une nouvelle action de ce genre, sans quoi mes

sentiments à votre égard changeraient. Salut. » Quand ils

reçurent le firman du sultan ‘Abdelhamîd, les Turcs ne

purent qu’envoyer la chrétienne auprès du Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde !) et s’excusèrent en disant « Nous

n’avons pas voulu la rendre, de peur que notre souverain

n’en fût informé, car nous ne voulions, pas le tromper:

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ARCHIVES MAROCAINES

c’était le devoir que nous imposaient nos fonctions et

notre obéissance. Nous prions notre Seigneur d’accepter

notre excuse et de ne pas croire que nous avons été gui-

dés par d’autres motifs. Salut »

 

De ce qui eut lieu entre le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah

et les gens de la zâouya de Boûlja’d (Dieu le protège !) l.

Cette zâouya est une des plus célèbres du Maghrib ses

mérites sont exprimés par le langage des faits; depuis des

siècles, elle est dirigée par des hommes éminents qui se

sont transmis l’un à l’autre l’héritage de la sainteté et de

la prééminence. Les humbles et les rois, les riches et les

mendiants lui ont reconnu ces vertus, et les Commandeurs de

cette dynastie et de celles qui l’ont précédée l’ont toujours

traitée avec beaucoup d’égards et de respect. Toutefois,

cet illustre Sultan, si glorieux et si noble, eut à sévir pen-

dant son règne contre le chef de cette zâouya, qui était

le mrâbef baraka Abû ‘Abdallâh Sîdi Muhammad Al-’Arbî,

fils du grand chéïkh Sîdi Elma’ti bn Essâlah le chef n’a-

t-il pas à sévir contre celui qu’il commande ? L’homme

n’est pas impeccable. Toute créature a ses imperfections,

sauf celles que Dieu a créées parfaites. Il arriva donc que

le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !), en retournant, cette

année-là, de Ribât al-Fath àMurrâkush, passa par le Tâdla et

alla camper à la zâouya de Boûlja’d. Il fit détruire, à ce

que l’on raconte, la zâouya et chassa les étrangers qui se

trouvaient réunis autour de la famille du Chéïkh. Il fit t

conduire Sîdi Al-’Arbî et toute sa clientèle à Murrâkush qu’il

leur assigna comme résidence. Ils y demeurèrent jusqu’au

moment où mourut le sultan Sîdi Muhammad (Dieu lui

fasse miséricorde !) et où fut proclamé son fils Mawlay Hichâm bn Muhammad, qui leur permit de rentrer dans leur pays. Ils retournèrent à leur zâouya et y vécurent tranquillement pendant un certain temps. Après lui, le sultan Mawlay Slimân bn Muhammad maltraita à son tour Sîdi Al-’Arbî, en raison de divers propos que quelque intrigant lui avait attribués pour lui nuire. Après des correspondances et des lettres de reproches qu’il serait trop long de rapporter ici, ce Sultan ordonna à Sîdi Al-’Arbî de se rendre à Fâs, où il demeura quelque temps. Il lui permit ensuite de retourner dans son pays.

 

En 1200, le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu

lui fasse miséricorde !) envoya son secrétaire, Belqâsém

Ez?ayâni, comme ambassadeur auprès du sultan ottoman

‘Abdelhamîd. Il était chargé de lui remettre un présent,

dans lequel figuraient des charges de lingots d’or pur

ayant la forme de barres de fer. Le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) voulait par là faire reconnaître sa gloire par

les rois et témoigner de sa richesse et de sa grande opu-

lence, politique étrange de la part de celui à qui Dieu l’a

décrétée. A son arrivée à Constantinople, Belqâsém trouva

Mawlay ‘Abdelmâlék bn Drîs,le Chéïkh Errekb et les deux

secrétaires qui attendaient le moment du pèlerinage de

l’année suivante. « Je demeurai, dit-il, trois mois et dix

jours à Constantinople, et, quand j’eus rempli ma mission,

je revins auprès du Sultan le sultan ‘Abdelhamîd envoya,

en même- temps que moi, un de ses serviteurs offrir un

présent à mon souverain (Dieu lui fasse miséricorde !).

Lorsque nous fûmes rendus auprès du Sultan, il me féli-

cita en me disant « Jamais je n’enverrai par d’autre que

par toi des présents à l’Ottoman », et, comme le réïs Ettâhar

ben ‘Abdelhaqq Fennîch était présent, il ajouta, pour lui

donner une marque de satisfaction « De même, je ne

confierai jamais mes bateaux de guerre qu’à Ettâhar. » II

me demanda à combien s’élevait la solde trimestrielle des

soldats turcs je lui répondis qu’ils recevaient individuel-

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ARCHIVES MAROCAINES

lement 60 onces. Comme il trouvait que c’était peu, je lui

fis savoir qu’en temps d’expédition, ils n’avaient pas a

fournir leur nourriture ni celle de leurs chevaux, car toutes

les dépenses de voyage étaient à la charge du Sultan. »

Az-Zayâni s’étend ensuite très longuement sur la descrip-

tion de Constantinople et sur la situation de ses habitants

mais ce serait sortir du cadre de notre ouvrage que de

rapporter ce qu’il dit à ce sujet. Dieu est le protecteur.

Nombre des soldats des ports durant le règne du sultan Sïdi

Muhammad bn ‘Abdallah, et montant de leur solde

Pendant le règne du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdal-

lah, il y avait à Essouéïra, en comptant le Jaysh, les artil-

leurs et les marins, 2.500 hommes; à Asfî, 200 artilleurs et

“200 marins; à Tît, 500 ‘Abîds; à Azemmoûr, 500 ‘Abîds; à

Ânfa, 2.000 ‘abîds; aux Deux-Rives, 2.000 artilleurs et

marins; à Eimchdiya, 2.500 ‘Abîds; à Erarêïch,en comptant

\eJaysh, les artilleurs et les marins, 1.500 hommes; à

Aséïla et dans le Sâhel, 200 artilleurs et marins; à Tanger,

3.600 Rifains et à Tétouan, en comptant le Jaysh, les artil-

leurs et les marins,- 800 hommes. Le nombre total des

soldats des ports était de 10.500 hommes leur solde indi-

viduelle était de 30 onces par trimestre, c’est-à-dire d’un

mitsqâl par mois. Tout d’abord, ils touchaient leur solde

à la fin de chaque mois, mais en l’année 1200, le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !), pour leur venir en aide et

améliorer leur situation, accorda aux soldats des ports

l’avance de leur solde de quinze années, à raison de un

mitsqâl par mois et par homme, ce qui représentait une

somme considérable, environ trois millions.

 

Le Sultan fit ensuite établir, dans tous les ports du

1. Texte arabe, IVe partie, p. 117

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DYNASTIE ALAOUIli DU MAROC

 

Maghrib, un trésor qu’on aurait, à la fin de chaque trimestre,

pour payer aux soldats de la place présents ou absents

30 onces par tête, pour leur permettre de subvenir aux

besoins de leurs familles. Quant aux cadeaux d’expédition

et de ‘achoùra, aux gratifications et aux aumônes, le Sultan

les prélevait sur ses biens propres les trésors n’en sup-

portaient pas la charge. Il en fut ainsi jusqu’à sa mort (Dieu

lui fasse miséricorde !) où les ‘Abkls des ports, à l’insti-

gation de Mawlay Yazîd, s’emparèrent des trésors, les

ouvrirent, et, après avoir enlevé ce qu’ils contenaient,

retournèrent à Miknâs, leur patrie commune.

En 1201, le Sultan dirigea une expédition contre la tribu

des Cliràga, dans les environs de Fâs il les pilla et les

mit en déroute, mais leur pardonna ensuite, quand ils se

réfugièrent au mausolée de Mawlay Boùchcheta, chez les

Fichtâla. Il marcha ensuite contre les Hayâïna; après avoir

fait moissonner et dépiquer leurs récoltes par le Jaysh,

qui enleva leurs grains jusqu’au dernier, il envoya des

cavaliers à leur poursuite, qui pillèrent leurs campements

et leurs effets. « A cette époque, dit l’auteur du Boustân,

j’avais été chargé de conduire une armée au gouverneur

d’Wujda. A mon retour, je rejoignis le Sultan chez les

Hayâïna il me nomma gouverneur de Tâza. Je m’y rendis

et y restai une année entière. »

 

La même année, Mawlay Muslama bn Muhammad, fils

du Sultan, revint d’Orient, où il avait abandonné son frère

Mawlay Yazid.

 

En 1202, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) dépêcha

aux Ait “Atta l’ordre de lui fournir 600 hommes pris parmi

eux et de les lui envoyer avec les ‘Abîds de Tâfilèlt, ce qui

faisait un chiffre de 1.000 hommes il voulait les vêtir, les

armer et les employer à la navigation, en les enrôlant en

même temps dans l’armée. « Quand ces hommes furent

arrivés auprès de lui à Miknâs, dit l’auteur du Boustûn,

le Sultan me fit venir de Taza. Dès mon arrivée, il me

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ARCHIVES MAROCAINES

 

donna l’ordre de les conduire à Tétouan, d’où ils devaient

recevoir des vêtements et des armes, et de là à Tanger,

où ils devaient résider. J’étais chargé de les embarquer

sur les vingt galiotes qui étaient dans le port de cette

ville, et de les faire naviguer dans le détroit, sur les côtes

d’Espagne, pour les habituer à la mer et les exercer aux

manœuvres navales. Je les conduisis à Télouan, comme

j’en avais reçu l’ordre du Sultan (Dieu lui fasse miséri-

corde !). Quand ils furent habillés et armés, je les emmenai

à Tanger, où nous demeurâmes deux mois. Tous les jours,

ils s’embarquaient sur les vaisseaux et faisaient la course

entre eux. Tantôt ils sortaient dans le détroit, tantôt ils se

rendaient sur les côtes d’Espagne et puis revenaient. A la

fin, la mer ne les efl’rayait plus et ne les faisait plus souf-

frir ils s’y étaient tout à fait accoutumés. L’hiver appro-

chait, quand le Sultan m’écrivit de les lui amener. A notre

arrivée à Miknâs, il donna des ordres pour qu’il y eût

réunion au Mechouar pour notre réception. Lorsque nous

fumes en sa présence, il s’approcha et vint jusqu’au milieu

de notre groupe. Il adressa la parole aux Berbers dans

leur langue et leur demanda comment ils avaient effectué

leurs voyages. Ceux-ci répondirent qu’ils étaient satisfaits.

