Homère, Ulysse à Malte, v. 800 av. n-è

I : 11-15 :

Déjà tous les soldats, qui avaient fui le cruel fléau, étaient rentrés dans leurs foyers, après avoir échappé aux périls de la mer et des combats. Un seul, cependant, désirant revoir son épouse et sa patrie, était retenu dans les grottes profondes de la nymphe Calypso, la plus auguste de toutes les déesses, qui souhaitait l’avoir pour époux. Mais lorsque dans le cours des années arriva le temps marqué par les dieux pour son retour à Ithaque, où lui et ses amis ne devaient pas encore éviter de nouveaux malheurs, tous les immortels le prirent en pitié, excepté Neptune, qui poursuivit sans cesse de sa haine implacable le divin Ulysse jusqu’au moment où ce héros atteignit sa terre natale.
[…]

I : 45-62 :

« O fils de Kronos, notre père, le plus puissant des rois, oui, sans doute, cet homme a péri d’une mort justement méritée. Meure ainsi tout mortel coupable de tels attentats ! Mais mon cœur est dévoré de chagrin en pensant au sage Ulysse, à cet infortuné qui, depuis longtemps, souffre cruellement loin de ses amis, dans une île lointaine, entouré des eaux de la mer. C’est dans cette île ombragée d’arbres qu’habite une déesse, la fille du malveillant Atlas, de celui qui connaît toute la profondeur des mers et porte les hautes colonnes qui soutiennent la terre et les cieux. Sa fille retient ce malheureux versant des larmes amères : elle le flatte sans cesse par de douces et par de trompeuses paroles pour lui faire oublier Ithaque ; mais Ulysse, dont le seul désir est de voir s’élever dans les airs la fumée de sa terre natale, désire la mort. Et ton cœur n’est pas ému, ô puissant roi de l’Olympe ! Ulysse, près des vaisseaux argiens, et sur les rivages de Troie, a-t-il jamais négligé quelques-uns de tes sacrifices ? Pourquoi donc es-tu maintenant si fort irrité contre lui, ô Zeus ? »

V, 57-281 : Athéna pardonne à Ulysse, elle demande au conseille à Zeus son retour en sa patrie, on envoie Hermès

