Anonyme, Rihla de Taghaza à Sijilmasa, 1685

En prevision de notre voyage, nous avions fait sortir nos provi-sions et nos bagages le lundi 27 rabi’ II 1096 H. au lieu de rassem-blement [de la caravane] des pelerins ‘a Tagaza-que Dieu protege ce pays et en fasse un lieu de gloire et de grandeur, par la perpetua-tion [du pouvoir] de celui qui y commande! Le lendemain, tard dans la matinee, nous avons quitte cet endroit et fait nos adieux a notre famille et nos amis, ainsi qu’a tous les gens du pays. En sortant de la qasba [de Tagaza]4, le Sarif Zayn al-cAbidin al- Salmani est venu a ma rencontre, avec plusieurs questions, que I’erudit Abui cAbdallah Sayyidi Muhammad Ibn al-ACmas al- Sangiti m’avait fait parvenir, et pour lesquelles il sollicitait une reponse. Cet erudit me demandait [egalement] d’etablir un com-mentaire de son poeme didactique [appele] al-Manzudma-l-mantiqiya, dans lequel il a inclus les Masa’il du Muhtasar al-Sayh al-SanuisP et quelques unes des Masa’il al-Sams ya6. J’etais, d’ailleurs, en train de travailler a tout cela, parce qu’il m’en avait deja fait la demande auparavant, sans avoir pu, tout a fait, le terminer. Mais je me pro-mets, s’il plait a Dieu, de mener ce travail a terme … a mon retour du pelerinage …. Apres cela, je suis reste un moment avec mon fils Muhammad – que Dieu exauce mon souhait de le revoir a mon retour – puis nous avons quitte le pays. Tous nos amis, et ceux qui nous sont chers, sont sortis pour nous dire adieu …; ils ne nous ont quittes qu’apres nous avoir accompagnes sur quelques milles et avoir prie avec nous pour le succes de notre entreprise … Vers midi, alors que la caravane continuait d’avancer, [nous avons apercu] un chame-lier qui galopait pour la rattraper. Nous avons realise qu’il s’agis-sait de cAbdallah Abarqad al-Kunti7 al-Mzihi; le Caid [de Tagaza]8- que Dieu l’assiste [dans sa fonction]!-l’avait charge de nous faire parvenir un livre9 a remettre a quelques Surafa’ de Sigilmasa, la protegee de Dieu. Apres avoir accompli sa mission, ce coursier est immediatement reparti. Nous avons, apres cela, marche jusqu’a I’endroit appele ‘Uraygdt al-Garad, dans la region qui porte le nom de Riglirn al-Hawwdri. La, avec la benediction de Dieu, nous avons installe notre campement, appele ‘al a priZered u Magrib, que nous avons accomplie avec celles du Zuhr et du ‘Asr qui I’avaient precedee. Tout de suite apres, nous avons Iache nos chameaux pour les faire paitre, puis, a l’approche de la prilere du ‘Id, nous les avons ramenes au campe-ment et attaches. Nous avons ensuite appele ‘a la priere du ‘Id que nous avons accomplie en groupe, comme il le fallait, puis nous avons dine. Ceux qui devaient assurer la garde sont alors restes, tandis que les autres sont alles dormir. Apres la priere du Subh [du lendemain], la caravane s’est remise en route. Quelques instants apres, elle fut rejointe par deux jeunes bedouins (Acrdb) du Twat, qui avaient fui Tagaza durant la nuit. Nous avons d’abord refuse de les accepter dans la caravane, et nous leur avons conseille de retourner a Tagaza. Nous leur avons, en effet, explique qu’ils exposaient leur vie s’ils restaient avec nous, depourvus qu’ils etaient de vivres, et ne disposant ni d’une gourde pour les provisions en eau, ni d’une monture. Mais apres un essai de retour infructueux “a Tagaza, et devant leur insistance ‘a faire le voyage avec nous, la caravane les a acceptes, et ils ont vecu de la generosite de ses membres’0. Apres cela, l’un des deux jeunes commen a “a montrer des signes de fatigue, et il ne pouvait plus marcher. Le probleme fut examine par les membres de la caravane et il fut decide que ceux qui en avaient les moyens le prendraient, “a tour de role, sur leurs betes. Plusieurs jours apres, et alors qu’il etait avec les commer?;ants de Biskra, ce jeune homme est descendu de sa monture, “a l’insu de tous, pour satisfaire un besoin pressant; il s’est egare, sans que per-sonne s’en soit rendu compte. Cela se passa entre les endroits appe-les al-sabb et cUtaymjn. La caravane ne s’est apercue de son absence que le lendemain, aprZes le lever du soleil. Mais tous etant presses [d’arriver a leur destination], personne n’est retourne le chercher; et le voyage s’est poursuivi avec l’autre jeune homme seulement. Personne, par la suite, n’a su ce qu’etait devenu le jeune homme perdu. Mais ce qui est suir, c’est qu’avant toute cette histoire, il racontait qu’il projetait de retourner ‘a al-s’abb pour attendre une eventuelle caravane qui le ramenerait ‘a Tagaza. Alors que nous etions encore occupes par cette affaire, un homme de la caravane est venu nous apprendre qu’un certain al- Walati, le compagnon de Fatima al-GaCfariya, avait abandonne la caravane depuis la veille. Cette dame projetait certes, depuis un moment deja, de se passer des services de cet homme. Mais nous l’en avions empechee, en raison du contrat qu’elle avait conclu avec lui pour l’accompagner de Tagaza jusqu’a Sigilmasa; et elle avait fini, a son corps defendant, par accepter de le garder a son service. II faut dire, que dans les deux cas, nous n’avons realise que les deux personnes ne faisaient plus partie de la caravane qu’une jour-nee et une nuit apres leur disparition, et qu’il etait dans ces conditions-la pratiquement impossible pour nous de rebrousser chemin pour les rechercher. Mais notre conscience est tranquille, parce que nous les avions prevenus des risques qu’ils encouraient, en ne se conformant pas au reglement de la caravane … v Apres ‘Uraygat al-Gardd, la caravane est arrivee a l’endroit appele CUglat al-Rafdfida la veille du jeudi, et nous y avons observe la nou-velle lune de Gumada I 1096 H (5 avril 1685 J.-C.). Le lendemain [jeudi], au coucher du soleil, nous avons atteint le lieu appele Abu- al-Ru’ud. L’endroit offrait un paturage qui pouvait satisfaire les besoins d’un grand troupeau; et nos chameaux y ont mange jusqu’a satiete. Le vendredi, nous l’avons quitte pour l’endroit appele Azlaf. Le samedi nous sommes arrives a Madinat’2, et le dimanche a Umm al-Sidf. Certaines personnes de la caravane ont beaucoup souffert de la soif avant d’arriver a ce point d’eau. La plupart d’entre elles, parties a sa recherche dans la region envi-ronnante, on cherche desesperement dans les vallees et les gorges, les collines et les depressions, avant de le trouver. Cela s’est passe entre 1’heure du Zuhr et celle du ‘Asr. Nous avons pris un moment pour amenager la source, dont l’eau s’est revelee etre de bonne qualite, et chacun en a pris de quoi satisfaire ses besoins, et ceux de ses beAtes, avant de faire des reserves pour le lendemain. AprZes cela, les gens de la caravane se sont mis a preparer le diner, et tout le monde a passe une nuit agreable et reposante. C’est a cette etape que mon oncle Dawud Ibn Muhammad Ahsal al-BaCqilll3 est tombe malade, et qu’il a donne au Sarif Sayyidi Ibrahim Ibn CAbd-al- Samic al-Budarqawi ses instructions relatives ‘a l’utilisation de l’argent de ses oncles du cote maternel, les gens de Taddart 4, con-fie au lettre Abui-l-Qasim Ibn Muhammad Ibn Ahmad Ibn Yu-suf al-Waddari15. Ce mal l’avait pris a la sortie de Tagaza-que Dieu nous preserve de tout prejudice! Le lundi, la caravane quitta Umm al-Sidf, et arriva a l’endroit appele Kdiy al-‘Izldn. L’orthographe du