D’aussi bonnes dispositions de leur part firent plaisir au

Sultan, qui en fut très content et leur dit ensuite « Voici

mon secrétaire et mon ami je vous le donne comme gou-

verneur et il aura sous son autorité mes enfants, mes cou-

sins, et tous les gens du Sahara. Écoutez ce qu’il vous dira

et obéissez-lui. » A ces mots, mon émotion fut si grande

que je ne pus prononcer un seul mot. Le Sultan comprit

que j’avais de la répugnance pour ces fonctions, et, quand

il fut entré dans son jardin, il m’envoya chercher, et me

dit, dès que je fus auprès de lui « Ne crains rien, si je

ne t’aimais, je ne t’aurais pas chargé de gouverner mes

enfants et les gens de ma famille. Je ne puis pas me passer

de toi. Ce bn tlamîda, que j’ai nommé gouverneur de

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DYNASTIE AIAOUIU DU MAROC

 

Sijilmàsa, n’est bon à rien; tous les jours, il m’envoie des

plaintes contre mon fils Houséïn, qui opprime la popula-

tion, sans qu’il puisse l’en empêcher. Ce n’est que pour

cette raison que je te nomme leur gouverneur, car ils te

redoutent à cause de la faveur dont tu jouis auprès de

moi. » II écrivit ensuite à ses enfants et aux principaux

personnages de Sijilmàsa, et donna des ordres qu’une

somme, dont il indiqua le montant, me fut remise en vue

de certaines dépenses et pour des constructions. Après

cela, je lui fis mes adieux et pris congé de lui. J’allai d’abord

de Miknâs à Fâs et de là à Sijilmâsa; je pris possession de

mon poste et m’y installai. Le gouverneur qui me précé-

dait retourna auprès du Sultan, qui le fit arrêter immédia-

tement et le maltraita. »

 

Mawlay Yazid revient d’Orient et se réfugie dans le mausolée du chéïkh ‘Abd As-Slâmben Mechîch (Dieu soit satisfait de lui!). Motifs de sa conduite’.

 

En 1203, le fils du Sultan, Mawlay Yazîd bn Muhammad, revint d’Orient en compagnie de la caravane des pèlerins de Tafilêlt et se rendit à Sijilmâsa. Arrivé au bourg de Boû Semgoùn, il rencontra une caravane de gens de Sijilrnâsa et les interrogea sur le pays et sur les gens il leur demanda qui était gouverneur. En entendant prononcer le nom de Belqâsém Az-Zayâni, Mawlay Yazîd fut très troublé et eut un moment d’abattement. Puis, s’adressant au Chéïkh Errekb, le chérîf Mawlay ‘Abdallâh bn ‘Ali et aux chérîfs qui étaient avec lui « J’avais l’intention, leur dit-il, d’aller avec vous jusque dans votre pays et de me réfugier dans le mausolée de mon ancêtre Mawlay ‘Ali Echchérif, d’où j’aurais envoyé un émissaire, accompagné de mes principaux cousins et de leurs égaux, auprès de mon pore pour intercéder en ma faveur. Mais, maintenant que le gouverneur de ce pays est Az-Zayâni, je n’arriverai à rien avec lui et ce n’est pas lui qui favorisera un rapprochement entre mon père et moi. Voici mes femmes, je vous serai reconnaissant de les emmener avec mes gens ils iront chez mon frère Mawlay Slîrnân, et demeureront auprès de lui.

Quant moi, je me rendrai au mausolée du chéïkh ‘Àbdesselàm bn Mechîch, où je resterai jusqu’à ce que Dieu ait décrété ce que j’aurai à faire. »

Il fit partir ses femmes et ses gens avec la caravane du pèlerinage et écrivit à son frère Mawlay Slimân pour lui recommander sa famille. Il écrivit aussi à sa sœur utérine Moulât Habîba, qui habitait Erreteb, et à ses cousins de cette région. 11 chargea ses gens de leur remettre ces lettres. A l’arrivée de la caravane dans le pays d’Elqenâdsa, un de ses gens remit à Mawlay Slîmân les lettres qui lui étaient destinées; celui-ci fut très embarrassé et, ne sachant que faire, porta ces missives à Belqàsém Az-Zayâni eii l’informant de ce qui se passait. « Mon père, lui dit-il, est fâché contre lui, et si j’accepte ses femmes, je m’expose à mon tour à sa colère que faire » Belqàsém envoya au Chéïkh Errekb l’ordre de ne pas emmener avec lui les femmes de Mawlay Yazid, en le prévenant qu’il encourrait la colère du Sultan. « Si tu veux être sain et sauf, ajoutait-il, envoie les femmes à Moulât Habîba, à Erreteb. Salut. » En recevant cette lettre, le Chéïkh Errekb, qui ne savait pas à quoi s’en tenir, fut vivement impressionné par sa teneur; il fit arrêter la caravane pour attendre l’arrivée des gens de Mawlay Yazîd et de ses femmes, et les fit partir avec quelqu’un qui leur indiqua le chemin d’Erreteb. Ils passèrent par l’Oued Ketsîr et s’arrêtèrent chez MoûlâtHabîba. Belqàsém Az-Zayâni informa le Sultan de tout ce qui s’était passé il prétend que le Sultan approuva sa conduite, et lui ordonna de préparer des animaux et des provisions de route pour les faire conduire aux femmes de Mawlay Yazîd par cinquante ‘Abidsqui devaient les amener à Dâr Eddebîbag. Elles devaient y habiter avec sa mère, que le Sultan avait transportée du palais à cette résidence. Tout cela était l’œuvre d’Az-Zayâni.

Mawlay Yazid lui garda rancune de cette affaire; aussi, quand il eut le pouvoir entre les mains, il le fit arrêter et bâtonner, et lui fit subir de mauvais traitements. Arrivé au mausolée du chéïkh ‘Abdesselàm (Dieu soit satisfait de lui!), Mawlay Yazid envoya un certain nombrede shurfas d’El’alam pour intercéder en sa faveur. Le Sultan leur ordonna de lui amener son fils. Ceux-ci supplièrent Mawlay Yazid de venir, mais il s’y refusa. Deux autres fois, le Sultan l’envoya chercher, il ne voulut pas venir. Le Sultan lui écrivit plusieurs fois pour lui pardonner, mais il n’accepta pas ce pardon. Au contraire, il manifesta sa désobéissance et se mit nettement en état de révolte, écrivant même à son père des lettres où il manifestait ses dispositions. C’est, du moins, ce que prétend Az-Zayâni. Mais l’on sait que cet auteur était son ennemi aussi ne faut-il pas ajouter foi i toutes ces affirmations contre ce Commandeur.

Dieu sait quelle est la vérité Le Sultan envoya alors son frère utérin Moùlày Muslama avec des soldats pour camper auprès de Mawlay Yazid et le serrer de près; il ne devait pas le laisser descendre de l’enceinte sacrée. Une autre colonne, commandée par le Qâ’îd Al-’Abbâs Elboukhâri, alla aussi s’installer dans le voisinage du horm, sur l’autre versant de la montagne, pour bloquer Mawlay Yazîd et paralyser entièrement son action. Pendant son séjour dans cette localité, Mawlay Yazîd commença à creuser les fondations de sa maison et à bâtir une mosquée, dont on voit encore les restes au pied de la montagne. Il demeura assiégé là jusqu’au moment où lui parvint la nouvelle de la mort de son père (Dieu lui fasse miséricorde !).

Nous raconterons plus loin, s’il plaît à Dieu, ce qui advint de lui.

 

Mort du Commandeur des Croyants Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde !) ‘•

Voyant que Mawlay Yazid s’obstinait à rester dans le

mausolée du chéïkh ‘Abd As-Slâmben Mechîch (Dieu soit

satisfait de lui !) malgré ses exhortations répétées, le Sultan

quitta Murrâkush, pour se rendre en personne auprès de

son fils, dans l’espoir de le rassurer et de dissiper ses

craintes et ses appréhensions. Il sortit de Murrâkush légè-

rement malade. La maladie ne fit que s’aggraver en route,

sous l’influence de la fatigue occasionnée par une marche

rapide, qui le conduisit, en six jours, dans le voisinage de

Rabât Elfeth. Ce fut là que la mort vint l’atteindre (Dieu

lui fasse miséricorde !). Il était dans sa litière et se trouvait

à une demi-journée environ de Rabât Elfeth. Le même

jour, qui était le dimanche 24 rejeb 1204, on porta son

cadavre en toute hâte à son palais. Le lendemain, toute la

population se réunit pour célébrer ses funérailles les

gens vinrent de tous côtés pour y assister. Après la céré-

monie, il fut enterré dans une des salles de son palais. La

population tout entière fut affligée de sa mort. Dieu lui

fasse miséricorde et soit satisfait de lui!

 

Derniers renseignements sur le sultan Sîdi Muhammad ben

‘Abdallah ses œuvres sa politique 2.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse

miséricorde !) aimait et recherchait les savants et les gens

de bien à tout instant, il en était entouré. C’est ainsi que

l’on voyait chez lui tous les savants et les imâms de l’époque,

1. Texte arabe, IV* partie, p. 119.

 

2. Texte arabe, IVe partie, p. 119.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

comme le fqîh très docte et universel, Abû ‘Abdallah

Muhammad, fils de Vimâm Sîtli ‘Abdallâh Elgarbi Errebâti

le fqîh très docte, le scrutateur Abû ‘Abdallah Sîdi

Muhammad Elmîr Esslâoui; le fqîh très perspicace, Abû

‘Abdallah Muhammad Elkâmel Errechîdi, et le fqîh Si

Aboîi Zéïd ‘Abderrahmân, surnommé Boù Kherîs. Ceux-ci

étaient ceux avec qui il s’asseyait pour converser ils lui

faisaient la lecture des livres de hadîts, en discutaient le

sens et rédigeaient pour lui, suivant ses indications, les

interprétations qu’il en tirait. Il avait un tel goût pour

cette étude qu’il avait fait venir d’Orient des livres pré-

cieux de hadîts qui ne se trouvaient pas dans le Maghrib,

entre autres, le Mesned de l’imâm Ahmad, le Mesned

d’Abû Hanîfa, etc. Il composa même sur la science des

hadîls, avec l’aide des fqîhs qui viennent d’être nommés,

divers ouvrages, parmi lesquels le Kitûb Masânid Ela’im-

mati-l arba a. C’est un ouvrage précieux qui, forme un

gros volume.Dans ce livre, il a formé un recueil des hadîts

sur la rioaâya desquels les quatre imâms sont d’accord, ou

seulement trois ou deux d’entre eux il a laissé de côté

les hadîts rapportés par un seul des imâms, ou par un

autre qu’eux. Un tel recueil n’avait pas encore été com-

posé (Dieu lui fasse miséricorde !).

