Al-Hawwarî, Tunis, Commerce et aumônes avec les arabes pillards, v. 1330

De Sousse,

Peut-on acheter des animaux aux Arabes de notre temps qui ne cessent de razzier et d’enlever moutons et bœufs au point que presque tout le bétail provient de larcins ?

Le cas est moins grave pour les chameaux qui sont en général leur propriété légitime encore qu’ils se les arrachent les uns aux autres !

Le produit de leurs rapines réciproques est-il comparable au fruit de leurs déprédations ?

Peut-on acheter la nourriture volée dans un endroit lointain ?

Manger la nourriture qu’ils préparent ?

Commercer avec eux en utilisant des dinars et des dirhams ?

Accepter les dinars et les dirhams qu’ils offrent quand ils font des emplettes dans les Marchés des Musulmans ?

Dans le même ordre d’idée se pose le cas de ceux qui sont connus pour voler et pratiquer l’usure en vendant et en achetant ?

Si quelqu’un achète à l’un de ces individus connus pour pratiquer le vol, peut-il le faire à un prix inférieur à la normale et lui vendre à un prix supérieur ? Ou ne traiter avec eux qu’au prix normal vu que leurs biens reviennent au trésor public et aux pauvres ?

Si I un de ces malandrins vient à résipiscence et ne puisse rendre les biens qu’il a ravis à leurs propriétaires légitimes qu’il ignore, doivent-ils revenir aux pauvres ou au trésor public ?

Et s’il est lui-même pauvre, peut-il en conserver une partie ?

Réponse : En se fondant sur les fatwa-s rendues par les muftis ifriqiyens du Vè siècle (XIe s.), on peut commercer avec les pillards à condition qu’on leur achète au même prix que ce qu’on leur vend à un prix supérieur.

On ne peut accepter leurs aumônes. Il n y a pas lieu de faire la distinction entre chameaux et autres animaux, ni entre ce qu’ils se volent entre eux et ce qu’ils enlèvent aux autres.

D’après les autorités les plus réputées on peut leur acheter la nourriture volée dans un endroit lointain à condition de s’en porter galant envers les propriétaires légitimes et connus, condition à peu près impossible à réaliser de notre temps.

ll en est de même de la viande qu’ils préparent comme de la nourriture qu’ils transportent et des dirhams qu’ils détiennent comme de tout ce qu’ils ont.

Les biens du pillard repenti doivent être versés au trésor des Musulmans, ou remis à l’autorité qui, à l’instar du Commandeur des Musulmans, les emploiera au mieux de leurs intérêts ; selon cerains, ils doivent être donnés aux pauvres.

En qualité d’indigent il peut conserver une partie de son avoir si celui qui est chargé de le distribuer, est consentant.

Au Vè siecle de l’Hégire, les juristes d’Ifriqiya, pour favoriser la repentance de ces Arabes, rendaient des fatwa-s disant que tous les biens détenus par un Arabe repenti doivent être évalués et leur montant constituer une dette dont il se libère en partie sur le champ et pour le reliquat petit à petit.

Al-Mâzarî a dit que, d’après le raisonnement par analogie (qiyas), les Arabes repentis devraient abandonner sur le champ tous leurs biens, mais qu’on a voulu leur favoriser les choses et qu’au demeurant, la valeur estimative de leurs biens devait être majorée, car une marchandise payable à terme vaut plus que si elle est payée au comptant.