toponyme est ainsi donnee par [l’auteur] d’al-Hirrit16 bien que celle de Kudiy al Gizldn soit plus vraisemblable. Mais, comme dit le proverbe, les gens de la Mecque connaissent mieux que quinconque les vallons de leur terroir. C’est a cet endroit que Dawuid Ahs’al est decede. Cela s’est passe en fin de matinee, lorsqu’il est tombe de sa chamelle sur son visage. Les gens de la caravane ont tous repugne ‘a laver sa depouille, en raison de l’odeur desagre’able qui s’en degageait. Mais j’ai pense qu’il etait de notre devoir de le faire, et j’ai execute ce rite pour l’amour de Dieu, tandis qu’Abu–l-Hasan al-Hag ‘All Ibn Mu-sa al- Rasmiikll7 a offert gracieusement la piece de tissu devant servir de linceul [au defunt]. Celui-ci fut enseveli le mardi 5 Gumada I 1096 H apres la priere rituelle, et j’ai recouvert sa tombe d’une petite natte que j’utilisais pour faire la priere. Le defunt – que Dieu l’ait en sa miseriocorde! – avait l’habitude de fumer du tabac’8 et, a cause de cela, tout le monde fuyait sa compagnie. Mais il a fini par abandonner cette pratique pour se consacrer ‘a Dieu, et le Seigneur l’a gratifie de Son pardon en le rappelant ‘a Lui alors qu’il se diri-geait au pelerinage et accomplissait ainsi le meilleur geste de repentir… AprZes avoir inhume le defunt, les notables de la caravane ont fait l’inventaire de ses biens devant temoins. Le tout fut estime approximativement a 300 dinars de poudre d’or (tibr) et con- Fie au chef de la caravane Ibn Hasim Ibn Mawlay CUmar Ibn Hasim al-Hasani al-Si’ilmasi19, a l’exception de l’argent retire de la vente du mobilier qui fut confie a Muhammad Ibn Muhammad al Bacqlil, du meme village que le defunt. De Kdiy al-‘Izldn la caravane s’est ensuite rendue a la place (qa’ida) de Tawezbakt, et de la, le mercredi, a Dra’ al-Sabb. Nous avons quitte cet endroit apr?es la priere du Subh [du lendemain], et vers midi, nous sommes arrives a [l’endroit appele] al-Sabb20. La, nous avons pris l’eau dont nous avions besoin et chacun s’est repose, a fait paitre ses betes apres les avoir abreuvees et a com-mence a preparer son repas. C’est a cet endroit que l’on a procede a la vente des biens de Dawu-d Ahsal – que Dieu I’ait en sa miseri-corde! – apres des encheres publiques auxquelles tous les membres de la caravane ont participe, et ces biens se sont bien vendus. AprZes la priere du Subh du vendredi, nous avons quitte al-Sabb. Tout de suite apres, nous avons remarque sur le sol des traces de chevaux, de chameaux et d’hommes. Les notables et les gens aver-tis de la caravane ont vite compris qu’il s’agissait de traces de pil-lards, qui avaient l’habitude de couper la route aux fideles. Mais ils ont decide de ne pas en parler publiquement et nous nous som-mes mis, chaque jour, etjusqu’a notre arrivee a Sigilmasa, a implo-rer Dieu pour nous proteger, comme, du reste, nous l’avons fait depuis notre depart de Tagaza. J’ai, a ce propos, ordonne a tous nos amis de lire mille fois chaque jour la sourate al-lhlis. Je n’ai, moi-meme, pas cesse de la lire chaque jour en raison de son effet protecteur, ainsi qu’un certain nombre d’autres prieres et de soura-tes. L’effet protecteur de la lecture de la Sourate de Qurays sept fois le matin et le soir, ou de celle de Ydsan trois fois, ou de toute autre sourate du Coran, est verifie … Tout comme l’est celui de donner l’aumone. … Mawlay Ibn Hasim Ibn ‘Umar, le chef de notre caravane_ que Dieu l’assiste et l’aide dans l’action de bien qu’il entreprend! n’a jamais cesse, depuis que nous sommes sortis de Tagaza et jusqu’a notre arrivee a Sigilmasa, de reciter des prieres et de lire le Coran. Dieu nous a ainsi preserves de tout prejudice, grace a sa baraka et a celle du Prophete son ancetre … En outre, il etait servia-ble et genereux envers les pauvres, prenait soin d’eux, ne les aban-donnait pas, ne les oubliait jamais et demandait des nouvelles de ceux qu’il avait perdus de vue. Telle a constamment ete son habi-tude sur le trajet aller et retour, entre le Maroc et la Mecque. I1 a toujours secouru, dans les endroits dangereux, du trajet, ceux qui etaient attaqu6es par les pillards et autres coupeurs de route, et a acquis une celebritc unique dans ce domaine. I1 guettait ces derniers a la sortie des valles, les traquait dans les collines et sur les plateaux, et son action a permis A la communaute des musulmans de jouir d’une grande quietude. Un jour qu’il etait occupe a d’autres taches, les pillards avaient, a l’approche du coucher du soleil, attaque’ un homme originaire de l’Inde et, apres l’avoir blesse, l’avaient depouille de tout ce qu’il possedait, y compris les habits qu’il avait sur le dos. Ce malheureux e’tait alors passe a cote (le notre campement en pleurant et en expliquant, dans sa langue, ce qui lui etait arrive, et j’ai eprouve beaucoup de peine a le voir dans cet etat … C’est egalement a Mawrid al-Sabb qu’Jbrahim Ibn ‘Abd al-Sami’ al-Budarqawi a donne ses instructions relatives a l’utilisation de la fortune de ses oncles du cote maternel, du village de Taddart dans notre vallee. Celle-ci comportait 1500 mitqdl-s de poudre d’or, mesures a l’aunge (qirwzya)21, un bon esclave soudanais, deux fusils, un bon chameau et deux chamelles, Il faut y ajouter 500 mitqdl-s de poudre d’or laisses a Tagaza et la contenance d’une auge (qirw)22 de poudre d’or; il avait prete cet argent, appartenant aux oncles en question, au Murabit Sayyidi Ahmad Ibn Muhammad Ibn Halid. I1 faut ajouter encore les Ifelwaten23 qu’il avait confies a ce meme Murabit, pour les faire parvenir a ces oncles, grace aux sept mitqdl-s qu’il aurait retires de la vente de la couverture en laine (Malhafa) qui lui avait ete confiee. Sayyidi Ibrahim a, enfin, charge son oncle Sayyidi Muhammad Ibn CAbdallah al-Taddarti de pren-dre soin de son fils et de la mZere de son pere. AprZes la priere du Subh, nous avons quitte al-Sabb pour un endroit appele al-Ligam. Apres avoir passe la nuit ‘a cet endroit, nous l’avons quitte ‘a l’aube pour n’arriver que le soir a l’endroit appele Ligam al-R-sa. De la, nous nous sommes rendus ‘a Mawrid cUtaymin que nous n’avons atteint qu’a l’approche de l’heure de la priere du c’sa’. Au cours de cette etape, ‘a l’heure de la priere du Zuhr, lbrThim Ibn cAbd al-SamiC al-Budarqawi deceda d’une maladie dont il souffrait depuis son depart de Tagaza. Son corps fut transporte jusqu’a cUtaymin. Avec le lettre Abui-l-Qasim Ibn Muhammad Ibn Ahmad Ibn Yu-suf al-Tamulli24 et Yahya Ibn cAlI al-Hayyiini25, nous avons procede a sa toilette, puis nous l’avons enveloppe dans un linceul, fait d’un tissu de Sigilmasa et achete par Abui-l-Qasim avec son propre argent. Nous avons procede, ensuite, “a la priere rituelle, puis “a l’enterrement, alors que la nuit etait dej”a tombee. I1 faut signaler qu’auparavant nous avions cherche, parmi les gens de la caravane, une personne pour laver le corps du defunt, en echange des habits de celui-ci, mais que tous avaient refuse l’offre; et c’est alors que tous les trois nous avons decide de proce-der “a cette toilette rituelle. Apres la priere du Subh, nous avons quitte Mawrid cUtaymzjn, et nous sommes entres dans une region de grandes dunes, difficile “a traverser. Mais, grace ‘a Dieu, nous avons pu la franchir, et nous ne nous sommes arret’s qu’une fois arrives “a Gawa Tabelbelt26. Le lendemain, apres la priere du Subh, nous avons quitte Gawa Tabelbelt. Au lever du soleil, nous avons decouvert, sur le sol, des traces fralches d’un nombre important de chameaux, de chevaux et d’hommes. Plus personne n’a eu de doute sur leur appartenance a des pillards; et la panique s’est emparee de toute la caravane. On s’ est alors mis ‘a lire des prieres et “a implorer le secours de Dieu par l’intercession des prophetes, des saints et des hommes de bien; et cela jusqu’au moment oui nous sommes arrives “a la route de Tabelbelt menant vers le Dra. La, nous avons, de nouveau, decouvert sur le sol des traces recentes de chevaux, ce qui aggrava encore la frayeur et la panique des gens de la caravane. La situation resta inchangee jusqu’a l’approche du coucher du soleil. Quand nous sommes arrives ‘a Ra’s al-cAp6dn, Mawlay Hasim, le chef de la cara-vane, nous a ordonne de nous arreter pour camper. Je lui ai alors dit: ((Comment pouvons-nous camper ‘a cet endroit de la route, alors que nous continuons de trouver des traces, toutes recentes, de pillards?