Quand il touche à l’île lointaine, il quitte la mer azurée et marche sur le rivage ; bientôt il atteint la grotte spacieuse qu’habite Calypso, la nymphe à la belle chevelure. Mercure trouve la déesse dans l’intérieur de sa demeure : un grand feu brillait dans le foyer, et au loin s’exhalait le suave parfum du cèdre et du thuya fendus. Calypso, retirée du fond de la grotte, chantait d’une voix mélodieuse, et s’occupait à tisser une toile avec une navette d’or. — Autour de cette demeure s’élevait une forêt verdoyante d’aunes, de peupliers et de cyprès. Là, venaient construire leurs nids les oiseaux aux ailes étendues, les chouettes, les vautours, les corneilles marines aux larges langues, et qui se plaisent à la pêche. Là une jeune vigne étendait ses branches chargées de nombreuses grappes. Là, quatre sources roulaient dans les plaines leurs eaux limpides qui, tantôt s’approchant et tantôt s’éloignant les unes des autres, formaient mille détours ; sur leurs rives s’étendaient de vertes prairies émaillées d’aches et de violettes. Un immortel qui serait venu en ces lieux eût été frappé d’admiration ; et, dans son cœur, il eût ressenti une douce joie. —
C’est là que s’arrête surpris et étonné le messager Hermès. Quand il a bien admiré toutes ces beautés, il entre dans la vaste grotte. La divine Calypso, en apercevant Hermès, le reconnaît aussitôt (car les dieux immortels ne sont jamais étrangers l’un à l’autre quelque éloignées que soient leurs demeures). Hermès ne trouve point le magnanime Ulysse au pied de la déesse ; ce héros, assis sur le rivage, poussait de longs gémissements.
[…]
Là, comme autrefois, consumant son cœur dans les pleurs, les soupirs et les chagrins , Ulysse contemplait la mer stérile en répandant des larmes. Calypso, la plus noble des déesses, place Mercure sur un trône éclatant et splendide, et elle lui adresse ces mots :
« Pourquoi, Hermès, immortel vénérable et chéri, dieu qui porte le caducée d’or, es-tu venu en cette île où tu ne pénétras jamais ? Dis-moi ce qui t’amène, car mon désir est d’accomplir tes vœux, si je le puis, et si leur accomplissement est possible ; (mais suis-moi d’abord afin que je t’offre un repas et l’hospitalité).
Elle dit, et place devant Hermès une table chargée d’ambroisie ; puis elle verse au dieu un rouge nectar. Le messager Hermès prend aussitôt les aliments et le breuvage qui lui sont présentés par la divine Calypso. Quand il a terminé le repas et ranimé ses forces, il fait entendre ces paroles :
« Tu me demandes, ô déesse, quel projet amène un dieu dans ton île ? Je te répondrai sans détour, puisque tu me l’ordonnes. Zeus m’envoie ici malgré moi : qui oserait en effet traverser volontairement ces eaux immenses et salées ?…. Là, ne s’élève aucune ville où les mortels offrent aux dieux de pompeux sacrifices et d’illustres hécatombes. Tu sais que nul parmi les habitants de l’Olympe ne voudrait enfreindre la volonté puissante du dieu qui tient l’égide, ni même s’y soustraire. Le fils de Kronos dit que tu retiens près de toi le plus infortuné de tous les héros, de tous ceux qui, pendant neuf ans, combattirent autour de la ville de Priam, et qui, dans la dixième année, après avoir détruit cette ville, retournèrent dans leur patrie. Ces guerriers avaient offensé Athèna, et celle-ci souleva contre eux les tempêtes et les vagues immenses (tous les braves compagnons d’Ulysse perdirent la vie; lui seul, poussé par les vents et par les flots, fut jeté sur ce rivage). Zeus t’ordonne de renvoyer promptement ce héros dans sa patrie ; car il ne doit point mourir loin de ceux qui l’aiment. La destinée d’Ulysse est qu’il revoie ses amis, sa patrie et ses demeures élevées. »
Il s’arrête ; et tout à coup frémit Calypso, la plus noble des déesses. Cependant elle adresse à Hermès ces rapides paroles :
« Immortels, que vous êtes jaloux et injustes ! Vous enviez à une déesse le bonheur de partager la couche d’un homme qu’elle s’est choisi pour époux ! Ainsi, lorsqu’Aurore aux doigts de rosé enleva le héros Orion, les dieux fortunés le poursuivirent de leur jalousie jusqu’à ce que Diane, la chaste déesse au trône d’or, l’eût percé, dans l’île d’Ogygie, de ses flèches rapides. Ainsi, lorsque Cérés à la belle chevelure, obéissant aux désirs de son cœur, s’unit d’amour avec Jasion dans un champ que la charrue avait sillonné trois fois, Jupiter, instruit de cette union, lança contre Jasion sa foudre étincelante et le tua. Maintenant, divinités jalouses, vous m’enviez le bonheur de posséder un mortel ! Cependant c’est moi qui ai sauvé Ulysse, lorsque, seul, il se tenait sur la carène de son navire brisé par le tonnerre du fils de Saturne, au milieu du sombre océan (tous les vaillants