 

Souvent, le vendredi, après la prière, il réunissait, dans

la maqsoûra de la mosquée, à Murrâkush, les fqîhs de cette

ville et ceux de Fâs ou des autres villes qui se trouvaient

là, pour converser sur les hadîts du Prophète et leur inter-

prétation ces conversations lui faisaient beaucoup de

plaisir. Il regrettait souvent, dans ces réunions, d’avoir

« perdu ma vie à ne rien faire » et poussait des soupirs en

songeant à tout ce qu’il aurait pu apprendre pendant sa

jeunesse.

 

Comme il ne s’était occupé d’aucune branche de la

science quand il était jeune, il commença par étudier avec

ardeur les livres d’histoire, les chroniques des peuples,

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ARCHIVES MABOCAINES

l’histoire des Arabes et ses principaux faits. Il était im-

prégné de cette étude, dans laquelle il était arrivé à un

degré très avancé. Il savait presque par cœur les proverbes

arabes et les poésies des poètes antéislamiques et postis-

lamiques qui se trouvent dans le Kitâb Elagâni, d’Abûl-

faraj Elisbahâni. Mais quand Dieu le chargea du gouver-

nement des Musulmans après la mort de son père, il

ahandonna l’histoire et la littérature, qu’il aimait pourtant

passionnément, pour entreprendre la lecture des hadîts,

rechercher ceux qui sont étranges, les tirer des sources,

converser avec les savants et s’entretenir avec eux sur ces

matières. Il avait organisé, pour cela, des séances régu-

lières qui auraient pu certainement supporter la comparai-

son avec celles d’Elmansoûr Essa’di, que raconte Elfichtâli

dans le Menûhil Essafâ. S’il allait faire un pèlerinage, ou

s’il faisait une chasse ou une partie de plaisir, au prin-

temps, et qu’il restât dehors à peu près une semaine, il

campait, de préférence, dans les endroits où campait

Elmansoûr, lorsqu’il se rendait en pèlerinage à Agmât ou

qu’il en revenait. Et il disait « C’étaient les campements

d’Elmansoûr (Dieu lui fasse miséricorde !). Il est mon maître

en pareille matière. »

 

Voici une chose curieuse à son sujet (Dieu lui fasse

miséricorde!): Il jugeait que les tolha qui passaient leur

temps à étudier des abrégés (mokhtasar) sur la science du

droit ou sur d’autres sciences, en laissant de côté les

ouvrages fondamentaux qui contiennent des développe-

ments clairs, perdent leur temps sans profit. Il ne voulait

pas qu’on étudiât ainsi et ne laissait personne lire le

Mokhtasar de Khelil, celui de Ibn ‘Arafa, et autres ou-

vrages du même genre. Il ne ménageait pas les humilia-

tions à ceux qui faisaient la lecture de ces ouvrages, si

bien que le Mokhtasar de Khelîl fut sur le point d’être

entièrement abandonné. Il recommandait, au contraire,

l’étude de la Risâla et du Tehdîb, et autres traités simi-

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

laires. 11 écrivit même, à ce sujet, un ouvrage très déve-

loppé, avec l’aide de Âboû ‘Abdallah Elgarbi, de Abû

‘Abdallâh Elmîr, et d’autres savants assidus de ses réu-

nions. Le sultan Moîilay Slîmân, quand il arriva au pou-

voir, encourageait, au contraire, l’usage du Mokhlasar et

donnait beaucoup d’argent pour ceux qui l’apprenaient par

cœur et l’enseignaient. Chacun est récompensé suivant

ses intentions et le but qu’il s’est proposé.

 

Je dirai, cependant, que l’opinion du sultan Sidi Moham-

med (Dieu lui fasse miséricorde !) était la bonne. On

trouve, en effet, dans les écrits d’un certain nombre de

grands savants, comme l’imâm, le hâfid Boù Bkeur ben

El’arabi, le chéïkh circonspect Abû Ishâq Echchâtbi, le

très docte, l’érudit Abû Zéïd ‘Abderrahmân bn Khal-

doûn, et tant d’autres, que le dessèchement de l’eau de la

science et la décroissance du savoir des gens d’étude dans

l’Islam sont dus à ce qu’on ne se sert plus que des abré-

gés qui sont difficiles à comprendre, et qu’on laisse de

côté les ouvrages des auteurs anciens, dans lesquels les

idées sont longuement développées et les arguments très

clairs, et qui permettent à celui qui les étudie d’arriver à

posséder leur c.ontenu. J’en jure par ma vie, ceux-ci seuls

qui en ont fait eux-mêmes l’expérience peuvent être cer-

tains de ce qui précède. Nous avons dit aussi, au commen-

cement de cet ouvrage, que les rois descendant de ‘Abdel-

moûmén prêchaient le retour aux prescriptions du CWahran

et de la Sounna, témoignant ainsi de l’importance de la

science antique et de leur respect des principes qui en

découlent. Dieu conduit qui bon lui semble dans la voie

droite.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse

miséricorde !) interdisait l’étude des livres de Touliid éta-

blis sur les bases de la théologie dogmatique (“Ilm Elkalâm)

et rédigés suivantl’esprit de la secte de l’imâm Elach’arî.

Il recommandait aux gens de s’en tenir à la doctrine

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ARCHIVES MAROCAINES

primitive, qui consiste à suivre simplement le dogme tel

qu’il dérive du sens extérieur du CWahran et de la Sounna,

sans se préoccuper des interprétations. C’était ce qu’il

pratiquait lui-même ainsi, à la fin de son livre relatif aux

hadîts extraits des quatre imâms, il dit « Je suis mâleki

de rite et hanbali de dogme », ce qui signifie qu’il

jugeait inutile de s’engager dans la science du sens des

mots, comme le font les modernes. On cite de lui de nom-

breuses anecdotes à ce sujet. Sur cette matière il avait

encore raison, à mon avis en effet, l’imâm Aboù Ilâmed

Elgazzâli (Dieu soit satisfait de lui !) dit, dans le Kitâb

Elahiâ’, que la science du sens des mots est comparable

à un remède dont on n’a besoin qu’en cas de maladie on

ne doit y recourir qu’en cas d’hérésie. D’ailleurs, on a éta-

bli dans quelle mesure il convient d’en user vis-à-vis du

peuple et des autres classes de la société, des commen-

çants et de ceux qui ont achevé leurs études, des médio-

cres et des intelligents. Mais ce serait sortir de notre e

sujet que de nous étendre sur cette question.

Le sultan Sîdi Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde!)

avait une grande noblesse de caractère il aimait la

gloire et voulait arriver au faîte de la splendeur. Il tenait

aux souverains turcs le langage d’un égal, et ceux-ci, à

leur tour, le traitaient en seigneur. Les nombreuses

sommes d’argent et les cadeaux qu’il leur envoyait lui

donnèrent une haute situation auprès d’eux ils le consi-

déraient comme plus puissant qu’eux par la richesse et

le nombre d’hommes. Il donnait en Commandeur qui ne craint

pas l’appauvrissement, et savait placer ses générosités.

Il connaissait la valeur des hommes, les traitait en consé-

quence, et savait leur passer leurs fautes, tenant compte de

leurs antécédents à ceux qui avaient rendu des services.

Il s’intéressait toujours à ses serviteurs, qu’ils fussent

bien portants ou malades, et ne dédaignait pas ceux qu’il

avait connus avant d’être au pouvoir.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

II était reconnu comme un des hommes les plus coura-

geux de son temps il conduisait lui-même les expédi-

tions, et la crainte qu’il inspirait suffisait à mettre en

déroute les troupes ennemies. Il gardait les hommes de,

valeur et les employait à son service, les réservant pour les

jours difficiles. Il les appelait par leur nom quand il les

rencontrait ou qu’ils se présentaient chez lui. Il les expé-

diait à la tète d’une tribu, ou d’un groupe de l’armée.

Dans ses guerres, il se conformait toujours aux règles de

la politique de douceur. S’il chargeait de mission un

homme dont il connaissait l’habileté et la valeur, il lui

disait ce vers d’Ibn Doréïd « Mille hommes ne sont pas

plus qu’un seul un seul homme est autant que mille s’il

a reçu ses ordres de nous. »

 

En résumé, ce Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) était un grand roi.

 

Les œuvres qu’il a laissées dans le Maghrib sont nom-

breuses. On lui doit à Murrâkush la reconstitution du mau-

solée du chéïkh BAl-’Abbâs Essebti avec sa mosquée et

sa mdersa, du mausolée du chéïkh Ettebbâ’ avec sa mos-

quée, du mausolée du chéïkh Elguezoûli avec sa mosquée,

du mausolée du chéïkh Eljezouâni avec sa mosquée, du

mausolée du chéïkh bn Sâlah avec sa mosquée, du mau-

solée de Mawlay ‘Ali Echchérîf avec sa grande mosquée,

du mausolée du chéïkh Méïmoùn Essahrâoui, de la mos-.

quée des rois et de ses deux mdersas à Berrîma, de la

mosquée d’Elmansoùr, de la grande mosquée de Bâb

Doukkâla, de la grande mosquée de Bâb Héïlâna, de la

grande mosquée d’Errahba, de la mosquée et des six

mdersas de la qâsba. Il restaura aussi la mosquée de la

Zâouyat Echcherrâdi et celle de Ribât Châkér. Il fonda

la ville d’Essouéïra avec ses mosquées, ses mdersas, ses

forts, ses batteries et tout ce qu’elle renferme. On lui doit

encore la mosquée et la mdersa d’Asfi; la mosquée de.

la ville de Tît; la ville d’Ânfa, sa mosquée, sa mdersa,.