>> II m’a repondu que c’etait le moment de nous arreter pour passer la nuit, et que grande est notre confiance en Dieu, Lui qui nous aide et nous protege. Nous nous sommes alors arretes, puis comme ‘a l’accoutumee, nous avons libere nos chameaux pour les faire paitre, installe nos tentes et mis notre diner ‘a cuire. Con-fiants en Dieu, nous avons passe une nuit tranquille. Pendant tout ce temps-la, Mawlay Ibn Hasim n’avait pas arrete de lire des prie-res pour demander ‘a Dieu de proteger la caravane. AprZes la prilere du Subh, nous avons, comme d’habitude, repris la route, et nous nous sommes diriges vers un endroit appele Azrdr. A partir de ce lieu, nous avons trouve un paysage verdoyant, avec de l’herbe fraiche et des fleurs ecloses et odorantes. I1 en fut ainsi jusqu’a la Mecque et Medine, puis le Caire et sa region, et de nou-veau Azra-r, sur le chemin du retour. Apres la priZered e Subh nous avons quitte Azra-re t nous ne nous sommes arretes pour la nuit qu’a l’endroit appele al-Sibt. C’est de la que nous avons envoye notre guide al-Hagg Muhammad Ibn Ibiirk, de la conf6deration (hlf) des Kunta, pour annoncer ‘a Maw-lay cUmar Ibn Hasim”7 l’arrivee de son fils Mawlay Ibn Hasim. Le lendemain, comme d’habitude, apres la priere du Subh, nous avons quitte al-Sibt. Sur la route, Mawlay Ibn Hasim m’a rejoint, et m’a demande de prier avec lui pour que, durant cette journee, nous fassions la rencontre de quelqu’un qui nous donnerait des nouvelles de son pere, de son pays et de la caravane de pelerins qu’il dirige. Comme je lui en demandai la raison, il me repondit que la solitude lui pesait-car cela faisait dix-huit jours que la cara-vane avait quitte Tagaza, sans avoir fait une seule rencontre, a l’exception des deux corbeaux qui la suivaient et qui, selon lui, n’etaient autres que Mawlana cAbd al-Qadir al-Gilani et Sayyidi Ahmad Zarruiq – que Dieu nous fasse profiter de leurs bien faits! A l’approche de la priere du Zuhr, nous avons rencontre un grand troupeau de moutons et de chameaux, et nous avons demande aux bergers de nous dire ‘a quelle tribu ils appartenaient. Ces derniers nous ont appris qu’ils appartenaient a la tribu des Bani ManiC28. A I’approche du coucher du soleil, nous avons trouve de nombreuses tentes [de nomades] dont les habitants sont sortis pour saluer Mawlay Ibn Hasim. Celui-ci, ayant reconnu des per-sonnes qu’il connaissait, leur a alors demande de lui donner des nouvelles de son pere et de son pays. Ils lui ont appris que son pere se portait bien, que le pays etait prospere, et que l’oued du Tafilalt avait connu une bonne crue. Ils lui ont egalement appris que les plerins s’etaient divises en deux groupes. L’un etait encore au Tafilllt avec son pere et attendait son arrivee. L’autre, avec a sa tete Sayyidi Ahmad Ibn Nasir29, avait, quant a lui, quitte le Tafilalt apres avoir longtemps attendu dans cette oasis, et avoir souffert de la cherete des prix [des denrees] et de l’alimentation des betes. Neanmoins, ajouterent-ils, Mawlay cUmar [son pZere] et le groupe qui l’accompagnait se preparaient a quitter le Tafilalt d’ici une journee. Ces gens nous ont encore appris qu’un groupe de person-nes du qsar Man-ld- Yahdf30, qui revenait du Soudan, avait ete atta-que par les AytcAtta, non loin de Sigilmasa, et injustement massa-cre. Le Caid Muisa al-Manufgi31, parti a leur poursuite, les a rattrapes, en a massacre une partie et capture une autre qu’il a sup-pliciee sur le rempart de la qasba du Sultan. Ils nous ont enfin mis en garde contre le fait d’emprunter la route de gauche32 pleine, selon eux, de dangers, et nous ont conseille plutot celle de droite33, plus sfure. Conseil que nous avons scrupuleusement suivi [apres les avoir quittes]. Vers midi, nous avons rencontre les Surafa’ du Tafilalt, venus “a la rencontre de leur frere Mawlay Ibn Hasim, a quelques milles de leur oasis. Ils avaient amene avec eux, pour les besoins du Sarif ct des autres pelerins, des chevaux en bon etat, une belle monture et une grande quantite de nourriture variee, avec pain, viande et dattes. Tous les gens de la caravane ont mange ‘a leur faim – que Dieu recompense nos hotes pour leur generosite! – et se sont remis en route. AprZes avoir parcouru la distance d’un mille environ, nous avons rencontre Mawlay ‘Umar, le pere de Mawlay Ibn Hasim, avec un groupe de Surafa’ et d’amis, parmi lesquels se trouvait le Sayh Milsa al-Manutgi: l’accueil fut tres chaleureux. J’ai ensuite demande ‘a Mawlay cUmar de me donner des nouvelles du Sayh Sayyidi Ahmad Ibn Nasir, et il m’a appris que cela faisait huit jours qu’il avait quitte le Tafilalt. Je lui ai, ensuite, demande si le Sayh al-Yu sS34 etait venu lui dire adieu lors de son depart vers la Mec-que, et il m’a repondu par l’affirmative. II a, neanmoins, ajoute qu’il ignorait si celui-ci etait toujours au Tafilalt, mais qu’il etait fort probable qu’il l’avait dej”a quitte. Je nourrissais, en effet, un grand espoir de rencontrer le Sayh al-Yu-si et, des que je suis arrive au Tafilalt, j’ai interroge a son propos un <<confrere>35. Mais celui-ci m’a appris que le Sayh avait quitte le Tafilalt deux jours plutot. Un autre groupe de Surafa’ [du Tafilalt] etait sorti, a pied pour certains, a cheval pour d’autres, ‘a la rencontre de Mawlay Ibn Hasim, sur la route que l’on avait evite d’emprunter. Ayant cons-tate notre retard, ces Surafa’ etaient montes sur une colline pour 224 LARBI MEZZINE scruter l’horizon. Pendant tout ce temps-la, les pillards Ayt cAtta n’avaient pas cesse d’observer leurs deplacements. Depuis qu’ils avaient appris que Mawlay Ibn Hasim Ibn Mawlay cUmar Ibn Hasim avait quitte le Soudan, ‘a la tete d’une grande caravane char-gee d’une grande quantite de poudre d’or (tibr) et de marchandises, ces Ayt cAtta, tentes par cette fortune, s’etaient, en effet, diriges vers nous, avec une centaine d’hommes, pour nous attaquer. Mais, grace a Dieu, nous avons echappe a leur attaque, en evitant d’emprunter la route habituelle. Mais, egalement, parce que le nombre important de chevaux et d’hommes venus ‘a notre rencon-tre leur avait fait croire que le Caid du Sultan etait sorti avec son armee ‘a leur recherche, ce qui les avait contraint ‘a se cacher ».