compagnons d’Ulysse perdirent la vie ; lui seul, poussé par les vents et par les flots, fut jeté sur ce rivage). Je le recueillis avec amour ; je pris soin de son existence; je lui promis même de le rendre immortel et d’affranchir à jamais ses jours de la vieillesse. Mais enfin, si telle est la volonté de Jupiter qu’Ulysse parte, puisqu’aucun dieu n’ose se soustraire à cette puissance ; que ce héros s’éloigne de mon île, si toutefois le fils de Saturne lui ordonne de naviguer encore sur la mer stérile. Moi, je ne puis le renvoyer ; car je ne possède ni navires garnis de rames, ni compagnons pour le conduire sur le vaste dos de l’océan. Je consens cependant à l’assister de mes conseils ; je consens encore à ne lui rien cacher de tout ce qu’il doit faire pour revoir sans danger la terre de sa patrie. »
Le céleste messager lui répond à son tour :
« Renvoie promptement Ulysse, et crains, ô déesse ! le ressentiment de Zeus, afin que, dans l’avenir, ce dieu ne puisse se courroucer contre toi. »
En achevant ces paroles, le puissant Hermès s’éloigne. L’auguste nymphe, après avoir entendu les ordres de Zeus, se rend auprès du magnanime Ulysse, qu’elle trouve assis sur le rivage de la mer. Les yeux du héros ne tarissaient point de larmes ; et la vie, qui nous est si douce, il la consumait dans la tristesse eu soupirant après son retour ; car la nymphe ne lui plaisait plus. Durant la nuit il reposait, sans amour, auprès de celle qui l’aimait encore, dans la grotte profonde de la déesse Calypso. Durant le jour il était assis sur les rochers qui bordent la plage (là, livrant son âme aux pleurs, aux gémissements et aux chagrins ), il contemplait la mer stérile en répandant des larmes. La plus noble des déesses, s’approchant d’Ulysse, lui tient ce discours :
« Infortuné, ne pleure point en ces lieux, et ne consume pas ta vie dans la tristesse ; car je suis prête à te renvoyer. — Hâte-toi donc d’abattre ces arbres élevés, et de les joindre avec de l’airain pour te construire un large radeau ; puis attache à la partie supérieure de ce radeau un plancher qui puisse te porter sur les flots à travers la mer ténébreuse. Moi, je te donnerai du pain, de l’eau, du vin aux sombres couleurs, du vin qui fortifie le courage, pour éloigner de toi les tourments de la faim et de la soif. Je te donnerai encore des vêtements et je t’enverrai un vent favorable. J’espère alors que tu parviendras heureusement dans ta patrie, si les dieux le permettent, les dieux qui l’emportent sur moi, et par leur sagesse et par leur puissance. »
A ces mots, le divin Ulysse est ému ; il adresse aussitôt à la déesse ces rapides paroles :
« Calypso, tu médites certainement une autre pensée, et tu ne veux point me faire quitter ton île. Comment ! tu m’ordonnes d’affronter, sur un faible radeau, l’immense gouffre de la mer, gouffre périlleux et terrible que franchissent avec peine les rapides navires, lors même qu’ils sont favorisés par le souffle de Jupiter !… Non, je ne partirai pas sur ce radeau, à moins que tu ne me jures, ô déesse, par le plus grand des serments, que tu n’as point résolu ma perte. »
Il dit ; Calypso, la plus aimable des déesses, sourit ; et, prenant Ulysse par la main, elle lui tient ce langage :
« Fils de Laërte, que tu aimes à tromper ! Que ton esprit est fertile en ruses ! Comment as-tu songé dans ton âme à proférer de telles paroles ? —Je prends à témoin la terre et les vastes régions du ciel et les eaux souterraines du Styx, (serment terrible et redouté par les dieux fortunés !) non, je n’ai point résolu ta perte. Ulysse, ce que je médite pour toi, je le mettrais moi-même à exécution si j’étais soumise à un pareil destin. Mes sentiments sont toujours justes et équitables ; mon sein ne renferme pas, tu le sais, un cœur d’airain, mais un cœur plein de compassion. »
En disant ces mots, elle s’éloigne avec rapidité, et Ulysse suit les pas de Calypso. La déesse et le héros atteignent bientôt la grotte profonde ; Ulysse se place sur le siège que venait de quitter Mercure ; la nymphe lui apporte des mets, afin qu’il mange et boive comme boivent et mangent les faibles mortels. Elle-même s’assied en face du divin Ulysse ; les suivantes offrent à la déesse le nectar et l’ambroisie ; et tous deux alors portent les mains aux mets qu’on leur a servis et préparés. Quand ils ont bu et mangé selon les désirs de leurs cœurs, Calypso, la plus noble des déesses, fait entendre ces paroles :