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ARCHIVES MAROCAINES

son bain, ses sqûlas et ses batteries la ville de Fdâla, sa

mosquée et sa mdersa; Elmansoûriya et sa mosquée

la mosquée Essounna à Rabât Elfeth, et les six mosquées

ainsi que les forts d’Agdâl les deux grandes sqâlas de

Salé et de Rabât Elfeth la mosquée d’El’aréïch, sa mdersa,

ses sqâlas, ses batteries et son marché, les sqûlas et les

batteries de Tanger; la mosquée Elazhar et sa mdersa à

Vlstabl de Miknâs dans cette ville, la mosquée d’El-

berda’iyin, le mausolée du chéïkh bn ‘Isa, celui du chéïkh

Aboù ‘Otsmân Sa’îd avec sa mosquée, la mdersa Essahrij,

la mdersa Eddâr Elbaïdâ, la mosquée et la mdersa de

Berrîma, la mosquée de Hedrâch, la mosquée de Bûb

Merah trois arches du pont du Sbou, près de Fâs, le

mausolée du chéïkh ‘Ali bn Hirzihini, celui du chéïkh

Derrâs bn Isniâ’îl, celui d’Abû ‘Abdallah Ettâoudi, la

mdersa de Bâb Elguîsa la mosquée et la mdersa de Tâza;

à Sijilmâsa, le mausolée de Mawlay ‘Ali Echchérif et la

qasba d’Eddâr Elbaïdâ avec sa mosquée et sa mdersa, et la

mosquée et la mdersa d’Erréïsâni. Il fit également de

pieuses fondations en faveur du Mâristân de Fâs et de

celui de Murrâkush.

 

Toutes ces œuvres sont assez glorieuses pour perpétuer

la mémoire de son noble génie: parmi ces monuments,

les uns ont été édifiés par lui, les autres réparés, d’autres

enfin reconstruits.

 

Il assigna aux chorfa de Tâf îlêlt une somme annuelle de

100.000 mitsqâls, dans laquelle n’étaient pas compris les

dons divers qu’il leur faisait dans le courant de l’année.

Il servit également une somme annuelle de 100.000 mits-

qâls aux notables des deux nobles sanctuaires et aux

chorfa du Hedjâz et du Yémen. Les chorfa du Maghrib

recevaient la même somme. A chaque fête, il envoyait des

dons aux tolbas, aux moueddins, aux lecteurs et aux

imâms des mosquées. On ne saurait calculer les sommes

qu’il payait, en vue de la guerre sainte, aux réïs de la mer

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

et aux artilleurs, ni ce qu’il dépensait pour les bateaux (le

guerre et les appareils de combat dont il remplit les con-

trées du Maghrib. Mais ces sommes furent encore dépas-

sées par celles qu’il employa à faire mettre en liberté les

captifs musulmans, puisqu’il ne restait plus dans les pays

de l’infidélité un seul prisonnier de l’Occident ou de

l’Orient; en une seule année, il obtint la liberté de plus

de 248.000 captifs.

 

Les legs pieux qu’il fit aux deux nobles sanctuaires,

ainsi que les livres de science dont il leur fit don, existent

encore aujourd’hui.

 

Il s’occupa beaucoup des bateaux corsaires sous son

règne, il y eut jusqu’à 20 grands vaisseaux d’escadre et

30 frégates et galiotes; les réïs étaient au nombre de 60,

ayant tous leurs bateaux et leurs marins; comme ma-

rins, il y avait 2.000 Orientaux et 3.000 Maghribins, et, de

plus, 2.000 artilleurs.

 

Son infanterie comprenait 15.000 ‘Abîds et 7.000 hommes

de condition libre l’infanterie fournie par les tribus et

qui participait aux expéditions avec les réguliers compre-

nait 8.000 hommes du Hawz et 7.000 du Garb.

 

Il déployait, s’il se rendait au Mechouar, ou lorsqu’il

sortait avec son cortège, une splendeur immense dont tout

le monde parlait.

 

Les rois et les despotes européens le craignaient. Leurs

envoyés lui apportèrent leurs cadeaux et leurs présents

pour obtenir de vivre en paix avec lui sur mer. Il était

arrivé à ce résultat par son habile politique et son pres-

tige. Il accorda la paix à toutes les nations chrétiennes,

sauf aux Moscovites, parce qu’ils faisaient la guerre au

Sultan ottoman. Quand ils lui envoyèrent leurs ambassa-

deurs et leurs présents à Tanger, il les repoussa et refusa

d’accorder la paix.

 

Il imposa aux nations chrétiennes des tributs qu’elles s’engagèrent à lui payer, et qu’elles payaient réellement chaque année. Cet état de choses se prolongea après lui, mais il a cessé dans ces dernières années. Les nations chrétiennes cherchaient à lui être agréablespar descadeaux, des services et par tous les moyens en leur pouvoir. Dès qu’il écrivait pour lui demander quoi que ce fût à un despote, celui-ci s’empressait de le faire, même si c’était défendu par sa religion. Il obtenait satisfaction d’eux de toutes les façons, bon gré mal gré. Ainsi les deux plus grands despotes chrétiens, qui étaient le despote d’Angleterre et le despote de France, refusaient de lui payer ouvertement le tribut comme les autres Commandeurs étrangers il leur faisait, cependant, payer beaucoup plus par une politique amicale.

Il eut un grand nombre d’enfants, qui furent Abû-

Ibasan ‘Ali, qui était l’aîné, Elmâmoûn, Hichâm, ‘Abdes-

selâm, issus de la maîtresse du palais, Lalla Fâtma, fille

de son oncle Slîmân bn Ismâ’îl ‘Abderrahmân, fils d’une

femme libre Howâriya des Howâra du Sais Yazîd et Mos-

lama, issus d’une captive espagnole convertie Elhasan et

‘Omar, issus d’une femme libre des Ahlâf ‘Abdelouâhéd,

issu d’une femme libre de Rabât Elfeth Slîmân, At-Tâyib

et Moùsa, fils d’une autre femme libre des Ahlâf Elhasan

et ‘Abdelqâder, issus d’une autre femme des Ahlâf ‘Ab-

dallâh, issu d’une femme libre des ‘Arabs Beni Hsen, et

Brâhîm, fils d’une Européenne convertie.

 

Parmi les panégyriques en vers composés en l’honneur

du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallâh (Dieu lui fasse

miséricorde !), il y a l’Ardjoûza du fin et éloquent Abûl-

‘abbâs Ahmad Elounnân, intitulée Echchemaqmaqiya, qui

débute ainsi

 

« N’envoie pas encore le chamelier qui doit faire mar-

cher devant lui les chamelles, et ne leur fait pas faire plus

qu’elles ne peuvent. »

 

Cette Ardjoûza est célèbre elle est en vers excellents

et est composée avec beaucoup d’habileté. Elle témoigne,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

de la part de son auteur, d’une grande puissance et d’une

profonde connaissance de l’histoire des Arabes., de leur

époque, de leur sagesse et de leurs proverbes. Celui qui

l’apprendrait par cœur et la comprendrait à fond pourrait se

passer de tout autre ouvrage de littérature. A l’époque où je

me livrais à l’étude, j’ai soigneusement travaillé à vocaliser

les mots de ce poème, à étudier à fond les récits et les

proverbes qu’il contient, et à disséquer les allusions et les

métonymies qu’on y rencontre, et que j’étais arrivé à

reconstituer entièrement. Je me mis ensuite à rédiger sur

ce poème un commentaire embrassant tous les sens cachés

et rapportant toutes les sources auxquelles l’auteur a

puisé. J’avais écrit environ quatre cahiers, quand les cir-

constances m’empêchèrent de terminer mon ouvrage. Je

demande à Dieu d’éloigner de moi les entraves qui me

retiennent, afin que je puisse travailler pour le bien de

notre religion et de nos affaires humaines, et de me secou-

rir de la félicité en ce bas monde et en l’autre, dans mes

pérégrinations et dans mon repos (1). Lui seul le peut.

Parmi les vizirs du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdal-

lâh (Dieu lui fasse miséricorde !), il y eut le ministre célèbre,

Abû ‘Abdallah Muhammad El’arabi Qâdoûs, surnommé

Efendi. C’était un des familiers du Sultan: il jouissait de

sa faveur et était un des grands de son gouvernement. Il

descendait d’un Espagnol converti. Cet homme était une

véritable étincelle d’intelligence et de vivacité par son

esprit d’organisation et son énergie, il était un des soutiens

du gouvernement de Sîdi Muhammad; pas une seule

affaire de la Cour ne lui échappait. Aussi il avait acquis

une influence et une autorité sans égales à cette époque

les plus hauts personnages de l’Empire attendaient à sa

porte deux, trois jours, sans pouvoir être reçus par lui.

(1) Dieu a bien voulu me permettre de terminer cet ouvrage, qui, Dieu

soit loué, est parfait dans son genre (Note de Vauteur).

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ARCHIVES MAROCAINES

Après la mort du sultan Sidi Muhammad (Dieu lui fasse

miséricorde !), ce vizir fut maltraité par Mawlay Yazîd en

même temps que d’autres gens de Murrâkush, comme nous

le verrons plus loin.

 

Règne du Commandeur des Croyants Mawlay Yazid bn Muhammad ses premières années son développement (Dieu lui fasse miséricorde !)

 

Mawlay Yazîd était l’objet de la sollicitude de son père

(Dieu lui fasse miséricorde !), qui lui témoignait une très

grande estime. Tous les habitants du Maghrib, quels qu’ils

fussent, administrés et soldats, étaient pleins d’affection

pour lui et mettaient en lui leurs espérances. Son nom leur

était sympathique et ils aimaient à entendre parler de lui.

En efl’et, ce Commandeur était généreux, brave il était attaché

fermement aux devoirs de la noblesse; il était pieux; il

tenait à se montrer bienfaisant envers les descendants du

Prophète il aimait les gens de bien et leur faisait des

dons il exécutait les prières quand le moment en venait,

en voyage ou en séjour, et rien ne pouvait l’en détourner.