 

[Suivent des louanges ‘a Dieu et un poeme pour la circonstance].

 

« Nous sommes entres ‘a al-Gurfa36, [un district] de Sigilmasa, le 17 gumada I 1096 H (21 avril 1685 J.-C.) et nous y avons trouve Mawlay cUmar Ibn Hasim, avec un groupe de gens originaires des regions environnantes de Sigilmasa qui, tous, attendaient dans leurs tentes l’arrivee de Mawlay Ibn Hasim du Soudan. Le Sayh Ahmad Ibn Muhammad Ibn Nasir avait, quant a lui, quitte Sigil-masa dix jours plus tot, en compagnie des gens du Su-s, du Dra et de la Fa’iga, a savoir pour cette derniere, les regions du Gris, Tudga et Dads. Un groupe de gens de Sigilmasa, constitue de Surafa’ et de non-Surafa’, l’avait egalement accompagne. Mais un autre pref6ra attendre de partir avec Mawlay cUmar. Nous avons, comme cela a dej”a ete signale plus haut, fait l’objet d’un accueil chaleureux de la part d’un groupe de Surafa’ et de leurs amis, “a quelques milles de Tafilalt. Un certain nombre de ces Surafa’, tels Mawlay Ahmad Ibn al-cAbbas, Mawlay Ahmad Ibn Yuisuf, Mawlay Ahmad Ibn Muhammad et Mawlay cAbdallah Ibn Ahmad, m’avaient meme supplie de m’installer chez eux. Des ule-mas et des lettres (fuqaha-)d, tels le Sayb Sayyidi cAbd-al-Malik ibn Muhammad al-Tagmu’tI37, le faqih Sayyidi cAbd al-Malik al Tingrasti38 et lefaqth Sayyidi Muhammad al-Kabir, avaient fait de meme. Des Murabitfi, tels Sayyidi Muhammad Ibn cAlI Ibn al- Hafyan, le guide de la caravane des pelerins (Sayh al-Rakb), Sayyidi Abui cUbayda Ibn cAta’ Allah Man-la-Yahaf9, et son cousin Sayyidi Muhammad Ibn cAbd al-Rahman, avaient montre la meme sollicitude ‘a mon egard. Mais Mawlay cUmar Ibn Hasim et son fils Mawlay Ibn Hasim m’en avaient empeche et nous avaient installes dans leur demeure. La, nous avons ete tres bien traites par nos hotes, ainsi que par leurs frZeresle s Surafa’, leurs compagnons et leurs serviteurs – que Dieu les aide tous et perpetue leur gloire! Au moment oCu il fallait se preparer pour se rendre au pays [de Sigilmasa], de bonnes montures, propriete de certaines personnes de la branche des Salman, furent mises ‘a notre disposition pour nous transporter. Arrives au niveau du qsar de ces derniers, on nous a fait entrer dans un jardin qui lui etait contigu. La, on nous a servi des plateaux de dattes et des cruchons de petit lait frais et de bonne qualite, avec une hospitalite exemplaire – que Dieu com-ble tous nos hotes de Ses bienfaits! II faudrait, a ce propos, citer tout particulierement al-Hagg al-Tayyib Ibn Muhammad al- Salmani, le commercant apprecie de tous car il a manifeste une generosite debordante ‘a notre egard – que Dieu l’aide et exauce ses souhaits! Apres avoir pris des dattes et du petit lait de maniere ‘a satisfaire nos besoins, nous nous sommes diriges, sur nos betes, vers la mai-son de Mawlay cUmar. Ce dernier nous a combles de dons et nous a offert des habits – que Dieu l’en recompense! Nous sommes res-tes chez lui durant tout notre sejour ‘a Sigilmasa. Pendant toute cette periode, un certain nombre de personnes, parmi celles que nous avons mentionnees plus haut, nous faisaient egalement parvenir des plats cuisines et des provisions – que Dieu exauce tous leurs desirs! Parmi ces personnes, il faudrait citer le Sarif Mawlay cAli Ibn cAbd al-Wahid, l’imam du [qsar] d’Ahennus40, qui nous a, a plusieurs reprises, egalement invites  chez lui; al-Hagg Ahmad Ibn Yahya al-TagmuCtI qui, par ailleurs, nous a souvent tenu compagnie, a dormi la nuit avec nous et nous a offert quelques provisions de dattes; egalement notre Sayh, le grand savant Abui Marwan cAbd al-Malik Ibn Muhammad al- Tagmucti al-Si’ilmasI al-cAmiri al-Quraysi al-Mahziml, confor-mement ‘a la genealogie ecrite de sa main, en bas de page de l’igaza qu’il m’avait accordee. Abui Marwan cAbd al-Malik al-TagmuctI etait une ref6rence pour les sciences du Hadit, la Sira, l’histoire, la poesie, la litterature, la kitdba et la metrique … J’ai trouve chez lui le texte, et il m’en a lui-meme fait lecture, de la consultation qui lui avait ete soumise concernant la confrerie [des cAkakiza]41, dont l’influence s’etait repandue dans certaines regions (aqtdr) du Maroc, notamment chez les Bani cAmir42 et les Bani Mallal3, leurs voisins dans le Tadla, les Kararida des Zucayr (Zaer) installes dans la region du Saint Sayyidi Abui Ycazza44, les Bani Siber, de la tribu Zemmiur, dans le Gabal Fazaz , quelques tribus des Bani Iznasen, dans la region de Tlemcen, et quelques Gananima46, dans le desert situe aux confins des oasis de Sigilmasa et du Twat … Sache que la question de cette confrerie maudite a fait, parmi les ulemas, l’objet de beaucoup de discussions sous le regne d’al-‘Amir al-Sayyid al-Rasid Ibn Mawlay al-Sarif Ibn cAll al-Hasani al- Si’ilmasi – que Dieu l’ait en sa misericorde! … Notre Sayh al- 41 Confrerie berbZere, celebre au Maroc aux XVIIJ et XVIIlt siecles. Yiisi lui a consacre un bon ouvrage. Abui CAbdallah Muhammad Ibn al-Qadi al-Ingasi, et d’autres apres, lui ont egalement consacre des ecrits. Notre Sayh Abui Marwan [al-TagmuCti] a redige, ‘a leur sujet, la consultation dej”a signalee … Les adeptes de cette confrerie meritent, comme cela a deja e’te dit, d’etre massacres jusqu’au dernier, parce qu’ils sont, selon le Qa7d! Abu Marwan al-Tagmulti, des athees (Zanddiqa). Ils ne crai-gnent les sultans que lorsque ceux-ci ont la force d’imposer la jus-tice et la Sartffam usulmanes dans leurs contrees; mais ils reviennent ‘a leurs errements et accomplissent leurs forfaits, sans se soucier de qui que ce soit, et parfois avec beaucoup d’arrogance ‘a 1’egard des musulmans, des que la force [des sultans] ne se fait plus sentir. Ces ‘Akakiza portaient des noms divers. Au Tadla, ils se don-naient celui d’al-Sarraqa47 et designaient les autres musulmans par celui d’al-Haratla48. Ceux du Gabal Fazaz se reconnaissaient dans le nom de ‘Akakiza et appelaient les autres musulmans par celui d’Irumiyen49, Quand il se trouvaient en presence d’un musulman isole, ils l’assassinaient. Souvent, ils ne consommaient pas la nour-riture des musulmans et ne buvaient pas dans leurs ustensiles. Ils ne jeufnaient pas