« Fils de Laërte, Ulysse issu de Jupiter, héros fertile en stratagèmes, tu veux donc maintenant retourner sans délai dans ta chère patrie ? Eh bien! sois heureux ! Mais si tu savais, au fond du cœur, tous les maux qui te sont réservés par le destin avant que tu te reposes dans tes foyers, alors, malgré ton désir de revoir l’épouse que tu regrettes sans cesse, tu resterais volontiers en ces lieux et tu deviendrais immortel ! — Certes, je me glorifie de n’être point au-dessous de Pénélope, ni par ma taille, ni par les traits de mon visage. Comment, en effet, ces femmes mortelles oseraient-elles le disputer aux déesses et par la grâce et par la beauté ? »
Le prudent Ulysse lui répond en ces termes :
« Auguste déesse, ne t’irrite point de ce que je vais te dire. Je sais bien que la chaste Pénélope est au-dessous de toi et par l’élégance de sa taille, et par la beauté de son visage ; car Pénélope est une faible femme et toi tu es une déesse immortelle, exempte de vieillesse. Cependant je désire chaque jour revoir mon palais et ma terre natale ! — Que les dieux me poursuivent encore sur la mer ténébreuse, je suis prêt à tout supporter ; car ma poitrine renferme un cœur endurci aux souffrances. J’ai déjà essuyé bien des malheurs et enduré bien des fatigues sur les flots et dans les guerres : maintenant advienne ce qu’il pourra.»
Ainsi parle Ulysse. — Le soleil se couche et les ténèbres se répandent sur la terre. — Alors le héros et la déesse se retirent dans l’endroit le plus secret de la grotte profonde, et tous deux ils se reposent en goûtant les charmes de l’amour.
Le lendemain, dès qu’apparaît la matinale Aurore aux doigts de rosé, Ulysse se couvre de sa tunique et de son manteau. Calypso se revêt d’une robe éclatante de blancheur, faite d’un tissu délicat et gracieux ; elle entoure sa taille d’une belle ceinture d’or, et elle orne sa tête d’un voile magnifique ; puis elle se dispose à tout préparer pour le départ du magnanime Ulysse. Elle donne à ce héros une forte hache d’airain à double tranchant et facile à manier : un superbe manche de bois d’olivier s’adaptait à cette hache. Calypso lui donne encore une besaiguë bien polie. La déesse le conduit ensuite à l’extrémité de l’île où croissent des arbres élevés, l’aune, le peuplier et le pin dont les rameaux atteignent les nuages ; ces arbres, morts et desséchés depuis longtemps, pouvaient facilement flotter sur les ondes. Quand l’auguste déesse a conduit Ulysse vers le lieu où croissent ces arbres élevés, elle retourne dans sa demeure.
Alors le héros coupe les arbres et se hâte de terminer ses travaux. Il abat vingt troncs desséchés, les émonde avec le fer, les polit avec soin et les aligne au cordeau. Calypso, la plus noble des déesses, lui apporte des tarières. Aussitôt Ulysse perce tous les troncs, les assemble, et construit un radeau au moyen de clous et de chevilles. De même qu’un habile charpentier forme le plancher d’un long vaisseau de transport, de même Ulysse construit son vaste radeau.
Puis il place tout alentour de cet esquif des madriers qu’il consolide par de nombreuses poutres, et il termine son œuvre en joignant de larges planches les unes aux autres. Il fait ensuite un mât sur lequel il place une antenne, et il construit un gouvernail pour se diriger. Il entoure le radeau de claies d’osier, pour servir d’abri contre les vagues, et il jette sur le plancher une grande quantité de matériaux. Pendant qu’il se livre à ce travail, l’auguste déesse lui apporte des toiles destinées à former les voiles. Ulysse les dispose avec art ; il attache les câbles et les cordages ; et, à l’aide de forts leviers, il lance son radeau sur le divin Océan.
En quatre jours Ulysse achève son radeau. Le cinquième jour la déesse Calypso lui permet de quitter son île ; elle baigne le héros et le couvre de vêtements parfumés. L’auguste nymphe dépose dans le navire deux outres, l’une remplie d’un vin aux sombres couleurs, l’autre, plus grande, remplie d’eau ; dans une corbeille elle renferme les provisions du voyage ; elle y place d’autres mets qui réjouissent le cœur, et elle envoie au fils de Laërte un souffle doux et propice. Le divin Ulysse, joyeux, ouvre les voiles de, son radeau à ce vent favorable ; assis près du gouvernail, il se dirige avec habileté, et le sommeil ne ferme point ses paupières. Sans cesse il contemple les Pléiades, le Bouvier qui se couche lentement, la Grande-Ourse qu’on appelle aussi le Chariot, et qui tourne sur elle-même en regardant Orion, et la seule de toutes les constellations qui ne se baigne point dans les flots de l’Océan. — L’auguste Calypso lui avait recommandé de naviguer en laissant toujours les étoiles à sa gauche. — Pendant dix-sept jours il vogue sur les flots de la mer, et le dix-huitième jour il aperçoit les montagnes ombragées d’arbres du pays des Phéaciens. Ces montagnes, qui étaient les plus voisines de l’île de Calypso, lui apparaissent comme un bouclier sur la mer ténébreuse.