Il était considéré comme un Commandeur parfait. Mais peu à peu,

il s’était laissé entourer d’ignWahrants qui étaient à son ser-

vice, et qui, à la faveur de leurs assiduités, lui vantèrent

les charmes de l’indépendance et de la révolte contre son

père. Leurs intrigues ouvertes et cachées avaient fini par

faire impression sur lui, et il avait suivi leurs conseils. Ce

fut le fait de sa jeunesse, véritablement, qui le domina,

car, quoique n’ayant pas des aspirations exagérées, mais,

il devança le moment de l’action en se révoltant contre

1. Texte arabe, IV partie, p. 122.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

son père, soutenu par le Jaysh des ‘Abîcls, comme nous

l’avons vu. On eût pu lui appliquer ces vers « Si ‘Amer

dit que c’est par ignWahrance, celle-ci peut être mise sur le

compte de la jeunesse, »

 

II perdit aussitôt, auprès de son père, l’influence qu’il

possédait. Celui-ci, en effet, le destinait au khalifat et le

faisait passer avant ses frères aînés, à cause de son habi-

leté, de la bravoure qu’il avait manifestée à chaque occa-

sion, de son penchant pour la guerre sainte et de sa pas-

sion pour l’art du tir au mortier. Il lui avait confié la

direction des artilleurs et des marins, et l’envoyait chaque

année, avec des notables et des artilleurs, dans les divers

ports, pour inspecter les gens préposés aux forts et aux

batteries et leur enseigner ce qu’ils avaient besoin d’ap-

prendre. Voyant avec quelle passion il s’occupait de ce

service, et la façon dont il réussissait, son père lui fit de

grands cadeaux il le chargea ensuite des relations avec

les consuls étrangers résidant dans les ports, en lui don-

nant mandat de le représenter dans cette œuvre. En 1182,

le Sultan le nomma gouverneur de la tribu de Guerouân,

qui était à cette époque la tribu berbère la plus puissante

en cavaliers et en. fantassins. Il lui confia le soin de les

commander et lui donna pour instruction de mettre un

terme à leur inimitié avec les Aït Idrâsén. Il se rendit

auprès de cette tribu et sut se faire aimer par ces gens. Il

se mit à les aimer lui aussi les fils des notables allaient à

la chasse avec lui, il les aveuglait de cadeaux, leur donnait t

des chevaux, des armes et des vêtements. Ils ne le cmil-

taient plus, et finirent par corrompre son cœur, en lui

conseillant de s’emparer du pouvoir. « Ce trésor qui est

à Qoubbat Elkhayyâtîn, lui disaient-ils, est à ta disposition

personne ne t’empêche de t’en emparer tu t’en serviras

pour établir ton autorité. Quand tu voudras appeler nos

frères les Aït Ou Mâlou, ils n’hésiteront pas un seul ins-

tant à venir auprès de toi, et il n’y a pas d’armée, ni per-

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ARCHIVES MAROCAINES

sonne, qui puisse leur résister. » Ils tournaient continuel-

lement autour de lui pour l’entraîner dans cette voie, si

bien qu’il finit par convoiter le pouvoir et ne parla plus

que de ce sujet.

 

C’est ainsi qu’il informa de ses projets le Qâ’îd des Oû-

dêya, Abû Muhammad ‘Abd Al-Qâdirben Elkhadir, mais

celui-ci, qui était dévoué au Sultan et le servait avec fidé-

lité et loyauté, le prévint aussitôt des rapports de son fils

avec les Guerouân,qui se rendaient chez lui par centaines

à la fois et passaient la nuit avec lui dans la qasba « Je

crains, ajoutait-il, que votre fils ne fasse parler de lui, et

que vous m’en punissiez je vous fais donc part de ce qui

se passe. » Dès qu’il reçut sa lettre, le Sultan envoya son

Qâ’îdErabbâsElbokhâri avec cent cavalierspour s’emparer

de Mawlay Yazîd. Nous avons dit que l’armée et tous les

administrés avaient de la sympathie pour ce Commandeur. Aussi,

à peine arrivé à Salé, le Qâ’îd Al-’Abbâs fit secrètement pré-

venir Mawlay Yazîd qu’il allait être arrêté et qu’il n’avait

qu’à se sauver. Mawlay Yazid quitta Miknâs, à la faveur de

la nuit, avec ses intimes et ses amis les Guerouân, et se ren-

dit chez les Aït Ou Mâlou aussi, quand le Qâ’îd Al-’Abbâs

arriva, Mawlay Yazîd et ses partisans ne se trouvaient

déjà plus dans la ville. Il s’y installa et fit part de ce qui

se passait au Sultan, qui envoya, auprès de Mawlay Yazîd,

son secrétaire Abû ‘Otsmân Sa’îcl Echchlîh. Celui-ci alla

trouver le Commandeur à la Zâouya des Aït Ishaq, où il s’était

rendu, n’ayant été accueilli, chez les Ait Ou Mâlou, que

par les Aït Mhâouch et les Aït Chqîrèn. Quand ce secré-

taire lui eut présenté la lettre du Sultan qui lui pardon-

nait, il partit avec lui pour Murrâkush. A son arrivée dans

cette ville, il alla se réfugier au mausolée de BAl-’Abbâs

Essebti. Le Sultan lui ayant ensuite accordé sa grâce, il

s’entretint avec lui et se disculpa des accusations portées

contre lui, rejetant toute la faute sur ces grossiers Gue-

rouân et déclarant qu’il n’avait pas approuvé leurs projets.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Le Sultan décida dans son for intérieur de les châtier, et à

son retour de Murrâkush, en 1184, il marcha contre eux

jusqu’à Gourîgra, tomba sur eux et leur tua près de

500 hommes, comme nous l’avons rapporté.

Quant à Mawlay Yazîd, il le fit résider à Fâs El’ouliâ,

avec ses frères Mawlay ‘Ali et Moulay Wbderrahmân. Au

bout d’un certain temps, un combat eut lieu entre lui et

Mawlay ‘Abderrahmân, en plein Fâs Eljedîd des deux

côtés un certain nombre de gens périrent. Aussitôt qu’il

sut cela, le Sultan se rendit à Miknâs, d’où il envoya quel-

qu’un pour arrêter ses deux fils. Mawlay ‘Abderrahmân

et ses gens furent seuls pris Mawlay Yazîd s’enfuit au

tombeau de Mawlay Idrîs l’aîné, dans le Zerhoùn, puis

fut ramené par les chérîfs auprès de son père, qui lui par-

donna et rendit également la liberté à Mawlay ‘Abderrah-

mân. Le Sultan fit ensuite une enquête sur les serviteurs

de ses deux fils, et quand il connut ceux d’entre eux qui

étaient honnêtes et ceux qui ne l’étaient pas, il les fit tous

sortir de prison. Aux premiers, il donna la liberté, et aux

seconds, qui étaient au nombre de trente, il fit couper un

pied et une main alternés. Mawlay ‘Abderrahmân fut

envoyé à Miknâs, et Mawlay Yazîd à Fâs. Peu de temps

après, en faisant une course sur l’hippodrome et en jouant

à la poudre, Mawlay ‘Abderrahmân tua un homme des

Beni Mtîr. Les contribules de la victime étant venus se

plaindre à leur Qâ’îd Muhammad bn Muhammad Ou ‘Azîz,

celui-ci paya de sa poche le prix du sang, et, après avoir

obtenu qu’ils renonçassent à leur réclamation, il fit dres-

ser un acte constatant ce renoncement. Le calme fut aus-

sitôt rétabli. Sur ces entrefaites, le Sultan envoya son Qâ’îd

Al-’Abbâs à Miknâs, pour mettre à mort divers individus

qui étaient dans la prison de cette ville. Mawlay ‘Àbder-

rahmân, qui croyait que son père avait eu connaissance du

meurtre du Mtîri, et que ce Qâ’îd venait pour cette affaire,

s’enfuit de Miknâs pendant la nuit et gagna Wujda et de

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ARCHIVES MAROCAINES

là Tlenisên. Quand le Sultan fut avisé de sa fuite, il de

manda quelle en était la raison dès qu’il sut par le Qâ’îd

Al-’Abbâs ce qui s’était passé, il envoya Y aman à son fils,

qui, méfiant, quitta Tlemsèn et alla à Sijilmâsa. Le Sultan

dépêcha quelqu’un auprès de lui, pour l’assurer de son

pardon et le ramener, mais il n’eut pas confiance et s’en-

fuit dans le Sous. Puis, le Sultan lui ayant encore envoyé

l’amân dans le Sous, il partit pour le Sud, et parcourut

cette région de tribu en tribu jusqu’à la mort de son père

(Dieu lui fasse miséricorde !). A ce moment-là, il revint à

Tàroûdânt, où il demeura, cherchant à obtenir le pouvoir,

mais sans succès, puis il mourut (Dieu lui fasse miséri-

corde !).

 

De son côté, Mawlay Yazîd resta a Fâs jusqu’au jour où

il se rendit à Murrâkush, appelé par son père. Sur ces entre-

faites, était survenue la révolte des ‘Abîds contre le Sul-

tan, provoquée par la question de la garnison qu’il leur

avait ordonné d’envoyer à Tanger, comme nous l’avons

rapporté. Mawlay Yazid fut envoyé pour calmer cette sédi-

tion et les ramener dans le droit chemin. Mais quand il

fut rendu auprès d’eux, ils l’excitèrent par leurs propos,

et remuant chez lui ce qui était en repos, ils firent appa-

raître ce qui était caché ils le proclamèrent et pronon-

cèrent la khotha en son nom, ainsi que nous l’avons déjà

raconté en détail. Qaddoûr bn Elkhadir et les Udaya se

séparèrent de lui, et repoussèrent les dons considérables

qu’il leur envoya, quand, ayant ouvert le Trésor, il voulut

se les concilier. Muhammad Ou ‘Azix et ses l3erhers ayant

fait cause commune avec les Oùdéya, Mawlay Yazîd vint

attaquer ses adversaires. La rencontre eut lieu à Elmou-

chtecha, à Miknâs le Commandeur fut battu et plus de cinq

cents ‘Abîds furent tués. Le Sultan arriva alors avec ses

soldats et les contingents des tribus. Mawlay Yazîd s’en-

fuit au Zerhoùn, où son père le poursuivit. Celui-ci, après

avoir visité Mawlay Idrîs (Dieu soit satisfait de lui !), accéda

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCIl. MABOC. 24

 

aux prières des chéi-ifs Drîsis en faveur de son fils et

Ini pardonna. Il l’envoya alors en Orient, où il commit

à la Mekke, vis-à-vis du Cheikh Errekb, l’acte que nous

connaissons, et qui constituait une véritable désobéissance.

Cette conduite amena le Sultan à le renier. Il revint

d’Orient en 1203 et se réfugia au mausolée du chéïkh

‘Abd As-Slâmben Mechîch. Il y demeura jusqu’à la mort

de son père, ainsi que nous l’avons raconté. Dieu est le

protecteur

 

Prestation de serment au Commandeur des Croyants Mawlay Yazid ben

Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde!) 1.

 

Mawlay Yazîd était dans le sanctuaire Mechichi, quand

il reçut la nouvelle de la mort du sultan Sîdi Muhammad

(Dieu lui fasse miséricorde !) qui survint à la date précitée.