pendant le Ramadan, consommaient de la viande illicite et autorisaient l’adult’ere. Notre Sayh Abui-l-Hasan CAll Abertu al-Dadsi al-Fistall m’a rapporte avoir vu chez, eux un livre appele Ibn Rabbasv, ecrit en lettres d’or, qui, dans ses premieres pages, autorise la femme croyante [selon eux] ‘a avoir des rapports sexuels avec toutes les personnes de son choix, ‘a l’exception de son frere et de son fils. Des gens de savoir, qui avaient des relations avec les gens qui frequentaient les CAkakiza, m’ont rapporte que ces derniers possedaient un autre livre qui avait pour nom Ibn Nah-hads. Que Dieu les avilisse et les maudisse tous! En 1080 H (1669-1670 J-C), pendant le rZegne de Mawlay al- Rasid, les ulemas avaient discute la question des CAkakiza sans par-venir ‘a se mettre d’accord sur le jugement ‘a leur appliquer. Cer-tains les ont consideres comme athees (Zanddiqa). D’autres esti-maient qu’il fallait les juger comme apostats, c’est-‘a-dire personnes susceptibles de pardon, apres repentir. C’est, en defini-tive, ce jugement qui leur a ete applique. Avant tout cela, on avait fait venir leurs coupables de chefs dans la Cite Blanche [de Fas]50. La, ils avaient ete emprisonnes plusieurs mois, puis, apres un repentir qui n’etait en fait qu’apparent, ils avaient ete liberes. I1 faut dire que le jugement le plus juste ‘a leur appliquer, s’il s’etait trouve quelqu’un de courageux pour le rendre, aurait ete de les tuer tous jusqu’au dernier. Si tu decides de t’approvisionner ‘a Sigilmasa, achete ce qui pourra couvrir tes besoins jusqu’a Biskra. Tu garantiras mieux ainsi ta securite. Mais, pour la nourriture des betes, n’achZete que ce qui pourra couvrir tes besoins jusqu’a Figig, parce que tu en trouveras surement dans cette localite. Si tu ne t’es pas approvi-sionne dans ton pays d’origine et que tu arrives ‘a Sigilmasa, approvisionne-toi dans cette ville en nourriture et en dattes, parce que ces denrees y sont plus disponibles qu’ailleurs. Approvisionne-toi egalement [dans cette ville] en sawiq5t, parce qu’il est tres utile et y est disponible. Si tu trouves du biscuit (bisma.t), il est tegalement bon et utile de l’acheter, surtout pendant l’ete. I1 n’est pas inutile non plus de prendre avec soi des pates (mahamsdt), du couscous, des oignons et du beurre rance. Ne sois pas totalement depourvu de ce dernier produit, parce qu’il est tres utile pendant le voyage. Ne te prive pas de viande, de temps en temps, chaque fois qu’il t’est pos-sible de t’en procurer. II n’est pas inutile non plus d’avoir du sucre dans ses provisions. Ce produit peut servir pour sucrer l’eau sau-matre, en cas de besoin. II faudrait que tu aies aussi avec toi du henne que tu pourras utiliser [comme cataplasme] sur ta tete au moment des grandes chaleurs, ou eventuellent sur celle de tes betes. Approvisionne-toi egalement ‘a Sigilmasa, ou dans tout autre endroit, en sawzq melange avec des dattes et petri avec du beurre rance et du poivre. Ce produit convient tres bien [en voyage], et est plus facile ‘a trouver que d’autres. Une seule boule (kura) de ce produit pourrait suffir pour couvrir tes besoins. II nous a ete pre-pare par les Surafa’ Mawlay Ahmad Ibn Muhammad et Mawlay cAbdallah Ibn Ahmad, ainsi que par les Murbit-in Sayyidi Abu-cUbayd Ibn cAta)-Allah, Sayyidi Muhammad Ibn cAbd al- Rahman, Sayyidi Muhammad Ibn Abu- al-Tayyib, les descendants du saint Man-la-Yahaf, et aussi par Sayyidi Muhammad Ibn cAli al-Hafyan – que Dieu les aide tous de Ses bienfaits! Cela a permis de couvrir nos besoins jusqu'”a la Mecque, et meme l’Egypte sur le chemin du retour. II nous a ete particulierement utile quand nous etions dans l’obligation de prolonger notre sejour quelque part52. Tu ne devrais pas, pour tes besoins propres, etre depourvu de ces produits dans tes bagages. Achete egalement, Ila oju tu pourras le faire avant Sigilmasa ou, sinon, dans cette ville meme, des epices telles que la jacinthe (al-Sanbal)53 et le clou de girofle. AchZete aussi de petits miroirs, de petits couteaux, l’ecorce du noyer (al-Miswdk al-gawzi), des peignes, du plomb, du soufre, de la poudre ‘a canon, et plusieurs pieces de tissu en lin (al-Hiraq al-kattaniya) ou vernies (al-lakkiya)54, de deux ‘a trois brasses (dirac) de dimension. Tous ces produits te seront tres utiles dans le Bilad-al-Garid55, pour [les echanger contre] nourriture, allimentation des betes, paille, beurre rance, farine, viande, et autres produits. Ils peuvent meme etre revendus contre de I’argent. C’est le cas du clou de girofle. I1 ne sera pas inutile d’avoir egalement dans tes bagages la racine du tele-phIzumim perati( Tawsargint)56, de l’encens (al-Gdwi)57e t d’autres pro-duits de ce genre, parce qu’ils sont tres demandes la-bas. Le cuir rouge, quant ‘a lui, est soumis ‘a beaucoup de fluctuations de prix. Les tissus de Sigilmasa et de Fas connaissent les memes fluctua-tions, sur le marche de Biskra. L’or en poudre (tibr), de bonne qua-lite, est tres utile a Tripoli, mais encore plus au Caire. L’or frappe est apprecie en Egypte, mais surtout dans les villes saintes de la Mecque et de Medine. En fait, il est demande et apprecie dans tou-tes les localites et il est surtout plus commode [a’ transporter] pour qui ne voudrait pas s’embarrasser du poids du rial58. N’oublie pas d’avoir, dans tes bagages, un seau en cuir, ainsi qu’une corde, pour tirer l’eau du puits; enfin un grand plat (qisya), un seau, une mar-mite et une poele. Veille ‘a regler toi-meme tes propres affaires, telles que l’achat des provisions, l’acquisition d’une monture, la location d’une mai-son ou d’une bete – pour le transport des bagages, ou pour servir de monture – ou encore l’achat d’une marchandise. Occupe-toi, en personne, de l’achat des objets qui ont une certaine valeur pour toi; une autre personne ne le ferait jamais mieux, ou rarement … Sois diligent dans l’execution de tes affaires et ne reste jamais inde-cis, car le dynamisme genere les bienfaits et le retard, les catastro-phes. Il revient ‘a Dieu, apres cela, le pouvoir de realiser tes projets. De%s que tu arrives “a Sigilmasa, trouve-toi une personne pour