Ps-Sébéos, v.470-576 : Révoltes Mamikoniennes, v. 675

Au temps de Peroz (457-484), roi de Perse, toutes les dignités, les institutions et les lois de la religion chrétienne furent abolies. L’oppression, les persécutions, les outrages pesaient à tel point sur les seigneurs arméniens, qu’ils secouèrent le joug de la servitude, et que Vahan le Mamikonien, s’étant révolté, chassa les Perses et s’empara du pouvoir par la force. Le roi Peroz envoya alors contre lui une nombreuse armée de Huns, et donna l’ordre rigoureux de mettre à mort le rebelle et de passer tous les mâles au fil de l’épée. Le Sparapet Vahan, marche en hâte à sa rencontre avec 30 000 guerriers d’élite. On range troupe contre troupe, front contre front, et les deux armées se précipitent l’une sur l’autre, au son des trompettes, dans la plaine de Geran. Le Verbe de Dieu vint au secours des Arméniens ; il souleva un vent violent, répandit sur l’armée persane des tourbillons de poussière et l’enveloppa de ténèbres en plein midi. Le carnage fut affreux des deux côtés; il n’y avait plus moyen de reconnaître les cadavres de ceux qui tombaient, de savoir si c’était un Perse ou un Arménien. Cependant les Arméniens prirent le dessus, défirent et massacrèrent l’armée persane, mirent en fuite et poursuivirent les survivants, et remportèrent une grande victoire. Ce Vahan recueillit les tributs du pays d’Arménie et reconstruisit les très grandes églises que les Perses avaient détruites à Vagharshapat, à Dwin, à Mzraykh et en beaucoup d’autres lieux. Il organisa et restaura le pays.

[…]

Après lui, son fils Kawat (488-531) régna sur la Perse ;  mais comme la puissance de ses armées était brisée, il ne voulut la guerre avec personne et fit la paix avec tous ses voisins. Il fit aussi un accommodement avec les Arméniens, appela Vahan à la Porte, et le combla d’honneurs. Il lui donna le gouvernement de l’Arménie, avec le Marzpanat, ainsi que la seigneurie des  Mamikoniens (Arméniens Occidentaux), et après avoir reçu serment de pleine soumission, il le renvoya cordialement dans son Pays.

Après Vahan, son frère Vard Patrik occupa l’Ishkhanat, mais il mourut au bout de peu de temps. Des Marzpans persans lui succédèrent, sans toutefois que les Arméniens pussent engager la guerre : ils restèrent dans l’obéissance jusqu’au temps du Marzpan Surên et de Vardan, seigneur des  Mamikoniens (Arméniens Occidentaux).

La 41è année du règne de Khosrow (531-578) fils de Kawat, Vardan se révolta, et, d’accord avec tous les Arméniens, secoua le joug de la royauté persane. Les rebelles tuèrent à l’improviste le Marzpan Surên dans la ville de Dwin ; ils recueillirent un riche butin et se rangèrent sous la domination des Romains.

Un peu avant ces événements, un nommé Vahan, Ishkhan (gouverneur) du pays de Siunik (Arménie Orientale), s’était écarté et séparé des Arméniens. Il demanda à Khosrow, roi de Perse, de transporter les archives du pays de Siunik de Dwin à Phaytakaran et d’ériger cette ville en métropole de l’Atrpatakan (Adhurbaijan), de telle sorte qu’on ne donnât plus aux Siuniks le nom d’Arméniens. Et l’ordre fut exécuté.

L’empereur des Romains (Justin II) engagea par serment vis-à-vis des Arméniens, renouvela l’alliance conclue jadis entre ces deux grands rois, le bienheureux Trdat (III) et Constantin, et envoya à leur secours des troupes impériales, et eux, après avoir reçu ce renfort, marchèrent contre la ville de Dwin, l’assiégèrent, la ruinèrent et chassèrent l’armée persane qui s’y trouvait

Mais il se produisit tout à coup contre eux un violent tumulte parce qu’ils avaient incendié l’église de saint Grégoire, bâtie près de la ville et transformée par les Perses en magasin. De là contre eux un violent tumulte.

