Ibn Idhari, Bayan al-Maghrib, première description de l’Espagne et histoire mythique (avant les Goths), 1312 n-è

Description de l’Espagne ; sa prééminence.

Ce pays est une presqu’île de forme triangulaire ou à peu près : un angle se trouve à la colonne de Cadix, le second en Galice sur la même ligne que l’île de Bretagne (Bartàniya), là où se trouve une colonne semblable à celle de Cadix ; le troisième est à l’Est entre les villes d’Arbûna (Narbonne) et de Burdhil (Bordeaux), au point où l’Océan occidental se rapproche de la partie syrienne de la Méditerranée et où l’on pourrait dire en quelque sorte que ces deux mers se réunissent. L’Espagne serait donc une île si elle n’était rattachée à la Grande-Terre par son dernier côté sur une longueur d’une pleine journée de marche ; c’est là que se trouve le passage appelé Al-Abwâb. Ce pays est donc entouré de toutes parts par la mer : l’Océan occidental et la Méditerranée Méridionale, qui remonte aussi quelque peu à l’Est; les limites orientale, occidentale et, en partie, septentrionale, sont formées par l’Océan, une partie des limites méridionales et orientales l’est par la Méditerranée, car celle ci est au centre de toute la terre. On dit [que ce pays est à l’extrémité du quatrième ] des sept climats.
On prétend que le peuple qui s’y établit d’abord, après le déluge, était les Andalush, [P. 3] d’où le pays fut nommé « Atidalos ». On dit aussi qu’ils étaient mages (majûs) et que Dieu, voulant les forcer à s’en aller, empêcha la pluie de tomber dans ce pays, si bien que les bassins, les sources et les rivières restèrent à sec, de telle sorte que ce peuple se retira et se dispersa. Ce pays, de la frontière de Francie (Ifranja) à la mer, resta cent ans inhabité, et reçut ensuite des Africains (Afâriqa), expulsés par le prince d’Ifrîqiyya par suite d’une famine qui désolait cette province. Les nouveau-venus retrouvèrent de l’eau dans les rivières et occupèrent le pays pendant cent cinquante ans environ, sous 11 princes qui résidaient à Tàliqa. Ils furent ensuite vaincus et supplantés par les Ishbâniyya, dont le nom fut donné à Ishbîliyya (Séville), qu’ils bâtirent et où ils habitèrent, tandis que Tàliqa tomba en ruines. Les barbares de Rome les attaquèrent et restèrent les maîtres jusqu’au jour où eux-mêmes furent assaillis par les Bashtarlîkât. Antérieurement s’était produite la mission du Messie, l’envoi des apôtres en tous lieux, la prédication et les succès de la religion chrétienne. Alors eut lieu l’invasion des Bashtarlîkât, qui venaient de Rome et étaient maîtres de la France, où ils envoyaient des gouverneurs. Mérida était [en Espagne] leur capitale, et 27 de leurs rois s’y succédèrent.

Ensuite surgit à Séville un pauvre cultivateur nommé Ishbân. Un jour qu’il cultivait la terre, Khiz’r vint se mettre à côté de lui et lui dit :

« Quand tu auras vaincu Iliyà, sois bon pour les enfants des Prophètes

-Et comment, reprit-il, sera-ce possible, à moi, chétif, et qui ne suis pas de sang royal ?

-Cela, reprit Khiz’r, est décidé par Celui qui transforme ton bâton comme tu peux le voir ».

Et, en effet, celui-ci était tout verdoyant, ce dont il resta tout effrayé, et son interlocuteur disparut. Ces paroles firent impression sur Ishbân, qui se mit à agir sans relâche sur le peuple, si bien que son nom devint bien connu et qu’il se rendit maître de l’Espagne. Il s’embarqua pour Iliyâ, qu’il pilla et ruina ; il y tua 100 000 et en vendit pareil nombre, et les marbres de cette ville furent ramenés en Espagne. Son expédition eut lieu après la deuxième année de son règne, qui dura environ 20 ans. Le nom d’Echbân était, dit-on, Içbahân, parce que, né dans cette ville, il en aurait pris le nom

Dieu est plus savant. Les princes de cette dynastie sont au nombre de 55.