Les chérîfs de l’endroit et tous les gens du Jbal le pro-

clamèrent, ainsi que les hommes de l’armée qui l’assié-

geaient, et dont nous avons parlé. Voyant que le succès

commençait, il se rendit à Tétouan, qui était la ville la plus

proche, et reçut le serment de fidélité des habitants et des

tribus voisines. Il déchaîna les soldats sur les Juifs de

Tétouan, les livra au pillage et s’empara de leurs biens

II reçut ensuite des délégations de Tanger, d’El’arêïch et

d’Aséïla, auxquelles il fit l’accueil nécessaire. Puis il se

mit en route pour Tanger; les soldats de cette ville se

portèrent à sa rencontre il leur témoigna sa joie de leur

venue et leur fit des cadeaux. Arrivé dans cette ville, il

reçut des gens de Fâs une députation composée de ‘oulama,

de shurfas et de notables il traita généreusement ces

députés et leur donna comme gouverneur Abû ‘Abdallah

Muhammad El’arabi Eddîb. De là il se rendit à El’areïch;

1. Texte arabe, IV* partie, p. 124.

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ARCHIVES MAROCAINES

il y trouva l’entourage de son père, ses serviteurs et les

grands de son empire, qui avaient entre les mains ce qu’il

avait laissé, ses tentes, ses chevaux, ses mules et tous ses

autres bagages. Il fut généreux envers eux; ils firent

escorte à son étrier jusqu’au Zerhoûn. Là, il fut salué par

son frère, Moîilay Slîmân, qui venait de Tâfîlêlt, escorté

des tribus arabes et berbères du Sahara, apportant la béï’à

des gens de Sijilmâsa. Avec lui était arrivé Muhammad Ou

‘Aziz, qui lui avait demandé protection, dans la crainte où

il était que Mawlay Yazîd ne voulût se venger de ce qu’il

s’était écarté de lui du temps de son père, et qui amenait

toutes ses tribus; mais le Sultan, en le recevant, lui par-

donna et lui confirma son commandement. Arrivé à Mék-

nès, le Sultan reçut toutes les tribus arabes et berbères du

Garb. Les révoltés Aït Ou Mâlou eux-mêmes vinrent, con-

duits par leur dejjâl Mhâouch: il donna, à ce dernier seul,

10.000 douros et 100.000 à ceux qui étaient venus avec lui.

Puis ce fut le tour des tribus du Hawz, arabes et berbères;

personne ne manqua d’apporter sa bay’a. Enfin, les gens

de Murrâkush et des environs vinrent présenter leur ser-

ment de fidélité, dont voici le texte

 

« Louange à Dieu, qui, seul, possède la royauté, le pou-

voir de créer et d’administrer, qui a créé toutes choses

par sa sagesse et en a tiré le grand et le petit, qui n’a pas

besoin d’auxiliaire, ni de guide ni de ministre. Il connaît

ses créatures, le Clément qui sait tout. Il donne le pouvoir

à qui bon lui semble, et il élève qui il veut il gouverne

tout et il peut tout. Il établit les rois pour comprimer les

oppresseurs; il les nomme pour leur laisser conduire ces

serviteurs à l’ombre de la paix et de la tranquillité, et il

leur fait prêter serment de fidélité pour garantir contre

les troubles et les révolutions, et punir les méchants et

les rebelles. Les rois sont l’ombre de Dieu sur les hommes,

une forteresse puissante pour les grands et les humbles,

ainsi que l’a déclaré le Seigneur des Créatures, sur lui soit

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

la prière la plus noble et le salut le plus pur. Qu’il soit

béni, notre Dieu qui a anobli cette terre et orné ce bas

monde de ces khalifes bénis, de ces imans hasanis hâchmis

et ‘alaouis, cette famille de Qoréïch issue de Muhammad,

vers laquelle se tournent tous les visages, et qui fait appa-

raître la vérité, dès qu’on lui proclame fidélité et qu’on

invoque son nom obéi. Nous le louons de nous avoir gra-

tifié de ces imâms fortunés, et nous lui adressons (qu’il

soit glorifié !) des remerciements qui soient pour nous le

gage d’une paix croissante et complète.

 

« Nous attestons qu’il est le Dieu tel qu’il n’y a pas

d’autre Dieu que lui, qu’il n’a pas d’associé, que tout ce qui

existe est son œuvre, et qu’il dirige les événements sui-

vant les décisions de sa sagesse et de sa justice.

« Nous attestons que notre Seigneur, notre Prophète,

notre Maître Muhammad est son serviteur et son envoyé,

l’élu qu’il a choisi parmi ses créatures et son ami, le sei-

gneur de toutes les créatures, hommes et génies, issu de

la noble famille de Mou’add, fils de ‘Adnân, le fondateur

de la Loi pure sur laquelle deux personnes seulement ne

sont pas en désaccord, de la religion solide qui est la meil-

leure des religions, celui à qui Dieu a donné la faveur

d’être le premier et le chef des prophètes, celui au peuple

brillant duquel ont été prescrits la prière et le salut, lui

dont il a fait l’éloge, et quel noble éloge dans son livre

sage, en disant « Ses qualités et ses noms sont sanc-

« tifiés tu es certes une glorieuse et sublime créature. »

« Que Dieu prie sur lui d’une prière éternelle, qui con-

tinue avec la succession des nuits et des jours; qu’il prie

sur sa famille généreuse et pure, sur ses compagnons

nobles, illustres et bons qui nous ont dévoilé clairement

la vérité, et qui ont établi les bases et les piliers de cette

religion généreuse, et sur ceux qui ont suivi leurs traces

solides et marché dans la voie droite qu’ils ont tracée, jus-

qu’au jour du jugement dernier.

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AliCIIIVES MAROCAINES

«Ensuite:

 

« Dieu Très-Haut a voulu que la prospérité de ce monde

et de ses diverses contrées habitées par les descendants

d’Adam dépendit des iniânis savants et fût assurée par les

rois qui sont l’ombre de Dieu sur les créatures. Leur obéir,

tant qu’ils sont dans la vérité, et qu’ils respectent Dieu

est un bonheur, et c’est alors un devoir et une façon de

servir Dieu que de s’appuyer sur leur autorité. Le glo-

rieux qui parle a dit « 0 vous qui avez la foi, obéissez à

« Dieu, obéissez au Prophète et a ceux d’entre vous qui

« ont le pouvoir. » II a dit (sur lui soit le salut !) « Si je

« vous mettais sous les ordres d’un esclave noir inutile, et

« qu’il vous administrât conformément au Livre de Dieu,

« vous devriez l’écouter et lui obéir. » lia a dit aussi (sur lui

soit le salut !) « L’homme musulman doit écouter et obéir

« bon gré mal gré, sauf s’il reçoit l’ordre de faire un acte

« de révolte contre Dieu; dans ce cas, il ne doit plus y

« avoir de soumission ou d’obéissance. » II a dit aussi fsur

lui soit le salut!) « Quiconque désobéira et se séparera de

« la communauté, s’il meurt, mourra d’une mort païenne.

« Quiconque combattant sous l’étendard général se fâchera

« contre une minorité, ou fera des vœux pour une uiino-

« rité, ou secourra une minorité, s’il est tué, sera tué en

« païen. Quiconque ayant à lutter contre mon peuple s’atta-

« quera aussi bien au bon qu’au mauvais, ne respectera

« pas les croyants et ne tiendra pas les engagements pris

« envers eux, ne m’appartient pas, et je ne lui appartiens

« pas. » Ces hadîts ont été tous rapportés par Moslim. Il a

dit aussi (sur lui soit le salut !) « Le Sultan est l’ombre de

« Dieu sur la terre pour que le faible se réfugie auprès de

« lui et que l’opprimé lui demande son abri. Quiconque

« aura honoré le Sultan de Dieu sur la terre, Dieu l’hono-

« rera au jour du jugement dernier. » Il a dit aussi (sur

lui soit le salut!) « Le Sultan juste et qui se fait humble

« est l’ombre de Dieu et sa gloire sur la terre Dieu le fera

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« profiter des bonnes œuvres de soixante-dix justes. »

« Les membres de la famille du Seigneur des Envoyés

étant ceux de Qoréïch, qui tiennent la plus grande place

dans le cmur des croyants, et qui ont le rang le plus élevé

auprès du .Maître des mondes, le Très-Haut leur a assigné

un mérite considérable parmi ses créatures, et leur a

accordé la gloire, l’élévation, la splendeur et la magnifi-

cence. Dieu Très-Haut a dit « Pour vous laver de la souil-

« lure du péché et vous purifier, Dieu ne veut pour vous

« que les gens de la famille du Prophète. » Le Prophète a

dit (sur lui soient les prières et le salut!) « Les étoiles

« sont la sécurité pour les habitants du ciel; les gens de

« ma famille sont la sécurité pour mon peuple. »rparmi les

membres de cette noble famille dont Dieu nous a gratifiés

est celui à qui Dieu a confié la plus noble magnificence et

la plus magnifique noblesse, qu’il a chargé de sa puissance

glorieuse, qu’il a élevé au premier rang, la colonne de

gloire dont l’illustration n’est pas contestée, l’unique en

mérite dont la situation et la dignité doivent être glori-

fiés, l’imâm auquel ont été confiées les rènes du pouvoir,

auquel l’ont appelé les hommes de mérite à cause de son

mérite, celui auprès duquel le khalifat est venu en éten-

dant son manteau, et qui l’a pris à l’exclusion de ses frères,

car il ne convient qu’à lui et lui seul en est digne, celui

qu’aiment tous les cœurs des créatures, et qui, sur cette

terre, a réuni l’agrément de tous par sa gloire et ses

hautes aspirations, le Sultan fortuné, qui met sa confiance

dans son Maître qui le soutient et le dirige, notre Seigneur

et notre Maître Yazîd, fils de notre Maître l’imâm, le Sul-

tan, le héros dans la miséricorde de Dieu, Sîdi Muhammad,

fils de notre Seigneur le Commandeur des Croyants Mawlay

‘Abdallah, fils du Sultan noble, le Commandeur des Croyants

Mawlay Ismâ’il, fils de nos maîtres et seigneurs les chérîfs

pleins de mérite, de générosité et de justice, que Dieu

sanctifie leurs âmes au plus haut point du Paradis, et

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ARCHIVES MAROCAINES

veuille bien leur accorder sa satisfaction et son agrément!

