Héraclius fit donc ses préparatifs […] il célébra la Pâques à Constantinople et, après Pâques, s’embarqua pour Chalcédoine. Il donna l’ordre à ses soldats de se rassembler à Césarée de Cappadoce […] Héraclius partit et s’en alla avec 120.000 [hommes], se rendant à la Porte du roi des Perses ; prenant la route des régions du Nord, il se dirigea vers la ville de Karin (Erzerum) et, arrivé à Dwin, dans la province de l’Ararat, il la ravagea ainsi que Nakhshawan.
Marchant sur Gandzak, ce village vaillant, il renverse les autels du grand Pyrée, qui s’appelait Vshnasp ; et le roi Khosrow pressait ses troupes qui étaient sur le territoire romain d’arriver à son secours. Car bien qu’il eût organisé sa cavalerie et qu’il l’eût remise aux mains de Shahên Patgosapan, les troupes étaient peu nombreuses et ne purent résister : il réunit ses trésors à Tizbon et se disposa lui-même à prendre la fuite. Quant aux troupes perses, elles arrivèrent en hâte à Mrkwin. On annonce à l’empereur Héraclius que Khoream est arrivé à Mrkwin. Il prend ses soldats et ses captifs et retourne par le pays fortifié des Mèdes. Il arme à Phaytakaran. On annonce à Khosrow qu’Héraclius s’en est retourné, qu’il est arrivé à Phaytakaran et qu’il veut passer en Géorgie par le pays des Alvans.
Il donne à son général Shahr Varaz l’ordre de prendre les devants ; quant à lui, il arrive de suite à l’Ararat, passe à Gardman, et vient camper en face de lui, dans la seconde Tigranakert (Artsakh). Shahen arrive avec 30 000 hommes et campe sur les derrières d’Héraclius, dans le bourg de Tigranakert. Ceux-ci étaient campés en deçà, les autres au delà et l’armée d’Héraclius entre les deux.
Lorsqu’Héraclius s’aperçut qu’ils l’avaient mis entre eux, il se retourna contre l’armée qui se trouvait sur ses derrières, la heurta avec une violence soudaine et l’anéantit; il se rendit du côté de Klukkh et se répandit dans la région montagneuse, sur la plaine de Nakhshawan durant l’hiver.
Shahr Varaz avec son armée et Shahên avec ceux des siens qui s’étaient sauvés le suivirent. Il traverse alors le gué du fleuve Araxe, [pénètre] dans le hameau de Vrndzunik et campe dans les champs de ce village. L’armée perse arrivée là ne put traverser le fleuve ce jour-là. Héraclius arrive à Bagrewand, passe en Apahunikh et campe dans le village qui s’appelle Hrchmunkh. Quant à Chahr Varaz, il répandit ses troupes à Aliovit et lui-même fit choix de 6.000 braves armés de pied en cap ; il se rendit et s’établit dans le canton d’Artchêch et s’y mit à l’affût pour tomber pendant la nuit sur l’année d’Héraclius.
Héraclius apprend par les espions qu’il avait envoyés que Xoream est arrivé et s’est mis à l’affût pour l’attaquer. Héraclius prend alors des fantassins et des cavaliers d’élite et se jette sur lui avec 20.000 [hommes] ; arrivé à Ali, il trouve une avant-garde de 500 [hommes]. Il les massacre d’abord, et un cavalier échappé [à la mort] arrive à Archêsh (Ajish, Van), annonce à Khoream la mauvaise nouvelle que son ennemi s’est avancé contre lui et qu’ils ont massacré les soldats de l’avant-garde à Ali. Xoream se mit en colère contre cet homme ; il donna l’ordre de lui attacher les mains et les pieds et dit: «
Jusqu’à présent Héraclius nous fuyait ; maintenant que je suis arrivé avec une telle force d’armes, ne me fuira-t-il pas ? Ces paroles étaient encore dans sa bouche que [les ennemis] arrivèrent à la hâte sur eux. Ils cernèrent la ville de trois côtés, l’incendièrent et brûlèrent les troupes de soldats. Si l’un d’eux sortait de la ville pour fuir, on se saisissait immédiatement de lui et on le massacrait. Et aucun d’entre eux ne put échapper à la mort, car le feu immense les dévora tous. Cependant Chahr Varaz se sauva, monté sur un mauvais cheval ; ainsi sauvé, il se rendit auprès de ses troupes qu’il avait rassemblées dans le canton d’Aliovit.
Quant à Héraclius, il prit le butin de leur armée, revint en grand triomphe et arriva dans la région de Césarée, tandis que Shahr Varaz le suivit promptement. Mais comme l’armée était fatiguée, il prit le parti de mettre plusieurs cantons entre [elle et l’ennemi], pour la laisser se reposer et se refaire ; [les troupes] allèrent dans les régions des Asiatiques, s’y répandirent et y prirent leurs quartiers.
Alors Héraclius, prenant ses soldats, revint en Arménie ; il traverse le Shirak, arrive au gué du fleuve Araxe et passe le fleuve près du village de Vardanakert; puis il se répand dans le canton de Gogovit (Ararat). Roshik Vahan et l’armée perse les croyaient en fuite.
Quant à lui, passant par les cantons de Her et de Zarewand, il se dirigea vers Tizbon (Ctesiphon) pour attaquer Khosrow. Lorsqu’il pénétra dans les confins du canton d’Atrpatakan, on en avisa Roch Vehan ; celui-ci prit ses troupes et le suivit dans la ville de Nakhshawan ; il marcha rapidement, nuit et jour, jusqu’à ce qu’il l’eût rejoint ; puis passant de l’autre côté du mont de Zarasp, il tomba sur le pays des Assyriens ; ceux-ci se jetèrent à leur poursuite et eux se dirigeant vers l’Occident, s’en allèrent à Ninive. D’autres troupes arrivèrent de la cour du roi au secours de Rotch Vehan, les meilleurs [soldats] de tout le royaume. Ils opérèrent leur jonction avec les autres [troupes] et poursuivirent Héraclius. Celui-ci les laissa venir jusqu’à la plaine de Ninive et là, faisant volte-face, il les attaqua avec une extrême violence. La plaine était couverte de brouillard, et les troupes perses ne connurent le retour d’Héraclius sur elles que lorsqu’on en était déjà aux mains.
Le Seigneur manifesta tellement sa miséricorde sur Héraclius en ce jour-là que son armée extermina les ennemis comme un seul homme et qu’on tua leur général dans la bataille. Cernant le reste, [les soldats d’Héraclius] voulaient les massacrer tous. Mais eux criaient :
« Seigneur pieux et bienfaisant, aie pitié de nous », alors Héraclius donna l’ordre de les laisser aller, et Héraclius lui-même ordonna de faire invasion dans le pays.
[…victoire romaine, Khosrow est renversé…]