t’accompagner pendant le voyage, te servir et t’aider. Ne la choisis pas parmi les gens de ton village, tes connaissances ou tes proches. Choisis-la plutot parmi les personnes qui te sont etrangeres. Si elle s’ avere honnete, tu y trouveras ton compte. Dans le cas contraire, tu pourras t’en debarrasser sans etats d’ame; ce que tu ne pourrais faire avec un proche… Parmi les gens qui nous ont donne l’hospitalite et offert des pro-visions [a’ Sigilmasa], il faudrait aussi mentionner le Sayh Abui CAbdallah Sayyidi Muhammad Ibn cAlI al-Hafyan, le Guide de la caravane des pelerins (Sayh al-Rakb). I1 nous a envoye la viande d’un mouton entier, une outre pleine de farine, et une autre pleine de sawiq-que Dieu agree son offrande! D’une facon generale, tous les habitants de Sigilmasa, dont nous avions fait la connaissance auparavant, que ce soit ‘a Fas, ou ‘a la Zawiya de Dila, ou dans la ville de Tagaza – Dieu la protZege! – nous ont reserve un bon accueil et nous ont entoures de beaucoup de sollicitude – que Dieu les en recompense! Ils sont, d’apr’es ce que j’ai pu constater, les plus genereux et les plus respectueux des hotes … A notre arrivee ‘a Sigilmasa, les oueds etaient pleins d’eau, les cultures florissantes et les palmiers prometteurs d’une belle recolte, C’est, assurement, le meilleur des endroits pour habiter et, sans aucun doute, le plus beau et le plus agreable de tous. Et c’est certai-nement pour cette raison que Dieu l’a choisi pour y abriter les des-cendants du Prophete… Le souk de Sigilmasa est, de l’avis de tout le monde, l’un des plus importants [de la contree] et de ceux oiu l’on realise les plus gros gains. Cette localite est un veritable carrefour de routes vers l’Occi-dent, l’Orient, le Soudan et la plupart des pays. Plusieurs saints, gens de bien et savants pratiquants y sont ensevelis. Nous avons rendu visite aux tombleaux de la plupart d’entre eux. Notamment celui du Sayh Sayyidi al-Gazi59, oiu j’ai fait plusieurs voeux, qui ont tous e’te rapidement exauces. Mais, egalement, ceux de l’homme de bien, le pole (Qutb) Sayyidi CAbdallah Al-Daqqaq60, de Sayyidi Abu- Bakr Ibn ‘Amr6l de Sayyidi ‘Abdallah Ibn Abuf Bakr62, de Sayyidi Ahmad Ibn Abui-l-Qasim et enfin de l’ancetre des Surafa) Calawites Parmi les personnes [de Sigilmasa] qui nous ont egalement offert l’hospitalite, il faudrait encore citer Sayyidi Muhammad al ‘Arabi al-Gabli- al-Sig’ilmds-l. Avec nos compagnons de la caravane, nous avons passe des jours agreables ‘a Sigilmasa. Le vendredi 25 gumada 1 1096 H (29 avril 1685 J-C), aprZesla priere, nous l’avons, avec l’ensemble des pele-rins, quittee pour le campement de la caravane, situe ‘a l’exterieur [du district] d’al-Gurfa. La, nous avons passe la nuit, et les gens de ce district ont servi ‘a diner ‘a tous les membres de la caravane – que Dieu les comble de Ses biens et les aide dans leurs bonnes actions! [Pendant mon sejour ‘a Sigilmasa], j’ai achete une mule au Sayyidl CAll al-Mamu-ni 63, par l’entremise des descendants de Sayyidi al-Gdzi, pour le prix de 24 mitqdl-s, monnaie d’argent de Mawlay Ismacil – que Dieu l’assiste pour faire regner le droit et la justice divine (Sari-a)! Par cette transaction, le voeu que j’avais formule sur le tombeau de notre Sayh Sayyidi al- Gazi fut exauce, des que j’eus quitte ce tombeau. A un ami qui me disait beaucoup de mal de cette mule, j’ai repondu que celle-ci retpondait au vceu d’en trouver une a ma convenance que j’avais formule sur le tom-beau de notre Sayb, et, cela grace a son pouvoir benefique et ‘a celui de ses descendants, Dieu la benira donc su’rement, par leur bene-diction. Grace ‘a Dieu, mes souhaits ont ete ainsi exauces, puisque j’ai pu, avec cette mule, accomplir le rite de [Gabal] cArafat… Je possedais egalement un chameau que j’avais ramene avec moi de Tagaza et que j’avais mis au paturage ‘a mon arrivee a Sigil-masa. Ibn Iburk al-Mzi 64, le berger ‘a qui je l’avais confie, m’avait toujours assure, quand je l’interrogeais sur son etat, qu’il etait en mesure de m’emmener avec mes provisions jusqu'”a la Mec-que et de me ramener a mon pays. Je lui demandai s’il n’etait pas pref6rable de l’echanger a Sigilmasa, ou les bons chameaux ‘taient disponibles et bon marche, contre un autre, quitte a ajouter de l’argent dans la transaction, s’il jugeait que ce chameau ne pouvait pas assurer le transport de nos provisions. Ibn Iburk al-Mzifi me repondit qu’il se portait garant de cette bete. Mais, lorsque je l’eus mise a l’epreuve, entre les etapes d’al-Gurfa et de Talgemt, ses defauts apparurent et ses anciennes plaies s’infecterent, de sorte que je me suis trouve dans l’impossibilite de pouvoir remettre sur elle la charge qu’elle avait portee depuis al-Gurfa. I1 faut dire que cette charge etait trop grande pour etre portee par cette bete et que je ne l’avais ainsi chargee que parce que mes compagnons m’ avaient persuade que cela serait sans prejudice pour elle. A la suite de cette mesaventure, j’ai charge le Sarif Muhammad al-Badawl du transport de la charge de la mule jusqu’a Biskra, moyennant le tiers de ce qu’elle contenait. Le Sarif en question manquait certes d’education, etait malhonnete et espiegle. Mais je me suis accomode de ses defauts. II m’est meme arrive de l’aider par quelque nourriture, viande, dattes, sawzi et autres denrees, au point que sa compagnie s’est amelioree et qu’il a execute le trans-port de la charge, comme convenu, jusqu’a Biskra. Neanmoins, il a avait, auparavant retire, et mis de cote pour lui-meme le tiers de la farine, des dattes, du sawiq et de la nourriture qu’elle contenait. Arrive ‘a Biskra, je lui ai confie le transport de cette meme charge jusqu’a Tripoli, pour la somme d’un rial et demi. Apres que nous eiumes execute la priere du Subh “a al-Gurfa et pris le petit dejeuner, que le soleil fut leve et que les gens furent arrives de toutes les directions pour faire leurs adieux aux pelerins qui leur etaient chers, nous avons procede au chargement de nos betes et, confiants en Dieu, pris notre depart. Un certain nombre d’amis et de personnes qui nous etaient cheres, des <<confreres>>, ainsi qu’un