[…]

Ce fut contre ce même Vardan que vint en personne le roi de Perse Khosrow, surnommé Anuchirvan, avec une immense armée et des éléphants en grand nombre. Il prit par le canton d’Artaz, traversa le Bagrewand, passa par la ville de Karin (Erzerum), et, poursuivant son chemin, arriva à Mélitène (576) où il dressa son camp vis-à-vis de lui.

Dès le matin du jour suivant, on se hâta de part et d’autre de ranger troupe contre troupe, front contre front, et la bataille s’engagea. La mêlée fut ardente et l’on se battit avec acharnement. Mais le Seigneur livra à la défaite le roi de Perse et toute son armée. Les Perses furent écrasés par leurs ennemis et mis en une déroute complète : ne connaissant pas les chemins par où ils auraient pu fuir, ils allèrent se fortifier sur les bords du grand fleuve nommé Euphrate. Mais les eaux étant venues à grossir emportèrent la multitude des fuyards comme une nuée de sauterelles; bien peu purent se sauver ce jour-là. Cependant le roi, échappé à grand-peine avec un petit nombre d’hommes, trouva un refuge au milieu de ses éléphants et de sa cavalerie, et s’enfuit à travers la province d’Aldznikh jusqu’à sa résidence.

Les vainqueurs s’emparèrent de tout le camp et du trésor royal. Ils prirent la reine des reines et les femmes du roi. Ils enlevèrent la tente consacrée au harem royal, et la litière d’or, d’un grand poids, ornée de pierres précieuses et de perles, que les Perses appellent la « glorieuse litière ». Fut pris également le hrat que le roi faisait toujours transporter avec lui comme un puissant auxiliaire, qui était réputé plus auguste que tous les autres autels de feu, et que les Perses appelaient Athash : il fut englouti dans le fleuve avec le Movpet des Movpets et beaucoup d’autres prisonniers. Dieu soit à jamais béni.

[…]

Pendant son règne, avant la révolte dont nous venons de parler, Khosrow, surnommé Anushirvan, avait affermi la prospérité de ses Etats, car il était pacifique et gouvernait pour le bien public. Lorsque cette révolte éclata, il entra dans une violente colère, car il se croyait à l’abri de tout reproche.

« J’étais, disait-il, le père de tout le pays, et non pas son maître. Je les ai tous traités comme des fils et des amis. Maintenant, ajoutait-il, Dieu leur demandera compte du sang répandu. »

[…]

Il régna 48 ans. A l’heure de sa mort, la lumière de la Parole divine resplendit autour de lui, car il crut en Christ et parla en ces termes :

« Je crois en un seul Dieu, celui qui a créé les cieux et la terre et que les chrétiens font profession de servir, Père, Fils et Saint-Esprit. Il est le seul Dieu, et il n’y en a point d’antre que celui qu’adorent les chrétiens. »

Il ordonna à ses serviteurs d’envoyer pour affaire dans quelque endroit éloigné le chef des mages du palais, écarta les autres de la résidence royale et appela le chef des évêques, qui portait le titre de Eran Kathulikos. Il fut baptisé par lui, ordonna de célébrer l’office divin dans sa chambre, fit lire les oracles de l’évangile du Seigneur et communia en la chair et au sang du Seigneur. Puis il prit congé du catholicos, qui portait l’évangile du Seigneur, et le renvoya chez lui.

[…pendant son règne]

Puis vint Golon Mihran avec 20 000 hommes armés de toutes pièces et beaucoup d’éléphants. Il avait aussi avec lui de nombreux auxiliaires pris dans la foule des peuples innombrables au milieu desquels habite, dans la région montagneuse du Caucase, la nation des Huns. Il avait reçu du roi l’ordre d’exterminer la population de l’Arménie, de détruire, d’abattre, de raser, en un mot de ruiner sans pitié le pays. A son arrivée, à part ceux qui sauvèrent leur vie en restant en quelque retraite inaccessible des montagnes, et ceux qui se réfugièrent en quelque pays éloigné; la plupart ne purent échapper, car l’ennemi passait au fil de l’épée tous ceux qu’il trouvait. Il fit la guerre en Géorgie et fut défait; puis il vint en Arménie et s’empara d’Ankl au moyen d’un faux serment…