Ps-Sébéos, l, Désunion de l'Arménie, v. 675 n-è

[…transfert de la croix à Jerusalem]

Ensuite vint d’Arménie le général de la région romaine, Mzêz Gnuni, qui occupa tout le pays selon les limites susmentionnées. Il dit au Katholikos Ezr d’aller dans la région des frontières et de communier loyalement avec l’empereur, « sinon, nous nous ferons un autre Katholikos, et toi tu exerceras ton pouvoir sur les régions perses ».
Comme le catholicos ne pouvait quitter le pays où s’exerçait son pouvoir, il demanda au roi une confession de foi et immédiatement on lui envoya le livre écrit de la main du roi anathématisent Nestorius et les hérésiarques ; mais le concile de Chalcédoine n’était pas anathématisé. Le Katholikos se rendit en Asorestan, vit le roi et négocia avec lui, selon l’ordre [qu’il avait reçu]. Il demanda an roi pour présent les salines de Kolb ; après avoir reçu le présent, il rentra chez lui en grande pompe. Dans la suite il demeura au milieu du camp des Romains, et le général se prêtait volontiers à ses désirs. Il disposait des distinctions dans l’armée et [présidait à] la distribution des greniers sur tout le pays.

L’Aspet Varaztiroch, nommé par le roi Dzavitean Khosrow, fils du grand Khosrow Shnum, embellit beaucoup le pays des Arméniens ; mais il ne se soumit pas et n’obéit pas au grand Ishkhan qui était dans le pays de l’Atrpatakan et que l’on appelait Khorokh Ormizd, non plus qu’à son fils Rostom après lui, qui était Ishxan dans la région de l’Atrpatakan. Il y eut une grande querelle entre les deux. Ensuite le général de la région romaine, Mzêz, se mit à calomnier l’Aspet auprès de l’Ishkhan Rostom, qui était dans le pays de l’Atrpatakan.
« Qu’il ne reste pas en Arménie, sinon il y aura un grand trouble entre les deux rois. »
Il envoya son frère Garikhpet hiverner à Dwin, afin de se saisir de l’aspet et de ramener. Or comme toutes les troupes perses aimaient l’Aspet, un des Ishkhans l’avertit et lui dit :
« Prends garde à toi, car demain on va t’arrêter ».
L’Aspet, prenant sa femme et ses fils, s’enfuit nuitamment et se rendit à Taron. Arrivé là, il rassembla ses soldats et demanda au roi Héraclius de lui faire serment de ne pas l’éloigner de son pays ; ayant reçu le serment il alla se présenter devant lui dans le pays d’Asorestan. Alors le roi Héraclius lui fit serment et dit :
« Tu resteras près de moi quelque temps ; puis je te renverrai en grand honneur dans ton pays ».
Il l’éleva plus haut que tous les patrices qui étaient dans son royaume et, se rendant au palais, il lui donna une résidence royale, des sièges d’argent et beaucoup de trésors. Son fils Smbat était aimé du grand chambellan d’Héraclius.

Voici le crime commis par le fils de l’empereur Héraclius, dont le nom était Athalarikos ; il blessa profondément le cœur de son père, déchira sa personne merveilleuse et la beauté de son visage et fut cause [de la perte] de sa propre personne et de plusieurs [autres]. De concert avec son frère Théodoros, fils d’Héraclius, surnommé Magistros, avec beaucoup de grands de la ville et Vahan Khorkhoruni, ils tinrent conseil tous pour tuer Héraclius et élever Athalarikos son fils sur le siège royal. Dans ce conseil se trouva Varaztiroch, fils de Khosrow Shnum, Smbat ; mais il n’avait pas été d’accord avec les fils [d’Héraclius] pour tuer le roi ; il dit :
« Vous les appelez lieutenants de Dieu ; il ne faut donc pas être dans celle affaire-là ; pour moi, je ne suis pas d’accord avec vous dans ce dessein ».
Les termes du conseil furent rapportés en entier aux oreilles du roi par un Korator, qui avait assisté au conseil. Le roi, apprenant la chose avec certitude, donna l’ordre d’arrêter de bon matin son fils, son neveu et tous ceux qui étaient avec eux, de leur couper à tous le nez et la main droite. En envoyant un message à l’Aspet, il dit :
« En échange de ce que tu as agi ainsi envers moi et de ce que tu n’as pas voulu verser mon sang et celui de mes fils, je ne verserai pas non plus le tien ni celui de tes fils. Va, reste où je te l’ordonnerai, et je t’épargnerai ».
Bien que plusieurs fois les conseillers eussent crié :
« Qu’il meure », il ne voulut pas les écouter. Il ordonna de le transporter avec sa femme et ses fils dans une île et dans une ville de relégation qu’on appelle Akhsor.
A ce complot avait pris part aussi David Saharuni ; Mzêz l’arrêta et l’envoya au palais. En route, il brisa ses fers et tua les hommes qui l’accompagnaient; il revint et s’attacha les troupes arméniennes. Il attaque Mzêz Gnuni, général de la province romaine, frappe à mort, lui et Varaz Gnel Gnuni ; puis il revêt la dignité de général avec l’assentiment et la bonne volonté de tous les soldats.
Le roi, sur la demande des Ishkhans, le nomme Ishkhan lui-même sur tous ces pays-là, lui décerne l’honneur du Kuropalatate et l’attache à son service. Il conserva le pouvoir pendant 3 ans avec grande magnificence. Ensuite, les soldats lui enlevèrent son pouvoir et le chassèrent ; les nobles, par leur désunion, perdirent le pays d’Arménie. Seul, le pieux Ishkhan du canton des Rshtuni (Van), Théodoros, tenait en ordre les soldats de sa région et restait sur ses gardes nuit et jour, selon sa profonde sagesse ; il faisait beaucoup de mal aux ennemis. En organisant l’île d’Althamar, il sauva plusieurs cantons.