[…]

VII, 237-277, Ulysse à la cour d’Alkinôus et Arété, roi des phéaciens :

« Étranger, qui es-tu ? Quels sont les peuples que tu viens de quitter ? Qui t’a donné ces riches vêtements ? N’as-tu pas dit qu’après avoir erré longtemps sur la mer, tu fus jeté par les tempêtes sur ce rivage ? »
Le prudent Ulysse lui répond en disant :
« Ô reine, il me serait difficile de te raconter toutes mes infortunes ; car les immortels m’ont sans cesse accablé de maux : cependant je vais te répondre. — Au loin dans la mer s’élève l’île d’Ogygie qu’habité la fille d’Atlas, l’artificieuse Calypso, puissante déesse à la belle chevelure, que fuient et les hommes et les dieux. Une divinité me conduisit seul dans sa demeure pour être son hôte infortuné, lorsque Zeus eu lançant du haut des cieux sa foudre éclatante eut brisé mon navire, au sein de la mer ténébreuse. Tous mes braves compagnons perdirent la vie ; mais moi, saisissant entre mes bras la carène de mon vaisseau ballotté par les vagues, je fus pendant neuf jours porté sur les ondes. Le dixième jour, par une nuit obscure, les dieux me poussèrent vers les rivages de l’île d’Ogygie habitée par Calypso à l’ondoyante chevelure. La déesse m’accueillit avec empressement ; elle me combla de caresses, prit soin de mes jours, et me dit qu’elle me rendrait immortel en m’affranchissant à jamais de la vieillesse ; mais elle ne put fléchir mon cœur. Je demeurai sept années entières dans cette île, arrosant de mes larmes les vêtements sacrés que m’avait donnés la divine Calypso. Lorsque dans le cours du temps la huitième année fut arrivée, la déesse m’ordonna de tout préparer pour mon départ. Soit que Zeus eût donné cet ordre, soit qu’elle-même eût changé de pensée, elle me renvoya sur un frêle radeau garni de liens ; elle me fit de nombreux présents, me donna du pain et du vin délicieux, me revêtit de magnifiques vêtements ; puis elle fit souffler un vent doux et propice. Pendant 17 jours je voguai sur la mer ; et le dix-huitième les montagnes ombragées d’arbres de votre pays m’apparurent. A cette vue je fus transporté de joie ; mais j’avais encore à souffrir de nouveaux malheurs ! Neptune, en déchaînant les vents, me ferma le chemin et bouleversa la mer ; la fureur des vagues ne me permit point de rester sur mon radeau ; et bientôt, malgré mes gémissements, il fut brisé par la tempête. Alors nageant avec effort, je fendis les ondes jusqu’au moment où les vents et les flots me poussèrent contre ces rivages.