Dieu fortifie la religion par le maintien de ce Commandeur, har-

cèle par son épée les hérétiques, range les ennemis sous

son étendard, lui décrète son secours jusqu’au jour de la

résurrection, l’établisse le protecteur de la terre contre

ceux qui ne professent pas de religion, fasse revivre, par

sa justice, l’époque de ses ancêtres les khalifes orthodoxes,

fasse régner dans les cœurs la confiance en lui et le res-

pect pour lui, lui donne le pouvoir sur la terre et l’autorité

sur les régions de son empire Certes, il mérite l’héritage

de ses ancêtres savants, de ses pères généreux tout le

monde proclame qu’à cette époque il est le seul entre

tous, et que, sur la terre, il est l’imâm qui s’élève dans le

ciel matinal de ce faîte glorieux, le seul successeur des

imâms passés. Béni soit cet imâm! béni soit ce khalife, reje-

ton de la famille bienfaisante, représentant en lui seul les

fils du Prophète, de l’Élu. Que Dieu glorifie son Empire

chérifien et éclaire la surface du globe des lumières de

son royaume illustre et élevé!

 

« Une réunion a été tenue des habitants de cette capitale

de Murrâkush (Dieu le protège !), des gens du Soùs, de tous

les Rhâmna et des nombreuses tribus qui l’entourent,

comme en témoignent les signatures apposées au bas des

présents par ceux qui savent écrire, ou celles des ‘adoul

dignes de foi pour ceux qui ne savent pas écrire et qui les

ont autorisés à signer à leur place, et il a été procédé à la

rédaction de la bé’ra, qui a pu être complétée par la volonté

de Dieu, et dont les nuages ont répandu une pluie abon-

dante. Cette bay’a est fortunée, de bon augure, noble, cer-

tainement parfaite au point de vue religieux et terrestre,

valable et légale, respectée et honorée, obligatoire et per-

pétuelle, nécessaire et décisive, sincère et claire, faite en

vue de la paix et de la sécurité, de la morale et de la

piété, et conforme au serment prêté à notre Maître le Pro

phète de Dieu (Dieu prie pour lui et lui donne le salut

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

par les khalifes orthodoxes (lui lui ont succédé et par les

imàms bien dirigés et qui ont accompli leurs engagements

envers lui. Elle comporte la soumission et l’obéissance

elle porte obligation conformément à la Sounna et à la doc-

trine orthodoxe. Les soussignés s’en réjouissent et témoi-

gnent de ce qui précéde en toute sincérité intérieure et

extérieure. Ils se sont engagés solennellement à l’observer

et l’ont rendu exécutoire d’une façon qui les engage secrè-

tement et publiquement, dans la joie comme dans la peine,

dans l’aisance comme dans la gène.

 

« Ce serment a réuni l’unanimité des arbitres de toutes

les affaires, de ceux dont les avis sont écoutés dans les

grandes et les petites questions, de ceux qui se distinguent

par la science et les fonctions de juge, et de ceux à qui il

appartient de défendre et d’ordonner. Tous sont d’accord

à ce sujet, les imâms des mosquées, les khatîbs, les muftis

qu’on consulte et qui répondent, ceux qui étudient une

opinion et sont susceptibles d’erreur ou de vérité, les gens

réputés pour leur piété et leur vertu, les cavaliers qui

combattent et attaquent, ceux qui savent donner des coups -s

de lance ou frapper avec le sabre, les fonctionnaires et les

magistrats, les savants doctes, ceux qui emploient le sabre

ou la plume, les notables chérîfs, les grands docteurs, et

ceux dont le rang est humble ou élevé. Ce serment cons-

titue un bienfait du Dieu unique. Ils disent tous « Dieu

« soit loué qui nous a conduits à cette décision. Si Dieu

« ne nous avait pas conduits dans la bonne direction, nous

« ne nous y serions pas engagés. Ceux qui te prêtent ser-

« ment de fidélité prêtent serment à Dieu. »

 

« Tous les présents, grands et petits, ont fait dresser

témoignage du contenu du présent engagement, dont ils

s’obligent à observer tous les devoirs généraux et particu-

liers qui en découlent. Ils disent « 0 mon Dieu de même

« que tu as appelé, avec plus grands honneurs, notre Maître

« le Commandeur des Croyants, que tu l’as agréé pour remplir la

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ARCHIVES MAROCAINES

« charge d’imâm, que tu l’as choisi parmi les plus nobles,

« et que, par lui, tu nous as tous préservés du malheur,

« donne-lui ton appui robuste, attribue-lui une part glo-

« rieuse et abondante de ta protection et de ton soutien,

« fais-lui obtenir dans tous ses désirs un succès évident, un

« triomphe qui l’appuie et le secoure! 0 mon Dieu! rends-

« nous heureux par son règne, protège-le de ta protection

« dans ses voyages et ses séjours, fais que la bay’a que nous

« lui apportons éternise ses œuvres, fortifie sa grandeur et

« sa puissance 0 mon Dieu aide-le dans la charge que

« tu lui as confiée des affaires de tes serviteurs, pacifie pour

« lui les contrées de ton Empire, fortifie-le pour qu’il puisse

« te satisfaire et qu’il soit par toi un saint et un Sultan vic-

« torieux Exauce nos prières, car c’est toi qui en es digne,

« toi qui le peux! Quel bon maître, quel bon protecteur tu

« es c’est toi seul qui peux répondre à nos vœux!

« II n’y a de force et de puissance qu’en Dieu le sublime,

« le grand.

 

« Dieu prie pour notre Seigneur et notre Maître Moham-

« med, pour sa famille et ses compagnons, et leur donne

« le salut!

 

« Notre dernière invocation est Louange à Dieu, le

« Maître des mondes!

 

« Le 18 cha’ban de l’année 1204. »

 

-Transfert des Udaya de Méknés à Fâs, et des ‘Abîds des ports à Miknâs

Le sultan Mawlay Yazîd (Dieu lui fasse miséricorde !), pendant son séjour à Miknâs, ordonna aux Udaya de quitter cette ville et de retourner à Fâs Al-Jadîd, leur lieu d’origine et le point de départ de leur puissance et de leur force. Il alloua à chacun d’eux 50 douros, a titre de secours pour leurs frais de déplacement. Ils retournèrent donc à Fâs Al-Jadîd, après trente années d’absence à Miknâs, dans les conditions que nous avons rapportées. Après cela, il ordonna aux ‘Abîds des ports de revenir à Miknâs et de s’y réunir tous, et leur fit don des sommes qui se trouvaient dans les caisses publiques des villes où ils résidaient. Après s’être partagé cet argent, ils se mirent en route pour Miknâs, remplis de joie.

Rupture de la paix avec les Espagnols; siège de Ceuta1. 1.

Manuel le Castillan dit, dans son livre d’histoire du Maroc « En arrivant au pouvoir, Mawlay Yazîd ben Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde !) manifesta son hostilité contre les Espagnols et résolut de leur déclarer la guerre. Leur despote employa tous les moyens possibles pour échapper à cette menace il envoya même un ambassadeur à Tanger auprès du Sultan, pour le féliciter de son avènement et pour obtenir ses bonnes grâces.

Mais Mawlay Yazîd repoussa ses avances, fit peu de cas de cet ambassadeur et des présents qu’il apporta, et prit des mesures contre tous les Espagnols, négociants, frères et autres, qui étaient dans ses ports. Il les fit arrêter et conduire enchaînés à Tanger, où il les mit en prison. Les corsaires de guerre des Musulmans, ajoute Manuel, étaient à cette époque au nombre de 16 et armés de 306 canons. »

Nous avons déjà rapporté, cependant, qu’il y en avait un bien plus grand nombre.

Les prisonniers chrétiens étaient toujours en prison quand il arriva qu’un corsaire espagnol qui croisait sur les côtes de Larache captura un navire et s’empara d’une partie de l’équipage. Le Sultan, qui se trouvait alors à Larache, observait cette capture, avec une lorgnette, de la terrasse de son palais. Il envoya porter des secours au navire capturé, mais les Espagnols purent s’échapper.

Plus tard, le Sultan et le despote d’Espagne échangèrent ces captifs contre les prisonniers de Tanger. »

Le sultan Mawlay Yazid (Dieu lui fasse miséricorde !) marcha ensuite contre Ceuta, et appela les populations à la guerre sainte pour venir faire le siège de cette place.

Il emmena avec lui des canons et des mortiers, et fit construire devant la ville sept redoutes, qui furent presque toutes occupées par les Fennîchs de Salé. Des gens des villes et des campagnes allèrent volontairement se joindre à lui de toutes les vallées et de toutes les montagnes.

Après avoir assiégé Ceuta pendant quelque temps, le Sultan s’éloigna et partit pour Murrâkush, appelé par une affaire. Mais arrivé à la ville d’Ânfa, l’idée lui vint de retourner sur ses pas, et il revint camper devant Ceuta, où il recommença avec opiniâtreté les opérations du siège.

Il convoqua à la guerre sainte et à la croisade les tribus du Hawz, mais elles ne répondirent pas à son appel. Il était alors sur le point de prendre la ville. Il arriva donc ce que nous allons raconter.

-Les gens du Hawz abandonnent le sultan Mawlay Yazîd ben Moahmmed et proclament son frère Mawlay Hishâm (Dieu leur fasse miséricorde à tous deux !)

Lorsque les tribus du Hawz s’étaient rendues à Miknâs auprès du sultan Mawlay Yazid, elles avaient remarqué de la part du souverain certaine froideur à leur égard. Il ne leur avait pas fait de cadeau, tandis qu’il en avait distribué notamment au Berbers et aux Oûdèya. Elles avaient conçu de lui une mauvaise opinion, et leurs cœurs s’étaient remplis d’amertume contre lui. A leur retour dans leur pays, les chefs de ces tribus se rendirent les uns chez les autres. Les Rhâmna furent ceux qui s’agitèrent le plus.

Enfin, les gens de Murrâkush, de ‘Abda et les autres tribus du Hawz se mirent d’accord pour confier à Mawlay Hishâm le soin de les gouverner, et lui apportèrent leur serment de fidélité et d’obéissance. Apprenant cela, Mawlay Yazîd abandonna le siège de Ceuta, partit pour le Hawz, dispersa les tribus et arriva à Murrâkush, qu’il prit de vive force. Son entrée dans la ville eut lieu, dit-on, par la porte appelée Bâb Yaghlâ. Il mit la ville au pillage, tua et arracha les yeux de plusieurs des habitants. Ce fut un terrible événement. Mawlay Hishâm réunit pour le combattre les tribus de Doûkkâla et de ‘Abda, et marcha sur Murrâkush. Mawlay Yazîd se porta contre lui, une bataille eut lieu à l’endroit appelé Tâzkûrt les troupes de Mawlay Hishâm furent battues et poursuivies par Mawlay Yazîd, qui fut atteint d’une balle à la joue. Il rentra à Murrâkush pour soigner sa blessure et en mourut (Dieu lui fasse miséricorde !) dans les derniers jours de Jumâda II 1206. Il fut enterré dans le cimetière des Shurfa, du côté méridional de la mosquée d’Al-Mançûr, dans la qaçba de Murrâkush.