grand nombre de gens de Sigilmasa et d’ailleurs, nous ont accom-pagnes pendant quelques milles ‘a l’exterieur de l’oasis, puis nous ont fait leurs adieux … Seuls sont encore restes avec nous et ont passe la nuit a l’etape suivante d’al-Maddkik, avant de nous quitter, notre ami Ahmad Ibn ‘Abd al-Rafi’ de la Zawiya de Madgara65, notre <<confrere)>A hmad Ibn Muhammad al-Zaddiiti, al-Hagg Ahmad Ibn Yahya al-TagmuCt1, YCazza Ibn ‘All Ibn al-Sayh al- Mansuiri, et le Sarif et savant Mawlay CAli Ibn Abd-al-Wahid al- Hasani, l’imam de la mosquee d’Ahennuis. Le lendemain, au lever du soleil, nous avons repris notre chemin vers [la terre du] Prophete et nous ne nous sommes arretes qu’aprZes avoir atteint l’endroit appele TalgemI, ‘a l’approche de l’heure de la priere du Zuhr … Les gens de la caravane ont alors installe leurs tentes, mis leurs betes au paturage, rempli leurs gourdes d’eau et verifie leurs bagages, pour s’assurer qu’il ne manquait rien de ce dont ils auraient besoin pendant le voyage. Certains parmi eux sont d’ailleurs retournes, pendant la nuit, a Sigilmasa pour regler encore certains besoins du voyage, parce que c’est dans cette ville que le pelerin fait les provi-sions de ce dont il aura eventuellement besoin… »

 Remarquer le flou volontaire entretenu par l’auteur sur ce point. En 1096 H/1685 J. -C., a la date de cette relation, Tagaza etait, en effet, commandee par la famille U-Bba–All al-Tagazi, installee sur cette mine de sel par Abui Hassun al-Samlali du Tazerwalt vers 1635 J.-C. Le Sultan Mawlay IsmaCil, en reprenant la maitrise de l’Etat, avait confirme cette famille sur la qasba de Tagaza, avec le titre de Caid, moyennant le versement de 5200 mitqdl-s par an au tresor de l’Etat (Bayt al-md!), et le benefice d’une large autonomie. En 1104 H/1693 J.-C., nous apprenons que ‘Abd-al-Malik, le fils de celui qui avait ete installe par Abui Has-sun, n a envoye au tresor de l’Etat que 2200 mitqdl-s sur les 5200, par l’interme-diaire de Lahsen U-Bba ‘All al-Tagazi, son oncle, et que ce dernier est oblige par Mawlay Ismadil de completer la somme au Tafilalt, en empruntant le reste aux commercants de l’oasis qui frequentaient Tagazd (Mawlay Hafid: Ddau-1- catabi qadimun, ms. 11400, Bibliotheque Royale, Rabat, pp. 184 ‘a 187). 4 Il s’agit bien de la qasba du Makhzen, signal6e par toutes les sources arabes depuis 1’epoque saadienne. 5 Abu CAbdallh Muhammad al-Sanusi, le CAlim de Tlemcen au XVe siecle, mort en 895 H/1489 J.-C.., celebre par ses ouvrages, la CAqfda et le Muhtasar. 6 Il s’agit d’al-Risdla al-Samst-ya, un traite de logique, ecrit par al-Katibi Nagm al-Din Abu–l-Hasan cAll Ibn cUmar, mort en 657 H/1276 J.-C., pour Sams al- Din Muhammad al-Guwaynl. Ce traite a ete commente par plusieurs savants. (Encyclopedie de lIslam, IV). 7 On remarquera le patronyme al-Kunti, en reference ‘a la confederation ber-bere des Kunta qui dominait la region allant de Tagaza ‘a la boucle du Niger au XVII’ siecle. 8 Cf. note 3, supra. 9 <Kitab>> dans le texte. On peut aussi comprendre et traduire le terme par <<lettre)>. 15 Al-Wadd&i- dans le texte. Mais nous penchons vers la lecture al-Waddari, (relatif a Taddart), parce que ce meme personnage est cite plus loin (p. 50) avec le patronyme d’al-Tamulli (originaire des Ammeln de l’Anti-Atlas) et que Tad-dart est le nom d’un village de cette region. . 12 Lecture incertaine. 13 Le patronyme fait ref6rence ‘a la tribu des Ida U-Ba’qil de I’Anti-Atlas de la region d’Anzi. 16 Al-Islft al-Hirrft, titre de l’ouvrage bien connu d’Abui Mahalli. 17 Le patronyme fait reference ‘a la tribu Ida-Ugg-Aresmukt ou Resmufka de 1 ‘Anti-Atlas. 18 Mention interessante sur la consommation du tabac dans la societe maro-caine de l’epoque. Le probleme etait un sujet de polemique entre fuqaha/’ du XVIIe siecle. Abui Mahalli lui a consacre un opuscule de defense. 19 I1 s’agit du fils de Mawlay ‘Umar Ibn Hasim, une notabilite Calawite du Tafi-lalt ‘a la fin du XVII> et au debut du XVIIlC siecle. Pendant longtemps, le pere a assure la conduite de la caravane du Tafilalt vers les lieux saints de l’Islam (Rakb al-hdg). I1 disposait de biens fonds a la Mecque et M;edine et etait celebre par la defense qu’il assurait aux pelerins (cf. al-‘Alawi Ahmad Ibn Abd-al-CAziz, al Anwdr al Hasan-ya, Publications du Ministere de l’Information, Rabat, sans date, p. 71). 20 Gisement d’alun bien connu au Sud de Tabelbelt. 14 Toponyme frequent au Maroc. Ici, il s’agit sfurement de Taddart de l’Anti-Atlas. 218 21 Qirw, mesure de poudre d’or (tibr) connue au Tafilalt et au Soudan. Sa capa-cite est variable. 22 Idem. 23 Le verbe ifwet en Touareg Tamahak donne le sens de scintiller. Iflewaten plu-riel de afelwat designe, probablement, un tissu luisant ou brillant ou satine. Ch. de Foucould, Dictionnaire Touareg-Fran(ais I, p. 336 (Iflououet). – 24 On remarquera, encore une fois, la reference ‘a la tribu Ammeln de 1 ‘Anti-Atlas. 25 Reference a la tribu BaniI Hayyuin du Moyen Dra. 26 Tabelbelt est un toponyme connu situe dans l’actuel Sahara algerien, au sud du Tafilalt. Gawa Tabelbelt est peut etre le nom d’un qsar de cette oasis. 27 Cf. note 19, supra. 28 La tribu des Dawl Man!’, bien connue dans les confins algero-marocains de Bechar et ‘Abadla. Le territoire de cette tribu n’a pas bouge depuis la fin du XVIIC siecle. Elle nomadise toujours au nord de Tabelbelt. 29 Le Sayb de la Zawiya al-Nasiriya de Tameggrut dans le Moyen Dra ‘a la fin du XVIIC et au debut du XVIILc siecle, mort en 1128 H/1716J-C. II est l’auteur d’une rihla vers la Mecque en 1121 H/1716J.-C., ou il a consigne les evenements de son troisieme pelerinage (ms. 86 5, section des Archives, Bibliotheque Generale de Rabat). Le pelerinage dont il est question, dans le texte d’Ahuzay, est son deu-zieme. Le Sayb Ah.mad al-Nasiri est celebre par ses demeles avec le Sultan Maw-lay Ismacil. 30 Qsar du sud du Tafildlt, district de Sfalat, fonde au XVIC siecle par le mara-bout Man-la-Yabaf. La posterite de celui-ci a constitue un lignage sacre tres influent dans la vie locale de l’oasis. 31 Le Caid Musa al-Manu-gi est en exercice en qualite de caid au Tafilalt et au Dra dej”a vers 1678 J.