Ce Commandeur (Dieu lui fasse miséricorde !) était vraiment un des braves, des généreux et des héros de la famille de ‘Ali son degré d’intelligence et ses capacités atteignaient à un degré bien connu, et il avait à cet égard cette avance qu’on ne peut pas rattraper. Les tentatives des envieux (Dieu leur pardonne ainsi qu’à nous !) ne pouvaient pas l’atteindre, car ils étaient loin de le valoir, et la noblesse de son esprit le mettait au-dessus de leurs machinations. (Que Dieu les enveloppe tous de son pardon et de miséricorde Amîn !)

 

Racontons maintenant les événements qui se passèrent

durant cette période.

 

En 1142, durant le mois de cha’bân, mourut le fqîk

très docte, Abû ‘Abdallah Muhammad Essoûsi Elnian-

soûri, qâdi de Salé, qui fut enterré à la Tâl’a de cette ville

dans le voisinage du saint vertueux Sîdi Mgéïts. Il est

l’auteur d’un commentaire sur le Mokhtasar d’Essenoùsi

qui traite du Mantiq, et d’un second commentaire sur l’ou-

vrage de cet auteur.

 

Le samedi matin, 28 moharrem 1143, mourut le fqîk, le

tnrâbet béni, Sidi Elhâddj Elgezouâni bn Elbagdâdi, des-

cendant de l’illustre saint Sîdi Muhammad Echcharqi

(Dieu soit satisfait de lui !). Il fut enterré dans sa maison

voisine de Sîdi Mgéïts.

 

Le mercredi 28 safar 1144, mourut le fqîlz très docte,

l’imâm Abû ‘Abdallah Sîdi Muhammad bn ‘Abder-

rahman bn Zekri Al-Fâsî, auteur d’ouvrages utiles et de

réponses bien présentées (Dieu lui fasse miséricorde et

soit satisfait de lui !).

 

Le vendredi 4 rejeb 1146, fut terminée la construction

de la coupole de « l’ami de Dieu » Abûrabbâs Sîdi

Elhâddj Ahmad bn ‘Acher (Dieu soit satisfait de lui ‘.)

qui fut élevée par les soins du Qâ’îd Abû ‘Abdallah Elha-

wouât. Le même mois, trépassa dans la Zâouya du

Zerhoûn, le fqîh, le qâdi le casuiste, Abûrabbâs Sidi

Ahmad Echcheddâdi.

 

En 1150, naquit le chéïkh Abûrabbâs Ahmad Ettij-

jâni, fondateur de la confrérie Tijjâniya, dont nous parle-

rons bientôt, s’il plaît à Dieu. La même année, eurent lieu

dans le Maghrib une grande famine, des révoltes, des vols”

nocturnes à Fâs et dans les autres villes. Tout le monde

devenait voleur, et les gens riches devaient veiller la nuit

pour garder leurs maisons et leurs biens. Un nombre

incalculable de gens moururent de faim. Le gardien du

Màristân raconte qu’il avait mis dans le linceul, pendant

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

les mois des rejeb,cha’bânet ramadan, plus de 80.000 morts.

Dans ce chiffre ne sont pas comptés ceux qui furent enve-

loppés de leur linceul dans leur maison. Ceci eut lieu à

Fâs on peut juger par là du nombre de gens qui mouru-

rent dans les autres villes.

 

Le mercredi 22 chouwâl 1158, à midi, mourut le i’qih

docte, Si Aboii ‘Amar “Otsinân Ettouâti, qâdi de Salé, qui

fut enterré dans le cimetière de Sîdi Elhàddj Ahmad ben

‘Àchér (Dieu soit satisfait de lui !).

 

En 1163, la peste se déclara dans le Il y eut aussi

la sécheresse. Toute la population se trouva en détresse.

Dieu, dans sa clémence, améliora ensuite la situation.

En 1169, il y eut un grand tremblement de terre au

Maghrib. Presque tout Miknâs et les habitations du

Zerhoùn furent détruites. Un grand nombre de gens pé-

rirent parmi les ‘Abîds seulement, il mourut près de

5.000 personnes. Luiz Maria parle de ce tremblement de

terre. Il dit qu’il dura un quart d’heure, que la terre s’en-

tr’ouvrit et que la mer fut très agitée. Les eaux de l’Océan

s’élevèrent au-dessus de la muraille de Eljedîda et se

répandirent dans la ville un grand nombre de poissons

restèrent dans la ville, quand la mer fut rentrée dans ses

limites habituelles. Elle déborda aussi sur les terrains de

pâture et de culture des habitants, ainsi que sur les re-

doutes, qu’elle rasa complètement. Les bateaux et les

canots du port furent presque tous brisés les chrétiens

de la ville s’enfuirent dans l’église, laissant leurs maisons

ouvertes. Malgré cela, rien ne fut volé, tout le monde

étant préoccupé de se sauver. L’auteur du Nachr Elmal-

sâni dit aussi, au sujet de ce tremblement de terre « Le

samedi 26 moharrem 1169, à l’aube, la terre trembla et

s’inclina à l’est et à l’ouest pendant cinq minutes. L’eau

des vasques et des bassins entra dans les maisons. Les

sources se troublèrent. Les rivières cessèrent de couler.

Les maisons furent démolies, les murs se fendirent, et

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ARCIIIVES MAROCAINES

on dut les abattre complètement de peur qu’ils ne tom-

bassent. Les gens furent pris de panique et abandon-

nèrent leurs boutiques et leurs marchandises. A Salé, la

mer se retira sur une très grande étendue. Des gens

étaient allés voir ce phénomène, quand tout d’un coup la

mer revint du côté du rivage, et dépassa de beaucoup sa

limite habituelle. Tous ceux qui étaient en dehors de la

ville de ce côté-là furent engloutis. Une caravane qui se

rendait à Morràkch, et qui contenait un grand nombre

d’animaux et de gens, périt entièrement. La mer repoussa

jusqu’à une très grande distance dans l’intérieur les

allèges et les canots qui se trouvaient sur le fleuve. Envi-

ron vingt-six jours après, il se produisit un nouveau

tremblement de terre, plus violent que le premier, après

la prière du ‘achà ce fut celui-là qui causa tant de dégâts

à Miknâs, que près de 10.000 personnes périrent sous les

ruines, ainsi qu’à Fâs, où il fit beaucoup de mal. » Voyez

ce que cet auteur dit à ce sujet, car il décrit l’événement

avec beaucoup de développements.

 

Le dimanche 28 rabî’ II 1177, il y eut une éclipse de

soleil, pendant laquelle le soleil apparut comme un crois-

sant, puis se remit à briller presque aussitôt.

 

Le dimanche 28 rabî’ II 1181, mourut le chérit baraka

Mawlay At-Tâyib bn Muhammad Elouâzzâni, à l’âge de

plus de quatre-vingts ans.

 

Le mercredi 28 djoumâda Ier 1192, après la prière du

‘asar, il eut une éclipse de soleil; l’obscurité fut si com-

plète qu’on vit les étoiles. Au bout d’une demi-heure en-

viron, le soleil reparut.

 

Dans les années qui suivirent l’année 1190, eut lieu une

grande famine dans le Maghrib il n’y eut pas de pluie, la

sécheresse se produisit et il y eut des désordres dans le

pays cette situation dura près de sept ans.

 

Dans les derniers jours de rabî’ II 1194, mourut le

chéïkh très docte, l’imam, le scrutateur éminent Abû

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

‘Abdallah Muhammad bn Elhasan Bennîini Al-Fâsî, le

fqth bien connu. Il est l’auteur de beaux ouvrages, comme

sa remarquable Hûchia sur le commentaire du Mokhlasar

de Khelîl par le chéïkh ‘Abdelbâqi Az-Zerqâni. Dans sa

Hâchia, le très docte Errhoùni dit qu’à la nouvelle de la

mort de ce personnage, le chéïkh At-Tâwudîben Souda se

mit n pleurer. Quelqu’un l’ayant rencontré lui dit « Que

Dieu envoie sur vous sa bénédiction! Il ne reste plus de

bénédiction maintenant que cet homme a disparu », répon-

dit le chéïkh qui connaissait la valeur du défunt.

Le samedi 18 safar 1196, au matin, mourut le chérîf

baraka Mawlay Ahmad bn At-Tâyib Elouâzzâni (Dieu lui

fasse miséricorde et nous le rende utile, lui et ses ancê-

tres Amîn!).

 

Révolution au Maghrib apparition des trois rois, fils de Sîdi

Muhammad bn ‘Abdallah résultats de cette situation

Après le meurtre de Mawlay Yazîd (Dieu lui fasse misé-

ricorde !) à Morràkch, la division éclata dans le Maghrib.

Les gens du Hawz et de Murrâkush restèrent fidèles au parti

de Mawlay Hichâm, qui fut vivement soutenu par le Qâ’îd

Abû Zéïd ‘Abderrahmân bn Nâser El’abîdi, gouverneur

de Safi et des territoires circonvoisins, par le Qâ’îd Abû

‘Abdallah Muhammad Elhâchmi bn ‘AlibenEraroûsiEd-

doûkkâli Elboûzirâri. D’un autre côté, Mawlay Muslama

ben Muhammad, frère utérin de Mawlay Yazid, qui était

son khalîfa pour les pays d’Elhabt et du Jbal, et qui

administrait les ports de cette région, dont il surveillait

les affaires, se mit, dès qu’il apprit la mort de son frère,

à appeler sous son autorité les habitants de ces contrées

qui le proclamèrent d’un commun accord. Enfin, dès qu’ar-

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 129.

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ARCHIVES MAROCAINES

riva à Fâs et dans la région avoisinante la nouvelle de la

mort de Mawlay Yazîd, les populations prêtèrent serment

de fidélité à Mawlay Slimân bn Muhammad (Dieu lui

fasse miséricorde !), dont nous allons rapporter l’histoire.