-C., au moment de la revolte d’Ibn Mahraz, le frere du Sul-tan (Mawlay Hafid, Da’u-1-atabi qadimun, op. cit., p. 248: Lettre du 4 Ragab 1101 H/14 avril 1690 J.-C.). En 1101 H/1685 J.-C., il est toujours, dans la meme region, charge, par le Sultan, de superviser les rapports avec les tribus du Sahara, ct le Diwan des Gund de Tombouctou (Mawlay Hafid, op. cit., p. 255: Lettre du 16 Sacban 1 101 H/18 juillet 1685 J.-C.), c’est-a-dire au moment-meme de la rela-tion d’Ahuzay. 32 La route de gauche passe par la region accidentee du Gabal Bani et des der-niers contreforts du gabal Sagrui. 33 La route de droite emprunte les zones de vallees: Quad Dra, Quad Ziz. 34 La presence d’al-Yiisi en 1685 J. -C. au Tafilalt appartient a une epoque de sejours frequents dans la region. Cf. al CAyys-i Abu-Salim, Rihla (Md’al-mawad’id), litho Fas, et al-Nasiri Ahmad, Rihla, (mis. 86 5, Section des Archives, Bibliothe-qiue Generale, Rabat). II s’agit d’une periode de grande activite politique et scien-tifique dans les Zawiyas de la region, probablement sur ordre de Mawlay Isma’il et dans le cadre d’une politique de pacification des tribus. 35 LIhwand ans le texte, terminologie confrerique. – 36 Al- Gurfa, le district Sud-Est du Tafilalt. Localement on parle de la qabila (tribu) d’al-Gurfa. Sa population beneficie d’une exemption des charges du pou-voir central, en echange des services qu’elle assure sur les terres du Makhzen (Mawlay Ijaftd, Dd)u-l-atabi qadimun, op. cit.). 37 Al-Tagmu’ti cAbd al-Malik est le faqih et le Cdlim le plus celebre au Tafilalt a 1’epoque de Mawlay Ismacil, mais aussi un pilier du Makhzen dans la region. On lui reproche sa complaisance interessee a l’egard de celui-ci. Ses demeles a ce sujet avec al-Yu-si- sont celebres 38 Al- Tingrdsti cAbd al-Malik, faqTh et Cdlim du qsar de Tingras, au Tafildlt, a l’epoque de Mawlay Isma’ll. 39 Celebre personnage appartenant au lignage maraboutique Awlad Man-la- Yahaf, a l’epoque de Mawlay Ismacll (cf. note 30, supra). 40 Le nom du qsar originel des cAlawites au Tafilalt. Son cimetiere est l’objet d’un culte particulier parce qu’il abrite les tombes des ancetres des Surafa’ Calawites, dont celui d’al-Hasan al-Dahil. Le pou-voir central l’a combattue fortement, Al-Yfisi a ecrit un traite ‘a son sujet. Elle s’est developpee dans l’ancien domaine dilaite, ce qui correspond peut-etre a une survi-vance de ce mouvement politique. Voir A. Nagmi, Musahama fi dirdsat tdrih al-tasawwuf a1-magrib1ft-1-qarnayn1 6 wa 17: Tdaifatu al-cAkdkiza, D.E.S., Faculte des Lettres, Rabat, 1986. 42 Les Bani cAmir sont encore une tribu arabe du Tadla. I1 sont donc dans cette plaine depuis le XVIlC siecle. 43 Il n’existe plus actuellement de tribu de ce nom-la. La ville actuelle de Ban! Mallal s’appelait Day (lire Aday) au Moyen-Age (E. Levi-Provencal, Documents inidits d’histoire almohade, Paris, 1928, p. 144). 44 On remarquera le glissement des tribus vers le nord-ouest du Maroc. Le tombeau de Mawldy Abu Ycazza, le saint celebre du Moyen-Age, est situe actuel-lement dans le territoire de la tribu Zayan. Les Zu’ayr (Zaer), quant ‘a eux, sont aujourd’hui aux portes de Rabat. 45 Le nom du Moyen-Atlas au Moyen-Age. Le territoire de la tribu berbZere Zemmur s’etend actuellement sur les bords de l’Oued Baht, jusqu’a la foret de la Mamora. 46 Tribu arabe du sud du Tafilalt, aux confins algero- marocains. Le territoire n’a pas change. des 47 Lien probable avec la Zawiya d’Abui cUbayd al-Sarqi d’Abii-l-GaCd (Boujad) creee au XVIJC siecle, mais par la suite tres favorable au Makhzen. 48 L’arabe dialectal marocain conserve encore le terme de mhardal avec le sens de fou. Lien probable avec al-hardal, plante medicinale. 49 Le terme qui designe le chretien en BerbZere et dont l’origine etymologique est “<romain 50 Terme litteraire pour designer Fas al-Gadid, la partie de la ville de Fas (Fes) creee par les Merinides au XIIIe siecle pour abriter le Palais royal, l’administra-tion du Makhzen et le quartier israelite (Malldh). 51 Melange de ble ou d’orge de dattes, de sucre, de beurre et de poivre, que l’on fabrique pour les longs voyages. Azenbzi en Berbere. Cf. R. Dozy, Suppliment aux dictionnaires arabes. 52 Al-Qarr dans le texte. Lecture incertaine. 53 Peut-etre aussi 1’epi de la lavande ou les graines du frene (al-Dardar). cf. R. Dozy, Supplement aux dictionnaires arabes. 54 Peut-etre aussi teintes en rouge, cf. R. Dozy, Suppliment aux dictionnaires arabes. 55 Region des oasis etalee sur la lisiere nord du Sahara, du Maroc jusqu’a la Tunisie. 56 R. Dozy, Suppliment aux dictionnaires arabes. 57 Al-Gdwz, encens originaire de I’lle de Gaw-a Uava) en Indonesie. 58 Monnaie en metal d’argent. Pour 1’equivalence, voir. L. Mezzine, Le Tafi-la-t. Contribution a l’histoire du Maroc aux XVIIF et XVIIIe s., Publications de la Faculte des Lettres de Rabat, Imp. Nagah al-gadida, Casablanca 1987, pp. 188 et 205-6. 59 Saint du Tafilalt qui a vecu au XVIC siZecle. 60 Soufi du Tafilalt a l’epoque almohade (XIIC s). Voir al-Tadilf, al- Tasawwuf. Edite par A. Toufiq, Publications de la Faculte des Lettres Rabat, Imp. Nagah al Gadida, Casablanca, 1984. 61 Saint du Tafilalt au XIVC siecle. 62 Saint du Tafilalt au XIVc siecle. 63 Patronyme qui se re6fere ‘a al-Ma’muin, un qsar signale par Leon l’Africain au Tafilalt en 1511, mais qui a completement disparu aujourd’hui. 64 I1 s’agit, probablement, de la personne nommee al-Hag Muhammad Ibn Iburk de la confederation des Kunta, deja signalee dans le texte. Un recoupement est aussi ‘a faire entre ces deux noms et celui de cAbdallh Abarqad al-Kunti al- Mzili du texte (note 7); particulierement, au niveau des patronymes oal-Kunt!i), “al-Mzili,, et ((al-Mzall), ce dernier n’etant, ‘a notre avis, qu’une deformation du precedent, ou inversement. D’aprZes toutes ces indications, nous voyons le role qu’assurait la conf6deration des Kunta, et particuli’erement de leur composante Ayt Mzal/Ayt Mzil, dans le convoyage des caravanes, avec tout ce que cela impli-quait: maltrise du terrain et experience dans la garde des troupeaux de chameaux.